Dictionnaire de théologie catholique/DOMANINI Lactance

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 191-193).
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DOMANINI Lactance, carme de la congrégation de Mantoue, professa la théologie après avoir conquis à Bologne le diplôme de docteur. Son activité intellectuelle était extraordinaire : à l'âge de 33 ans, il avait déjà écrit sur toute la théologie des commentaires dignes, au dire de ses contemporains, de passer à la postérité. Ces travaux, ainsi que différents traités sur des questions spéciales de théologie et de philosophie, demeurèrent manuscrits et sont vraisemblablement perdus pour nous. Il ne publia que De divina providentia, 2 in-fol., Mantoue, 1592, où la question de la providence de Dieu à l'égard de l’homme est traitée dans toute son ampleur. Le P. Domanini mourut en 1595, à Mantoue, sa ville natale. Il avait à peine 55 ans. Ses vastes connaissances jointes à la sûreté de son jugement, à son art de bien dire et à l’aménité de son caractère, lui avaient conquis l’estime universelle. Le pape Sixte V l’affectionnait particulièrement et recourait à ses avis dans toutes les affaires difficiles. Le docte religieux avait longtemps cumulé, avec sa charge de consulteur du Saint-Office, celle de conseiller intime et de confesseur des ducs de Mantoue, et ses frères en religion l’avaient appelé à deux reprises à remplir les fonctions

de vicaire général de la congrégation carmélitaine de Mantoue.

Cosme de VIHiers, Bibliolheca carmelitana, Orléans, 1752, t. ii, col. 214 ; Daniel de la Vierge-Marie, Spéculum cavmelitanum, Anvers, 1089, t. ii, p. 1009 ; I.e Myre, Bibliotheca ecclesiastica, Anvers, 1639, p. 170.

P. Servais.

    1. DOMICILE##


DOMICILE. — I. Définition. II. Développement historique de la notion. III. Le domicile canonique. IV. Le domicile matrimonial. V. Le domicile d’ordination. VI. L’origine.

I. Définition.

C’est le siège légal d’une personne au point de vue de la manifestation de son activité juridique. La loi présume que le domicilié se trouve à cet endroit pour lui permettre d’exercer ses droits et exiger de lui l’accomplissement de ses obligations.

Chaque législation a sa théorie du domicile, car, dans le lien légal qui rattache un individu à un lieu dont il peut être absent, il y a une large part de fiction exigée par les nécessités sociales.

C’est de la conception canonique du domicile que nous allons entretenir le lecteur. Il nous sera d’ailleurs impossible de le faire sans toucher en passant à la question du domicile civil.

IL DEVELOPPEMENT HISTORIQUE DE LA. NOTION. — A

l’origine de la théorie nous trouvons l’institution romaine que les canonistes ont cru reproduire fidèlement quand ils ont conslitué leur système primitif du domicile et dont les traits principaux ont en effet passé légèrement déformés dans la législation de l’Église. Ce que les canonistes ont surtout perdu de vue, c’est l’étroite parenté du ilomicilium romain qu’ils se sont efforcés d’adopter, avec une autre institution dont ils ont emprunté le nom sans l’appliquer le moins du monde à la chose que le mot exprimait. Les canonistes ont d’ailleurs reçu cette erreur des glossateurs du droit civil romain qu’ils ont suivis pendant très longtemps, pour ainsi dire pas à pas, dans la matière qui nous occupe.

Cette institution romaine, c’est Vorigo qu’il est tout à fait inexact de faire représenter dans notre langue par le mot « origine ».

Vorigo romaine est un lien de droit qui rattache un individu à une cité déterminée par tout un système de prérogatives auxquelles il ne peut renoncer et d’obligations auxquelles il ne peut se soustraire. Cf. pour les détails notre ouvrage : Le domicile matrimonial, Paris, 1906, p. Il sq. Ce qui résulte de la lecture des textes du droit romain, c’est que le jus originis n’est pas autre chose que le droit de cité dans une ville autre que Rome. Dans cette dernière, le jus originis donne la qualité de civis par excellence comme Rome elle-même est YUrbs. Le nom d’origo a été conservé à un lien de droit qui ne rattachait pas originairement à un territoire, mais à la famille qui est la véritable palria au sens étymologique du mot. Mais la patria s’étant lixée dans un lieu, une cité, cette dernière est devenue la petite patrie que constitue chaque cité romaine.

Si le droit de cité n’avait apporté que des prérogatives, il est probable que les cités antiques n’auraient jamais communiqué aux non-citoyens qui venaient s’y fixer aucun des avantages du citoyen. Mais ce dernier avait à supporter de lourdes charges et comme les étrangers établis d’une façon stable dans la patria jouissaient, sinon en droit, du moins en fait, de certains avantages, il parut équitable de les astreindre à certaines obligations. On les rattacha donc à la cité par un lien de droit analogue à Vorigo. Ce lien est le domicilium.

Le domicile est donc originairement un succédané’, un doublet, du droit de cité. L’incola ou domicilié est chez lui dans la cité, mais pas tellement cependant qu’il ne soit en même temps chez l’originaire. Quant

à celui qui n’a dans une cité ni origo ni domicilium, c’est un advena.

Distinguer l’incola de V advena est pour la cité et pour le non-cjtoyen lui-même d’une souveraine importance au point de vue des charges publiques, de la compétence des tribunaux, de la législation qui sera appliquée en matière de commerce, de mariage, etc.

Sera-ce par un acte public de l’autorité civile ou familiale que s’acquerra le domicile ? Non. Cela a lieu pour Vorigo seulement qui est accordée à la suite d’une modification dans l’être juridique du nouveau citoyen, par l’adoption ou l’adlection. Mais pour le domicilié, c’est une situation de fait qui crée l’état de droit. Et le fait qui domine tous les autres, c’est l’intention de se fixer à demeure dans une cité. L’acte extérieur qui manifestera le plus clairement cette disposition intime sera l’installation stable. In codem loco sinnidos liabere domicilium non ambigitur, ubi guis larem rerumque ac forlunarum suarum summam constiluit, underursus non discessurus, si nihilavocet, unde cum profectus est, peregrinari videtur, quod si rediit, peregrinari jam destitit. L. 7, X, XL.

Nous retrouvons pour le fond cette conception et en droit canonique et en droit français, bien qu’avec des nuances.

L’installation stable n’est d’ailleurs que la preuve normale prévue par le droit romain qui a grand soin d’exclure comme insuffisants d’autres faits qu’on aurait pu prendre pour des manifestations incontestables de l’intention de se fixer, génératrice du domicile. La loi déclare inefficace comme preuve de l’intention : la déclaration, l’acquisition d’un bien foncier sur le sol de la cité, l’acquisition même d’un bien de décurion, la résidence de fait enfin ne donne que des présomptions, et le Code Justinien exige de l’étudiant la résidence de dix ans au lieu de ses études pour qu’il puisse espérer s’y faire reconnaître un domicile. La raison pour laquelle il réside là est, en effet, temporaire de sa nature et la présomption d’intention perpetuo manendi ne peut résulter de ce fait. Les apparences sont plutôt en sens contraire. Or, encore une fois, c’est l’intention qui est tout en cette matière.

La preuve, c’est que dans certains cas où l’intention se manifeste autrement que par l’installation définitive, la loi n’exige pas la preuve normale de l’installation. Sans doute, ce sont des situations exceptionnelles et comme toute exception est strictissimie 171terpretationis, on ne peut étendre celle-ci aux cas non prévus limitativement par le droit. L’intention d’accepter quelqu’un comme époux suppose celled’habiter avec lui et la femme qui se marie par les juslse nuptise prend la domicile du mari avant de s’être installée effectivement à son foyer. Les textes excluent avec soin la fiancée de l’exception. Le soldat domicilié au lieu où il sert garde domicile dans son pays, s’il y a conservé des biens. Il en est de même pour le rélégué’, au moins en certains cas. Le liis de famille semble bien avoir domicile de droit chez son père jusqu’au momentoù il use de la faculté que la loi lui reconnaît de se choisir un domicile personnel, mais la loi romaine est muette à ce sujet. La limitation des fonctions du tuteur à l’administration du patrimoine, ce qui exclut la garde et l° éducation du pupille, ne permet pas, en l’absence de texte, de supposer que ce dernier avait de droit domicile chez le tuteur.

Ajoutez à cela que l’oriflfo ou droit de cité pouvait être mulliple. Il ne répugne donc pas que le domicile, doublet du droit de cité, rattache le même individu à plusieurs cités. VA, de fait, quand un personnage avait plusieurs installations définitives en différentes cités, on a fini par admettre qu’il avait plusieurs domiciles. C’était d’ailleurs logique, puisqu’il manifestait par là plusieurs intentions perpétua manendi.

Le domicile se perdait par la cessation de l’intention

qui l’avait créé, ce qui se manifestait par l’abandon matériel de l’installation, preuve normale de l’intention de rester. Celui qui perdait ainsi son domicile était sans domicile jusqu’à ce qu’il en eût constitué un autre.

Ces subtilités ne pouvaient entrer dans l’esprit des envahisseurs du monde romain et les leges romans barbarorum témoignent d’un oubli complet de ces principes. La race et l’habitation de fait, voilà tout ce qui gouverne la législation, même romaine de nom, jusqu’à la renaissance du droit romain au commencement du xiie siècle.

Alors se construit une théorie nouvelle que ses auteurs estiment être purement conforme aux textes qu’ils commentent. Les glossateurs ne se doutent pas de ce qu’était Vorigo romaine. Pour Accurse, les mots incola et civis sont à peu près synonymes. L’origo est une espèce dans le genre domicile. Le domicile d’origine est celui qu’on a acquis par sa naissance, parce que le père y était domicilié. Si on est né per accidens hors du lieu où le père était domicilié, c’est le lieu où le père est né qui fixe le domicile d’origine et cela quand bien même le père y serait né lui aussi per accidens, car on ne peut procéder in infinitum et rechercher son domicile d’origine jusqu’au paradis terrestre. Conclusion : comme il faut bien être né quelque part d’un père qui lui-même a fait son entrée dans le monde en un lieu donné et que Vorigo est un domicile, on ne peut pas être sans domicile.

A cette déformation de la notion romaine, les glossateurs en ajoutent une autre. Ils rapprochent la théorie du domicile de celle de la possession. Cette dernière, pour eux. prend naissance par la détention matérielle de l’objet et Vanimus dominii. Dans le domicile, ils voient une espèce du genre possession. L’intention perpetuo manendi constitue Vanimus et l’installation le corpus. La preuve normale de l’intention est élevée, dans leur théorie du domicile, au rang d’élément constitutif. Le pseudo-domicile d’origine est présumé persister jusqu’à ce qu’on ait fait la preuve de la constitution d’un nouveau. — Enfin le texte du droit romain qui refusait le caractère définitif à l’installation de l’étudiant au lieu de ses études, avant que dix ans se soient écoulés, est appliqué par les glossateurs à tout le monde. On peut bien faire un stage de dix ans comme simple résident avant de devenir domicilié, puisqu’on n’est pas vagus pour cela. Le domicile d’origine ne persistet-il pas, prêt toujours à accueillir celui qui n’a pas de domicile personnel’.'

III. Le domicile canonique.

Il faut dire à l’éloge des canonistes de la même époque, très intimement apparentés cependant avec les juristes, qu’ils ne les suivirent pas dans toutes leurs erreurs, au moins en théorie.

Ils admettent cependant la généralisation de la présomption décennale dans la glose du Décret. Cependant il n’en est pas question dans la glose des Décrétâtes, pas plus que du pseudo-domicile d’origine, ni de la théorie de Vanimus et du corpus. Mais le domicile d’origine reparait dans le Sexte et sa glose, ainsi que la présomption décennale.

A partir de ce moment, les canonistes suivent les juristes, évoluant avec eux. Le domicile d’origine deviendra, pour les uns comme pour les autres, le domicile d’habitation du père au moment de la naissance de son enfant. Fagnan, au xviie siècle, essaie bien de réagir contre l’importance exagérée qu’on donne au corpus, mais il n’arrêtera pas une évolution qui devait aboutir à la prédominance de cet élément qui, naguère, dans la constitution Ne teniere, est devenu l’unique élément constitutif du domicile matrimonial.

Ce qu’il est important de noter, c’est que le domicile général du droit canonique n’a jamais été défini exprofesso par les canons. Les décrétalistes et leurs succes seurs ont adopté la notion du droit civil sans prendre la peine de la formuler. Tout au plus, trouve-t-on dans les documents législatifs de l’Église quelques traits épars, jusqu’au moment où le concile de Trente oblige à des précisions.

Mais ce qui reste dans les décrétâtes a toujours force de loi sauf abrogation législative postérieure, et la doctrine des décrétales concorde trop avec la théorie des juristes de Bologne pour qu’on puisse définir le domicile général tel que l’admet l’Église en d’autres termes que ceux-ci : Domicilium est habilalio in loco cum aninio ibi perpetuo manendi si nihil avocet.

Voici les traits essentiels du domicile canonique : il se constitue par la réalisation simultanée des deux éléments et ne se perd ensuite que si le corpus et Vanimus cessent tous deux d’exister à un moment quelconque. Je me transporte et m’installe en un lieu ; soit au moment de mon installation soit à un autre moment de mon séjour j’ai l’intention perpetuo manendi si 711/iil avocet, je deviens domicilié. A partir de ce moment, je resterai domicilié tant qu’un des deux éléments restera réalisé. Je pourrai quitter momentanément mon domicile sans le perdre du moment que je ne l’aurai pas abandonné sans esprit de retour. Les circonstances pourront me faire perdre l’intention de rester, je ne perdrai mon domicile qu’au moment de mon départ effectif. D’après la règle de droit : Omnis )-es per quaseumque causas nascitur per easdem dissolvitur, il faudra que je perde à la fois l’aninius et le corpus pour que mon domicile cesse, comme il m’avait fallu réunir les deux éléments à un moment donné pour que le domicile prenne naissance, et préci » sèment à ce moment-là.

Nous avons déjà noté que le corpus, celui des deux éléments qui se manifeste le plus clairement, tend à devenir prépondérant au for externe.

Le lecteur a compris qu’aucune résidence de fait sans intention de rester n’est directement génératrice du domicile. Une installation occasionnelle est sans efficacité, parce que Vanimus ne l’accompagne pas. De même, l’absence non définitive qui laisse subsister Vanimus n’atteint en rien le domicile.

On peut acquérir domicile sans séjour préalable, sans stage, pourvu que l’intention existe au moment où on s’installe. L’habitation décennale qu’exigeaient les juristes au moment de la formation de leur théorie n’a plus place comme élément nécessaire dans la théorie canonique du domicile général. Réalisée, elle constitue sans aucun doute une forte présomption de l’existence de Vintentio perpetuo manendi, mais elle ne s’impose plus.

L’intentio perpetuo manendi est celle de demeurer là indéfiniment, si nihil avocet, c’est-à-dire jusqu’à nouvel ordre. Elle n’implique pas un vœu de stabilité, une volonté très arrêtée de ne jamais partir quoi qu’il arrive. Elle n’est pas incompatible avec la pensée qu’un départ est possible, mais elle ne pourrait pas se concilier avec la certitude d’effectuer un jour un changement, que l’époque du changement soit prévue ou non.

Le droit canonique admet comme conséquence la possibilité de plusieurs domiciles dans le cas où plusieurs installations définitives existent, occupées par la même personne, avec l’intention de ne jamais quitter définitivement celle où elle ne réside pas de fait. L’exemple du domicile de ville et du domicile de campagne est classique.

Le droit canonique admet aussi qu’on soit sans domicile. On peut, en effet, concevoir que quelqu’un quitte son domicile sans esprit de retour et ne se soit pas encore constitué un domicile ailleurs. Il est en chemin pour aller s’installer, ou bien son installation dans la nouvelle résidence n’a qu’un caractère occasionnel. Mais cette situation anormale ne seErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.