Dictionnaire de théologie catholique/CALVINISME

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 42-54).

CALVINISME, doctrine de Calvin et de ses sectateurs. Calvin dérive de Luther. Malgré tontes les différences de race et de génie qui les distinguent et même les séparent, il n’est pas difficile de signaler leurs points de contact. Les idées émises par Luther étaient en circulation depuis plus de quinze ans lorsque Calvin publia la 1re édition de son Institution chrétienne et Calvin lui-même les avait reçues d’Olivétan et de Wolmar. Le point de départ des erreurs de Calvin doit donc être cherché dans Luther. Aussi, renvoyant le lecteur aux articles Luthéranisme et Protestantisme, nous nous bornerons ici à dire :
I. Ce que Calvin a emprunté à Luther à savoir :
1° la règle de foi. tirée de l’Écriture sainte ;
2° la théorie de l’ordre surnaturel, du péché originel et de ses conséquences, notamment quant au libre arbitre ;
3° le système de la justification et du rapport de la foi et les œuvres.
II. Ce que Calvin a ajouté de personnel aux données primitives de la théologie luthérienne, à savoir :
1° la doctrine de l’inamissibilité de l de la certitude du salut ;
2° celle de la prédestination absolue.
III. Ce que Calvin a modifié dans les doctrines luthériennes, à savoir :
1° la doctrine de l’Eglise ;
2° celle des sacrements.
IV. Méthode de Calvin ; jugement et conclusions.

L’ordre que nous adoptons nous permettra, tout en marquant le rapport de Luther et de Calvin, de donner un exposé systématique de la doctrine calviniste et de suivre à peu près les développements de l’Institution chrétienne, ce livre qui, constamment repris et travaillé par Calvin demeure l’exposé le plus méthodique et le plus complet île la théologie propre à la nouvelle secte. Nous rappelons que l’Institution chrétienne, sous sa forme définitive, se divise en quatre livres : le ler « qui est de cognoistre Dieu en tiltre, en qualité de créateur

et souverain gouverneur du monde » ; le IIe « qui est de la cognoissance de Dieu, en tant qu’il s’est monstre rédempteur en Jésus-Christ : laquelle a esté cognue premièrement des pères sous la loy, et depuis nous a esté manifestée en l'Évangile » ; le IIIe « qui est de la manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, des fruits qui nous en reviennent, et des effects qui s’en ensuivent » ; le IV 5 « qui est des moyens extérieurs, ou aydes, dont Dieu se sert pour nous convier à JésusChrist son fils et nous retenir en luy ».

Nous citerons l’Institution chrétienne d’après l'édition française de 1560, rééditée en 1888 par Frank Baumgartner. Nous nous appuyerons aussi principalement, dans cet exposé de la doctrine calviniste, sur la Confession de foi de Genève de 1537 et sur la Confession de foi des Églises de France de 1559, documents antérieurs à la mort de Calvin et émanés de lui. Corpus reformatorum, Opéra Calvini, t. ix, xxii.

I. Ce que Calvin a emprunté a Luther.

1° La règle de fui ; l’Ecriture sainte. — Luther, en révolte contre l’autorité de l'Église et la niant, avait été amené à se réclamer uniquement de la parole de Dieu, contenue dans la sainte Écriture. Calvin tira toutes les conséquences logiques de ce principe.

Dieu, dit-il, se révèle à l’homme par la nature et par la raison ; mais l’ignorance et la passion rendent obscure cette révélation ; il fallait donc un moyen plus sûr pour conduire l’homme à Dieu ; la bonté divine l’a employé. Dieu nous a révélé lui-même ce que nous devions savoir et a conservé par sa providence les révélations qu’il a faites : elles sont contenues dans la sainte Écriture. Nous avons donc dans l’Ancien et le Nouveau Testament tout ce qui est nécessaire pour connaître Dieu, nos obligations envers lui et nos devoirs envers les hommes. Dans la Confession de foi de Genève, de 1537, nous lisons : « La Parolle de Dieu. Premièrement, nous protestons que pour la reigle de notre foy et religion nous voulions suyvre la seule Escripture, sans y mester aucune chose qui ayt esté controuvée du sens des hommes sans la Parolle de Dieu ; et ne prétendons pour notre gouvernement spirituel recevoir aucune doctrine que celle qui nous est enseignée par icelle parolle, sans y adjouster ne diminuer, ainsi que N.-S. le commande. »

L’art. 3 de la Confession de foi des Églises de France, de 1559, énumère les livres canoniques. De l’Ancien Testament, sont retranchés Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, les Machabées. Le Nouveau Testament demeure tel que pour l'Église catholique : Calvin, au contraire de Luther, garde même. l’Epitre de saint Jacques, plus soucieux en cela de ne pas mutiler les écrits du Nouveau Testament que démettre sa doctrine en harmonie avec ces pages si claires et si décisives de la sainte Écriture.

Mais comment savons-nous que ce que nous appelons l'Écriture sainte est en effet révélé? Comment distinguons-nous les livres canoniques des apocryphes ? Voir Canon des Livres saints. Le critère calviniste diffère de celui de Luther, qui s’en rapportait pour ce discernement à sa propre doctrine sur la justification par la foi. L’art, i de la Confession des Eglises de France répond : « Nous connaissons ces livres être canoniques et la règle 1res certaine de noire foi, non tant par le commun accord et consentement de l'Église que parle témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit qui nous les fait discerner d’avec les autres livres ecclésiastiques, sur lesquels, encore qu’ils soient utiles, on ne peut fonder aucun acte de la foi. » Calvin dit encore : « Quant à ce que ces canailles dis papistes) demandent dont et comment nous serons persuadés que l’Escriture est procédée de Dieu, si nous n’avons refuge au décret de l'Église : autant comme eï aucun s’enqueroit dont nous apprendrons à discerner la clarté des ténèbres, le blanc « lu noir, le doux de l’amer. * lml. chrét., 1. 1, c. vii, n.'2, p. 35.

L’art. 5 de la Confession des Eglises fait en trois lignes le procès de toute la tradition qualifiée d’inventions humaines. L'Écriture est la règle de la vérité « dont il s’ensuyt que ni l’antiquité, ni les coutumes, ni la multitude, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les édits, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne doivent être opposés à cette Écriture sainte ».

Si le témoignage et la persuasion intérieure du Saint-Esprit suffisent à chaque fidèle pour discerner la canonicité de tel livre et le sens de tel passage, on peut se demander en vertu de quelle délégation du Saint-Esprit, les députés du synode de 1559 s’arrogeaient le droit de dresser une liste officielle des livres canoniques ? En quoi ce procédé se distingue-t-il de celui du concile de Trente, avec cette différence qu’il est en harmonie parfaite avec le principe de l’Eglise catholique et en parfaite contradiction avec le principe de l'Église réformée ?

La raison individuelle de chaque fidèle est, en dernière analyse, constituée juge sans appel du caractère des Livres saints et de ces livres seuls dépend toute la croyance. Bossuet tire admirablement la conséquence : « Ainsi les décrets des conciles, la doctrine des Pères, et leur sainte unanimité, l’ancienne tradition du saintsiège et de l'Église catholique, n’ont plus été comme autrefois des lois sacrées et inviolables. Chacun s’est fait à soi-même un tribunal où il s’est rendu l’arbitre de sa croyance ; et encore qu’il semble que les novateurs aient voulu retenir les esprits en les renfermant dans les limites de l'Écriture sainte, comme ce n’a été qu'à condition que chaque fidèle en deviendrait l’interprète, et croirait que le Saint-Esprit lui en dicte l’explication, il n’y a point de particulier qui ne se voie autorisé par cette doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses erreurs, à appeler Dieu tout ce qu’il pense. » Oraison funèbre d’Henriette de France, édit. Rébelliau, p. 100.

Après avoir établi l’Ecriture comme la seule règle de notre croyance, Calvin recherche ce qu’elle nous apprend de Dieu. Le même art. 5 de la Confession des Eglises admet les trois symboles des apôtres, de Nicée et d’Alhanase « parce qu’ils sont conformes à la parole de Dieu ». L’art. 6 condamne les erreurs relatives à la trinité : « Et en cela, avouons ce qui a été déterminé par les conciles anciens et détestons toutes sectes et hérésies qui ont été rejetées par les saints docteurs, comme saint Ililaire, saint Athanase, saint Ambroise, saint Cyrille. » En ceci encore, Calvin semble déroger à son principe. Primitivement, il avait soutenu qu’on n’est pas obligé de s’en tenir aux formules anciennes sur la trinité, ni même aux mots trinité, substance, personne, etc., mais, à la suite de la grande polémique avec Caroli, pour éviter les accusations qui pesaient sur lui et les erreurs que faisait naître une trop grande liberté' d’expression, il s'était rallié auxdites formules, notamment à celles de saint Athanase. Voir Doumergue, Calvin, t. ii, 1. 11, c. v. Le début de la Confession soumise au synode de Lausanne (mai 1537) disait : « Il ne faut chercher Dieu que dans sa Parole, ne rien penser de lui que selon sa Parole, ne parler de lui qu’avec sa Parole. » Ceci était dans la logique du principe posé par Calvin.

2° La théorie de l’ordre surnaturel, du / lincl

et de ses conséquences, notamment /punit au libre arbitre. — Après avoir, tant dans Y Institution chrétienne que dans les Confessions de foi, parlé de la en ation el de la providence, Calvin en venait à se demander quel est l'état de l’homme sur la terre et comment l’homme déchu est racheté par Jésus-Christ. Sur cette mal encore, il se rattache étroitement au système lutin rien el se borne à le présenter avec plus de méthode et de logique, sans ces écarts de forme paradoxale, passion11Ol

CALVINISME

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née, piltoresque, qui donnent tant de de aui écrite du réformateur allemand.

Ainsi que l’a 1res bi< n mi ntré Mœhler, au début de sa Symboliqut. l’erreur fondamentale i i commune d( systèmes protestants i la confusion qu’ils font entre l’ordre de la nature i ' l’ordre de la grâce à l originedu genre humain, dam l'état primitif de l’homme. Suivant ces systèmes, ; >ns accordés à l’homme innocent faisaient partie des ssence et lui étaient dus par

le créateur. La > octifiante était l’apanage né cessaire et naturel de l’humanité avant la chute primitif e.

Cette confusii les deux ordres, Calvin la fait. « Dieu donque.1 garny l'âme d’intelligence, par laquelle elle peut dise rnei h bien du mal, ce qui est juste d’avec ce qui est injuste, et voir ce qu’elle doit suyvre ou fuir, estant conduite par la clarté de raison. Parquoy ceste partie qui adresse a été nommée par les philosophes gouvernante comme en supériorité. Il luy a quant et quant adjousté la volonté, laquelle a avec soy l'élection : ce sont les facultez dont la première condition de l’homme a esté ornée et anoblie ; c’est qu’il eust engin, prudence, jugement et discrétion non seulement pour le régime de la vie terrestre, mais pour parvenir jusques à Dieu, et à parfaite félicité : et puisqu’il y eust élection conjointe, laquelle guidait les appetis, modérant aussi tous les mouvements organiques qu’on appelle : et ainsi que la volonté fust conforme du tout à la reigle et attrempence de raison. En ceste intégrité' l’homme avoit franc arbitre, par lequel s’il eust voulu, il eust obtenu vie éternelle. > Inst. chrét., I. I, c. xv, n. 8, p. 89. De cette confusion première résulte inévitablement la théorie du péché originel et de ses suites. La chute du premier homme n’a pas seulement blesse, mutilé la nature humaine ; elle l’a substantiellement changée, et il n’est plus resté en elle que misère et corruption. « Ce qui est le plus noble et le plus à priser en nos âmes, écrit Calvin, Inst. chrét., t. II, c. 1, n. 9, non seulement est navré et blessé, mais du tout corrompu, quelque dignité qui y reluise, en sorte qu’il n’a pas seulement mestier de gairison, mais faut qu’il veste une nature nouvelle… Tout l’homme est accablé comme d’un déluge depuis la teste jusques aux pieds, en sorte qu’il n’y a nulle partie de luy exempte dépêché, et par ainsi que tout ce qui en procède est à bon droit condamné et imputé à péché. » « En sorte, dit l’art. 9 de la Confession de foi des Églises de France, que sa nature est du tout corrompue ; et, étant aveugle en son esprit et dépravé' en son cœur, a perdu toute intégrité sans en avoir rien de résidu. »

D’où ces diverses conséquences : 1. que l’homme n’est plus libre, mais qu’il obéit nécessairement soit à la délectation de la grâce, soit à la délectation de la concupiscence ; 2. que toutes les œuvres de l’homme, en dehors de la foi chrétienne, sont des péchés, même les meilleures ; 3. que les u’uvres même du juste sont intrinsèquement des péchés, seulement des péchés que couvre et que dissimule la grâce de JéSUS-Christ.

On sait avec quelle verve intarissable, quel luxe de comparaisons, quelles saillies bouffonnes, Luther s’attaque au libre ai luire et fait de la négation radicale de la liberté' humaine un des principes fondamentaux de sa théologie. Calvin n’a rien de cette joyeuseté tudesque ; mais s’il est moins piquant et moins sarcastique, il n’est pas moins formel que l’ancb n religieux augustin sur cette grande question métaphysique et morale.

Pour lui comme pour Luther, le franc arbitre est un vain mol dont les pélagiens de notre temps, c’est-àdire les sophistes de Sorhonne », Inst. chrét., 1. II. c. 111. n. 13, abusent pour déprécier les droits de Dieu. Depuis le péché originel, il n' a plus de liberté ; et si un instant Calvin, comme Luther, recule effrayé devant cette conséquence exti ême d’un faux principe, ce ne sera que pour

éluder la difficulté à l’aide d’une distinction déjà formulée par Luther et que devaient reproduire plus tard liaius et Jansénius, à savoir qu il suffira, pour donner lieu à la responsabilité, c’est-à-dire au m< rite et iu d. m 1 c’est-à-dire encore à la sanction de la loi moralet religieuse, que l’homme ne soit pas contraint bien qu’il ité, et ainsi il pourra pécher volontaires* c’est-à-dire mériter justement une punition, quoique d’ailleurs il ait été nécessité à pécher.

1 on lui objecte que, dance cas, c’est une dérision et une moquerie de la part de Dieu que d’avoir commandé aux hommes le bien, la justice, la vertu, il répondra hardiment, comme Luther, qu’on ne peut rien ai. îles commandements faits par Dieu à l’homme, l’intention de Dieu avant été justement de 1 commander à l’homme ce qui était par-dessus sa vertu pour le bien convaincre de son impuissance ». Inst. chrét., 1. II. 1 n. 'i-(i, p. 146.

De ces assertions voici la preuve : Inst. chrét., I. II, c. Il : Que l’homme est maintenant dé), ouille de franc arbitre et misérablement assujetti ù tout mal. Les philosophes ont bien essavé d'établir le libre arbitre et les philosophes païens l’ont glorifié. Les Pères se laissé à tort influencer par eux : « Quant est, dit Calvin, ibid., n. 3, des docteurs de l’Eglise ebrestienne, combien qu’il n’y en ait eu nul d’entre eux qui n’ait recognu la raison estre fort abbatue en l’homme par le péché' et la volonté estre sujette à beaucoup de concupiscences, néanmoins la pluspart a plus suyvi les philosopbes qu’il n’estoit mestier. Il me semble qu’il y a eu deux raisons qui ont meu les anciens l'ères à ce faire. 1° Ils craignoyent s’ils ostoyent à l’homme toute liberté de bien faire que les philosophes ne se moquassent de bur doctrine ; 2 n que la chair laquelle est assez prompte à nonchalance ne prit occasion de paresse pour n’appliquer son estude à bien. »

Calvin cite plusieurs passages de saint Jean Chrysostome et de saint Jérôme où il est parlé du libre arbitre, et il ajoute : « En ces sentences, ils ont attribué plus de vertu à l’homme qu’ils ne devount. Il apparaistra que leurs paroles que nous avons récitées sont fausses pour en dire franchement ce qui en est. Combien que les docteurs grecs pardessus les autres, et entre eux singulièrement saint Chrysostome aient passé même en niagnifiant les forces humaines, toutefois quasi tous les anciens Pères (excepté saint Augustin) sont tant variables en cette matière ou parlent si douteusement ou obscurément « pion ne peut quasi prendre de leurs écrits aucune certaine résolution. Les autres écrivains qui sont venus après sont tombés de mal en pis jusques à ci' qu’ils ont amené le monde en cette opinion que l’homme ne fût corrompu sinon en la partie sensuelle, et que cependant il eut la raison entière et pour la plus grand part liberté en son vouloir. »

X. 6. « C’est une chose résolue que l’homme n’a point libéral arbitre a bien faire, sinon qu’il soit aidé de la grâce de Dieu et de grâce spéciale qui est donnée

aux élus tant seulement, par régénération, car je I là les frénétiques qui babillent qu’elle est indifféremment exposée à tous. »

X. Il Qu’est-ce « pic nous présumons tant de la puissance de notre nature ? Elle est navrée, elle est abattue, elle est dissipée, elle est détruite, elle a ne de vraie confession et non point de fausse défense. 11 est nécessaire que toutes les armes d’impiété soient brisées, rompues et brûlées, — que lu demeures désarmé n’ayant en toi nulle aide. — Hantant que tu es plus débile en toi, Dieu te reçoit tant mi' U

C. 111. n. 5 : I Ce que le dis. la volonté estre dépouillée de liberté et nécessairement estre tiré-eau mal, merveille si quelqu’un trouve cette manière de parler étrange, laquelle n’a nulle absurdité el a été usitée des anciens docteurs… Qui est ce qui arguera le péché n’estre point volontaire en l’homme, pour ce qu’il est sujet à nécessité de péché ? La nature de l’homme est si perverse qu’il ne peut être ému, poussé ou mené sinon au mal. »

N. 6. « Tout ce qui est de bien au cœur humain est œuvre de pure grâce. »

N. 10. « Dieu émeut notre volonté, non pas comme on a longtemps imaginé et enseigné, tellement qu’il soyt après en nostre élection d’obtempérer à son mouvement ou résister ; mais il la meut avec telle efficace qu’il faut qu’elle suyve. Ce qu’on lit souvent en Chrysostome ne doit point être reçu, c’est que Dieu n’attire sinon ceux qui veulent être attirés. En quoy, il signifie que Dieu, en nous tendant la main, attend s’il nous semblera bon de nous aider de son secours. Nous concédons bien que du temps que l’homme était encore entier, sa condition estoit telle qu’il se pouvoit incliner d’une part et d’autre, mais puisque Adam a déclaré par son exemple combien est povre et misérable le franc arbitre, sinon que Dieu veuille en nous et puisse tout, quelle profit aurons-nous quand il nous départira sa grâce en telle manière ? » Au n. 11, Calvin développe l’idée que la persévérance ne s’explique point par la coopération de l’homme à la grâce de Dieu. C’est toujours Dieu qui fait tout, ce qui est montré au chapitre suivant :

C. iv. Comment c’est que Dieu besongne aux cœurs des hommes. — N. 1. « Je pense que nous avons suffisamment prouvé comment l’homme est tellement tenu captif sous le joug de péché, qu’il ne peut de sa propre nature ne désirer le bien en sa volonté, ne s’y appliquer. Davantage nous avons mis la distinction entre contrainte et nécessité : dont il appert que quand l’homme pèche nécessairement, il ne laisse point de pécher de sa volonté. Mais pour ce que quand on le met en servitude du diable, il semble qu’il soit mené au plaisir d’iceluy plustost que du sien : il reste de despecher en quelle sorte cela se fait. » C’est dans ce paragraphe que se trouve la comparaison de la volonté de l’homme à un cheval qui se gouverne par le plaisir de celui qui est monté dessus, Dieu ou le diable.

C. v. Combien les objections qu’on amène pour défendre le franc arbitre sont de nulle valeur. — N. 1.

« Ils (les partisans du libre arbitre) arguent donc ainsi

que si le péché est de nécessité ce n’est plus péché ; s’il est volontaire qu’il se peut éviter. » — N. 2. « Ils disent après que si les vices et vertus ne procedent de libre élection, il n’est point convenable que l’homme soit rémunéré ou puni.

« Quant est des punitions que Dieu fait des maléfices,

je réponds qu’elles nous sont justement dues, puisque la coulpe du péché réside en nous. Car il ne chaut si nous péchons d’un jugement libre ou servile, moyennant que ce soit de cupidité volontaire. »

N. 4. « Ils arguent ainsi que toutes exhortations seront frustratoires, qu’il n’y a nulle utilité en admonitions, que les repréhensions sont ridicules, s’il n’est en la puissance du pécheur d’y obtempérer. »

N. 6. « Ils arguent ainsi : Ou Dieu se moque de nous, quand il nous commande saincteté, piété, obéissance, chasteté, dilection et mansuétude : et quand il nous défend immondicité, idolâtrie, impudicité, ire, rapine, orgueil et choses semblables : ou il ne requiert sinon ce qui est en nostre puissance. Je confesse qu’il y a longtemps que c’est une chose vulgaire de mesurer les facultés de l’homme par ce que Dieu commande et que cela a quelque couleur de raison : néanmoins je dis qu’il procède d’une grande ignorance… Dieu nous a commandé ce qui étoit par dessus notre vertu pour nous convaincre de notre impuissance. »

3o  Le système de la justification et du rapport de la foi et des œuvres. — Dans cette impuissance radicale de l’homme de faire quoi que ce soit de bon, sa justification ne peut évidemment lui venir que d’un principe extrinsèque, opérant en lui sans lui : tel est bien le fond du dogme fondamental de la justification, dans le système calviniste comme dans le système luthérien. La grâce de la justification n’est pas un principe régénérateur qui pénètre les âmes et leur devient inhérent ; c’est une simple imputation des mérites de Jésus-Christ. Et ce qui assure la justification, c’est la ferme confiance que les péchés sont remis à cause de Jésus-Christ. Chacun peut tenir pour certain que cette grâce lui est accordée ; il doit même le croire comme un article de foi divine. C’est par la foi qui nous vient du Saint-Esprit que nous devenons membres de Jésus-Christ. La foi qui nous unit à ce point à Jésus n’est point seulement un jugement par lequel nous prononçons que Dieu ne peut ni se tromper, ni nous tromper, et que tout ce qu’il révèle est vrai ; ce n’est point un jugement par lequel nous prononçons qu’il est juste ou qu’il est bon ; c’est une connaissance certaine de la bienveillance de Dieu pour nous, fondée sur la vérité de la promesse gratuite de Jésus-Christ et produite dans nos âmes par le Saint-Esprit. Telle est la foi qui nous justifie.

« Nous ne pouvons avoir de sécurité, dit la Confession de foi des Églises de France, jusques à ce que nous

soyons bien résolus d’être aimés en Jésus-Christ… Nous croyons que nous sommes faits participants de cette justice par la seule foi… Nous croyons que nous sommes illuminés en la foi par la grâce secrète du Saint-Esprit, tellement que c’est un don gratuit et particulier que Dieu départ à ceux que bon lui semble, en sorte que les fidèles n’ont de quoi s’en glorifier, étant obligés au double de ce qu’ils ont été préférés aux autres. » Art. 20, 21.

Toutes les âmes justifiées sont également justes, car leur justice est celle du Sauveur.

Enfin, de cette théorie de la justification par la foi et par l’imputation extérieure des mérites de Jésus-Christ découle, par voie de conséquence directe, l’inutilité des bonnes œuvres pour le salut, non pas que le juste ne fasse pas de bonnes œuvres ; mais ces œuvres ne seront en rien cause de son salut : « La foi, dit l’art. 22 de la Confession de foi, non seulement ne refroidit l’affection de bien et saintement vivre, mais l’engendre et excite en nous, produisant nécessairement les bonnes œuvres. Au reste, combien que Dieu pour accomplir notre salut nous régénère, nous réformant à bien faire, toutefois nous confessons que les bonnes œuvres que nous faisons par la conduite de son Esprit ne viennent point en compte pour nous justifier, ou mériter que Dieu nous tienne pour ses enfants, pour ce que nous serions toujours flottants en doute et inquiétude, si nos consciences ne s’appuient sur la satisfaction par laquelle J.-C. nous a acquittés. »

La justification précède la pénitence comme la cause précède son effet ; la pénitence produit chez le pécheur converti un désir sincère de satisfaire à la justice divine ; elle change la vie du pécheur ; elle ne consiste, comme le veulent les catholiques, ni dans la confession, ni dans la satisfaction.

Avec un tel système, la logique supprime, avec les œuvres satisfactoires, la possibilité même d’une expiation temporaire au delà de cette vie ; les indulgences et le purgatoire sont des inventions humaines.

Telles sont les idées qui remplissent le IIIe livre de l’Institution chrétienne. Là aussi se trouve exprimée la théorie de Calvin sur la prédestination que nous retrouvons un peu plus loin.

Comment se fait il que Calvin reproduisant dans tout ce qui précède, avec des contours plus arrêtés, les doctrines de Luther n’ait pas une fois nommé leur auteur ? C’est que ces doctrines, il les a faites siennes à force de les méditer ; c’est aussi que, comme Luther, il prétend ne s’appuyer que sur l’Écriture.

II. Ci que Calvin a ajouté de personkei ai x données PRIMITIVES DE LA THÉOLOGIE LUTHÉRIENNE. Cela se réduit à deux points principaux : 1° la doctrine de 1 inamissibilité de la grâce et de la certitude du salut ; -2 j la doctrine de la prédestination absolue.

Celte partie du système théologique de Calvin lui appartient en propre et on y trouve l’empreinte la plus originale de son esprit et de son caractère. Sans doute,

'i un certain point de vue, elle peut n'être considérée

que connue une conséquence plus logique et plus rigoureuse de certains principes reconnus par Luther aussi bien que par Calvin. Mais enlin, c’est Calvin qui a déduit ces conséquences et qui les a formulées ; ce sont les points de son système qui touchent de plus prés à l’essence de la vie chrétienne et qui ont constitué ce qu’on a pu appeler longtemps, surtout à Genève, en Ecosse, chez les puritains d’Angleterre, l’esprit calviniste. C’est Lien à propos de ces deux théories de l’inamissibilité de la grâce et de la prédestination que l’on peut rappeler le mot de Bossuet : « Par son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, il raffina sur tous ceux qui avaient voulu en ce siècle-là faire une Église nouvelle. »

1° L’itiamissibililé de la grâce et la certitude du salut. — Un des points auxquels Luther attachait le plus d’importance, c'était la certitude où chaque fidèle doit être de sa justification, dès qu’il met sa fui en Christ : cette certitude que Luther reconnaissait seulement pour la justification fut étendue par Calvin jusqu’au salut éternel. Luther voulait seulement que le fidèle se tint assuré d’une certitude infaillible qu’il était justifié ; Calvin voulait qu’il tint pour certain son salut éternel. Bossuet cite comme témoignage très explicite et très curieux de ce dogme tout calviniste la confession de foi du prince Frédéric III, comte palatin et électeur de l’Empire, où on lit en propres termes ces paroles : « Je sais que je n’ai point à appréhender les jugements de Dieu. Je sais très certainement que je serai sauvé et que je comparaîtrai avec un visage gai devant le tribunal de J.-C. ï

Et sur quoi repose cette assurance extraordinaire, si fort en opposition, ce semble, avec ce que nous lisons dans la vie des saints sur leurs continuels combats, leur continuelle vigilance, leur continuelle crainte de déchoir de l’amitié de Dieu ? Sur le principe de l’inamissibilité de la grâce. S ;.int Paul, qui aurait eu apparemment plus de droits que l'électeur palatin à se croire affermi dans la grâce, écrit : « Pour moi, je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché le salut aux autres, je ne sois moi-même réprouvé. » I Cor., IX, 27. Calvin ne tient compte ni de cette autorité, ni de tant d’autres, et il affirme hautement que la grâce reçue ne se peut plus perdre, que qui est justifié et reçoit une fois le Saint-Esprit est justifié et reçoit le Saint-Esprit pour toujours : « Nul n’espère droitement en Dieu, sinon qu’il s’ose -hardiment glorifier d'être héritier du royaume céleste. »

Le c. xxiv du IIIe livre de l’Institution chrétienne s’exprime clairement sur ce point : N. 6. « Mais quelqu’un dira qu’il nous faut soucier de ce qui nous peut advenir, et quand nous pensons au temps futur que notre imbécillité nous admoneste désire en solicitude… .le réponds que Christ nous a délivrez de ceste perplexité. Car il n’y a doute que ces promes-.es n’appartiennent

au temps futur. Tout ce que le Père me donne vient à

moy ; et ce qui sera venu à moy, je ne le jettera] point dehors, etc. Davantage en prononçant que tout arbre que son Père n’aura point planté sera arraché, il signifie à l’opposite qu’il ne se peut faire que ceux qui ont vive racine en Dieu soyent jamais arrachez. A quoi s’accorde lo dire de saint Jean, s’ils eussent été de nostre troupeau, jamais ils ne fussent sorlis davec nous… t Outreplus, c’est chose certaine que J.-C. priant pour

tOUS les esteUH demande pour eux ce qu’il avait demandé

pour Pierre, c’est que leur foy ne défaille point. Dont nous concluons qu’ils sont hors de danger de chute mortelle : ru que le Fils de Dieu, ayant requis qu’ils demeurassent fermes n’a point esté refusé. Qu’est-ce que nous a ici voulu apprendre Christ sinon de nous acertener que nous aurons salut éternel) puisque nous avons une fois esté- (ail

N. t ». a C’a esté- donc très mal parlé- à saint Grégoire de dire que nous savons bien de nostre vocation, mais que de nostre élection nous en sommes incertains. Et de cela il nous exhorte à terreur et tremblement, usant de ceste raison, que nous savons bien quels nous sommes aujourd’huy, mais que nous sommeignorants quels nous serons demain. Mais par la procédure de son oral" son, on voit bien comment il s’est ain-i abusé-. C’est pour ce qu’il fondoit l'élection sur le mérite des œuvres, il avoit assez de matière à espouvanter les hommes et les mettre en defliance ; de les confirmer il ne le pouvait, pource qu’il ne les renvoyoit point à la fiance de la bonté de Dieu. Par cela les fidèles peuvent avoir quelque gonst de ce que nous avons dit au commencement, à savoir que la pré-destination, si elle est bien méditée, n’est pas pour troubler ou ébranler la foi, mais plutôt pour la confirmer très bien. »

Lu prédestination absolue.

Le principe de l’inamissibilité de la grâce est en effet étroitement conjoint avec celui de la prédestination absolue, antécédente à la création et à la chute.

Cette redoutable question a exercé sur le génii Calvin une sorte de fascination. Voir le traité latin, De xterna Dei prædestinatume, Corpus réf., Opéra Calvini, t. VIII, p. 249-366, et dans 1 Institution chrétit lesc. xxr-xxiv du 1. III.

Cette question est le fond même du problème de la destinée humaine et, pour ce motif, a toujours agité philosophes et théologiens sous une forme ou sous une autre. Quels sont les rapports t iu fini et de l’infini, comment se concilient la prescience de Dieu et la liberté de l’homme, quels sont les rapports de la grâce et de la nature, comment se combinent, au point de vue de notre destinée, l’action de l’autorité souveraine qui nous guide et celle de la liberté qui nous est laissée ; qui opère notre salut : Dieu seul, l’homme seul, l’homme avec Dieu ?

La théologie catholique commentant sagement les textes de l'Écriture les uns par les autres sans les isoler de cette lumière naturelle de la raison et de la justice, dont la lumière surnaturelle de la foi ne peut êlre l’ennemie, puisque toutes deux procèdent du même foyer et s’adressent à la même intelligence, a seule su introduire dans cette question les distinctions à l’aide desquelles tout peut être concilié. Non certes qu’il ne reste au fond de la question un mystère, et un très grand mystère, mais c’est un mystère dont la religion naturelle et la philosophie ont l'équivalent, sans avoir les mêmes moyens de l’atténuer et de le rendre acceptable. Suivant la théologie catholique, dans la question du salut éternel, il faut distinguer entre l'élection a la foi et l'élection à la gloire. La première, aux yeux de tous les théologiens, est essentiellement gratuite, c’est-à-dire que Dieu appelle OU n’appelle pas ceux-ci à la grâce de la foi sans considération des mérites prévus. La g) n'étant pas due à l’ordre naturel, cette conduite n’a rien d’injuste. Elle n’a rien d’arbitraire non plus, quoique nous ne sachions pas les raisons en vertu desquelles

Dieu distribue de telle ou telle manière ces dons de la

-race. Cette inégalité n’est qu’une des faces du pro bléme général de l’inégalité des conditions dans lesquelles se trouvent placés tous les êtres vivants. Ce qui

suffit pour justifier Dieu d<' tout reproche au sujet de la distribution de ses dons, c’est que chaque individu ait une pari de liberté el « le secours à laide de laquelle il puisse, s’il le cut, accomplir sa destinée ei parvenir

à la fin sublime qu’il doit conquérir ; et en outre que Dieu ne demande exactement compte à chacun que de ce qu’il aura reçu. Or c’est précisément ce qu’enseigne la doctrine catholique : Facienli quod in se est Deus non denegat gratiam. Le serviteur qui n’a reçu que deux talents et en rapporte quatre obtient la même récompense que celui qui en ayant reçu cinq en rapporte dix. Cum enim augentur dona, rationes etiani crescunt donorum.

Quant à l'élection ou prédestination à la gloire, sans doute les thomistes la déclarent antérieure à la prévision des mérites des élus ; les autres théologiens la font dépendre à un degré quelconque de la prévision de ces mérites. Mais de ce que, dans l’ordre d’intention, Dieu prédestine les élus antérieurement à la prévision de leurs mérites, il ne s’ensuit aucunement qu’il réprouve les autres hommes antérieurement à la prévision de leurs démérites. Le décret divin concernant les réprouvés se compose de deux parties : la première comprend la préparation des moyens par lesquels Dieu veut sauver tous les hommes, de telle sorte que, s’ils ne se sauvent pas, c’est leur mauvais vouloir qu’il en faut accuser ; la seconde est le non-octroi des secours spéciaux que Dieu tient en réserve pour ses élus, mais qu’il ne doit à personne ; et finalement le décret de la condamnation encourue librement par le pécheur. Quant à la prescience de Dieu, elle ne porte point atteinte à la liberté de l’homme. L’homme n’agit pas bien ou mal parce que Dieu a prévu qu’il agirait ainsi. Au contraire, Dieu a prévu que l’homme agirait ainsi avec toutes les ressources de sa liberté.

Dans les systèmes par lesquels la théologie catholique a essayé de concilier la prédestination et la liberté, la miséricorde générale de Dieu pour tous les hommes et sa bienveillance spéciale pour les élus, il reste, on ne saurait le nier, quelque chose de mystérieux. Voir l’abbé de Broglie, Conférences sur la vie surnaturelle, t. i, p. 278. Cependant, dans tous les systèmes catholiques, on respecte la puissance de Dieu et la liberté de l’homme, la grâce et la liberté, l’idée que nous avons de la justice, on concilie les textes de l'Écriture, et l’on s’incline devant le mystère en raison de la connaissance très imparfaite que nous avons de l'Être infini et de ses attributs divins. Voir Prédestination.

Calvin sacrifie totalement la liberté de l’homme et, sinon en intention, du moins en fait, la justice même de Dieu. Comme sa doctrine est sur ce point très grave et très délicate je ne l’exposerai qu'à l’aide d’auteurs calvinistes et surtout de citations textuelles. « Suivant Calvin, dit M. Bungener, Vie de Calvin, p. 72-73, Dieu dans la plénitude de sa souveraineté, dans son conseil éternel et immuable, a destiné les uns au salut et les autres à la damnation ; et, comme il ne leur devait rien ni aux uns, ni aux autres, les élus ont à le bénir éternellement, les réprouvés n’ont nul droit de se plaindre. Calvin reconnaît, ou à peu près, que la chose n’est pas explicitement dans l'Écriture. Il lui suffit que la logique y conduise. Or, d’après l'Écriture, Dieu a toujours choisi. Il proscrit mille nations pour s’en réserver une. La loi naturelle nous montre la même chose. Donc, dira-t-il, ( ceux que Dieu laisse en élisant, il les réprouve. » admettre l'élection de grâce et rejeter l'élection de mort g puéril). « c’est une sottise trop lourde. » Il faut que l’idée humaine, la justice humaine, la pitié humaine disparaissent de ces questions. « L’honneur de Dieu l’exige. »

Celte doctrine est déjà assez rude en elle-même ; elle l’est encore plus dans ses déductions.

Qui veul la fin veut les moyens. Or, dans le système de Calvin, heu veul positivement la réprobation des damnés. D’où il suit qu’il veut également les moyens pervers qui les feront aboutir à cette tin. Lu d’autres termes, Dieu veut te mal. Que, dans un monde où Dieu

a laissé une large place à la liberté, il permette le mal, comme condition d’un plus grand bien, c’est-à-dire comme condition de la possibilité et du développement de tous ces mérites, de toutes ces vertus morales qui ne peuvent être qu'à la condition de la liberté, cela se comprend. Mais, dans le système de Calvin, la liberté humaine étant frappée de déchéance et comme de paralysie, là où le mal se trouve, on devra l’attribuer à Dieu non moins que le bien ; pour certaines raisons qui nous sont inconnues, Dieu veut que l’homme tombe. « Il a ordonné par un décret de sa volonté » la chute du premier homme. C’est en vertu de la prédestination divine qu’Adam est tombé. Ce serait en effet une vaine fiction que de s’imaginer que Dieu a créé sa plus noble créature en vue d’un but indéterminé, ou bien qu’Adam s’est créé lui-même sa destinée par le libre arbitre : que deviendrait la toute-puissance de Dieu, par laquelle il gouverne toutes choses suivant son décret mystérieux et absolu ?

Mais, si les méchants ne font que ce qu’ils sont nécessités à faire, ils ne sont pas responsables et ils sont injustement damnés. Calvin croit fermer victorieusement la bouche à ses adversaires en établissant une distinction entre le commandement de Dieu et son vouloir secret — distinction d’où il résulterait que Dieu commande extérieurement aux méchants ce qu’intérieurement il ne veut pas et même il condamne. Et il le leur commande pour les acheminer par là à la damnation à laquelle il les a prédestinés par un acte positif — et cela pour glorifier sa justice comme le salut des élus glorifie sa bonté.

C’est la doctrine développée dans l’Institution chrétienne, t. I, c. XVIII, Que Dieu se sert tellement des mesclianset ployé leurs cœurs à exécuter ses jugements, que toutes fois il demeure pur de toute tache et macule.

N. 1. Calvin combat la-distinction établie par les théologiens entre le vouloir et la permission de Dieu, entre faire et permettre. Ce que les méchants font, Dieu le veut et le fait, suivant Calvin, aussi positivement que le bien. « Quoi que machinent les hommes, ou même le diable, toutefois Dieu tient le clou du gouvernail… Absalon polluant le lit de son père par incestes commet un forfait détestable ; toutefois Dieu prononce que c’est son œuvre… Ceux qui substituent une permission nue au lieu de la providence de Dieu, comme s’il attendait, étant assis ou couché, ce qui doit advenir, ne font que badiner : car aussi par ce moyen, ses jugements dépendraient de la volonté des hommes. »

N. 2. « Quant est des allections et mouvements que Dieu inspire, ce que Salomon affirme du cœur des rois que Dieu les ayant en sa main les tourne où il lui plait, s’entend sans doute à tout le genre humain, et vaut autant comme s’il eût dit que Dieu adresse tout ce que nous concevons par inspiration secrète, à telle fin qu’il veut… On ne saurait rien souhaiter de plus clair que quand il prononce tant de fois qu’il aveugle les entendements humains et les frappe de forcennerie ; qu’il les enivre d’esprit de stupidité, qu’il les rend insensés et endurcit leurs cœurs… Quand on dit que la volonté de Dieu est cause de toutes ces choses, on établit sa providence pour présider sur tous les conseils des hommes, voire pour non seulement montrer sa forée es élus qui sont conduits par le Saint-Esprit, mais aussi pour contraindre les réprouvés à faire ce qu’il veut. »

N..'{. « Que profileront (les adversaires <I< cette doctrine) en crachant contre le ciel'… Quand i

comprenons point comment Dieu veul que ce qu N défend de faire se fasse, que noire débilité et petitesse nous vienne en mémoire et aussi que la clarté en laquelle il habite n’est pas en vain nommée inaccessible, pour ec qu’elle est enveloppée d’obscurité, »

N. i. < Ces gaudisseurs qui gergonnent contre Dieu

allèguent que si Dieu non seulement met les méchants lO

en besogne pour s’en servir, mais anssi qu’il gou leurs conseils et affections, il est auteur de tous maléfices, ri par conséquent que les hommes sont injustement damnés, s’ils exécutent ce que Dieu.1 déterminé, puisqu’ils complaisent.1 ^<>n vouloir : car ils mêlent perversement le commandement de Dieu avec son vouloir secret, vu qu’il appert par exemples infinis qu’il y a bien longue distance et diversité « 1 < l’un b l’auto

1>.i us relie question, rien n’arrêtera Calvin sur la pente où l’entraîne son inexorable logique, car il ira jusqu'à dire que les grâces que les malheureux prédestinés à la damnation rencontrent sur leur chemin dans le cours de leur vie, comme la grâce de la prédication évangélique, ont pour but de leur préparer 1 une plus griève condamnation ». Bien plus, en certains cas, Dieu s’insinue dans leur cœur et leur donne le change sur leurs propres sentiments. « Il v a douille espèce de vocation. Car il y a la vocation universelle qui gît en la prédication extérieure de l'Évangile, par laquelle le Seigneur invile à soi tous hommes indifféremment, voire même ceux auxquels il la propose en odeur de mort et pour matière de plus griefve condamnation. Il y en a une autre spéciale de laquelle il ne fait quasi que les fidèles participants quand par la lumière intérieure de son esprit, il fait que la doctrine soit enracinée en leurs cœurs. » Inst. chrét., I. III, c. xxiv, n. 8 ; cꝟ. t. III, c. 11, n. 1 1. « Pour ce que Dieu, afin de les tenir convaincus et d’autant plus inexcusables, s’insinue en leurs entendements (des réprouvés) etc. » « Nous entendons, s'écrie à ce propos avec une juste indignation Mœhler, Symbolique, t. 1, p. 138-139. Dieu trompe le réprouvé en taisant naître en lui de faux sentiments ; il le trompe non par la parole extérieure, mais en mettant le mensonge dans le fond de son cœur ; il le trompe, non par un intérêt temporel, mais pour le livrer à des tourments sans fin ; il lui dira au dernier jugement : Tu n’as point démêlé les pièges que j’ai tendus à ton ignorance, et tu as pris l’apparence pour la réalité, l’hypocrisie pour la foi ; dans ce moment même, tu ne peux répondre à mon jugement, parce que tu refuses d’accuser mes ruses et mes artifices ; va au feu éternel ! … Comment qualifier ces blasphèmes ? »

Et pourtant ils ne font pas reculer Calvin ; il poursuit l’exposé de sa doctrine.

Institution chrétienne, 1. III. c. xxi, De l'élection éternelle, par laquelle Dieu en a prédestiné les uns au salut, et les autres à condamnation.

N. 1. « Or ce que l’alliance de vie n’est pas également preschée à tout le monde : et mesme où elle est preschée, n’est pas également reçue de tous, en cette diversité il apparaît un secret admirable du jugement de Dieu : car il n’y a nul doute que celle variété ne serve à son bon plaisir. Or si c’est chose évidente que cela sifait par le vouloir de Dieu, que le salul soil offert aux mis et que les.mires en soient forclos : de cela sortent hautes et grandes questions, lesquelles ne se peuvent autrement résoudre, qu’en enseignant les fidèles de ce qu’ils doivent tenir de l'élection et prédestination de Dieu, laquelle matière semble fort entortillée à plusieurs, parce qu’ils ne trouvent nulle raison que Dieu en prédestine les uns à salut, les autres à la mort… l'.n celle Obscurité qui les effraie, nous verrons combien cette doctrine non seulement est utile mais aussi douce et savoureuse au fruit qui en revient. « … Qu’il leur souvienne que quand ils enquièrent de la prédestination, ils entrent au sanctuaire de la sagesse divine : auquel si quelqu’un se fourre et ingère en trop grande confiance et hardiesse, il n’atteindra jamais là de pouvoir rassasier sa curiosité : et entrera en un labyrinlhe où il ne trouvera nulle issue. Car ce est pas raison, que les choses que Dieu a voulu estre cachi es cl dont il B’est retenu la cognoissance, soyent ainsi

espluchéea des hommes : et que la hantewe

pience, laquelle il a voulue tre plutôt adorée de nous

qu’estre comprise (afin de te 1 1 ndre admirable en icelle)

suit assujettie au si-us humain, pour la chercher jus pies à son éternité. »

X. i. « Quant à ceux qui sont si pronvoyabli timides qu’ils voudraient que la prédestination fût du tout abolie, afin de mpoint troubler les âmes dél de quelle couleur, je vous prie, d.' r ui-eront-ils leur orgueil/ Vu qu’obliquement ils taxent Dieu d’une sotte inconsidération, comme s il n’avait point prévu le péril auquel ces outrecuidez pensent Bagement remédier. Par quoi quiconque rend la doctrine de la prédestination odieuse, détracte on mesdil de Dieu ouvertement : comme s’il lui était échappé- par inadvertance de publier ce qui ne peut être que nuisible à l'Église. »

X. ô. « C’est tout confondre de dire que Dieu élit ou rejette selon qu’il prévoit ceci et cela… « .Nous appelons prédestination le conseil éternel de Dieu par lequel il a déterminé ce qu’il voulait faire d’un chacun homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition : mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. Ainsi selon la fin à laquelle est créé l’homme nous disons qu’il est prédestiné à mort ou à vie. »

X. 7. « Dieu ne donne point l’esprit de régénération à tous ceux auxquels il offre s ;, parole pour s’allier avec eux. Ainsi, combien qu’ils soient conviés extérieure :  ! ils n’ont point la vertu de persévérer jusqu'à la lin… Xous disons donc, comme l'Écriture le montre évidemment, </i<e Dieu a une fois dé< rêlé par sou conseil uel et immuable, lesquels il roulait prendre à sal lesquels il voulait dévouer à perditi

C. xxii. Confirmation de cette doctrine par témoignages de l’Escrilure.

X. 7. « La somme est que Dieu crée par adoption gratuite ceux qu’il veut avoir pour enfants : et que la cause intrinsèque (comme on dit) de l'élection gist en lui, vu qu’il n’a regard qu'à son bon plaisir. 1

N. 11. « L’apôtre amené une solution toute divi c’est que Dieu suscite lis réprouvés afin d’exalter eu eux sa gloire… Si nous ne pouvons donc assigner autre raison pourquoi c’est que Dieu accepte ses élus sinon pour ce qu’il lui plait. nous n’aurons aussi mille raison pourquoi il rejette les autres, sinon sa volonté. »

C. xxiii. La réfutation des calomnies desquelles on a toujours à tort blâmé cette doctrine.

N. 2. « Quand on demande : Pourquoi est-ce que a fait ainsi'.' Il faut répondre : Pour ce qu’il l’a voulu. Si on passe outre, en demandant : Pourquoi l’a-t-il voulu'.' C’est demander une chose plus grande et plus haute que la volonté de Dieu, ce qui ne se peut trouver. »

X. 3. - Pourtant si quelqu’un nous assaut de ce propos pourquoy c’est que Dieu en a prédestinés aucuns à damnation lesquels ml’avoient point mérité, vu qu’ils n'éloient pas encore : nous lui demanderons d’autre part en quoi c’est qu’il pense Dieu estre redevable à l’homme, s’il l’estime m sa nature. Puisque nous sommes tous corrompus et contaminés de vices, il 1 peut faire que Dieu ne nous ait en haine : et ce n n pas d’une cruauté tvrannique, mais par une équité raisonnable. Si ainsi est que tous hommes, de leur condition naturelle, soient coupables de condann mortelle, « le.nielle iniquité je vous prie se plaindront ceux lesquels Dieu a prédestinés à mort ? Que tous les enfants d’Adam viennent en avant [Hiur conteiidre et débattre contre leur créateur, de ce que par SI providence étemelle, devant leur nativité ils ont été- dé-vou 9 I calamité perpétuelle : quand Dieu au contraire les aura amenés à se reconnaître, que pourront-ils murmurer

contre cela.' S’ils sont tous pris d’une masse corrompue, ce n’est point de merveille s’ils sont assujettis a damnation. Qu’ils n’accusent point donc Dieu d’iniquité, d’an

tant que par son jugement éternel ils sont ordonnés à damnation, à laquelle leur nature même les mène, ce qu’ils sentent maugré qu’ils en aient. Dont il appert combien leur appétit de se rebecquer est pervers, vu qu'à leur escient ils suppriment ce qu’ils sont contraints de recognoistre : c’est qu’ils trouvent la cause de leur damnation en eux. Ainsi quoiqu’ils pallient, ils ne se peuvent absoudre. Quand donc je leur confesserai cent fois ce qui est très vrai, que Dieu est auteur de leur damnation, ils n’effaceront point pourtant leur crime, lequel est engravé en leur conscience, et leur vient devant les yeux à ebacune fois »

N. 6. « Dieu dispense et ordonne par son conseil qu’aucuns dès le ventre de leur mère soient destinés certainement à mort éternelle, afin de glorifier son nom en leur perdition. »

N. 7. « Les adversaires disent qu’Adam a été créé avec son franc arbitre pour se donner telle fortune qu’il voudroit, et que Dieu n’avoit rien déterminé de lui, sinon de le traiter selon ses mérites. Si une si froide invention est reçue, où sera la puissance infinie de Dieu, par laquelle il dispense toute ebose suivant son conseil secret lequel ne dépend point d’ailleurs… Tant y a que maugré leurs dents la prédestination de Dieu se démonstre en toute la lignée d’Adam, car il n’est pas advenu naturellement que tous décbeussent de leur salut par la faute d’un… Puisque cela ne peut être attribué à nature, il faut bien qu’il soit provenu du conseil admirable de Dieu… Dieu non seulement a prévu la cbute du premier homme, et en icelle la ruine de toute sa postérité, mais il l’a ainsi voulu. »

N. 8. « Aucuns recourent ici à la différence de volonté et permission, disant que les iniques périssent, Dieu le permettant, mais non pas le voulant. Mais pourquoi dirons-nous qu’il le permet sinon pour^e qu’il le veut'?… Le premier homme est cheut, pour ce que Dieu avoit jugé cela estre expédient. Or pourquoi il l’a jugé, nous n’en savons rien. Si est-il néanmoins certain, qu’il ne ]'a pas jugé sinon pour ce qu’il voyoit que cela faisoit à la gloire de son nom. »

N. 9. « Combien que par la providence éternelle de Dieu l’homme a été créé pour venir en cette misère en laquelle il est, il a néanmoins pris la matière d’icelle de soi-même et non pas de Dieu. Car il n’est péri pour autre cause, sinon pour ce qu’il a dégénéré de la pure nature que Dieu lui avoit donnée, en perversité. »

N. 12. « Les adversaires de la vérité usent encore d’une autre calomnie, pour renverser la prédestination : c’est que, quand elle est établie, toute sollicitude et cure de bien vivre est abbattue. Car qui sera celuy, disent-ils, lequel oyant que la mort ou la vie lui est déjà il crétée par le conseil immuable de Dieu, n’ait incontinent cette pensée en l’entendement, qu’il ne peut challoir comment il vive, veu que la prédestination de Dieu ne peut être empêchée n’advancée par ses œuvres ? Ainsi chacun s’abandonnera, et se laissera transporter désordonnément partout où sa cupidité le mènera. »

Calvin répond tout à fait à côté et par de pauvres raisons.

C. xxiv. Que l'élection est confirmée par la vocation de Dieu : et qu’au contraire les réprouvez attirent sur eux la perdition juste, à laquelle ils sont destinez.

N.."). « Nous avons un tesmoignage assez ferme el ('vident que nous sommes escrils au livre de vie, si nous Communiquons à Christ. »

N. 13. « Pourquoi donc en faisant grâce à l’un laisset-il l’autre derrière ? Saint Luc rend la raison de ceux qu’il appelle, disant qu’il 1rs avoit préordonnés à vie. Acl., xiii, 48. Que penserons-nous donc des autres, sinon qu’ils sont instruments de son ire en opprobre ? Pourtant, que nous n’ayons point honte de parler ainsi avec saint Augustin : Dieu pourroit bien, dit-il, convertir en bien la volonté des méchants, vu qu’il est

toutpuissant. De cela il n’y a doute. Pourquoi donc ne le lait-il ? Pour ce qu’il ne le veut pas. Pourquoi c’est qu’il ne le veut, cela est caché en lui. Car nous ne devons pas plus savoir que de raison. Cela sera beaucoup meilleur que de tergiverser avec Chrysostome, en disant qu’il attire celui qui l’invoque et tend la main pour avoir aide : et ainsi que la différence n’est point au jugement de Dieu, mais au vouloir des hommes… Certes cela ne se peut révoquer en doute que le Seigneur n’envoie sa parole à d’aucuns desquels ileonnoit la cécité en devoir être augmentée. »

N. 1 i. « Mais il reste encore de voir pourquoi c’est que le Seigneur fait cela : vu qu’il est certain qu’il le fait… Les réprouvés ont été suscités pour illustrer sa gloire en leur damnation. »

Voilà la doctrine que Calvin annonce comme étant fort douce et savoureuse, car elle met en relief la gloire de Dieu et elle fonde la vraie humilité ; et elle n’a rien qui puisse contiister les élus, au contraire elle leur fait apprécier davantage le bienfait de la justification par la foi, de l’inamissibilité de la grâce et de la certitude du salut. Toutefois elle devait faire reculer certains calvinistes ; le Catéchisme palatin la passe sous silence ; les articles anglicans l’adoucissent : la Confessioyi de la marche de Brandebourg la rejette.

III. Ce ule Calvin a modifié dans les doctrines

LUTHÉRIENNES : L'ÉGLISE ET LES SACREMENTS. — Les

fidèles profitent des mérites de Jésus-Christ en s’unissant à lui, et c’est la foi qui les unit à Jésus-Christ : les fidèles unis à Jésus-Christ forment donc une Église qui renferme tous les fidèles, tous les élus, tous les prédestinés : ainsi cette Église est universelle, catholique ; c’est la société de tous les saints, hors de laquelle il n’y a point de salut, et dans laquelle seule on reçoit la foi qui unit à Jésus-Christ. Mais comment la discerner ? Quels sont ses caractères, quels sont ses sacrements ? C’est ce que Calvin se propose d’examiner dans le IVe livre de Y Institution chrétienne.

1. l'église. — Luther avait commencé par enseigner que tout chrétien, étant instruit directement par l’Ksprit-Saint, est prêtre et docteur ; il n’y a donc pas de corps enseignant, pas d’apostolat perpétuel, pas de caractère sacerdotal, pas d’ordination ; ces idées, il les avait traitées à fond dans son écrit aux Frères de Bohême ; néanmoins il avait reconnu que « pour le bon ordre » il fallait conférer à quelques-uns les droits de tous et faire exercer le saint ministère par des ('lus du peuple auxquels les anciens auraient imposé les mains. Conclusion peu logique ; car si chaque fidèle est instruit par l’Esprit-Saint, le bon ordre n’a rien à craindre : pourquoi le ministère de la parole'.' pourquoi l'Église ?

Au bruit de cette nouvelle doctrine, une foule de docteurs se levèrent sur le monde et ces prophètes ('claires par le Saint-Esprit enseignèrent les opinions les plus contradictoires ; bientôt le désordre fui au comble. Luther se vit dans la nécessité d’organiser dis Églises, avec l’appui et sous la dépendance de l'État ; enfin, la Confession d’Augsbourg défendit de prêcher à tons ceux qui n’avaient pas de mission légitime. De ordine ecclesiastico docent quod nemo délient in Ecclesia publiée docere, nisi rite viicotur. Art. li. De SOI ! idée première, Luther avait tiré la conséquenci l'Église est une société invisible, el de sa pratique il avait conclu que l'Église est aussi une société visible : « On la reconnaît, disait-il, par le baptême, par la c< ne ei surtout par l'Évangile ; ces marques la font discerner infailliblement, bien qu’elle soil une société purement intérieure. » La Confession d’Augsbourg était arrivée à celle définition : « L'Église est l’as embl i des saints, dan-- laquelle l'Évangile est bien en i igné el les sacrement s bien administrés : congi torum in qua Evangelium recte doectur et recte administrantut tttr n en la. »

Calvin sanctionne lea doctrines fondamentales de Luther sur l'Église, mais instruit par le Bpectacle de la profonde anarchie que le réformateur allemand déchaînée, il compril qu’il fallait soumettre les fidèles à une autorité forte et respectée ; on a vu dans l’histoire de sa vie comment il avait organisé l'Église de Gi nève 1 1 quelle force il avail donnée au ministère des pasteurs. Tandis que Luther laisse l'État absorber I Église, lui tend à absorber l'État dans l'Église qui est sut juris.

La Confession de foi des Églises de France nous fait connaître très exactement la doctrine de Calvin et sa pratique.

Art. 25. " L'Église ne peut consister sinon qu’il y ait des pasteurs qui aient la charge d’enseigner, lesquels on doit honorer el écouter en révérence, quand ils sont dûment appelés et exercent fidèlement leur office. Non pas que Dieu soit attaché à tels aides et moyens inférieurs ; mais parce qu’il lui plaît nous entretenir sous telle bride. En quoi nous détestons tous fantastiques qui oudroient bien, en tant qu’eux est, anéantir le ministère de la prédication de la parole et des sacrements. »

Art. 26. « Nous croyons donc que nul ne se doit retirer à part et se contenter de sa personne, mais tous ensemble doivent garder l’unité de l'Église, se soumettant à l’instruction commune et au joug de Jésus-Christ ; et ce en quelque lieu que ce soit où Dieu aura établi un vrai ordre d’Eglise. »

Art. 27. « Nous croyons qu’il convient discerner soigneusement et avec prudence quelle est la vraie Eglise, pour ce que par trop on abuse de ce titre. Nous disons donc suivant la parole de Dieu que c’est la compagnie des Gdèles qui s’accordent à suivre icelle parole, et la pure religion qui en dépend, et qui profitent en icelle tout le temps de leur vie, croissant et se conlirmant en la crainte de Dieu. »

Art. 28. « Là où la parole de Dieu n’est reçue, et on ne fait nulle profession de s’assujettir à icelle, et où il n’y a nul usage des sacrements à parler proprement, on ne peut juger qu’il y ait aucune Eglise. Nous condamnons les assemblées de la papauté, vu que la pure vérité de Dieu en est bannie, esquelles les sacrements sont corrompus, abâtardis, falsiliés ou anéantis du tout, et esquelles toutes superstitions ou idolâtries ont la vogue. Nous tenons donc que tous ceux qui se mêlent en tels actes et y communiquent se séparent et retranchent du corps de Jésus-Christ. » Cependant, comme il reste encore « quelque petite trace d’Eglise en la papauté », et que la substance du baptême y est conservée, le baptême des catholiques ne doit pas être réitéré.

Art. 29, 30. « L'Église doit être gouvernée selon la police que N.-S. J.-C. a établie, c’est-à-dire qu’il y ait des pasteurs, des surveillants et des diacres. » Tous les pasteurs soin égaux sous un seul chef qui est JésusChrist.

Art. 31. « Nul ne se doil ingérer de son autorité propre pour gouverner l'Église ; » mais o cela se doit faire par élection autant qu’il est possible et que Dieu le permet, laquelle exception nous ajoutons notamment pour ce qu’il a fallu quelquefois et même île notre temps (auquel l'état de l'Église étoit interrompu) que Dieu ait suscité gens d’une façon extraordinaire pour dresser l’Eglise de nouveau qui étoit en ruine et en désolation ».

L’art. 33 proclame la discipline de l’excommunication

o laquelle nous approuvons et confessons être nécessaire avec toutes ses apparie lu lues ».

On ne peut se séparer de l'Église parce qu’on y soutient des opinions différentes, si ces opinions ne tendent pointa détruire la doctrine de Jésus-Christ et des apôtres, ou parce que ses membres ne. sont pas saillis et parfaits. Nous reviendrons un peu plus loin SOI

divers principes.

La prédication æ la parole de Dieu est ] ;, premiers fonction, la première marque de la rentable l. t mie est l’administration des sacrements.

I. les SACRBMBsn. — Luther avail enseigné que

l’efficacité des sacrements dépend « le la toi de celui qui les reçoit ; qu’ils n’ont été- institués que pour nourrir la foi, et qu’ils ne donnent point la r UX qui n’y

mettent point d’obstacles. Quoiqu’il n’accorde le i de sacrements proprement dits qu’au baptême et a la ce ne, il parle cependant dans son catéchisme de la rémission des péchés et de la pénitence comme d’un acte spécial de la grâce de Dieu renfermé sous un si r iie sensible : aussi dit-on en général que Luther admet trois sacrements : le baptême, la cène et la pénitence. Enlin, Luther avait affirmé que tous les fidèles sont ministres des sacrements. Triple erreur sur la nature, le nombre et les ministres des sacrements.

Cependant les disputes avec les sacranientaires amenèrent les luthériens à se rapprocher de la doctiine catholique. La Confession d’Augsbourg donna des sacrements une idée qui parut acceptable ; VAjiologie alla plus loin encore et dit en propres termes que les sacrements sont un ouvrage dans lequel Dieu nous donne la grâce attachée à la cérémonie. Harheineke déclare que la différence entre les deux Églises consiste en ce que les catholiques disent : Les sacrements tiennent la grâce ; et les protestants : Le> sacrements confèrent la grâce.

Calvin se sépare des luthériens et des catholiques.

Nature des sacrements.

Il définit le sacrement « un signe extérieur par lequel Dieu scelle en nos consciences les promesses de bonne volonté envers nous, pour confirmer l’imbécillité denostre foy ; et nous mutuellement rendons tesmoignage tant devant lu et les anges que de ant les hommes, que nous le tenons pour nostre Dieu », ou « un tesmoignage de la grâce de Dieu envers nous, confirmé par signe extérieur, avec attestation mutuelle de l’honneur que nous lui portons ». Calvin affirme que cette définition peut s’accorder avec ce que dit saint Augustin que le sacrement « est une forme visible de la grâce invisible ». Instit. clirèt., t. IV, c. xiv, n. 1.

Les sacrements ne sont donc ni des signes vhl inefficaces, destinés à nous remettre devant les yeux les promesses de Jésus-Christ, ni des signes qui contiennent par eux-mêmes une vertu cachée et secrète. La grâce sanctifiante ne saurait être attachée à un signe sensible. Mais, c’est en vain que Calvin s’efforce de maintenir ces deux notions sur les sacrements.

Il n’admet que deux sacrements : le baptême et la cène. Ce qu’il dit de ces sacrements est contradictoire.

Le baptême.

A première vue, le baptême n’est pour lui qu’un signe, une marque « de notre chrétien I « le signe par lequel nous sommes reçus en la compagnie de l’Eglise. » lnst. chrét., 1. IV. c. xv. Il développe très nettement sa pensée sur ce point. * Le baptême nous est proposé de Dieu pour nous être signe ou enseigne de noire purgation. Il nous est envoyé' de lui comme une lettre patente signée et scellée par laquelle il nous mande, confirme et assure que tous nos p sont tellement remis, couverts, abolis et elTacés qu’ils ne viendront jamais à être regardés de lui. »

Cependant, comme s’il prévoyait l’abus qu’on fera un jour de cette notion, Calvin ajoute : I l’ai' quoi ceux qui ont osé écrire que le baptême n’est autre chose qu’une marque et enseigne par laquelle nous prott devant les hommes notre religion, ainsi qu’un homme d’armes porte la livrée de son prince pour s’avouer de lui. n’ont pas considéré ce qui est le principal au baptême, c’est que nous le devons prendre avec celle promesse que tous ceux qui auront cru et seront ba| auront salut.

a Saint Paul a pas voulu signifier notre ablution el

notre salut être parfait par le moyen de l’eau, ou l’eau contenir la vertu pour purger, régénérer et renouveler. Ni saint Pierre aussi n’a pas voulu dire que l’eau soit la cause de notre salut. Mais seulement ils ont voulu signifier qu’en ce sacrement on reçoit assurance de telles grâces. »

Suivant Calvin, l’efficacité du baptême ne porte pas seulement sur le pa « sé, mais sur l’avenir. « Nous ne devons estimer que le baptême nous soit donné seulement pour le temps passé. Mais il nous faut savoir qu’en quelque temps que nous sommes baptisés, nous sommes une fois lavés et purgés pour tout le temps de notre vie. Pourtant toutes les fois que nous serons rechus en péchés, il nous faut recourir à la mémoire du baptême, et par icelle nous confirmer en icelle foi que nous Soyons toujours certains et assurés de la rémission de nos péchés. »

Mais, quoi que dise Calvin de cette efficacité, le baptême reste pour lui une cérémonie plutôt qu’un sacrement : « Combien est faux ce qu’aucuns ont enseigné que par le baptême nous sommes déliés et délivrés du péché originel et de la corruption d’Adam qui est descendue sur toute sa postérité. » Ibid., n. 10.

Surtout ce n’est pas un sacrement nécessaire au salut. Aussi les fidèles ne doivent pas baptiser, mais seulement les ministres. Ibid., n. 20 : « Ils allèguent que, si un enfant décédoit sans baptême, il seroit privé de la grâce de régénération : je respons que c’est folie. Peu de gens se sont advisés combien cette sentence mal entendue et mal exposée estoit pernicieuse, assavoir que le baptême est requis à salut de nécessité. Et voilà pourquoy ils la laissent couler si facilement. Car, si ceste opinion a lieu que tous ceux qui n’auront pu être plongés en l’eau sont damnés, notre condition sera pire que celle du peuple ancien. »

Ibid., n. 22. « On fait grand tort et injure à la vérité de Dieu, si on ne s’y repose du tout, tellement que de soy elle ait pleine et entière vertu de sauver. Le sacrement est puis après adjousté comme un sceau, non pas pour donner vertu à la promesse, comme si elle était débile de soy, mais seulement pour la ratifier envers nous, afin que nous la tenions tant plus pour certaine. De là il s’ensuit que les petits enfants engendrés des chrétiens ne sont baptisés pour commencer d'être enfantsde Dieu, comme si auparavant ne lui eussent en rien appartenu, et eussent esté estrangers de l'Église, mais plutôt afin que, par ce signe solennel, il soit déclaré qu’on les reçoit en l'Église comme estant desja du corps d’icelle… Quand nous ne pouvons recevoir les sacrements d’icelle, n’estimons pas que la grâce du Saint-Esprit soit tellement liée à iceux que nous ne l’obtenions en vertu de la seule parolle de Dieu. » Ce point a été gardé fidèlement dans les catéchismes contemporains.

La crue.

La théorie calviniste de la cène a de grandes affinités avec celle du baptême. Sur cette question, Calvin se sépara à la fois de Luther et de Zwingle en prenant une sorte de parti moyen entre les deux. Suivant lui, Luther avait trop admis la présence corporelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie, puisqu’il gardait le corps et le sang avec le pain et le vin. Zwingle, de son côté, et toute l'école sacramentaire avaient trop borné l’eucharistie à n'être qu’une figure et une commémoration. Suivant Calvin, il fallait montrer non seulement que la grâce unie au sacrement en faisait un si-ne efficace et pleine de vertu, mais encore que le corps et le sang étaient effectivement communiqués. Seulement, il s’est embrouillé de telle façon à vouloir tenir ce milieu entre deux théories inconciliables, qu’ainsi que l’a fail voir Bossuet, il est à peu près impossible de mettre d’accord les diverses parties de sa propre théorie. Histoire des variations, 1. IX. « La question est de savoir, dit P.ossnet, n. 35, d’un Coté, si le don que Jésus-Christ nous fait de son corps

et de son sang dans l’eucharistie est un mystère comme les autres, indépendant de la foi dans sa substance, et qui exige seulement la foi pour en profiter ; ou si tout le mystère consiste dans l’union que nous avons par la seule foi avec Jésus-Christ sans qu’il intervienne autre chose de sa part que des promesses spirituelles figurées dans le sacrement, et annoncées par sa parole. Par le premier de ces sentiments la présence réelle et substantielle est établie ; par le second elle est niée et Jésus-Christ ne nous est uni qu’en figure dans le sacrement et en esprit par la foi. » N. 37. « Premièrement, Calvin admet que nous participons réellement au vrai corps et au vrai sang de Jésus-Christ, et il le disait avec tant de force que les luthériens croyaient presque qu’il était des leurs : car il répète cent et cent fois notamment, Inst. cltrét., t. IV, c. xvil, n. 17, que la vérité nous doit être donnée avec les signes ; que sous ces signes nous recevons vraiment le corps et le sang de Jésus-Christ ; que la chair de Jésus-Christ est distribuée dans ce sacrement ; qu’elle nous pénètre ; que nous sommes participants non seulement de l’esprit de JésusChrist, mais encore de sa chair ; que nous en avons la propre substance, et que nous en sommes faits participants ; que Jésus-Christ s’unit à nous tout entier, et pour cela qu’il s’y unit de corps et d’esprit ; qu’il ne faut point douter que nous ne recevions son propre corps ; et que, s’il y a quelqu’un dans le monde qui reconnaisse cette vérité, c’est lui. »

N. 38. « Il exclut comme insuffisante toute l’union qu’on peut avoir avec Jésus-Christ non seulement par l’imagination, mais encore par la pensée ou par la seule appréhension de l’esprit. Nous sommes, dit-il, unis à Jésus-Christ non par fantaisie et par imagination, ni par la pensée ou la seule appréhension de l’esprit, mais réellement et en effet par une vraie et substantielle unité. »

Mais en maint autre endroit Calvin affaiblit ses propres expressions. C’est ce qu'établit Bossuet, n. 57 : « Il est vrai qu’encore qu’il dise que nous sommes participants de la propre substance du corps et du sang de JésusChrist, il veut que cette substance ne nous soit unie que par la foi ; et qu’au fond malgré ces grands mois de propre substance, il n’a dessein de reconnaître dans l’eucharistie qu’une présence do vertu. Il est vrai aussi qu’après avoir dit que nous sommes participants de la propre substance de Jésus-Christ, il refuse de dire qu’il soit réellement et substantiellement présent ; comme si la participation n'était pas de même nature que la présence, et qu’on pût jamais recevoir la propre substance d’une chose, quand elle n’est présente que par sa vertu. »

Et, n. 67, Bossuet prouve que Calvin admet la même présence de Notre-Seigneur dans le baptême que dans l’eucharistie ; « et j’avoue, dit-il. que la suite de sa doctrine le mène là naturellement. Car au fond, ni il ne connaît d’autre présence que par la foi, ni il ne met une autre foi dans la cène que dans le baptême ; ainsi je n’ai garde de prétendre qu’il y mette en effel une autre présence. Ce que je prétends faire voir, c’est l’embarras où le jettent ces paroles : Ceci est mon corps. Car, ou il faut embrouiller tous les mystères, ou il faut pouvoir rendre une raison pourquoi Jésus-Christ n’a parlé avec cette force que dans la cène. Si son corps l i Sun sang sont aussi présents et aussi réellement reçus partout ailleurs, il n’j avail aucune raison de chi ces fortes paroles pour l’eucharistie plutôt que pour le baptême, el la Sagesse éternelle aurait parlé en l’air.

Cet endroit sera l'éternelle et inévitable Confusion des

défenseurs du sens figuré. D’un côté la néce itd de donner à l’eucharistie, à l'égard de la présence du corps, quelque chose de particulier ; et, d’autre part, l’impossibilité de le faire selon leurs principes, les jetteront toujours dans un embarras d’où ils i" 1 pourront se d< ils

mêler ; et c’a été pour s’en tirer que Calvin a dît tant de choses fortes de l’eucharistie, qu’il n’a jamais os^ dire du baptême, quoiqu’il eût selon ses principes la même ii de le raire. i

Aussi, après Calvin, les calvinistes ont interprété ses parolej en disanl que recevoir la substance de JésusChrist c’est le recevoir par sa vertu, par sn " // par son mérite, ce qui revient à nii ulement la

présence réelle, mais la participation réelle.

La pénitence. - Quant à la pénitence, les luthériens disaient : La contrition et la foi constituent l’acte de la pénitence. Le pécheur tremble à la vu ments de Dieu, sa conscience est jetée dans l'épouvante, voilà la contrition ; mais la confiance germe dans son ftme, l’espérance en l’infinie miséricorde dissipe ses frayeurs, la paix et la sérénité bannissent le trouble et les alarmes, voilà la foi qui consomme la pénitence. Dès lo : s qu’est-ce que l’absolution ? C’est la simple déclaration que 1rs péchés sont remis.

Calvin n’admet, lui aussi, que deux parties dans la pénitence, mais il remplace les termes de contrition et de foi par ceux de mortification et de vivification. et par là il veut dire que le lidéle se dépouille du vieil homme et se revêt du nouveau. A ses yeux, la pénitence n’a aucun caractère sacramentel, lnsl. chrét., t. IV, c. xix, n. 14.

/II. DROITS ET DEVOIRS DES GOOVBRIfBUBNTS CIVILS.

— L’Institution chrétienne, 1. IV. c. xx. et les Confessions de foi se terminent par des considérations et des prescriptions relatives aux droits et aux devoirs des gouvernements civils., « Nous crevons, dit l’art. 39 de la Confession de foi des Églises de France, que Dieu veut que le monde soit gouverné par lois et polices, afin qu’il y ait quelques brides pour réprimer les appétits désordonnés du monde : et ainsi qu’il a établi les royaumes, républiques et toutes autres sortes de principautés, soit héréditaires ou autrement, et tout ce qui appartient à l'état de justice et en veut être reconnu auteur. A cette cause a mis le glaive en la main des magistrats pour réprimer les péchés commis non seulement contre la seconde table des commandements de Dieu, mais aussi contre la première. » Enfin l’art. 46 déclare que l’obéissance est due aux pouvoirs publics « encore qu’ils fussent infidèles, moyennant que l’empire souverain de Dieu demeure en son entier ».

L'État le plus heureux, suivant Calvin, est celui dans lequel il s a « une liberté bien tempérée et pour durer longuement ». Cet idéal est le plus facilement atteint c, dans un gouvernement aristocratique ou dans l’alliance de l’aristocratie et de la république… La seigneurie el domination d’un seul homme est la puissance la moins plaisante aux hommes, mais dans l'Écriture elle est recommandée singulièrement par dessus toutes les autres ». L. IV, c ! " xx, n. 7. 8. Les rois et les magistrats sont les i ministres et les vicaires de Dieu ». Ladminislrale.il politique les regarde seuls ; les simples particuliers doivent s’abstenir de toute ingérence dans les affaires publiques et de toute usurpation du rôle du magistrat.

Le premier devoir du magistrat est île faire respecter la loi de Dieu : « Il est aisé de rédarguer la folie de (XUX

qui voudraient que les magistrats, mettant Dieu et la religion sous leurs pieds, ne se mêlassent que de faire droit aux hommes… Si h s princes et autres supérieurs connaissent qu’il n’y a rien « le plus agréable à Dieu que leur obéissance ; s’ils veulent plaire a Dien en piété, justice et intégrité, qu’ils s’emploient à la punition et n des pervei s ; Moïse était ému de cette affection quand il punit l’idolâtrie du peuple par la mort de trois mille nommes. »

Il foui même en certains cas foire la guerre pour

cause de religion : « S’il n'êtail question que de la

servitude des corps, il vaudrait possible mieux quelquefois la porter patiemment que de mouvoir grandes séditions qui viennent jusqn a I effusion d Mail

quand il est question d< la ruine éternt Ile : ont

ons estimer nulle paix si pi rae pour

la garder nonp à notre escient. Il vaudrait

mieux que le ciel et la terrel issent abîmés ensemble que l’honneur qui lui s été d mné de Dii fût

diminué. Faut-il pour vivre nous quittions l’auteur de vie ? »

On lui dit : Mais vous fait s ce que fait Rome. I pond : Ce n’est pas de tuer pour cause de religion que Rome est coupable ; c’est de tuer sans avoir pour elle la vérité : Quelques-uns, scandalisés, ont en horreur toutes punitions sans discerner si elles sont justes ou non… Mais quoi'.' Si les papistes sont ainsi excessifs en tyrannie, ce n’est pas à dire pourtant que toute m rite soit à condamner… Nous condamnons à jeste raison le zèle enragé et sans science qui transporte les papistes : mais si on repousse un lèle inconsidéré à cause de l’ignorance, pour ce qu’il n’est point fondé en raison, pourquoi, je vous prie, le zèle ne sera-t-il louable en un fidèle quand il débat pour la vraie foi qui lui est certaine'?… Dieu ne commande pas de maintenir si étroitement toute religion quelle qu’elle soit, mais celle qu’il a ordonné de sa propre bouche. »

La fidélité à la parole de Dieu constitue seule les martyrs ; les victimes de la justice civile pour crime d’hérésie ne sont que des blasphémateurs. Voir ces textes et quelques autres dans Faguet, Études sur le XVIe siècle. Calvin, p. 1KJ sq.

IV. MÉTHODE DE Calvin ; JUGEMENT ET CONCLUSIONS. — Écoutons d’abord deux protestants : M. Rognon, dans un remarquable article de la Revue chrétienne, du 15 décembre ISt ! 3, et M. Buisson, dans son Sebastien Castellion. C’est, dit M. Rognon, ce qui peut se concevoir de plus logique, et si je l’ose dire, de plus extrême dans le christianisme… ; protestant contre les accommodations juives ou païennes qui constituent non pas le catholicisme tout entier, mais ce que le catholicisme a de propre et d’exclusif en tant que secte particulière, au sein de la famille chrétienne et dans la vraie catholicité de l'Église… Calvin a cherché une théologie plus biblique, une sainteté plus efficace, une Église plus apostolique… S’il a quelque excès dans Calvin (comme dans Augustin et dans Bernard de Clairvaux, ses prédécesseurs naturels et ses légitimes ancêtres i. c’est d'être plus paulinien quesaint Paul, plus biblique que la Bible, plus chrétien que le christianisme dans son plus pur courant, dans sa tradition la plus féconde… Aucun théologien n’a plus humilié la nature et la raison humain.'… Humilier l’homme et glorifier Dieu, c’est toute l’ambition de sa théologie comme de sa vie. » « Toute 17 » *litution chrétienne, dit M. Buisson, est écrite pour faire ce départ entre le christianisme authentique et les superfétations qui l’ont altéré… Aux yeux de Calvin, snperfetalions sont infinies ; de tous les Pères, il n grtee qu'à saint Augustin ; encore le juge-t-il « un peu i entaché de vice. rout le christianisme est dans saint Paul. Le christianisme consiste en cinq ou six grandes vérités exprimées par saint Paul et expliquées par saint Augustin. Dieu est tout-puissant, donc l’homme n’est rien devant lui ; l’homme a pêche ; il n’est pas libre : il est foncièrement mauvais ; donc il ne peut aucunement se justifier par ses ouvre- : la volonté, le bon plaisir dé Dieu, est le dernier mot de tout. Quant à la méthode proprement dite de Calvin. M. Rognon la juge en ces

termes : l Peu ou point de métaphysique dans un livre

exclusivement consacré à étudier la nature divine et la

nature humaine. Calvin ne procède que par voie d’autorité et par déduction. Sa méthode est synthétique et non analytique. Par là ce terrible adversaire de 1 i du moyen âge est le dernier et le plus illustu n i tésentant de la scolastique. Il ne combat Rome qu’avec les armes de l’école. Calvin est le dernier des théologiens célèbres qui ont renfermé leur pensée dans l’étude des textes, et ont ouvertement professé le servage de la philosophie. Encore une fois, pour la méthode, c’est un scolastique pur. »

Malgré tous les efforts de Calvin, il y a des inconséquences et des illogismes dans son œuvre. Nous en signalerons deux entre beaucoup d’autres, l’une dans sa doctrine de la toute-puissance de Dieu dans ses rapports avec la liberté de l’homme, et l’autre dans sa théorie de l’Église.

Ses raisonnements tendraient à rendre absolument incompatible la liberté de l’homme avec la puissance et l’omniscience de Dieu. Cependant il admet qu’avant la chute, Adam était libre. Inst. chrét., l. I, c. xv, n. 8 ; « En cette intégrité l’homme avait franc arbitre, par lequel, s’il eût voulu, il eût obtenu vie éternelle… Ainsi Adam pouvait demeurer debout, s’il eût voulu, veu qu’il n’est trébuché que de sa volonté propre. » Donc, en soi, il n’y a pas incompatibilité entre la toute-puissance de Dieu et la liberté de l’homme.

Sur cette question, Calvin n’arrive jamais à s’expliquer d’une façon satisfaisante. L. III, c. xxiii, 8 : « Le premier homme est cheut parce que Dieu avait jugé cela estre expédient… Parquoy contemplons plustost en la nature corrompue de l’homme la cause de sa damnation, laquelle luy est évidente, que de la chercher en la prédestination de Dieu ; où elle est cachée et du tout incompréhensible. Et qu’il ne nous face point mal de submettre jusque là nostre entendement à la sagesse infinie de Dieu, qu’il luy cède en beaucoup de secrets. Car des choses qu’il n’est pas licite ne possible de savoir, l’ignorance en est docte : l’appétit de les savoir est une espèce de rage. »

Après avoir fermement établi son principe du serf arbitre, il arrive à cette objection qu’on lui fait : Alors à quoi bon prêcher ? « C’est, reprend Calvin, comme si l’on disait qu’il est inutile de semer. Il faut semer encore que ce soit Dieu qui fasse lever la graine. » Sans doute, mais n’est-ce pas rétablir le partage entre l’homme et Dieu, car enfin c’est l’homme qui sème, Dieu se réservant de faire lever la graine ? Ou encore : « Dieu endurcit ceux qu’il lui plaît, sans qu’on puisse lui demander pourquoi il le fait ; mais ce n’est pas à dire pourtant que les réprouvés étant endurcis de Dieu ne s’endurcissent aussi. » Ici encore l’action de l’homme et sa liberté, pour une part aussi minime qu’on voudra, mais enfin pour une part, se trouvent rétablies.

C’est surtout contre les libertins spirituels qui lui répondent que, si Dieu fait tout, il n’y a rien à condamner, que Calvin en vient à se réfuter lui-même et à employer les arguments catholiques. Pourquoi ? parce que c’est à la fois la voix de la vérité, du sens commun et de la conscience humaine.

Qu’on lise cette page, d’ailleurs assez piquante, de Calvin : « Cette grosse fouasse de Quintin se trouva une fois en une rue où on avait tué un homme. Il y avait là d’aventure quelque « spirituel » qui dit : « Hélas ! qui a fait ce méchant acte ? » Incontinent, Quintin répondit en son picard : « Cha été my. » L’autre ; comme tout étonné : « Comment seriez-vous bien si lâche ? » À quoi il répliqua : « Cha été Dieu. — Comment, dit l’autre, faut-il imputer à Dieu les crimes qu’il commande être punis ? » Adonc Quintin : « Oui ! Chet ty, chet my, chet Dieu ; car che que ty ou my faisons, chet Dieu qui le fait ; et che que Dieu fait nous le faisons. »

Les successeurs de Calvin devaient faire bien plus de concessions, et Voltaire pourra s’amuser à prouver aux docteurs de Genève qu’ils sont semi-pélagiens.

Il y a de même une ontradiction aussi évidente dans le système calviniste sur l’Église que dans la théorie luthérienne. Ce système pose deux principes et une conséquence en forme d’anathème contre les sectes plus hardies qui avaient paru en Allemagne et en Suisse et que l’orthodoxie réformée qualifiait d’hérétiques.

Le premier principe est qu’il plaît à Dieu qu’il y ait une Église enseignante pour brider les fidèles. Confession des Églises de France, art. 25. Mais de quel droit brider les fidèles ? Comment concilier cette prétention avec le fameux art. 4 de la même Confession qui leur accorde le sûr discernement des livres canoniques « par le témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit » ? Si pour une question aussi fondamentale que le discernement des Écritures, il n’est pas nécessaire de brider les fidèles, pourquoi les brider dans les questions secondaires ? Le Saint-Esprit ne suffira-t-il plus à les éclairer ?

Le second principe est que « l’Église ne peut consister sinon qu’il y ait des pasteurs…, lesquels on doit honorer…, quand ils sont dûment appelés, art. 25…, et qu’il convient de discerner cette Église ». Art. 27. L’Église est donc une société visible. Calvin le déclare tout au long dans le c. Ier du IVe livre de l’Institution, et Luther, nous l’avons dit, en était venu là, ce qui réfute plus d’un siècle avant les travaux de Bossuet la fameuse thèse de l’Église invisible, où la Réforme fut obligée de se rejeter. Histoire des variations, l. XV, n. 17.

Mais qu’enseignent donc ces pasteurs de l’Église enseignante, sans lesquels l’Église ne peut consister, puisqu’on vertu de l’art. 5 de la Confession la parole de Dieu contenue dans l’Écriture est l’unique règle de la vérité ? Apparemment les principes de foi et les règles de conduite qui se déduisent des paroles des Livres saints, c’est-à-dire qu’ils expliquent comment telle parole exprime tel mystère, comment tel précepte de vie morale est obligatoire en vertu du texte sacré.

Comme conséquence, les fidèles ont des devoirs à l’égard de cette autorité enseignante, le devoir de la respecter et celui de s’y soumettre. Cela est en harmonie avec la tradition constante de l’Église chrétienne, mais cela, encore une fois, est en contradiction avec le principe de la Réforme. Une Bible correcte doit suffire aux fidèles et la logique est du côté de ces « fantastiques » qu’on anathématise. On a beau faire, l’art. 25 n’est qu’un retour déguisé et incomplet au système catholique. De même l’art. 26 qui défend de se mettre à part et de se contenter de sa personne.

L’art. 27 relatif au discernement de la véritable Église introduit une nouvelle difficulté. Qui m’assurera que telle compagnie des fidèles s’accorde à la pure parole de Dieu ? Si je m’en rapporte au témoignage de cette compagnie, j’abdique ; si je m’en rapporte au témoignage de ma conscience, je puis rompre avec cette compagnie. Mais il m’est défendu par l’art. 26 de me mettre à part. Et, dans la discipline calviniste, ce n’est pas une vaine défense ; il y a des pénalités contre ceux qui se mettent à part. J’irai donc contre ma conscience ou je ferai schisme ; tant il est vrai que la notion d’Église ne peut subsister avec la souveraineté individuelle de la conscience. Qui dit Église dit autorité enseignante ; qui dit autorité enseignante en pareille matière doit dire autorité infaillible. Et au contraire qui dit interprétation personnelle de l’Écriture dit individualisme religieux et ruine ipso facto la notion d’Église.

En bonne logique, l’art. 4 aurait dû suffire ; les art. 25-32 ne sont qu’un expédient illogique, mais salutaire, pour pallier les inconvénients inévitables engendrés par le 4e.

Autre observation à propos de l’art. 31 sur les pasteurs dûment appelés et la mission extraordinaire. On ne pouvait marquer en termes plus clairs et plus généraux l’interruption du ministère ordinaire établi de Dieu, ni la pousser plus loin que d’être obligé d’avoir recours à la mission extraordinaire ou Dieu envoie par lui-même et donne aussi des preuves particulières de sa volonté.

Luther et Calvin sont donc élevés à la dignité d’envoyéfl extraordinaire ! et plénipotentiaires de la providence pour le redreaæment de i Église de Dii u. S’il en est ainsi, comment Dieu n’a-t-il pas donné exactement le même mandat à I un et ! Pourquoi, par

exemple, envoyés pour détruire li erreurs du papisme relativement à la transsubstantiation, ont-tK émis deux s>- !.iii("^ aussi opposés l’un à l’autre que ions u-u x à la doctrine de II glise romaine ? D’ailleurs, quel novateur plus audacieux que ses prédécesseurs ne se croira pas affranchi à son tour des règles de la mission pastorale, pensant qu’il est lui aussi suscité de Dieu avec mi spéciale pour redresser l’Église ? Luther et Calvin s’a|>pliquent le bénéfice de 1 art. 31 : de que ! droit le refuser à Carlstadt, à Zwingle, à Mûnzer, etc.’.'

Ainsi l’art. 4 crée ï’illuminisme ; l’art. 27 crée l’individualisme religieux et ruine la notion d’Église ; l’art. 31 crée, ou du moins autorise, le fanatisme sincère ou l’ambition audacieuse qui se diront investis d’une mission extraordinaire.

Calvin ne peut manquer de le voir et cependant il exige à l’égard de son Église la même adhésion et la même obéissance que l’Église catholique exige de ses fidèles. On a peine à croire ce qu’il écrit à ce sujet : « C’est une chose horrible à lire ce qu’écrivent Isaïe, Jérémie, Joël, Habacuc, et les autres, du désordre qui étoit en l’Église de Jérusalem… Néanmoins les prophètes ne forgeoient point de nouvelle Église pour eux et ne dressoient pas des autels nouveaux pour faire leurs sacriiices à part, mais, quels que fussent les hommes, pour ce qu’ils réputoient que Dieu avoit mis là sa parole, au milieu des méchants ils adoroient Dieu d’un cœur pur et élevoient pures leurs mains au ciel. Il n’y avoit autre chose qui les induit à demeurer en l’Eglise au milieu des méchants que l’affection qu’ils avoient de garder unité. Or si les saints prophètes ont fait conscience de s’aliéner de l’Eglise à cause des grands péchés qui y régnoient, et non point d’un seul homme, mais quasi de tout un peuple, c’est une trop grande outrecuidance à nous de nous oser séparer de la communion de l’Église dès que la vie de quelqu’un ne satisfait pas à notre jugement… Pourtant (par conséquent) que ces deux points nous soient résolus que celui qui de son bon gré abandonne la communion externe d’une Eglise en laquelle la parole de Dieu est prèchée et ses sacrements sont administrés n’a nulle excuse ; secondement que les vices des autres, encore qu’ils soient en grand nombre, ne nous empêchent pas que nous ne puissions là faire profession de notre chrétienté, usant des sacrements de Notre-Seigneur en commun avec eux, d’autant qu’une bonne conscience n’est point blessée par l’indignité des autres, fût-ce même du pasteur. » Inst. chrét., t. IV, c. i, n. 18, 19.

Nous ne saurions mieux terminer que sur cette page, où il n’y a pas un mot que Calvin ne put s’appliquer à lui-même pour se condamner, lui et tous les novateurs qui prenant pour point de départ la nécessité d’une réforme dans l’Église catholique, se séparaient d’elle et renversaient à la fois sa discipline et son dogme.

On trouvera la bibliographie complète de cette question dans les t. LVHl-LDt c 1 1 —i Opéra CaMni du Corpus refortnatorwn, p. 542, Catalogua systematicus, n. 374-496 : Scripta qux CaMni doctritiam exponunt. Les principales œuvres de Calvin ont été indiquées dans le présent article et dans le précédent. Les exposés de la doctrine calviniste faits par des catholiques sont ici marqués d’une’.’Bossuet, Histoire des variations, L ix. XI, t. w ; l’iuqurt. Dictionnaire des hérésies, nouv. édit. par de Perrodll, 1846 ; "Mœbler, l.n symbolique ou Exposition des a dog matiques entre les catholiques et tes protestants, d’après leurs confessions de foi publiques ! et Défense dis in symbolique, t..i.i Lâchât, 3 in-8-, Taris, 1862-1858 ; Cas-, Geschichte dsr protsst. Dogmatik, Berlin, 1854 ; Bchwelter, Geschichte der protest. Centraldogmen… Innerhalb der reform. Kirche, Zurich, I ! <>i-1K50 ; Kxstiin, Calvin’s Tnstitutio nach Fort » vnd Inhalt, etc., dans les Thcolvg— Stuà uiul Hnt., 1868 ;

hte der protest. Theol. m

II. Ethik

mdL — Les I nantit— de dis-. I oltz, La pet s. tus d’après Ca

ilvin sur V Écriture sainte, Tari-, 1Ineté de Dieu dans l’Institution de Calvin,

, 18<J8, etc.

A. Baddrillart.