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Dictionnaire de théologie catholique/2. TESTAMENT (ancien et nouveau)

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 15.1 : TABARAUD - TRINCARELLAp. 98-104).

2. TESTAMENT (ancien et nouveau).

Dans la langue ecclésiastique, le mot testament, simple transcription de testamentum latin, lequel traduit d’ordinaire le διαθήκη grec, a un sens très particulier qui ne se rattache que d’assez loin à celui de « disposition testamentaire ». Accompagné de l’une des deux épithètes « ancien » ou « nouveau », le terme désigne en premier lieu l’économie de salut réalisée par Dieu avant et après la révélation terrestre du Fils de Dieu. On parle des institutions de l’Ancien Testament, on dit que certaines d’entre elles oui été abolies sous ou encore par le Nouveau Testament. C’est dans le même sens que l’on dit : l’Ancienne et la Nouvelle Loi et, avec une nuance un peu différente : l’Ancienne et la Nouvelle Alliance. Dans cette acception les mots testament, loi, alliance sont à peu près équivalents.

Par abrégé, les mots Ancien Testament, Nouveau Testament, en sous-entendant le mol histoln disent aussi dis événements dans et par lesquels se sont manifestées ces deux économies de salut : « la vocation d’Abraham, l’apparition de Dieu à Moïse dans le buisson ardent sont deux faits capitaux de l’Ancien Testament ; la mort de Jésus-Christ est le fait central du Nouveau ».

Enfin cette histoire de l’une et de l’autre économie est consignée en deux groupes de livres que l’on désigne eux aussi sous le nom d’Ancien et de Nouveau Testament. On parle du texte, du canon, des versions, de l’interprétation de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’Ancien Testament est l’ensemble des livres inspirés et canoniques antérieurs à Jésus-Christ ; le Nouveau l’ensemble des écrits inspirés et canoniques postérieurs à Jésus-Christ.
I. Le mot « Testament » et la réalité.
II. L’Ancien Testament (col. 186).
III. Le Nouveau Testament (col. 190).

I. Le mot « Testament » et la réalité.

Il est intéressant de voir comment le mot διαθήκη (testamentum) qui, dans la langue classique et le grec hellénistique, signifie, le plus ordinairement « expression des dernières volontés », en est venu, dans le langage scripturaire et ecclésiastique, à l’acception courante d’ « économie de salut ».

A vrai dire le sens premier n’est pas entièrement inconnu dans l’Écriture. Cf. Gal., iii, 15 : « Le testament en bonne forme d’un homme, nul ne peut le casser ou le modifier. » Et Hebr., ix, 16 : « Là où il y a testament, il est nécessaire (pour qu’il soit exécutoire) qu’intervienne la mort du testateur. » Ce sens ne se rencontre d’ailleurs que dans les écrits néo-testamentaires, car l’Ancienne Loi ne connaissait guère le droit de tester.

Pour l’ordinaire, le sens du mot διαθήκη dans la langue du Nouveau Testament est le même que celui de διαθήκη dans les Septante. Or, chez ces derniers, il est, dans l’immense majorité des cas, la traduction du mot hébreu beriṭ, dont il importe de rechercher dès lors la signification exacte.

On s’exposerait à de graves contre-sens en traduisant uniformément le terme hébraïque par « alliance ». C’est quelquefois exact : David et Jonathas font entre eux un « pacte », une « alliance », qui renforce leur mutuelle amitié et la met plus spécialement sous la protection de Jahvé. I Reg., xviii, 3 ; xx, 8 ; xxiii, 18. Ainsi avaient fait jadis Jacob et Laban, tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs ayants-cause, Gen., xxxi, 44-54, où l’on remarquera, d’ailleurs, que Jahvé intervient au contrat, comme garant de son exécution.

Mais, le plus ordinairement, le beriṭ, la διαθήκη dont parlent les textes scripturaires désigne un pacte d’un genre assez spécial : celui qui met en rapport l’homme et la divinité. Cf. Gen., xv, 18 : pacte entre Jahvé et Abraham, scellé par un rite sacrificiel d’un genre très particulier, ibid., 8-11 et 17 ; cf. Jer., xxxiv, 18 sq. Il va de soi que, dans un pacte de ce genre, il n’y a plus, comme dans le cas précédent, égalité entre les contractants : la personnalité transcendante qui intervient fait que l’alliance ainsi conclue entre Dieu et les hommes ne signifie rien de plus, mais aussi rien de moins, que la détermination formelle d’une situation qui déjà existait en droit. Le fait pour l’homme d’accepter sa dépendance par rapport à la divinité ne change rien à la réalité primitive de cette dépendance. Il reste pourtant qu’il y a, de la part de l’homme, une acceptation solennelle d’un état de fait, laquelle renforce les liens qui l’unissaient à Dieu, et que cette acceptation lui donne une sorte de droit à une bienveillance spéciale de la divinité. Étudier à ce point de vue les termes de la διαθήκη conclue au Sinaï, Ex., xix, 5 sq. ; xxiv, 4-11, voir surtout ꝟ. 8 et comparer xxxiv, 10 ; étudier aussi le pacte conclu, à Sichem, par le peuple d’Israël à l’instigation de Josué. Jos., xxiv, 1-28.

En définitive dans un « pacte » de ce genre, le caractère bilatéral est plus ou moins masqué. La διαθήκη qui règle les rapports d’Israël avec Dieu est beaucoup moins une « alliance » que l’expression d’une volonté unilatérale de Dieu. C’est Dieu qui impose, au peuple qu’il a choisi, un ensemble de dispositions spéciales, dont les unes proviennent directement de la nature même des choses, dont les autres sont librement surajoutées par la divinité. Aussi, pour les Septante, le mot διαθήκη prend-il, en dernier ressort, la signification de « disposition », d’ « ordres », d’ « ordonnances » ; il ne traduit plus seulement beriṭ, mais à l’occasion aussi ṭôrah, dâbâr (cf. Deut., ix, 5), ḥôq ; dans les textes poétiques, il vient, en raison du parallélisme, comme équivalent de νόμος (loi), πρόσταγμα (ordonnance), ἐντολαί (commandements), δικαιώματα ou κρίματα (jugements). Il est trop clair que, pris ainsi comme synonyme de νόμος, le mot διαθήκη n’a plus du tout le sens de « pacte », de « traité », d’ « alliance », mais seulement de commandement s’imposant d’autorité. Aussi διαθήκη sera-t-il surtout employé pour la « loi » du Sinaï ; cf. Ex., xxxiv, 27 ; et surtout Deut., iv, 13 : « Jahvé promulgua sa διαθήκη, qu’il vous ordonna d’observer : (c’est à savoir) les dix paroles (commandements), qu’il écrivit sur les deux tables de pierre. » Ces tables de la loi sont conservées dans le coffret sacré, qui de ce fait s’appelle justement l’ « arche d’alliance », κιβώτος τῆς διαθήκης, nommée dans Ex., xxxi, 7, haàrôn la’edut, l’arche du témoignage, tandis que, Deut., xxxi, 26, elle est appelée ’arôn beriṭ Jhvh, l’arche de l’alliance de Jahvé. Ainsi la διαθήκη n’est rien d’autre, en définitive, que la Loi. Le parallélisme des deux expressions est bien indiqué I Mac, i, 59-60 : « Si l’on trouvait quelque part les livres de la Loi, on les déchirait et on les brûlait. Celui chez qui un « livre de l’alliance » était trouvé… était mis à mort. » Comparer Eccli., xxiv, 22 : « Tout cela, c’est le livre de l’alliance de Dieu, c’est la Loi que Moïse a donnée pour être l’héritage de l’assemblée de Jacob. »

Ne mettons pas, d’ailleurs, sous le mot de Loi un concept exclusivement légaliste. Comprise ainsi, la Loi est sans doute un complexe d’institutions de divers genres, mais ce complexe est ordonné au « salut » du peuple et des individus qui composent celui-ci. Nous voici au concept d’économie de salut. Ce sens est très clair dans Jer., xxxi, 31 sq., où est dénoncée la caducité de la διαθήκη donnée au Sinaï et promise une διαθήκη nouvelle ; celle-ci ne sera plus inscrite sur des tables de pierre ; cette loi, Dieu l’écrira dans les cœurs : « Tous connaîtront Jahvé, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, car, dit Jahvé, je pardonnerai leur iniquité et je ne me souviendrai plus de leur péché. » Par où l’on voit que la nouvelle διαθήκη est quelque chose d’intérieur et de moral, une connaissance et une charité, à la différence de l’ancienne qui réglait surtout des attitudes et des gestes extérieurs.

Les écrits néo-testamentaires recueillent ces sens divers du mot beriṭ, transposé en διαθήκη. Le mot intervient neuf fois dans les épîtres pauliniennes. Dans Rom., ix, 4, le sens de « précepte » est si bien conservé qu’il est question, au pluriel, des διαθῆκαι ; cf. Eph., ii, 12. Mais plus fréquent est le sens d’  « économie de salut » ; dans Rom., xi, 27, la référence est même expresse à la promesse de Jérémie. Cette « économie » est donc une économie nouvelle par rapport à l’ancienne ; l’Apôtre et ses collaborateurs en sont les ministres : διάκονοι καινῆς διαθήκης, II Cor., iii, 6. Ces deux économies s’opposent jusqu’à un certain point l’une à l’autre : Agar et Sara en sont les deux types figuratifs : αὕται γάρ εἰσιν δύο διαθῆκαι, Agar représentant la loi de servitude, Sara la loi de liberté. Gal., iv. 24-26. Enfin, tout comme dans les Machabées, le mot διαθήκη désigne le livre même où est inscrite la loi : « durant la lecture de l’Ancien Testament, un voile s’épaissit sur l’intelligence des Juifs. » II Cor., iii, 14.

L’épître aux Hébreux emploie dix-sept fois le terme διαθήκη) et dans le même sens que les épîtres proprement pauliniennes. C’est surtout le sens d’économie qui est au premier plan ; celle à laquelle se sont rattachés les convertis du judaïsme est une διαθήκη, νέα, Heb. xii, 24, une διαθήκη αἰώνιος, xiii, 20, qui garantit à ceux qui s’y rallient l’héritage éternel, ix, 15 ; aussi bien obtiennent-ils par elle la rémission des transgressions commises sous la première διαθήκη. Ibid. Elle lui est donc bien supérieure, vii, 22. Elle avait été dès longtemps annoncée et caractérisée par Jérémie. Heb., viii, 6-13. De cette nouvelle disposition, de cette nouvelle économie de salut, Jésus est le « répondant » , ἔγγυος, vii, 22, celui qui fournit toute garantie à ceux qui l’acceptent ; il en est aussi le médiateur, viii, 6 ; ix, 15 ; xii, 24, entendons celui qui l’a manifestée aux hommes de la part de Dieu, seul qualifié pour transformer la primitive économie de salut. Et, de même qu’au Sinaï la première διαθήκη, pour autant qu’elle comportait une manière de pacte entre Dieu et Israël, a été scellée par un rite sacrificiel, Ex., xxiv, 8, de même la nouvelle a pris vigueur par la mort sanglante de Jésus. Heb., ix, 15 sq. Le sang versé au Calvaire est donc nommé à bon droit le « sang de l’alliance, du testament », Heb., x, 29 ; bien plus coupable, dès lors, que le transgresseur de la Loi est celui qui tient pour profane ce sang de la διαθήκη nouvelle. Ibid. Jouant un peu sur le sens du mot διαθήκη, « disposition ultime prise par un homme » d’une part, et d’autre part « économie de salut » , l’auteur, en un pas où l’enchaînement des idées et la cohérence des images laissent quelque peu à désirer, insiste sur le fait que la mort du testateur est la condition sine qua non pour qu’un testament soit exécutoire. Tout ceci pour conclure que la mort du Christ a donné pleine vigueur à cette διαθήκη qu’il est venu instaurer. Heb., ix, 16 sq.

À cette idée que le sang du Christ scelle la nouvelle alliance, la nouvelle économie, se rattachent fort étroitement les paroles de Jésus lors de la dernière Cène que rapporte saint Paul, I Cor., xi, 25 : - Cette coupe est la nouvelle διαθήκη dans mon sang » , formule toute voisine de celle que fournit saint Luc, xxii, 20. Les deux autres synoptiques l’explicitent quelque peu : C’est mon sang, (le sang) de la διαθήκη, répandu pour beaucoup. Marc., xiv, 24 ; Matth., xxvi, 28. L’allusion, en tout état de cause, est très claire au texte de l’Exode, xxiv, 8 : « (Moïse) prit le sang (des victimes) et en aspergea le peuple en disant : « C’est le sang de la διαθήκη que Jahvé a conclue avec vous sur toutes ces paroles. Et l’épithète de « nouvelle » attribuée à cette διαθήκη renvoie, de toute évidence, à la prophétie de Jérémie sur la substitution a l’ancienne économie d’une économie nouvelle. Ainsi la διαθήκη dont parle au dernier souper, n’est pas son testament « au sens juridique du mot, quand nous parlons de « dispositions testamentaires »; il s’agit bien plutôt d’une fondation, d’une institution, d’un arrangement des réalités salvifiques, qui se substitue à l’ordre de choses ancien, qui réglera désormais les rapports entre l’humanité et Dieu. De cet ordre nouveau la mort sanglante de Jésus est l’inauguration et le calice de la Cène, indéfiniment offert aux croyants, en sera le mémorial.

En dehors de ces textes de l’institution de l’eucharistie, le mot de διαθήκη ne se retrouve qu’une fois dans la Synopse, Luc., i, 72 : « Dieu s’est souvenu de sa διαθήκη sainte (sens d’alliance conjugué avec celui chante Zacharie dans le Benedictus. Une idée analogue s’exprime dans le deuxième discours de Pierre aux Hierolymites, Act. iii, 25 : Ils sont les fils des prophètes et de la διαθήκη que Dieu a établie (διέθετο) avec les patriarches. Le diacre Etienne parle de même de la διαθήκη περιτομῆς, du « précepte de la circoncision » , signe de l’économie de salut établie au temps d’Abraham. Act., vii, 8.

C’est chargé de ces sens divers, s’impliquant d’ailleurs plus ou moins les uns les autres, que le mot διαθήκη, bientôt transposé en testamentam, passera dans la littérature ecclésiastique. L’Épître de Barnabé qui spécule essentiellement sur la substitution d’une économie nouvelle de salut à l’économie ancienne, emploie le mot dans le même sens qu’avait fait l’épître aux Hébreux ; cf. iv, 6 ; vi, 19 ; ix, 6 ; xiii, i, 6 ; xiv, 1 sq.

Mais l’avenir était réservé au sens plus restreint déjà mis en circulation par Paul, II Cor., iii, 14 : « livres où est contenue l’expression de l’économie providentielle. » C’est dans ce sens que Méliton de Sardes parle des livres de l’Ancien Testament : τὰ τῆς παλαῖας διαθήκης βιβλία (dans Eusèbe, H. E., IV, xxvi, 14) et que Tertullien oppose à l’instrumentum marcionite l’instrumentum vel, quod magis usui est, testamentum qui sert de norme à l’Église chrétienne. Adv. Marc., iv, 1. Voir ici l’art. Marcion, t. ix, col. 2012 sq.

II. L’Ancien Testament.

Nous nous contenterons de renvoyer ici aux différents articles soit de ce dictionnaire, soit de celui de la Bible qui traitent des diverses questions intéressant de près ou de loin la théologie et qui peuvent se poser à propos de l’Ancien Testament.

Son contenu.

Quels sont les livres qu’il faut regarder comme faisant authentiquement partie de l’Ancien Testament ? La liste n’en est pas établie de la même manière ni dans l’antiquité, ni aujourd’hui. C’est la question du Canon de l’Ancien Testament, définitivement réglée par le concile de Trente ; voir t. ii, col. 1509-1582.

Son texte.

La plupart des livres de l’Ancien Testament ont été rédigés en hébreu, y compris un certain nombre dont l’original hébreu a disparu ou ne s’est conservé qu’imparfaitement. Ce dernier cas est celui de l’Ecclésiastique, voir t. iv, col. 2028-2031 ; le Ie livre des Machabées, rédigé lui aussi en hébreu (ou peut-être en araméen), ne s’est pas conservé dans sa langue originale, voir t. iii. col. 1499 ; il en est de même pour le livre de Tobie, voir son article ; pour celui de Judith, voir t. viii, col. 1718 ; pour celui de Baruch, voir t. ii, col. 439. et pour les parties deutérocanoniques de Daniel, voir t. iv. col. 57. La partie centrale du livre de Daniel, ii, 4-vii, est rédigée en araméen. Voir t. iv, col. 56.

Ont été rédiges en grec les écrits ou parties d’écrits qui suivent : la Sagesse, voir t. xiv, col. 530 ; le IIe livre des Machabées, voir t. ix, col. 1199-1500 ; les parties deutérocanoniques d’Esther, voir t. v, col. 851. La question de la teneur originale du livre de Job est extrêmement compliquée. Voir t. viii. col. 1483.

On ne peut traiter utilement ici l’histoire du texte grec de l’Ancien Testament. Voir l’art. Versions de la Sainte Écriture. Pour l’histoire du texte hébreu, se reporter à l’étude d’E. Mangenot, art. Texte de l’Ancien Testament, du Dictionn. de la Bible. t. v, col. 2102-2113. Au concile de Trente, il fut un instant question de préciser quel texte hébraïque l’Eglise reconnaîtrait comme authentique. Lors des discussions préparatoires à la ive session, l’idée avait été émise que, en dehors de la correction de la Vulgate latine, fussent prises des mesures pour l’établissement d’un texte hébreu et d’un texte grec corrects. Ainsi opinait, dès le 1er mars 1546, l’archevêque d’Aix : quia correctio veteris Testamenti est principaliter consideranda circa hebrærum et Novi Testamenti circa græcum… ideo deputandi sunt docti in hebræo, in græco… Et bonum esset habere textus antiquos tam in latino quam hebræo et græco qui verisimiliter essent et reputarentur correcti. Concil. Trident., éd. Ehses, t. v, p. 22. À la fin de cette réunion le cardinal de Sainte-Croix, président, déclara retenir la suggestion. Comme l’archevêque d’Aix fut désigné pour faire partie de la commission « des abus de la Sainte-Écriture », il revint sur le sujet dans la congrégation générale du 17 mars : le pape, à qui l’on s’en remettait du soin de donner une telle édition, pourrait faire que l’Église eût un texte grec et aussi un texte hébreu correct. Ibid., p. 29. L’affaire ne revint pas ex professo, si ce n’est qu’à la congrégation générale du 3 avril le cardinal Polus, un des présidents, alors que l’on délibérait sur la reconnaissance de la Vulgate, fit encore cette remarque : neque latina tantum est approbanda sed græca et hebraica, quia debemus pro omnibus ecclesiis providere. Ibid., p. 65. La question fut donc posée en fin de séance sous la forme suivante : Utrum placent habere unam editionem veterem et vulgatam in unoquoque idiomate, græco, hebræo, latino, qua omnes utantur pro authentica ? Mais, quand on alla aux voix, la majorité fut d’avis que fût rejetée l’incise in unoquoque idiomate ce qui réservait le privilège de l’authenticité à la Vulgate latine. Si, plus tard, on se décida à publier un textus receptus des Septante, jamais plus rien ne fut dit d’un texte hébreu officiellement reconnu.

3o Versions de l’Ancien Testament.

Voir plus loin l’article de ce titre.

4o Auteurs.

À chacun des articles consacrés aux divers écrits de l’Ancien Testament on trouvera la discussion de la question d’auteur.

Quant à l’auteur principal, c’est-à-dire Dieu, qui en a voulu la composition, poussé les auteurs humains à les rédiger, a assisté ceux-ci dans leur travail, en telle sorte que ces livres soient vraiment de Dieu, voir l’art. Inspiration, t. vii, col. 2069 sq. Un point sur lequel a beaucoup insisté l’Église, depuis l’apparition du marcionisme, c’est celui de l’unité d’auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament. On sait en effet que l’attribution des livres de l’une et de l’autre alliance à deux auteurs différents : le Dieu juste et borné des Juifs d’une part et de l’autre le Dieu étranger au monde, révélé par Jésus, était 1’ « antithèse » fondamentale de Marcion. Voir t. ix, col. 2020 ; cf. col. 2012. C’est contre quoi se sont élevés d’abord les polémistes catholiques, en premier lieu Irénée et Tertullien. Les formules de ceux-ci ont passé, plus ou moins modifiées dans les règles de foi ecclésiastiques. Ainsi dans le Libellus in modum symboli de Pastor, évêque de Galécie, anathématisme 8 : Si quis dixerit vel crediderit alterum Deum esse priscæ Legis, alterum Evangeliorum, A. S., Denz.-Bannw., n. 28 ; ainsi dans le Symbole de foi de saint Léon IX, remployé aujourd’hui encore dans la consécration des évêques : Credo etiam Novi et Veteris Testamenti, Legis et Prophetarum et Apostolorum unum esse auctorem, Deum et Dominum omnipotentem. Ibid.. n. 348. De même encore dans la formule imposée aux vaudois par Innocent III : Novi et Veteris Testamenti unum eumdemque auctorem credimus esse Deum. Ibid., n. 421. La même affirmation reparaît, dans la Profession de foi de Michel Paléologue émise au IIe concile de Lyon (1274), ibid., n. 464, dans le Décret pour les jacobifes publié par le concile de Florence, ibid., n. 706 et 707. Elle est rappelée désormais chaque fois qu’il est question de la sainte Écriture ; mais, à la vérité, depuis le xiiie siècle, la pointe de l’affirmation n’est plus dirigée contre des théories dualistes, il s’agit seulement de revendiquer le caractère inspiré de l’Écriture tout entière. Il n’empêche que cette affirmation ecclésiastique pourrait être utilement rappelée aujourd’hui à l’encontre des déclarations de l’antisémitisme outrancier, qui semble vouloir couper les liens unissant l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.

5o Interprétation de l’Ancien Testament.

C’est, de fait, en fonction de la Nouvelle Loi que le croyant doit interpréter la Loi ancienne. Celle-ci est la préparation à celle-là : Novum Testamentum in Vetere latet, Vetus Testamentum in Novo patet. Dès avant la Gnose et le marcionisme, les écrivains ecclésiastiques avaient formulé cette grande règle et l’apparition des hérésies dualistes ne pouvait qu’affermira ce sujet les enseignements de la tradition. Ceux-ci trouvaient, d’ailleurs, leur point d’appui dans saint Paul. Dès les débuts de sa carrière apostolique, l’Apôtre, dans l’épître aux Galates, avait précisé ce que la Loi avait été autrefois pour les Juifs, ce qu’elle était devenue pour les chrétiens. Dans l’économie du salut elle avait été donnée aux premiers comme, un pédagogue chargé de les conduire au Christ, mais, abolie dorénavant en droit comme en fait, elle ne s’imposait plus aux fils de la promesse. Voir Gal., c. iii-v. Elle ne laissait pas de fournir, tant par ce qu’elle racontait que par ce qu’elle prescrivait, des leçons précieuses. À plus d’une reprise Paul usait de ce moyen pédagogique. Dans la Ire aux Corinthiens, il tirait un argument des dures leçons que Dieu avait données aux Israélites dans le désert. I Cor., x, 1-13. « Cela, disait-il, était figure de ce qui nous concerne. ꝟ. 6… « cela leur arrivait en figure, et a été mis par écrit pour notre instruction à nous », ꝟ. 7.

En généralisant et en oubliant le contexte, il était aisé de faire dire à Paul que « tout, dans l’Ancien Testament, était figuratif du Nouveau » : Hæc omnia in figura contingebant illis, lit-on dans la Vulgate ; ce qui amena à oublier hæc et à accentuer omnia (lequel d’ailleurs n’existe pas dans le grec : ταῦτα δὲ τυπικῶς συνέβαινεν ἐκείνοις. Toute une école d’interprètes de l’Écriture s’ingéniera dès lors à retrouver sous chaque fait, sous chaque parole, sous chaque mot de l’Ancien Testament une figure ou une prophétie de ce qui devait se réaliser dans le Nouveau. La thèse est exposée aussi explicitement que possible par saint Hilaire dans le préambule de son Liber mysteriorum ; voir l’art. Hilaire (Saint), t. vi, col. 2401. Renchérissant à plaisir sur les données de l’épître aux Hébreux, le pseudo Barnabé ne se contentera pas de déclarer que l’Ancien Testament est tout nôtre, il ira jusqu’à cette affirmation paradoxale qu’en réalité les Juifs se sont trompés sur le sens de la Loi, prenant à la lettre ce qui s’y trouvait prescrit, alors qu’ils auraient dû interpréter au sens figuré les ordonnances et les récits de l’Ancien Testament. Voir Barnabé (Épitre dite de saint), t. ii, col. 417. Sans aller jusqu’à ces excès, l’école d’Alexandrie a fait de l’allégorisme la base de son interprétation de l’Ancien Testament. Voir Alexandrie (École chrétienne d’), t. i, col. 814, 815 ; Origène, t. xi, col. 1507-1508. Elle avait été précédée, dans cette direction, par Philon, t. xii, col. 1444, sous la plume de qui les récits les plus simples de la Bible, les prescriptions les plus terre à terre d’apparence se sublimaient en des mythes philosophiques ou en des règles de morale transcendante. Pour étrange que nous paraisse cette manière d’interpréter l’Ancien Testament en le vidant de sa substance, elle n’a pas laissé de s’imposer à bien des penseurs chrétiens, non pas seulement dans l’Orient, sa patrie, mais dans l’Occident même, dont on pourrait croire qu’il aurait dû y être réfractaire. Tel commentaire de saint Augustin sur la Genèse ne laisse rien à envier aux élucubrations les plus contestables de Philon et d’Origène. A la décharge de ceux qui ont donné dans ces excès, il faut dire que la préoccupation de répondre aux attaques que portaient confie l’Ancien Testament les hérésies dualistes n’a pas été étrangère à la faveur dont a joui si longtemps l’allégorisme biblique. En vidant de leur contenu réel les livres de l’Ancienne Loi, on pensait couper court aux objections qu’en tirait la Gnose, à certains scandales que pouvaient causer telles ou telles affirmations des Livres sacrés. Cette préoccupation apparaît encore dans saint Augustin. S’il a suivi avec délice les homélies d’Ambroise à Milan — et le grand évêque dans ses commentaires de l’Ancien Testament s’inspirait plus que de raison de l’allégorisme alexandrin — c’est qu’Augustin trouvait, dans cette manière d’interpréter la Bible, une réponse aux objections des manichéens.

C’est contre les excès de l’allégorisme, contre la méthode qui veut faire dire à l’Écriture autre chose que ce qu’elle dit (ἄλλον ἀγορεύω), que va réagir, non parfois sans quelque brutalité, l’École d’Antioche. Voir Antioche (École théologique d’), 1. 1, col. 1436 sq. Sur les origines de cette réaction on est assez mal renseigné ; mais on la voit s’étaler largement dans l’œuvre exégétique de Théodore de Mopsueste. Les principaux maîtres de cette école ont pris soin d’étudier et de confronter les deux systèmes d’exégèse. En dépit des critiques qui, à tort ou à raison, ont été faites à Théodore, on ne peut s’empêcher de reconnaître aujourd’hui le bien-fondé des principes sur lesquels il s’appuyait, lui et ceux qui se sont rattachés à lui. Voir l’article Théodore de Mopsueste ci-dessous, col. 248 sq.

Au demeurant il semble bien que l’entente n’est pas impossible à réaliser entre les deux tendances, symboliste et littérale, entre lesquelles se répartissent les exégètes. La première précaution à prendre est de sérier les textes bibliques selon les divers genres littéraires auxquels ils ressortissent : autre est l’interprétation d’un texte législatif, autre celle d’un récit historique, autre celle d’un oracle prophétique, autre celle d’un poème didactique. Au point de départ, d’ailleurs, de cette interprétation doit prendre d’abord place l’intelligence exacte du sens qu’avait dans l’esprit l’auteur du texte considéré. C’est cela qu’il faut d’abord chercher en s’entourant de tous les secours que peut fournir la philologie entendue au sens le plus large du mot. Ce résultat obtenu, chaque texte est à expliquer selon son contexte tant général que particulier. Un dispositif d’ordre législatif s’impose d’abord comme une règle à pratiquer par ceux à qui il est donné : « le 14 nisan, dans chaque famille Israélite se célébrera le repas pascal. « Ex., xii, 1-11. lue narration que rien ne rend suspecte veut dire essentiellement et d’abord ce qu’elle veut dire : pour délivrer Lot, son neveu, Abraham arme ses trois cent dix-huit serviteurs. » Gen. xiv, 14. Un oracle, pour obscur qu’il soit, doit fournir à ceux qui l’entendent un minimum de sens intelligible : le prophète Isaïe annonce que de la souche de David sortira un rejeton qui établira sur la terre un règne de paix et de justice, Is., xi, 1-11 ; c’est dans un avenir, proche ou lointain, qu’il faut chercher la réalisation de cette promesse. Un texte parénétique vise d’abord les auditeurs auxquels il s’adresse ; c’est en se mettant à la place de ceux-ci que l’on a des chances de comprendre au mieux les avertissements donnés, et, par exemple, tout le discours de la Sagesse. Prov., viii, 1-36.

Qu’il soit loisible ensuite à l’exégèse de prolonger, avec sobriété et prudence, les indications fournies par le sens littéral, c’est ce que les croyants ont toujours admis. En donnant à son peuple une législation religieuse, politique, civile, domestique, qui le distinguait des peuples voisins, la Providence avait ses desseins et préparait l’avènement de la « religion en esprit et en vérité » que révélerait un jour le Fils de Dieu. Il n’est donc pas interdit de chercher dans les divers codes législatifs du judaïsme une « ombre », un « type » des réalisations nouvelles qu’apporterait le Sauveur. Ainsi faisait déjà l’auteur de l’épître aux Hébreux. Hebr., ix, 1-14, 23, 28, etc. L’ensemble de l’histoire d’Israël, d’autre part, se trouvant être une préparation à la nouvelle économie instaurée par le Christ, il se peut que Dieu ait fait paraître, au cours même de cette histoire, des personnages dont le caractère, le rôle, l’action exprimeraient quelque chose de ce qui s’est réalisé d’une façon incomparablement plus parfaite dans Jésus. La sagesse et la justice de Salomon sont comme une première ébauche des mêmes vertus qui se manifesteront dans le Sauveur. La passion de Jérémie, Jer., c. xxxvi-xxxviii, n’est pas sans faire penser au drame du Calvaire et l’Église elle-même nous invite dans sa liturgie à faire cette comparaison. Mais c’est ici qu’il faut se garder des rapprochements forcés ; en tablant sur le chiffre de 318 qui s’écrit en grec τιηʹ, en y voyant le nom de Jésus, ιη, mis en croix, τ, et en estimant qu’il était question dans Gen., xiv, 14, de Notre-Seigneur, le pseudo-Barnabé se livre à un petit jeu de rébus qui n’a rien à faire avec une véritable exégèse. Bien plus soigneusement encore doivent être examinés les oracles prophétiques, parce que plus naturelle est la tendance à les interpréter en bloc comme se rapportant, dans leur sens premier et littéral, aux réalisations messianiques. C’est avec beaucoup de justesse que Théodore de Mopsueste a proposé de distinguer parmi les oracles en question ceux qui se rapportent directement aux actions et à la personne du Messie à venir et ceux qui annoncent des événements préfiguratifs de l’ère messianique. A vouloir interpréter dans les prophéties, même de manière simplement typique, tout ce que l’on rencontre en fonction du Sauveur, l’on s’expose à des à-peu-près et, disons le mot, à des calembours indignes de l’exégèse. Saint Thomas d’Aquin lui-même nous fait sourire quand, trop coufiant en la Glose ordinaire, il explique ainsi l’oracle d’Isaïe, iv, t : In illa die apprehendent septem mulieres virum unum : id est septem dona Spiritus sancti Christum. Sum. theol., IIIa, q. vii, a. 3. Que d’autres perles de ce genre on pourrait récolter dans la littérature ecclésiastique ! L’on a pu écrire un livre sur les contre-sens bibliques des prédicateurs. C’est trop souvent aux théologiens que ces contre-sens ont été empruntés ! La littérature parénétique, enfui, s’est moins prêtée que les autres genres littéraires aux applications détournées : somme toute la morale est de tous les âges : pourtant il y aurait bien à dire sur l’utilisation qui a été faite de certains poèmes gnomiques de l’Ancien Testament. Si l’éloge de la femme forte, Prov., xxxi, 10-31, convient de tous points aux femmes chrétiennes, dirons-nous que soient également heureuses toutes les applications qui sont faites à la vierge Marie de tels passages de la littérature didactique, Prov., viii, 22 sq.. ou Eccli.. xxiv, 3 sq. ? En définitive la prudence disons tout simplement le bon sens doit être la règle première de l’interprétation de l’Ancien Testament en fonction du Nouveau. Quelque vénérables que soient les noms sous lesquels s’abrite telle ou telle exégèse, il faut savoir y renoncer, si l’explication en cause choque celle loi fondamentale.

III. Le Nouveau Testament.

Sa composition et son contenu.

Sur la manière dont s’est formé ce tout que nous appelons le Nouveau Testament et sur la façon dont cet ensemble de livres a été équiparé au corpus des Écritures reçu par la Synagogue et accepté dès l’abord par l’Église chrétienne, voir l’art. Canon des livres saints, t. ii. col. 1582 1593. À compléter par le travail du P. Lagrange, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris. 1933. On noiera d’ailleurs que la distinction entre livres protocanoniques et deutérocanoniques du Nouveau Testament n’est pas du même ordre que celle des proto et des deutérocanoniques de l’Ancien. Dans l’ensemble les diverses cou fessions chrétiennes admettent pratiquement le même Nouveau Testament.

On fait ressortir avec raison l’unité du Nouveau Testament, par opposition à la diversité de l’Ancien. Cette unité tient d’abord à la rapidité relative avec laquelle en ont été composés les divers livres. La composition de l’Ancien Testament s’étale sur plus d’un millénaire ; il n’a guère fallu qu’un demi-siècle pour que fussent rédigés les écrits du Nouveau. Cette unité tient encore au fait que tout, ou à peu près, converge, dans la Nouvelle Alliance, vers la personne de Jésus-Christ, médiateur de cette nouvelle économie. Les plus anciens écrits, épîtres de Paul, le prêchent ; les évangiles le racontent ; les Actes montrent le développement de la société fondée par lui : l’Apocalypse le met continuellement en scène. Comme il est dit en ce dernier écrit, Jésus « est l’A et l’Ω, le principe et la fin » , Apoc, i, 8, tant de cette économie que des livres qui la font connaître.

On se tromperait néanmoins si l’on soutenait que toutes les dispositions de la nouvelle économie de salut sont contenues dans cet ensemble livresque que nous appelons le Nouveau Testament. À vrai dire, cette économie a d’abord été prêchée par le Sauveur puis par les apôtres, c’est une parole vivante qui, pendant quelque temps, ne s’est transmise qu’oralement. Ce sont les circonstances qui ont amené les porteurs de la bonne nouvelle à consigner par écrit certains thèmes de leur prédication, ou les méditations que les contingences diverses leur inspiraient. La chose est frappante dans les épîtres pauliniennes. La rédaction des évangiles de son côté tient au désir de faire échapper les récits concernant la personne et l’enseignement du Sauveur aux déformations que ne manque pas de créer la simple transmission orale. Les précisions morales enfin contenues en de multiples écrits néotestamentaires sont amenées par des circonstances que nous connaissons parfois, qui nous échappent en d’autres cas. Bref, le Nouveau Testament ne nous apparaît que comme une partie de cette « prédication apostolique » à7roa-roXi.xôv X7)puY ! i.a, qui a fondé l’Église. Voir pour le développement de cette idée l’art. Tradition.

Ce caractère incomplet du Nouveau Testament ne doit pas faire oublier le prix incomparable de ces Écritures. C’est par elles que nous connaissons, avec le plus de sûreté, tant les événements essentiels de l’histoire évangélique, que les doctrines mises en circulation par le Christ et ses premiers apôtres, que les institutions enfin où s’est abritée dès l’abord la nouvelle économie du salut. De ce que la Réforme du xvie siècle a voulu se régler exclusivement sur la Bible, ce n’est pas une raison, pour les catholiques, de faire fi de la littérature néo-testamentaire et de donner l’impression que le recours aux textes script uraires est une sorte de « manie » protestante. De même que l’on scrute les documents relatifs à l’histoire d’un passé quelconque avec un soin d’autant plus jaloux que ces documents sont plus rares, de même doit-on s’appliquer à l’étude des textes évangéliques et apostoliques avec d’autant plus de religion et de piété qu’ils ne représentent qu’une partie de la catéchèse primitive. C’est seulement au prix de ces restrictions que l’on peut accepter la formule proposée par quelques théologiens de « l’utilité relative » du Nouveau Testament.

Texte du Nouveau Testament.

Tous les écrits du Nouveau Testament sous leur forme actuelle ont été rédigés en ce grec de la Kolvtj, qui, au début de l’ère chrétienne, était parlé couramment dans tout l’Orient romain et même dans une grande partie de l’Occident. Pour ce qui est de la langue du Ier évangile, voir l’art. Matthieu (Saint), it. x, col. 360 sq.

Il ne saurait s’agir ici de faire l’histoire, même som maire, du texte du Nouveau Testament : voir au Dictionn. de la Bible, t. v, col. 21 13-21 35, l’article très au point d’E. Mangenot que l’on complétera par l’étude du P. Lagrange, Introduction à l’étude du Nouveau Testament, 2e partie. Critique textuelle. Ce que le théologien en retiendra, c’est que la recension dite texlus receptus n’a aucune qualité pour s’imposer. Ce textus receptus n’est autre que la 2e édition des Elzévirs de 1633, texte éclectique emprunté à la 4e édition d’Erasme, à celui de la Polyglotte d’Alcala, aux 3e et 4e éditions de Robert Estienne et à la l re de Théodore de Bèze. Les travaux de la critique textuelle du Nouveau Testament, qui ne commencent guère qu’au deuxième tiers du xixe siècle (édition de Lachmann de 1831, encore très imparfaite), justifient de plus en plus l’adage déjà courant au xviiie siècle : Textus receptus sed non recipiendus. Le texte en question n’a fait, d’ailleurs, que nous sachions, l’objet d’aucune déclaration officielle de l’Église. Tout ce que l’on peut dire c’est que le décret de Trente relatif à la Vulgate latine suppose qu’il faut recevoir comme canoniques les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament dans leur intégralité et avec toutes leurs parties, selon qu’ils se trouvent dans ladite Vulgate. Cela suppose la reconnaissance officielle d’un texte grec qui corresponde grosso modo au latin, mais cela n’ôte nullement à la critique textuelle le droit de discuter et finalement d’adopter, s’il y a de bonnes raisons à l’appui, les leçons qui se rapprochent davantage du texte primitif et ne concordent point avec le latin. Voir à l’art. Canon des livres saints, t. ii, col. 1602, la position prise par A. Vacant au sujet de la réception des parties deutérocanoniques du Nouveau Testament. Au fait, il se trouve que c’est pour des raisons de critique textuelle que certaines parties de livres, reconnus eux-mêmes comme canoniques, ont été qualifiées de deutérocanoniques. C’est le cas tout spécialement de la finale du IIe évangile, Marc, xvi, 9-20, et de la péricope de la femme adultère dans Joa., vin, 1-11. On hésitera à qualifier de deutérocanoniques des passages comme Luc, xxii, 43-44 (sueur de sang du Christ au Gethsémani), Joa., v, 3 ft-4 (l’ange de la piscine probatique), et I Joa., v, 7 6-8 ( verset dit des trois témoins célestes) ; et pourtant leur situation aux yeux de la critique textuelle est la même que celle des deux péricopes ci-dessus mentionnées. Sur ce verset des « trois témoins célestes » une décision officielle du Saint-Office, en date du 2 juin 1927, cf. Biblica, t. viii, p. 494 a reconnu les droits de la critique textuelle et autorisé des solutions analogues à celle qui a été exposée ici, t. viii, col. 588. C’est dans le même esprit, semble-t-il, qu’il convient de traiter les problèmes posés non seulement par les quelques passages importants cités plus haut, mais par les innombrables leçons des textes critiques qui s’écartent du texte de la Vulgate. Il va sans dire, d’ailleurs, que, là où des questions dogmatiques se trouvent engagées, la critique orthodoxe doit se laisser guider par le sens catholique et, le cas échéant, par les directives ecclésiastiques. On a discuté longuement, ici même, le cas du récit de la Cène dans Luc xxii, 14 et tout spécialement de l’appartenance au texte primitif des ꝟ. 19 b et 20. Voir t. v, col. 1062-1065, 1073-1077. C’est l’exemple le plus frappant d’un cas que ne sauraient résoudre les simples règles de la philologie.

3o Versions du Nouveau Testament.

Se reporter à l’article de ce titre.

4o Auteurs.

Voir à chacun des articles du dictionnaire où il est question d’un des livres du Nouveau Testament la question de l’auteur.

Il reste à signaler une question plus générale. Peut-on retarder indéfiniment dans le temps la date des écrits néo-testamentaires, attribuer, par exemple, à un auteur du milieu du iie siècle la composition de tel ou tel livre dont l’authenticité — nous ne disons pas la canonicité — n’est pas au-dessus de tout soupçon ? On sait avec quelle hardiesse la vieille école de Tubingue avait, au milieu du xixe siècle, traité les problèmes de ce genre et renvoyé à des dates extrêmement tardives plusieurs, et non des moindres, des écrits du Nouveau Testament. Ces fantaisies ne sont plus guère aujourd’hui que des curiosités exégétiques. Il reste néanmoins un certain nombre de problèmes de date sur lesquels le dernier mot n’est pas dit ; qu’il s’agisse, par exemple, de la II » Pétri ou même des épîtres pastorales en leur rédaction définitive, sans parler de la littérature johannique, l’accord est loin de se faire entre la critique indépendante et la critique ecclésiastique. Celle-ci a-t-elle toute latitude d’accepter certaines suggestions de celle-là ? N’y a-t-il aucune règle théologique qui lui impose de resserrer dans des limites assez étroites les dates de composition des écrits néo-testamentaires ? Plusieurs théologiens l’ont prétendu. Voir ce qui est dit ici à l’art. Apôtres, t. i, col. 1656 : Les apôtres et la clôture de la révélation : « Le courant (de la révélation), écrit l’auteur, ne cessa définitivement et en droit qu’à la mort du dernier des apôtres ; en fait il continua au moins jusqu’à ce qu’eût été écrite la dernière des œuvres inspirées. » Dès lors, continue-t-on, si l’on situe dans les premières années du ii c siècle la mort de Jean l’apôtre, qui semble bien avoir été le dernier survivant des Douze, il n’a pu y avoir après cette date de révélations officielles nouvelles, ni donc de livres inspirés. Aussi la critique ecclésiastique doit-elle écarter a priori toute date de composition d’un écrit néo-testamentaire dépassant notablement les premières années du iie siècle.

Mais il n’est pas difficile de voir les confusions qui se cachent dans cette série de raisonnements. Le mot apôtre, d’abord, prête à équivoque ; la langue néotestamentaire ne le réserve pas exclusivement aux Douze ; Paul est apôtre lui aussi et tout autant Barnabé, pour ne pas parler de Sylvain et de Timothée. D’autre part, même en prenant le mot dans un sens très restreint, en faisant d’apôtre le synonyme de « porteur d’un charisme spécial » , quelle preuve donne-t-on que les révélations divines aient été exclusivement réservées à ces porteurs ? Enfin dans le raisonnement signalé plus haut ne se glisse-t-il pas une confusion entre les deux concepts de révélation et d’inspiration ? Ces diverses remarques n’engagent-elles p ; is à " reconsidérer » la solution a priori que l’on a voulu donner au problème de la datation de certains écrits Déo testamentaires ou à réviser certaines exclusives un peu hâtivement portées ? Il ne s’agit pas d’admel I rc à l’aveugle les hypothèses les plus aventurées des critiques Indépendants, mais il ne convient pas non plus d’exclure a priori des réponses que recommanderait une étude objective des problèmes. La question des auteurs des Livres saints et de leur date de composition esi au premier chef une question de (ait, elle ne pi ni que gagner à être traitée d’abord connue une question de fuit. C’est aux théories à s’assouplir aux fait s. non aux fait s a se plier à des concept ions a priori.

Interprétation du Nouveau Testament.

C’est tout spécialement à l’interprétation du Nouveau Testament que s’appliquent les trois règles fondamentales formulées < l’art. Interprétation de l’Écriture, t. vu. col. 2290-2343. Aussi bien « ’est avant tout non . ne (lisons pas exi lusivement aux livres de la Nouvelle Alliance que l’Église emprunte et l’énoncé de ses enseignements dogmatiques et les formules île ses précepte* moraux, sans compter que seuls les livres en question lui fournissent le cadre historique on s’est donnée, d’une manière définitive, la révélation divine. Plus qu’ailleurs donc il convient de livi i < i le sens primitif des textes en s’entourani de toutes les ressources que fournit la philologie, ce mot étant pris dans sa plus large acception. Nul ne saurait blâmer l’exégète qui met une spéciale acribie à ce premier travail de détermination du sens littéral. La philologie a fait en ces derniers temps de singuliers progrès, qu’il s’agisse du vocabulaire, de la grammaire, de la science des institutions, des reconstitutions historiques, des données chronologiques ou topographiques. A ce point de vue le dictionnaire de G. Kittel, Theologisches WOrterbuch zum Neuen Testament, Stuttgart, 1933 sq. (en cours de publication), est un instrument de travail presque indispensable. C’est de tous ces secours que doit s’entourer l’exégète qui veut fixer d’abord le sens qu’avait dans l’esprit l’écrivain sacré. On ne saurait lui en vouloir s’il lui arrive de proposer, à bon escient, une interprétation du texte qui s’écarte peu ou prou de celles qui étaient jusqu’alors admises. Ce que la théologie peut et doit lui imposer, c’est, quand il s’agit de certains textes, importants parce qu’ils ont rapport à l’assiette de l’enseignement dogmatique et moral, de ne point s’écarter du sens général proposé par l’Église, adopté par l’unanimité des Pères, conforme à l’analogie de la foi. Encore est-il loisible à l’exégète d’ajouter que ce sens « ecclésiastique » a pu n’être perçu que d’une manière encore confuse par l’écrivain sacré et par ses auditeurs et que la réflexion ultérieure en a fait sortir toutes les significations qui y étaient virtuellement incluses.

La recherche du sens littéral n’exclut pas, cela va de soi, l’étude des sens dérivés et des applications pratiques. Paul disait déjà à Timothée : « ’foute Écriture divinement inspirée est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour former à la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfait, apte à toute bonne œuvre. » II Tim., iii, 16-17. C’est là tout un programme de l’utilisation de l’Écriture et spécialement du Nouveau Testament. L’essentiel, quand il s’agit de le remplir, est d’utiliser les Livres saints avec cette prudence, cette sobriété, cette décence qui s’imposent bien davantage encore quand il s’agit de la Nouvelle Alliance. Les paroles du Christ ou des apôtres doivent être traitées avec un souverain respect et ce n’est pas leur témoigner la religion qui convient que. de les détourner violemment de leur sens primitif. C’est de celui-ci qu’il faut d’abord partir, sous peine de tomber dans des applicat ions forcées ou même dans de véritables contre-sens. Les noms Illustres qui couvrent tels ou tels de ces contre sens ne font rien à l’affaire : la méthode allégorique qui a sévi dans l’interprétation de l’Ancien Testament ne s’est pas toujours arrêtée au seuil du Nouveau. Il faut avoir le courage de lui marquer nettement ses bornes.

Se reporter, pour la bibliographie, aux diverses études Signalées au cours de l’article.

É. Amann.