Dictionnaire de théologie catholique/ABRAHAM (Sein d')

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 62-64).

phore du sein expliquée, il reste à rendre raison du choix du personnage. Saint Pierre Chrysologue, Serm., cxxi, P.L., t. lii, col. 531-532, Théophylacte, op. cit., col. 976, et Euthymius, Comment, in Luc, 59, P. G., t. cxxix, col. 1040, ont dit qu’Abraham continue à remplir dans l’autre vie les lois de l’hospitalité, qu’il accomplissait si fidèlement ici-bas. Celui qui recevait sous sa tente les étrangers et les pauvres, Dieu lui-même avec ses anges, reçoit les saints dans la gloire. Mais Tertullien, Advenus Marcion., IV, 34, P. L., t. ii, col. 444, saint Augustin, De anima, iv, 16, n. 24, P. L., t. xliv, col. 538, et saint Cyrille d’Alexandrie, In Joannis Evang., i, 10, P. G., t. lxxiii, col. 181-184, ont, avec plus de raison, rattaché ce choix à la paternité d’Abraham. Comme ancêtre de la race juive, surlout comme père de tous les croyants, Rom., iv, 16, 17, ce patriarche reçoit dans son sein et sur ses genoux tous ses enfants fidèles et les admet en participation de son bonheur. Saint Thomas, Sum. theol., Suppl., q. lxix, a. 4, a adopté cette raison qui correspond parfaitement avec la meilleure explication de la locution métaphorique du sein d’Abraham.

Quant à la nature du bonheur goûté dans le sein d’Abraham, les saints Pères et les commentateurs catholiques l’ont déduite de la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare. Ces deux personnages ont, dans l’autre vie, le sort qu’ils ont mérité sur la terre. L’un repose tranquillement sur le sein d’Abraham comme un enfant sur les genoux de son père ; l’autre est malheureux dans l’enfer. Le riche est torluré dans les flammes et expie dans ces tourments sa sensualité passée et son manque de commisération pour le pauvre ; celui-ci a des consolations qu’il n’a pas eues ici-bas. Une soif dévorante brûle le riche et lui fait demander comme une faveur le rafraîchissement que lui procurerait une goutte d’eau déposée sur l’extrémité de sa langue. Luc, xvi, 23-25 ; Tertullien, De anima, 7, 58, P. L., t. ii, col. 657, 750 ; Dejejuniis, 16, col. 976 ; De idololatria, 13, t. i, col. 680 ; S. Cyprien, Epist., _xii, ad Cornelium, n. 3, P. L., t. iii, col. 800 ; S. Irénée, Cent, hær., 11, 34, 11.1, P. G..l. vii, col. 834-835 ; S. Ambroise, £xposit. Ev. sec. Luc, viii, n. 13, 18, P. L., t. xv, col. 1769, 1770 ; S. Augustin, De anima, iv, 16, n. 24, P. L., t. xliv, col. 538 ; Serm., xxiv, n. 2, t. xlvi, col. 922 ; S. Grégoire de Nysse, In Psalmos, 6, P. G., t. xliv, col. 509 ; Priscillien, Tract., ix, ad populum, édit. Schepss dans le Corpus script, eccl. latin., t. xviii. Vienne, 1889, p. 91 ; Pseudo-Jérôme, Expositio quatuor Evangeliorum, P. L., t. xxx, col. 575 ; S. Pierre Chrysologue, Serm., cxxi, P. L., t. lii, col. 530-532 ; Serm., cxxii, col. 534 ; Serm., cxxiv, col. 541, 543. En résumé, Lazare et les âmes justes qui étaient avec lui dans le sein d’Abraham, jouissaient du repos, de la consolation et du rafraîchissement, bonheur imparfait, qui consistait principalement dans l’immunité de la peine et dans l’attente assurée de la gloire du ciel. S. Thomas, Sum. theol., Suppl., q. lxix, a. 4. Ce lieu de repos et de paix n’était pour Abraham, les patriarches, les prophètes et tous les justes qu’un séjour provisoire, où ils attendaient que Jésus-Christ, qui est la voie et la porte du ciel, vint les introduire au sein du bonheur parfait. Origène, lnlib. Reg., homi. ii, P. Gf., t.xil, col. 1028 ; Raoul Ardent, In epist. et evang. Dom., homil. v, P. L., t.ci.v, col. 1963 ; Robert Pullus, Sent., IV, 17, P. L., t. clxxxvi, col. 823. Cf. Mamachi, De animabus juslorum in sinu Abrahee anle Christi mortem, Rome, 1766.

La position de ce lieu de repos et d’attente est indiquée indirectement par certains détails de la parabole évangélique. Jésus dit que le riche, du lieu de ses tourments, élève les yeux, qu’il voit de loin Abraham et Lazare dans son sein et qu’il hausse la voix pour faire entendre sa prière. Lue., xvi, 23, 24. D’autre part, Abraham répond que le pauvre ne peut intervenir en faveur du damné, parce qu’il existe entre eux un grand abîme qui empêche de passer du séjour des bienheureux à l’enfer des réprouvés. Luc, xvi, 26. Ces renseignements dérivent partiellement de la théologie des rabbins. Selon eux, en effet, le scheôl, ou séjour des morts, était divisé en deux parties : le sein d’Abraham pour les justes et la géhenne pour les pécheurs. Quelques-uns les croyaient distantes d’une palme seulement ou séparées par un mur ; la plupart les mettaient de niveau et les disposaient de telle sorte qu’on pouvait voir de l’une ce qui se passait dans l’autre, quoiqu’il y eût entre elles un grand abîme. E. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, 3e édit., in-8°, Paris, 1885, p. 314. Tertullien, Adversus Marcion., iv, 34, P. L., t. ii, col. 441, distingue les deux séjours, et place la région déterminée, qui est appelée le sein d’Abraham, non au ciel, mais au-dessus des enfers. Saint Augustin, Epist., clxxxvii, de præsentia Dei, 2, n. 6, P. L., t. xxxiii, col. 834, ne sait s’il faut confondre le sein d’Abraham dans lequel Lazare repose, avec le paradis promis au bon larron, ou le mettre dans les enfers. Ce sein semble distinct du paradis et il n’est pas facile de trouver dans l’Ecriture un passage où l’enfer soit pris en bonne part. Par suite, on se demande aussi comment l’âme de Jésus-Christ a pu descendre dans les enfers. Or, s’il faut croire que les deux régions des bienheureux et des malheureux étaient dans les enfers, qui osera dire que Jésus n’est allé que dans la partie où les âmes étaient tourmentées et non auprès de ceux qui reposaient dans le sein d’Abraham’? S’il est venu dans ce sein, il faut l’entendre du paradis promis au bon larron. Cf. De Genesi ad litteram, xii, 33, n. 63, 64, P. L., t. xxxiv, col. 481-482. Saint Grégoire de Nysse, In psalmos, 6, P. G., t. xliv, col. 509, rapprochait le sein d’Abrabarn des chœurs des anges qui y apportaient les âmes et ne pouvait pas le placer en dehors de cette agréable simpbonie angélique. Saint Bruno d’Asti, Comment, in Luc, ii, 38, P. L., t. clxv, col. 423, mettait Abraham, les patriarches et les prophètes en enfer, en ajoutant toutefois qu’ils ne subissaient pas les peines de l’enfer. Haymon d’Halberstadt, Hom. de tempore, homil. ex, P.L., t. cxviii, col. 596, expose la même doctrine. Le cardinal Robert Pullus, Sent., IV, 19-23, P. L., t. clxxxvi, col. 824-827, enseigne que Jésus-Christ est descendu aux enfers, c’est-dire dans le sein d’Abraham, pour en faire sortir les saints qui habitaient la partie la plus élevée de ces lieux inférieurs. Saint Thomas, Sum. theol., Suppl., q. lxxix, a. 7, a adopté lemême sentiment qui, selon Petau, Theol. dogmatic. De incarnat., xiii, 18, n. 5, t. v, p. 372-373, est le sentiment commun des Pères. Il résout les difficultés de saint Augustin. Le sein d’Abraham était, avant l’avènement de Jésus-Christ, le même lieu que les limbes où les âmes des justes goûtaient un repos imparfait et attendaient le bonheur parlait dans la vision de Dieu. Il était distinct de l’enfer des damnés, puisque les âmes n’y soutiraient pas et n’y demeuraient que pour un temps. Quanta la situation, il est probable que l’enfer et les limbes étaient un même lieu, pour ainsi dire continu, mais dont la partie supérieure contenait les âmes justes. Les limbes des patriarches, qui différaient des limbes des enfants morts sans baptême, étaient probablement aussi au-dessus des limbes de ces enfants. Les commentateurs modernes se préoccupent peu de la situation des limbes. Aussi interprètent-ils les images de la parabole, Luc, xvi, 23-26, plutôt de la différence morale que de la distance locale des personnages. Quoique se trouvant en apparence à portée de la voix humaine, ils sont éloignés par un espace infranchissable. Leur séparation sera éternelle et leur sort est irrévocablement fixé’ ; Lazare et Abraham seront toujours heureux, le mauvais riche toujours malheureux ; La volonté de Dieu a établi entre eux un abîme infranchissable, qui rend impossible toute intervention des saints en faveur des damnés et même toute compassion. P. Schanz, Commentar ûber das Evange-Hiim des heiligen Lucas, Tubingue, 1883, p. 122. Cf. S. Bruno d’Asti, Comment, in Luc, ii, 38, P. L., t. CLXV, col. 424.

II. Le sein d’Abraham désignant le paradis.

L’expression « sein d’Abraham » a passé de l’Évangile dans la langue des Pères et des écrivains ecclésiastiques, dans la liturgie, Fépigraphie et la théologie catholique, et même dans l’art chrétien pour désigner le ciel proprement dit, le séjour où les saints voient Dieu dans la gloire. —

Saints Pères. —

Souvent les Pères et les écrivains ecclésiastiques ont employé l’expression « sein d’Abraham », qui signifiait proprement les limbes des patriarches, pour parler du séjour céleste dans lequel Jésus-Christ avait introduit les âmes justes qui attendaient sa venue. Tertullien cependant, Adversus Marcion. , iv, 31, P.L., t. il, col. 444-44-5, en réfutant Marcion qui plaçait dans les enfers pour y être tourmentés ceux qui avaient cru à la loi et aux prophètes et dans le sein d’Abraham pour y être heureux ceux qui avaient obéi à Dieu et à Jésus-Christ, prétend que cette dernière région est destinée à servir de lieu de rafraîchissement à toutes les âmes justes, même à celles des païens convertis au christianisme, en attendant la consommation des siècles et la résurrection de la chair. Seuls, les martyrs vont directement au paradis pour jouir aussitôt de la récompense méritée par leurs combats. De resurrectione carnis, 17, t. ii, col. 817-818. Cf. L. Atzberger, Gesehichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicânischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 303314, Origène, InNum., homil. xxvi, n. 4, P. G., t. xii, col. 776, assure que l’autre siècle est appelé sein d’Abraham ou bien paradis. Saint Ambroise, De obitu Valentiniani, 72, P. L., t. xvi, col. 580 ; saint Augustin, Confess., ix, 3, t. xxxii, col. 765 ; saint Grégoire de Nazianze, In laitdem Cœsarii fratns, 17, P. G., t. xxxv, col. 776, ont espéré que les âmes de leurs parents ou de leurs amis reposaient dans le sein d’Abraham. Ce dernier a désiré pour lui le même bonheur, Poemala de seipso, P. G., t. xxxvii, col. 1013, 1445. Saint Augustin, Qusest. evang., ii, 38, P. L., t. xxxv, col. 1350, a défini le sein d’Abraham « le lieu de repos des bienheureux pauvres en esprit à qui appartient le royaume des cieux dans lequel ils sont reçus après cette vie ». Cette définition a été reproduite par le vénérable Bède, In Lucas Ev. erposit., vi, P. L., t. xcii, col. 535 (cf. Ilom., i, t. xciv, col. 270), parSmaragde, Collectiones inEpist., et Ev., t. en, col. 250, par Raban Maur, Hom.in Ev.et Epist., liomil.i.xxvii, P.L., t. cx, col.295, etparIIaymond’Halbers-Uiûl, IJom.de le » ipure, homi. CX, P.L., t. CXVUl, col.592.

Liturgies.

Toutes les liturgies contiennent au nombre des prières que l’Église adresse à Dieu pour les défunts celle par laquelle elle demande que les animes emportent l’âme dans le sein d’Abraham, c’est-à-dire au céleste séjour. Pour la liturgie de saint Basile, voir Renaudol, Lilurg. orient, collect., Paris, 1716, t. I, p. 72, et pour la liturgie grecque, Goar, Eù-/oXo-pov sive Rituale Grœcorum, Paris, 1647, p. 532, 538, 540. La liturgie romaine comprend la même demande dans les prières de la recommandation de l’âme et des obsèques ; elle applique la parabole du pauvre Lazare à saint Martin, évêque de Tours, à la cinquième antienne des Laudes de son office, au Il novembre.

Épigraphie.

Les épitaphes chrétiennes des premiers siècles reproduisent de nombreuses formules par lesquelles les survivants souhaitent à leurs chers défunts le bonheurduciel.Parmielles, Martigny, Dict.des antiq. chrétiennes, 1877, p. 577, en rapporte deux qui parlent du repos dans le seind’Abraham et des patriarches. Dict. d’archéologie chrétienne, l. I, col. 1521-1542.

L’art chrétien a employé, pendant tout le moyen âge, mais surtout au XIH 8 siècle, l’image du sein d’Abraham pour représenter le lieu de la paix et du repos dans l’autre vie. On la voit dans les sculptures des cathédsales de Paris, de Chartres, d’Amiens et de Beims, dans les vitraux de Bourges. Grimouard de Saint-Laurent, Guide de l’art chrétien. Paris, 1874. t. iv, p. 254-255, 507-508 : Ch. Cerf, Histoire et description de Notre-Dame de Reims, t. ii, p. 49.

Théologiens. —

C’est donc avec raison que les théologiens catholiques ont conservé l’expression « sein d’Abraham » pour désigner le ciel. Saint Thomas, Sum. I licol., Suppl., q. lxix, a. 4, in corp. etad2um, a justifié cet emploi. Bien que, dit-il en substance, le sein d’Abraham ait signifié les limbes avant l’avènement de Jésus-Christ, rien n’empêche qu’après cet avènement, il ne désigne le ciel. En effet, le sein d’Abraham, qui indique le repos des justes, n’était uni aux limbes des patriarches, où ils jouissaient d’un repos incomplet, qu’accidentellement. Or les objets qui ne sont unis qu’accidentellement peuvent être séparés. Ainsi le sein d’Abraham a pu passer de l’enfer au ciel, où les saints voient Dieu et sont parvenus au terme complet de leurs désirs. E. Manwenot.

2. ABRAHAM BARD-SHANDAD, surnommé « le boiteux », auteur nestorien du viiie siècle, a écrit une Catéchèse (martyânûtâ), une Dispute contre les Juifs, le Livre de la voie royale, des discours, des lettres, une traduction de l’abbé Marcos, auteur ascétique. Jesu bar-Nun et Abu-Nuh, peut-être aussi le patriarche Timothée, furent ses élèves. Une partie de ses œuvres ont été conservées, dans un manuscrit du British Museum (Add. 17270).

Voir Assémani, Bibl. or., t. iii a, p. 501 ; cf. p. 179, 194, 190, 212 ; Badger, The nestorians and their rituals, Londres, 1852, t. ii, p. 375.

J. Parisot.

3. ABRAHAM DE BASRA, évêque nestorien de Shahruz, puis métropolite de Basra après 987, est mentionné par Abdiésu pour avoir donné une interprétation (pusâqâ, version ou commentaire) de Théodore de Mopsueste. Il écrivit aussi de nombreuses lettres sur divers sujets. Voir Abdiésu, Catalog. dans Assémani, Bibl. or., t. iii, a, p. 175.  J. Parisot.

4. ABRAHAM DE BASRA est l’auteur d’un Dialogue avec un moine du Sinaï sur l’Institution monastique. La traduction arabe de cet ouvrage est contenue dans un manuscrit arabe du xv. Cod. vat. arab., 127. Assémani, Bibl. or., t. iii a, p. 610.  J. Parisot.

5. ABRAHAM DE CRÈTE Barthélémy, évêque grec, a traduit en latin l’Histoire du concile de Florence jusqu’au départ des Grecs, composée probablement par Dorothée, archevêque de Mytilène. Cette traduction, entreprise à la demande de l’archevêque de Ravenne, Benoit de Accolitis, parut à Borne en 1521 ; elle est souvent défectueuse ; on lui préfère la version de Jean-Matthieu Caryopoulos. Par une singulière aberration, Abraham de Crète donne à l’assemblée de Florence le nom de huitième concile œcuménique, comme si les conciles généraux célébrés depuis 787 (deuxième concile de Nicée) ne comptaient pas. Baronius l’en a repris avec une extrême vivacité. Annales ecclesiastici, année 869.

Bini, Concilia generalia et provincialia græca et latina, Paris, 1636, t. viii ; Notæ in concilium Florentinum ; Hergenröther, Histoire de l’Église, trad. Belet, Paris, 1888, t. iv.

V. Oblet.

6. ABRAHAM ECCHELLENSIS, ainsi surnommé du nom de Hékel, village du mont Liban, où il naquit, fit ses études au collège maronite de Rome et publia dans cette ville en 1628. une grammaire en langue syriaque à l’usage de ses nationaux, qui se servent de celle langue dans leurs offices liturgiques. Il enseigna les langues orientales, c’est-à-dire le syriaque et l’arabe, à la Propa