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Dictionnaire de théologie catholique/DONATISME V. Erreurs des Donatistes

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 200-230).

devotionis’, les neuf premiers psaumes, l’Épître aux Romains, etc.), des lettres, 1res nombreuses également (entre autres, VI ter perusinum), des traités proprement dits (tels que Dell amore di carità, souvent imprimé depuis 1513, à Sienne ; Begola del governo di cura familiare, édité en 1860, à Florence, par Donato Salvi, un des monuments de la langue italienne ; Lucula noclis, dont il a été question plus haut ; un Libro délie selle bealiludini, etc.), enfin des poésies spirituelles (laudi et canzone), publiées par lïiscioni, Florence, 1736.

A consulter, en dehors des ouvrages généraux sur le grand schisme ou l’histoire dominicaine : Sauerland, Card. Joli. Duminici und sein Verhalten zu den kircliliclicn Unionsbestrebungen wàhrend der Jahre H00-iU15, dans Briegersche Zeitschrift, t. ix, p. 242 sq. ; Gregor Xll von seiner Wahl bis zum Vertrage ni Marseille, dans Historische Zeitschrift de Sybel, t. xxxiv, p. 76 sq. (très hostile à Dominici) ; A. Rœsler, C. SS. R., Card. Joli. Dominici, O.Pr., ein Reformatorenbild aus der Zeil des gr. Schisma, Fribourg-en-Brisgau, 1893.

II. Dliiove.

1. DOMINIQUE DE LA SAINTE-TRINITÉ, fils de Louis Tard y, procureur général du duché de Nevers, et de Barbe de Trapes, naquit à Nevers le 4 août 1616. Il n’avait pas encore atteint sa 18e année quand il sollicita et obtint son admission dans l’ordre des carmes déchaussés. Dès que furent terminées ses études de philosophie et de théologie, il fut envoyé au célèbre séminaire des missions que les carmes possédaient à Rome, pour y parfaire ses connaissances. Sa vertu et sa doctrine s’y affirmèrent avec un tel éclat que les supérieurs n’hésitèrent pas à lui confier la chaire de théologie de Malte. Là, son érudition, sa prudence et ses mérites incontestés lui valurent, malgré sa jeunesse, car il n’avait que 28 ans, la charge de consulteur du Saint-Office et d’inquisiteur général pour Malte et les îles voisines. Bientôt cependant il fut rappelé à Rome pour y enseigner les sciences sacrées au séminaire des missions. Après avoir rempli successivement et brillamment les fonctions de prieur, de définileur général et de supérieur général de son ordre, il fit une sainte mort le 7 avril 1687. Il avait publié : 1° Tractatus polemicus de anno jubilœi, in-4°, Rome, 1650, treize controverses sur l’origine, la nature, les effets, en un mot sur tout ce qui se rapporte au jubilé ; 2° Bibliotlieca theologica, 7 in-fol., Rome, 1665-1676, véritable encyclopédie de théologie scolastique, positive, apologétique et mystique.

Cosme de Villiers, Bibliotlieca carmelitana, Orléans, 1752, t. i, col. 420 ; Daniel de la Vierge-Marie, Spéculum carmelitanurn, Anvers, 1680, p. 1128 ; Henri du T. —S. —Sacrement, Collectio scriptorum ordinis carme litarum excalceatorum, Savone, 1884, t. i, p. 108 ; Louis de Sainte-Thérèse, Annales des carmes déchaussés de France, Laval, 1891, t. ii p. 573.

P. Servais.

2. DOMINIQUE DE SAINTE-THÉRÈSE, canne déchaussé d’Espagne, jouissait, comme philosophe et comme théologien, d’une réputation bien méritée. 11 professa longtemps la théologie et remplit les diverses charges de son ordre. Il mourut en 1654, âgé de 54 ans, après avoir publié du célèbre Collegii Salmanlicensis cursus théologiens les t. m et iv, in-fol., Salamanque, 1647, c’est-à-dire les commentaires sur les 89 premières questions de la Ia-IIæ de la Somme théologique de saint Thomas. Ces traités comprennent les t. v-viii inclusivement de la dernière édition, Paris, 1870-1883.

Cosme de Villiers, Bibliotheca carmelitana, Orléans, 1752, t. I, col. 419 ; Daniel de la Vierge-Marie, Spéculum curmelitanum, Anvers, 1680, p. 1128 ; Henri du T. —S. —Sacrement, Collectio scriptorum ordinis carmelitarum excalceatorum, Savone, 188’i, t. i, p. 168.

P. Servais.

3. DOMINIQUE DE SAINT-THOMAS, né à Lisbonne vers le commencement du XVIIe siècle, entra au

couvent dominicain de la même ville. Maître en théologie, il enseigna longtemps au collège de Saint-Dominique et s’acquit une grande réputation comme orateur sacré. Par deux fois il fut élu prieur de son couvent ; il occupa aussi la régence à l’université de Lisbonne. Il fut en grande faveur auprès du roi Jean IV qui le fit son prédicateur, il jouit du même titre et remplit les mêmes fonctions près d’Alphonse VI et du régent don Pedro. Il mourut le 30 juin 1675. Il publia ses œuvres oratoires en deux volumes, Lisbonne, 1675, 1676. Il composa aussi un traité de théologie qu’il publia une première fois sous ce titre : Summa tlieologise in triplex compendiurn tripartila, sive tirocinium theologise, 3 in-fol., Lisbonne, t. i (1668), De Deo ; t. n (1670), De incarnalione et sacramentis ; t. ni (1670), De Ecclesia. Une seconde édition en 6 infol. allait paraître quand l’auteur mourut. Le général de l’ordre, Thomas de Rocaberti, fit envoyer le manuscrit à Rome ; par ses soins, le t. IV, De Ecclesia, parut dans la Bibliotlieca maxinia pontificia, t. x, p. 145212.

Fr. Luc de Sainte-Catherine, Quarta parte da historia de S. Domingos particular du reyno, e cunquistas de Portugal, etc., in-4°, Lisbonne, 1767, p. 21-25 ; Joseph de Sousa, Claustro dominicano terceyro Lanço, in-8°, Lisbonne, 1784, p. 195-196 ; Quétif-Echard, Scriptores ordinis prædicato in-fol., Paris, 1719-1721, t. ii p. 654, d’après N. Antonio ; Htirter, Nomenclatur, 3’édit., Inspruck, 1910, t. tv, p. 4.

11. Coui.ox.

DOMINIS (marc-Antoine de), archevêque de Spalatro, passé à l’anglicanisme, 1566-1621, naquit en 1566, dans l’île d’Arbe, sur la côte de Dalmatie. Élève des jésuites, il entra dans leur ordre, fut professeur de mathématiques à Padoue.de rhétorique et de logique à Brescia, et, après son ordination sacerdotale, obtint de vrais succès comme prédicaleur. Ambitieux et indépendant, il abandonna les jésuites et devint successivement évêque de Segnia, en Croatie, puis archevêque deSpalatro, en Dalmatie. A l’en croire, il aurait été dès lors dégoûté des défauts de la théologie romaine et des vices du clergé. Causée profeclionis, p. 4sq. ; Percy, art. cit. ; Benrath, art. cit. Lorsqu’éclala le différend entre Paul V et Venise, au cours duquel le pape jeta l’interdit sur les terres de la République, Marc-Antoine embrassa le parti du pouvoir civil, et se brouilla définitivement avec la cour de Rome. L’Inquisition commença à informer conlre lui. Boccalini, Letlera, p. 7 sq. Déjà à cette époque il travaillait à son grand ouvrage sur la République chrétienne, et vacillait dans sa foi. A Venise, il entra en rapports avec l’ambassadeur d’Angleterre, sir Henry Wotton, et le chapelain de l’ambassade, Guillaume Bedell. Ceux-ci lui promirent bon accueil dans les domaines de Jacques I er, s’il s’y réfugiait. Il se décida, peut-être dans l’espoir de réunir les Églises romaine et anglicane, à suivre leurs conseils. Il s’enfuit d’abord en Suisse, puis à Heidelberg où il publia la plus violente de ses attaques contre Rome, intitulée : Scogli del christiano naufragio, traduite en plusieurs langues par les soins des protestants. De ces écueils, les uns proviennent, d’après lui, de l’ambition : puissance pontificale, spécialement sur le temporel des princes ; obligation de la foi implicite à tout ce que l’Eglise enseigne ; usage des excommunications ; commandements surajoutés à la loi de Dieu par l’Église romaine ; fausse union des catholiques maintenue par la violence et la terreur. Les autres proviennent de l’avarice : messe, confession auriculaire, doclrine sur le purgatoire, la satisfaction, les indulgences, culte des images et des reliques, doctrine sur le mérite. Cf. Les écueils du naufrage chrestien découverts par la saincle Eglise de Christ à ses bien-aynie : en fans, La Rochelle, 1618. Fn 1616, Doininis arrivait en Angleterre, porteur d’une copie de

l’Histoire du concile de Trente de Paolo Sarpi, qu’il s’était procurée subrepticement, et qu’il imprimera à Londres sans l’aveu de l’auteur (1619). Il fut fort bien accueilli par le roi Jacques, et par Abbot, arcbevêque de Canterbury. Le premier dimancbe de l’Avent 1617, il prêcbait à Londres, dans la cbapelle des Merciers, un violent sermon contre les abus de la cour de Rome^ répétant les accusations portées dans son précédent pampblet, et affirmant que « pour le seur, telle vie et coustumes, trop fréquentes en la cour de Rome, sans toucher aux gens de bien, monstrent qu’ils n’ont point la cognoissance de Dieu, ny l’espérance de la vie éternelle. » Sermon de M. Marc-Anthoine de Dominis archevesque de Spalalro, Charenton, 1619, p. 19. Il avait déjà raconté à sa façon, dans un violent pamphlet, les causes de sa rupture avec Rome. Causai profectionis, p. 4 sq. En 1617, Jacques lui conféra le riche doyenné de Windsor et plusieurs autres bénéfices. Dominis publia à Londres, en 1617, la première partie de son De republica ecclesiastica ; les deux autres parties parurent postérieurement à Londres et à Hanovre ; l’ouvrage fut plusieurs fois réédité en Allemagne ; je reviendrai plus bas sur ce livre capital. En 1619, il donna, également à Londres, YHisloiredu concile de Trente de Paolo Sarpi. On l’accusa d’en avoir aggravé le texte, et Sarpi désavoua cette publication. Il semble qu’il fut aussi l’auteur de la violente allaque contre la papauté parue à Londres en 1617 et intitulée : Papatus romanus, seu de origine, progressu alque extinctione ejus. Percy, art. cit. ; Benrath, art. cit. Dominis se fatigua vite de son séjour en Angleterre ; ses projets pour l’union des Églises étaient peu goûtés ; sa santé souffrait du climat ; sa vanité puérile, " son avidité de nouveaux bénéfices, son avarice, son tempérament irascible lui avaient vite fait nombre d’ennemis. Godfrey Goodman, The Court of King James, t. i, p. 310 sq.’ : S. R. Gardiner, History, t. iv, p. 284. En 1620, Paul V mourait, et avait pour successeur Grégoire XV, compatriote et ami de Dominis. L’archevêque révolté se résolut à rentrer dans l’Église romaine. Avant fait sonder le pape par les ambassadeurs catholiques présents a Londres, il reçut la promesse de son pardon et d’une pension convenable s’il venait à résipiscence. Le 16 janvier 1622, il écrivit au roi Jacques, lui demandant la permission d’aller à Rome travailler à l’union des Eglises. Le roi très mécontent lui envoya les évêques de Londres et de Durham, et le doyen de Winchester ; Dominis eut avec eux plusieurs colloques fort aigres, au cours desquels il affirma à nouveau tout ce qu’il avait écrit pendant son séjour en Angleterre, mais déclara ne pouvoir plus supporter le climat de ce pays. Neile, Aller Ecebolius, p. 7 sq. Cf. Dominis, De pace, p. 27 sq. Il reçut du roi Jacques l’ordre de quitter l’Angleterre dans les vingt jours. Il se réfugia à Druxelles, attendant un pardon formel du pape ; il emportait dans ses malles 1600 ou 1700 livres sterling (environ 40 000 francs) économisées par lui pendant son séjour : Jacques I" fit mettre l’embargo sur les ! malles à Gravesend, et n’en permit le départ qu’après’une lettre piteuse de l’archevêque. Godfrey Goodman, The Court, t. i, p. 352. A Druxelles, pour préparer son retour à Rome, il écrivit les Causes de son retour d’Angleterre. C’était la palinodie la plus complète’Non seulement il « abominait et détestait les livres écrits par lui en Angleterre comme contenant des hérésies évidentes contre la vérité catholique, et con— ] trairesà la saine doctrine, » mais il déclarait calomnie pure ce qu’il avait dit des abus de la cour romaine. Il faisait la profession de foi la plus solennelle « que le pontife romain est, en vertu de l’institution du Christ son vicaire en terre, la tête visible de toute l’Église catholique, qui fut elle-même toujours visible ; le pape a plein pouvoir, reçu d’en haut, de la régir et diriger

il a pouvoir même sur les choses temporelles en vue du spirituel. » Il louait même l’Inquisition « dont la bénigne et paternelle vigilance sur le troupeau du Seigneur est le seul remède aux maladies des brebis, et seule peut empêcher la contagion de grandir. » Il attaquait violemment la liberté laissée en Angleterre aux luthériens et calvinistes, et terminait en se comparant modestement à saint Cyprien, lui aussi révolté contre un pape, et expiant sa révolte par le martyre ; il souhaitait, à son exemple, le martyre comme réparation de ses fautes. Consilium reditus, p. 3, 6, 16, 21, 22 sq., 63. Cette édifiante rétractation est datée de Rome^ 24 novembre 1622. Les mêmes idées se retrouvent dans son mémoire justificatif à Hall. De pace, p. Il sq. Grégoire XV avait rappelé, et reçu avec honneur l’archevêque révolté, mais repentant, qui se soumit à l’amende honorable exigée de lui. Malheureusement pour Dominis, son protecteur ne tarda pas à mourir, et fut remplacé par Urbain VIII, beaucoup moins favorable (1623). D’ailleurs, l’archevêque ne pouvait retenir sa langue intempérante ; il eut vite fait démettre de nouveau quelques thèses hétérodoxes, et l’Inquisition le fit emprisonner. Le régime de la prison acheva de briser ses forces, et il succomba en 1624, après une profession de foi suffisamment orthodoxe pour qu’on lui ait accordé les sacrements. Après sa mort, on trouva dans ses papiers un traité sur la Trinité, où figuraient maintes propositions hérétiques. Une congrégation de cardinaux examina le cas, et conclut que l’archevêque était mort dans l’hérésie ; son cadavre fut déterré et brûlé avec ses livres. Processe, p. 1 sq. Cf. Percy, art. cit. ; S. R. Gardiner, History, t. îv p. 287 sq. J’Quoi qu’il en soit des convictions intimes de ce peri sonnage fort peu recommandable, et qu’un écrivain I anglican appelait justement « l’homme habile à servitplusieurs maîtres », son œuvre est un mélange fort intéressant des thèses anglicanes et gallicanes. Elle mérite à ce titre une analyse détaillée.

La première partie du’De republica ecclesiastica, parut à Londres en 1617, avec une dédicace au roi

; Jacques I «. Elle se compose de quatre livres. L’auteur

veut y montrer « le vrai et propre régime de l’Église, tel qu’il fut institué par le Christ, pratiqué par les apôtres et les hommes apostoliques, transmis par les saints Pères, inculqué par les conciles catholiques, conservé sans corruption pendant plusieurs siècles par l’usage de l’Eglise universelle. » Le 1. I « est consacré à la forme de la république ecclésiastique. Le Christ est le vrai chef de l’Église ; son influence s’exerce encore sur elle par la grâce. Quoi qu’en aient dit les théologiens romains, Rellarmin et Saunders en particulier, point n’est besoin de représentants visibles du Christ en terre, c. i, p. 1 sq. Les apôtres ne furent, après la mort du Christ comme de son vivant, « que des ouvriers et ministres du Christ, » car leur grande fonction fut la prédication ; « ils ne reçurent rien autre que le ministère de propager la foi du Christ par la prédication de l’Evangile et par l’usage salutaire du baptême, » c. ii p. 13 sq. Tous furent égaux, et tous, au même titre que Pierre, eurent droit au titre de vicaires du Christ dans le sens indiqué plus haut, c. iii, iv, p. 21 sq. Diverses prééminences doivent être cependant reconnues en saint Pierre ; appelé le premier, le premier par la charité, le premier prédicateur de l’Évangile après la Pentecôte, on peut lui concéder la primauté d’honneur « d’un doyen parmi les cardinaux, d’un aine parmi ses frères ; » mais cette primauté ne constitue « aucun pouvoir monarchique et est parfaitement compatible avec l’autorité égale des apôtres dans le gouvernement de l’Eglise, » c. v, p. 36 sq. Tous les textes sur lesquels les théologiens romains fondent la primauté de Pierre sont interprétés d’après ces principes, 1671

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c. VI sq.. p. 43 sq. Dominis va plus loin, et prétend montrer « que la primauté entre les apôtres est contraire à l’Écriture et à l’enseignement des Pères, » c xi, p. 123 sq. La forme « de la république ecclésiastique sur la terre » n’est donc pas « la monarchie, mais plutôt l’aristocratie. » Cependant on peut affirmer en deux sens la monarchie ecclésiastique : l’évêque est monarque dans son diocèse ; l’épiscopat uni des diverses églises est la première autorité de l’Église universelle, c. XII, p. 137 sq.

Dans le 1. II e, il est question des chefs et ministres de l’Église. Les apôtres ont reçu du Christ pouvoir de se choisir des successeurs ; eux-mêmes furent consacrés évêques par le Christ, et ont, de la même façon, consacré leurs successeurs, c. i sq., p. 157 sq. Entre l’évêque et le simple prêtre il y a des dillérences fondamentales ; l’évêque reçoit directement ses pouvoirs du Christ ; tous les évêques sont au même titre vicaires de Jésus-Christ, et égaux dans leurs pouvoirs ecclésiastiques reçus directement du Christ lui-même, c. ni sq., p. 191 sq. Ces pouvoirs ne sont pas, de droit divin, restreints à tel ou tel lieu ; cette restriction s’est faite dès le temps des apôtres ; elle doit être observée. Lorsque de nouveaux évêques doivent être consacrés et envoyés, ils peuvent l’être par tout évêque légitime, et il est faux que le pape seul ait ce droit de mission, c. VII, p. 266 sq.

Dominis décrit ensuite les diverses fonctions des prêtres inférieurs. Il nie que le célibat ecclésiastique puisse être une obligation, bien qu’il en reconnaisse la haute convenance ; la permission du mariage pour le clerc étanl de droit divin ne peut être supprimée par l’Église, c. x sq., p. 291 sq. Les moines ne font pas partie des ministres de l’Eglise ; purs laïques, ils cessent d’être moines, quand ils reçoivent la cléricature ; Dominis réédile contre eux, et contre les clercs réguliers, les plus violentes attaques des protestants, c. xn, p. 347 sq.

Le 1. III e traite de la hiérarchie entre les chefs de l’Église. Aucune hiérarchie n’existe de droit divin entre les sièges épiscopaux ; le seul droit humain ecclésiastique l’a constituée ; bien des causes lui ont donné naissance, origine apostolique de certains sièges et pureté de la doctrine et de la discipline qu’ils ont conservée, surtout importance civile et politique de certaines villes, c. I sq., p. 379 sq. L’élection de l’évêque doit se faire par le clergé et le peuple, sous la présidence du métropolitain ; celui-ci doit consacrer le nouvel évêque ; les changements de sièges sont licites, mais doivent être rares, c. iii sq., p. 398 sq. Le métropolitain a, sur ses suffragants, des pouvoirs étendus de surveillance, de correction, il est leur juge ordinaire ; de leurs tribunaux on peut en appeler au sien. Les patriarches, qui doivent leur dignité à celle de leurs villes, sont tous égaux entre eux ; tous peuvent concéder à leurs suffragants le pallium, qui du reste ne confère aucune autorité spéciale, c. vu sq., p.452sq. Ce livre se termine par un exposé 1res sombre « du trouble et de la confusion apportés actuellement à la hiérarchie » par la politique romaine ; une vive critique est faite, en particulier, du concordat conclu pour la France entre François I e’et Léon X, et du régime ecclésiastique qui en est la conséquence, c. xn, p. 50’i sq.

Le I. IV e est consacré spécialement à [’Eglise romaine. Dominis admet la prédication et le martyre de Pierre à liome, mais nie qu’il ait établi son siège dans cette ville particulière ; de fait, Paul, à meilleur titre que Pierre, peut être dit le fondateur de l’Église de Home. c. i, p. 525 sq. L’Église romaine n’est qu’une église particulière, comme les autres ; la dignité de la ville de Home, les concessions des empereurs, l’origine apostolique, les grands services rendus pendant les siècles de persécutions et les premiers temps du

moyen âge, « la pureté et la sincérité de la doctrine apostolique conservées pendant plusieurs siècles, » les immenses domaines concédés par les princes temporels « par un zèle peut-être imprudent et qui devait devenir pernicieux aux donateurs, » tout cela a valu à cette Église sa dignité métropolitaine et patriarcale, et même le premier rang parmi les Églises patriarcales. Si l’on interprète exactement les prédictions de l’Apocalypse, il semble du reste que Rome ne doit pas conserver longtemps ces prérogatives, c. III, p. 544 sq. L’Église de Constantinople a, pour des raisons analogues, les mêmes privilèges que l’Église romaine, et n’est en rien soumise à celle-ci, c. iv, p. 569 sq. Le clergé romain n’a de prérogative sur les autres en vertu d’aucun droit divin ni humain, et les cardinaux ne sont que les premiers membres de ce clergé ; leur titre ne signifie rien autre chose que l’administration de l’église titulaire, c. v, p. 584 sq. Le pape n’est pas plus particulièrement le successeur de saint Pierre que les évêques des autres églises fondées par l’apôtre, c. vi, p. 610 sq. Il est faux que l’Église universelle ait une tête unique sur terre, et s’ils étaient logiques, les Sorbonnistes devraient admetlre cette conséquence ; jamais les meilleurs dans l’Église n’ont enseigné la juridiction universelle du pontife romain ; les seuls privilèges reconnus aux papes par les Pères sont ceux de patriarche et de métropolitain, et ils sont de droit humain ecclésiastique, non de droit divin, c. ix, p. 077 sq. L’élection du pape est, de droit, soumise aux mêmes règles que celle des autres évêques ; c’est à tort que le clergé et le peuple romain n’y ont plus part, et l’ingérence des princes temporels dans l’élection est légitime, c. x sq., p. 687 sq. Enfin les envois de légats par l’Église romaine aux autres Eglises, jadis bienfaisants, sont devenus maintenant, « un instrument d’exaltation pour la papauté, d’oppression pour les Eglises, d’abaissement pour les évêques, d’usurpation, pompe, faste, lucre, amour des biens temporels, « qu’il s’agisse de légats perpétuels ou temporaires, c. xn, p. 754 sq. Le pape est exhorté à renoncer à ces vaines et pernicieuses ambitions, obstacle principal à la paix, à l’unité de l’Église.

La II e partie de la République ecclésiastique parut à la fois à Londres et à Francfort sur le Mein en 1620. Elle comprend les 1. V et VI et est également dédiée à Jacques I er. Le 1. V traite du pouvoir propre de l’Eglise. Ce pouvoir est purement spirituel ; il n’implique aucune juridiction coactive, aucune peine temporelle contre les délinquants, c. I sq., p. 1 sq. Il consiste à produire, par des actes extérieurs, prédication et administration des sacrements, la grâce dans l’âme des fidèles, c. IV, p. 40 sq. Dominis donne à ce propos sa doctrine sur les sacrements. Le baptême est un vrai sacrement, non la confirmation. Sur l’eucharistie il enseigne les erreurs calvinistes, niant a la présence réelle, c’est-à-dire corporelle et charnelle, du corps du Christ » et n’admettant » qu’une présence spirituelle, figurée, mais efficace ; » il réprouve en conséquence non seulement la transsubstantiation, mais la consubstanlialion. La messe n’est pas pour lui un sacrifice proprement dit, mais seulement commémoratif ; il termine en blâmant les messes privées, et la communion sous une seule espèce, à moins de raisons graves, c. v sq., p. 52 sq. La pénitence du pécheur, et même la pénitence extérieure ecclésiastique, ont une inlluence salutaire, mais ne sont pas un sacrement, c. vu, p. 298 sq. Dominis nie le purgatoire, la satisfaction et les indulgences, c. vin, p. 337 sq. Il admet que le pouvoir des clefs s’exerce par l’excommunication, non par aucune autre censure, cl blâme à ce sujet l’interdit lancé sur les terres de Venise dont il raconte l’histoire à sa manière, c. ix, p. 399 sq. Pour lui, ni l’extrêmeonction, ni le mariage ne sont des sacrements propre J673

DOMINIS

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ment dits ; le mariage ne relève pas proprement du pouvoir ecclésiastique ; c’est un contrat naturel et humain, auquel le Christ a surajouté la double obligation de l’unité et de l’indissolubilité, c. XI, p. 429 sq.

Le 1. VIe est une attaque violente contre les théories de Suarez et de Bellarmin sur le pouvoir de l’Église en matière temporelle. Pour Dominis, le Christ, en tant qu’homme, pendant sa vie terrestre, n’a pas eu de règne temporel ; les princes et rois tiennent leur puissance immédiatement de Dieu ; les deux pouvoirs laïque et ecclésiastique sont pleinement distincts sans aucune subordination, c. i sq., p. 493 sq. Le prince a droit à l’obéissance de tous ses sujets, même ecclésiastiques ; il a, en vertu de ses fonctions, droit et devoir de surveiller l’Eglise et ce qui la concerne, c. iv sq., p. 547 sq. Le domaine temporel et le glaive matérie répugnent à la profession ecclésiastique ; les évêchés ot autres bénéfices sont justement conférés par la main du prince ; quand celui-ci se dérègle, il convient que les chefs spirituels l’avertissent avec douceur et respect, mais ni l’Église ni le pape n’ont aucun pouvoir sur les royaumes temporels et les rois, c. VII sq.. p. 668 sq. Il est faux que la translation de l’empiredes Grecs aux Francs, et l’institution des sept électeurs, soient l’œuvre des papes ; et les attaques de Baronius contre la Monarchie de Sicile sont injustes, c. xi sq., p. 818 sq. Un appendice à ce 1. VI e, dirigé contre la Defensio de Suarez, s’efforce de prouver la légitimité du serment d’allégeance imposé par Jacques I er à ses sujets. Append., p. 879 sq.

La IIIe partie, parue à Hanovre en 1622, devait contenir les 1. VI1-X ; elle est incomplète, et ne comprend en réalité que le 1. VII, qui traite de l’Écriture et de la tradition, et le 1. IX, consacré aux biens ecclésiastiques. La sainte Ecriture est, pour Dominis. « la première et la plus certaine des règles sensibles de la foi. » Il admet cependant que l’Église peut « non pas décréter, mais attester, en s’appuyant sur la tradition, quelles sont les Écritures canoniques. Cette canonicité est un objet non de foi divine, mais seulement de certitude humaine ; » Dominis comprend parmi les livres « non canoniques » Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, les Machabées. Il prend, en revanche, la défense de l’Apocalypse et de l’Ëpître aux Hébreux. c. I, p. 4 sq. L’Ecriture seule est « le trésor de tous les dogmes que nous devons croire de foi divine ; » la tradition ne saurait imposer la croyance à un dogme non contenu dans l’Ecriture, c. ii p.21sq. Les conciles ne jouissent d’aucune infaillibilité particulière pour définir le véritable sens de l’Écriture ; Dominis admet cependant, par une inconséquence notoire, que les quatre premiers conciles ont des définitions infaillibles ; il fait, en particulier, la plus vive critique des délibérations et des décrets du concile de Trente, c. III, p. 39 sq. Dans les controverses sur la foi. l’Eglise « n’est pas juge de la vérité, mais seulement gardienne et témoin de cette vérité ; » « elle garde les vérités communiquées par le Christ à ses apôtres, et les révèle au monde ; c’est ainsi qu’elle dirime les controverses avec une autorité infaillible ; elle n’a, du reste, aucun pouvoir judiciaire pour imposer ses décisions, » c. IV, p. 68 sq. Le pontife romain n’est pas, bien entendu, le juge universel et infaillible des controverses sur la foi, c. v, p. 78 sq. Les Pères ne sont pas juges infaillibles, mais seulement témoins de la vraie foi, c. vi, p. 98 sq. Ce n’est pas au pape seul, c’est aux évêques et aux conciles qu’il appartient de discerner et de condamner les hérésies ; du reste, pour propager ou conserver la foi catholique, la force matérielle ne doit pas être employée, c. vu sq., p. 10ô sq. Les schismes sont le mal suprême de l’Église ; on doit les éviter à tout prix ; actuellement, ni les controverses sur les dogmes ecclésiastiques, ni celles sur les rites du culte divin, ne sauraient fournir

à personne unejuste cause de schisme ; on peut établir la concorde entre les diverses sectes hostiles ; Dominis se rallie pleinement aux tentatives de « pacification » de Cassander et de ses amis ; au nombre de ces questions indifférentes, qui peuvent être laissées à la libre discussion des écoles, il met le culte des saints, le culte de leurs images et de leurs reliques, les prières publiques, les rites des ordinations et d’autres cérémonies, c. ii sq., p. 198 sq.

Le 1. IXe traite des biens temporels dans l’Église. Avec un cynisme remarquable chez un homme dont l’avidité et l’avarice scandalisèrent les anglicans, Dominis fait un pompeux éloge de la pauvreté de cette Eglise primitive, « qui sans possessions terrestres se contentait pour sa vie frugale des libres oblations des

! fidèles, » c. i, p. 3 sq. Il admet, du reste, que le droit

à la dime subsiste dans le christianisme, que l’origine des bénéfices ecclésiastiques fut légitime, mais que cette institution peut donner lieu aux plus graves abus ; il rappelle les devoirs des ecclésiastiques dans l’usage des revenus de ces bénéfices, c. m sq., p. 19 sq. Les princes gardent leur autorité sur les biensd’Église comme sur tous les autres biens de leurs sujets ; les évêques sont maîtres et administrateurs des biens de leurs Églises ; c’est par un intolérable abus que ! " pape se substitue à eux fréquemment dans ces fonctions, et qu’il confère tant de bénéfices dans les divers pays, c. vi sq., p. 56 sq. Le livre se termine par des critiques justifiées, mais que Dominis moins que personne avait le droit de formuler, contre les abus tolérés par la cour romaine, bénéfices accordés à des indignes, commendes et pensions, c. ix sq., p. 93 sq.

On le voit, soit désir de flatter le roi Jacques d’Angleterre, soit inlluence des hommes d’Église anglicans au milieu desquels il vivait quand il composa son livre. l’archevêque de Spalatro a adopté des positions également éloignées du catholicisme et du puritanisme ; son ouvrage reproduil les théories en faveur à la cour du roi Jacques, et dont l’archevêque Laud sera le meilleur défenseur. Dominis ayant pris la peine, après sa sortie d’Angleterre, de réfuter lui-même son livre, on peut se demander jusqu’à quel point il fut de bonne foi en l’écrivant, et quelles furent ses idées réelles sur la République ecclésiastique. Un de ceux qui réfutèrent le mieux les théories de l’archevêque de Spalatro, le jésuite Martin Becan, lui disait rudement, mais non sans vérité : « Tu n’es ni catholique, ni luthérien, ni calviniste, … tu t’es fait un nouveau symbole, en partie emprunté aux livres des autres, en partie né dans ton cerveau. Deux passions t’ont poussé à écrire, la haine du pontife romain, l’amour de ta grandeur et de ta richesse. » De republica ecclesiaslica, Mayence, 1618, p. 2.

I. CEuvrtF.s de Dominis. — De republica ecclesiastica, 3 in-fol., Londres, 1617, 1620 ; Hanovre, 1622 ; Écueils du naufrage chrestien, La Rochelle, 1618 ; Sermon… faict le premier Dimanche de l’Advent de l’année idil, à Londres, en lu chapelle des Merciers, Charenton, 1619 ; Marri Antonii de Dominis… causse piofeetionis suæ ex Italia, Londres, 1616 ; Marcus Antonius’le Dominis… nui reditus e.r Anglia consilium exponit, Paris, 162a ; .M. A. de Dominis, De pacereligionis epistola ad ven. Jos. Hall archipresb. Yigorniensem, Besançon, 1666 ; sous le voile de l’anonymat, Papatus romanus, Londres, 1617.

II. Ouvrages.

Benrath.art. Dominis, dans la Tiealencyklopâdie de Herzog-Hauck, t. iv ; Boccalini (Trajano), Lettera(IIl)al Sgr Mtitio, dans la Bilancia politica de Gregorio Leti, Castellana, 1678, t. m ; Frère, A history uf the english church in the reigns of Elizabeth and James I, Londres, 1904 ; Fuller, Church history of Britain, Londres, 1655 ; S. R. Gardiner, History uf England from the accession of James I, Londres, 1896, t. iv ; Godfrey Goodman, Court of King James l, Londres, 1839, t. i, u ; Lohetus, Sore.r primas oras chartarum primi libri de Republica ecclesiastica corrodens, Londres, 1618 ; Neile, M. Ant. de Dominis. his shiftings in religion, Londres, 162’i ; Id., Alter Ecebolius, Murai ; Antonius de Dominis… 1675

DOMINIS

DOMMAGE

1676

pluribus dominis inservire doctus, Londres, lG24 ; H.Nevland, Life, Londres, 1859 : Percy, art. Dominis, dans le Diclionary bf national biography, t. xv, p. 201 sq. ; Perry, History of the church of England, Londres, 1863, t. i ; Relation sent from Rome oftke process ofM. A. de Dominis, Londres, 1624 ; Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1906, t. n ; L. Veith, S..1., Edtn. Riclierisystemade eccl. et polit, potestate confutatum… accessit discursus de vita elscriptis M. A. de Dominis, Malines, 1825. Sur les censures et réfutations de Dominis, cf. Benrath, art. cit., p. 781 sq.

J. DE LA SERVIÈRE.

DOMMAGE. — I. Notions générales. II. Dommage au point de vue de la théologie morale. III. Dommage dans le droit civil.

I. Notions GÉNÉRALES, — On entend par dommage le tort fait à quelqu’un dans ses biens matériels ou immatériels. Ce dommage peut enrichir son auteur ou ne lui procurer aucun avantage direct. Celui qui vole une montre à son prochain, retire de cet acte un profit ; celui qui, dans un accès de colère ou de haine, brise cette montre, cause un dommage, dont il ne retire aucun bénéfice matériel.

F.n le distinguant du cas où le dommage est causé par un vol, la théologie morale s’occupe spécialement du dommage causé au prochain, ou plus exactement de l’obligation de conscience contractée par celui qui a fait tort à son prochain, dans le cas où l’auteur de l’action nuisible n’en a retiré aucun avantage.

Le droit civil rend le citoyen responsable des effets de ses actes : il détermine cette responsabilité dans les délits ou quasi-délits. Il considère donc lui aussi la réparation des dommages ; mais cette réparation s’effectue le plus souvent sous forme de compensation pécuniaire : ce sont les dommages et intérêts dont le Code civil réglemente l’existence, la quotité et le mode de recouvrement.

Nous traiterons donc de la réparation des dommages au point de vue de la conscience et dans le droit civil. Ces deux aspects de la même question coïncident la plupart du temps ; ils diffèrent cependant sur quelques points de détail.

II. Dommage ai : point de vue de la théologie morale. — 1° Conditions rcqidses jour obliger en conscience à la réparation du dommage. — Ces conditions sont au nombre de trois. Il est nécessaire que l’action dommageable : 1. soit contraire à la justice commutative ; 2. qu’elle soit cause efficace du dommage réellement causé ; 3. qu’elle constitue unefaute théologique. 1, Pour être obligé en conscience à réparer le dommage causé au prochain, il est nécessaire que l’action nuisible soit contraire à la justice commutative.

Il est d’abord évident que la réparation dont il est ici question est un acte de justice stricte, de justice commutative. En effet, seule parmi toutes les autres vertus, la justice jouit de cette propriété d’établir une sorte d’égalité entre les choses, d’ « ajuster » pour ainsi dire la dette et la prestation, comme il apparaît clairement dans le contrat de vente ou d’échange. Or voilà précisément ce que fait la réparation du dommage, qui a pour but de rendre à la personne lésée ce qui lui a été enlevé, ce à quoi elle a droit. Réparer un dommage injustement causé au prochain, n’est-ce pas restituer celui-ci dans son état juridique primitif, et donc faire acte de stricte justice ?

D’autre part, la justice commutative inspire l’obligation de rendre à chacun ce qui lui est dû, de réparer le droit blessé. Or, par l’action dommageable, le prochain est lésé dans son droit, il subit un détriment injuste. C’est donc une obligation de stricte justice de réparer le dommage injustement causé.

Au reste, l’obligation de réparer ne peut provenir d’aucune autre vertu. La justice seule oblige l’homme par rapport à l’homme, seule elle crée un lien juridique entre les hommes ; toutes les autres vertus, cha rité, prudence, force, tempérance, etc., obligent l’homme par rapport à Dieu, elles sont une norme de rectitude morale subjective, tandis que la justice porte une règle objective et réalise une égalité de choses. Suarez, De justifia ; ermeersch, 1904, n. 157 sq. Des considérations précédentes, il ressort que pour être obligé en conscience à réparer le dommage causé au prochain il est nécessaire que l’action nuisible soit contraire à la justice commutative. De cette règle nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

a) Celui qui fait du tort à son prochain, sans blesser la justice commutative, n’est pas tenu en conscience à réparer le dommage. Il peut se faire cependant qu’il pèche contre une autre vertu.

Pierre par haine de Paul conseille à Jacques de ne pas faire son testament, sachant que ledit Jacques avait l’intention de laisser ses biens à Paul. Peu de temps après, Jacques meurt ab intestat, et Paul s’empresse de réclamer des dommages et intérêts à Pierre. Or, celui-ci n’est pas tenu en conscience à restitution, parce que l’action dont il est l’auteur, le conseil, ne blesse pas la justice. Que si Pierre, pour écarter Paul du testament de Jacques, avait employé des moyens injustes, tels que la calomnie, la violence, etc., alors il serait soumis à l’obligation de réparer le tort fait à Paul.

b) Celui qui involontairement pose la cause d’un dommage et n’arrête pas l’effet de cette cause, lorsqu’il peut le faire, pèche contre la justice et se trouve ainsi obligé à restitution. On doit, en effet, empêcher que l’acte dont on est l’auteur ne nuise au prochain, pour autant qu’on peut arrêter l’effet nuisible de cet acte. Par exemple, le voyageur qui met le feu à une forêt par inadvertance, le pharmacien qui par erreur donne un remède mortel, le conseiller qui sans le vouloir donne un conseil pernicieux, doivent réparer intégralement le dommage causé, lorsque, ayant découvert leur erreur, ils n’ont pas empêché l’effet de se produire.

Si, par erreur involontaire, vous avez accusé votre prochain d’un crime grave, vous n’êtes pas tenu de révoquer votre accusation, dans le cas où voire réputation devrait gravement en souffrir. Sans doute, la charité pourra vous imposer le devoir de cette démarche, mais cette obligation cesse devant une grande difficulté ou un inconvénient majeur.

c) Celui qui ayant la charge de nommer à des emplois ou dignités publiques, choisit un candidat simplement digne au détriment de celui qui est plus digne, ne pèche pas contre la justice commutative et donc n’est pas tenu à restitution. Assurément, il est obligé en stricte justice, vis-à-vis de la société, de nommer un candidat qui soitdigne et apte, et d’écarler les indignes, mais rien ne l’oblige à choisir les plus dignes. Cependant, il peut arriver que le candidat ait un droit strict à être choisi. Par exemple, dans un concours où l’on promet, sous une condition onéreuse, de désigner le plus digne. C’est le cas du concours où, par ordre de mérite, on distribue des prix aux plus dignes. Ici la justice intervient et il y aurait obligation de réparer le tort causé à un candidat injustement évincé.

Pour les bénéfices ecclésiastiques conférés au concours, suivant les prescriptions du concile de Trente, il est certain, et tous les docteurs sont d’accord sur ce point, que les collateurs ou examinateurs doivent choisir le plus digne. Mais il y a désaccord sur la question de savoir si le candidat plus digne a un droit strict d’être nommé, avec éviction du candidat moins digne. L’opinion commune tient pour l’affirmative ; mais le sentiment des théologiens qui nient le choix strict du candidat plus digne, conserve sa probabilité. S.Alphonse, I. IV, n. 109 ; Emit, qumst. reform., q. xlvii ; Lehmkuhl, t. i, n. 1)7-2.

2. Pour qu’il y ait obligation de réparer le dommage, il faut que l’action nuisible soit réellement la cause

efficace de ce dommage. Celui-là seul, en effet, peut être obligé à réparer qui est l’auteur du dommage : cela résulte du principe fondamental de Fimputabilité. Mais, pour être auteur, il faut élre cause efficace, soit immédiatement par son action, soit médiatement par l’intermédiaire d’un agent secondaire.

Dès lors, il n’y aura pas obligation de restituer, si l’action dommageable est simplement occasion du dommage. L’occasion n’est pas une véritable cause, c’est uniquement ce en présence de quoi la vraie cause agit. Il en va de même si l’action est condition sine qua non, c’est-à-dire sans laquelle la cause est incapable de produire son effet, ou encore si elle est seulement cause per accidens, c’est-à-dire une cause d’où l’effet pourrait résulter, mais sans que cela soit probable, sans qu’on puisse raisonnablement prévoir cet effet. La justice n’oblige pas à éviter les actions dommageables qui n’offrent qu’un danger éloigné et dont on ne saurait raisonnablement prévoir les funestes effets. Éclaircissons ces considérations par des exemples.

Par suite d’une erreur judiciaire, Pierre est condamné pour un vol commis par Paul ; cette action criminelle est l’occasion de la condamnation de Pierre, la cause du malheur de celui-ci est la sentence erronée du juge.

Je prête à un de mes amis un fusil dont il se sert pour tuer sa belle-mère, cette arme n’est que la condition sans laquelle (sine qua non) le meurtre n’aurait pas été commis. La cause per se est celle qui produit son effet par sa propre nature, par elle-même. Mettre du feu dans un grenier, c’est être cause per se de l’incendie. La cause per accidens est celle qui par ellemême ne saurait produire tel effet et ne le produit que par le concours d’autres causes étrangères. Celui qui allume du feu loin d’un grenier, si le vent souftlant à l’improviste pousse la flamme vers cet endroit, ne sera que la cause per accidens de la conflagration. Ainsi, la cause per accidens influe réellement sur l’effet) tandis que l’occasion et la condition sine qua non n’ont sur lui aucune influence positive. Mais le lien entre l’effet et la cause per accidens n’est ni certain ni probable, il est simplement possible, et par conséquent l’effet ne peut pas être prévu par l’agent ni lui être imputé. Ces principes vont nous permettre de donner quelques solutions pratiques.

Celui qui par son mauvais exemple entraîne les autres à des actions nuisibles, n’est pas tenu en conscience à réparer le dommage causé par ceux qui ont suivi cet exemple. Au vrai, la cause efficace du dommage, ce n’est pas le mauvais exemple donné, mais c’est uniquement l’action nuisible. Je suppose bien entendu le mauvais exemple sans plus, car celui qui se servirait du mauvais exemple pour exciter les autres à des actes dommageables, serait sans aucun doute responsable du tort causé au prochain.

Je rappellerai en quelques mots un cas de conscience, longuement examiné et discuté par les moralistes.

Un crime a été faussement imputé à quelqu’un, le véritable coupable est-il tenu à réparer le tort causé par cette fausse accusation ? Il faut distinguer avec soin deux circonstances dans lesquelles peut se produire cette fausse accusation :

a. Le dommage n’a pu être prévu, ou même s’il a été prévu, le coupable n’a employé aucun moyen propre à diriger les soupçons sur un autre ; alors il n’est point obligé à réparation. En effet, il n’est pas cause, mais seulement occasion du dommage : la cause du dommage, c’est l’erreur ou plus exactement la volonté de ceux qui attribuent l’action dommageable à un innocent. En réalité, le vrai coupable n’est que l’occasion de l’erreur judiciaire.

b. Si, au contraire, le coupable a non seulement prévu le dommage, mais de plus a employé des moyens

propres à fournir de graves motifs d’imputer l’action à un autre, dans ce cas, il est contraint de réparer le tort puisqu’il en est la cause per se. Exemples : pour commettre un vol, Pierre emprunte les vêtements d’un autre, pour tuer son ennemi Paul s’est servi du revolver de Jacques et le crime accompli a caché l’arme dans la maison de celui-ci.

Vous demanderez peut-être : le coupable doit-il se dénoncer lorsqu’un innocent est accusé ou condamne à sa place ? Voici la réponse : dans le premier des cas considéré plus haut, comme il n’est pas la cause efficace du dommage causé, c’est-à-dire, dans le cas présent, de l’arrestation ou de la condamnation d’un innocent, le coupable n’est pas obligé de se dénoncer. Sans doute, la charité lui demande de délivrer son prochain injustement condamné, mais la charité n’oblige pas sous de si dures conditions : Caritas non obligat cum tanlo incommodo.

Dans le second cas, il doit se dénoncer ; en efïet, (’tant la cause efficace du dommage il est tenu en justice à le réparer : d’ailleurs la vertu de justice oblige, même à de dures conditions.

3. La faute théologique se distingue de la faute juridique. La faute théologique est celle qui constitue un véritable péché, mortel ou véniel ; la faute juridique consiste dans l’omission des mesures de précaution ou de sécurité, requises parle droit positif pour éviter les dommages ou les accidents. Il n’importe que la négligence soit ou non accompagnée de péché, mais si le dommage est produit sans aucune faute, sans aucune advertance, la faute est alors purement juridique.

La loi civile impose une longue série de précautions, de garanties aux architectes pour la construction des édifices, aux patrons dans la direction de leurs usines ou ateliers, aux mécaniciens dans la conduite des machines. Ceux en faveur desquels ces mesures sont prises ont le droit d’exiger qu’elles soient exactement observées. Ceci posé :

a) Pour qu’une action dommageable oblige en conscience à réparation, il est nécessaire qu’elle contienne une faute théologique. La raison de cette règle est manifeste. Personne ne peut être obligé en conscience à réparer un dommage s’il n’a commis ce dommage en conscience, or ceci suppose évidemment une faute théologique. En outre, personne n’est responsable de ses actes ou des effets de ceux-ci, s’ils ne sont volontaires ; or causer volontairement du tort à autrui constitue une faute théologique. Appliquons cette règle à quelques cas particuliers.

Celui qui de bonne foi possède la chose d’autrui et l’a détruite ou consommée, sans pour cela devenir plus riche, n’est point obligé à restituer.

Les enfants qui commettent des vols à l’égard de leurs parents, mais sans faire attention à la faute théologique de leur action, dont ils ne considèrent que la sanction pénale, sont également dispensés de restituer.

Le médecin qui, par suite d’une erreur involontaire, donne à son malade un remède nuisible, n’est pas tenu en conscience à réparer le dommage résultant de sa méprise. Dans ces différents cas, en eftet, il manque une condition à l’obligation de conscience, à savoir la faute théologique. Il peut arriver que le coupable rétracte sa volonté perverse avant que la cause du dommage n’ait produit son effet. Est-il néanmoins obligé à restitution ? Assurément, car l’obligation de restituer existait tout entière dès l’instant que le coupable a mis en jeu la cause du dommage. Que le repentir efface la faute initiale, l’obligation de restituer n’en demeure pas moins.

b) L’obligation de restituer provenant d’une faute juridique prend naissance seulement après la sentence judiciaire, à moins qu’il n’en soit décidé autrement par une convention particulière. 1079

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Les lois qui imposent l’obligation de réparer le dommage provenant d’une faute purement juridique doivent être regardées comme parfaitement justes. Elles sont, en effet, portées dans l’intérêt du bien commun de la société, puisqu’elles ont pour objet de faire éviter, grâce à des mesures préventives des accidents, des infortunes, des malheurs. D’ailleurs les lois justes obligent en conscience. Remarquez toutefois que ces lois probibitives sont pénales : elles imposent une peine ; à ceux qui négligent les précautions prescrites. Or la loi pénale n’oblige pas avant la sentence du juge : personne, en effet, n’est forcé à s’imposer à soi-même une sanction pénale.

Le dommage causé, sans qu’il y ait de faute théologique, à une chose détenue en vertu d’un contrat (commodat, dépôt, etc.). ne doit pas être réparé en conscience avant l’injonction du tribunal. Celle obligation est, en effet, en debors des clauses du contrat. Sans doute, rien n’empêche que, par une convention spéciale, le dépositaire s’engage à réparer avant la décision judiciaire, le dommage provenant d’un cas fortuit ou d’une faute purement juridique, mais il est bien entendu que cette nouvelle obligation ne ressort point du contrat primitif.

Le dommage causé dans l’exercice d’une profession juge, avocat, médecin, etc.), sans qu’il y ait faute théologique, n’est pas soumis, avant l’action judiciaire, à l’obligation de restituer. Dans l’exercice de sa profession, l’homme doit apporter un soin, une vigilance, une attention ordinaires et s’il en était autrement, personne ne voudrait remplir des fonctions qui postulent habituellement l’héroïsme.

Quelques tbéologiens ont soutenu que, dans le quasi-contrat, contenu dans l’exercice de ces professions, se trouvait un pacte implicite de réparer, même avant la décision du tribunal, le tort causé dans l’exercice de la profession. Mais d’autres moralistes en plus grand nombre ont nié l’existence de ce prétendu pacte, que ne réclame point la loi naturelle etdont ne parle pas la loi positive. Ainsi, par exemple, le locataire pour la perte de la ebose louée, le médecin pour le tort causé involontairement au malade, en l’absence de faute tbéologique, ne sont point tenus à restitution, à moins d’y être contraints par voie judiciaire.

2 » Quotité de la restitution. — D’une manière générale, celui qui a causé du dommage à autrui doit restituer : 1. l’équivalent de la chose endommagée ; 2. l’équivalent du tort causé par l’action nuisible. Exemple : Pierre détruit les instruments de travail d’un ouvrier, il doit non seulement lui fournir l’argent nécessaire pour acheter d’autres instruments, mais encore l’indemniser pour la perte de salaire subie par le chômage forcé. En effet, la personne injustement lésée dans ses intérêts doit recouvrer tout ce qu’elle a perdu par la faute d’autrui ; or, dans le cas présent, l’ouvrier a perdu non seulement ses instruments de travail, mais encore le salaire provenant de l’incapacité de travail à laquelle il a été momentanément réduit.

L’obligation de restituer s’étend aussi aux dommages causés dans les biens spirituels, soit que ces biens appartiennent à l’ordre naturel (science, arts, réputation), soit qu’ils se trouvent compris dans l’ordre surnaturel (l’état sacerdotal, l’état religieux). Celui donc qui par des moyens injustes (fraude, mensonge, violence) cause à son prochain un dommage spirituel est tenu de réparer ce dommage, si toutefois celui-ci peut être réparé dans le même ordre. Vous avez blessé la réputation du prochain par une calomnie, si vous ne pouvez pas réparer cette calomnie, vous n’êtes pas obligé à donner une réparation matérielle, une somme d’argent par exemple. L’honneur et l’argent sont des biens d’ordre essentiellement différent. Voir CALOMNIE.

Cas du doute ou de l’erreur.

1. Le doute. — a) Celui qui doute si le dommage a été réellement commis, c’est-à-dire si l’acte posé par lui a été cause du dommage, doit d’abord procéder à un examen sérieux, mais si le doute persiste il n’est pas tenu à restitution. La raison de cette solution, c’est le principe fondamental de la morale pratique : on ne doit pas imposer une obligation dont l’existence n’est pas certaine. Exemple : Pierre a calomnié un négociant de ses concurrents, celui-ci fait de mauvaises affaires. Comme il doute que cette calomnie ait été cause de la déconfiture de son rival, il n’est pas tenu à restitution.

b) Pour le même motif, n’est pas soumis à l’obligation de restituer, celui qui a posé un acte dommageable, mais qui doute si le tort provient de cet acte ou d’une cause naturelle.

c) Voici un cas plus compliqué : Le dommage est certain, il a été commis par plusieurs complices dont chacun était une cause suffisante du dommage, mais le doute porte sur celui qui a été’réellement cause efficace du dégât. Si les complices se sont entendus explicitement ou tacitement pour que leur action combinée empêche de découvrir le vrai coupable, alors ils sont tenus solidairement à restituer. Chacun d’eux, en effet, parcelle minière d’agir, est la cause pour laquelle l’auteur du dommage reste douteux et ainsi empêche celui qui est lésé dans son droit d’exiger une jusle réparation. Si, au contraire, il n’y a eu entre ces agents aucune entente préalable, mais simple rencontre fortuite, en ce cas, à cause du doute existant, aucun d’eux n’est soumis en conscience à l’obligation de restituer.

Voici une autre question d’un intérêt plus général. A quoi est tenu le débiteur qui doute s’il a déjà payé sa dette ? a) Si le doute est négatif, le débiteur est certainement tenu de solder sa créance, c’est (’vident : il faut payer ses dettes, à moins d’avoir déjà accompli cette obligation, b) Le doute est positif. J’ai de bonnes raisons de croire que ma dette est éteinte, et de sérieux motifs me portent à penser que je n’ai pas encore payé. Le créancier conserve le droit d’exiger le paiement, car la dette ne peut être éteinte que par un paiement certain. Mais le débiteur est-il tenu en conscience de payer spontanément cette dette douteuse, sans attendre d’être mis en demeure judiciairement ? C’est une opinion très controversée parmi les théologiens. Les uns obligent au paiement intégral de la dette, d’autres imposent une partie de la detle au prorata du doute, d’autres enfin exemptent purement et simplement de tout paiement. Une obligation douteuse, remarquent ces derniers, ne saurait lier la conscience. Au vrai, l’égalité entre le donné et le reçu, qui est l’essence de la justice commutative, ne saurait s’établir dans le cas du doute. Il n’y a pas de raison pour que le créancier plutôt que le débiteur reçoive plus que de droit. Wanelært, De justitia, t. ii n. 261 ; De principiis, n.214.

2. L’erreur.

Celui qui par erreur invincible cause un dommage dont il ignore l’importance, ne doit réparer que la partie de ce dommage, dont il est la cause volontaire, c’est-à-dire dont il a connu l’importance, au moins confusément. Quant à la partie dont il n’a eu aucune connaissance, étant involontaire, elle n’est pas soumise à l’obligation de la restitution. Voici deux applications de ces principes :

a) Quelqu’un jette à la mer un diamant croyant que c’est du verre ; ayant reconnu son erreur, il n’est tenu à restituer que la valeur connue au moment de son geste malheureux.

b) Celui qui met le feu à une maison, est tenu à réparer intégralement le dégât causé, alors même qu’il ne se serait p.is rendu un compte exact de la valeur de l’immeuble incendié. Il suffit, en effet, qu’il ail prévu que son acte étail la cause d’un grand dégât, d’une 1681

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manière générale. Pour que le dommage soit regardé comme involontaire, il est nécessaire que l’auteur de l’acte n’ait même pas pu soupçonner l’existence de ce dommage.

Que devient l’obligation de restituer provenant d’une faute légère ?

a) Celui qui cause un dommage grave, avec une faute légère provenant d’un défaut d’advertance, n’est point tenu à réparation. En effet, il n’est pas obligé sub gravi, une obligation grave ne pouvant être produite par une faute légère ; il n’est pas davantage obligé sub levi, parce qu’il n’y a pas de proportion entre une faute légère et un dommage considérable. De Lugo, disp. VIII, n. 57 ; S. Alplionse, 1. I, n. 552 ; Vogler, p. 109, etc.

b) Celui qui a causé un tort grave à la même personne, par plusieurs fautes légères, est tenu à restituer. En elfel, ayant été libre et volontaire, le dommage intégral lui est imputable. En outre, il est bien difficile en pratique que le délinquant ne se soit pas aperçu, au moins confusément, qu’il causait un tort notable.

Si, au contraire, l’auteur s’est rendu coupable de torts légers envers plusieurs personnes, il n’est pas soumis à l’obligation sub gravi de restituer. L’obligation grave ne saurait provenir de la faute qui est légère, ni du dommage qui est minime à l’égard de chaque personne en particulier.

III. Le dommage en droit civil.

1° Réparation du dommage causé par un délit ou quasi-délit. — 1. Définitions. — Le mot délit a un sens différent dans la langue du droit criminel, et dans celle du droit civil. Dans la langue du droit criminel, il désigne tout fait illicite prévu et puni par notre loi pénale. Dans la langue du droit civil, le mot délit désigne tout fait illicite et dommageable accompli avec l’intention de nuire. Voir Délit.

On voit par la comparaison de ces définitions : a) que l’intention de nuire, nécessaire pour qu’il y ait délit civil, ne l’est pas ou au moins dans tous les cas pour qu’il y ait délit criminel, et que par suite tel fait, qui constitue un délit criminel, peut ne pas constituer un délit civil. Ainsi, l’homicide par imprudence est un délit criminel, Code pénal, art. 319 ; mais il ne constitue pas un délit civil, puisque l’intention de nuire n’existe pas chez son auteur.

b) Qu’en sens inverse, un fait peut constituer un délit civil, sans constituer un délit criminel, parce qu’il existe des faits illicites et dommageables, accomplis avec intention de nuire, que notre loi pénale ne punit pas. Ainsi le recel d’effets, dépendant d’une succession, constitue un délit civil, mais non un délit criminel (art. 792 et 801).

Une autre différence entre le délit civil et le délit criminel, c’est que l’action civile, née d’un délit purement civil, n’est jamais de la compétence des tribunaux criminels : les tribunaux civils peuvent seuls en connaître. Au contraire, l’action en réparation du préjudice causé par un fait qui constitue tout à la fois un délit criminel et un délit civil, peut être portée, soit par voie principale, devant les tribunaux civils, soit incidemment à l’action publique, devant le tribunal criminel saisi de cette action. D’ailleurs, le tribunal criminel, saisi de l’action civile, peut allouer des dommages et intérêts à la partie civile, mais à la condition de relever, à la charge du défendeur, une faute qui serve de base à la condamnation, et qui soit distincte du fait délictueux définitivement écarté par la sentence d’acquittement. Le délit civil se divise en délit proprement dit et en quasi-délit. Ce qui distingue le quasidélit du délit proprement dit, c’est l’absence de l’intention de nuire. Le quasi-délit n’implique que l’imprudence ou la négligence, le délit suppose en outre l’intention malicieuse de nuire à autrui. Le même fait peut constituer un délit civil ou un quasi-délit, suivant que

l’intention de nuire existe ou n’existe pas chez son auteur. Ainsi, envisagés au point de vue civil, les coups et blessures constituent un délit, si celui qui en est l’auteur a agi volontairement et méchamment, et seulement un quasi-délit, s’il a agi involontairement et n’est coupable que d’imprudence.

2. Conditions nécessaires.

Au reste, il n’y a délit ou quasi-délit que si ces trois conditions concourent : il faut que le fait soit : a) illicite, c’est-à-dire non permis par la loi ; b) dommageable, c’est-à-dire ayant porté préjudice à quelqu’un ; peu importe d’ailleurs, qu’il s’agisse d’un fait de commission ou d’omission ; c) imputable à sou auteur, c’est-à-dire dépendant de sa libre volonté. Ainsi les faits illicites accomplis par une personne en état d’aliénation mentale, ou par un enfant qui n’a pas encore l’usage de la raison, ne peuvent constituer ni un délit, ni un quasi-délit.

Le délit et le quasi-délit sont l’un et l’autre visés par cette disposition du Code civil : c Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à la réparation » (art. 1382).

Mais il est à peine besoin de le faire remarquer, l’exercice régulier d’un droit ne constitue jamais une faute. Qui jure suo utitur neminem Isedit, disait-on en droit romain. Ainsi, en creusant un puits dans ma propriété, je tombe dans la veine d’eau qui alimente le puits voisin et je le taris, .le ne devrai aucune indemnité, parce que je n’ai fait qu’user de mon droit.

Pour que l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui prenne naissance, il faut que le préjudice soit le résultat d’une faute commise par l’auteur (art. 1382). L’article 13815 va nous dire ce qu’il faut entendre ici par faute : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, » ce qui revient à dire, que la faute la plus légère, une simple imprudence, suffit pour faire encourir la responsabilité édictée par l’art. I382. Mais au moins faut-il qu’il y ait quelque faute. Il a donc été jugé avec raison qu’un entrepreneur, qui avait construit solidement une estrade pour des courses, n’était pas responsable du préjudice causé par la rupture de cette estrade, due à l’invasion d’une foule compacte et frémissante, qui s’y était précipitée pendant une pluie d’orage. Le préjudice était ici le résultat d’un cas fortuit, dont l’entrepreneur n’avait pas à répondre.

Responsabilité.

Nous parlerons successivement de la responsabilité qui incombe à une personne en raison du dommage causé par une autre, de la responsabilité qui lui incombe à raison des choses dont elle a la garde.

1. De la responsabilité qui incombe à une personne

en raison du dommage causé par une autre. — La

; loi déclare (art. 138’t) que les père et mère sont respon

1 sables du dommage causé par leurs enfants mineurs

habitant arec eux. On a considéré que les père et

| mère sont en faute de n’avoir pas élevé et surveillé

I leurs enfants de manière à les empêcher de commettre

j des délits ou quasi-délits. De rnème, les instituteurs et

les artisans sont légalement responsables du dommage

! causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps

qu’ils sont sous leur surveillance (art. 1384).

Mais cette responsabilité des père et mère et aussi celle des instituteurs et artisans cesse lorsque ceux qui en sont tenus prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait dommageable, qu’ils ont exercé sur l’auteur du dommage toute la surveillance utile et possible et qu’ils se sont efforcés de lui donner une bonne éducation, de détruire en lui les mauvaises habitudes.

Les maîtres et commettants de leur côté sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans l’exercice des fonctions auxquelles 1083

DOMMAGE

1684

ils les ont employés ; il suffit que les actes dommageables du pivposi se rattachent à l’objet de son mandat, et qu’ils aient lieu à l’occasion de l’exécution de ce mandat. Mais à la différence des père et mère, des instituteurs et des artisans, les maîtres et commettants ne seraient pas admis à dégager leur responsabilité en établissant qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait dommageable de leur domestique ou préposé. On a voulu par là les obliger à ne prendre chez eux comme domestiques ou préposés, que des hommes expérimentés, irréprochables et propres aux fonctions qu’ils leur confient (art. 1384). Ainsi mon cocher, en conduisant mal ma voiture, occasionne un accident : un passant est blessé. Je suis civilement responsable, parce que j’ai eu tort de choisir comme cocher un homme qui n’avait pas les qualités requises pour remplir cette fonction. Aussi ne pourrais-je même pas échapper à la responsabilité, que la loi m’impose, en prouvant qu’il m’a été impossible d’empêcher le fait qui a donné lieu à cette responsabilité. La loi, en effet, ne réserve pas ici la preuve contraire, comme elle le fait pour les père et mère, instituteurs et artisans (art. 1384, alinéa final).

2. Responsabilité qui incombe à une personne en raison des choses qu’elle a sous sa garde. — a) Dommage causé par un a.71imal. — Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, est pendant que cet animal est à son usage, responsable du dommage que celui-ci a causé, soit qu’il fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé (art. 1385). Cette responsabilité est basée sur une présomption légale de faute. La faute consiste à n’avoir pas surveillé l’animal, pour l’empêcher de commettre le dégât, ou même à avoir possédé un animal dangereux, sur lequel la surveillance la plus active devait être inefficace.

La responsabilité ne pèse pas en principe sur le propriétaire d’un animal, lorsqu’il est entre les mains de quelqu’un qui en a l’usage, à titre d’usufruitier par exemple, ou de locataire, ou d’emprunteur ; car alors le soin de surveiller l’animal incombe à celui qui en a l’usage. Voilà pourquoi la loi déclare responsable le propriétaire de l’animal, ou celui qui s’en sert ; mais non pas l’un et l’autre.

b) Dommage causé par la ruine d’un bâtiment. — Aux termes de l’art. 1386 : « Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction. » Celui qui demande la réparation du dommage que lui a causé la ruine d’un bâtiment doit prouver que cette ruine est arrivée « par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction, » car l’une ou l’autre de ces conditions est nécessaire, pour engager la responsabilité du propriétaire. Le preuve une fois faite, le propriétaire du bâtiment sera nécessairement condamné à réparer le dommage sans pouvoir se disculper en alléguant qu’il ignorait le mauvais état du bâtiment et qu’il n’a pas pu en empêcher la ruine.

Réparation du dommage résultant de l’inexécution d’une obligatioti.

1. Le créancier a le droit de demander l’exécution de l’obligation et en cas d’inexécution, la réparation du préjudice qu’il subit, c’est-àdire des dommages et intérêts.

On ne peut, en principe, exercer aucune violence physique sur la personne du débiteur pour le contraindre à exécuter l’obligation dont il est tenu. Une obligation de faire ou de ne pas faire se résout ainsi, nécessairement, en général, à des dommages et intérêts. Le plus souvent, en effet, la loi ne reconnaît pas au créancier le choix de recourir aux tribunaux et à l’intervention de la force publique, à l’effet d’obtenir le bénéfice réel et effectif de l’obligation (art. 1121).

Il n’y aurait d’exception à ces principes, que si l’obligation pouvait être utilement exécutée par un

autre que le débiteur. Dans ce cas, au lieu de condamner le débiteur récalcitrant à des dommages et intérêts, les tribunaux pourraient ordonner que l’obligation soit exécutée à ses frais.

Enfin, s’il s’agit de l’obligation de livrer un objet individuellement déterminé, ou un corps certain, le créancier pourrait être autorisé à se mettre en possession de cet objet, à l’aide de la force publique et à main armée.

L’inexécution d’une obligation peut faire subir au créancier une perle, damnum : elle peut, en outre, l’empêcher de réaliser un gain, lucrum, double préjudice dont le débiteur doit naturellement la compensation, si l’inexécution de l’obligation lui est imputable. Comment fournira-t-il cette réparation ? En payant au créancier une somme suffisante pour l’indemniser. Le créancier sera ainsi replacé dans une situation équivalente à celle où il se fût trouvé, si l’obligation avait été exécutée. Ces deux éléments de la réparation sont représentés dans l’expression dommages et intérêts (dommage, damnum, intérêts, lucrum) qui constitue ainsi presque une définition de l’indemnité dont il s’agit.

2. Conditions requises pour qu’il y ail lieu aux dommages et intérêts.

Pour qu’il y ait lieu à des dommages et intérêts, trois conditions sont requises. Il faut : a) que l’inexécution ou le retard dans l’exécution ait causé un préjudice au créancier ; b) que cette inexécution ou ce retard soit imputable au débiteur ; c) que le débiteur soit en demeure.

P° condition : il faut que l’inexécution de l’obligation ou le retard dans l’exécution ait causé un préjudice au créancier. — Sans dommage, on ne comprendrait pas une action en dommages et intérêts : le préjudice est l’élément essentiel d’une action qui est destinée à procurer la réparation d’un préjudice. Ainsi Pierre adonné mandat à un notaire, qui s’est chargé de cette commission, de faire inscrire une hypothèque pour son compte. Le notaire néglige de remplir son obligation. Pierre ne pourra de ce chef lui réclamer aucuns dommages et intérêts si l’événement démontre que son hypothèque, au cas où elle aurait été inscrite, ne serait pas venue en ordre utile.

2e condition : il faut que l’inexécution de l’obligation ou le retard dans l’exécution soit imputable au débiteur. —Car c’est seulement en ce cas qu’il peut être considéré comme étant l’auteur du préjudice subi par le créancier et que par suite il peut être tenu d’en fournir la réparation. L’inexécution de l’obligation ou le retard dans l’exécution est imputable au débiteur, lorsqu’elle est le résultat de son dol, de sa faute, ou même de son simple fait. La faute consiste dans une négligence commise sans intention de nuire. Si l’intention de nuire existe, il y a dol. Enfin il y a simple fait, quand le débiteur, sans être coupable de dol, ni même de faute, est cependant la cause du préjudice subi par le créancier.

L’imputabilité cesse, et avec elle la responsabilité civile qu’elle engendre, lorsque l’inexécution de l’obligation est le cas d’une cause étrangère, c’est-à-dire d’un cas fortuit (art. 1147 et 1148).

Le cas de force majeure ou le cas fortuit désignent tout événement qu’on ne saurait prévoir et auquel on ne saurait résister quand même il serait prévu, comme le feu du ciel, un tremblement de terre, la’grêle, la maladie, la mort, la guerre. Ce sont là des faits complètement étrangers au débiteur et dont il ne saurait être responsable. Si l’exécution de l’obligation est devenue impossible, par suite de l’un de ces faits, le débiteur est libéré : parce que à l’impossible nul n’est tenu (art. 1302). Il ne suffirait pas que le cas fortuit ait rendu l’exécution très difficile ; il faut qu’il l’ait rendue impossible. 1685

DOMMAGE

DOMNUS I"

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5e condition : il faut que le débiteur soil eu demeure. — La demeure (de mora, retard) résulte de la constatation légale du retard du débiteur. Tant que le créancier n’a pas accompli cet acte de rigueur, la loi suppose que le retard ne lui est pas préjudiciable et qu’il autorise tacitement le débiteur à prendre son temps. Voilà pourquoi elle exige que le créancier mette le débiteur en demeure, pour avoir droit à des dommages et intérêts. Le débiteur peut être mis en demeure par une sommation ou tout autre acte équivalent. La sommation est un acte d’huissier par lequel le créancier somme son débiteur de s’exécuter. L’assignation en justice, la citation en conciliation devant le juge de paix, sous certaines conditions, sont des actes équivalents de la sommation. Code de procédure, art. 57.

Par exception le débiteur est en demeure, sans sommation, par la seule échéance du terme : a. lorsqu’elle a été la convention formelle et expresse des parties (art. 1139) ; b. lorsque la nature de l’obligation est telle qu’elle ne peut être exécutée d’une manière utile pour le créancier que dans un temps fixé et déterminé. Exemple : Pierre donne mandat à un avoué d’interjeter appel en son nom, et celui-ci laisse passer le délai.

3. Règles spéciales aux obligations de sommes d’argent. — Dans le cas d’inexécution d’une obligation de somme d’argent, c’est la loi elle-même qui fixe invariablement le chiffre des dommages et intérêts. Le créancier reçoit toujours, alors même qu’il n’a éprouvé aucun dommage, mais il reçoit uniquement, à titre d’indemnité, quel que soit le préjudice qu’il a éprouvé, l’intérêt légal de la somme due, c’est-à-dire 5 p. 100 en matière civile, 6 p. 100 en matière commerciale, pour le retard que le débiteur a mis à exécuter son obligation, à compter du jour où il a été mis en demeure, jusqu’au paiement (art, 1153).

En outre, encore bien qu’en matière ordinaire, la demeure du débiteur résulte d’une simple sommation, les intérêts moratoires d’une somme d’argent ne sont dus qu’en vertu d’une demande en justice, et suivant quelques-uns, à partir du jour où des conclusions formelles ont été prises à cet égard devant le tribunal (art. 1153).

Mais cette règle générale reçoit de nombreuses exceptions ; on peut même dire, en retournant la proposition, qu’en principe, les intérêts courent de plein droit, et que c’est seulement par exception, qu’il faut une demande en justice pour les faire courir. Voir les art. 474, 856 ; 1440, 1570, 1652, 1846, 1996, 2001, 2028. Au surplus, une loi du 3 septembre 1807 ayant limité au taux légal le taux maximum de l’intérêt conventionnel, il résulte de cette limitation que les parties peuvent bien, au moyen d’une clause pénale, diminuer le chilîre des intérêts moratoires, tels qu’ils sont fixés par la loi, mais qu’elles ne pourraient pas, au contraire, l’augmenter. Autrement, leur convention serait frappée de nullité, comme usuraire.

La quotité des intérêts à payer par le débiteur se réglait, pendant la période révolutionnaire, et même après la promulgation du Code civil, avant la loi du 3 septembre 1807, par une convention libre entre les parties, comme se règle encore aujourd’hui le prix du loyer d’une maison ou de toute autre chose. Mais on ne tarda pas à comprendre combien il est facile aux détenteurs de capitaux d’abuser des besoins, urgents peut-être, de celui qui demande à emprunter, d’exciter ses passions et d’en profiter ensuite pour le pressurer et le faire consentir, à titre d’intérêts, à des rémunérations exagérées. C’est sous l’inlluence de ces idées que la loi du 3 septembre 1807 a limité la teneur de {’intérêt conventionnel.

Déjà le Code civil lui-même, dans l’art. 1154, avait pris soin de limiter ce qu’on appelle ïanatocisme,

c’est-à-dire la capitalisation des intérêts. On ne peut capitaliser, c’est-à-dire réunir au capital pour les rendre productifs d’intérêts, que les intérêts actuellement échus. La capitalisation anticipée des intérêts à échoir est prohibée. De plus, ne peuvent être capitalisés que les intérêts dus pour un an. D’après le Code, on ne pouvait donc pas prêter un capital à 5 p. 100 sous la condition que l’intérêt échu chaque mois, ou moins encore chaque semaine, se capitalisera et s’adjoindra au capital, pour devenir comme lui productif d’intérêts. C’est ce qu’on appelle prêter à la semaine. L’art. 1155 consacre des exceptions à ce principe, que les intérêts ne peuvent être capitalisés qu’autant qu’ils sont échus pour un an.

4. Évaluation des dommages et intérêts.

En principe, la valeur des dommages et intérêts doit égaler la perte que le créancier éprouve par suite de la non-exécution de l’obligation. Or, comme nous l’avons dit plus haut, cette perte peut consister, soit en une diminution du patrimoine du créancier (damnun emergens), soit dans la privation d’un gain (lucrum cessans), sur lequel celui-ci avait le droit de compter.

Mais, dans cerlains cas, il peut y avoir doute sur la question de savoir si le dommage éprouvé par le créancier doit être entièrement imputé à l’inexécution de l’obligation. Il peut se faire, en effet, que des circonstances étrangères : l’imprudence, » la faute, la négligence du créancier lui-même, en se joignant à l’inexécution de l’obligation augmentent considérablement la perte que celui-ci éprouve.

Supposons, par exemple, qu’un vendeur livre des poutres de mauvaise qualité. Si l’acheteur emploie ces poutres à la construction d’un bâtiment et que ce bâtiment s’écroule, le vendeur devra-t-il lui payer non seulement la valeur de la construction, mais encore tous les dommages qui ont pu ou pourraient résulter de la ruine de l’édifice ? Le débiteur, d’après l’art. 1151 du Code civil, ne doit répondre que de ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de l’obligation. Mais à cette formule qui manque de précision, on peut en substituer une autre qui se dégage des textes du droit romain : « Le débiteur ne répond que du dommage qui est une suite nécessaire et inévitable de l’inexécution de son obligation. »

S’il est de bonne foi, le débiteur ne doit même répondre de ce dommage, qu’autant qu’il l’a prévu, ou qu’il a pu du moins le prévoir au moment où il s’est obligé. Il serait injuste, en effet, de lui imposer une responsabilité qui ne pouvait entrer dans ses prévisions au moment où il a contracté. Si c’est par un dol, au contraire, que son obligation n’a point été exécutée, il devra être tenu, même aux dommages, qu’il était impossible de prévoir au moment du contrat.

C. Antoine.

OOMNULUS, poète latin du Ve siècle, ami et correspondant de Sidoine Apollinaire. Epist., iv, 25. Il est fait mention de manuscrits signés FI. Rusticus Helpidiua Domnulus. Aussi plusieurs critiques voientils dans le Domnulus de saint Sidoine le Rusticus Helpidius ou Elpidius, auteur de l’élégant poème De Christi Jesu beneficiis, P. L., t. lxii, col. 545-548, et des vingt-quatre épigraphes tristiques In historiam Testameuti Veteris et Novi carmina. lbid., col. 5435-46.

C. Verschaffel.

1. DOMNUS 1 er ou DONUS, 676-678. Élu au mois d’août 676, consacré le 2 novembre, il régna 1 an, 5 mois, 10 jours et fut enseveli le 11 avril 678 à SaintPierre. L’auteur de sa notice dit qu’il orna de marbres superbes l’atrium de Saint-Pierre, qu’il restaura et dédia l’église des apôtres sur la voie d’Ostie, ainsi que celle de Sainte-Euphémie sur la voie Appienne, qu’il G88

combla d’honneurs son clergé. Il ajoute qu’il dispersa un monastère de moines nestoriens syriens et le remplira par des moines romains, et enfin qu’il reçut la soumission de l’archevêque de Ravenne Reparatus, dont le prédécesseur s’était déclaré indépendant.

Jaffé, Regesta, 1. 1. p. 238 ; Liber pontiflcalis, édit. Diichesne, t. i, p. 348-349.

A. Clerval.

2. DOMNUS II ou BONUS, DONUS. Ce pape n’a pas existé. MM. Duchesne et Giesebrecht expliquent, chacun à sa manière, par quelle erreur d’écriture, dans tous les catalogues, sauf dans trois, les mots Domnus, DomnusdeSur, Domnus de Suri, se sont glissés entre les noms des papes iîenoît VI et lienoît VII. Le mot Domnus est synonyme de papa et la durée du pontificat convient à Benoit IV (Giesebrecht) ; ou bien, les mots Domnus de Suri conviennent à Benoit VII, évêque de Sutri, avant son élévation au souverain pontificat (Duchesne). Quelques-uns ont fait de ce Domnus un pape distinct ; mais il n’y a certainement pas de place pour lui dans la suite de ces papes et l’on se rend bien compte de l’intrusion de son nom.

Liber pontiflcalis, édit. Ducltesne, t. H, p. xviii, 255, 256 : Jaffé, Regesta, t. i, p. 479 ; Giesebrecht, Jahrbucher des deutschen Iteichs unter dem Sachs. Hanse, t. u. p. 141.

A. Clerval.

1. DONAT. Évéque des Cases Noires, en Numidie, au moment de la persécution de Dioclétien, ce Donat qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme de Carthage, le grand chef et l’âme du donatisme, fui un purilain, indulgent envers lui-même, rigorisle envers les autres et, sous les apparences d’un ami de l’ordre dans l’Église, un vrai brouillon malfaisant. Il n’avait pas hésité, pour son compte, à pratiquer la réitération du baptême et à imposer les mains aux évêques qui avaient failli pendant la persécution. Sans être l’auteur exclusivement responsable du grand schisme qui allait troubler pour plus de trois siècles toute l’Afrique du Nord, depuis la Mauritanie jusqu’à la Tripolitaine, il n’en fut pas moins l’un des instigateurs et l’une de causes déterminantes, dans des circonstances qu’il importe de relater succinctement.

Au lendemain de la persécution, l’évêque de Carthage, Mensurius, écrivait au primat de Numidie, Secundus de Tigisi, une letlre dans laquelle il ne craignait pas de blâmer certains chrétiens, qui s’élaient dénoncés eux-mêmes comme détenteurs de Livres sacrés, afin d’obtenir le martyre. Il laissait clairement entendre que la persécution avait été pour ces fanfarons l’occasion de liquider leurs affaires embarrassées et de se refaire une réputation compromise ; ils n’avaient dès lors aucun droit aux honneurs dus aux martyrs. Lui-même, pour tromper les exécuteurs des édils impériaux, avait substitué aux Livres saints des ouvrages hérétiques bien dignes du feu. Donat des Cases Noires profila de l’occasion pour décrier la conduite du primat d’Afrique auprès de ceux qu’il avait mécontentés par son refus d’honorer les victimes et même pour l’accuser d’avoir été traditeur ; si bien qu’on dénonça aux magistrats sa supercherie. S. Augustin, Brcv. collai., iii, 2."), P. L., t. xi. iii, col. 638. Il n’en fallut pas davantage pour susciter quelques troubles à Carthage.

Mensurius, ayant refusé’de livrer à l’autorité publique Je diacre Félix, qui s’était réfugié chez lui, fut mandé d’office à Rome. Avant de partir, il eut soin de confier à deux vieillards les ornements sacrés et les trésors de son église et d’en remettre la liste détaillée à une chrétienne. Renvoyé’indemne de la cour, il rentrait à Carthage quand il mourut ; c’était en 311. S. Optai, De schism. douai., i, 17. P. L., t. xi, col. 917-918. On dut procéder à son remplacement. Deux prêtres, Botrus et Célestius, briguaient sa succession et prévinrent les évéques voisins pour procéder à l’élection et au sacre

du nouveau primat. Mais à leur confusion et au grand déplaisir d’une très riche matrone, Lucilla, qui avait un candidat sous la main, le choix se porta surCécilien, diacre de Mensurius, et Félix d’Abtughi ou d’Aptonge sacra le nouvel élu. S. Optât, ibid., 1, 18, col. 919. Cécilien de réclamer alors les biens de son église aux deux dépositaires, mais vainement. Une cabale fut vite montée entre ces deux détenteurs infidèles, les deux prêtres évincés et l’irritable et vindicative Lucilla. Donat des Cases Noires, leur inspirateur, s’avisa que l’évêque de Carthage devait être sacré par celui des primats dont le siège était le plus rapproché, à savoir par Secundus de Tigisi ; il proposa donc de faire intervenir les prélats de Numidie. L’or de Lucilla rendit la chose aisée.

On vit donc, en 312, 70 évêques de Numidie se rendre à Carthage, s’y réunir en concile et citer Cécilien à comparaître pour juger son cas. Sur le refus de Cécilien, ils instruisent sa cause, déclarent son sacre nul, attendu que le consécrateur avait été traditeur, prononcent une sentence de déposition, élisent et consacrent le favori de Lucilla, le lecteur Majorinus. C’était le schisme, car Cécilien, avec raison, ne voulut point céder. Donat des Cases Noires crut alors trouver la solution dans un recours direct au pouvoir civil, qui n’avait aucune qualité pour en connaitre.il inspira donc la rédaction et l’envoi d’un libelle accusateur à Constantin. C’est pour cela sans doute que la supplique jointe au libelle porte les signatures des cinq évêques, d’ailleurs inconnus, avec ces mots : et cseteris episcopis PARTIR Dos ati, S. Optai, ibid., i, 22, col. 930, Donat des Cases Noires étant le principal accusateur. En tout cas, le document scellé, remis au proconsul Anulinus el transmis par lui à l’empereur, porte : Libcllus Ecclesise catholiese criminum Cseciliani tradilus.i parte MAJORISl, ainsi que l’indique à plusieurs reprises saint Augustin.

Constantin remit au pape Melchiade ou Miltiade le soin de trancher le différend. Kpisl. ail Melchiadem, P. L., t. iivi col. 177. Les deux partis opposés furent donc convoqués à Rome en octobre 313. Donat se trouvait là. Mis en demeure de prouver le schisme qu’il reprochait à Cécilien, il ne put produirj que des témoins qui affirmèrent n’avoir rien à formuler contre Cécilien. Faute de preuves authentiques, la cause de Cécilien restait inattaquable sur ce point. Ce fut lui, au contraire, qui tout à coup d’accusateur devenant accusé’, fut convaincu d’avoir fomenté le schisme du temps même de Mensurius, quand Cécilien n’était encore que diacre. Il dut même reconnaître que, contrairement à l’usage de l’Église romaine, il n’avait pas hésité à pratiquer la réitération du baptême, ni même à imposer les mains aux évéques qui avaient failli pendant la persécution. Aussi souleva-t-il un autre chef d’accusation, en rappelant la condamnation dont Cécilien avait été l’objet de la part du concile de Carthage pour avoir été sacré par un traditeur. La réplique fut immédiate ; les vrais traditeurs, c’étaient les évéques de ce concile, corrompus par l’or de Lucilla. Mais le pape refuse d’aborder ce point du débat pour ne s’en tenir qu’à l’accusation de schisme. Or, celle-ci, sans le moindre doute, était tranchée en faveur de Cécilien, et l’accusateur Donat fui seul à être condamné. S. Optât, ibid., i, 24, col. 933 ; S. Augustin, Epist., m.iii, i, 16 ; Post col/aL, 56 ; Brev. collât., iii, 31, P. L., t.xi.m, col. 687, 643. Avec une obstination qui devait caractériser tous les donatistes dans la suite, Donat des Cases Noires se plaignit de la décision du pape et du concile de Rome. Sur ses instances, les évéques de Numidie en appelèrent de nouveau à l’empereur, S. Optât, ibid., I,’20. col. 934, qui décida la convocation d’un nouveau concile à Arles, en 314, Mais là aussi Cécilien se trouva pleinement justifié ; et par surcroit la question des Ira

diteurs y fut traitée. Le canon 13e condamna à la déposition tout clerc convaincu par acte public d’avoir livré les Écritures, les vases sacrés ou le nom de ses frères ; il déclare valide l’ordination reçue de la main d’un évoque traditeur. Hardouin, Act. concil., t. I, col. 265. Malgré cette double décision, lesdonatistes ne se tinrent pas pour battus ; ils firent de nouveau appel à Constantin qui, en 316, ratifia pleinement la sentence des juges ecclésiastiques. Voir Donatisme.

Que devint Donat des Cases Noires après toutes ces condamnations ? On l’ignore. Du reste, en ce momentlà, un autre homme avait pris la tête du parti schismatique, celui que ses partisans appelaient le grand Donat.

S. Optât, De schismate donatistarum, i, 15-25, P. L.. t. xi, col. 915-935 ; S. Augustin, Retract., I, xxi, 3, P. [.., t. XXXII, col. 618 ; User., lxix, P. L., t. xlii, col. 43 ; Brev. coll., ni, 25, 31, P. L.. t. xliii, col. 638, 643 ; Ëllies Dupin, Historia donatistarum, P. L., t. xi, col. 771 sq. ; Tillemont, Mém. pour servir à l’hist. eccl-, Paris, 17(14, t. VI, p. 3 sq. ; Duchesne, Le dossier du donatisme, dans Mélanges d’arch. et d’Iiist. de l’école française de Borne, 1890, p. 589 sq. ; dom Chapman, Donatus the Great and Donalus of CasxNigrx, dans Bévue bénédictine, 1° janvier 1909, p. 13-23 ; Chevalier, Répertoire, Bio-lnbliograpluc, 2’édit., col. 1222. Voirla bibliographie de l’art. Donatismi.

G. Bareille.

2. DONAT. Saint Optât, dans son histoire du schisme des donatistes, ne distingue pas entre les deux Donat, celui des Cases Noires et celui de Carthage ; mais il trace du second un portrait pris sur le vif, car il en appelait aux témoins oculaires encore vivants quand il répliquait au donatiste l’arménien, et à des faits de notoriété publique. Lorsque saint Augustin entreprit sa campagne en faveur de l’unité contre le schisme, qui durait depuis près d’un siècle ; il ne prit pas garde tout d’abord qu’il y avait eu deux Donat, dont le nom resta attaché au grand schisme africain ; il atti’ibuait à celui de Carthage ce qui avait été le fait de celui des Cases Noires. Dans la suite, il dut se raviser et, avec sa loyauté ordinaire, il reconnut son erreur, n’en maintenant pas moins avec raison que le Donat des Cases Noires avait été le premier instigateur du schisme par son intervention funeste dans les affaires de Carthage avant et après la mort de Mensurius. Retract., I, xxi, 3, P. L., t. xxxii, col. 618. La confusion des deux Donat persistait encore chez le plus grand nombre des catholiques lors de la célèbre conférence de 111 j mais elle cessa devant la protestation des donatistes. On reprochait aux dissidents d’avoir eu pour chef un évéque condamné par le pape Miltiade ; aussitôt Pétilien, évêque donatiste de Constantine, protesta contre une telle imputation, qui ne regardait en rien Donat de Carthage, Gesta coll., iv, 32, P. L., t. xi, col. 131)8 ; en effet, le condamné du pape avait été Donat des Cases Noires. S. Augustin, Brev. coll., m, 31, P. L., t. xliii, col. 643. La méprise des catholiques pouvait très bien provenir de saint Optât qui, à propos du libelle envoyé à Constantin par les évêques de Numidie après l’élection et le sacre de Majorin, parle du parti de Donat, alors qu’il n’y avait pas encore de parti de Donat, mais seulement le parti de Majorin, leur élu. Et c’est bien du parti de Majorin, non de celui de Donat, qu’il est question dans les actes officiels, entre autres dans le rapport du proconsul Anulinus bien connu de saint Augustin et inséré par lui dans l’une de ses lettres. Epist., lxxxviii, 2, P. L., t. xxxiii, col. 302303. L’expression de saint Optât ne pouvait être qu’un lapsus ou une erreur matérielle de rédaction. « Il est sur, dit Ma 1 Duchesne, Le dossier du donatisme, dans Mël. d’arch. et d’hist. de l’école franc, de Piome, Paris, 1890, p. 608, que les deux derniers mots partis Donali (du texte actuel de saint Optât) ne peuvent avoir figuré dans l’original. Au moment où la pièce fut rédigée, les dissidents, bien qu’ils comptassent au nombre de leurs

chefs les plus agissants un certain Donat, évêque de Casse Nigrse, ne se désignent pas par son nom, mais par celui de Majorin, le compétiteur donné par eux à Cécilien. » Ellies Dupin a tiré au clair la distinction des deux personnages, Hist. donat., P. L., t. xi, col. 792, et cette distinction doit rester acquise. Quant à l’hypothèse de l’Aubépine, Observ. in S. Uplalum, obs. iii, P. L., t. xi, col. 1165-1166, d’après laquelle deux évéques schismatiques du nom de Donat, l’un pouvant être Donat des Cases Noires, qui dans ce cas aurait été transféré au siège de Carthage, ou tout autre, et le second Donat le Grand, auraient succédé à Majorin avant Parrnénien, elle est à rejeter pour deux raisons : la première, c’est qu’elle est en contradiction avec saint Optât, qui ne parle jamais qued’un seul intermédiaire entre Majorin et l’arménien ; la seconde, c’est que le fait de la translation d’un évêque d’un siège à un autre siège est aussi inconnu à cette époque chez les donatistes que chez les catholiques. Donat de Carthage n’est donc pas Donat des Cases Noires, et il est le seul à avoir occupé, à titre d’évêque schismatique, le siège de la métropole africaine, depuis la mort de Majorin survenue vers 315 jusqu’à l’arménien, c’est-àdire pendant plus de 40 ans.

C’est ce Donat de Carthage qui a vraiment, donné son nom au parti schismatique ; il prit en mains sa direction, l’organisa fortement et lama l’Eglise d’Afrique pour plus de trois siècles dans la pire des aventures. C’était un homme de réelle valeur, de mœurs intègres et d’une tenue digne d’un meilleur rôle. Il avait l’esprit cultivé ; il était érudit et parlait avec éloquence ; il s’imposa à tout son parti par son habileté, son action incessante et son indomptable énergie. Malheureusement il était infatué de lui-même, d’un orgueil démesuré, se croyant supérieur à tout le monde, considérant les évéques de son parti comme ses humbles serviteurs, traitant de la façon la plus altière les magistrats civils et les empereurs eux-mêmes, toujours autoritaire, parfois cassant. Quand on venait le voir, son premier mot était : « Que dit-on de mon parti dans vos régions’.’ » Il écrivait un jour, en 336 ou 337, au préfet Grégoire cette parole insolente ; « Vous êtes la honte du Sénat et l’infamie des préfets. » En 347, quand Paul etMacaire, envoyés par Constant pour distribuer de larges secours aux misérables chrétiens d’Afrique, se présentèrent à lui, il les accueillit par ces mots : « Qu’y a-t-il de commun entre l’Église et l’empereur ? » De sc/tism. donat., iii, 3, P. L., X. xi, col. 999. Il oubliaittrop facilement que les premiers fauteurs du schisme avaient été les premiers à recourir avec instances à l’empereur. Quoi qu’il en soit, en quelques années, sous sa direction reconnue et acceptée, le parti prit un grand développement et s’organisa en Église séparée ; les évêques se multiplièrent au point qu’à leur réunion en concile, en 330, ils étaient présents au nombre de 270. Puis, à la faveur des circonstances, quand parurent les circoncellions, voir t. ii, col. 2514, loin de désapprouver de tels brigands, les donatistes les utilisèrent contre les catholiques ; et s’il est vrai que, devant les horreurs qu’ils commirent, plusieurs évéques donatistes aient demandé au comte Taurinus de réprimer leurs méfaits, De schism. donat., iii, 4, P. L., t. xi, col. 1008, il est certain que le nom de Donat n’est pas cité parmi eux ; il est certain aussi que le même Donat avertit les mandataires impériaux, Paul et Macairc, qu’il allait écrire partout pour qu’on leur fermât les portes. Et l’on sait que, trop dociles à l’avertissement de ce chef redouté, Donat de liagaï et Marculus s’empressèrent de demander le concours des circoncellions pour repousser à main armée les présents et les secours matériels de l’empereur. Il est vrai qu’ils payèrent de la vie leur criminelle audace, ce qui leur valut, auprès de leurs coreligionnaires, les honneurs des martvrs. De schism.

dunal., tir, 6, col. 1014. Macaire, en effet, voyant que les procédés de douceur étaient complètement illusoires avec de pareils fanatiques, réclama des troupes et répondit à la force par la force. Une fois maître de la révolte armée, il n’eut plus de ménagements pour les donatistes et mit en demeure leurs évêques d’avoir à rentrer dans l’unité sous peine de se voir appliquer la rigueur des lois déjà portées contre eux. Plusieurs s’enfuirent, d’autres se soumirent, quelques-uns refusèrent d’obtempérer à ses ordres. Parmi ces derniers se trouvait Donat de Carthage. En conséquence, il fut condamné à l’exil, et lapais régna jusqu’à l’avènement de Julien l’Apostat.

Cet orgueilleux primat des donatistes qui poussait la fatuité jusqu’à se croire plus qu’un homme, presque l’égal de Dieu, ut sibi jam non homo sed Deus fuisse viderelw, qui exigeait des évêques la vénération et la crainte, tantuni sibi de episcopis suis exegit ut eum non minori me tu venerarentuv quant Deuni, De schism. donat., III, 3, col. 1002-1003, réalisa, au dire de saint Optât, la prophétie d’Ézéchiel, xxviii, 2 sq., surle prince deTyr ; il mourut, en effet, en exil, De schism. donat., iii, 3, col. 1088, sans qu’on sache à quel endroit ni à quelle date exacte, mais vraisemblablement vers 355. Il est à peine besoin de dire que sa mémoire fut vénérée par les donatistes à l’égal de celle d’un saint et d’un martyr. Et Pétilien, à la conférence de Carthage de 411, le salua comme le chef du parti donatiste de bienheureuse et sainte mémoire, dont le mérite avait jeté un tel éclat que le temps n’avait pas été capable d’en ternir la gloire. Gest. collai., ni, 32, P. L., t. xi, col. 1368.

Un tel homme, semble-t-il, avec la culture intellectuelle qu’il avait et l’activité qu’il déploya au cours de son long épiscopat, dut entretenir une vaste correspondance et composer des ouvrages pour le soutien de sa cause. Tout a péri. C’est à peine si l’on parlait, au commencement du ve siècle, d’une lettre qu’il reçut des dissidents orientaux du concile de Sardique réunis à Philippopolis, et d’une autre qu’il écrivit sur des matières religieuses. La première était vantée par les donatistes comme une preuve que les Pères du concile de Sardique pensaient comme Donat au sujet des traditeurs ; mais saint Augustin, qui finit par se la procurer, remarque que ces prétendus Pères n’étaient que des ariens, car ils y condamnaient le pape Jules et le grand Athanase ; ignorant sa vraie provenance et la croyant réellement du concile de Sardique, il traita ce concile d’arien ; dans tous les cas, elle ne pouvait servir à justifier l’erreur des donatistes. Epist., xliv, 6. P. L., t. iixxxi col. 176 ; Conl. Cresc, ni, 38 ; iv, 52, P. L., t. xi.m, col. 176, 516. Quant à la lettre écrite par Donat, elle traitait, au dire de saint Augustin qui la réfuta, de matières relatives à la controverse donatiste, notamment du baptême comme ne pouvant être conféré validement que dans le parti donatiste. La réfutation de l’évêque d’Ilippone est perdue ainsi que la lettre de Douât ; mais saint Augustin dut reconnaître, contrairement à ce qu’il avait avancé, que Donat n’avait pas été l’initiateur, chez les schismatiques, de la réitération du baptême, et qu’il n’avait pas tronqué’de sa propre autorité un texte de l’Ecclésiastique, xxxiv, 30, car ce texte ainsi tronqué’se trouvait avant Donat dans des manuscrits africains. Retract., 1, xxi, P. L., t. XXXII, col. 617-618.

Des autres ouvrages de Donat de Carthage, qui durent être nombreux, saint Jérôme ne signale qu’un traité De Spirîlu Sancto, qui sentait l’erreur arienne. Ve vir. ill., 93, P. L., t. xxiii, col. 695. De son coté, saint Augustin constate qu’il restait de son temps des ouvrages de Donat, dont il ressortait que le chef du parti schismatique n’avait pas eu des idées orthodoxes sur le dogme trinitaire ; car, bien qu’il maintint l’unité

de substance dans les trois personnes divines, Donat, prétendait que le Fils est inférieur au Père et le Saint-Esprit inférieur au Fils ; erreur qui, à vrai dire, était complètement passée inaperçue dans son parti. Hxr. lxix, P. L., t. xlii, col. 43. A part cet ouvrage signalé par saint Jérôme et cette allusion de saint Augustin provoquée par le même traité, Donat avait composé d’autres œuvres dont le titre n’est pas indiqué. « Il est diflicile de croire, note M » r Duchesne, loc. cit., p. 590, qu’il n’ait pas rencontré de contradicteurs, et que la polémique catholique n’ait produit aucun livre pour réfuter les siens. De ces livres, cependant, la trace même est perdue. » Il est surtout étonnant, ajouteronsnous, que jamais, ni saint Optât, ni saint Augustin, n’y aient fait la moindre allusion dans leurs controverses avec les donatistes. Leur silence ne serait-il pas une preuve que l’épiscopat catholique d’Afrique, du temps du grand Donat, ne compta point parmi ses membres un évêque qui fût à même de réfuter les arguments du chef donatiste ? Cet évêque se rencontra, mais plus tard, et ce fut surtout celui d’Ilippone.

S. Optât, De scliismate donatistarutn, ni, 3, P. L., t. xi, col. 998-10(16 ; S. Augustin. Relract., I, xxi, P. L., t. xxxii, col. 617-618 ; Epist., ci.xxxv, 1, P. L., t. xxxiii, cul. 800 ; Hxr., lxix, P. L., t. xlii, col. 43 ; Brev. cuil., iii, 31, P. L, t. xliii, col. 643 ; Ellies Dupin, Historia donatistarum, P. L., t. xi, col. 702-704 ; Tillemont, Mémoires peur servir à l’Itist. ecclés., Paris, 1704, t. vi, p. 63 sq. ; Harnack, Geschichte der altchrisU. Literatur, 1K’J3, t. i, p. 688, 724 ; Duchesne, Le dossier du dunatisme, dans Mélanges d’arclt.et d’Itist. de l’école française de Rome, 1890, p. 589 sq. ; dom Chapman, Donatus the Greatand Donatus of Casse Nigrse, dans la Revue bénédictine, 1° janvier 1909, p. 13-23 ; Chevalier, Répertoire. Biobibliographie, 2’édit., col. 1222. Voir la bibliographie de l’art. Donatisme.

G. Baheii.ii : .

DONATION. — I. Généralités. II. Donateur. III. Donataire. IV. Formalités prescrites. Y. Révocation.

I. Généralités.

La donation est un contrat par lequel on se dépouille et on s’appauvrit gratuitement d’une chose, au profit d’une autre personne qu’on veut gratifier et enrichir.

La donation a pour ellet de dépouiller le donateur, sans qu’il reçoive rien en retour ; il importe donc qu’elle ne soit jamais que le résultat d’une volonté libre et rélléchie et non celui d’un entraînement passager ou du caprice d’un moment. D’autre part, la donation enlève aux héritiers leurs légitimes espérances, elle fait passer, sans aucune compensation, les biens donnés, d’une famille dans une autre. Notre ancien droit, dont tous les efforts tendaient à assurer la conservation des biens dans les familles, ne pouvait donc ne pas voir sans une certaine défaveur les donations. Aussi, dans l’intérêt des familles, chercha-t-il le moyen de restreindre les libéralités et ce moyen il le trouva dans l’intérêt personnel des donateurs. Il reconnaît aux personnes le droit de donner, mais à la condition qu’elles donneraient réellement, c’est-à-dire se dépouilleraient actuellement et irrévocablement, de là la règle : donner et retenir ne vaut. Cette condition fut un bien pour empêcher les libéralités excessives. On hésite en effet, naturellement, à se dépouiller actuellement et irrévocablement.

Il n’y a plus dans notre droit que deux modes de disposer à titre gratuit, savoir, la donation entre vifs et le testament. C’est ce qui résulte de l’article 893 ainsi conçu : « On ne peut disposer de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre vifs, ou par testament, dans les formes ci-après établies. » Ce titre proscrit implicitement un troisième mode de disposer à titre gratuit, c’est la donation à cause de mort, donatio morlis causa.

La donation à cause de mort est un contrat ; par 1G93

DONATION

169-1

conséquent elle ne devenait parfaite que par l’accep- tation du donataire ; à ce point de vue elle res- semblait à la donation entre vifs. Elle était cependant faite en vue d’un danger de mort plus ou moins immi- nent, auquel le donateur se voyait exposé, par exemple à la veille d’un combat ou pendant le cours d’une maladie, et elle était résolue de plein droit si le do- nateur échappait à ce danger. De plus, elle était révo- cable ad nulum par le donateur et devenait caduque par le prédécès du donataire : ce qui la rapprochait des donations testamentaires. La donalion à cause de mort pouvait offrir deux variantes, suivant qu’elle était faite sous la condition suspensive de la survie du dona- taire ou sous la condition résolutive de son prédécès. Dans le premier cas, le donataire n’acquérait qu’un droit éventuel ; dans le deuxième, il acquérait un droit actuel, mais résoluble. Les donations à cause de mort suscitaient dans la pratique des difficultés assez graves, à raison surtout de leur couleur indécise et c’est probablement pour ce motif que notre législation les a abolies.

Toutefois, ces sortes de donations restent valides en droit naturel, et tant que la nullité n’a pas été pro- noncée par les tribunaux, le donataire peut, en con- science, rester en possession de la chose donnée. Il n’y a pas donation à cause de mort, lorsqu’une per- sonne se trouvant en danger de mort fait des libérali- tés irrévocables. Telles sont les dispositions par les- quelles un malade donne actuellement, à ses parents, à ses amis, ou à ses domestiques, des objets mobiliers ou même des immeubles.

La donation entre vifs est ainsi nommée, parce que vivens viventi donat, à la différence de la donation testamentaire, qui, étant faite pour le temps où le dis- posant n’existe plus, doit être considérée comme l’ex- pression de ses dernières volontés et se trouve ainsi être l’œuvre d’un mort ou tout au moins d’un mourant.

Le Code civil définit la donation en cos termes : « La donation entre vifs est un acte par lequel le dona- teur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte. »

La donation entre vifs est un contrat solennel, parce qu’il est soumis à des formes particulières, prescrites à peine de nullité. C’est un contrat gratuit ou de bienfaisance, le donateur procure en effet au dona- taire un avantage gratuit, puisqu’il ne reçoit pas la contre-valeur de ce qu’il donne (art. 1103).

Enfin par la donation le donateur s’appauvrit pour enrichir le donataire. La donation se distingue par là des autres contrats de bienfaisance, tels que le prêt à usage : le prêteur ne se dépouille pas, puisqu’il a droit à la restitution de la chose et par suite l’emprun- teur ne s’enrichit pas. Il en est de même dans le

dépôt.

Au point de vue du droit naturel et de la conscience, les conditions de validité de la donalion sont les mêmes que les contrats gratuits en général. Voir Con- trat. Le Code civil exige en outre certaines conditions spéciales qui se rapportent au donateur, au donataire et à la forme delà donation.

D’une manière générale, ces prescriptions — pourvu qu’elles ne tombent pas sur un bien d’Église — ne lient la conscience, qu’après la sentence du juge.

IL Le donateur. — 1° Des personnes incapables. — Voir Contrat. Sont incapables de disposer par dona- tion ou par testament : 1. Le mineur de seize ans. Le mineur peut toutefois faire des donations dans son contrat de mariage (art. 903). Il peut faire les mêmes donations que s’il était majeur, mais ne le peut« qu’avec le consentement et l’assistance de ceux dont le consen- tement et l’assistance sont requis pour la validité de son mariage » (art. 1095).

2. L’interdit v art. 5021). Voir Contrat.

3. Celui qui n’est pas sain d’esprit (art. COI). On peut toujours établir par témoins, que le donateur n’était pas sain d’esprit au moment de la donation. Il n’est point nécessaire de s’inscrire en faux contre la déclaration contraire qui aurait été insérée dans la donation, l’acte de donation fùt-il d’ailleurs authen- tique. De même les donations peuvent être attaquées pour cause de démence après la mort du donateur, alors même que l’interdiction de ce dernier n’aurait été ni prononcée ni provoquée et que la preuve de la démence ne résulterait pas de l’acte attaqué. L’art. 20i du Code civil est, en effet, inapplicable en matière de donation.

On avait même admis dans notre ancien droit que la colère ou la haine pouvait entraîner la nullité d’une donation faite comme on disait alors ab irato, c’est-à- dire par colère ou par haine. On considérait la colère ou la haine comme des passions qui tout en laissant subsister la possession de soi-même et le libre arbitre viciaient néanmoins la moralité de l’acte. De même, les donations pouvaient être annulées par suite du dé- faut de liberté qui peut résulter de la suggestion et de la captation, notre jurisprudence a consacré en partie ces principes. Pour les conditions qui produisent le manque de liberté, voir Contrat.

Sont capables de tester, mais incapables de donner :

1. Le mineur de seize ans accomplis (art. 90i). Ce mineur ne peut du reste tester que de la moitié des biens dont il aurait la disposition s’il était majeur.

2. Celui qui est pourvu d’un conseil judiciaire.

3. La femme mariée. La femme mariée ne peut en général faire aucune aliénation de biens sans l’autori- sation de son mari ou de justice.

Les donations faites entre époux sont soumises à des règles spéciales. Pendant le mariage, les époux peuvent se faire réciproquement, ou l’un des deux à l’autre, toutes les donations qu’un tiers serait autorisé à leur faire. Mais les donations que les époux se font pendant le mariage sont essentiellement révocables. L’époux qui a donné peut toujours changer sa volonté, revenir sur ce qu’il a fait et révoquer sa donation. Cette révo- cation n’est soumise à aucune forme, elle peut être faite par un simple acte sous seing privé, même tacite- ment et en secret. Ainsi l’époux donateur a le droit d’aliéner les biens qu’il a donnés pendant le mariage, puisqu’il peut révoquer la donation. Mais comme la faculté de révocation est exclusivement attachée à sa personne, ses créanciers ne pourraient pas faire vendre les biens qu’il a donnés, pour se payer sur le prix.

2° Quotité dans la donalion. — La valeur de la donation entre vifs ne peut jamais dépasser la quotité disponible, c’est-à-dire la partie des biens dont on peut disposer par testament (art. 913). La partie de la donation en excès sur la quotité disponible est déclarée par la loi de nul effet (art. 920). Celui qui n’a pas d’héritier nécessaire peut donner tous ses biens pré- sents. La donation des biens futurs est toujours inva- lide, sauf dans le contrat de mariage (art. 913, 1 08 1 ) . Cependant la donalion peut comprendre les biens dont on a l’espérance déterminée, par exemple, la récolte de cette année. Il faut excepter toutefois les biens héréditaires en expectative, au sujet desquels aucun contrat ne peut être conclu (art. 1130).

Entre époux, la quotité disponible est, en général, plus étendue que la quotité disponible ordinaire. Celui qui a des enfants, peut donner à son conjoint un quart en pleine propriété et un quart en usufruit, ou bien la moitié de ses biens en usufruit seulement.

Celui qui ne laisse que des ascendants, peut donner à son conjoint d’abord ce qu’il pourrait donner à un étranger, c’est-à-dire la moitié ou les trois quarts de sa fortune suivant qu’il y a des ascendants dans les deux lignes ou dans l’une d’elles seulement. 1(395

DONATION

1696

Toutefois en cas de second mariage, celui qui a des enfants d’un premier lit, ne peut laisser à son nouveau conjoint qu’une part égale à celle de l’enfant le moins prenant dans la succession et jamais plus du quart de sa fortune (art. 1098).

Donation faite à un absent.

La donation faite à un absent par lettre à lui nommément adressée ou encore par messager ou procureur est valide en soi, aussitôt qu’elle est acceptée soit par lettre du donataire, soit en présence du’messager ou du procureur. Mais le Code exige que cette acceptation soit noliliée au donateur. Il peut se faire que le donateur, apiès l’envoi du messager, révoque la donation, mais alors celle-ci reste-t-elle valide’.’Si le messager a connaissance de la révocation faite par le donateur, il n’a plus le pouvoir d’effectuer la donation. Ignore-t-il le changement dans la volonté du donateur ; dans ce cas, de deux choses l’une : ou bien le messager a tous les pouvoirs d’un mandataire, d’un procureur, et alors, à cause de la bonne foi du mandataire’, la donation est valide ; ou bien le messager n’est que l’organe de transmission de la volonté du donateur, et alors la donation est invalide puisque la volonté du bailleur (’tait inexistante au moment de la conclusion du contrat de donation.

Les théologiens moralistes se sont demandé ce que deviendrait la validité de la donation, si, après avoir envoyé son messager, le donateur venait à mourir avant l’acceptation de la donation’.’Comme ils apportent de bonnes raisons pour ou contre la validité de la donation, on peut tenir les deux opinions comme également probables et donc en pratique suivre l’une ou l’autre.

III. Le donataire.

Au point de vue du droit naturel pur, tous ceux-là peuvent validement accepter une donation qui sont sujets du droit de propriété, par conséquent même les enfants et les aliénés. Mais le droit positif prononce un certain nombre d’incapacités absolues ou relatives.

D’une manière générale, ces incapacités légales, pour autant qu’elles sont ajoutées au droit naturel, n’obligent en conscience qu’après la sentence du juge.

1 » Incapacité absolue de recevoir. — 1. Les personnes qui ne sont pas encore conçues au moment de la donation.

2. Les personnes dites de main-morte, c’est-à-dire les personnes morales : hôpitaux, hospices, corporations congrégations religieuses, etc. Ces personnes morales ne peuvent en effet recevoir qu’en vertu d’une autorisation du gouvernement délibérée en Conseil d’État. La donation faite à l’une de ces personnes morales serait donc nécessairement caduque, si le donateur mourait avant qu’elle eût été régulièrement acceptée.

Lorsqu’il s’agit de personnes morales de l’ordre ecclésiastique, pieux instituts ou congrégations religieuses, les formalités prescrites par la loi ne sauraient lier la conscience. De pareilles dispositions législatives sont en contradiction formelle avec le droit indépendant de posséder et d’acquérir des biens temporels, que l’Église a reçu de son divin fondateur Jésus-Christ. Ce droit, l’Église le communique aux sociétés inférieures, à savoir les pieux instituts et les ordres religieux approuvés par elle. Ainsi toute donation faite à une personne morale ecclésiastique doit être tenue pour valide au for de la conscience, à condition, bien entendu, que la donation soit valide en droit naturel.

Incapacité relative de recevoir.

Sont frappés d’une incapacité relative île recevoir :

1. Le tu leur dans ses rapports avec. Sun pupille. — « Le mineur, quoique parvenu à l’âge de 10 ans, dit l’article 907, ne pourra, même par testament, disposer au prolit de son tuteur. — Le mineur, devenu majeur,

ne pourra disposer, soit par donation entre vifs, soit par testament, au prolit de celui qui aura été son tuteur, si le comple définitif de la tutelle n’a pas été préalablement rendu et apuré. »

Au reste, cette incapacité n’atteint pas les ascendants. « Sont exceptés, ajoute le même article, dans les deux cas ci-dessus, les ascendants des mineurs, qui sont ou qui ont été leurs tuteurs. »

2. Les enfants naturels dans leurs rapports avec leurs père et mère. — Aux termes de l’art. 308 du Code civil modilié par la loi du 28 mars 1896, les enfants naturels légalement reconnus ne peuvent rien recevoir par donation entre vifs au delà de ce qui leur estaccordé à titre successoral. Mais cette incapacité ne peut être invoquée que par les descendants du donateur, par ses ascendants, par ses frères et sœurs et les descendants légitimes de ses frères et sœurs. D’autre part, le père ou la mère peuvent léguer aux enfants qu’ils ont reconnus, tout ou partie de leur quotité disponible, sans toutefois qu’en aucun cas, lorsqu’il se trouve en concours avec des descendants légitimes, un enfant naturel puisse recevoir plus qu’une part d’enfant légitime le moins prenant. Remarquons que les enfants naturels et mémo adultérins et incestueux légitimés par le mariage subséquent (art. 331 ; loi du 7 novembre 1907) sont assimilés aux enfants légitimes.

De même, les enfants adultérins ou incestueux ne peuvent rien recevoir, soit par donation, soit même par testament, au delà de ce qui leur est accordé par la loi, à titre d’aliments. Suivant les articles 703 et 764, ces aliments doivent être réglés eu égard aux facultés du père et de la mère, au nombre et à la qualité des héritiers légitimes. En outre, lorsque le père ou la mère de l’enfant adultérin ou incestueux lui ont l’ail apprendre un art mécanique ou lorsque l’un d’eux lui a assuré des aliments de son vivant, l’enfant ne peu ! élever aucune réclamation contre la succession.

Les donations faites aux enfants naturels reconnus, si elles dépassent la quotité fixée par la loi, sont certainement invalides, au for interne, après la déclaration du tribunal, mais avant l’action judiciaire le donataire peut en conscience retenir les libéralités dont il a été l’objet. Pour ce qui est des enfants adultérins et incestueux, d’après un grand nombre de théologiens et de jurisconsultes, la donation est nulle de plein droit, pour autant qu’elle excède les aliments accordés par la loi. Cette nullité est fondée sur des considérations d’ordre public : le législateur ayant voulu établir une différence entre les enfants du crime et les enfants naturels simples. Cependant un certain nombre d’auteurs (Génicot, 6e édit., t. i, n. 679 ; Bulot, 1. 1, p. 730) admettent la validité en conscience de la donation tant qu’une décision judiciaire n’est pas intervenue. La loi, en ellet, regarde comme étrangers les enfants illégitimes non reconnus, et ceux-ci peuvent recevoir de leurs parents jusqu’à concurrence de la quotité disponible. Les enfants adultérins et incestueux rentrent dans la catégorie des enfants illégitimes non reconnus

3. Les médecins dans leurs rapports avec les personnes dont ils ont entrepris la guerison.

L’incapacité relative de recevoir, dont sont frappés les médecins, consiste en ce qu’ils ne peuvent recueillir la libéralité que leur aurait faite la personne dont ils ont entrepris la guerison, pendant le cours de la maladie pour laquelle ils l’ont traitée et dont elle est morte. La libéralité ne vaudrait que si le malade revenu à la santé la confirmait ensuite, soit expressément, soil même tacitement en s’abstenant par exemple de la révoquer.

Sont assimilés aux médecins, tous ceux qui exercent [également ou illégalement la médecine. L’incapacité dont sont frappés les médecins, ne s’étendrait pas d’ailleurs à de simples libéralités rémunéraloires. 1097

DONATION

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proportionnées aux facultés du disposant et aux services rendus. Elle n’atteindrait pas non plus le médecin qui serait l’héritier direct du disposant, ou qui, dans le cas où le disposant n’aurait pas d’héritier direct, se trouverait être le parent collatéral de celui-ci, au moins au quatrième degré (art. 909).

4. Les ministres du culte dans leurs rapports avec les malades. — Les ministres du culte, qui portent aux malades le secours de la religion, sont assimilés aux médecins et frappés de la même incapacité (art. 909). Or, la loi exige que le médecin donataire, pour être frappé d’incapacité, ait traité le malade. Par assimilation, cette condition ne se trouve remplie vis-à-vis d’un ministre du culte qu’autant qu’il s’est chargé de la direction spirituelle du malade. Ne serait donc pas atteint par l’incapacité qu’édicté l’article 909, le ministre du culte qui se serait borné à rendre des visites au malade en qualité d’ami, ni même celui qui aurait seulement accompli auprès de lui un ou plusieurs actes de son ministère, par exemple en lui administrant le viatique ou l’extrème-onction. Il faut que le ministre du culte ait eu avec le malade des entretiens spirituels, qu’il lui ait donné des conseils en vue de le diriger dans la voie à suivre pour bien mourir. La jurisprudence admet que cette condition est toujours réalisée dans le cas de la confession auriculaire. Baudry-Lacantinerie, Précis de droit civil, t. iii, n. 853.

Remarquons avec Lehmkuhl, t. i, n. 1156, que si la donation faite au ministre du culte est en vue d’une œuvre pie, c’est la loi ecclésiastique seule qui entre en ligne de compte.

5. Les libéralités faites à des personnes interposées. — Toute disposition au profit d’un incapable est nulle, soit que cette disposition ait été déguisée sous l’apparence d’un contrat onéreux, soit qu’elle ait été faite sous le nom d’une personne interposée. On appelle personne interposée, le bénéficiaire direct de la disposition, qui s’est, par un acte secret, engagé à restituer à l’incapable que le disposan’a voulu gratifier, le bienfait de la libéralité qu’il n’a reçue que pour la lui transmettre.

Les père et mère, les enfants et descendants de la personne incapable, sont toujours réputées personnes interposées (art. 91 1).

IV. Forme des donations entre vus.

1° Formalités requises. — Au point de vue du droit naturel, la donation même verbale est valide ; pourvu, bien entendu, que les conditions générales pour la validité des contrats soient réalisées, elle transfère immédiatement et irrévocablement la propriété au donataire, sans que la tradition de l’objet donné soit nécessaire.

D’après le Code, la donation est un contrat solennel, qui ne produit ses effets et n’oblige les parties, qu’autant qu’elle a été passée dans certaines formes, c’està-dire devant un notaire qui en dresse acte en présence de témoins.

Les formes des donations sont déterminées par les articles 931 et suivants. Quelques-unes ont pour but de garantir la liberté du donateur et d’appeler son attention sur l’importance de l’acte qu’il pose. Une loi du 21 juin 1843 exige, sous peine de nullité, la présence d’un second notaire ou des témoins, au moment même de la lecture et de la signature de l’acte. Il faut de plus que l’acceptation du donataire soit formelle et expresse et elle doit aussi être faite par acte notarié.

En ce qui concerne particulièrement les donations d’objets mobiliers, ces donations sont nulles si elles ne sont pas accompagnées d’un état estimatif, signé du donateur et du donataire, et joint à l’acte de donation (art. 918). Cet état n’est point nécessaire quand les objets donnés sont immédiatement remis au donataire. Mais dans le cas contraire, en rendant le détournement des objets donnés extrêmement difficile, il sert à soustraire la donation au retour de volonté du donateur et à assurer son irrévocabilité.

Les donations d’immeubles sont assujetties à une formalité spéciale, qu’on appelle la transcription. D’après la loi du 29 mars 1855, toute aliénation d’immeubles doit être transcrite au bureau de la conservation des hypothèques. Avant cette loi de 1855, l’art. 939 exigeait déjà que les donations d’immeubles fussent transcrites, dans l’intérêt des tiers intéressés à les connaître. Mais tandis que d’après la loi de 1855, ceuxlà seuls pouvaient opposer au donataire le défaut de transcription, qui ont acquis du chef du donateur des droits réels sur l’immeuble, et qui ont ensuite fait transcrire leur titre, d’après l’article 941 du Code civil, ce sont au contraire toutes les personnes intéressées à la nullité de la donation qui peuvent se prévaloir du défaut de transcription.

Parmi les personnes intéressées à la nullité de la donation qui peuvent ainsi invoquer le défaut de tpanscription, aux termes de l’art. 941, tandis que la loi de 1855 leur refuse cette faculté, nous devons citer notamment les tiers acquéreurs de droits réels, qui n’ont pas fait transcrire leur titre en temps utile, et les créanciers chirographaires. Mais par exception, et encore bien qu’ils aient intérêt à la nullité de la donation, ni le donateur ou ses héritiers, ni aucun de ceux qui sont chargés, sous leur responsabilité’, défaire la transcription, ne sont admis à se prévaloir de l’omission de cette formalité.

Le donataire, pour assurer l’irrévocabilité de la donation, a donc grand intérêt à en faire opérer la transcription.

2° Des conditions impossibles ou contraires aux mœurs. — L’ne condition insérée dans un acte de disposition à titre gratuit peut se présenter sous un double aspect : 1. comme un événement futur et incertain, à l’arrivée duquel serait subordonnée l’efficacité de la disposition, c’est la condition proprement dite ; 2. comme une obligation ou charge imposée au bénéficiaire et dont l’inexécution entraînerait la révocation de la libéralité, Qu’elles aient du reste l’un ou l’autre de ces deux caractères, les conditions insérées dans une donation doivent être réputées non écrites, lorsqu’elles sont impossibles, contraires aux lois ou aux mœurs. Telle est la disposition formelle de l’art. 900. On doit, en effet, naturellement supposer que le disposant n’attachait qu’une importance tout à fait secondaire à l’accomplissement de pareilles conditions, qu’il n’a ni entendu ni voulu que l’effet principal qu’il poursuivait, c’est-à-dire la libéralité qu’il avait en vue, fût manqué par suite de l’accomplissement de ces conditions.

Toutefois, s’il était reconnu, en fait, que la condition contraire aux lois ou aux mœurs a été la cause déterminante et le but principal de la disposition, on ne se trouverait plus en présence d’une libéralité avec charge. Il y aurait un véritable contrat à titre onéreux, une promesse faite comme rémunération d’un acte prohibé et honteux et il faudrait en prononcer la nullité. Il est en effet de principe que toute obligation est nulle, lorsque sa cause est illicite, c’est-à-dire lorsque le but qu’elle poursuit est contraire à la loi et aux mœurs.

Ces décisions sont celles de la jurisprudence. Il est assez facile de déterminer les conditions qui sont impossibles ou contraires aux lois. Mais la solution de la question de savoir quelles conditions doivent être réputées contraires aux mœurs peut donner lieu à beaucoup d’arbitraire. C’est aux juges qu’il appartient de se prononcer dans chaque cas particulier.

Des libéralités dispensées des formes.

Certaines libéralités sont dispensées des formes, telles sont : 1. Celles qui consistent dans Vabandon d’un droit,

IV. - 54

comme la remise d’une délie, la renoncialion à un droit d’usufruit (art. 621, 1282) ; —2. Les libéralités stipulées dans l’intérêt d’un tiers, comme condition d’un contrat onéreux qu’on fait pour soi-même. Ces libéralités ne sont, en effet, soumises qu’aux formalités du contrat auquel elles sont jointes. Il n’est pas nécessaire qu’elles aient été acceptées solennellement et expressément. Il suffit que le tiers ait manifesté l’intention d’en profiter (art. 1121). — 3. Les donations manuelles. — La jurisprudence admet, en effet, la validité des donations faites de la main à la main, lorsqu’elles ont pour objet des choses corporelles mobilières.

Les donations faites pour des œuvres pies ressortissent à la législation de l’Église ; si donc elles venaient à être invalidées par les tribunaux civils, elles n’en conserveraient pas moins toute leur obligation au for de la conscience chrétienne.

V. Révocation.

1° Notions générales. — Les donations entre vifs doivent être irrévocables en ce sens qu’à la différence des donations testamentaires, elles ne peuvent pas être révoquées à la volonté’du donateur. Le donateur ne peut pas se réserver le moyen de reprendre à sa volonté ce qu’il a donné, l’ne donation révocable au gré du donateur serait nulle par application de la règle : donner et retenir ne vaut.

Nonobstant ce principe de l’irrévocabilité, une donation peut être faite sous cette clause, que les biens donnés feront retour au donateur, si le donataire et ses descendants meurent avant lui. Ce droit de retour est, en effet, indépendant de la volonté du donataire (art. 951).

De l’irrévocabilité des donations découlent les conséquences suivantes : 1. On ne peut donner que des biens présents, c’est-à-dire des biens qu’on a déjà dans son patrimoine. Serait nulle la donation qui aurait pour objet des biens à venir, c’est-à-dire des biens qu’on n’a pas encore, mais qu’on aura dans la suite, parce que le donateur en acquérant ou en n’acquérant pas ces biens, suivant son caprice, pourrait à son gré révoquer la donation. Ainsi quand je vous donne, par exemple, non seulement les immeubles que j’ai actuellement, mais encore ceux que j’acquerrai par la suite, la donation, valable quant aux immeubles présents, serait nulle quant aux immeubles à venir (art. 913). —

2. « Est pareillement nulle la donation faite sous la condition d’acquitter d’autres dettes ou charges que celles qui existaient à l’époque de la donation, ou qui seraient exprimées, soit dans l’acte de la donation, soit dans l’acte qui devait y être annexé (art. 945). » — 3. La donation est également nulle en tout ou en partie, lorsque le donateur s’est réservé le droit de disposer, en tout ou en partie, des choses données (art. 944).

Révocation absolue.

Les donations peuvent être révoquées à la demande du donateur pour les trois causes suivantes : 1. inexécution des conditions ou charges de la donation ; 2. l’ingratitude du donataire ;

3. la survenance d’un enfant au donateur, lorsque celui-ci n’en avait pas encore au moment de la donation.

1. lie l’inexécution des conditions ou des charges. — Lorsqu’une charge a été imposée au donataire et que cette charge est évidemment inférieure au bénéfice qu’il a reçu, l’acte ne cesse pas pour cela d’être une donation. Mais comme une donation, par elle-même, n’a d’autre but que d’enrichir le donataire, elle ne peut pas avoir pour effet direct et immédiat d’obliger celui-ci. Néanmoins, on avait fini par admettre, en droit romain, qu’en acceptant une donation faite avec charge, le donataire avait suffisamment manifesté son intention de

s’obliger, que cette intention était suffisam ni réalisée

et que le donataire devait être tenu pour obligé. Le donateur pouvait dès lors à son choix, ou poursuivre directement l’exécution des charges, ou répéter ce qu’il

avait donné, comme s’il n’avait jamais cessé d’être propriétaire. Les art. 954 et 956 semblent avoir reproduit ces principes. La révocation de la donation pour inexécution des charges doit en principe être prononcée par les tribunaux qui peuvent accorder au donataire un délaide grâce (art. 956).

2. De l’ingratitude du donataire.

La révocation des donations pour cause d’ingratitude a été empruntée au droit romain. C’est une peine que la loi prononce contre le donataire pour le punir de son ingratitude et venger en quelque sorte le donateur.

Les faits qui constituent l’ingratitude sont limitativement déterminés par l’art. 955 : La donation entre vifs, dit cet article, ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants : a) si le donataire a attenté à la vie du donateur ; b) s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ; c) s’il lui refuse des aliments.

Les aliments dont il est ici parlé sont calculés, non pas d’après l’entière fortune du donataire, mais eu égard aux choses données. C’est contre la personne même du donataire que s’exerce la révocation pour cause d’ingratitude ; d’où il suit qu’elle laisse subsister les droits réels que les tiers pourraient avoir acquis sur la chose donnée du chef de ce donataire (art. 958).

L’art. 957 détermine le court délai d’un an dans lequel l’action en révocation pour ingratitude doit être exercée et il règle la transmissibilité de cette action aux héritiers tant activement que passivement.

3. De la survenance d’un enfant au donateur. — Celte cause de révocation a aussi ses origines dans les lois romaines. Elle est fondée sur ce motif que si le donateur avait pu connaître véritablement et ressentir au cœur, avant la naissance de son enfant, les sentiments de l’atlection paternelle, il n’aurait pas donné. La révocation pour survenance d’enfant, à la différence des deux autres, a lieu de plein droit, il n’est pas besoin qu’elle soit demandée et obtenue en justice.

Révocation partielle.

La révocation partielle d’une donation entre vifs peut se présenter sous deux formes : la réduction et le rapport.

1. De la réduction.

Celui qui a des enfants ou des descendants, n’a pas la plénitude du droit de disposer de ses biens à titre gratuit. Il peut en disposer à titre onéreux, les vendre et les aliéner avec une pleine et entière liberté ; mais il ne peut ni les donner, ni les léguer, en totalité, à des étrangers au détriment de ses enfants ou de ses ascendants. Il y a, dans son patrimoine, une portion de biens dont il ne peut disposer à titre gratuit et que la loi réserve à ses descendants ou à ses ascendants. Cette portion indisponible, on l’appelle réserve.

La quotité disponible est, au contraire, la portion de notre patrimoine dont nous pouvons librement disposer à titre gratuit. Tous les biens, qui ne sont pas compris dans la réserve, font partie de la quotité disponible. Déterminer la réserve, c’est donc déterminer, par voie de conséquence, la quotité disponible.

La quotité disponible se détermine d’après la fortune qu’aurait laissée le de cujus (relui dont la succession est ouverte) s’il n’avait fait aucune libéralité. Pour calculer cette quotité, il faut donc augmenter le patrimoine que le de cujus laisse à son décès, de la masse des biens dont il s’est dépouillé de son vivant par des donations entre vifs. Si les libéralités faites par le défunt dépassent la quotité disponible ainsi déterminée, les réservataires ont le droit de les ramener aux limites qu’elles n’auraient pas dû franchir et de les faire réduire, en reprenant au besoin aux donataires ce qu’ils ont reçu de trop. C’est ce qu’on appelle exercer l’action en réduction.

La réduction doit laisser intactes les libéralités qui ont été faites dans les limites de la quotité disponible,

elle ne peut porter que sur les libéralités qui ont été faites après que cette quotité était déjà entamée par des libéralités antérieures. Il faudra donc l’opérer en commençant par la dernière libéralité et ainsi de suite en remontant des plus récentes aux plus anciennes.

L’action en réduction peut toujours être introduite, au point de vue de la conscience, par ceux que la loi investit de ce droit.

2. Du rapport. « Le rapport est dû de ce qui a été employé pour l’établissement d’un des cohéritiers ou pour le paiement de ses dettes, » dit l’art. 851. Celui qui a fait ces dépenses n’en était pas en effet tenu, elles constituent donc une véritable libéralité.

Rapport n’est pas du, au contraire, pour les frais de nourriture et d’entretien. Ces frais ne constituant, en effet, le plus souvent pour celui qui les fait, que le paiement d’une dette civile ou l’acquit d’une obligation naturelle. Ce ne sont donc pas des libéralités. Il en est de même des frais ordinaires d’éducation et d’apprentissage. Le bénéfice que ces frais procurent au successible échappent d’ailleurs le plus souvent à toute appréciation pécuniaire.

Sont également dispensés du rapport, les frais ordinaires d’équipement, les frais de noce alors même qu’ils sont extraordinaires et les présents d’usage. C’est pour sa satisfaction personnelle, plutôt que pour l’avantage du successible. que le de cujus est censé les avoir faits (art. 851 et 852). Cependant les présents de noce seraient sujets à rapport, s’ils étaient de nature à procurer au successible une véritable augmentation de patrimoine.

Dans l’ancien droit, le principe de l’égalité entre cohéritiers était tellement rigoureux, qu’il suffisait que le don ou legs eût été fait à l’un des proches parents du successible, pour qu’il fût réputé fait au successible luimême et par conséquent soumis au rapport. Aujourd’hui, au contraire, les dons ou legs faits au fils ou au conjoint du successible ne sont pas sujets à rapport (art. 847, 849).

Mais, en général, les donations déguisées sous l’apparence d’un contrat à titre onéreux n’emportent pas par elles-mêmes dispense de rapport. Il en est de même des donations indirectes qui sont faites au successible par l’intermédiaire d’une personne interposée chargée en secret de lui restituer les biens donnés.

Les dons manuels ne doivent pas non plus être réputés de plein droit faits avec dispense de rapport. Quant aux fruits que produisent les biens donnés avant le décès du de cujus, ils sont toujours, au contraire, présumés dispensés du rapport (art. 856).

Le rapport se fait en nature ou en moins prenant. Il a lieu en moins prenant, lorsque les cohéritiers du donataire prélèvent, avant le partage, une valeur égale à celle qu’il a reçue. Le rapport des meubles s’effectue toujours en moins prenant. En principe, au contraire, le rapport des immeubles se fait en nature.

Les dispositions législatives concernant le rapport obligent en conscience après la décision des tribunaux : la loi, en effet, se contente de donner aux ayants-droit une action en revendication.

C. Antoine. DONATISME. — I. Origines du schisme, de 305 à 321. II. Triomphe et apogée, de 321 à 373. III. Lutte décisive, de 373 à 430. IV. Déclin et disparition. V. Erreurs des donatistes.

I. Origines ou schisme, de 305 a. 321. — 1° Le nom de donatistes. — On a discuté la question de savoir si ce nom de donatistes, donné aux sectaires qui implantèrent le schisme dans l’Afrique du Nord et l’y maintinrent pendant plus de trois cents ans jusqu’à l’invasion des Arabes, c’est-à-dire jusqu’à la destruction du christianisme lui-même dans ces parages, vient de Donat des Cases Noires, le premier auteur responsable

de la crise, ou de Donat le Grand, le second évêque intrus de Carthage. Selon toute vraisemblance, c’est à ce dernier surtout que le schisme doit son nom, comme au chef qui l’organisa puissamment et le dirigea pendant plus de quarante ans ; il l’appelait du reste son parti et tous ne juraient que par lui. Le grammairien donatiste Cresconius faisait observer à saint Augustin qu’il devait dire donatiens plutôt que do>ialistes pour se conformer à la langue latine, la forme donatistse a Donalo rappelant celle d’evangelisla’ab Evangelio. Peut-être bien, répondait Augustin, c’est ce rapport qu’ont entendu signifier les premiers schismatiques en adoptant la forme donatistes, car Donat était leur évangile et ils ne voulaient pas plus se séparer de lui que les saints ne veulent se séparer de l’Évangile. Mais, pour ne pas déplaire au grammairien pointilleux, il dira donatiens plutôt que donatistes dans le traité qu’il consacre à sa réfutation, en faisant observer que la désinence du terme ne fait rien à la chose et que, quelque nom qu’on leur donne, lui et ses coreligionnaires n’en sont pas moins des hérétiques à éviter. Cont. Cresc, ii 2, 3, P. L., t. xliii, col. 468-469.

2° Le conflit éclate à Carthage en 31-2. — Au lendemain de la persécution de Dioclétien, c’est-à-dire vers 306, l’évêque des Cases Noires, Donat, se trouvant à Carthage, fit courir certains bruits malveillants contre le primat de la Proconsulaire, Mensurius, prétendant à tort qu’il avait été traditeur en exploitant avec mauvaise foi une lettre de lui à Secundus de Tigisi, en Numidie, dans laquelle il blâmait ceux qui avaient affronté le martyre pour se tirer fort à propos de certains embarras financiers et se refaire une bonne réputation. Voir Donat I. A la mort de Mensurius, survenue en 311, le clergé de Carthage avec les évéques voisins procéda à l’élection du successeur du primat. Le diacre Cécilien fut élu de préférence aux deux prêtres Botrus et Célestius qui avaient brigué la succession. Félix, évêque d’Abtughi ou d’Aptunge, sacra le nouvel élu. Aussitôt une cabale se forme contre Cécilien ; en font partie les détenteurs des biens de l’église, auxquels Cécilien les avait réclamés, les deux prêtres évincés et mécontents de leur échec, et surtout une richissime matrone, Lucilla, qui détestait particulièrement le nouvel évêque pour un manque d’égards dont il se serait rendu coupable envers elle quand il n’était que diacre, et qui aurait voulu voir à sa place une de ses créatures, le lecteur Majorinus. Donat des Cases Noires prend alors la direction des mécontents et, grâce à l’or de Lucilla, mais sous le prétexte de remédier à une élection viciée et nulle, il fit signe à ses collègues de Numidie qui arrivèrent au nombre de 70 avec leur primat, Secundus. Réunis en 312 à Carthage, ils se constituent en concile, citant Cécilien, qui refusa de comparaître. Ils instruisent alors sa cause, déclarant sa consécration invalide parce que le consécrateur avait été traditeur, prononcent sa déposition, (disent à sa place et consacrent le favori de Lucilla. S. Optât, De sc/tism. donat., i, 19, P. L., t. xi, col. 923. C’était le schisme implanté à Carthage, d’où il allait rayonner rapidement dans toutes les provinces, de la Byzacène à la Mauritanie, et partager les chrétiens en deux partis, celui de Majorin et celui de Cécilien ; c’était en même temps le point de départ de luttes religieuses et de troubles civils, dont on était loin de prévoir la gravité et la durée. « Ainsi le schisme fut enfanté par la colère d’une femme turbulente, nourri par l’ambition de ceux qui avaient aspiré à l’épiscopat, et fortifié par l’avarice de ceux qui s’étaient emparés des biens de l’Église. » Tille mont, Mémoires, t. vi, p. 14.

Erreurs de droit et de fait.

Les promoteurs de ce mouvement schismatique, Donat des Cases Noires, Secundus de Tigisi et les autres évéques de Numidie, 1703

DOXATISME

1704

avaient commis un acte illégal et anticanonique en s’immisçant dans une affaire qui ne les regardait pas et en procédant à l’élection et à la consécration d’un candidat qui ne pouvait être qu’un intrus, le siège de Cartilage étant déjà pourvu légitimement et validement. Sans doute, ils prétendaient que l’élection et la consécrationdeCécilienélaient nulles, parce qu’un évêque traditeur ne peut pas conférer validement le sacrement de l’ordre. Mais c’était là appliquer à l’ordre un principe discutable ou plutôt erroné contre lequel l’Eglise romaine n’avait cessé de protester, à propos du baptême, depuis saint Cyprien, C’était en tout cas l’appliquer à faux, car, dans l’espèce, Félix d’Aptunge n’avait été nullement traditeur, ainsi que devait le démontrer plus tard l’enquête officielle prescrite par l’empereur et dûment consignée dans un document public. Et l’application en était d’autant plus criante qu’elle fut faite par des évêques, dont la plupart étaient des traditeurs incontestables, d’après les actes du concile de Cirta tenu en 305, qui furent officiellement produits dans la suite. Quant à Cécilien, les enquêtes, les jugements et les sentences favorables dont il fut l’objet à Rome près du pape, à Arles de la part du concile et à Milan de la part de Constantin, démontrèrent qu’il était le seul évoque légitime de Carthage. Mais, sans attendre, il fut reconnu pour tel. L’empereur luimême reconnut tout d’abord ses droits. Constantin, en elfet, donna l’ordre au proconsul Anulinus de faire restituer aux églises ce qui leur avait été confisqué pendant la persécution de Dioctétien, Eusèbe, //. E., x, 5, P. G., t. xx, col. 884, et d’exempter des charges publiques les clercs dont Cécilien était le chef. H. E., x, 7, col. 893. Il écrivit à Cécilien lui-même pour lui notifier l’ordre qu’il avait donné au Rationalis d’Afrique, Ursus, de lui verser 3000 folles pour être distribuées d’après un état dressé par Osius. //. E., x, fi, col. 892 ; P. L., t. xliii, col. 777.

4° Appel des schismatitjues à l’empereur, — Dans de semblables conditions, la situation de Majorin paraissait fort compromise ; mais ses protecteurs, dès 313, intervinrent énergiquement pour la sauver. Ds remirent, en effet, au proconsul Anulinus, un double pli, l’un cacheté, l’autre ouvert. Le premier, Libellus Ecclesiie calholicsc criminum Cœcilinni traditus a parte Majorini, Gest. coll., m, 215-220, /’. L., t. xi, col. 1401-1402, contenait les chefs d’accusation relevés par eux contre celui qu’ils déclaraient schismatique ; le second était une supplique demandant à l’empereur de choisir en Gaule, où il n’y avait pas eu de défections épiscopales, des juges ecclésiastiques pour trancher le différend de Carthage. S. Optât, De scltism. donat., i, 22, P. L., t. xi, col. 930. Anulinus fit un rapport et transmit ces deux documents à Constantin, le 15 avril 313. Texte intégral de ce rapport, qui fut lu à la conférence de 411, dans S. Augustin, Epis t., i.xxxvm, 2, /’. L., t. xxxiii, col. 303. Rapport et documents ne parvinrent à l’empereur qu’en Gaule. Aussitôt Constantin désigna comme juges Materne, évêque de Cologne, Réticius, évêque d’Autun, et Marin, évêque d’Arles, pour aller traiter cette alfaire à Rome avec le pape Melcbiade ou Miltiade ; en même temps il écrivit au pape pour lui annoncer l’arrivée des trois évêques gaulois et le prier, documents en main, de décider en connaissance de cause. Eusèbe, II. /•.’., x, 5, P. G., t. xx, col. 888 ; P. L., t. xliii, col. 778. Celte lettre impériale fut produite à la conférence de 111. Gest. coll., m, 319, /’. L., t. xi, col. 1249 ; Brev. coll., m, 24, /’. /.., t. xi. ni, col. 637. En outre, il donnait l’ordre au proconsul Anulinus de mander à Rome une délégation des deux partis pour y vider leur différend. La réponse du proconsul que l’ordre impérial avait été exécuté fut également produite à la conférence de 411. Gesl. coll., ni, 319 ; Urcv. coll., m, 24.

5° Concile de Rome, octobre 313. — En octobre 3I3, à Rome, devant le pape entouré de 19 évêques, parmi lesquels Materne, Réticius et Marin, comparurent Cécilien et Donat des Cases Noires, accompagnés chacun de dix de leurs collègues. Faute de témoins et de preuves juridiques, Cécilien fut reconnu et déclaré innocent du crime de schisme qu’on lui reprochait ; Donat, au contraire, fut convaincu d’avoir fait œuvre schismatique sous Mensurius, du temps que Cécilien n’était que diacre ; il avoua de plus avoir rebaptisé ceux qui étaient passés au parti de Majorin et avoir imposé les mains à des évêques qui avaient failli pendant la persécution, S. Optât, De scltism. donat., 1, 24, P. L., t. xi, col. 932 ; il fut condamné. Les actes de ce concile furent produits à la conférence de 411. Gest. coll., m, 320-326, 403, 540, P. L., t. xi, col. 1219, 1252, 1256 ; Brev. coll., m, 24, 31, P. L., t. xliii, col. 637, 642. Le pape décida notamment, comme nous l’apprennent les actes du concile d’Arles, tenu l’année suivante, que les partisans de Majorin pourraient conserver leurs sièges, à la condition de rentrer dans l’unité, et que, là où se rencontrerait un évêque de chaque parti, le plus ancien selon la consécration conserverait le siège et que le plus récemment consacré serait pourvu d’un autre siège ; Cécilien était seul reconnu évêque légitime de Carthage. Le pape fit part de cette sentence à l’empereur ; mais les dissidents refusèrent d’y obtempérer, alléguant qu’on ne leur avait pas donné le temps de s’expliquer ; ils demandèrent donc à l’empereur d’autres juges. Constantin, bien que suffisamment édifié sur leur compte, les renvoya au prochain concile et il ordonna au icaire d’Afrique d’envoyer une délégation des deux partis à Arles pour le 1 er août 314 et de procéder, toute affaire cessante, à une enquête officielle sur le cas de Félix d’Aptunge. P. L., t. xi.ni, col. 780, 788 ; Hefele, Conciliengeschichte, t. i, p. 194.

6° Concile d’Arles, août 314. — A la date fixée, le concile se tinta Arles. Le pape s’y était fait représenter par deux prêtres et deux diacres ; Marin, Materne et Réticius s’y retrouvèrent, et les partis en lutte comparurent. Même solution qu’à Rome. Dans la lettre synodale envovée au pape Sylvestre, successeur de Miltiade, le concile dit que Cécilien est hors de cause, que ses accusateurs et les fauteurs principaux du schisme ont été, les uns condamnés (Donat et Majorin), les autres mis en demeure, aux conditions déjà fixées à Rome, de faire retour à l’unité, sous peine de perdre leur rang dans la cléricature. P. L., t. xliii, col. 786. Parmi les canons de ce concile, deux nous intéressent, l’un, can. 8, qui condamne la réitération du baplême, l’autre, can. 13, qui condamne tout clerc convaincu par un acte public d’avoir livré les Ecritures, les vases sacrés ou le nom de ses frères, à la déposition, et qui déclare valide l’ordination faite par un évêque traditeur. Le premier de ces deux canons visait nettement Donat. En ce qui concernait le cas de Cécilien, il n’y avait pas eu d’accusation basée sur des actes officiels, et son sacre devait être tenu pour valide, même dans le cas où son consécrateur aurait été traditeur, chose qui n’était pas, mais qu’on ignorait à Arles.

7° Décision de l’empereur. — Battus à Arles comme à Rome, les partisans de Majorin s’entêtent et, sous divers prétextes, réclament une décision impériale. Un tel recours au pouvoir civil dans une alfaire d’ordre religieux sera plus tard reproché aux donatistes ; et quand ceux-ci répliqueront que les catholiques ont fait pire en sollicitant des lois coercitives contre les donatistes, les catholiques n’auront pas de peine à leur répondre que le cas était tout différent, car, menacés dans leurs biens et dans leurs personnes, ils ne faisaient que se défendre et demander protection. Obsédé par cette alfaire deux fois légitimement jugée par ses juges naturels, Constantin voulut en finir. Il avait 1705

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même résolu de passer en Afrique pour décider sur les lieux ; mais n’ayant pu réaliser son dessein, il ! écrivit aux évoques donatistes qu’il connaîtrait lui-même de leur appel. P. L., t. xliii, col. 789. Il le fit à Milan ; et ratilia pleinement la double sentence ecclésiastique. Le 10 novembre 316, il notifiait au vicaire d’Afrique, | Eumalius, le jugement qu’il venait de porter. Ce jugement fut produit à la conférence de 411. Gest. coll., m, 456, 460, 494, 515-517, 520-530, 532, 585, P.L., t. xi, col. 1254, 1255, 1256 ; Brev. coll., ni, 37, 38, 41, P. L., t. xliii, col. 647, 649 ; Cont. Cresc, ni, 82 ; Posl. coll., 56, P. L., t. xliii, col. 541, 687. En même temps Constantin porla une loi prescrivant d’enlever aux donatistes les lieux du culte qu’ils détenaient ; saint Augustin y fait allusion, Epist., cv, 9, P. L., t. xxxiii, col. 399 ; Cont. litt. Petit, ii 205, P. L., t. xliii, col. 326 ; elle est rappelée dans le Code Ihéodosien, XVI, tit. vi, leg. 2.

La purgatio de Félix d’Aptunge.

L’ordre donne par Constantin au vicaire d’Afrique, .Elius Paulinus, d’informer sur l’affaire de Félix d’Aptunge, consécrateur de Cécilien de Carthage, avait été exécuté. Dès 314, le vicaire avait fait procéder à une enquête officielle, soit à Aptunge, soit à Cartilage. Elle prouva que Félix n’avait été nullement tradileur, l’accusation ne reposant que sur le faux témoignage d’un certain Ingentius, qui reconnut sa faute. S. Optât, De schism. donat., i, 27, P. L., t. xi, col. 938-939. Et évoquant l’affaire devant lui, le 15 février 315, le proconsul lit jeter en prison Ingentius, reconnut l’innocence de Félix et transmit tout le dossier à l’empereur. Gesta purgationis Feiicis Aptungitani, P. L., t. iivi col. 7 15 ; Gesta proconsularia quibus absolutus est Félix, P. L., t. xliii, col. 780 sq. Constantin se fit expédier Ingentius. P. L., t. xliii, col. 784. Une telle enquête prouvait officiellement l’erreur des donatistes. Il en restait une autre à faire qui prouverait que les vrais traditeurs, c’étaient eux ; et celle-ci n’allait pas tarder.

L’affaire de Silvanus de Cirta.

Le dossier de la purgatio de Félix d’Aptunge devait être entre les mains de Constantin, quand il se prononça à Milan contre les donatistes et fit une loi contre eux. Or, quatre ans après, éclatait à Cirta l’affaire du diacre Nundinarius contre son évêque Silvanus. Le diacre accusait l’évêque d’avoir été traditeur avant son élévation à l’épiscopat et d’avoir reçu de l’argent en compagnie des autres évêques de Numidie de la fameuse Lucilla dans le but d’élire et de consacrer Majorin. L’accusation était grave et de nature à déconsidérer ceux qui menaient la campagne, malgré le pape et l’empereur, contre Cécilien, auquel ils reproebaient d’avoir été consacré par un traditeur. Elle méritait d’être tirée au clair pour venger la cause des catholiques et confondre la cause des donatistes. Le proconsul de Numidie dut enconnailre officiellement. Il fit une enquête à Thamugade et à Cirta, d’où il résulta que Nundinarius n’avait que trop raison. A Cirla, en elfet, en 305, les onze évêques, réunis sous Secundus de Tigisi pour pourvoir à la vacance du siège, s’étaient convaincus mutuellement de tradition, puis avaient procédé à l’élection et au sacre du sous-diacre Silvanus, qui était lui-même un traditeur ; cela ne les empêcha point, comme nous l’avons vu, de déclarer nulle la consécration de Cécilien, parce que son consécrateur, disaient-ils, avait été un traditeur. Ils avaient donc agi avec une mauvaise foi indéniable. Zénophile, qui avait procédé à l’enquête, réunit toutes les pièces officielles et les expédia, le 8 décembre 320, à l’empereur. Quanta Silvanus, il le condamna à l’exil. S. Augustin, Epist., xliii, 17 ; un, 4, P. L., t. xxxiii, col. 168, 197 ; Cont. litt. Petil, i, 23 ; De unit. Eecl., 46 ; Cont. Cresc, ni, 32, 84 ; iv, 66 ; De unico bapt., 31, P. L., t. xliii, col. 256, 426, 512, 542, 583, 612.

10° Audace et réussite des donatistes. — De cette double enquête officielle il résultait que Félix d’Aptunge, le consécrateur de Cécilien, n’avait pas été le traditeur qu’on disait, et que Secundus de Tigisi, Silvanus de Cirla et d’autres électeurs de Majorin étaient eux-mêmes coupables du crime qu’ils reprochaient aux autres. Logiquement on en devait conclure, d’après leurs principes, qu’ils avaient fait une ordination invalide en consacrant Silvanus de Cirta et Majorin de Carlhage. La sentence des deux conciles de Rome et d’Arles, la décision et la loi de Constantin contre les donatistes se trouvaient donc pleinement justifiées. Les donatistes n’avaient donc plus qu’à le reconnaître et à se soumettre ; mais ils s’obstinèrent dans la mauvaise voie où ils s’étaient si imprudemment engagés, grâce au successeur de Majorin, Donat le Grand, qui venait de prendre la tête et la direction du parti. Loin donc de se taire, ils payèrent d’audace. Se posant en victimes, ils se plaignirent d’être persécutés par les catholiques, réclamèrent le retour de Silvanus et des autres exilés et s’adressèrent à l’empereur. Gest. coll., m, 545-518, P. L., t. xi, col. 1257 ; Brev. coll., ni, 39, P. L., t. xliii, col. 648. Ils firent tant et si bien que, de guerre lasse, Constantin rapporta sa loi et leur rendit loute liberté d’action. Le 5 mai 321, il notifiait ces nouvelles décisions au vicaire d’Afrique, Verinus. Gest. coll., iii, 549-552, P. L., t. xi, col. 1257 ; Epist., cxli, 9, P. L., t. xxxiii, col. 581 ; Brev. coll., iii, 40, 42 ; Post coll., 56, P. L., t. xliii, col. 64-8, 687. Il écrivait, d’autre part, aux évêques catholiques, Epitt. Constanlini ad catholicos, P. L., t. xi, col. 794 ; t. xliii, col. 791, pour leur expliquer son changement d’attitude, les exhorter à la patience, laissant à Dieu, disait-il, le soin de la vengeance, dans l’espoir que la clémence convertirait ces i porte-drapeau d’une misérable obstination ».

II. Triomphe et apogée des donatistes, de 321 a 373. — ïo.Progrès croissants. — Constantin s’était fait illusion ; il connaissait mal cette race d’intransigeants et de séparatistes. Là où la sévérité avait échoué’, la douceur fut inutile. Donat mit à profit cet excès d’indulgence. Aussi les donatistes, loin de revenir à l’unité et de faire la paix, s’organisèrent-ils puissamment, dressant évéché contre évêché, église contre église, autel contre autel, et menaçant d’absorber les catholiques. Déjà en 330, dans un de leurs conciles tenu à Carthage, ils réunirent leurs évoques au nombre de 270, S. Augustin, Epist., xciii, 43, P. L., t. xxxiii, col. 342 ; ce nombre dépassera 400, en 394, et atteindra 276 à la conférence de 411. Rien ne devait plus les arrêter ; ils se crurent tout permis. De gré ou de force ils s’emparaient des édifices religieux à leur convenance et en expulsaient les catholiques. C’est ce qu’ils firent, notamment à Cirla, appelée désormais Consîantine du nom de son bienfaiteur Constantin. Cet empereuravait fait construire une basilique pour les catholiques, mais ce furent les donatistes qui s’y installèrent, se refusant à la rendre en dépit des réclamations de l’épiscopat catholique et des décisions de l’autorité civile. Ils se mettaient ainsi résolument au-dessus des lois. On se plaignit de procédés aussi inqualifiables, sans toutefois demander vengeance contre ces injustes détenteurs. Constantin félicita les évêques catholiques de leur esprit de mansuétude et, faisant droit à leur requêle, leur octroya un autre terrain dans le chef-lieu de la Numidie pour y construire à ses frais une basilique nouvelle. P. L., t. xliii, col. 691. D’autre part, dans leur concile de 330, les donatistes avaient décidé que si les traditeurs, c’est ainsi qu’ils désignaient les catholiques, en entrant dans leur parti, refusaient le baptême, on ne les recevrait pas moins. Conformément à cette décision, de l’aveu même d’un des leurs, le célèbre Tichonius, Deutérius reçut tout un peuple de traditeurs, sans que 1707

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cela empêchât Donat le Grand de communiquer avec lui, de même qu’il communiqua avec les évëques donatistes de la Mauritanie qui ne pratiquaient pas la rebaptisation. Ce n'était là qu’une exception, car Donat lui-même et la plupart de ses collègues rebaptisaient ceux qui venaient à eux.

Les circoncellions.

A la faveur de ces discussions religieuses et devant l’impunité dont jouissaient désormais les donatistes, un mouvement de revendications sociales ne tarda pas à se des31ner dans les bas-fonds de la société, surtout parmi les indigènes. Le donatisme y vit une force et un puissant point d’appui. C’est ainsi qu’il « glissa d’assez bonne heure du terrain de la controverse dans celui de l’opposition politique et de la révolte ouverte. Le léger vernis théologique de la secte était moins que rien ; l’origine, les instincts, les procédés et les tendances des circoncellions le prouvent. Ce ramassis de colons, d’esclaves, de petits propriétaires, pressurés, épuisés par le fisc dont les exigences grandissaient avec les malheurs de l'époque, voyant une occasion propice pour soutenir par la violence ses revendications, n’y manqua pas. L’insurrection n’eut de religieux que l’apparence, elle fut en réalité une révolte sociale. » Leclercq, L’Afrique chrétienne, Paris, 1904, t. i, p. 346-347. Elle s’imposa par la terreur, supprimant les dettes, motestant les créanciers et les propriétaires, pillant, brûlant, assassinant, jetant partout le désordre, au point que certains donatistes eux-mêmes ne purent s’empêcher de blâmer de tels excès et de prier le comte ïaurinus de les réprimer par les armes. S. Optât, De scliism. donat., iii, 4, P. L., t. xi, col. 1008. Taurinus eut la main trop dure, au gré des donatistes, car il massacra sans pilié quelques-uns de ces perturbateurs. Aussi fut-il rangé dans la suite au nombre des persécuteurs dudonatisine. Quant à ses victimes peu intéressantes, etqui du reste n’avaient reçu que le juste châtiment de leurs crimes, elles furent considérées comme des martyrs par la plupart des donatistes qui dressèrent des autels et des édicules sur leurs tombes. S. Optai, ibid., col. 1008. On aurait tort de croire que cette répression sanglante et passagère arrêta l’essor de cette armée du désordre ; celle-ci ne fit que se recruter davantage, toujours prête à entrer en jeu, au moindre signal des donatistes, comme on en eut bientôt après la preuve. Voir Circoncellions, t. ii col. 2513-2518.

Mission de Paul et de Macaire.

En effet, en 348, l’empereur Constant envoya en Afrique Paul et Macaire pour porter des secours en argent et en nature et travailler à l’union religieuse. Mais ces deux délégués impériaux furent mal reçus par Donat de Cartbage, qui manda par écrit à ses partisans de leur fermer les portes. Pour obtempérer aux ordres de leur chef, Donat de Bagaï et Marculus ne trouvèrent rien de mieux que d’appeler les circoncellions à leur aide. Macaire demanda alors des troupes, moins pour attaquer que pour se mettre à l’abri d’un coup de main. Reçu et repoussé' les armes à la main, alors qu’il venait apporter et distribuer des secours matériels, il fut obligé de répondre à la force par la force et finit par se rendre maître de la résistance. Parmi les morts se trouvèrent Donat et Marculus, dont les donatistes firent des martyrs. Naturellement Macaire passa pour le pire des persécutenrs. S. Optât, De schism. donat., iii, 4, fi, P. L., t. xi, col. 1010, 1011. Il est vrai qu’il n’usa plus de ménagements et qu’il appliqua dans toute leur rigueur les peines jadis portées contre les donatistes. Ceux donc qui refusèrent de faire retour à l’unité furent pris et jetés en exil. De ce nombre se trouva Donat de Cartilage. La rage des donatistes, en attendant pire, se traduisit en calomnies et en imprécations contre Macaire. La paix du moins fut assurée jusqu'à l’avènement de Julien l’Apostat. Saint

Optât n’eut pas de peine, dans la suite, à disculper Macaire et à montrer que la responsabilité de sa sévère répression remontait tout entière aux donatistes euxmêmes, c’est-à-dire à leurs excès. De schism. donat., m, 7-9, P. L., t. xi, col. 1015-1020. Cf. Pallu de Lessert, Fastes des provinces africaines, Paris, 1901, t. ii p. 240-246.

4° De 348 à 313. — Cécilien de Carthage, qui avait assisté au concile de Nicée, était mort depuis peu et avait été remplacé par Gratus, qui assista au concile de Sardique et tint lui-même un concile à Carthage en 349. D’autre part, le fameux Donat mourut en exil vers 355. Avec lui disparaissait un chef habile et énergique, dont la perte était de nature, semblait-il, à briser les dernières résistances ; mais il n’en fut rien. Car, bien que maintenu dans le respect des lois et privé de ses principaux soutiens, le parti schismatique maintenait ses positions en attendant le jour de reprendre la marche en avant et de s’assurer l’hégémonie religieuse. Du reste, il remplaça Donat par un autre personnage non moins décidé et non moins batailleur, l'évêque Parménius. Survint la mort de Constance, puis l’avènement de Julien l’Apostat. Les donatistes reprirent espoir et adressèrent leurs doléances au nouvel empereur, comme à celui c< qui seul possédait la justice. » Ils savaient à qui ils parlaient. Ils le supplièrent donc de faire cesser les rigueurs de l’exil, de leur permettre de rentrer dans la possession de leurs basiliques, et de leur rendre, comme jadis sous Constantin, pleine liberté d’action. Julien, par une mesure générale, abrogea les lois d’exil et accorda aux donatistes ce qu’ils lui avaient demandé. S. Optât, De schism. donat., ii 16, P. L., t. xi, col. 968 ; S. Augustin, Episl., iixci 12 ; cv, 9, P. L., t. xxxui, col. 327. 399 ; Cont. lilt. Petil., ii 184, 205, P. L., t. xliii, col. 315, 320. Il est fait mention de ce rescrit sollicité par les donatistes auprès de Julien dans le Code théodosien, XVI, tit. v, leg. 37. Contemporain et témoin des faits qu’il raconte, saint Optât compare le retour des donatistes au retour du diable. De schism. donat., n. 17, P. L., t. xi, col. 968. Il fut, en eflet, le signal de vengeances sans nom, de représailles sanglantes et de meurtres innombrables au milieu des ruines et du carnage. « La voilà votre Église, disait saint Optât à Parménien, De schism. donat., ii 18, P. L., t. xi, col. 971 ; elle se.désaltère et se nourrit avec le sang que ses évêques lui versent. » Plus tard, saint Augustin écrira de Julien : « Il rétablit le parti de Donat dans une liberté de perdition ; il rendit des églises à ces hérétiques en même temps qu’il rendait les temples au démon, ne croyant pas trouver de meilleur moyen, pour abolir le nom chrétien, que de détruire l’unité de l'Église qu’il avait abandonnée, et de laisser toute liberté à tous les sacrilèges qui voudraient s’en séparer. » Epis t., cv, 9, P. L., t. xxxiii, col. 399.

Parménien et saint Optai.

Parménien, successeur de Donat, crut le moment favorable de défendre son parti par la plume. Il composa donc un écrit où il établissait qu’il n’y a qu’un seul baptême et qu’une seule Église, laissant entendre, car il ne l’affirmait pas explicitement, que baptême et Eglise ne se trouvaient que dans son parti. Il y montrait également l'énormité du crime des traditeurs et des sebismatiques sans désigner toutefois nominativement les catholiques. Il y blâmait enfin les « ouvriers de l’unité », allusion à Paul et à Macaire, et reprochait aux catholiques d’avoir fait appel aux pouvoirs civils contre eux. A défaut d’un débat public ou d’une conférence contradictoire, l’ouvrage de Parménien offrait du moins l’occasion d’entrer en discussion et de s’expliquer par écrit. L'évêquede Mile ve, saint Optât, la saisit aussitôt. Au sujet du baptême, la réponse ('lait aisée par un argument ad hominem : « S’il n’est pas permis aux 1709

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traditeurs, aux scliisinatiques, aux pécheurs, de donner le baptême, cela vous est par là même interdit, car nous prouvons que les chefs de votre parti ont été traditeurs, que l’origine du schisme se trouve parmi vous, et que vous êtes des pécheurs. » Au sujet de l'Église, saint Optât reconnaît volontiers qu’elle est une, mais il ajoute que l'Église catholique n’est ni chez les hérétiques, ni chez les scliisinatiques, ni renfermée dans un coin de l’Afrique, comme le prétendaient les donatistes.Sans doute, le crime des traditeurs et des scliisinatiques est grand, mais la question était de savoir de quel côté se trouvaient les traditeurs et les scliisinatiques. Et sur ce point, documents publics en main, saint Optât montre à Parménien que ce n'était pas Cécilien qui s'était séparé de Majorin, mais au contraire que Majorin s'était séparé de Cécilien, que les traditeurs furent les consécrateurs de Majorin et qu'à eux incombe toute la responsabilité du schisme. Les pièces justificatives, qu’il joignait à sa réponse et que saint Augustin a connues, en faisaient foi. Il en était de même du reproche adressé aux catholiques d’avoir fait appel à l’intervention de l'État : il se retournait contre les donatistes. Saint Optât rappelle, en effet, les faits anciens ; car le premier recours à la puissance civile fut fait par les donatistes ; dernièrement encore ils s'étaient adressés à Julien l’Apostat ; et ce prince « savait bien que vous retourneriez ici animés de fureur et dans le dessein d’y mettre le trouble. » Et saint Optât de raconter des faits connus de tous, et de justifier la conduite sévère des magistrats civils par les méfaits dont les donatistes s'étaient rendus coupables. Dans aucun cas, ni un prêtre ni unévêque catholique ne se sont permis ce que certains chefs donatistes ont perpétré de violences contre les catholiques.

Le mérite de l'évêque de Milève, dans sa réponse à Parménien, fut de fixer les points d’histoire à l’aide de pièces officielles justificatives que personne ne pouvait récuser, et de réfuter solidement les accusations calomnieuses des donatistes. Pour tout esprit droit et sincère la cause devait être entendue : le droit et la justice étaient du côté des catholiques ; mais pour des esprits aussi prévenus que les donatistes, l’ouvrage de saint Optât passa pour non avenu. Ils profitèrent de la liberté que leur avait rendue Julien pour étendre et fortifier le schisme. Arrivés à l’apogée de leurs succès, ils se croyaient définitivement les maîtres ; mais leurs excès d’un côté, leurs divisions de l’autre, et bientôt l’entrée en scène de saint Augustin allaient changer la face des choses et sonner l’heure de leur déclin.

III. Lutte décisive, de 373 a. 430. — 1 » Nouvelles lois répressives. — Dans la joie du retour, la reprise de possession de leurs églises et la jouissance de la liberté, les donatistes commirent des excès révoltants et rendirent nécessaire l’intervention de l’autorité impériale. Dès 373, par une loi spéciale, Valentinien déclarait les rebaptisants indignes du sacerdoce. Code l/téodosien, XVI, tit. vi, leg. l ; P.L., t. xi, col. 1180 ; t.xi.m, col. 805. Quatre ans plus tard, nouvelle loi de Gratien en 377, condamnant sévèrement les rebaptisants et ordonnant des poursuites contre ceux qui tiendraient des réunions illicites. Code théodosien, XVI, tit. vi, leg. 2 ; P. L., t. xi, col. 1181 ; t. XLiti, col. 806. Maisileiî fut de ces lois comme de tant d’autres ; les donatistes continuèrent à agir comme si elles n’existaient pas ; ils payaient d’audace, vraisemblablement parce que les magistrats chargés d’en assurer l’exécution se laissaient acheter ou fermaient les yeux. Ce n’est donc pas de ce côté, du moins encore, que le parti était vulnérable. L'était-il par ses dissensions intérieures ? Là pouvait être le point dangereux.

Ticlionius.

Tous les donatistes étaient loin d'être d’accord entre eux. L’un de leurs évêques, et non des moins célèbres, en est une preuve. Il ne craignit pas

de montrer que, sur la question du baptême et de l’Kglise, la plupart de ses coreligionnaires avaient tort. Il condamnait, par exemple, la réitération du baptême en vertu de la décision conciliaire prise en 330. Et il nous apprend à ce sujet que Donat de Carthage communiquait avec les donatistes de la Mauritanie quoiqu’ils ne pratiquassent pas la rebaptisation. Il proclamait surtout que la faute d’un homme, quelque grande qu’elle fût, ne peut arrêter les promesses de Dieu et que, quelque impiété qui puisse se commettre, l'Église n’en est pas moins destinée à être catholique ou universelle. Rien pourtant n'était plus opposé à l’un des principes du schisme. Parménien ne laisse point passer l'œuvre de Tichonius sans protester. Avec beaucoup d'à-propos il disait à son collègue : Vous reconnaissez que l'Église n’est point souillée par le crime de quelques-uns de ses enfants et vous prétendez avoir le droit de vous séparer de la communion catholique, précisément parce qu’elle est souillée par les traditeurs ; mais c’est là une contradiction ou une inconséquence manifeste. Vous avez tort de demeurer parmi nous et de rejeter la communion des catholiques. Cette riposte était juste et piquante. Mais, par ailleurs, l’arménien ne prouvait pas le mal fondé du principe émis par Ticlionius, à savoir que l'Église n’est nullement atteinte par la faute de quelques-uns de ses membres. Or, c'était justement ce principe qui condamnait l’attitude des scliisinatiques et que saura faire valoir saint Augustin. Epist., xem, 43-44, P. L., l. xxxiii, col. 342.

Les rogatistes.

Malgré son indépendance d’esprit, Tichonius n’avait pas formé un parti distinct et créé un schisme dans le schisme même, mais d’autres s’en chargèrent. Sans parler des urbanistes, cantonnés dans un coin de la Numidie, et des claudianisles, habitants de la Proconsulaire et selon toute apparence assez voisins de Carthage, qui furent bientôt ramenés ou revus par Primien, le successeur de l’arménien, r.m, i. Cresc, iv, 73, P. L., t. xliii, col. 588, et dont le rôle fut peu important, il convient de signaler les rogatistes. A quel propos et pour quels motifs ces derniers firent-ils bande à part'.' On l’ignore. Toujours est-il qu’entre 373 et 375, Kogatus, évéque de Cartenna dans la Mauritanie Césarienne, qui se dispensait de recourir aux services des circoncellions, et quelquesuns de ses collègues, qui partageaient les mêmes idées, s’attirèrent la haine des autres donatistes et devinrent l’objet de leurs vexations. Ceux-ci, en effet, dans l’intention de les réduire, firent appel aux pouvoirs romains et même à Firmus, qui s'était proclamé roi indépendant de la Mauritanie. lîien que persécutés, les rogatistes préférèrent rester isolés. Vu leur petit nombre, ils ne pouvaient point prétendre au titre de catholiques ; aussi entendaient-ils ce terme, non de l’expansion de l’Eglise sur toute l'étendue de la terre, mais de l’observation intégrale de tous les commandements de Dieu et de tous les sacrements qui se pratiquait chez eux et qui leur faisait dire qu’ils étaient les seuls chez lesquels le Christ trouverait la foi à la fin des siècles. S. Augustin, Epist., xem, 49, P. L., t. xxxiii, col. 344.

Les maximianistes.

Bien autrement caractéristique et particulièrement significatif fut le schisme des inaxiinianistes. Voici à quelle occasion il éclata. Peu après 391, Primien avait succédé à l’arménien sur le siège de Carthage. Il crut devoir sévir contre quelques diacres et condamna entre autres Maximianus, qu’on disait parent de Donat. Maximianus ne l’entendit pas ainsi. Qu’il eût été condamné à tort ou à raison, peu importe ; il s’avisa déjouer à Primien le tour que les premiers artisans du schisme avaient joué à Cécilien. Pécuniairement aidé par une femme, il organisa comme eux un parti et intéressa à sa cause quelques évêques voisins qui, au nombre respectable de 43, se réunirent 1711

DONATISME

1712

à Carthage, citèrent Primien et, sur son refus de comparaître, dressèrent la liste des accusations portées contre lui, lui donnant jusqu’au prochain concile pour se disculper. Ce concile se tint à Cabarsusse, en Byzacène, en393. P. L., t. xi, col. 1 1851189 ; t. xliii, col. 807. Les évêques réunis déclarent Primien contumace, le déposent et élisent à sa place le diacre incriminé par lui, Maximianus. Conl. litt. l’elil., I, 24 ; De geslis cum Emerito, 10, P. L., t. xliii, col. 256, 710. Du coup Carthage comptait deux évêques donatistes. Lequel remportera'.' A ce double concile, Primien répond par un concile plus nombreux réuni à Bagaï, en Numidie, dans li région préférée des circoncellions, où 310 évêques lui donnent gain de cause et condamnent Maximianus, ses consécrateurs et tout leur clergé ; un délai jusqu’au mois de janvier suivant fut accordé aux inaximianistes pour se soumettre, faute de quoi ils ne seraient plus admis qu'à la pénitence et resteraient privés de leurs honneurs. P. L., t. xi, col. 1189-1191. Les maximianistes tirent la sourde oreille. Mal leur en prit, car Primien, en donatiste pratique qui connaissait l’histoire (le son parti, résolut de les ramener par la force, particulièrement trois des évêques consécrateurs de son rival, Félicien de Musti, Prétextât d’Assur et Salvius de Membresa. Il les traduisit devant le proconsul pour qu’ils eussentà quitter leurs sièges et à laisser la place à de nouveaux évêques, par décision judiciaire et au besoin par la force armée. Le vieux Salvius se vit condamné, maltraité et expulsé. Conl. Cresc, iv, 4, 59. Mais il tint bon, malgré les vexations que lui lit subir Restitulus, que les donatistes avaient mis à sa place, car tout Membresa lui était resté fidèle. Prétextât et Félicien opposèrent une égale résistance ; condamnés par les tribunaux, conformément aux décisions du concile de Bagaï, à être dépossédés de leur siège, ils résistèrent, eux et leurs peuples. Les donatistes firent agir alors leurs troupes, c’est-à-dire les circoncellions, qui marchaient sous les ordres du comte Gildon et de son àme damnée. Optât, évêquede Thamugada. Pourécarter les horribles excès auxquels se livraient de pareils brigands, Félicien et Prétextât crurent sage de faire la paix avec Primien, qui s’empressa de les recevoir avec tous les honneurs, contrairement à ce qu’il avait fait décider à Bagaï, et sans rebaptiser les fidèles qu’ils avaient pu baptiser depuis leur schisme. Conl. Cresc, iv, 4.

Bel exemple, et combien frappant, de l’inconséquence des donatistes ! Il eut été difficile d’imaginer une plus décisive condamnation de leurs principes et de leur conduite que toute cette affaire des inaximianistes. En effet, la conduite de Maximianus vis-à-vis de Primien avait été la reproduction exacte de celle de Majorinus vis-à-vis de Cécilien. Mais si Maximianus était coupable, son premier modèle, Majorinus, ne l'était pas moins, et dès lors le parti de Majorinus, c’est-à-dire le parti des donatistes, à la tête duquel se trouvait en ce moment-là Primien, était dans son tort ; si Primien, à Bagaï, était innocent, Cécilien, reconnu à l’abri de tout reproche par deux conciles et par l’empereur, l'était aussi, et dès lors son parti, c’est-à-dire le parti des catholiques, était dans son droit. De toute façon, l’affaire des maximianistes condamnait les donatistes et donnait raison aux catholiques. C’est ce que vit et exposa très clairement saint Augustin. Quant aux accusations formulées par les donatistes contre les catholiques, elles se retournaient toutes contre eux et les condamnaient encore. Vous avez fait appel, disaient-ils, aux pouvoirs publics. Bien de plus vrai, répondait-on, mais après vous qui en avez donné, les premiers, l’exemple, et avec cette différence notable que c'était pour nous défendre, tandis que, de votre cè/té, c'était pour attaquer les catholiques, les rogatistes et les maximianistes, vos partisans. Et les catholiques d’ajouter : Vous prétendez que la communication avec des personnes criminelles

rend criminel, pourquoi donc conserver dans vos rangs des criminels notoires, comme cet Optât de Thamugada, et pourquoi recevoir avec tous les honneurs des évêques officiellement condamnés par vous comme Prétextai d’Assur et Félicien de Musti ? Bien donc n'était plus décisif en faveur des catholiques contre les donatistes. Mais ces derniers, loin d’en convenir, allaient user de toutes sortes de chicanes et de subterfuges, qui devaient provoquer de nouvelles lois répressives de la part du pouvoir impérial et une vigoureuse campagne de la part des évêques catholiques, plus particulièrement de saint Augustin.

Saint Augustin combat le donatisme.

Le grand êvêqued’Hippone, devant les désordres et les malheurs causés par le donatisme depuis près d’un siècle, entreprit de combattre le schisme par la parole et par la plume. Il tâcha de faire prévaloir, soit à Hippone en 393, soit à Carthage dans les conciles de 397, 401 et 403, des mesures de douceur et de persuasion, surtout l’idée de proposer un débat public et pacifique. Il estimait que la vérité clairement exposée dans des prédications appropriées et des conférences et, à leur défaut, dans des lettres et des traités rendus publics, pourrait dissiper l’erreur, faire cesser les équivoques ou les malentendus et ramener les égarés sincères. De là ses premières publications. — 1. Tout d’abord son Psalmus abecedarius, P. L., t. xliii, col. 23-32, courte exposition et réfutation populaire, en bouts rythmés et en autant de strophes dans l’ordre des lettres de l’alphabet, des erreurs donatistes. — 2. Trois livres, Contra epistolam Parmeniani, col. 33-108, en 400 : origines du schisme ; en fait, on n’a pas pu prouver que le consécrateur de Cécilien eût été traditeur ; en droit, l’Eglise ne périt point bien qu’elle compte des sujets indignes dans son sein ; les donatistes ont eu Optât le Gildonien et ont reçu les maximianistes Félicien et Prétextât. — 3. Sept livres De baplismo contra donalislas, col. 107244, de la même année : validité du baptême conféré hors de l'Église ; saint Cyprien n’est pas en faveur des donatistes. — 4. Trois livres Contra Ulteras Pelilianï, de 400 à 402, col. 241-388, où saint Augustin prend à partie l'évêque donatiste de Cirta ou de Constantine, et montre, dès les premières lignes, que le principe invoqué par lui, à savoir que la justification du baptisé dépend de la pureté de conscience du ministre, ruine le donatisme, attendu qu’il a compté dans son sein des ministres traditeurs et des indignes ; il relève les contradictions des donatistes qui, après avoir anathématisé les inaximianistes, les ont reçus sans les rebaptiser, et il légitime les lois impériales de répression. « Savezvous discerner un peu le vrai d’avec le faux, un discours solide d’une vaine déclamation, l’esprit de paix d’avec l’esprit de dissension, la vigueur de la santé d’avec l’enllure de la maladie, les preuves claires d’avec les accusations vagues, les actes authentiques d’avec les fictions, ceux qui démontrent ce qui est en question d’avecceux qui évitent même d’entrerdans la question ? Si vous savez faire ce discernement, à la bonne heure, si vous ne pouvez le faire, nous ne nous repentirons pas néanmoins du soin que nous prenons de vous. » Conl. litt. Petit., ni, 71. — 5. Un livre perdu ('.outra quod allulit Cenlurius a donatislis, où il réfutait les dires et les écrits des donatistes allégués par le laïque Centurius. Retract., II, xix, P. L., t. xxxii, col. 638.

A côté de ces ouvrages, il faut citer quelques-unes de ses lettres : Epis t., XLHI, P. L-, t. XXXIII, col. 160, où il rappelle les actes authentiques de la condamnation prononcée à Borne et à Arles par deux conciles, à Milan par Constantin, et ceux du concile de Cirta ; Epis t., xi.ix, col. 189, où il montre que le titre de catholique ne saurait convenir à une infime minorité d’un coin de l’Afrique ; Epist., LI, col. 191, où il relève l’inconséquence des donatistes qui, en recevant léli

cien et Prétextât, se sont mis en contradiction avec eux-mêmes et se sont donné absolument tort ; Epist., i.xxvi, où il rappelle les trois jugements en faveur de Cécilien, les crimes d’Optat, l’histoire récente des maximianistes. Voir t. i, col. 2294-2296.

Changement de lactique.

Augustin avait beau parler, écrire et composer, les donatistes ne se montrèrent guère décidés à entrer en pourparlers. Aux mesures conciliantes proposées, à l’invitation réitérée de vider le différend dans une conférence contradictoire, ils fermèrent obstinément l’oreille ; aux lettres et aux traités de l’évêque dllippone ils répondirent par des accusations mensongères, des libelles injurieux, surtout par un redoublement d’attaques violentes contre les catholiques, irrités qu’ils étaient d’une loi récente de Théodose, de 392, Code théodosien, XVI, tit. v, I. 21, qui les condamnait à l’amende et à d’autres pénalités, et de celle d’Honorius, de 398, contre les envahisseurs d’églises et de biens privés. Code théodosien, XVI, tit. ii, 1. 31 ; P. L., t. xi, col. 1192 ; Cont. Cresc, iii, 51, P. L., t. xliii, col. 524 ; Epist., clxxxv, 25, P. L., t. XXXIII, col. 804. Saint Augustin dut constater, à l’expérience, sinon l’inutilité de ses procédés, du moins leur insuccès auprès de gens aussi irritables et vindicatifs. Lui-même n’avait pas été sans courir un grave danger de la part des circoncellions toujours entreprenants ; son ami Possidius, évêque de Calama, n’avait dû le salut qu’à sa fuite, Cont. Cresc., iii, 50, P. L., t. xliii, col. 523 ; moins heureux, son collègue de Bagaï, Maximien, avait été horriblement maltraité et laissé pour mort. Cont. Cresc, ni, 47, col. 521. Il n’y avait plus de sécurité nulle part ; la force publique seule pouvait réduire ces malfaiteurs. Nonduni, écrirat-il plus tard, expertus eram vel quantum mali eorum auderet impiniitas, vel quantum in eis in nielius mutandis conferre possit diligenlia disciplinée. Retracl., II, v, P. L., t. XXXII, col. 632. Aussi, sans renoncer à son projet d’une conférence, en vint-il peu à peu au Compelle intrare qu’on lui a tant reproché, mais qui, dans sa pensée toujours inspirée par la mansuétude évangélique, ne devait dans aucun cas aller jusqu’à l’effusion du sang et à la peine capitale, car il ne cessa jamais de protester dans la suite contre les excès de la répression, bien qu’ils fussent excusés par la résistance obstinée et par les crimes des schismatiques.

Intervention de l’autorité publique.

Coûte que coûte, il fallait aviser. Aussi, au concile tenu en juin 404 à Carthage, fut-il décidé qu’on enverrait à l’empereur deux évêques pour lui exposer le refus de tout colloque de la part des donatistes, le redoublement de leurs déprédations et de leurs atrocités, et solliciter l’application des lois de Théodose. P. L., t. XI, col. 1202-1203 ; t. xliii, col. 812. Ces deux évéques seront traités par Pétilien, à la conférence de 411, d’émissaires des traditeurs, d’ambassadeurs et de ministres de leur cruauté, qui allaient partout semant la terreur, les dangers et la mort. Or, avant même l’arrivée de ces délégués, l’empereur Honorius, en février 405, avait édicté une loi suivie de quelques autres et connue sous le nom d’édit de l’unité, contre les donatistes récalcitrants et révoltés. Code théodosien, XVI, tit. ii, 1. 2 ; tit. v, 1. 38, 39 ; tit. vi, I. 4, 5. Le bienfait s’en fit sentir aussitôt à Carthage et dans la Proconsulaire, Epist., xciii, P. L., t. xxxiii, col. 321 sq. ; Cont. Cresc, ni, 71, P. L., t. xliii, col. 535, si bien que les évoques catholiques, réunis à Carthage dans le courant de cette même année, remercièrent l’empereur de son heureuse intervention et le prièrent de nouveau d’obliger les donatistes à accepter enfin cette conférence, dont ils auguraient les meilleurs résultats. Saint Augustin se félicitait des succès partiels de cette législation récente. « Beaucoup, disait il, sont heureux qu’on les ait obligés à se convertir, afin de donner moins de prétexte aux circoncellions pour les persécuter. » Epist., cv, P. L., t. xxxiii, col. 396 sq. « Les lois, dit-il ailleurs, Epist., clxxxv, en ont ramené et en ramènent chaque jour plusieurs qui rendent grâces à Dieu de se voir revenus d’une fureur si pernicieuse (celle des circoncellions), qui aiment ce qu’ils détestaient, qui, depuis qu’ils sont guéris, se louent de la violence salutaire dont ils se plaignaient si fort dans l’accès de leur frénésie, et qui, remplis de la même charité que nous avons eue pour eux, se joignent actuellement à nous pour demander qu’on traite comme eux ceux qui résistent encore et avec lesquels ils se sont vus en danger de se perdre. L’expérience, en effet, nous a appris et nous fait constater encore chaque jour qu’il a été utile et salutaire à plusieurs d’être forcés par la crainte et même par quelques peines, et que c’est ce qui les a mis en état de s’instruire de la vérité ou de la suivre lorsqu’ils la connaissaient. » Voir t. i, col. 2277-2280.

8° Saint Augustin poursuit sa campagne de lettres et de traités pour étendre les quelques avantages obtenus. Il compose quatre livres Contra Cresconium grammalicum partis Donati, P. L., t. xliii, qui avait blâmé ce qu’il appelait l’abus de son éloquence et de sa dialectique, et qui lui reprochait son esprit de contention et son peu de modération à l’égard de Pétilien. Puis, coup sur coup, il écrit un livre Probationum et testinwniorum contra donalistas, ou collection d’actes publics et de documents civils et ecclésiastiques relatifs au donalisme ; un autre Contra donatestamentscio quem, en réponse à un anonyme qui avait attaqué l’ouvrage précédent ; une Admonitio donatislarum de maximianislis et un De maximianistis. Retract., II, xxvn-xxix, xxxv, P. L., t. xxxii, col. 641, 642. 645. Ces quatre derniers ouvrages sont perdus.

D’autant plus irrités que leurs rangs s’éclaircissaient par de nombreuses conversions, donatistes et circoncellions redoublaient leurs attaques et leurs cruels attentats. Saint Augustin s’en plaint. Epist., i.xxxvni, 8, P. /--, t. XXXHI, col. 302 ; cf. Cont. Cresc, ni, 46. Ils profitèrent surtout de l’assassinat de Stilicon, en 408, pour faire courir le bruit que les lois, dont ce général avait poursuivi l’exécution, n’avaient plus de valeur ; en conséquence, ils multiplièrent leurs sévices contre les catholiques et assassinèrent quelques-uns de leurs évêques. Epist., xliii, cv, P. L., t. xxxiii, col. 351, 396. Augustin écrit aussitôt au proconsul d’Afrique, Donat, pour le prier de contenir ces factieux et de leur prouver que les lois de répression tiennent toujours. Epist., c, col. 361.

Action de l’empereur.

A la nouvelle de tant de crimes, Honorius n’attendit pas. Le 10 janvier 409, il donnait l’ordre d’exécuter contre les donatistes toutes les lois portées contre eux et de leur appliquer toutes les pénalités prescrites, l’amende, la perte des charges, la confiscation, l’exil. Code théodosien, XVI, tit. v, 1. 46. Nouvelle loi, le 26 juin 409, déclarant sans effet tout ce que les donatistes avaient pu obtenir au préjudice des lois. Code théodosien, XVI, tit. v, 1. 47. Puis, la même année, revirement complet et changement de front. Sans qu’on sache pourquoi ni sous quelle influence, l’empereur abroge toutes les mesures prises et rend la liberté aux donatistes. L’expérience du passé aurait dû faire prévoir ce qui allait en résulter. Comme jadis, sous Constantin, ce nouvel édit de tolérance ne fit que donner une confiance et une audace nouvelles à ces fanatiques depuis si longtemps habitués à imposer leur volonté par la force. Aussi leurs excès devinrent-ils bientôt absolument intolérables. Le 10 août 410, les évéques catholiques réunis en concile à Carthage décidèrent d’insister auprès d’Honorius pour 171 ;

DONATJSME

1710

qu’il rapportât son édit et supprimât la liberté qu’il venait de rendre si malencontreusement aux donatistes. Ils furent entendus. Par une loi du 25 août ilO, adressée au comte d’Afrique, lléraclianus, il révoque la mesure prise l’année précédente et fait défense aux donatistes de tenir désormais des réunions publiques sous peine de proscription ou de mort. Code théodosien, XVI, tit. v, I. 51. Puis, rappelant cette loi. il donne pleins pouvoirs, le 14 octobre 410, au tribun et notaire Marcellinus pour qu’il convoque d’office à une conférence les catholiques et les donatistes. Code théodosien, XVI, lit. ii 1. 3.

10° Conférence de Carlhage, en 411. — La plupart dis pièces relatives à cette célèbre conférence se trouvent dans P. L., t. XI. Voir aussi dans P. L., t. xliii, col. 815-842 : l.Edictum Marcellini primum, quo per provincias misso utriusque partis episcopi convocantur ; 2. Edictum Marcellini secundum præsentibus apud Carthaginem episcopis propositum, de loco et modo collationis ; 3. Notoria donalistarum, Marcellini edicto respondentium ; 4. Litterae calliolicorum, edicto Marcellini respondentium ; Epist., cxxviii ; 5. Litterae catholicorum ad Marcellinum datas, (/uilius Notoriae donalistarum respondent ; Epist., ccxxix ; 6. Mandalum catholicorum, quo lola causa comprehensa est, el eleclis ad disputandum septem episcopis injuncta est Calholicse defensio ; 7. Donalistarum lilterx, hac lertia die prolatæ quitus Mandalo catholicorum prima die collationis allegato respondere conantur ; 8. Augustin* responsiones ad Hueras donalistarum ; 9. Sentent ia Cognitoris.

Muni de pleins pouvoirs, Marcellinus prend aussitôt les dispositions nécessaires pour la convocation des évoques des deux partis. La conférence aura lieu en juin 411. Dès que les évêques furent rendus, au nombre de 286 pour les catholiques et de 279 pour les donatistes, il fixe le lieu et le mode de la conférence. Au nom de tous ses collègues, saint Augustin déclare par écrit que les évêques catholiques sont prêts, s’ils sont convaincus d’erreur, à se démettre de leurs sièges et décidés, s’ils ont gain de cause, à recevoir les évêques donatistes sans exiger leur démission pourvu qu’ils fassent retour à l’unité. On ne pouvait être plus conciliant. De part et d’autre, on désigna sept orateurs chargés de parler au nom de leur parti, sept autres évêques pour assister les premiers, et quatre autres pour surveiller l’exactitude du compte rendu de chaque séance. Parmi les orateurs du parti catholique se trouvèrent Aurélius de Carthage, Augustin d’IIippone, Alypius de Tagaste et Possidius de Calama, pour ne nommer que les principaux ; parmi ceux du parti donatiste, Primien de Carthage, Pétilien de Constantine, Émérite deCésarée.

Les réunions, au nombre de trois, n’allèrent pas sans contestations ni chicanes de la part des donatistes. Mais bon gré mal gré, il fallut en venir, pour établir la vérité des faits quant aux origines du schisme, à la production et à la lecture des documents officiels, puis, pour le fond doctrinal du débat, à une discussion des principes invoqués par les donatistes et des conséquences erronées qu’ils en tiraient. Ce n’est qu’à la troisième séance que saint Augustin put aborder le coté doctrinal. Il prouva que l’Église, tant qu’elle est sur la terre, peut compter des pécheurs dans son sein sans rien perdre de si sainteté, la présence de quelques pécheurs ne pouvant pas nuire à la communion catholique. Là (’lait le point capital qui tranchait le différend, et non dans des questions secondaires ou de futiles détails. Il obligea les donatistes à reconnaître cette vérité en leur prouvant que c’était sur ce principe même qu’ils avaient basé leur conduite à l’égard des maximianistes. La cause était des lors entendue et Marcellin, au nom de l’empereur, put procéderai ! pro noncé de la sentence, en connaissance de cause : il donna raison aux catholiques et tort aux donatistes. En conséquence, ces derniers devaient faire retour à l’unité, sous peine, s’ils s’y refusaient, d’encourir les pénalités déjà prescrites, la confiscation des édifices religieux et de leurs biens, la prison ou l’exil.

Cette sentence, d’une équité parfaite, aurait dû mettre un terme final au schisme qui durait depuis un siècle. Elle amena, il est vrai, de nombreux retours, mais ne supprima pas pour autant le mal. Ouelques obstinés, plus mécontents que jamais, recoururent à leur procédé habituel. Jetant calomnieusement la suspicion sur Marcellin, ils en appelèrent à l’empereur. Vaine tentative. Dès que les actes officiels de la conférence lui furent parvenus, Honorius, le 30 janvier 412, rejeta l’appel des donatistes et précisa les peines qui allaient être appliquées aux récalcitrants. Code théodosien, XVI, tit. v, 1. 52. Deux ans plus tard, le 22 juin 414, il déclarait infâmes les donatistes, ibid., 1. 54, et le 30 août suivant il ratifia pleinement les actes de la conférence et déclara bien jugé ce qu’avait fait Marcellinus, qui venait d’être mis à mort, le 12 septembre 413 : Notione et sollicitudine Marcellini, spectabilis mémorial viri, contra donalislas gesla sunt ea qnae translata in publica monumenla habere vol a mus perpétuant lirmilalem.Neque enim morte Cognitoris perire débet publica fuies. Ibid., 1. 55.

Il » Résistance des donatistes. — C’était le propre de cette race d’obstinés, qui se croyaient infaillibles et ne consentaient pas à reconnaître leur égarement, de nier l’évidence et de ne se soumettre à aucun jugement défavorable, qu’il vînt des catholiques ou du pouvoir civil. Ils recoururent donc à leurs procédés habituels, à la calomnie et à la violence ; ils se rendirent de nouveau coupables de crimes alroces. C’est ainsi que, dans le diocèse d’IIippone, ils tuèrent le prêtre Restitutus, enlevèrent un œil et coupèrent un doigt au prêtre Innocent. S. Augustin, Epist., CXXXIII, 1, P. L., t. xxxiii, col. 509. C’est ainsi encore qu’ils arrachèrent la langue à Ilogat, l’un de leurs évêques qui s’était converti. Epist., ci.xxxv, 30, P. L., t. xxxiii, col. 806 ; De gest. cum Emerito, 9, P. L., t. xliii, col. 703-704. D’aussi horribles crimes criaient vengeance, et la justice ne se montra guère disposée à les tolérer ; elle fut impitoyable. A plusieurs reprises, saint Augustin intervint pour modérer la sévérité de ses sentences, Epist., cxxxiii, cxxxiv, cxxxix ; il suppliait qu’on ne punit pas de la peine capitale les coupables, mais simplement qu’on leur ôlât le pouvoir de nuire en leur accordant le temps de faire pénitence.

12" Saint Augustin continue à combattre les donatistes. — L’évêque d’IIippone, malgré ses nombreux travaux et tant d’autres affaires qui sollicitaient sa vigilance et ses soins, ne perdit pas de vue les donatistes. Il jugea nécessaire d’intervenir encore à plusieurs reprises pour dissiper certains préjugés persistants, vaincre des résistances qui n’avaient plus leur raison d’être et compléter, si possible, la défaite du parti. Dans sa lettre à Iioniface, Epist., ci.xxxv, il ruine une fois de plus les faux raisonnements du donatisme ; il insiste sur la justice, l’utilité et la nécessité des lois portées par Honorius contre les donatistes et il prie le cointe de corriger et surtout de guérir les malheureux. Puis, pour mettre le public au courant de ce qui s’était passé à la conférence de 411, il compose le Breviculus collationis cum donatislis. Il adresse aux laïques un Liber ad donatistas post collationem pour les inviter plus que jamais à l’union et les mettre en garde contre les bruits calomnieux et intéressés que faisaient courir les évêques du parti condamné. Au nom de ses collègues du synode de Zerta, il écrivait entre autres choses ces paroles qui jettent la lumière sur l’attitude louche des donatistes pendant la conférence : « Ceux de vos

évêques, qui avaient été choisis par les autres pour parler au nom de tous, ont fait tous leurs efforts, non pour défendre votre cause, mais pour empêcher qu’on ne traitât l’affaire pour laquelle tant d’évêques de part et d’autre s’étaient rendus à Carthage de tous les coins les plus reculés de l’Afrique. Tout le monde était dans une grande attente de ce que déciderait une assemblée si nombreuse, mais vos évêques ne travaillaient qu’à faire en sorte qu’elle ne décidât rien. Pourquoi cela ? N’estil pas évident que c’est parce qu’ils savaient que leur cause était mauvaise et qu’ils étaient persuadés que, si l’on entrait en matière, il nous serait aisé de les confondre ? Cette crainte même qu’ils avaient qu’on n’éclaircit les choses, suflirait donc seule pour montrer qu’ils étaient vaincus. Eussent-ils réussi en empêchant la conférence et en ne nous permettant pas d’éclaircir la vérité, qu’auraient-ils pu vous dire à leur retour ? Qu’auraient-ils eu à vous montrer pour fruit de leurs peines ? Vous auraient-ils dit, en vous présentant les actes : « Nos adversaires insistaient pour que la question fût vidée, et nous, au contraire, nous avons fait effort pour qu’elle ne le fût pas. Si vous voulez donc savoir ce que nous avons fait, lisez les actes, et vous verre/ l’avantage que nous avons remporté sur eux, en obtenant qu’on ne fit rien ? » Mais s’il y a parmi vous un peu de raison, ne leur auriez-vous pas répliqué : « Pourquoi donc y êtes-vous allés, si vous ne deviez rien faire ? » ou plutôt : « Pourquoi êtes-vous revenus, puisque vous n’avez rien fait ? » Episl., cxli, 2, P. L., t. xsxiii, col. 578.

Au fait, les évêques donatistes à la conférence avaient finalement combattu contre eux-mêmes et en faveur de la cause catholique, non certes par amour, mais par la force de la vérité, veritas eos torsit. Post coll., 57, P. L., t. xliii, col. C88. C’est ce que saint Augustin fait ressortir tant de leurs dénégations trop impudentes pour n’être pas intéressées que des aveux qu’ils furent obligés de faire. « Pourquoi donc dès lors refuser l’unité ? demande saint Augustin. Posl coll., 58. Pourquoi mépriser la charité et préférer la division ? Du moment que l’erreur est vaincue, que le diable le soit de même, et que le Christ qui le requiert soit propice à son troupeau désormais réuni et enfin apaisé ! »

Il profita d’une visite à Constantine pour solliciter le retour de tous les donatistes ; sa parole ne fut pas sans effet. Il n’eut pas sans doute la joie de la voir immédiatement couronnée de succès, mais il apprit bientôt que toute la ville s’était ralliée autour de Févêque catholique. Epist., cxliv, P. L., t. xxxiii, col. 592. Dans un voyage à Césarée, en 418, il tint à voir Émérite, l’un des orateurs de la conférence, et l’invita à assister à un discours qu’il devait prononcer devant le peuple assemblé. Mais invité à formuler des réserves ou à réfuter Févêque catholique, Émérite garda le silence. Sernio ad Cœsareensis ecclesise plebem. Deux jours après, conférence publique nouvelle et même silence de la part d’Émérite. De gestis cum Emerito Cœsareensi donalislarum episcopo. C’est qu’il n’avait rien à dire pour sa propre défense et pour celle de son parti, préférant rester inimicus et mutus. Cont. Gaud., i, 15, P. L, t. xliii, col. 712.

Le donatisme se trouvait bien atteint et fortement entamé, mais il n’avait pas complètement disparu. Un des derniers actes de l’incessante campagne que saint Augustin avait menée contre lui fut son Contra Gaudentium donalislarum episcopum, vers 420. Gaudentius, de Thamugade, avait été, lui aussi, l’un des sept orateurs du parti à la conférence de 411 ; il refusa de se soumettre et prit la fuite pour échapper aux poursuites de la police ; puis il était revenu dans sa ville épiscopale disant à qui voulait l’entendre que plutôt que de rentrer dans l’unité il se brûlerait avec ses partisans dans son église. Dulcitius, chargé alors d’assurer

l’exécution des lois impériales contre les donatistes, le pria par lettre de renoncer à ce funeste dessein. Gaudentius répondit par un refus catégorique et insolent. Dulcitius expédia sa réponse à saint Augustin, le priant de la réfuter et de lui dire ce qu’il avait à faire. Retract., II, lix, P. L., t. xxxii, col. 654. L’évéque d’Hippone d’écrire d’abord au commissaire impérial de n’avoir pas à prendre garde à de telles menaces, car cela ne devait pas l’empêcher de travailler au salut des autres, Epist., cciv, P. L., t. xxxiii, col. 939-942, puis, dans un premier livre, il réfuta les objections de Gaudentius ; celui-ci ayant répliqué fort mal en alléguant l’autorité et le témoignage de saint Cyprien sur l’Eglise et sur la réitération du baptême, Augustin écrivit un second livre contre Gaudentius, à la fin duquel il montre que l’autorité de saint Cyprien, à laquelle il en avait appelé, le confondait de tous points.

Pendant plus d’un quart de siècle, le donatisme n’avait pas eu d’adversaire plus infatigable et plus redoutable que l’évéque dllippone ; il avait été confondu sur le terrain de l’histoire par la collection et la production des documents authentiques ; il avait été réfuté sur le terrain des principes au nom du bon sens, de la saine raison et de l’Écriture ; finalement, dans une conférence célèbre, il avait été convaincu d’erreur de façon indiscutable et publique ; il ne lui restait plus qu’à disparaître. Mais non, pendant plus de deux cents ans encore il devait se traîner dans un déclin sans grandeur et sans gloire jusqu’au jour où tout disparut sur la terre d’Afrique avec l’invasion des Arabes.

IV. Déclin et disparition.

l’Étal du donatisme lors de l’invasion des Vandales. — Quoi qu’il en eût et quelque résistance qu’il offrit çà et là, à Césarée et à Thamugade, par exemple, le donatisme était atteint et se voyait de plus en plus réduit à une minorité impuissante. Rien ne permettait de prévoir qu’il retrouverait ses jours de succès et de lutte vigoureuse comme du temps de Donat, de Parménien et de Primien. Les lois impériales lui étaient appliquées ; Valentinien III et Tbéodose II, en’t28, venaient de lui interdire toute réunion sous peine de mort. Code théodosien, XVI, lit. v, 1. 65. Mais il y avait trop longtemps qu’il s’était implanté en Afrique, y soulevant les passions les plus vives et allant jusqu’à paraître s’identifier avec les ennemis du pouvoir romain sous prétexte d’indépendance et d’autonomie, pour disparaître tout d’un coup. Qu’une occasion favorable vint à se présenter, surtout celle d’un changement de régime, et l’on pouvait être assuré que le feu qui couvait sous la cendre pourrait encore provoquer un nouvel incendie. Or, cette occasion s’offrit d’elle-même : les Vandales s’avançaient peu à peu tout le long des côtes depuis la Mauritanie Tangitane ; ils étaient déjà en Nuinidie et s’emparaient d’Hippone en 430 ; la Proconsulaire ne devait pas larder à être envahie. C’était en tout cas la délivrance du joug romain ; ne serait-ce pas du même coup la liberté religieuse et le moment propice pour tenter une restauration de l’Église donatiste ? Peut-être bien. Il est vrai que les Vandales étaient ariens et par suite fort peu disposés à tolérer sous leur domination des chrétiens qui ne partageraient pas leur foi. La solution la plus favorable, pour les donatistes, eût été d’embrasser l’arianisme et de constituer, sous les maîtres nouveaux, une L-glise nationale. La tentation était bien forte. Mais, par tempérament, ils répugnaient à subir le joug quel qu’il fût, d’ordre temporel comme d’ordre religieux, car ils s’estimaient supérieurs à tous. Ils se refusèrent à devenir ariens ; mais alors ils durent composer avec les pouvoirs nouveaux, sans renoncer pour autant à leur indépendance religieuse, se contentant de maintenir le peu de forces qui leur restaient et de vivre tant bien que mal sans attirer sur leur groupe des mesures répres

sives dans le genre de celles dont ils se félicitaient d’èlre débarrassés.

2° Pendant l’occupation des Vandales de 430 « 535. — Tout faisait prévoir, dos 430, qu’à bref délai les Vandales seraient les maîtres exclusifs de toute l’Afrique du Nord, de Tanger à Tripoli. En fait, dès 449, leur domination était complètement assurée : elle devait se prolonger jusqu’à la défaite de Gélimer par Bélisaire. Que devinrent pendant tout ce temps les donalistes ? C’est ce qu’il est difficile de savoir, tant les documents où il est question d’eux sont rares et peu explicites. Il est à croire pourtant qu’avec la ténacité qui les caractérisait, et aussi grâce aux leçons de l’expérience, ils se gardèrent bien de se mettre en révolte ouverte contre les nouveaux occupants, qui étaient facilement des despotes et qui n’auraient pas manqué de sévir avec plus de cruauté que les Romains. La prudence leur conseillait d’éviter tout conflit avec des maîtres dont ils ne partageaient pas la foi arienne, et par conséquent de louvoyer, et tout en maintenant leurs positions si réduites et si précaires qu’elles fussent, de se livrer à une propagande discrète mais continue. Ils étaient des homoousiens avérés ou des consubstantialistesjet malgré la persécution incessante et cruelle dont les partisans du consubstantiel furent l’objet, il ne paraît pas qu’ils y aient jamais été englobés. Lors de la mesure générale de vexations, de poursuites, d’exactions et d’exil prise par Hunéric, en 484, contre les bomoousiens, les catholiques seuls furent victimes. Et, chose remarquable, le roi vandale ne trouva rien déplus à propos que de leur appliquer, en les aggravant, les lois impériales qui jadis avaient frappé uniquement les donatistes ; il en reproduisit scrupuleusement le texte, Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. n. p. 190-195, leur interdisant de tenir des réunions, de célébrer les offices religieux, sous peine d’emprisonnement, de confiscation et d’exil. Par quel subterfuge les donatistes échappèrent-ils à l’application de cet édil de persécution ? Il est à croire qu’ils lirent valoir leur opposition plus que séculaire avec les catholiques pour n’être pas confondus avec eux, et alléguèrent qu’ils n’avaient pas fait œuvre de polémique contre l’arianisme, à l’exemple des plus illustres représentants de la cause catholique. Et puis n’était-ce pas, de leur part, une tactique habile et un moyen approprié d’assouvir leurs anciennes rancunes et de retourner contre eux des lois répressives, dont ils n’avaient cessé de les rendre responsables ? Rien de plus vraisemblable. Toujours est-il que pendant que les catholiques étaient pourchassés, maltraités et exportés en masse, les donatistes restèrent indemnes.

Pendant cette dure période de la seconde moitié du Ve siècle, ce fut moins contre les donatistes que contre les ariens qu’eurent à combattre les catholiques. Ils le firent courageusement et furent les soutiens et les confesseurs de la foi orthodoxe. Ils comptèrent dans leurs rangs de grands évoques et des écrivains de valeur. Qu’il sufli.se de rappeler les noms glorieux de Victor de Vite, de Vigile de Tapse et de Fulgence de Ruspe dans la Byzacène, ceux d’Eugène et de Fulgence Ferrand à Carlhage, de Céréalis de Castellum Ripense et de Victor de Carlenna dans la Mauritanie Césarienne, et celui du poète Dracontius. Durant la même période, les donatistes n’offrent ni un nom ni une œuvre, dont le souvenir nous soit parvenu. Sans disparaître complètement, ils continuèrent de perdre de temps à autre quelques-uns de leurs partisans, qui passèrent à l’arianisme ou se convertirent au catholicisme. C’est ainsi qu’en 442, le pape saint Léon I", Epist., 1. I, episl. xil, 6, P. L., t. i.iv, col. 653, consentit à ce que l’un de ces convertis, devenu évèquo catholique dans la.Mauritanie Césarienne, conservât son siège à la condition de lui faire parvenir sa profession de foi.

Nous savons d’autre part qu’ils prétendaient comme toujours que la société des méchants contamine les bons, c’est là, du moins, le reproche que leur faisait, au témoignage de saint Fulgence de Ruspe (j 533), Epist., ix, P. L., t. LXV, col. 375, l’évêque arien Faslidiosus.

3° Pendant la période byzantine, de 533 à l’invasion îles Arabes ou Sarrasins en 031. — La défaite de Gélimer mit heureusement fin à l’occupation des Vandales en Afrique et installa pour un siècle l’autorité des empereurs de Byzance. Les catholiques, délivrés de leurs cruels persécuteurs, purent respirer après tant d’atroces persécutions. C’est à peine si, de temps à autre, entre deux éclaircies, ils avaient pu se réunir en synodes particuliers pour aviser aux mesures urgentes que leur imposaient les circonstances. Mais ils allaient reprendre leurs anciennes traditions et se réunir d’une façon plus régulière. Ils tinrent, des l’année 535, un concile général. Il s’agissait de savoir comment on recevrait les évoques et les clercs ariens qui se convertiraient, et on résolut de prendre l’avis du pape. En même temps, on envoya un délégué à l’empereur pour lui demander la restitution des biens et des églises dont ils avaient été injustement dépossédés par les Vandales. Justinien leur répondit par la Novelle xxxvii, adressée à Salomon, préfet du prétoire en Afrique. Ordre était donné de faire rendre aux catholiques les domaines injustement enlevés, confisqués ou désaffectés, tout le matériel du culte, avec licence de les revendiquer en justice. En même temps, des mesures d’exclusion étaient prises, contre les donatistes et les ariens, de tous les édifices religieux, et interdiction leur était faite de tenir des réunions cultuelles, d’ordonner des évêques ou des clercs, de procéder au baptême ; de plus les donatistes étaient déclarés inhabiles à toute fonction publique.

Les nouvelles dispositions impériales en faveur des catholiques et contre les donalistes étaient de bon augure. Qu’elles persévérassent et que le schisme fût réduit à l’impuissance, l’Eglise d’Afrique pouvait espérer des jours prospères. Malheureusement éclata l’affaire religieuse des Trois-Chapitres, en 544. Le clergé africain n’hésita pas à prendre aussitôt position en faveur de l’orthodoxie contre les prétentions de Justinien et les décisions du concile de Constantinople de 533. Des hommes, tels que Facundus d’IIermiane, Verecundus de Juncæt Primasius d’Adrumète en Byzacène, les deux diacres de Carlhage, Fulgence Ferrand et Liberatus, ne se lirent pas faute d’engager une vive polémique ; et les évêques d’Afrique, dans cette circonstance critique, ne voulurent nullement accepter la condamnation des TroisChapitres prononcée par le concile et ratifiée par le pape Vigile sous la pression du gouvernement impérial. Naturellement les donatistes mirent à profit ces discussions religieuses, qui les mettaient momentanément à couvert de l’action des lois. Quand le calme fut revenu, le donatisme, grâce à l’esprit de tolérance de la fin du vi c siècle, eut un retour de prospérité. On lui accorda le droit de posséder des églises et d’élire des évêques, à la condition que ces prélats n’ambitionneraient pas le titre de primat. La Numidie redevint le foyer actif de la propagande et même de la persécution contre les catholiques. Les fonctionnaires byzantins se laissèrent acheter, fermèrent les yeux sur les agissements des donatistes et ne donnèrent pas suite aux réclamations des catholiques.

Devant l’audace renaissante des sectaires, l’apathie ou la complicité de l’administration civile, le manque d’énergie de certains évêques, il fallut aviser. Le pape saint Grégoire le Grand intervint à plusieurs reprises soit auprès des évêques africains, soit auprès des représentants de l’autorité impériale, soit auprès de l’empereur Maurice. Plusieurs lettres de lui ont trait aux affaires donatistes. Gennade, palriceetexarqued’Afrique,

ayant pris à cœur la cause catholique, saint Grégoire lui écrit, Epist., 1. I, epist. lxxiv, P. L., t. lxxvii, col. 528, pour le remercier de sa vigilance et l’exciter à travailler à la réunion des Églises. Le pape, en effet, avait appris que les donatistes, toujours remuants et envahisseurs, devenaient un danger pour la paix religieuse. Aussi, à titre de mesure disciplinaire, décide-til qu’aucun donatiste devenu évêque catholique ne saurait revendiquer le titre de primat, quand même il serait le plus ancien de la province. Ad universos episcopos Numidix, Epist., 1. I, epist. lxxvii, ibid., col. 531. Informé, d’autre part, que Maximien, évéque de Pudentiana, en Numidie, aurait toléré à prix d’argent l’établissement d’un évéque donatisle dans le lieu même de sa résidence, il écrit à Columbus, évêque de lamême province, de réunir un concile pour examiner ce cas et de déposer Maximien, s’il était reconnu coupable. EpisL, 1. II, epist. xi.vni, col. 589. Les donatistes, encouragés par la connivence de certains magistrats, ne se gênaient plus : ils rebaptisaient et allèrent même jusqu’à chasser quelques évêques catholiques de leurs sièges. Nouvelle lettre du pape aux représentants de l’autorité civile, notamment Ad Pantaleonem ut tlonatistarum audaciam comprimât, Epist., 1. IV, epist. xxxiv, col. 708, et à l’évêque Columbus pour qu’il fasse mettre (in à de tels abus. Epist., I. IV, epist. XXXV, col. 709. Dans la Proconsulaire, Dominique, évéque de Carthage, pour obvier efficacement au mal, avait fait décider au concile que tout évéque négligent dans la répression du donatisme serait privé de ses biens et de sa dignité. L’intention était excellente, niais la mesure parut excessive. Le pape, en écrivant au primat de Carthage, le félicite de son zèle, mais n’approuve pas sa décision. Epist., 1. V, epist. i, col. 726. Gennade est chargé par saint Grégoire d’aider les évêques en tout ce qui concerne la discipline ecclésiastique. Epist., 1. IV, epist. iiv col. 673. Columbus doit veiller à ce que les enfants et les domestiques des catholiques ne soient pas rebaptisés par les donatistes. Epist., 1. VI, epist. xxxvii, col.828. Malgré toutes ces mesures pontilicales et les ordres de l’empereur Maurice (-f 602), les donatistes poursuivaient leur propagande grâce à l’abstention des magistrats, dont ils avaient acheté la complicité. Saint Grégoire s’adresse alors directement à l’empereur ; il lui envoie deux évêques pour plaider la cause des catholiques d’Afrique et obtenir de façon efficace la répression de pareils abus. Epist., 1. VI, epist. lxv, col. 849. Qu’en résulta-t-il.’On l’ignore ; du reste, le pape mourait peu après, en 604.

Tout cela montre qu’à la fin du vr siècle et au commencement du VII e, les donatistes étaient loin d’avoir abandonné la lutte. Très souvent vaincus, mais toujours résistants, ils ont donné une preuve de ce que peuvent les passions religieuses au service d’une cause absolument injustifiable. Et si les Sarrasins n’étaient venus bientôt, en 637, tout détruire dans l’Afrique du Nord, le pouvoir romain ou byzantin et la foi religieuse, on se demande quel sort réservait à l’Église catholique un parti aussi obstiné que celui des donatistes. Auraientils lassé la résistance qui ne manqua jamais depuis plus da trois siècles, et seraient-ils enfin devenus les maîtres intolérants, qui auraient anéanti le catholicisme au profit de leur puritanisme exagéré’.’C’est le secret de Dieu.

V. Erreurs des donatistes.

1 » Scliisme à base hérétique. — Le donatisme, il est vrai, a été et est resté un mouvement schismatique, de ses origines à la fin. Jamais il ne fut condamné par l’Église au titre d’hérésie ; toujours, au contraire, il fut de sa part l’objet de mesures disciplinaires les plus bienveillantes pour faciliter le retour à l’unité à de pareils entêtés. Lorsque des lois impériales, spécialement portées contre les hérétiques, leur furent appliquées, les donatistes ne

cessèrent pas de prolester qu’ils n’avaient rien de commun avec les hérétiques. Saint Augustin, toutefois, qualifie nettement d’hérésie et d’erreur sacrilège leur schisme, User., lxix, P. L, t. xlii, col. 43, sans doute parce qu’il était invétéré, comme il dit, mais aussi parce qu’il n’allait pas sans quelques principes contraires à la foi et à l’enseignement ecclésiaslique. C’est qu’en effet leur schisme, bien qu’il n’eût été motivé au début que par une cause purement disciplinaire, comme ils le prétendaient, impliquait en fait des erreurs de doctrine sur la valeur des sacrements et ne devait pas tarder à provoquer de leur part une conception complètement fausse de la nature de l’Église.

2° Erreur des rebaptisants. — D’une part, ils renouvelèrent, mais en l’aggravant, la théorie particulière à quelques-uns de leurs ancêtres, qui avait été l’objet un demi-siècle avant, sous saint Cyprien, d’une si épineuse controverse entre l’évêque de Carthage et le pape de Rome touchant le baptême des hérétiques. Voir t. ii, col. 219 sq. La plupart des évêques d’Afrique avaient pensé à tort avec saint Cyprien que les hérétiques, ne pouvant pas donner ce qu’ils n’avaient pas, ne pouvaient conférer le baptême. Ils subordonnaient ainsi la validité de ce sacrement à l’orthodoxie du ministre ; mais ils ne voulurent voir là qu’une mesure purement disciplinaire, laissant à ceux de leurs collègues qui en jugeaient autrement la liberté d’agir à leur guise. Dans tous les cas ils se refusèrent à considérer la divergence des usages sur ce point particulier comme un motif suffisant de troubler la paix de l’Eglise et de rompre le lien de l’unité. Tout autre fut la conduite des donatistes. Ils subordonnèrent la validité du baptême, comme aussi celle de l’ordre, non plus seulement à l’orthodoxie, mais à la moralité du ministre. Parlant de ce principe qu’un pécheur ne peut ni baptiser ni ordonner validement, ils regardèrent comme nuls les sacrements de baptême et d’ordre conférés par des apostats ou des traditeurs. Et, comme à leurs yeux les catholiques n’étaient pas autre chose que des traditeurs ou des fils de traditeurs, ils commencèrent par pratiquer la rebaplisation en attendant de pratiquer la réordination des transfuges du catholicisme qui embrassaient leur parti. De là à manifester pour les autres sacrements et les pratiques catholiques une égale répugnance, il n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi.

Erreur novatienne.

D’autre part, bien qu’ils s’en défendissent, ils renouvelèrent, mais en partie, l’erreur novatienne. Sans doute, à la différence des novatiens, qui excluaient à tout jamais de leur communion le chrétien qui venait à faillir et l’abandonnaient exclusivement à la justice divine, quelquepénitence d’ailleurs qu’il fit et quelque repentir qu’il manifestât, les donatistes admettaient volontiers à la pénitence les coupables repentants et leur rouvraient ainsi la porte de leur bercail. Mais, tout comme les novatiens, ils se formèrent de la nature de l’Église une notion puritaine et rigoriste. Constatant que le monde chrétien, en dehors de l’Afrique, restait en communion parfaite avec les évêques catholiques des provinces africaines, et qu’ils étaient, eux, isolés dans un coin, quelque étendu qu’il fût, ils n’hésitèrent pas à s’enorgueillir de cet isolement et à y voir une marque certaine de leur bon droit, se proclamant les seuls représentants de la véritable Église, une, sainte et catholique, tout le reste ne pouvant plus prétendre appartenir à la virginale fiancée du Christ, parce qu’il n’y avait là que des pécheurs qui pratiquaient une tolérance indue à l’égard des faillis, des apostats et des traditeurs. De nombreux passages de l’Écriture, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, habilement choisis et plus habilement interprétés, leur donnaient, croyaient-ils, raison envers et contre tous. 17-23

DONATISME

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’t° Théorie et pratique. — Tels étaient lours prin- cipes théoriques ; mais de la théorie à la pratique, quelle différence ! Leur conduite, comme nous l’avons vu, était loin d’être conforme à leurs principes. Rien dès lors ne fut facile comme de faire ressortir leur illogisme, leur inconséquence, le démenti qu’ils s’in- fligeaient à eux-mêmes, et de montrer l’abus qu’ils faisaient de l’Écriture, les faux raisonnements aux- quels ils se livraient pour justifier leur manière de voir et d’agir. L’ouvrage de Parménien avait permis de saisir sur un document public leurs thèses et les raisons dont ils les étayaient. Saint Optât tout d’abord, puis saint Augustin en profitèrent pour percer à jour leurs sophismes et ruiner de fond en comble leur sys- tème au nom de l’Écriture mieux comprise, au nom des principes indiscutables de la foi, de la raison et du simple bon sens. Certes l’évêque de Milève, en réfutant Parménien, avait déjà fait une œuvre fort utile. Mais depuis la date où il avait pris en mains la cause catho- lique jusqu’au moment où l’évêque d’IIippone entra en scène, quelques faits s’étaient produits, non des moindres ni des moins caractéristiques, qui permirent à saint Augustin de pousser à leur extrême limite les arguments ad liominem, de fermer la bouche et de réduire au silence les donatistes. Reprenant en outre et précisant davantage la thèse catholique sur l’Église elles sacrements, saint Augustin mit au point et for- mula de la manière la plus heureuse l’enseignement définitif sur ces matières controversées. Il suffira d’en rappeler, sans entrer dans des détails qui nous entraî- neraient trop loin, les traits principaux et caractéris- tiques.

5" Erreurs sur l’Eglise. — D’abord en elle-même, puis dans ceux qui la composent. — La véritable Église, avait dit Parménien, l’Église du Christ est une, sainte, catholique, et cette Eglise est la notre, non celle des traditeurs. — Que l’Église doive être une, sainte, ca- tholique, répondit saint Optât, nous en tombons d’ac- cord ; mais que ce soit là votre Kglise, nous le nions, parce qu’elle n’est ni une, ni sainte, ni catholique, et parce qu’elle n’a aucune des six notes que vous indi- quez, la chaire, l’ange, l’Esprit-Saint, la source, le sceau et l’ombilic.

T’oint d’unité chez les donatistes. Sur ce premier point, saint Optât ne peut faire une réponse aussi pé- remptoire que la fera plus tard saint Augustin, quand il opposera aux donatistes les schismes nombreux qui les divisèrent.

Point de sainteté’. Ici, Optât n’a pas de peine à mon- trer par des faits connus de tous et indéniables que les donatistes n’ont point la sainteté dont ils se vantent. « Vous prétendez être des saints, dit-il, mais vous êtes en contradiction avec ce texte formel de saint Jean : . En fait, vous avez troublé la paix et rompu les liens de l’unité ; vous avez compté parmi vous un scélérat, Donat de Ragaï (saint Augustin ajoutera Optât le Gildonien) ; vous êtes cou- pables d’attentats, de crimes, de cruautés, d’horribles sacrilèges. Jbid., Il, 15-19, col. 966-974. C’est à Dieu qu’il appartient de désigner les pécheurs, et il l’a fait dans le prophète, Ps. XLIX, 16-18 : tout cela vous regarde, défendez- vous- en, si vous le pouvez. Tbid., iv, 11, col. 1031. Vous méprisez la discipline, vous êtes des détracteurs, des calomniateurs, des auteurs de scandales, tbid., iv, 4-5, col. 1032 sq. ; des voleurs de ce qui appartient à Dieu. » El s’adressant à Par- mi ■nien il conclut : Jani peccatores vos esse, si pudor est ullus, cum dolore recognosce. Ibid., iv, G,col. 1037.

Point de catholicité. Vous vous dites les seuls catholi- ques, soit. C’est donc que l’Espagne, la Gaule, l’Italie, la I’annonie, la Dacie, la Mésie, la Thrace, l’Achaïe, la Grèce, toutes les provinces de l’Asie, les trois Syries, les deux Arménies, la Mésopotamie et l’Egypte ne sont pas catholiques. Mais vous êtes en contradiction for- melle avec tous les textes de l’Écriture qui proclament que l’Église doit se répandre sur toute la terre, tandis que vous la limitez à un seul coin du monde ; vous ne réalisez aucun des deux sens du mot catholique (allu- sion à la double étymologie xa-à )ô- ;ov, ralionabilis, et-zaià SXov, universalis), Jbid., n, 1, col. 942.

Point d’apostolicité. Parmi les notes distinctives de la vraie Eglise, vous signalez en premier lieu la chaire (nous dirions l’origine apostolique) ; mais la chaire principale, le siège de Pierre, esta Rome, dont le suc- cesseur légitime est actuellement Damase,avec lequel nous autres et le reste du monde sommes en relations par des lettres « formées » et en parfaite communion. Jbid., il, 3, col. 9iS. Sans doute, vous avez à Rome un de vos représentants, Macrobius, successeur d’Encol- pius, qui remplaça Bonifacius de Rallista, lequel suc- céda lui-même au premier de tous, à Victor de Garbes. Voilà le premier rameau de votre erreur, protentus de mendacio, non de radiée verilatis. Ibid., n, 4, col. 951. Où avait-il donc sa chaire, ce Victor ? Non certes dans l’une des églises de la cité, mais au dehors, sur une colline, dans une caverne. Eral ibi filius sine pâtre, tyro sine principe, discipulus sine magislro, sequens sine antécédente, inquilinus sine domo, hospes sine hospitio, pastor sine grege, episcopus sine populo. Ibid., ii, i, col. 954. (Il y eut encore dans la suite Lu- cianus, puis Claudianus, et même un certain Félix qui se donna comme évêque donatisle de Rome, à la conférence de 411, au grand scandale de saint Augus- tin et de ses collègues.)

Les donatistes ne se contentaient pas de revendiquer pour eux toutes ces notes de la véritable Église, ils s’en prenaient encore aux membres qui composaient l’Église catholique, en leur appliquant tous les passages de l’Écriture où il est question d’extirper le mal, de ne point communiquer avec les pécheurs, car leur contact est une souillure, et ni leurs sacrifices ni leurs prières ne sont agréés de Dieu. Il faut lire dans les deux derniers livres de saint Augustin contre la lettre de Parménien la discussion détaillée de tous ces textes, dont le sens vrai et la force probante, loin d’atteindre les catholiques, confondent les prétentions orgueilleuses et l’interprétation fantaisiste des donatistes. L’évêque d’IIippone leur prouva que le prêtre, quelque pécheur qu’il soit, est exaucé quand il prie pour le peuple, témoin Balaam ; que sa parole ne laisse pas d’être utile aux autres, quand il leur enseigne la vérité ; que son sacrifice ne nuit qu’à lui-même, car il n’y a qu’un sacrifice toujours saint, celui du Christ, et qui profite, en dépit du ministre, à ceux qui y participent dans la mesure de leurs dispositions. Extirper le mal, rien de mieux ni de plus légitime, mais encore faut-il que la chose soit possible dans tous les cas sans produire un mal plus grand encore. Et certes l’Église catholique u’y manque pas ; mais elle se guide toujours par un sentiment de charité compatissante, dans l’espoir d’un relèvement et d’une guérison des coupables, nullement par un esprit de vengeance, n’ayant nullement l’inten- tion de les traiter en ennemis, mais de les corriger comme des frères.

Quant au mélange des bons et des mauvais, c’est chose inévitable et qui durera autant que le monde. Tel est, en ell’et, l’enseignement qui ressort de la para- bole du bon grain et de l’ivraie : tout pousse ensemble, mais défense est faite d’arracher l’ivraie avant l’heure de la moisson, de peur d’arracher en même temps le bon grain. Mais, au moment voulu, c’est-à-dire à la lin 1 725

DONATISME

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des temps, Dieu donnera l’ordre de séparer l’ivraie pour la livrer au feu et de ramasser le bon grain pour le placer dans le grenier du père de famille. En objectant : Quid paleis ad triticum ? Jer., xxiii, 28, les donatistes faisaient preuve qu’ils ne comprenaient pas le sens de cette parole, qui est une prophétie, tant que la paille et le grain, sortant de la même racine, sont sur la même tige, tant qu’ils sont foulés sur terre, la séparation n’est pas chose faite, mais elle se fait à coups de van. De même des bons et des méchants : ils seront séparés au jour du jugement, et c’est alors qu’on pourra dire en toute vérité : (Juki paleis ad triticum ? Cont. epist. Parm., iii, 18, P. L., t. xi.m, col. 96.

Sans doute, il est prescrit, et avec juste raison, de « ne prendre aucune part aux œuvres des ténèbres, mais plutôt de les condamner, » Eph., v,’11, 12, de « ne pas avoir de part aux péchés d’autrui, » I Tim., v, 22, parce que modicum fertnentum tolam massam corrumpil, I Cor., v, 6 ; mais cela regarde surtout les donalistes qui ont communiqué avec un scélérat tel qu’Optât le Gildonien, puisque, d’après eux, c’est la seule communication avec les méchants qui souille. Ils devraient donc conclure plutôt que l’on doit parfois tolérer les méchants pour éviter un plus grand mal et dans un bien de paix ; mais, dans ce cas, ils auraient dû tolérer Cécilien, même s’il avait été coupable, et ne pas déchirer et diviser l’Eglise comme ils l’ont fait, ce qui est le plus grand de tous les crimes. Mais non, ces passages allégués, et ceux qui leur ressemblent, ne doivent s’entendre que de l’approbation que l’on donnerait aux crimes des pécheurs : une telle approbation demeure toujours interdite. Et du moment qu’on se l’interdit, on n’a pas à se préoccuper d’être ici-bas mêlés les uns avec les autres, les bons avec les méchants : ce mélange, impossible à éviter, aura son terme.

Par ailleurs, enfin, il était interdit aux donatistes de soutenir, comme ils l’avaient fait, que la présence des pécheurs peut nuire à la communion catholique ou que la sainteté de l’Église n’existait pas dès lors que quelques pécheurs se glisseraient dans son sein. Et c’est la question capitale, le point décisif, sur lequel insista saint Augustin à la conférence de 41 1. Et c’est ainsi que, doctrinalement parlant, au nom de l’Écriture bien entendue, de la saine raison et du simple bon sens, les donatistes étaient battus sur la question de l’Église. Voir t. i, col. 2410-2411. Ils ne le furent pas moins sur celle des sacrements.

Erreurs sur les sacrements.

D’une manière générale, les donatistes réprouvaient tout ce qui venait des catholiques. Saint Optât raconte qu’ils foulaient aux pieds l’eucharistie, jetaient le saint chrême aux chiens, brisaient autels et calices, purifiaient les lieux consacrés au culte. Ce qui revint à dire qu’ils n’admettaient aucun des sacrements des catholiques. Ils repoussaient en particulier le baptême et l’ordre. Aussi estimèrent-ils toujours licite la rebaptisation. Au début de leur schisme ils l’avaient jugée même nécessaire ; puis ils la déclarèrent facultative et l’interdirent, par une décision conciliaire, à l’égard des catholiques qui s’y refusaient. Ce dernier détail, révélé par Tichonius, comme nous l’apprend saint Augustin, Epist., xciii, 43, P. L., t. xxxiii, col. 342, était inconnu de saint Optât. Aussi, au sujet de la rebaptisation, se contentet-il de protester contre l’usage des donatistes. Car le baptême ne peut se réitérer ; ce serait s’exposer à perdre la robe nuptiale et à ne point posséder le royaume du ciel. De sacramento (baptismi), dit-il, non levé certamen innalum est, et dubilatur, an post Trinitatem in eadeni Trinitate hoc iterum liceat facere. Vos dicilis : LICET ; nos dicimus : NON LTCET. Inter LICEï vestrum et NON licet nostrum, natant et remigant animée populorum. De schism. donat., v, 3, P. L., t. xi, col. 1048. Il s’étonne à bon droit que les dona tistes osent réitérer un sacrement qui ne diffère pas du leur : Pares credimus, et uno sigillo signali sumus ; nec aliter baptizati quani vos. Ibid., iii, 9, col. 1020. Il voit la raison fondamentale qui soustrait la valeur du baptême à la qualité du ministre et la rend indépendante de la moralité comme de la foi de celui qui le confère : c’est Jésus-Christ qui donne la grâce, ibid., v, 2, col. 1047 ; c’est Dieu qui lave dans le baptême, et non le ministre. Ibid., v, 4, col. 1051.

Saint Augustin a mis en pleine lumière cette doctrine, contre les donatistes. « Le sacrement de baptême, dit-il, est saint par lui-même où qu’il soit, Debapt. cont. donat., i, 19 ; v, 29 ; vi, 4, P. L., t. xi.m, col. 119, 191, 199, à cause de Celui qui en est l’auteur, ibid., iii, 6 ; iv, 18, 28 ; v, 29, col. 143, 166, 173, 191, car c’est Dieu qui est présent dans la formule évangélique et sanctifie le sacrement. Ibid., vi, 47, col. 214. Le baptême peut donc se trouver chez les hérétiques et les pécheurs : son efficacité est indépendante de celui qui le donne, quels que soient son mérite, sa moralité, sa malice, son erreur. Ibid., iii, 15 ; iv, 22, 28 ; v, 3, 29 ; vi, 2, 7, col. 144, 168, 173, 178, 191, 198, 200. Le ministre du baptême peut être mort moralement par son impiété ou sa culpabilité, mais Celui-là vit toujours dont il est écrit ; c’est Lui qui baptise. Cont. epist. Parm., ri, 22, col. 66. Le ministre peut être mauvais, mais il ne laisse pas de communiquer la grâce, parce que le Saint-Esprit n abandonne pas pour autant le ministère qui est confié à quelqu’un pour opérer le salut des autres ; car c’est Dieu qui donne la grâce par les hommes, comme il la donne quelquefois sans aucun intermédiaire. C’est l’Église qui engendre des lils per hoc quod suum ineis (dans les pécheurs) ltal>rt. De bapt. cont. donat., i, 14, 23. P. L., t. mil, col. 117. 122. /// isla quæ&tione non est cegitandum guis det sed quid del, aut quis accijiint xed ijiiid accipiat, aut quis habeat sed quid Itabeat. Ibid., iv, 10, col. Kit. Dico sacramentum Christi et bonus et n)alos passe habere, posse dure. Ibid., VI, i, col. 199. Voir t. i, col. 2416-2417.

Après avoir ainsi formulé sa pensée, saint Augustin entend ne pas laisser aux donatistes l’appui de saint Cyprien, dont ils se réclamaient ; car le grand évêque de Carthage était fort excusable dans une question non encore officiellement tranchée ; du reste, il ne cherchait pas à imposer sa manière de voir, il laissait toute liberté à ses collègues et il voulait par-dessus tout maintenir l’unité, l’union, la paix. Il écrivait en effet : Serretur a nobis patienter et leniter charilat animi, collegii honor, dilectionis vinculum, concordia sacerdotii, Epist., i.xxiii, 26, P. L., t. iii, col. 1127, sentiment admirable qu’étaient loin de partager les donatistes. Et saint Augustin d’ajouter : Nec nos ipsi tide aliquid auderemus asserere nisi univers æ Ecclesise concordissima auctoritate jirmali ; eut et ipse (Cyprien) sine dubio cederet, si jani illo tempore quæstionis Jiujus veritas eliguata et declarala per plenarium concilium solidaretur. lie bapt. cont. donat. , ii, 5, P. L., t. xi.in, col. 129. Cf. P. von Hoensbroech, et.1. Ernst, dans Zeitschrift fin— katholische Théologie, 1891, p. 727-737 ; 1893, p. 79-103.

Relativement au sacrement de l’ordre, les donatistes estimaient qu’un évêque traditeur ne pouvait pas le conférer validement ; et telle fut la cause du sacre de Majorinus, à l’origine du schisme. Cécilien, il est vrai, avait proposé aux évéques, qui contestaient la validité de son ordination, de se faire ordonner par eux. Admettait-il donc leur principe ? Ce n’est guère à croire. De sa part, comme le note saint Augustin, Brev. coll., m sq., P. L., t. xliii, col. 614sq., c’était une proposition ironique. On sait la réponse qu’y fit Purpurius : « Qu’il vienne et que, au lieu de l’imposition des mains in episcopatum, quassetur illi caput de psenilentia. » De schism. donat., i, 19, P. L., t. xi, col. 921.

Imposer les mains in pænitentiam, c’était, selon la discipline d’alors, créer pour les fidèles un empêchement à toute ordination future, et réduire les clercs, par une déposition délinitive, aux rangs des simples laïques. Aussi les donatistes y recoururent-ils comme au meilleur des moyens de discréditer le clergé catholique. Donat des Cases Noires avait dû avouer, à Rome, qu’il avait ainsi imposé les mains à des évéques. De schism. donat., I, 24, P. L., t. xi, col. 932. Or, à la fin du IVe siècle, revenant à leur première erreur sur la nécessité de la rebaptisation, les donatistes y ajoutèrent celle des réordinations. Tout clerc catholique qui avait quelque difficulté avec son évêque ou qui, pour un motif ou pour un autre, était chassé de l’Église, venait-il à eux, ils le rebaptisaient, parfois le réordonnaient, parfois aussi ils lui conféraient un grade plus élevé dans leur clergé. Saint Augustin, à ce sujet, rappelle des faits précis et cite des noms propres. Le sous-diacre Rusticianus a été rebaptisé ; un diacre a été réordonné, Epist., cviii, 19, P. L., t. xxxii, col. 417 ; un autre diacre de Mutuzenna a été rehaptisé, Epist., xxxiii, 2, col. 95 ; l’évêque donatiste Splendonius a rebaptisé un diacre et l’a ordonné prêtre. Cont. litt. Petit., iii, 41, P. L., t. xliii, col. 371. Autant de faits scandaleux et contraires à la nature même de ces deux sacrements du baptême et de l’ordre, qu’on ne saurait réitérer. L’Église use parfois d’indulgence envers les clercs coupables, les reçoit pour un bien de paix, après correction, et les admet même à l’exercice de leur ordre, mais elle ne renouvelle jamais l’ordination ; car, à cause du caractère que de tels sacrements impriment dans l’âme et qui de sa nature est permanent et inamissible, quelle que soit la faute dont on peut se rendre coupable, on les reçoit une fois pour toutes. Agir autrement, c’est méconnaître l’effet de tels sacrements, et les donatistes n’en ont pas le droit. Acculés par la logique pressante de l’évêque d’Hippone, les donatistes avaient fini par reconnaître que celui qui quitte l’Église ou qui en est exclu ne perd pas le baptême, mais ils soutenaient qu’il perdait le droit de baptiser. Et Augustin, parlant à la fois du baptême et de l’ordre, de répliquer : Multis modis apparat frustra et inaniter dici. Primo, quia nulla ostenditur causa cur ille qui ipsum baptismum amittere non potest, jus dandi potest amittere. Utrumque enim sacramentum est, et quadam consecratione utrumque homini datur : illud, cum baptizatur ; istud, cum ordinatur : ideoque in Catholica utrumque non licet iterari. Nam si quando ex ipsa parte venientes etiam præpositi, pro bono pacis, correcto schismatis errore, suscepti sunt, et si visum est opus esse ut eadem officia gererent quæ gerebant, non sunt rursus ordinati. Sed sicut baptismus in eis, ita ordinatio mansit integra : quia in præcisione fuerat vilium, quod unitalis pace correctum est, non in sacramentis quæ ubicumque sunt ipsa sunt. Cont. epist. Parm., ii, 28, P. L., t. xliii, col. 70.

Rien de plus explicite. C’est en conformité avec ces principes que, dans leurs conciles, les évêques catholiques de l’Afrique ne nièrent jamais la validité du baptême et de l’ordre conférés par les donatistes, et se montrèrent toujours disposés à recevoir les schismatiques avec les pouvoirs et les honneurs qu’ils possédaient. Cf. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 59 sq.

I. Sources. S. Optat, De schismate donatistarum, P. L., t. xi ; S. Augustin, Psalmus contra partent Donati ; Contra epistolam Parmeniani ; De baptismo contra donatistas ; Contra litteras Petiliani ; Ad catholicos epistola contra donatistas ; Contra Cresconium ; De unico baplismo contra Petilianum ; Breviculus collationis ; Liber ad donalistas post collationem ; Sermo ad Cæsareensis Ecclesiæ plebem ; De gestis cum Emerito ; Contra Gaudentium, donutistarum episcopum, P.L., t. xliii ; Epist., <span class="romain" title="Nombre xxiii, xxxiii-xxxv, xliii, xliv, xlix, li-liii, Lvi-Lviii, lxi, lxvi, lxx, lxxvi, lxxxvi-lxxxix, xciii, xcvii, c, cv-cviii, cxi, cxii, cxxviii, cxxix, cxxxii, cxxxiv, cxli, cxlii, cxliv, clxxiii, clxxxv, cciv écrit en chiffres romains">xxiii, xxxiii-xxxv, xliii, xliv, xlix, li-liii, Lvi-Lviii, lxi, lxvi, lxx, lxxvi, lxxxvi-lxxxix, xciii, xcvii, c, cv-cviii, cxi, cxii, cxxviii, cxxix, cxxxii, cxxxiv, cxli, cxlii, cxliv, clxxiii, clxxxv, cciv, P. L., t. xxxiii ; In.Joa.Evang., tr. iv-vi, ix-xxiii ; In Epist. Joa., tr. i-iv, P. L., t. xxxiv ; Enar. in Ps., x, xxv (enar. ii), xxx (enar. iii), xxxii (enar. ii), xxxiii (enar. ii), xxxv, xxxvi (serm. ii, iii), <span class="romain" title="Nombre xxxix, liv, lvii, lxxxv, xcv, xcviii, ci, cxix, cxxiv, cxxxii, cxlv, cxlvii, cxlix écrit en chiffres romains">xxxix, liv, lvii, lxxxv, xcv, xcviii, ci, cxix, cxxiv, cxxxii, cxlv, cxlvii, cxlix, P. L., t. xxxvi-xxxvii ; Serm., <span class="romain" title="Nombre x, xlvi, xlvii, lxxxviii, xc, xcix, cxxix, cxxxviii, cxlvi, cclxv, cclxvi, cclxviii, cclxix, ccxcii, ccclii-ccclx écrit en chiffres romains">x, xlvi, xlvii, lxxxviii, xc, xcix, cxxix, cxxxviii, cxlvi, cclxv, cclxvi, cclxviii, cclxix, ccxcii, ccclii-ccclx, AL., t. xxxviu-xxxix ; Eusébe, H. E., x, 5-7, P. G., t. xx.

II. Travaux. Ellies Du Pin, Historia donatistarum, P. L., t. xi ; Valois, Diss. de schismate donatistarum, dans son édit. de l'Hist. eccles. d’Eusèbe ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’hist. eccl., Paris, 1693-1712, t. vi. p. 1-193 ; t. vii, p. 310-329 ; t. x, p. 312, 579, 633, 634, 683 ; t. xiii, p. 191-196, 327-335, 446-449, 479-481, 558-584, passim ; Ceillier, Hist. gén. des auteurs sacrés et eccl., Paris, 1860, t. ii, p. 622-628 ; t. iii, p. 123, 135, 498, 499 ; t. iv, p. 594, 658-660 ; t. v, p. 95-148 : t. vi, p. 348, 361, 397 ; t. vii, p. 505, 508, 715 ; t. viii, p. 537, 543 sq., 559 sq. ; t. ix, p. 16-128, 371 sq., 374 sq., 415 sq., 787 ; t. xi, p. 489, 506 ; Noris, Historia donatistarum, Vérone, 1729 ; Ribbeck, Donatus und Augustin, Elberfeld, 1857 ; Rieck, Entstehung und Berechtiguny des Dunatismus, Eriedland, 1877 ; Deutsch, Drei Aktenstücke zur Geschichte des Donatismus, Berlin, 1870 ; Völter, Der Ursprung des Donatismus, Tubingue, 1883 ; Reuter, August. Studien, Gotha, 1887, p. 234 sq. ; Seeck, Quellen und Urkunden über die Anfänge des Donatismus, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1889, t. x, p. 505 sq. ; Thummel, Zur Beurtlieilung des Donatismus, Halle, 1893 ; Harnack, Geschichte der altchr. Litt., Leipzig, 1893-1897, t. i, p. 744 sq. ; Hefele, Conciliengeschichte, t. i, p. 193 sq., 632 sq. ; t. ii, p. 80 sq-, 97 sq. ; édit. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 265 sq. ; 837 sq., t. ii, p. 154 sq. ; Duchesne, Le dossier du donatisme, dans Mélanges d’arch. et d’Hist. de l’École franc. de Rome, Paris, 1890, t. x, p. 589-650 ; D. Leclercq, L’Afrique chrétienne, in-12, Paris, 1904 ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1905, t. iii ; J. Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1909, t. ii, p. 222-231 ; Kirchenlexikon, t. iii, col. 1969 sq. ; Realencyclädie, t. iv, p. 788 sq. ; Dictionary of Christian biography, t. i, p. 881 sq. ; Martroye, Une tentative de révolution sociale en Afrique, donatistes et circoncellions, dans la Revue des questions historiques, 1er octobre 1904 et 1er janvier 1905 ; P. Monceaux, L’Église donatiste au temps de saint Augustin, dans la Revue de l’histoire des religions, janvier-février 1910 ; Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1907, t. ii, p. 101-124 ; 1910, t. iii, p. 108-146 ; U. Chevalier, Répertoire, topobibliographie, col. 914.

G. Bareille.