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Dictionnaire de théologie catholique/ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L’)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 365-380).

ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L’).

Bible hébraïque : Qôhélet. Le sens du mot paraît llolter entre « orateur » ou « prédicateur » (par excellence) et « collecteur a (de sentences). Pour l’histoire des acceptions diverses de Qôhéléf et sa forme féminine, voir les auteurs critiques cités plus loin. Le 7e des Ketoùbim, « écrits » ou « hagiographies » (le 5e, selon Raba Rat/ira, 14 6-15 a) et rangé habituellement parmi les Kefoûbîm qetannîm, « petits », Reracltotli, 57 b ; te 4e des cinq Megillôt, « rouleaux » (liturgiques).

Bible grecque : EKKAH-SIA 2THS, concionator, S. Jérôme, Commentarius in Ecclesiasten, c. i, P. L., t. xxiii, col. 1063. Tous les manuscrits et listes des livres bibliques, cf. II. I ! . Su ete, Introduction to the Old Testament in Greek, Cambridge, 1902, p. 201 si|. Saint Cyrille de Jérusalem, saint Épiphane, saint Grégoire de Nazianze, saint Amphiloque, saint Jean Damascène, voir Swete, "/<. cit., p. 204, 205, 208, te rangent parmi les cinq imjcipo ! (3tëXoi, « livres poétiques ». l’seudo-Chrysostome, Synopsis, Swete, iqi. cit., p. 205, le catégorise to avi.po-jXeuTixôv, « exbortatoire », avec Prov., Eccli., et Canl. Il forme aussi avec Prov. et Cant. le groupe des zçtît Sovou.wvTi’at : Grégoire de Nazianze, Amphiloque, Jean Damascène, 85" canon des apôtres. Swete, p. 205, 209.

Bible latine : Ecclesiastes (Codex claromontanus : JEclesiastes). Désigné, dans la liturgie, sous le titre de Liber sapientise concurremment avec Prov., Cant., Sa p.. Eccli., et formant groupe avec eux dans un grand nombre de bibles manuscrites de tous les types. Une fois, ms. Bibl. Nat. 11929, curieusement rejeté seul, le groupe habituel étant disjoint et ses éléments dispersés, tout à la fin d’une série (Par., Prophètes, Job) reportée elle-même à la suite des écrits du Nouveau Testament. s. Berger, Histoire de la Vulgate, Paris, 1893, p. 334, n. 71. Les listes des livres bibliques le rangent aussi parmi les écrits salomonicns, soit sous la formule Salnmonis (libri) ZZI (Prov., Eccl., Cant.) : Bufin, S. Augustin, Décret de Gélase, S. Isidore, cf. Suite, op. cit., p. 210, 211, 212 ; soit sous la formule Saloniottis libri V (avec Sap. et Eccli.) : concile de Carlhage, Innocent I er, Cassiodore, cf. Swete, p. 211, 214.
I. Texte et versions.
II. Canonicité.
III. Composition. Unité d’auteur.
IV. Auteur et date.
V. Interprétation.
VI. Enseignements doctrinaux et moraux.
VII. Commentateurs.

I. Texte et versions.

I. TEXTE.

Il est finalement admis par les auteurs critiques que l’hébreu de l’Ecclésiaste est de basse époque, classique encore pour la majeure partie du vocabulaire, mais lâche et embarrassé quant à la syntaxe, avec un mélange très accusé de mots aramaisants ou d’usage courant dans l’hébreu mischnique et talmudique. La question est encore agitée entre les hébraïsants de savoir s’il faut ou non reconnaître dans le langage de Qôltelet la présence de quelques grécismes.

Voir G. Zirkel, Untersuchungen ïtber den Prediger, Wurzbourg, 1792, résumé par Eichhorn dans Allgetneine Bibliothek, 1792, t. iv, etparT. K. Cheyne, dans Job and Solomon, Londres, 1887, p. 260 sq. ; E. Bohl, Dissertationes de aramaismis libri Kohelet, Erlangen, 1860 ; E. Renan, L’Ecclésiaste, Paris, 1882,

p. 51 sq. ; Cheyne, op. cit., p. 256 sq. et 262 ; G. Gietmnnn, Commentarivs in Ecclesiasten, Paris, 1890, p. 23 sq. ; G. H. II. Wright, The Book 0/ Koheleth, Londres, 1883 et 1893, p. 121 et 488 sq. ; S. Driver, An Introduction to the titerature of the OUI Testament, Edimbourg, 1897, p. 473 sq. ; P. C. Siegfried, Preiiiger… Grrttingue, 1898, p. 13 sq. ; D. G. Wildeboer, Die fûnf Mendiât, Tubingue, 1898, p. 114 ; A. H. MacNeile, An Introiliirtinn tu l’.rclesiastes, Cambridge, 1904, p. 39 sq.

Le texte massorétique de nos bibles contiendrait beaucoup de fautes de copiste « commises dans l’alphabet hébreu moderne » ou « carré ». E. Renan, L’Ecclésiaste, Paris, 1882, p. 53 ; corrections proposées, p. 151 sq. Cf. aussi S. Euringer, Der Massorafi-text <li’s Koheleth kritisch untersuchl, Leipzig, 1890 ; Mac Neile, Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904, p. 56-9’*, passim.

Éditions critiques : S. Bær, Quinque Yolumina, Leipzig,

1886, p. 20-31 : notes de la Massore, p. 60-70 ; S. R. Driver,

Ecclesiastes, Leipzig, 1906, à part et dans Biblia hebraica, édit.

H. Kittcl, Leipzig, 1905-1906, p. 1136-1147, apparat critique au

bas des pages.

Selon V. Zapletal, Die Metrik des Bûches Kohelet, Fribourg (Suisse), 1904, et Das Buch Roitelet, 1905, p. liS sq., le livre de l’Ecclésiaste serait tout entier rédigé en vers groupés en distiques et en tristiques ; seules, quelques locutions proverbiales incorporées à l’ouvrage y seraient rapportées sans avoir subi les modifications nécessitées par la mesure.

Avant Zapletal : H. Grimme, Abriss der biblisch-hebriiischen Metrik, dans Zcitschrift der deutschen moryenlàndischen Gesellschaft, 1897, p. 689 ; Sievers, Sttidien zur liebraischen Metrik, Leipzig, 1901, p. 562 sq.

/L versions. — 1° Versions immédiates. — 1. Version des Septante. — Le texte grec de l’Ecclésiaste, tel qu’il se présente dans nos Bibles, représente-t-il en réalité une version alexandrine de ce livre, (version attestée par Origène (5e colonne des Hexaples), saint Jérôme, Comm. in Eccle., prmf., P. L., t. xxiii, col. 935 sq., et la version syro-hexaplaire, exécutée à une date qui « ne doit pas être de beaucoup antérieure au commencement de l’ère chrétienne, » ou qui peut même « être moins ancienne, » A. Loisy, Histoire critique du texte et îles versions de l’Ancien Testament, Paris, 1892-1893, p. 22 ; cf. aussi H. B. Swete, Introduction to the <>ld Testament in Greek, p. 25 sq., et corrigée, par la suite, principalement d’après la version d’Aquila, A. Dillmann, Uber die griechischen Ubersetzung des Qolielet, dans Sitzungsberichte der kôniglick-preussischen Akademie der Wissenschaften zu Beilin, 1892, t. i, p. 3 sq., et E. Klostermann, Delibri Cohelet versione alexandrina, Kiel, 1892, p. 37 sq. ? Ou bien les fragments de la version d’Aquila qui nous ont été conservés par Origène n’étant, comme le pensait déjà Mon t faucon, Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Prseliminaria, Paris, 1713, p. 48, qu’une « seconde édition » (cf. S. Jérôme, In Ezech., ni, 15, P. L., t. xxv, col. 39), le texte grec actuel de l’Ecclésiaste ne serait-il pas plutôt un représentant de la première édition même de la traduction exécutée par le célèbre disciple d’Akiba ? Cette hypothèse soutenue par Grætz, Kohelet oder der Salomonische Prediger, Leipzig et Heidelberg, 1871, p. 179 sq. ; Salzberger, Monatschrift de Grætz, 1873, p. K18 sq. (le texte réel d’Aquila ne serait pas la 3e colonne des Hexaples, mais le texte de nos bibles) ; Leimdor fer, Kohelet im Lichte der Geschichte, Hambourg, 1892, et E. Kônig, Einleitung in dus Mie Testament, Bonn, 1893, p. 427 sq., hypothèse qui semblait rejetée définitivement par les critiques, a été reprise et fortement défendue, appuyée sur une comparaison détaillée du texte réputé celui des Septante et de celui des fragments d’Aquila, par Mac Neile, An Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904, p. 115 sq. Le texte de l’Ecclésiaste,

dans les manuscrits des Septante, présentant de grandes ressemblances avec celui des fragments d’Aquila, les rapports de ce texte avec le texte hébreu massorétique seraient les suivants : a) beaucoup de variantes du grec impliquent un texte hébreu antérieur à la recension d’Akiba (celle de nos bibles hébraïques, celle que traduisit Aquila), p. 138 sq. ; b) d’autres, peu nombreuses, trahissent des altérations opérées dans la dite recension postérieurement au temps d’Origène, voire de saint Jérôme, p. 153 sq. ; c) un grand nombre de variantes du grec sont dues enfin à des altérations du grec lui-même causées soit par l’influence de la recension hexaplaire, soit par des méprises de copistes, p. 156 sq. Mac Neile « croit que pour sa première édition Aquila lit usage d’un texte hébreu pré-akibain. » Que si l’on veut, avec Dillmann, faire fond du témoignage d’Origène d’une version alexandrine du livre de l’Ecclésiaste, le texte actuel, alors, celui même qu’Origène aurait cru « des Septante », ou bien fut la « première édition » d’Aquila, ou bien fut en réalité une revision, d’après Aquila représenté par les fragments, d’une version alexandrine des Septante. Dans le premier cas, cette première édition d’Aquila aurait eu le temps (un siècle) de prendre place dans la Bible alexandrine, en l’absence de toute autre version grecque, pour être ainsi crue « des Septante » par Origène. flans l’autre cas, le texte primitif (non revisé) des Septante, qui doit alors avoir existé quelque temps encore après Aquila, pourrait avoir survécu au temps d’Origène lui-même, et l’unique solution possible du problème de l’origine de notre texte serait qu’il est une retranscription orir/cniste, influencée par le texte d’Aquila, du texte primitif. Or, non seulement notre texte diffère, dans un grand nombre de passages, des fragments d’Aquila, mais pour quarante pour cent environ des leçons où il diffère du texte massorétique, il diffère aussi de la version syro-hexaplaire exécutée sur le texte d’Origène. Trop différent des fragments d’Aquila, d’une part, et, de l’autre, trop différent aussi du texte origéniste, mais parent tout de même de la version d’Aquila par sa liftéralité tout à fait caractéristique, il resle donc un représentant de la première édition d’Aquila, p. 134.

Sur la version des LXX, voir aussi : E. Renan, p. 54 sq. ; Wright, p. 50 sq. ; Gietmann, p. 53 sq. ; Wildeboer, p. 119 sq. ; Siegfried, p. 24 sq. ; Zapletal, p. 41 sq. ; Cheyne, p. 276 sq.

2. Versions d’Aquila, Théodotion et Symniaque. — Ouelques fragments. Voir Field, Urigeuis Hexaplorum i/me supersunt, Oxford, 1875, t. ii p. 380—’il ».").

3. Targum palestinien des cinq Megilloth. Celui de l’Ecclésiaste renferme des fables rabbiniques aussi bien que celui des autres Megilloth, sauf Ruth. A. Loisy, op. cit., p. 199 sq.

Édition : Première Bible rabbinique de Romberg, 1518. Reproduite pur l’. de Lagarde dans Hagiographa chaldaice, 1873. i linsburg l’a traduit enanglais, Cuhelelh, Londres, 1861, p.503sq.

4. Version syriaque.

Dans la Bible Peschito. Cf. Middeldorpp, Symboles exegelico-criticx ad librum Ecclesiastis, 1811, et E. Janichs, Animadversiones critiese, 1871. Son texte a subi de nombreuses altérations intentionnelles qui le rapprocheni de celai dit des Septante. Cf. W. Wright, art. Syriac literature, dans Encyclapedia britannica. Influences hagadiques signalées par Ginsburg, np. cit., p. 496 sq.

5. Vulgate latine.

Voir Gietmann, Commentarius in Ecclesiasten, Paris, 1890, p. 50 sq. Saint Jérôme avait exécuté auparavant de licbrxo une version de l’Ecclésiaste, base de son commentaire de ce livre, « en inclinant vers les LXX là seulement où ils ne s’écartent pas beaucoup de l’hébreu », et « en tenant compte aussi quelquefois d’Aquila, Symmaque et Théodotion ». Comm. in Eccle., prsef. ad Paulam et, Eustochium, P. L., t. xxiii, col. 1061. Bossuet a repro

duit cette première version hiéronj mienne parallèlement à la « version vulgate », dans son Liber Ecclesiastes, Œuvres complètes, Bar-le-Duc, 1877, t. i.p. 159 sq.

Versions dérivées.

1. A mienne lutine : — «) primitive, exécutée sur les Septante. Un fragment seul, du VIIIe siècle, en a été publié par S. Berger, dans Notices et extraits des manuscrits, t. xxxiv b, p. 1 ; J7 sq. ; cf. Hastings, A Dictionary of the Bible, Edimbourg, 1900, t. iii, p. 51 ; — b) revisée par saint Jérôme d’aprè le texte grec hexaplaire et selon la manière critique d’Origène, Prsef. in libms Salomonis, P. L., t. xxviii, col. 1243 : le texte de cette revision ne nous est pas parvenu.

2. Autres versions.

Syro-hexaplaire. Édit., Middeldorpp, Pi’iv., Job, Cant., Threni, Ecclesiastes, e codice mediolanensi, Berlin, 1885. — Arabe, Polyglottes de Paris, 1615, et de Londres, 1652. — Arménienne, Amsterdam, 1666 ; Conslantinople, 1705 ; Venise, .1. Zohraii, 1805 ; Pères Méchitaristes, 1859-1860. — Coptes. Il ne nous est connu que la saliidique, c. i-ix, 3, et x, 3— xii, 14 (collection Borgia), publiée par A. Ciasca, Sacror. Biblior. fragmenta copto-sahidica Museei Borgiani, Borne, 1889, t. n ; c. xii, 12-14 (collection tie la Bibliotbèque nationale), publié par G. Maspero, Fragments de l’Ancien Testament, dans les Mémoires de la mission archéologique du Caire, Paris, 1892, t. VI. Cf. Hyvernat, Étude sur les version* coptes de la Bible, dans la Revue biblique, Paris, 1896, t. v, p. 550, 557 ; 1897, t. vi, p. 58, 61. — Élbiopienne, Eccle. non publié. — Géorgienne, Moscou, 1743 ; SaintPétersbourg, 1816. — Slavonne, Eccle. sur le grec de la recension de Lucien (selon De Lagarde). Cf. H. B. Swete, Introduction, p. 121.

II. CANONICITÉ.

L CHEZ LES JUIFS. — I" Avant l’ère chrétienne. — — Si l’on en croit le traité post-lalmudique, Aboth, ci, de R. Nathan, certaines difficultés auraient surgi « au commencement » touchant les Proverbes, le Cantique et Qôliclet. Ces livres auraient été pour un temps « cachés », c’est-à-dire détournés de la lecture publique, jusqu’à ce que vinrent les membres de la Grande Synagogue qui les interprétèrent. Ce fait prouverai ! Sa canonicité du livre à peu près dès l’origine ; et aussi bien le récit de R. Nathan doit-il correspondre à quelque réalité historique pour le temps des « hommes de la Grande Synagogue » — — comme il dit — car à une époque très voisine de celle-là, au I er siècle de notre ère, on agitait encore couramment dans les écoles rabbiniques des questions analogues et au sujet des mêmes livres. — Cf. L. Wogue, Histoire de la Bible et’te l’exégèse biblique jusqu’à nos jours, Paris, 1881. p. 56. Aucun autre témoignage direct, si ce n’est quelques récits du Talmud, dont l’historicité demeure naturellement sujette à caution, ne nous affirme la car nicité du livre de l’EccIésiasti pou’es temps qui précèdent immédiatement l’ère chrétienne. Cf. L. Wogue, op. cit., p. 56, 65-67. L’auleur du livre de l’Ecclé : iastique et celui du livre de la Sagesse connaissent bien et utilisent, le premier vers l’an 180, le second vers l’an 130 avant Jésus-Christ, le livre du Qôhélet (listes de passages, dans Wright, op. cit., p. 41 sq. ; Mac Neile, op. cit., p. 34, 38 sq. ; Casser, Die Bedeutung der Sprûche Jesu Ben Sira fur die Datieruna des althebrâischen Spruchbuches, Guterslob, 1904, p. 235 sq.) ; mais ils nous attestent par là son existence seulement, non son caractère canonique. M. N. Pelers croit, au contraire, que l’Ecclésiasle dépend de l’Ecclésiastique, et c’est pourquoi il reporte la date de sa publication après 145 (date de l’Ecclésiastique). Ekklesiastes und Ekklesiastikus, dans Biblisc/ie Zeitschrift, 1903, p. 47-54, 129-150. On a pu trouver même que le livre de la Sagesse, loin de tenir l’Ecclésiaste pour sacré, paraît plutôt le combattre dans certaines de ses conclusions touchant la jouissance de la

vie (passages, dans Plumptre, Ecclesiasles, Cambridge’1881, p. 71 sq. ; Wright, p. 67 sq.). Les récits du Talinud nous apprennent seulement aussi que leurs compilateurs acceptaient comme une authentique tradition les citations à titre d’Écriture de Eccle., iiv 12 ; x, 20 ; i, 9, censées faites par Simon ben Schetacb, au ie siècle avant notre ère, Talmud de Jérusalem, traité Berakoth, iiv 2, trad. Schwab, Paris, 1881, p. 131, par Baba ben Butha, sous Hérode le Grand, Baba Bal lira, 4 a, et par Gamaliel, au 1 er siècle de notre ère, Schabbath, 30 b. Cf. Wright, p. 19 sq. ; Mac Neile. p. 4. La valeur de cette tradition reste douteuse. Il est grandement probable cependant que l’Ecclésiaste avec tous les Kctoiibim avait été l’objet, de la part de la communauté juive, non sans doute d’une décision canonique, mais d’une sorte d’acceptation tacite équivalente en fait à une reconnaissance officielle, pour le commencement du I er siècle de notre ère. Cette probabilité semble résulter de ce que certains écrits du Nouveau Testament paraissent considérer le recueil des « Écritures » anciennes comme tout à fait clos. Voir col. 2003. De plus, ainsi que le remarque Ryle, The Canon of the Old Testament, Londres, 1892, p. 174 sq., on ne conçoit guère qu’un livre nouveau — l’Ecclésiaste — ait pu être introduit dans les limites du canon juif durant le siècle où llorissaient les écoles rivales d’Hillel et de Scbammaï ; les docteurs qui se faisaient gloire ic d’établir une haie autour de la Loi » n’étaient pas hommes à souffrir cette intrusion, sans soulever de plus véhémentes discussions que celles où fut intéressé l’Ecclésiaste avec d’autres livres, et dont le Talmud encore nous a gardé le souvenir.

Depuis l’ère chrétienne.

Aussi bien, ces discussions qui se poursuivirent entre docteurs jusqu’au il— siècle n’eurent-elles d’autreobjet que la question du maintien dans le canon du livre de l’Ecclésiaste et aussi de quelques autres. Ces livres avaient-ils été admis à bon escient’.’Ou ne renfermaient-ils pas plutôt i|iielques traits qui dussent justifier leur exclusion éventuelle du recueil tacitement constitué’’.’On reprochait au Qôhélet de se contredire lui-même : n, 2 et iiv 3 ; ii 2 (vin, I5)etiv, 2, Schabbath, 30 c, ou de contredire d’autres livres canoniques : xi, 9, contre Num., xv, 39, Midrasch Coheleth, c. ix ; de favoriser l’hérésie : i, 3 un, 9) contre la croyance à une autre vie, Schabbath, 30 b ; de n’être ainsi qu’un « produit delà propre sagesse de Salomon » et non le fruit de l’inspiration de l’Esprit— Saint. Megillah, 7 a ; Eduyoth, v, 3. Vers l’an 65 de Jésus-Christ, l’école de Scbammaï se trouvant avoir la majorité au Sanhédrin faillit obtenir l’exclusion. La question fut agitée de nouveau vers l’an 90, àJamnia (ou Jabné), dans un premier s ode. Elle fut résolue enfin en faveur du maintien dans un second synode tenu au même lieu en l’an 118. Ce qui décida les docteurs, ce fut que tout le livre parut garanti par « le commencement (i, 3) et la fin (xii, 13-14), qui se composent de mots tirés de la Loi. » Schabbath, 30 a b. Il fut arrêté définitivement que le Qôhélet « souillait les mains, » c’est-à-dire que, ce livre tenu pour « sacré’ », quiconque l’avait touché pour la lecture devait se purifier les mains devenues impures par ce contact. Cf. Schabbath, 14 a. Le souvenir des discussions touchant la canonicité du Qôhélet était encore vivant à l’époque d’Adrien, voire vers l’an 200 et au temps de saint Jérôme. Yailaïm, tu, 5 ; S. Jérôme, Com.in Ecclesiasten, P. L., t. xxiii, col. 1172. Désormais, ce livre est toujours cité comme Ecriture par les rabbins. Cf. les passages talmudiques : Berakoth, 16 b ; Schabbath, 151 b ; Pesakhîm, 53 b ; Khagigah, 15 a ; Yebamôth, 21 a ; Kethoubôth., 11 b ; Nedarîm, 15 a ; Kiddouschin, 30 a, 36 b, 40 a ; Baba Bathra, 14 a ; Sanhédrin, 101 a ; Schebouôth, 39 b ; Abudah Zarah, 27 b ; Zabakhim, 115 b ; Menakhôth, 110 a.

Sur l’Eccléalaste et le canon juif palestinien, voir Ginsburg, Coheleth, Londres, 1861, p. 9 sq. ; Grætz, Kohelet, Leipzig. 1871, p. 147 sq. ; Blocb, Ursprung und Entstehungszeil des Bûches Kohelet, Bamberg, 1872 : Studien zur Gescldchte der Sammlung der althebràùschen Literatur, Leipzig, 1875 ; Nowack, Die Sprùche Salomos und der Prediger Salomo, Leipzig. 1883, p. 206 sq. ; G. H. H. Wright, op. cit., p. Il sq., 465, 471 sq. ; Schiffer, Das Buch Kohelet, nach der Auffassung der Weisen des Talmud und Midrasch, Leipzig, 1884, p. 99 sq. ; Cheyne, op. cit., p. 279 sq. ; Euringer, Der Massorahtext des Kohelet hritisch untersucht, Leipzig, 1890, Anhctng, p. 5 sq. ; Wildeboer, De la formation du canon de l’Ancien Testament (trad. du hollandais), Lausanne et Paris, 1902, p. 45 sq. ; iMac Neile, op. cit., p. 3 sq^tZapleUil, op. cit., p. K6 sq.

; L i in/ les CHRÉTIENS. — 1° L’/ie : les écrivains du

Nouveau Testament. — On ne croit pas généralement que le livre de l’Ecclésiaste ait été cité verbalement par les auteurs des livres du Nouveau Testament. Saint Paul en a pourtant introduit dans deux de ses Épîtres quelques réminiscences caractéristiques : cf. Rom., iivi 20, et Eccle., i, 2 ; iii, 10, et Kccle., iiv 20 ; II Cor., v, 10 (cf. Rom., ii, 16 ; ix, 11 ; xiv, 10), et Eccle., XII, 14 ; et on doit remarquer ici que Rom., iii, 10, citant expressément l’Écriture, Ps. xiii, 1-3 (cf. LUI, 2-1), amorce la citation précisément par les mots à l’aide desquels Eccle., VII, 20, exprime, mais plus brièvement, la même pensée. Mais ce détail ne suffit pas, l’esprit de l’auteur de l’Épitre s’étant porté directement sur le psaume, à établir que saint Paul avait foi en la canonicité de notre livre. On ne peut conclure non plus de passages parallèles tels que Mattli., vi, 7, 9, et Eccle., v, 1 ; VI, 11, et Eccle., v, 17 ; Luc, xvi, 9, et Kccle., xi, 2 ; Rom., IX, 16, et Kccle., ix, 11 ; Joa., IX, 4, et Kccle., ix, 10, etc. ; cf. Volck, Der Prediger Salomo, Nordlingen, 1880, p. 110 sq., la concordance verbale y faisant entièrement défaut. On pourrait conclure néanmoins d’autres passages néo-testamentaires que les écrivains aposloliques tenaient pour tout à fait clos le canon des Eci itures anciennes dont le corps aurait alors renfermé l’Ecclésiaste. Ces passages bien connus sont les suivants : Mattb., xxii, 29 ; Joa., x, 35 ; xix, 36 ; xx, 9 ; Act., iixvi 24 ; Rom., i, 2 ; II Tim., iii, 15 sq. ; II Pet., I, 20 ; les expressions f| Ypaçrj, al ypoepai, et autres semblables paraissent, en effet, désigner un groupe d’écrits sacrés bien constitué et délimité. Le texte de Matth., xxiii, 35 (cf. Luc, xi, 51), où Notre-Seigneur parlant du sang d’Abel, Gen., iv, 10, et de celui de Zacbarie, II Par., xxiv, 21, semble faire allusion à tout le groupe des livres du canon juif palestinien défini par la mention de faits racontés dans le premier et le dernier de ces livres ainsi groupés, cause la même impression. Tous les Kefoûbim, dont Qôhélef, auraient donc été généralement reconnus comme saints et sacrés pour le I er siècle de notre ère.

A partir du iv siècle jusqu’à nos jours.

Dans la suite, le livre de l’Ecclésiaste a toujours été reconnu par les chrétiens comme canonique, bien qu’au commencement, dans les écrits des Pères apostoliques, par exemple, il ait été fort peu utilisé. Cf. pourtant Ilermas, Mmid., iiv 1 ; Sim., v, 3, 2 ; iivi 3, 8 ; 7, 6(Kccle., xii, 13) ; Kunk, Die apostolischen Vider, Tubingue, 1906, p. 173, 192 sq. Dès la fin du If siècle, il est commenté à titre de livre sacré. Voir plus loin les commentateurs. Seul dans l’antiquité, Théodore de Mopsueste l’a rejeté comme non prophétique ; il prétendait que Salomon n’avait eu pour l’écrire que l’esprit de sagesse, c’est-à-dire un degré inférieur de l’inspiration, et cette opinion fut condamnée par le concile de Constanlinople, V’— œcuménique. Cf. Mansi, Concil., t.ix, col. 223 ; II. Kihn, TheodorvonMopsuestia und Junilius Africanus >ds Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 77-79. Au XIIIe siècle, le patriarche jacobite Barhébræus a mis aussi en doute, quoique indirectement, la canonicité de l’Ecclésiaste en attribuant à son auteur la néga tion de l’immortalité de l’âme et de la résurrection future. Cornely, Introductio, t. ii, 2, p. 178. De même ne peut-il être question de reconnaître à l’Ecclésiaste inspiration et canonicité pour les interprètes protestants ou critiques qui l’accusent de pessimisme (manichéisme), de déterminisme, de matérialisme, de scepticisme, et d’épicuréisme. Voir plus loin.

III. Composition. Unité d’auteur. — Le livre de l’Ecclésiaste frappe immédiatement l’esprit du lecteur par un décousu et un manque de logique à tout le moins des plus apparents ; d’où la question s’est posée finalement de l’unité de sa composition ou de la pluralité de ses auteurs ou rédacteurs successifs. Saint Grégoire le Grand pensait déjà la résoudre en supposant que l’Ecclésiaste ou bien cilait dans son livre les pensées d’autrui, ou bien les rapportait comme des sujets de tentation qu’il repoussait ensuite. D’ud., 1. IV. c iv, P. L., t. lxxvii, col. 321 sq. Un Juif du xvie siècle, Baruch Ibn Baruch, voyait dans ce livre un dialogue entre l’imagination avec ses doutes et la raison divine qui mène à la foi. Dans D. Leindorfer, Uie Losung lies Koheletrâtsels durch dm Philosophen Baruch Ibu Baruch, Berlin, 1900, p. 11. L’opinion de Grégoire le Grand s’exagéra dans celles de Grotius, lu Eccle.. i, 1, Opéra theologica, Amsterdam, 1679, t. i, p. 258, qui trouve « rédigées » dans l’Ecclésiaste « diverses opinions des sages touchant le bonheur ; » de Nachtigall, Das Bach Kohelelh, Halle, 1798, qui y découvre huit ou neuf collections de poèmes, de sentences, d’énigmes, etc. ; de Stàudlin, Geschichte der Sittenlehre Jesu, i (cf. Zôckler, Das Hohelied und der Prédiger, Bielefeld, 1868, p. 110), qui fait du livre un conglomérat de divers fragments salomonicns. L’hypothèse d’un dialogue entre personnages divers, orthodoxe contre inorthodoxe, a réuni les suffrages de Herder, Briefe uber das Studium der Théologie, Werke, Tubingue, 1805 sq., t. i, p. 200 ; d’Eichhorn, Einleitung in das A. Test., Leipzig, 1783, t. III, p. 648 sq. ; de Bergst, Der Prediger Salonw’s, Hambourg, 1799. Cf. aussi Rosenmiiller, Scholia in Eccle., p. 12 sq., et Schenkel, Bibellexicon, 1871, t. iii, p. 554. D’autres

auteurs ont expliqué par des interpolations les dissidences d’opinions ; ainsi Palm (1784), Dôderlein (1784), Umbreit (1818), Knobel (1836). Cf. Zôckler, op. cit.,’p. 111. G. Bickell, Der Prediger uber den Wert des Daseins, Inspruck, 1884, suppose que le défaut de logique provient d’un accident souiïert par un manuscrit, par celui même d’où dérive la recension du texte hébreu que nous possédons ; les feuillets de ce manuscrit auraient été inlervertis, d’où l’ordre actuel est fautif. Bickell réarrange habilement le texte sur un plan qu’il pense être l’ordre primitif. Voir aussi, du même auteur, Ka/telels Vntersuchung uber dru Wert des Daseins, Inspruck, 1886, et Zeitschrift fur katholische Théologie, Inspruck, 1886, p. 554 sq. Cette solution de Bickell n’a guère été acceptée que par Dillon, The Sceptics ofthe Old Testament, Londres, 1895, p. 87 sq., 241 sq. P. Ilaupt, Tlw Book of Ecclesiastes, Philadelphie, 1894 ; Kohelelh oder Wellsclnner : in der Bibel, Leipzig, 1905, pense que l’écrit original fut volontairement bouleversé et gâté de gloses multiples ; il le réarrange aussi. On a opposé au système de Bickell que les Septante offrant déjà eux-mêmes le texte dans l’ordre massorétique, il faudrait admettre, contrairement à toute vraisemblance historique, que le livre hébreu avait à cette époque des Septante ou à l’époque antérieure délaissé la forme de rouleau pour prendre celle de codex à feuillets transposables ; de plus, le nombre des transpositions, additions et altérations que nécessite le mode de reconstruction est tel, et cette reconstruction oblige à de telles violences à l’égard du texte que le système en est rendu tout à fait improbable. Cf. Mac Neile, p. 28 sq. ; Zapletal, p. 16 sq.. et les réfé 2005

ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L')

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rences bibliographiques. Si elle échappe à ces critiques, la théorie de P. Ilaupt reste à être prouvée pour elle-même ; et il faut considérer que nulle reconstruction — et le nombre des reconstructions possibles es' presque inlini — ne doit prétendre à la certitude d’avoir reslauré le texte primitif. C’est pourquoi l’on est revenu à suspecter d’interpolation certains passages non en grande harmonie avec la teneur générale du livre : m, 17 ; viii, 10, 12, 13 ; xi, 96 ; XII, 1 a, 7 6 ; l'épilogue XII, 9-14, ou tout au moins 13, 14. Pour l'épilogue — après Krochmal, Fûrst, Grætz, Bloch et Renan, cf. Wright, p. 96 sq. ; Cheyne, Job and Salomon, p. 234, pour les autres passages, Cheyne, op. cit., p. 211, 232 sq.. 238 sq., réfuté par Driver, Introduction, Edimbourg, 1897, p. 477 ; Peake, ait. Ecclesiastes, dans llastings, Dictionary of the Bible, et Davidson, art. Ecclesiastes, dans Encijclopœdia biblica.Cî. Mac Neile, p. 29 sq.

Si quelques-unes de ces hypothèses ne sauvegardaient pas entièrement l’intégrité du livre de l’Ecclésiasle, toutes cependant supposaient l’unité de l’auteur ou étaient faites pour la défendre. Il en va autrement des vues de D. C. Siegfried, Prediger und noheslied, Oœttingue, 1898, reprises avec quelques modifications par Mac Neile, <ip. cil. Il s’agit toujours d’interpolations ; mais ces interpolations ont une telle importance et se chillrentpar une telle somme de versets, que l’on peut parler ici de nouveaux rédacteurs ou compilateurs. On relève tant et de si radicales contradictions dans le livre, que celui-ci ne peut êlre tenu pour un dans sa composition : ni, 1-8, contredit ni, 11, 12, sur l’ordonnance divine de ce monde ; iii, 16 ; iv, 1, en nient le caractère moral contre ni, 17 ; v, 7 ; iivi 11, qui aflirment le jugement de Dieu ; ni, 18-21, et xii, 7-8, s’opposent touchant la destinée Gnale de l’homme ; iiv 15 ; vin, 10, 12a, 14, et iiv 17 ; iivi 5, 12 b, 13, diffèrent du tout au tout quant au sort des bons et des méchants ; vu, 2, et v, 17 ; IX, 7-10, prescrivent à l’homme des attitudes tout opposées devant la mort ; de même xi, 9 «, et xi, 9 b, eu égard à ses désirs ; i, 2-10 ; ii, 17, 20 ; m, 9, enseignent le doute, le scepticisme contre ni, 22 ; v, 18, 19 ; la façon de concevoir la sagesse de i, 17 ; n, 15, 16, ne peut cadrer avec celle de ii, 13, 14 ; VII, 11, 12, 19 ; iivi 1 b : ix, 13-18 ; x, 2, 12. Siegfried, op. cit., p. 3 sq. La conclusion s’impose : plusieurs mains ont concouru à l’ouvrage. La première fut celle de l’Ecclésiaste lui-même, un philosophe pessimiste pour qui « tout est vanité » et qui développe ce thème dans I, 3II, 12, 14 6-24 a ; iii, 1-10, 12, 15, 16, 18-21 ; iv, 1-4, 6-8 ; v, 9, 10, 12-16 : le tout siglé Q 1. L’n premier interpolateur, Q-, sadducéen sectateur d'Épicure, oppose d’abord à cette philosophie celle de la jouissance et du plaisir : ni, 22 ; v, 17-19 ; iiv 14, 16 ; viii, 15 ; iiv 4, 7, 10-12 ; x, 19 ; xi, 7, 8a, 9a, 10 ; xii, 1 b-1 a. Siegfried, p. 5 sq. Krætzschmar, Theologische Literaturzeitung, septembre 1900, a contesté cette analyse, et Mac Neile, p. 30, altribue simplement ces passages au premier auteur comme conséquence naturelle de ses griefs contre la vie. Cependant un second inlerpolateur, un « sage », haham, Q 3, vante, à rencontre de l’Ecclésiasle, la sagesse : ii 13, 14a ; iv, 5 ; vi, 8, 9 a ; iiv 11, 12, 19 ; iivi 1 ; ix, 13-18 ; x, 1-3, 12-15. Siegfried, p. 11. Mac Neile ote néanmoins à ce sage, pour encore les attribuer au premier auteur, ii 13-14 « ; vi, 8 ; ix, 13-18 : ils sont de son style, de sa philosophie. Un Juif pieux enlin, un hasid, Q v, redresse de son optimisme les opinions de l’Ecclésiaste touchant le gouvernement du monde, la justice divine, la destinée humaine : ii 246-26 « ; ni, 11, 13, 14, 17 ; iv, 17-v, 1, 3-5, 66, 7 ; VI, 10-12 ; vil, 13,

17, 23-25, 29 ; viii, 2-8, 11-13 ; ix, l ; xi.5, 96 ; xii, la, 7 6. Siegfried, p. Il sq. ; Mac Neile, p. 24 sq. Siegfried sigle Q> d’autres interpolateurs de maximes et proverbes isolés : iv, 9-12 ; v, 2, 6, 8, 11 ; iiv 1 «, 5, 6 «, 7-10,

18, 20-22 ; x, 4, 8-11, 16-18, 20 ; xi, 1-4, 6. Mac Neile

attribuerait plus volontiers ces passages au hasid. i, 1, et xii, 8, seraient dus à l'éditeur du tout ; xii, 9-10 ; 1112 ; 13-14, constitueraient trois épilogues successivement ajoutés à l'édition. Siegfried, p. 12.

Cette hypothèse de la pluralité des auteurs serait la solution la plus simple des nombreuses difficultés du livre, si les contradictions qu’on relève en celui-ci n'étaient des contradictions prétendues. Zapletal, Bas Buch Kohelet, p. 35. On peut considérer le monde comme divinement ordonné, iii, 11 a, malgré les oppositions qu’il renferme et que l’homme, du reste, ne peut entièrement comprendre, ni, 1-S, 116 ; s’il y a des injustices dans le monde, ni, 16, etc., c’est que le jugement du juste juge est seulement retardé, ni, 17, etc. ; dans iii, 21, l’Ecclésiasle rejette simplement l’idée (unie sort de l’homme après la mort, quant au « soufilede Dieu retournantà Dieu qui l’a donné », xii, 7, soit difleV rent de celui de la bêle sous le même rapport, voir plus loin, col. 000 ; de même oppose-t-il simplement à la vieille idée de la rémunération du bien et du mal dès ce monde, VII, 17, etc., la constatation faite par lui de laits contraires à la théorie, iiv 15, etc. ; les levons de la mort, iiv 2, ne doivent pas empêcher de jouir des biens de la vie créés par Dieu, v, 17, etc. ; de même nissi l’homme peut-il céder à ses désirs, xi, 9 «, sous le bénéiiee du jugement de Dieu, xi, 96 ; il est également vrai que vains sont les efforts de l’homme pour s’affranchir des lois de la nature ordonnées par Dieu, I, 2-10, etc., et que pourtant le travail humain obtient sur la nature de réels succès, 111, 22, etc. ; c’est, au fond, l'éternel problème de la liberté, sur lequel l’Ecclésiaste ne se prononce pas ; parce qu’il est insoluble pour nous, la sagesse qui le veut néanmoins résoudre peut alors être taxée de vanité et de folie, i, 17, etc. ; cependant cette sagesse reconquiert tout son prix lorsqu’elle s’applique à l’action, iiv II, etc. Zapletal, p. 33 sq. Ce sont là diverses réflexions sur Dieu, l’autre vie, la rémunération finale qui ont leur expression dans d’autres livres de l’Ancien Testament, qui n’y sont point venues du reste à satisfaisante solution, et que l’Ecclésiaste émet à son tour sans beaucoup d’ordre, comme elles se sont présentées à son esprit. Zapletal, p. 22 sq., 32 sq., 35. L’unité d’auteur se confirme par la métrique du livre à laquelle il faut faire trop de violence pour appuyer l’hypothèse contraire. Cette même métrique permet cependant de relever nombre de courtes interpolations, amplifications, atténuations, explications, répétitions et omissions dues aux copistes et transcripteurs du livre. Zapletal, p. 39 sq.

IV. AUTEUR et date.

L’opinion traditionnelle a attribué et altribue encore à Salomon, lils de David, la composition du livre de l’Ecclésiaste. L’opinion critique la lui retire, au contraire, et en fait l'œuvre d’un auteur inconnu dont l'époque varie, suivant les diverses conclusions des critiques, du IXe siècle à l’an i avant notre ère.

L OPINION TRADITIONNELLE. — La première s’appuie naturellement de la croyance constante des traditions juive et chrétienne jusqu’aux temps modernes, et d’arguments tirés du livre lui-même. Des écrivains catholiques ont cependant contesté la solidité de ces appuis. — 1° On invoque : 1. la tradition juive, qui a son expression dans les commentaires des rabbis unanimes à attribuer le livre à Salomon, Motais, L’Ecclésiaste, Paris, 1877, p. 4 ; B. Schàfer, Z)as Buch Koheleth, Eribourg-en-Brisgau, 1870, p. 16 sq., et dans la liste talmudique des Livres saints, où l’Ecclésiaste trouva place parmi les écrits salomoniens entre les Proverbes et le Cantique, I ?a6a Bathra, 146, 15a ; 2. la tradition chrétienne, représentée par les œuvres des Pères et écrivains ecclésiastiques grecs et latins, qui s’accordent à regarder Salomon comme l’auteur du livre, bien qu’ils diffèrent sur le moment précis du règne de ce

monarque où l’Ecclésiaste aurait été composé, Motais, op. cit., p. Isq. ; Cornely, In troductio, t. ii, 2, p. 174 sq. ; 13. Schâfer, op. cit., p. 21 sq. ; 3. le témoignage du livre lui-même, soit : à) dans ses données : le litre du livre, i, 1 (Salomon visé certainement sous le nom de Qôhélef est le seul des « fils de David » qui ait été « roi dans Jérusalem ») ; les faits et gestes de Qôhélef concordant trop bien avec ce qui est rapporté de Salomon, III Reg., (éminente sagesse, i, 16 ; XII, 9, et III Reg., iii, 12 ; auteur de proverbes, xii, 10, et III Reg., iv, 32 ; plaisirs et richesses, ii 1-20, et III Reg., X ; expérience des femmes, iiv 27, et 111 Reg., xi, 1-10) ; le nom même de Qôhélef, « orateur » ou « collecteur », s’appliquant parfaitement à Salomon réunissant le peuple de Dieu et lui recommandant la fidélité, III Reg., VIII, 1, 2. 5, 55-61 ; Motais, Salomon et VEcclésiaste, Paris, 1876, t. H, p. 38 sq. ; — b) soit dans son langage : multiples coïncidences de style et de phraséologie enlre lui et les Proverbes et le Cantique attribués à Salomon. li. Schàfer, Neue Untersuchungen ïiber lias Buch Kohclelh, Fribourg-en-Rrisgau, 1870, p. 128 sq. ; Motais, L’Ecclésiaste, p. 42 sq. ; surtout Johnston, A Treatiseon thevutliors/iip of Ecclesiasles, Londres, 1880.

2° On objecte : 1. le caractère non scientifique de la tradition juive qui attribue arbitrairement tel livre à tel personnage fameux de l’antiquité hébraïque, parce qu’il est parlé de lui dans ce livre, et qui n’est, du reste, pas sûre d’elle-même, cf. Baba Bathra, iba, où l’F.cclésiaste est attribué non à Salomon, mais à Ezéchias et à son « académie » ; 2. la dépendance étroite de la tradition chrétienne à l’égard de la tradition juive, ce qui entraîne valeur égale ; 3. l’insuffisance des arguments tirés du contenu du livre : a) que Salomon soit désigné comme l’auteur dans le litre, qu’il soit même regardé comme parlant dans le corps de l’ouvrage, cela ne prouve nullement qu’il soit en réalité l’auteur : le livre de la Sagesse est aussi attribué à Salomon par son titre et ce monarque y tient aussi des discours, et pourtant la Sagesse n’est point l’œuvre de Salomon ; b) la ressemblance de style et de vocabulaire, de l’Ecclésiaste avec les Proverbes et le Cantique, n’a rien de frappant ni d’étendu, et, du reste, il est plus que douteux que ces deux derniers livres bibliques soient de la main de Salomon. Auteurs catholiques : Jahn, Einleitung in die gôttlichen Bûcher des Allen Bundes, Vienne, 1802, 1803, t. ii §214 ; Herbst, Historisch-kritische Einleitung in die heiligen Schriften des Allen Testaments, Carlsruhe, 1840-1844, t. ii, 2, §99 ; II. Reusch, Zur Frage ùber tien Verfasser des Koheleth, dans Theologische Quartalschrift, 1860, p. 430-469 ; Movers, dans Kirchenlexikon, de VVetLer Welte, t. iii, p. 330 ; Kaulen, ibid., 2e édit., t. iv, p. 96, et Einleitung in die heiligen Schriften, Fribourg-enRrisgau, 1890, p. 322 sq. ; Rickell, Der Prediger… ; Condamin, dans la Revue biblique internationale, t. ix, janvier, juillet 1900, etc. Cf. F. Gigot, Spécial Introduction to the sludy of the Old Testament, New— York, Cincinnati, Chicago, 1906, t. ii, p. 116 sq.

/L OPINION CRITIQUE. — L’opinion critique fut inaugurée par Hugo Grotius, Præf. in Ecclesiast. (1644), dans Critici sacri, Francfort, 1695, t. ii, col. 2055. Luther, dans ses Tischreden (Werke, Erlangen, t.i.xii, p. 128), avait refusé à Salomon la composition de l’Ecclésiaste, mais était revenu à l’opinion traditionnelle dans son commentaire latin, Ecclesiastes Salomonis, Wiltemberg, 1532. Ce n’est pourtant qu’au xix 1’siècle que savants protestants et catholiques reprirent en nombre et appuyèrent de nouveaux arguments la pensée de Grotius que l’Ecclésiaste n’avait été écrit que longtemps après Salomon. Ils trouvèrent toutefois de nombreux contradicteurs qui leur reprochèrent principalement les divergences extrêmes de leurs conclusions

quant à la date de la composition du livre. Voir dans Cornely, lutroduclio, t. ii, 2, p. 167 sq., les listes des auteurs et des dates choisies. Il est clair cependant que le désaccord des critiques sur la question positive de la date n’est nullement contradictoire au déni de composition fait à Salomon, question négative. On peut bien dire sans manquera la logique : tel ouvrage n’est pas le produit de tel auteur, en tel siècle ; mais quant à lui assigner une date précise dans le cours de tel ou tel autre siècle, il est difficile de s’entendre. Condamin, hic. cit., p. 363 ; Gigot, o)>. cit., p. 119.

1° Les arguments des critiques opposés à l’authenticité salomonienne sont les suivants : 1. Les données mêmes du livre concernant : a) le Qôhélet, que l’auteur fait parler, et l’auteur lui-même ; le Qôhélef, qui figure réellement Salomon, n’est plus roi dans Jérusalem, i, 1, 12 ( « J’ai été roi… » — sans abandonner l’authenticité salomonienne, la paraphrase chaldéenne, le midrasch Jalkouth, in loco, ïe Talmud, Gîtin, 68b, Raschi, Hugues de Saint-Victor, ont reconnu la force de ce parfait, textes dans Ginsburg, Coheleth, p. 2’t6), et il est parlé de lui, tout aussitôt après le titre, à la troisième personne, I, 2, « Vanité…, dit (a dit, disait) Qôhélef » ; cf. aussi xii, 8 ; quant à l’auteur du livre, il parle de lui-même dans l’épilogue comme d’un « sage » qui a voulu instruire ses contemporains en collectionnant à leur intention les « dires des sages » en Israël, ses précurseurs ou prédécesseurs, d’où impossibilité de le confondre avec Salomon, qui ne fut point précédé d’une série de « sages » et qu’on ne pouvait, du reste, représenter leur empruntant la matière de son propre livre, Ginsburg, p. 245sq. ; Wright, p. 100 sq. ; cf. Gigot, op. cit., p. 122 sq. ; b) concernant le milieu social où vit l’auteur : celui-ci se plaint, en effet, de trouver la méchanceté à la place de la justice, iii, 16, des opprimés que nul ne relève, iv, 1 sq., un pouvoir tyrannique et des juges corrompus, v, 8 ; iiv 7 ; viii, 2 sq., mal choisis, viii, 40 ; x, 5-7, la délation partout, x, 20 ; Salomon, ce qui ne peut être admis, eût ainsi fait la satire de son propre gouvernement et revendiqué de gaité de cœur la responsabilité personnelle du mal qu’il manquait alorsà redresser, Ginsburg, p. 248 sq. ; Wright, p. 122sq. ; Condamin, Inc. cit., p. 359 ; Gigot, p. 123 sq. ; c) concernant des traits de doctrine et de mœurs incompatibles avec l’époque salomonienne, ainsi, selon Zapletal, op. cit., p. 62 : l’immortalité de l’àme, iii, 21 ; xii, 7, l’usage pour les princes de monter les chevaux, x, 7.

2. Le caractère postexilien de la langue. Voirplus haut, col. 1998. « Si le texte actuel (de l’Ecclésiaste) n’est pas une transcription de l’ancien, en langue de forme postexilienne, c’est qu’il a été mis par un écrivain postexilien dans la bouche de Salomon comme du personnage le plus qualifié pour en recevoir le patronage. » Kaulen, Einleitung, p. 272. « Mais une semblable transcription serait unique et, pour le livre du Qôhélef, d’autant plus invraisemblable qu’elle aurait eu lieu en. langage mesuré… Il faut donc simplement adm< lire que le livre n’est pas l’œuvre de Salomon, mais de quelque écrivain postexilien… Ici et là, bien qu’il parle commeSalomon, l’auteur laisse à entendre qu’il n’est pas Salomon, mais qu’il use de fiction littéraire.., , tel l’auteurdu livre de la Sagesse, vii-ix… Le véritable Salomon, du reste, nous aurait appris de lui-même plus quele Qôhélet, dont les maximes salomoniennes se réfèrent aux livres des Rois. Le véritable Salomon nous aurait peut-être parlédu temple qu’il bâtit, des encouragements qu’il donna à l’idolâtrie et de la punition qui lui fut infligée à ce sujet. Le Salomon du Qôhélef n’esl pas un Salomon pénitent. L’Ancien Testament ne nous dit nulle part que ce roi fit pénitence de sa faute. C’esl seulement plus tard, quand cela parut être une lacune qu’il fallait combler, qu’on attribua le Qôhélef à Salomon et que ce livre fut donné pour la somme des.

réflexions d’un personnage voué à la pénitence. » Zapletal, op. cit., p. 63 sq.

2° Si des auteurs catholiques ont pu conclure ainsi à la non-authenticité salomonienne du livre de l’Ecclésiaste, en revanche nul auteur, traditionnel ou critique, n’a pu encore en déterminer la date //récise : « la connaissance que nous avons de l’histoire ne nous met pas à même d’interpréter avec assurance les allusions aux événements concrets qu’il paraît contenir (iv, 13-16 ; VI, 2 ( ?) ; iivi 10 ; îx, 13-16 ; x, 16 ; x, 17). » Driver, Introduction, p. 176. Cependant, 1. une date postexilienne est fort probahle qui ne serait pas antérieure, toutefois, aux derniers temps de la domination persane en Palestine, laquelle domination finit l’an 333 avant notre ère. Beaucoup faisant fond sur le milieu politicosocial supposé par les données du livre, voir plus haut, col. 2008, se sont arrêtés à ce déclin de l’époque perse marqué par les usurpations et la mauvaise administration des satrapes. Ewald, Ginsburg, Delitzsch, Cheyne, etc. — 2. Aujourd’hui l’époque grecque est tout à fait en faveur, et la date supposée approximative serait l’an 200. ou quelque peu auparavant. Ce n’est pas que quelques critiques n’aient descendu encore cette date ; ainsi Kuenen fait composer l’Ecclésiaste peu avant l’avènement d’Antiochus IV Épiphane (175-16’t) ; Winckler, au temps des Mâcha bées ; Renan, vers l’an 125, sous Jean Hyrcan ; Leindorfer et Konig, sous Alexandre Jannée (IOi-78) ; Grætz et Seinecke, au temps d’IIérode le Grand (38-4). Mais les allusions historiques du Qôhélet (îv, 13 sq., et x, 16 sq.), sur lesquelles ces critiques s’appuient principalement, sont ou illusoires, ou trop incertaines, et ne peuvent donc assurer nullement la date choisie. Cf. Driver, Introduction, p. 476 ; Siegfried, Prediger, p. 23 ; Strack, Einleiluug in dos Alte Testament, Munich, 1906, p. 155 ; Zapletal, p. 67 sq. Du reste, un terminus ad quem certain serait donné par le livre de la Sagesse (vers l’an 130), écrit, pense-t-on, dans le but de combattre certaines interprétations erronées qui se faisaient de l’Ecclésiaste. Cf. Sap., ii, 6-9, et Eccle., IX, 7-9 ; voir Zapletal, p. 66 sq. ; Gigot, p. 128. Et s’il est vrai que l’Ecclésiastique puisa quelques-unes de ses sentences dans le recueil du Qù/iélet, voir plus haut, col. 2001, la composition de ce dernier devrait mon’.er encore au-delà île l’an 180. Pour cette raison, M. N. Peters place la composition de l’Ecclésiaste entre 145 et 130. Biblische Zeitschrift, 1903, p. 1 49— 1 50. On s’arrêle aux environs de l’an 200 pour les raisons suivantes : a) « la physionomie de la langue du livre, qui pour le plus probable requiert une date plus basse que la période persane ; b) les passages, Eccle., iv, 17 ; v, 1, 2 ; iiv 16, 17 ; x, 57 ; xi, 1, qui s’entendent mieux si on les rapporte aux mœurs et aspirations des Juifs au commencement du II » siècle avant notre ère ; c) une influence générale et indirecte de la philosophie grecque, spécialement au regard des idées eschatologiques du Qôhélet, qui ne peut guère être niée et qui indique la même date relativement tardive. » Gigot, p. 128, d’après Peake, art. Ecclesiasles, dans Hastings, Dictionary of the Bible, p. 639 ; Condamin, loc. cit., p. 367 sq.

Y. Interprétation. — Peu de livres de l’Écriture ont donné lieu à une plus grande diversité d’interprétation que celui de l’Ecclésiaste. Il est impossible de rapporter ici toutes les vues relatives à son caractère, à sa signification, à son but, qui, depuis l’époque de sa composition, ont été émises par les exégètes et commentateurs juifs et chrétiens, par les théologiens moralistes et mystiques. On peut cependant, eu égard à une certaine et positive continuité de ressemblance entre quelques éléments de ces vues, comme à une méthode d’interprétation des détails à peu près constante chez les Pères et autres écrivains ecclésiastiques, parler d’interprétation traditionnelle. A ce dernier point de

vue, le commentaire chrétien n’a fait qu’adapter à la nouvelle foi le mode inauguré par l’exégèse judéopalestinienne. Avec le temps et en conséquence des progrès accomplis chez les docteurs juifs du moyen âge dans le domaine de l’exégèse littérale et gramma ticale du texte hébreu, la méthode critique prit sonessor, et durant que les interprètes catholiques pour la plupart, les protestants pour un grand nombre encore, continuaient à exposer et à soutenir l’opinion traditionnelle, d’autres vues plus indépendantes se faisaient jour. Ce n’est pas toutefois que la critique du détail, poussée à l’extrême chez quelques exégètes non catholiques, n’ait induit ceux-ci en erreur en leur faisant attribuer faussement à l’auteur de l’Ecclésiaste toute une série d’hérésies philosophiques, ou en les portant à lui dénier toute originalité de pensée au regard de la philosophie grecque dont il aurait subi formellement l’influence directe.

L INTERPRÉTATION TRADITIONNELLE. — 1° Chez les Juifs. — 1. Littérature midraschique. — Bien que le caractère homilétique du midrasch dût exclure une recherche historico-critique du but réel et de la signification religieuse du livre, les rabbins en ont donne cependant une vue assez exacte : Salomon aurait écrit le Qôhélet pour exposer le néant et la vanité de toute occupation séculière et de tout plaisir charnel, et pour montrer que le bonheur de l’homme consiste à craindre Dieu et à garder ses commandements. Ouant au personnage de Salomon, auteur du livre danssa vieillesse, après avoir été détrôné par le chef des démons Asmodée et avant d’être réintégré dans sa royauté, Midrasch, i, 12 ; Talrnud, Giliu, » 8 b ; Paraphrase chaldaïque, i, 12 ; un .Midrasch, dans Jellinek, Bel ha-Midrasch, t. ii p. 80, 87, il fut simplement déduit de Eccle., i, 12 : « J’ai étc roi sur Israël, » par une application au cas particulier des règles bizarres et puissamment Imaginatives de l’exégèse hagadique. Le commentaire est en général allégorique, moral, anagogique, inspiré des événements du passé Israélite ou des espérances toujours vivantes de la communauté, relativement à l’avenir messianique. Cf. S. Jérôme, In Eccle., iii, 2-8, P. L., t. xxiii, col. 1034-1038 ; Paraphrase chaldaïque, ii 24 ; ni, 1722, etc., dans Ginsburg, Coheleth, p. 36 si].

2. Commentaires du moyen âge.

De nombreux docteurs juifs ont commente l’Kcclésiaste aux x 1’, XIe et xir siècles ; mais la plupart de ces commentaires sont perdus. Nous avons ceux de Raschbam, de Raschi et d’Aben Esra. Les deux derniers adoptent les vues générales des auteurs midraschiques concernant le but du livre et le personnage de Salomon ; leur commentaire abonde en remarques grammaticales et lexicographiques ; celui d’Aben Esra, en particulier, attribue au Qôhélet bas propres théories philosophiques, voire astrologiques, de son auteur. Raschbam a serre de plus près le vrai dessein du livre qui est, d’après lui, de nous montrer l’inutilité de nos efforts à dissiper l’effet de mélancolie que produit sur nous la constatation de la rapidité de notre vie humaine comparée à la stabilité de la nature, et de nous enseigner que la consolation de cette infériorité se trouve seulement dans une paisible jouissance de la vie, dans la résignation aux desseins de la providence, dans la croyance à une vie future où tout ce qui nous paraît mal équilibré dans celle-ci sera redressé. Pour l’établir, Raschbam ne s’en réfère qu’à la suite logique du texte, sans la moindre allusion aux allégories et rêveries midraschiques. Cf. Ginsburg, p. 38 sq. La vanité des choses de ce monde est faite pour amener l’homme à l’étude exclusive de la Loi et à la science, selon le commentaire de Caspi (xive siècle) ; pour l’amener à la crainte de Dieu et à la considération du monde futur, suivant l’essai de l’enini. Ginsburg, p. 60 sq. En même temps que progressait l’exégèse littérale et grammaticale dans les com 2011

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mentaires, les philosophes juifs commençaient à se préoccuper des difficultés et des apparentes contradictions du livre, dont les all<5goriseurs dos premiers temps avaient donné aisémenl des solutions orthodoxes. L’opinion générale parait avoir été que l’Ecclésiaste rapportai ! simplement et examinait pour en tirer une leçon morale les opinions diverses, opposées même, qui s’étaient manifestées jusqu’à lui sur le train des affaires de ce monde et la destinée de l’homme. Aben Esra, citant un commentateur ; le Zohar (XIII e siècle ; li. Salomon bon Mélech, MiclilaL Jôphi (XV e sièclei. Ginsburg, p. 56 sq., 59, 66.

3. I)ans les siècles suivants et jusqu’à la fin du XVIII e, l’exégèse grammaticale subissant une éclipse marquée, ces difficultés n’occasionnent que peu ou pas de trouble dans les esprits ; le livre du Qôhélet est parfaitement orthodoxe en toutes ses assertions, qui sont l’expression des plus sublimes vérités et contiennenl les plus hautes leçons de la célesle sagesse ; le commentaire redevient allégorique, cabalistique, abondant en cilations midraschiques et rabbiniques ; le but de Salomon écrivant ce livre dans les conditions que l’on sait a été de nous enseigner la parfaite vanité des choses terrestres et de nous apprendre que le grand objet de la vie ici-bas est de perfectionner son âme en vue de gagner le monde à venir. R. Isaac Ara ma h ; Élisa Galicho ; Moïse Alschech. Ginsburg, p. 66 sq. Le triomphe de la méthode, c’est les commentaires d’Élie Loanz et de Moïse Landsberger : le livre n’a ni dessein arrêté, ni sens littéral ; toute assertion y est affaire de combinaisons numériques et alphabétiques (Landsberger) ; les difficultés s’évanouissent, car « si une tête vide peut bien s’abriter sous la lettre, il n’y a aucune raison pour des hommes saines de brûler un livre (où l’exégèse allégorique fait trouver) de si sublimes senliments » (Loanz). Ginsburg, p. 74 sq. Il se produit cependant, à la fin du XVIII e siècle, alors qu’il se fait ailleurs un renouvellement dans l’exégèse biblique, un retour définitif au sens littéral et grammatical. Mendelssohn pense que Salomon écrivit le Qôhélet pour proposer la doctrine de l’immortalité 1 de l’âme et enseigner la nécessité de mener une vie agréable et satisfaite, entremêlant la démonstration de leçons diverses sur quelques autres points de moindre importance. Son digne élève, David Friedlânder, résout les difficultés en faisant de l’auteur « un philosophe dont c’est la tâche naturelle d’examiner les opinions contraires, d’écouter toutes les objections pour y répondre…, mais qui laisse transpirer tout cela du fond de son âme, et ne craint pas de penser tout haut. Il ne faut le juger pourtant, pour lui être juste, que sur la fin de sa contemplation : Crains Dieu, etc. » Ginsburg, p. 78 sq.

2° Chez les Pères ri écrivains ecclésiastiques. — i. Dans l’antiquité. — Comme les auteurs midraschiques et tous les commentateurs juifs qui ont eu peu de souci d’analyser le livre par le moyen d’une exégèse purement littérale, les Pères et autres écrivains chrétiens ont vu dans l’Ecclésiaste un traité du néant, de la vanité des créaturesterrestres, l’enseignemenl du mépris du monde, en vue de nous amener à la seule contemplation des choses célestes, Grégoire le Thaumaturge, Metaphrasis, i, I, 2, P. G., t. x, col. 988-989 ; au désir des perceptions du suprasensible, Grégoire de Nysse, In Evclr., homil. i, P. G., t. xi.iv, col. 620 ; à la vie ascétique, vouée totalement au service de Dieu, S. Jérôme, lu Eccle., prsef., P. L., t. xxni, col. 1061 ; Epîst., cvn, ad Lœtam, 12, P. L., t. xxn, col. 876 : vue que saint Augustin formulait ainsi d’originale façon : « Ayant découvert la vanité de ce monde, le plus sage des hommes n’écrivit ce livre que pour nous faire désirer cette vie qui ne comporte point de vanité sous le soleil, mais où brille la vérité sous celui qui a fait le soleil, o Dr civ. Dei, 1. XX, c. m, P. /.., I. xi.i, col. 661.

Le commentaire, de caractère moral, devient fort souvent allégorique. Ainsi Grégoire de Nysse applique i, 9, à la résurrection dernière ; saint Jérôme, îv, 8 sq., au Christ unique Sauveur qui nous relève et nous ressuscite ; saint Augustin, II, 24, au saint sacrifice, et x, 16, au démon. Dr civitate Dei, l. XVII, c. xx, P. L., t. xi.i, col. 556. Saint Jérôme sentit néanmoins la nécessité de répondre aux objections et difficultés que pouvait soulever le texte, autrement que par des allégories ; et c’est ainsi qu’après avoir, lui aussi, appliqué à l’eucharistie, il, 2i, il met dans la bouche des sceptiques et des adversaires de la vérité le passage similaire, IX, 7, 8. lu Errlr., ix, 7, P. L., t. xxiii, col. —Il 28. Philastre retombe dans l’interprétation allégorique de la n nourriture spirituelle » pour ces mêmes passages, et sauve tout le livre du crime de lèse-bonté et bienfaisance à l’égard du créateur de cet univers, en expliquant, conformément à la méthode, le mépris des choses transitoires par le fait d’une comparaison latente entre elles et la gloire céleste et durable que l’incarnation, la passion et la résurrection du Christ assurent aux croyants fidèles. Liber de hseresibus, cxxiv, P. L., t. xn, col. 1265-1267. Olympiodore résout les difficultés en observant que Salomon parle, dans l’Ecclésiaste, tantôt en son nom propre et tantôt au nom d’un personnage de convention que le train ordinaire du monde frapperait d’étonnement. In Eccle., arg., P. G., t. xcm, col. i80. On a rapporté plus haut l’expédient de saint Grégoire le Grand, voir col. 200L

2. Au moyen âge. — Les savants humanistes du haut moyen âge, tels que Alcuin et Walafrid Strabon, s’en tinrent pour la composition de leurs « bréviaires » et « gloses » de l’Ecclésiaste aux commentaires des Pères, et spécialement à celui de saint Jérôme. Les docteurs des xir et XIII e siècles, qui acceptent la pensée traditionnelle sur le but du livre (description du néant des choses terrestres pour conclure au mépris du monde), ajoutent aux allégories des anciens leurs propres spéculations morales, mystiques, métaphysiques sur le texte. Hugues de Saint-Victor catalogue les vanités selon qu’elles ont pour objet les choses faites pour l’homme, par l’homme, dans l’homme ; les pierres à lancer de ni, 5 sont les bonnes œuvres de la vie active, les pierres à ramasser sont les fruits de ces mêmes bonnes œuvres à recueillir dans les joies de la vie contemplative… Saint Bonaventure fait face à l’antique objection que l’on ne peut qualifier de vaines les créatures de Dieu, en distinguant entre la vanité / » •>• rtefectum boni, vel ordinis, qu’on ne saurait en effet leur attribuer, et leur vanité per defectum incommutabilitatis. Expositioin librum Ecclesiast., Opéra, Mayence, 1609, t. i, p. 294 sq. Au XIV e siècle, Nicolas de Lyre fait bénéficier son interprétation de l’Ecclésiaste du désir qui l’anime de rechercher d’abord dans l’Écriture le sens littéral. Aussi s’approcbe-t-il plus près de l’exacte définition du but du livre qu’aucun de ses prédécesseurs, quand i) assure que Salomon s’esl donné la tâche de nous montrer que le bonheur n’est pas dans la fortune, le plaisir, les honneurs, la science, etc., mais seulement dans la crainte et le service de Dieu. Il spécule encore cependant sur le vrai bonheur considéré objectivement d’un coté et en Dieu seul ; de l’autre, formellement, dans les joies divines que procurent les amvres méritoires (vu, 1-xil, 14). Beaucoup, au moyen âge, ont emprunté’à saint Grégoire le Grand, en vue de résoudre les difficultés, son hypothèse de pensées d’autrui acceplées cl rejetées ensuite comme autant de tentations susceptibles d’être éprouvées par une âme ignorante.

(. Aux temps modernes. — Les commentateurs catholiques suivent, pour la plupart, la voie tracée par

les Pères et les auteurs scolastiques et mystiques relativement à la définition du but de l’Kcclésiaste et à la solution des antinomies qu’il parail renfermer. Les 2013

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copieux digestes de Lorin, Pineda, Ferdinand, Corneille de la Pierre, rapportant à peu prés tout ce que l'anti- quité et le moyen âge ont dit sur la question, ne font pas faire à celle-ci un pas de plus. Du llamel, pour- tant, s'affranchit : Ce que s'est proposé l'Ecclésiasle, c'est de rassembler les diverses opinions, les pensées diverses dont l'esprit humain se trouve habituellement agité quant aux lins des biens et des maux, pour dire seulement à la lin du livre ce qu'il faut en penser... L'objet du livre, c'est de recommander la crainte de Dieu, l'observation des commandements (xn); tout le reste n'est qu'affaire de recherche, de dissertation, et formulé à la façon du vulgaire. L'auteur parait bien quelquefois partager les opinions d'autrui, mais il les rejette aussitôt, persuadé uniquement qu'on ne doit chercher le bonheur qu'en Dieu seul, les choses créées ne pouvant nous rendre heureux, vaines comme elles sont et transitoires. Plus indépendant encore de la tradition, Hardouin : Ce que l'Ecclésiaste inculque de temps en temps et ce à quoi tendent toutes ses maximes, c'est que le meilleur, le plus tranquille, le plus inno- cent, le plus heureux, en cette vie, est de jouir soi-même avec sa famille, dans ses repas, du bien qu'un travail légitime peut avoir acquis, et de reconnaître que de le pouvoir faire, c'est un don de Dieu, dont il faut par conséquent user avec action de grâces. N'oublier point, toutefois, que nous serons tous cités au jugement de Dieu. Et Jahn : Le dessein du livre est d'apprendre aux hommes à réprimer leurs désirs insatiables de pou- voir, d'honneurs et de plaisirs et à ne point accroître cependant l'affliction de leur vie en se refusant incon- sidérément la jouissance de quelques plaisirs innocents, bien que fugitifs et incertains. Eiiileiluiig in die gôtt- liche Bûcher des Alten Bundes, Vienne, 1802, § 21k Ainsi, des commentateurs catholiques, serrant de plus près la trame du livre, arrivaient progressivement à par- tager, touchant le dessein de l'Ecclésiaste, une vue pré- cédemment émise par les premiers réformateurs, Luther, Mélanchthon : qu'il nous faut user des choses présentes et des créatures de Dieu, sans trop d'inquiétude à l'en- droit des choses futures, le cœur tranquille et en repos, l'âme contente et en joie, confiants et soumis à l'égard d'une providence souveraine, dans l'attente d'un juge- ment à venir, lidèles à suivre notre vocation. Cf. Gins- burg, Coheleth, Londres, 1861, p. 112 sq. Ainsi, en oppo- sition presque complète à l'idée patristique et scolastique du caractère spécifiquement moral de l'Ecclésiaste en- seignant le mépris total de toute jouissance terrestre, se développait l'idée du caractère tout pratique du livre, loin encore de l'épicuréisme proprement dit, mais prenant l'eudémonisme d'une sagesse appliquée à l'organisation d'une vie joyeuse et tranquille, malgré les déceptions de tout genre que nous ménage le sort. Cette conception, unilatérale comme la précédente, s'est recommandée des noms de Piscator, Kleuker, Pfannkuche, Gaab, Zirkel, J. E. Schmidt, Lisco, Zôckler, après ceux de Luther et de Mélanchthon, et avec quelques nuances inévitables. Cf. Ginsburg, op. cit., p. 123, 184, 190, 191, 215; B. Schàfer, Das Buch Koheletk, p. 189, 193. Mais, en même temps, il apparaissait évident à beaucoup que l'énigme de l'Ecclésiaste n'était pas à résoudre d'une façon aussi simpliste, et que le but du livre devait être la résultante du contraste institué, au cours de ses pages, entre les preuves de la vanité de toutes choses ici-bas et l'exhortation pressante à se livrer néanmoins à la joie et au plaisir, tout relatifs qu'ils dussent être. Indiquée déjà parBrentius, Drusius et les Annotations hollandaises (1637), cette combinaison fut ainsi réalisée et formulée par Jean Mercier : Salomon nous enseigne à jouir des choses présentes d'un cœur paisible et tranquille, en brisant avec la curiosité, l'inconstance humaines, ennemies du repos, attendu que les richesses, les honneurs, les magistratures, une femme, les autres

créatures de Dieu sont choses bonnes, si l'on en use avec action de grâces et crainte de Dieu, l'âme toujours en Dieu et détachée de ces choses terrestres. Cf. Gins- burg, op. cit., p. 111, 139, 150. Adopté par Beynolds, ,1. D. Michaelis, Jacobi, Spohn, Ilenzius, Rosen millier Knobel, Steudel, Hengstenberg (dans ^4 Cyclopsedia of biblical Literature de J. Kitto, t. i, p. 596), Noyés, lleiligstedt, Umbreit (dans Theologische Studien und Kritiken, 1857, p. 8, 9, 54), cf. Ginsburg, op. cit., p. 146, 176, 186, 188, 206 sq., 208, 212, 216 sq., 220, 236, ce moyen terme a reçude nosjourssonexpression orthodoxe dans Cornely, ïntroductio specialis, t. n, 2, p. 165 sq., qui fait en même temps la critique des deux opinions jusque-là opposées, dans leur forme unilatérale : « Les Pères et les commentateurs plus récents n'ont eu devant les yeux que la première partie du livre; ils n'ont point fait attention aux conclusions pratiques que l'auteur lui-même tire de sa doctrine, soit dans la première (i, 2-vi, 12), soit dans la seconde partie (vil, 2-xn, 7); ils n'ont point distingué non plus entre le dessein de l'auteur qui adressait son ouvrage immédiatement à des lecteurs placés sous l'ancienne loi, et l'utilité que nous autres, appelés par la grâce de la loi nouvelle à une perfection plus haute, pouvons et deons retirer de sa doctrine. Ceux-là aussi enferment son dessein en des limites trop étroites, qui pensent que l'auteur a entendu réfréner l'inquiète agitation des humains qui les entraîne à la conquête des richesses, des plaisirs et des louanges, et leur apprendre pourtant à ne point se faire une existence plus importune encore en se refusant tout à fait d'innocentes jouissances encore que transitoires et fugitives; ou qui soutiennent qu'il voulut enseignera trouver le vrai bonheur de cette vie dans un usage pieux et modéré des choses terrestres. Encore qu'ils se l'apportent en vérité au dessein de l'auteur, tous ces concepts n'expriment bien ce dessein que s'ils sont réunis ensemble. L'auteur s'est proposé donc de nous apprendre comment l'homme doit ordonner sa vie afin d'arriver sûrement au seul bonheur qui i>eni s'obtenir sur cette terre. ('■(. llii/ig, Stuart; voir (iins- burg, p. 219, 225. A cel ellet, il montre que tous les biens de ce inonde sont par eux-mêmes caducs et imparfaits et ([ne leur usage immodéré n'a jamais rendu l'homme heureux; que néanmoins leur usage discret et modéré' est capable de procurer ici-bas un bonheur toujours in- complet, pourvu que l'homme songe constamment au compte qu'il en devra rendre au Dieu de toute justice et pratique ainsi avant tout la piété et la vertu. »

On ne peut qu'énumérer par leurs noms les auteurs et commentateurs restés lidèles, du xvr siècle à nos ours, à l'idée de l'Ecclésiaste enseignant le mépris des biens de ce monde au prolit de l'amour du Bien suprême et souverain, qui est dans les cieux, et que l'on atteint et réalise en soi par la crainte et le service de Dieu.

Catholiquea : Lorin, cf. Ginsburg, Coheleth, Londres, 1861, p. 119 sq.; Pineda, ibid., p. 123 sq.; J. Ferdinand, ibid., p. 130 sq : Corneille de la Pierre, ibiJ., p. 133 sq.; Corneille Jansen, d'Ypres, ibid., p. 10(>; Bossuet; Calmet, ibid., p. 169; Goldhagen, Scholz, llerbsi, Welte, d'après B. Schâfer, Neue Untersuchungen iiber das Buch Koheleth, Fribourg-en-Brisgau, 1870. p. 20i.

Non catholiques : Cartwright, Ginsburg. p. 114; H. Lock, ibid., p. 114 sq.; Thom. Granger, ibid., p. 132 sq. ; W. Pénible et Richard Capel, ibid., p. 135 sq.; Coccéius, ibid., p. 137 sq. ; M. Jermin, ibid-, p. 140 sq.; Grotius, ibid., p. 145; Geier, ibid., p. 148; J. Mayer, ibid., p. 151; J. Cotton, ibid., p. 152; Trapp, ibid., p. 155; Matthew Pool, ibid., p. 160 sq. ; Séb. Schmidt, ibid., p. 161 sq. ; l'évêque Patrick, ibid., p. 163; F. Yeard, ibid., p. 164; Mat. Henry, ibid.. p. 165 sq. ; J.-H. Michaelis, ibid., p.l68;Ed.WeIls,?'bid.,p.l69;J. Le Clerc, ibid., p. 170 sq.; Greenway, ibid., p. 188 sq.; Priestley, ibid.. p. 196; Ad. Clarke, ibid., p.l96sq.; Umbreit, Kohelets.. .,ibid.,p. 197 ;Holden, ibid., p. 198sq.; Moïse Heinemann, ibid., p. 84; Wangemann, ibid , p. 232 sq.: Buchanan, ibid., p. 238; Ch. Bridges, ibid., p. 239

Pour la plupart, Salomon reste l’auteur du livre, qu’il écrivit dans sa vieillesse, désenchante’1 et pénitent (sauf (’rotins ; J.-D. Michælis : après la captivité ; Jahn ; Gaab ; ÏJmbreit ; Hengstenberg ; Noyés ; Hitzig) ; et les sentiments hétérodoxes qui paraissent exprimés çà et la dans son œuvre sont supposés mis par lui dans la bouche d’infidèles, ou même lui sont attribués comme étant antérieurs à son repentir ; à moins que les commentateurs pour l’excuser tout à fait d’aussi blâmables sentiments ne préfèrent, suivant l’ancienne manière, allégoriser les passages suspects.

/L iVTRES INTERPRÉTATIONS. — L’interprétation dite traditionnelle donnée au livre de l’Ecclésiaste se révèle surtout comme morale et pratique, comme recherche d’une règle de vie intéressant tout homme venant en ce monde. On devait se demander — et on l’a fait — si le livre entendait bien se donner une portée aussi générale ; s’il n’avait plutôt été écrit exclusivement pour le peuple hébreu, dans la bibliothèque sacrée duquel il figure pour un tome ; soit que sa composition eût jailli, pour ainsi parler, de circonstances particulières à la vie de ce peuple, à un moment donné, et constituant un milieu historique spécial, seul capable de l’expliquer ; soit qu’il fût simplement le produit de la réflexion hébraïque s’exerçant, au-dessus de toute situation historique trop particulière, sur quelques problèmes de nature religieuse et philosophique déjà agités et non encore tout à fait résolus au sein d’Israël.

Interprétation historique.

Elle est solidaire de l’opinion qui retire à Salomon la compositon du livre. Pour Ewald, Das Hohelied Salomo’s, f.fettingue, 1820, p. 152 sq., l’auteur, un pieux Israélite vivant après l’exil, un siècle environ avant Alexandre, en un temps où son peuple gémissait désespéré et prêt à s’égarer sous le joug de gouverneurs (persans) ailiers et tyranniques, voulut au moins, en écrivant l’Ecclésiaste, apporter quelque soulagement à l’infortune de ses frères. « A cet effet, il leur recommande patience et endurance, circonspection et sagesse ; il dénonce la révolte comme un ahus de la liberté ; il excite surtout ses lecteursà une crainte de Dieu sincère, à la pensée qu’un jour Dieu jugeant toute chose redressera ce qui peut être ici-bas tenu pour défectueux ; il les exhorte enfin à ne point se décourager au sein de leurs malheurs, mais à jouir plutôt de la vie avec un cœur joyeux et reconnaissant envers Dieu, avant qu’arrive la vieillesse et ses infirmités. » Les incohérences apparent ! s tic la composition sont mises par Ewald sur le compte de 1 inexpérience littéraire de l’auteur dont l’Ecclésiaste aurait été le premier écrit. Le même Ewald a pourtant, un peu plus tard, généralisé ces enseignements du Qôhélef et est retombé dans l’interprétation traditionnelle en nous représentant cet écrivain comme « cherchant le souverain bien pour l’homme » et le découvrant dans « la joie sereine en Dieu. » Sprûche Salomo’s…, (jœttingue, 1837, p. 183 sq. Avec quelques variations sur l’époque de la composition du livre, Hitzig, Elster, lierzfeld (commentaire, et dans Geschichte des Volkes Israël, Nordhausen, 1857, t. ii, p. 28 sq.), Meier (dans Geschichte der poetischen National-Literatur der Hebrâer, l.eipLig, 1856, p. 551), Hengstenberg et Ginsburg ont adopté les vues d’Ewald clins leur première forme. Cf. Ginsburg, "/). cit., p. 205, 2(19, 219, 228. 235, 230, 16 sq., 88 et 92 ; H. Schâfer, op. cil., p. 193 sq. — Cette interprétation, l’Ecclésiaste suppose é’cril vers la fin de la période persane ou au commencement de la grecque, voir plus haut, col. 2000, n’a chance d’être vraie qu’en partie seulement ; car s’il est à croire qu’un sentiment de patriotique tristesse a pu se manifester en quelques passages du livre comme m. 10, 17 ; iv, 1-3, 13-10 ; v, 7 ; x,’5-7, 10-20, il n’en est pas moins vrai que la majeure partie du texte trahit la tendance propre ; i l’esprit d’Israël, à l’esprit de

ses sages à tout le moins, de vouloir connaître le secret de la vie humaine et de la nature. L’objet des réflexions de l’Ecclésiaste serait donc surtout philosophique.

Interprétations philosophiques.

1. Dix ans avant Mendelssohn (voir plus haut, col. 2011). Desvœux, dans un essai philosophique et critique sur l’Ecclésiaste, écrivit que le but de l’auteur était de prouver l’immortalité de l’âme, ou plutôt la nécessité d’admettre « un état futur de récompenses et de châtiments » après cette vie. Rien ici-bas ne peut satisfaire l’âme humaine. Les biens terrestres peuvent même.devenir des obstacles à cette satisfaction, loin de la produire. Ignorants de ce qui doit arriver après leur mort, les hommes ne peuvent savoir ce qui leur est, ou non, réellement avantageux. On peut donc conclure qu’il doit y avoir hors de ce monde un état de bonheur réel et stable. Ginsburg, p. 179 sq. Cette vue fut adoptée en Angleterre par Dodd et Coke, L. Young ; en Allemagne, par Vaihinger, Theologische Studi n min Kiitiken, 1848, p. 413 sq., et Keil, Hâvernick’s llandbuch de, — hist.-krit. Einleitung in das Aile Testament, Erlangen, 1849, IIIe partie, p. 434 sq. Ginsburg, p. 183, 196, 221, 224 ; cf. aussi Wright, The Book of Koheleth, Londres, 1883, p. 142 sq. — Bien qu’elle n’ait rien d’inorthodoxe, cette opinion ne peut cadrer avec le texte de l’Ecclésiaste, surtout avec les passages ii, 14 sq. ; ii r, 18, 21 ; ix, 5, 10 ; XI, 7, où, sans nier toutefois l’immortalité de l’âme, l’auteur déclare s’en tenir à l’ancienne croyance de la vie obscure et non définie au schéol, et conséquemment de la rétribution dès cette vie. Voir plus loin, col. 000.

2. Avant de passer à l’examen des hérésies doctrinales attribuées, de nos jours surtout, au livre de l’Ecclésiaste, on mentionnera simplement encore les interprétations suivantes dont le défaut principal est d’exagérer la portée philosophique de ce livre au détriment de sa signification pratique, morale et, si l’on veut, nationale. — a) Selon Nachtigal, l’Ecclésiaste renferme le résultat des réflexions de plusieurs groupes [Versammlungen) de penseurs parmi les Israélites ; il contient des propositions qui, à cette époque (Salomon est un de ces penseurs), constituaient la ligne frontière (die Grânze) de la spéculation philosophique et qui paraissent avoir été émises à dessein en partie, pour soulever le doute et l’éclaircir, et ainsi pour développer les forces de l’esprit (die Geisteskrâfte). Ginsburg, p. 192 sq. — b) Kôster voit dans le livre hébreu un sermon oriental à l’adresse de la jeunesse (eine niorgent àndische Rede an die Jugend) sur ce qu’il y a de constant, de permanent (dos Bleibendé) dans le néant des choses terrestres. La question se pose dans i, 2-11 ; on y répond en interrogeant de nouveau, dans i, 12-in, 22, sur le bien absolu ; dans iv, 1-vi, 12, sur le bien relatif ; parallèlement, iiv 1-ix. 16, décrit la véritable sagesse de la vie en général ; ix, 17-xii, 8, celle de la vie dans ses conditions particulières. Das Huclt Hiob und der Prediger Salomo’s, Schleswig. 1831, p. 116 ; Ginsburg, p. 207 sq. — c) Dans un article de V American Biblical Repository (The Philosophy of Ecclesiastes), 1838, t. xii, p. 197 sq., Isaac Nordheimer définit ainsi le « but principal de l’auteur de ce livre. » Mettre des bornes à l’humaine et criminelle tentation (sinful endeavour) de scruter les contradictions inexplicables, les énigmes insolubles qui existent dans la nature, dans le destin de l’homme, dans les relations de ce dernier à son créateur, et nous empêcher de tomber dans le découragement, le désespoir, la dégradation, suites inévitables de notre insuccès ; l’homme, qui reste impuissant à se connaître lui-même, ne doit pas se plaindre de trouver d’apparentes antinomies dans les suprêmes desseins de Dieu et dans les œuvres de la nature. Pour atteindre à ce 2017

ECGLESIASTE (LIVRE DE L’2018

but, l’auteur use de la méthode socratique (sceptical method of induction) ; il suspend la décision finale jusqu’au moment où la vérité a été rendue tout à fait évidente. Ginsburg, p. 211 sq.

3. Il n’est pas de livre de l’Ancien Testament où l’on n’ait pensé trouver plus d’erreurs philosophiques que dans l’Ecclésiaste. C’est dans chacun de ses versets presque, que l’on a voulu découvrir des traces de l’un ou l’autre de ces systèmes qui se nomment le pessimisme, le déterminisme ou fatalisme, le matérialisme, le scepticisme ou l’épicuréisme. — a) Quelques anciens l’avaient déjà accusé de professer une sorte de manichéisme en proclamant vaines toutes les créatures, que Dieu cependant avait trouvées bonnes (i, 2, contre Gen., I, 31) ; et les Pères avaient aussi déjà répondu à cette difficulté en observant qu’il s’agissait là, pour les choses de ce monde, d’une vanité relative seulement, si on les compare à Dieu ou aux choses de Dieu. Voir S.Jérôme, Comm. in Ecclesiasten, P.L., t. xxiii, col. 1066 ; pseudohlhanase, Syimrsis $crij>luræsacræ, xxui, P. G., t. xxviii, col. 349 ; S. Grégoire de Nysse, In Ecole., homil. i, P. G., t. xliv, col. 621 ; S. Chrysostome, In Eph., homil. xii, 1, P. G., t. lxii, col. 89, etc. ; Philastre, cité plus haut, col. 2012. Mais de modernes pessimistes n’en ont pas moins prétendu retrouver le fond de leur doctrine dans les traits du sombre tableau que l’Ecclésiaste nous a fait du monde, de la société et de la vie. Un disciple de Schopenhauer, Maurice Venetianer, identifie en quelques points (i, 18 ; IV, 1) le sentiment de l’auteur hébreu avec la théorie de son maître. Schopenhauer als Scholastiker, Berlin, 1873, p. 275. A. Taubert, la première femme d’Edouard von Hartmann, dont le mari systématisa les idées du philosophe antihégelien, appelle même les c. i-m et iv, 1-4, de l’Ecclésiaste un « catéchisme du pessimisme » et n’en trouve pas la doctrine essentiellement différente de celle du maître. Der Pessimismus und seine Gegner, Berlin, 1873, p. 75, 85 sq. — 11 y a sans doute dans le livre du Qôhélef un cachet de pessimisme non niable. Les réflexions de son auteur sur la nature et son uniformité déprimante, c. i ; sur le sort pareillement misérable du sage et de l’insensé au jour de la mort, ii, 14 sq. ; sur la destinée commune de l’homme et de la bête ici-bas, ni, 18 sq. ; sur l’injustice qui règne partout, là même où elle devrait être impossible, ni, 16 ; iv, 1 sq. ; v, 7 sq., et qui paraît être à la base de la rétribution faite au juste et au méchant, iivi 9 sq. ; îx, 2 sq. ; sur le mauvais naturel qui semble être le propre de la femme, vu, 26 sq., ne le prédisposaient guère à prendre de la vie une idée bien réjouie ; et l’on conçoit que sous l’empire de l’impression première, née de ces sombres réflexions, il ait maudit l’existence, ii, 17, et trouvé la mort préférable à la vie, IV, 2 sq. Il ne faut point s’y tromper cependant. Tout le Qôhélef n’est pas dans ces traits. Son humeur, pleine de contrastes, contient par ailleurs une forte dose, et très sensible, d’optimisme. Il y a, pour lui, un remède à tous ces maux, un refuge dans toutes ces afflictions. L’Ecclésiaste a foi en Dieu, qui a bien fait toutes choses, iii, 14, 15, tandis que Schopenhauer et Hartmann sont de purs athées. S’il y a temps pour les injustices apparentes du sort, il y a temps aussi pour le jugement de Dieu qui jugera le juste et le méchant, iii, 17. La lumière (la vie) a aussi sa douceur, xi, 7 ; à tout prendre, elle vaut encore mieux que la mort, ix, 4. C’est la femme de mauvaise vie seule dont le cœur est un filet ; elle n’y prend que le pécheur ; le juste craignant Dieu lui échappe, iiv 26 ; l’autre, la bonne, justement chère, peut faire à son mari une existence relativement heureuse, IX, 9. — b) Mais précisément, parce que Dieu régit toutes choses souverainement et uniformément, iii, 14-15 ; parce qu’il est plus fort que l’homme, vi, 10, et que celui-ci est prisonnier de son destin comme le poisson dans le filet, l’oiseau

DICT. DE THÉOL CATHOL.

dans le piège, ix, 12, ne sachant rien de son sort « placé devant lui », tout entier « dans la main de Dieu », ix, 1-2, et n’y pouvant rien par sagesse ou par folie, ii 14-16, le Qôhélef ne prèche-t-il pas maintenant le fatalisme, le déterminisme ? (Luther et quelques modernes ; cf. Zapletal, Bas Bnch Kohélet, Fribourg, 1905, p. 82.) — Non plus, car Dieu en agissant ainsi, c’est-à-dire en ne dévoilant rien aux hommes de la conduite de ses desseins, n’agit point en puissance aveugle ; il a un but, surtout moral : il veut qu’on le craigne, ni, 14. N’est point réellement fataliste, du reste, qui conseille, iv, 17-v, 6, etc., et presse de bien agir en vue d’échapper au jugement de Dieu, iii, 17 ; iivi 12 ; xi, 9 ; xii, 14. — c) Matérialiste, l’Ecclésiaste nierait simplementl’immortalité de l’âme : l’homme n’est rien de plus qu’une bête ; venu comme elle de la poussière, comme elle à la poussière il retourne, iii, 19-20 ; nul n’a jamais su ce que devenait l’âme après la mort, si elle « montait en haut » pour l’homme, si elle « descendait en bas » pour la bête. Ibid., 21. Ce que l’homme a de mieux à faire ici-bas, n’est-ce pas alors de jouir de la vie, iivi 14, 15, sans souci de l’avenir, qui est un néant, xi, 8, de l’audelà, où les morts ne jouissent d’aucun bien, IX, 4, 5 ? Knobel ; De Wette, Lehrbuch der liist.-krit. Eiideitung in dus A. Test., Berlin, 1852, § 282, 283 ; Heuss, Die Geschichte der heil. Schriften des A. T., Braunschweig, 1890, p. 573. Cf. Ginsburg, p. 213 sq. ; Zapletal, o/>. cit., p. 75 sq., 83. — Dans le passage incriminé particulièrement (ni, 19 sq.), l’Ecclésiaste, qui distingue dans l’homme, par ailleurs, xi, 5, et xii, 7, le corps et le « souffle de Dieu » (cf. Gen., ii 7), n’affirme aucunement le néant de l’homme après la mort, puisqu’il croit au scliéol, où subsiste encore pour lui quelque chose de la personnalité humaine, et dont il parle dans les mêmes termes que les autres livres de l’Ancien Testament, ii 14 sq. ; IX, 5, 10. Ce qu’il nie, ou plutôt ce qu’il repousse, c’est l’idée que, sous le rapport du souflle de Dieu « retournant à Dieu qui l’a donné », xii, 7, le sort de l’homme et celui de la bête soient dissemblables ; et en affirmant sous forme interrogative, pensant bien que nul ne le voudra contredire, la similitude absolue de l’un et de l’autre sort, il se tient simplement à la vieille doctrine que les animaux participent aussi bien que l’homme à ce souffle divin qui les fait vivre Cf. Gen., ii 7 ; Job, xxviii, 3 ; xxxiv, 14, 15 ; Ps. civ, 29, 30. Son argumentation est claire : admettre que « le souille de la bête descend en bas dans la terre », ni, 21 b, quand celui de l’homme « monte en haut », ni, 21a, « vers Dieu », XII, 7, ce serait nier que « tout va dans le même lieu », ni, 20a, « la poussière à la poussière », 20 b, « le souflle, qui est le même chez tous », m, 19 6, au souflle créateur ; mais qui voudrait l’admettre, 21, o et b ? « Le sort des fils de l’homme et celui de la bête est donc pour eux un même sort », 19 a. Ainsi n’est point niée non plus l’immortalité de l’àme, puisque l’Ecclésiaste suppose dans l’homme, avec Gen., n, 7, comme un triple principe : le corps qui est poussière ; le souflle vital, qui vient de Dieu et retourne à lui ; la personne, l’âme, l’ombre, la néphesch hébraïque, qui se rend au schèol. Autres réponses dans Cornely, Introductio specialis, t. ii 2, p. 179 sq. ; Vigouroux, Manuel biblique, 12’édit., Paris, 1906, t. ii, p. 522-523 ; Zapletal, (>i>. cit., p. 83, p. 77-80. — d) Parce qu’il nie que l’homme puisse « connaître l’œuvre de Dieu », VIII ; 17 ; xi, 5, et que tous les elforts soient dépensés en vain qui ont pour objectif l’acquisition de la science et de la sagesse, i, 17, 18 ; ii 13-15 ; iii 11 ; iiv 14, 23-28 ; parce qu’il suspend son jugement avec une sorte de désespérance à l’endroit de la réponse, à chaque fois qu’il interroge : « Qui sait… ? » ii 19 ; ni, 21, 22 ; vi, 12 (vin, 7 ; x, 14), l’Ecclésiaste est-il un sceptique, et fait-il profession avouée de pyrrhonisme. Umbreit, Cuheleth scepticus de sumnw boni), Gœttingue, 1820 ;

IV.

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ECCLESIASTE (LIVRE DE L*l

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Bruch, II. Heine, Nowack, d’après Siegfried, Prediger uud Hoheslied, Gœttingue, 1898, p. 2 ; Léon de Rosny, d’après Vigonroux, Manuel biblique, t. ii p. 520-521 ; Th. Nôldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc ; ., Paris, 1873, p. 252-253 ; Renan, L’Ecclésiaste, Paris, s. d., p. 15 sq. — L’Ecclésiaste ne nie pas en fait la possibilité de connaître quelque chose ; il pense seulement que l’homme n’obtient quelque degré élevé de science qu’au prix de grands ellorts et reste encore néanmoins loin de tout savoir, ce qui est vrai (i, 18, etc.). D’ailleurs, il manque à l’auteur hébreu d’avoir couru le troisième stade, et définitif, du pyrrhonisrne l’impassibilité, le calme absolu de l’àtne que ne ride plus ni passion, ni désir ; car il s’insurge vraiment contre le sort, ii, 20 ; l’injustice, l’inégalité même des conditions lui sont une torture, ni, 16 ; iv, 1 sq., etc. ; il hait la vie, le travail qu’il a fait, ii 17, 18, 20. Il n’est pas même le sceptique pratique que voudrait Renan, op. cit., p. 18-19, 27-28, prenant légèrement la vie et conseillant le plaisir avec une philosophie de juste milieu ; car trop nombreux sont les passages de son livre où résonne un timbre voisin de celui du pessimisme. — e) On ne doit pas taxer non plus d’épicuréisme la morale de l’Ecclésiaste pour les quelques passages où il recommande de jouir du présent, de boire et de manger, de se livrer au plaisir avec la femme aimée, II, 24 ; iii, 13 ; v, 17 ; Vin, 15 ; ix, 7-9 (Nôldeke, d’après Vigouroux, op. cit., p. 529-530) ; car il est loin de faire du plaisir, comme le véritable épicurien, le but unique de la vie ; de l’affranchissement de toute peine ou contrainte physique, morale particulièrement, le bien suprême ; sa disposition est plutôt de « craindre Dieu », de vivre dans l’appréhension du « jugement » de Dieu, xi, 9 ; xii, 14 (m, 14 ; v, 6), en jouissant des biens qu’il tient, du reste, de son créateur, II, 24 ; III, 13 ; v, 18 ; ix, 7 ; et c’est là pour lui, bien plutôt aussi, un moindre mal dont Dieu le fait heureusement bénéficier, au milieu de tous les soucis qu’il prend du monde, de la société et de lui-même, en lui permettant d’oublier ainsi les jours malheureux de sa vie, v, 19.

4. Si l’on ne peut convaincre d’erreur philosophique l’auteur de l’Ecclésiaste, peut-on du moins prouver par son texte qu’il a subi l’influence des écoles grecques jusqu’à faire siennes leurs principales doctrines, abandonnant d’autant les idées juives et se faisant l’humble suivant d’Heraclite, d’Aristote, des stoïciens et d’Epicure, dans leurs vues sur le monde, l’homme, la morale, l’aveugle destin, la vie ? — a) L’Ecclésiaste aurait emprunté à Heraclite d’Ephèse et à l’école du Portique sa philosophie de la nature en perpétuel mouvement de révolution dans un cycle pourtant fermé, de sorte que rien de nouveau ne s’y produit, que ce qui est présentement a déjà été dans le passé et sera encore dans l’avenir : i, 5-10 ; III, 14-15 ; vi, 40 ; ii 16, comparés à Heraclite, fragm. 20 et 23 (Mullachius, Fragmenta philosophorum grtecorum, Paris, 1860 ; Diels, Die Fragmente <ler Vorsokratiker, Rerlin, 1903), nâvxa pE ; . ; rcàvra x w P s’**l oùfièv (jtivei (Eccle., i, 8) ; x<S(T|j.o ; ô a’jTÔ ; àTrâvrwv… tjv à es xat s’ctti xai ïa-za : (Eccle., I, 9), et à la théorie du déterminisme cosmique de la physique stoïcienne que quelques-uns rattachent à la physique pythagoricienne, cf. Ocellus Lucanus, De univers/ nnliira, I, 15, r, te y^P z ° rj T’Π! jiar01 ! (monde extérieur), iSéa (forme, apparence), y.x).o ; - oûto ; Sa jrâvToSev ï’croç y.oc’e op.oiot ;’Sio7rep àvapyo ? *<*’àTsXsÛTr, to ; …, Amsterdam, 1661 (Eccle., i). Pfleiderer, Die Philosophie des Heraklit von Fphesus…, Berlin, 1886, p. 255 sq. ; Tyler, Ecclesiastes, Londres, 1899, p. 8 sq. ; d’après Zapletal, op. cit., p. 44 sq., 51 sq., et Mac Neile, A n Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904-, p. 47 sq. — Il suffit de faire observer que la description du mouvement invariable et constant des choses créées, dans le

c. I" du livre de l’Ecclésiaste, trouve sa raison suflisante dans l’idée toute hébraïque, que les créatures de Dieu ont reçu de lui des lois, comme des sentiers, en dehors desquels elles ne peuvent se mouvoir ; que les éléments et toutes choses ont été mesurés, pesés, ordonnés par lui quant à leur but, aux fonctions immuables qu’ils doivent remplir dans l’univers. Cf. Job, iixxvi 25 sq. ; xxxvni, 8sq. ; Is., XL, 12 ; Prov., iivi 29 ; Jer., v, 22 sq. Il n’est donc nullement nécessaire de recourir à la philosophie grecque pour l’expliquer. — b) L’homme et sa destinée hors de cette vie, dont Heraclite aussi et les sectateurs d’Epicure nous disent, à leur manière, et contradictoirement, le secret : l’homme ayant en lui le sentiment de l’éternité, aliûv, capable de l’abstraire de sa propre pensée empirique, iôétj çpôvrjirt ; , pour l’élever jusqu’à la vision universelle, Juvôv, divine, dans laquelle se fondent tous les contraires (Pfleiderer, op. cit., p. 278 sq.) ; l’âme, par ailleurs, chez les épicuriens (Tyler, op. cit., d’après Mac Neile, op. cit., p. 51 ; Zapletal, p. 56) n’existant pas douée de raison, mais étant faite d’atomes éthérés résolvables à l’éther au moment de la mort ; l’homme donc et sa destinée se retrouveraient ainsi conçus dans Eccle., III, 11, où, selon l’auteur, « Dieu a mis l’éternité dans le cœur de l’homme ; » dans Eccle., iii, 19 sq., où l’on suppose que le « souffle » vital, non plus raisonnable en fait que celui de la bête, 18, 19, pourrait « monter en haut » et se résoudre en autre chose que la poussière, 20, 21. — Mais, outre que dans Eccle., iii, 11, le mot hébreu’ef-hâ’ôldm n’a point nécessairement le sens d’ « éternité » et peut bien se traduire, entre plusieurs autres acceptions possibles (cf. Zapletal, p. 129 sq.), par « monde » (Sap., xiii, 9, où aîûvfhéb.’ôldm] = monde) — Dieu a fait que l’homme puisse connaître quelque chose de l’univers ; outre que dans Eccle., iii, 19 sq., il n’est pas directement question de la destinée ultraterrestre de l’homme, mais bien de la conformité de son sort ici-bas avec celui de la bête (voir plus haut, col. 2018) ; l’Ecclésiaste est si loin de penser jamais voir tout l’univers d’une seule vision sans limite comme sans contraires, que dans le passage même où on la lui veut accorder au moins en puissance, iii, 11 a, il proclame comme une vérité inéluctable que « l’homme ne peut saisir l’œuvre de Dieu, du commencement à la fin, » c’est-à-dire parfaitement, ibid., 11 b, et que tout son livre, ou presque, ne fait que mettre en relief toutes les anomalies, pour lui inexplicables, de cette œuvre ; il songe si peu aussi à faire disparaître, et comme s’anéantir, dans l’éther, l’àme humaine, que, pour lui, la véritable personnalité de l’homme subsiste par elle-même au schéol, bien qu’obscurément, et qu’il considère le « souffle vital » comme une sorte de prêt fait par Dieu à ses créatures vivantes et animées, « retournant » simplement, loin de s’évanouir en atomes éthérés, à Dieu qui le reprend ainsi qu’il l’avait donné. Voir, plus haut, col. 2018. — c) Aristote peut-être, dans V Ethique à Nicomaque, i, 7, 15, faisant de la force de l’âme, « J/u/r.i ; âvÉpyeia, le bien propre de l’homme, tô àvOpiiiuvov àyaûôv, et non pas seulement en tant que vertu d’un jour — une hirondelle ne fait pas le printemps — mais en tant que maintenue jusqu’à la fin de la vie, ËT16’âv pfo> ni(w, inspira l’Ecclésiaste se vouant à la recherche de « ce qui est bon pour les fils de l’homme », afin qu’ils le « fassent » sous les cieux « tout le long de leur vie », ii, 3. Tyler, op. cit., d’après Zapletal, p. 49. Mais il ne semble nullement que l’Ecclésiaste entendit parler en ce passage d’un « bien » aussi abstrait que celui prôné par Aristote ; il recherche seulement parmi les biens matériels la jouissance qui puisse satisfaire et lui-même et les autres, qui pourront alors profiter de son expérience, ii, 1-11. — Diogène de Laërte résume la morale stoïcienne dans le vivre conformément à la nature, t’o ôhoXoyo-juIvejx ; xf t ç-Ju, !

Çrjv, la vertu de chacun se trouvant déposée dans l’ordre de l’univers, ôiônep xsXo ; y : vexat rb àxo), oû9(o ; t ?) çj<jsi pjv, 07T£p êo-ri vcocx’àp£Tï)v aùxoO xai xaxà xï|V x<iiv SXtov, VII, i, 88. En fixant à chaque chose et à chaque action son temps déterminé, iii, 1 sq., temps que l’homme droit prendre en considération, mais dont le méchant ne tient pas compte, ib’td., 16, l’Ecclésiaste n’a-t-il pas du moins professé cette morale fondée sur la Raison éternelle qui se manifeste dans la Nature’.’Tyler, d’après Zapletal, p. 50 sq. Pas davantage, car l’idée que chaque chose a son temps est aussi hien d’origine hébraïque. Gen., iivi 22 ; .1er., v, 24. Puis, le passage, iii, 16, 17, n’est point à comparer avec la liste des « temps » de m, 1-8, comme si l’auteur avait entendu y formuler la moralité de celle-ci ; il exprime seulement le sentimenl personnel du sage, qui trouve l’injustice sur la terre, et s’en console par la pensée que le méchant paiera sa méchanceté « à l’heure » de la justice. — d) Le fatum des stoïciens, l’inexorable s ? ii apuivv), à laquelleobéissent les dieux eux-mêmes, et qui fait « nécessairement » de nous ce que nous sommes, « malades ou perclus, grammairiens ou musiciens » — ce qui doit s’entendre également « de nos vertus ou de nos vices », Chrysippe, Ilspt epû(TE(oç, cité par Plutarque, De stoic. répugnait tiis, 34, paraît trouver son expression correspondante dans Eccle., ix, 12, où « l’homme ne connaît pas son heure, » prisonnier qu’il est du sort fatal, « du malheur », qui Y « enlace » comme « le poisson pris au tilet, l’oiseau pris au piège. » Mais cela aussi répond à l’idée hébraïque que « si l’on jette le sort dans le pan de la robe, toute décision néanmoins vient de Jahvé, » Prov., xvi, 33 ; que le sort des peuples et de chacun repose entre les mains divines, Amos, IX, 7 ; Job, xii, 16 sq. ; que l’homme enfin propose, mais que Dieu dispose, Prov., xvi, 9 ; xix, 21 ; xxi, 30 sq. ; Job, xiv, 5, etc. ; Zapletal, p. 52 sq. — é) Les dieux sont en nombre infini ; infini aussi le nombre des mortels : ainsi le veut du moins rî<rovou. ! a d’Épicure. Cicéron, De natura deoruni, i, 19, 50. Or, les dieux vivent parfaitement heureux. Polydème, ïlepl xr É ; twv 6eiv E’J<rxcr/o’j[j.Év ?) ; S’.afàiYT, : . Le philosophe, de son côté, qui « jouit de biens immortels », ne « ressemble plus à un être mortel » et « vit comme un dieu ». Epicure, dans Diogène de Laërte, x, 135. Il y a donc, entre’es dieux et les hommes qui savent jouir du bonheur des dieux, comme un répons mélodieux allant d’un chœur à l’autre ; et c’est à ce répons que fait allusion l’Ecclésiaste lorsqu’il affirme, v, 19, que « Dieu Çélôhim) répond (ma’âneh) à la joie (de l’homme heureux) dans le cœur de celui-ci. » Si l’auteur hébreu conserve à’elôhim le nombre singulier, c’est qu’il y est contraint par l’opinion religieusequi règne autour de lui ; mais il pense aux « dieux », et sa phrase est épicurienne. Tyler, op. cit., d’après Mac Neile, p. 5’i ; Zapletal, p. 57 sq. Pure exégèse de poète : ma âueli n’a pas ici le sens de « répondre », mais, comme l’indiquent huit passages du livre, i, 13 ; H, 23, 26 ; iii, 10 ; iv, 8 ; v, 2, 13 ; iivi 16, cette forme verbale doit se rattacher à la racine dnâlt, « s’occuper » — Dieu s’occupe de la joie du cœur de l’homme heureux ; cette joie est son œuvre ; c’est la simple répétition de la même idée exprimée déjà au verset 18. Cf. ii 24 ; ix, 7.

Ainsi l’on ne peut réellement établir une dépendance directe de l’Ecclésiaste à l’endroit de la philosophie grecque. Les doctrines qui, de prime abord, paraissent leur être communes, ou bien se trouvent déjà exprimées sous forme traditionnelle et orthodoxe dans des livres de caractère hébraïque auxquels se réfère tacitement l’auteur du Qôhélef, ou bien ne sont attribuables à ce dernier que sous le couvert, suspect à bon droit, d’une pure mésintelligence de son texte.

Pour une influence de la philosophie grecque sur l’Ecclésiaste dans quelques traits et expressions, voir Van der Palm, Eccle siastes philologice et critice illttstratus, Leyde, 1784 ; G. Zirkel, Untersuchungen i’tber den Prediger, YVurzbourg, 1792 ; HitzijLr, Der Prediger Salomo’s. Leipzig, 1847 ; Kleinert, Der Prediger Salomo, Berlin, 1864, et dans Theologische Studiett und Kritiken, 1883, p. 761-782 ; Grætz, Koheleth, Leipzig, 1871. — Pour une dépendance formelle de l’Ecclésiaste à l’égard de la philosophie stoïcienne et épicurienne : Tyler, Ecclesiastes, Londres, 1874 et 1899 ; cf. Modem Review, 1882, p. 225-251, 614617 ; Plumptre, Ecclesiastes, Cambridge, 1881 ; Aug. Palm, Qohelet und die nacliaristotelisclte Pliilosopltie, Mannheim, 1885 ; Cornill, Einleituttg. Leipzig, 189(1, § 45, 4 ; Siegfried, dans Xeitschrift fïtr wissenschaftliche Théologie, 1875, p. 284291, 465-489 ; Prediger und Hoheslied, 1898 ; Wildeboer, Die funf Megtllot, 1898 ; de la philosophie d’Heraclite : Pfleiderer, Die Philosophie des Heraklit… Berlin, 1886, p. 255-288, et dans Jahrbiïcher fi’tr protestantische Théologie, 1887, p. 177180. — Pour une influence de la philosophie grecque en général : M. Friedlander, Griechische Philosophie im Alten Testament, Berlin, 1904, p. 131-162.

Contre l’influence grecque : Franz Delitzsch, Hoheslied und Koheleth (Bibl. Kontin., 1875, t. IV, p. 319) ; Benan, L’Ecclésiaste, Paris, 1882, p. 63 sq. ; Nowack, Die Spriiche Salotnoe und der Prediger. Leipzig, 1883, p. 194 sq. ; Cheyne, .lob and Salomon. Londres, 1887, p. 260-272 ; Menzel, Der griechische Einfluss auf Prediger und Weisheit Salomos, Halle, 1889, p. 8-38 (contre Tyler) ; H. Bois, Essai sur les origines de Ut philosophie judéo-alejcandrine, Toulouse, 1890, p. 53-128 (contre Pfleiderer) ; Peake, art. Ecclesiastes, dans A Dictionary oPthe Bible de Hastings, Edimbourg ; A. B. Davidson, art. Ecclesiastes, dans Encgclopxdia biblicade Cheyne, Londres ; Volz, dans Theologische Literaturzeitung, février 1900 (contre Tyleri ; Mac Neile, An Introduction to Ecclesiastes, Cambridge, 1904, p. 43-54 ; V. Zapletal, Dus Bttch Kohelet, Eribourg (Suisse), 1905, p. 43-01 ; Die vcrmeintlichen Einflùsse der griechischen Philosophie im Bûche Kohelet, dans Biblische Zeitscltrip, 1905, p. 32-39, 128-139.

VI. Enseignements doctrinaux et moraux.

/, BiVSEIGNEMENTS DOCTRINAUX. — 1° Dieu. — 1. Créateur et provident : il a bien fait le monde, ni, II, 14, y mettant de l’ordre, donnant des lois à ses créatures, i, 4-11 ; ni, 1-8, et gouvernant jusqu’aux pensées et sentiments des hommes, 1, 13 ; iii, 10, 15 ; ix, 1, dispensant à ceux-ci les biens et les maux, iiv 14 (u, 24 ; ni, 13 ; v, 18 ; vi, 2 ; ix, 7) et les éprouvant surtout par la mort, m, 18 sq. — 2. Juge souverain : il rend son arrêt pour le juste comme pour le méchant, iii, 17 ; il appelle à son tribunal toute cause bonne ou mauvaise, toute œuvre humaine apparente ou cachée, xi, 9 ; xii, 14. — 3. Tout-puissant, supérieur à l’homme, vi, 10 ; iiv 13, qui ne peut rien changer d’essentiel à ce qu’il a statué, il comprime ainsi l’activité humaine, dans tous les ordres où elle manifeste son action, afin qu’on le « craigne », ni, H.

L’homme.

1. Dans son être propre : — n) Son être physique est fait de poussière, iii 20 ; xii, la, et du « souffle de Dieu », ni, 21 ; XII, 7 6. — b) Son être moral est fait d’une « droiture » originelle, sujette pourtant à être faussée, iiv 29, qui constitue sa con. science ; mais son intelligence, bien que capable de saisir quelque chose de l’œuvre de Dieu, iii, 11 », reste impuissante néanmoins devant le profond mystère de cette œuvre, ni, 116 ; xi, 5, et devant l’avenir, iiv 14 ; ix, 12 ; sa volonté, de même, son action, ne peuvent rien sur l’ordre essentiel du monde, vi, 10 ; iiv 13, ni sur la mort, iivi 8. — 2. Dans sa destinée : — a) En ce monde. Individuellement, Dieu l’a soumis à des occupations de plusieurs genres, et cela pour l’éprouver ; car toutes, sauf une seule, ne lui rapportent icibas que fatigue, déboires, incertitude : ainsi, la recherche du plaisir, ii 1-11, des richesses ou de la gloire, iv, 7-8 ; v, 9-11, 12-16 ; vi, 1-6, de la science même et de la sagesse, I, 12-18 ; ii 12-23 ; vi, 7-12 ; iiv 23-29 ; iivi 16-17. Socialement, l’épreuve n’est pas moindre pour lui ; car l’injustice est partout : dans les tribunaux, ni, 16 ; dans le gouvernement, iv, 1 ; v, 7 ; même (qui le croirait ?) dans la rémunération opérée dès cette vie, à ce qu’on croyait, par la justice provi 2023

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dentielle, à l’endroit du juste et du méchant, iiv 15 ; vin, 10, 14 ; et la justice distributive humaine ne vaut pas davantage, ix, 11, 13-14 ; x, 5-7. Si encore l’homme pouvait penser que, pour avoir été sage, juste et bon, la mort ne dût pas l’atteindre, ou que du moins sa mémoire ne dut pas périr, l'épreuve serait supportable. Mais, hélas ! tous meurent, le sage comme l’insensé, ii 14-15, le juste comme le méchant, ix, 2 ; et la mémoire du sage n’est pas plus éternelle que celle de l’insensé, u, 16. Faut-il donc, devant cette suprême ironie du sort, haïr la vie, II, 17, 18 ; prononcer résolument que l’homme ne vaut pas mieux que la bête, iii, 18 ; dire : heureux les morts, iv, "2-3, plus heureux l’avorton qui n’est point né, vi, 3-5? — Non pas. Ce n’est qu’une épreuve, et nécessaire ; car où est le juste qui ne fasse que du bien et ne pèche jamais, iiv 20? Puis, le vrai bonheur de l’homme est en lui-même, dans la crainte qu’il a de Dieu, VIII, 12 : le méchant, au fond, n’est pas heureux, ibid., 12, 13 ; c’est là son châtiment. Enfin, « sous le soleil » — et il faut aussi le savoir — il n’y a qu’une chose qui ne trompe pas, qui n’est pas une épreuve, mais un « don de Dieu » : c’est la vie ; assez heureux l’homme craignant Dieu qui en jouit dans ses légitimes et fondamentales exigences et manifestations, u, 24-25 ; iii, 12-13 ; v, 17-19 ; iivi 13 ; ix, 7-9 ; xi, 7-10, jusqu'à ce que la vieillesse et la mort lui viennent fatalement ravir ce providentiel et divin bienfait, xii, 1-7. — b) Hors la vie, le destin de l’homme est indéfinissable, obscur, plutôt inférieur, et non préférable à l’existence mélangée de joies et de peines menée « sous le soleil », puisqu'à tout prendre « un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort », ix, 4. Mort, on est au schéol, sous une forme qui n’est ni corporelle — le corps étant retourné à la poussière, iii, 20 ; xii, la ; ni tluidique — le « souflle » étant retourné à Dieu, xii 7 6. On n’y emporte rien et on n’y participe à rien de ce monde, v, 14 ; ix, 6. « Il n’y a ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse » en ce « séjour », ix, 10.

/L ENSEIGNEMENTS MORAUX. — Ils sont en rapport étroit avec la doctrine qui vient d'être exposée. Les considérations générales qu’il a faites sur la destinée humaine amènent nécessairement l’Ecclésiaste soit à formuler des jugements de valeur sur telles situations, actions et dispositions de caractère moral ; soit à donner des conseils pratiques utiles à chacun pour sa gouverne ; soit même à signaler quelque abus de la vie sociale et politique reprocbable à l'époque.

1° Mieux vaut calme bonheur dans la médiocrité, que richesse pleine de souci, iv, 6 ; v, 11 ; union et association, que vie solitaire, iv, 7-12 ; pauvreté et sagesse, que richesse et folie, iv, 13-16 ; îx, 17 ; sagesse, que richesse, iiv 10-12, ou forteresse, ix, 18 ; obéissance à la Loi, que sacrifice de faux dévot, iv, 16-17 ; bonne renommée, que vie parfumée, iiv la.

2° Agir en tout et toujours avec réllexion, discernement, mesure ; car légèreté, précipitation, grain de folie peuvent tout gâter, x, 1-3. — Ainsi, ne point faire de vœu à la légère, comme sur un songe, v, 12 ; ne point juger avec trop de pessimisme (cela aussi est vanité) de la valeur de la mort, de la tristesse, du deuil et du souci comparés à la vie, à la joie, à la fête et au rire, iiv 1 6-8 ; que la sagesse ne dégénère pas en niaiserie, voire la méchanceté en folie, iiv 15-19 ; faire grande attention à quelle femme l’on va conlier son bonheur domestique ou simplement son honneur, iiv 22-29 ; s’observer à la cour, iivi 1-6 ; x, 4. — Ne rien compromettre pourtant non plus par trop d’hésitation ; mais avoir confiance en Dieu et dans la nature pour l’accroissement de sa fortune ou de sa famille, xi, 1-6. 3° l’ne société mal équilibrée est le fait d’un mauvais gouvernement, faible, jouisseur, x, 5-11, 16-20.

VII. Commentateurs.

L.uns. — Jusqu’au xix° siècle : Midrasch Qôhélef, vers 500 ; traduction

allemande par A. Wûnsche, Leipzig, 1880 ; Raschbam (Rab. Samuel ben Méir), vers 1090, édit. A. Jellinek, Leipzig, 1885 ; cf. Ginsburg, Coheleth, p. 42 ; Raschi (Rab. Salomon Iarchi), vers 1100 ; Bible rabbinique de Buxtorf ; trad. latine par lireithaupt, Gotha, 1710 ; cf. Ginsburg, ibid., p. 38 ; Nathaniel (Abul-Rarcat Hibat Allah ben Malka), en arabe, 1142, non publié ; cf. Ginsburg, p. 58 ; Aben Esra (Abraham ben Esra), vers 1150 ; cf. Ginsburg, p. 46 ; Aaron ben Joseph, caraïte, vers 1290 ; imprimé en 1834 à Eupaloria (Tauride) ; Joseph ben Caspi, ffofemah Lrhaïm, « Sceau de la vie », vers 1330 ; cf. Ginsburg, p. 60 ; Jedadiah Penini r Behinôf 'Olum, « Expérience du monde », vers 1350. édit. Stern, Vienne, 1847 ; cf. Ginsburg, p. 61 ; Rab. Salomon lien Mélech, dans Michlal lôphi. « Reauté parfaite », 1490, et Commentaire, vers 1530 ; cf. Ginsburg, p. 66 ; Élisa Galiho, Venise, 1548 (1578, Giov. di Gara) ; cf. Ginsburg, p. 67 ; Moïse Alschesch, vers 1550, dans Commentaire des cinq Megillôf, Offenbach, 1631 ; cf. Ginsburg, p. 73 ; David de Pomis, Venise, 1571 ; Baruch ben Baruch, Venise, 1599 ; Élie Loanz, 1631 ; cf. Ginsburg, p. 74 ; Samuel Cohen de Pise, 1661 ; Moïse Landsberger, dans Schômer 'Emounim, « Défense de la foi », Offenbach, 1724 ; cf. Ginsburg, p. 77 ; Moïse Mendelssohn, 1770 ; trad. allemande par, 1. Rabe, Dit Prediger Salonw, Ansbach, 1771 ; cf. (linsburg, p. 78 ; David Friedlânder, Dit Prediger ans déni hebràisclten, Berlin, 1788 ; cf. Ginsburg, p. 79.

/L CATBOLIQUBS. — S. Hippolyte, commentaire perdu ; cf. Jérôme, Dr viris M., c. lxi, P. L., t. XXIII, col. 707 ; S. Denys d’Alexandrie, Conim. brevis in principium Eccle. (i-m, 11), /'. G., t. x, col. 1577 sq. ; S. Grégoire le Thaumaturge, Metaphrasis in Ecclesiasten Salomonis, P. (', ., t. x, col. 987 sq. ; S. Victorin de Petau, commentaire perdu ; cf. S. Jérôme, De viris ïll., c. lxxiv, P. L., t. xxiii, col. 722 (selon Cassiodore, Dr mstit. div. liter., 5, P. L., t. lxx, col. 1117, le commentateur serait Victorinus Afer) ; Diodore de Tarse, commentaire perdu ; S. Grégoire de Nysse, Aa i<rata expositio in Ecclesiasten (i-m, 13), huit homélies, P. G., t. xliv, col. 616 sq. ; S. Athanase, commentaire perdu ; cf. Photius, Bibliolh., cod. 139, P. G., t. ciii, col. 420 ; Acace de Césarée, commentaire perdu ; cf. S. Jérôme, De viris M., c. xcviii, P. L., t. xxiii, col. 699 ; S. Jérôme, Comm. in Ecclesiasten, P. L., t. xxiii, col. 1009 sq. ; Théodore de Mopsueste, commentaire perdu ; cf. Léonce de Byzance, De sectis, iv, 3, P. G., t. i, xxvi, col. 1221 ; Salonius, Expositio mystica in Ecclesiasten, P. L., t. lui, col. 993 sq. ; Grégoire de Girgenti, In Eccles. X tibri, P. G., t. xcviii, col. 741 sq. ; Elie de Maru, évéque nestorien, vers 660 ; Olympiodore d’Alexandrie, Comm. in Eccle., P. (', ., t. xciii, col. 477 sq. ; Alcuin, Comm. in Eccle., P. L., t. c, col. 667 sq. ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria in Ecclr., P. L., t. cxiii, col. 1115 sq. ; Rupert de Deutz, Comm. in Ecclesiasten, P. L., t. CLXVIII, col. 1195 sq. ; Honoré d’Autun, Qitsestionrs m Prov. ri Eccle., P. 1j., t. ci.xxii, col. 311 sq. ; Hugues de SaintVictor, In Ecclr. homilix undeviginti, P. L., t. ci.xxv, col. 113 sq. ; Neckam, Expositiones in Ecclesiasten, non imprimé ; Rob. Holkott, Comm. in Eccle. (i-vn), Venise, 1509 ; S. Ronaventure, Expositio m librum Ecclesiastes, Opéra, Rome, 1586, t. i, p. 309 sq. ; Nicolas de Lyre, dans Postillse perpétuas, Rome, 1 471-1 472 ; Denys le Chartreux, Enarratio in librum Ecclesiastm, dans Opéra omnia, Montreuil, 1898, t. iiv p. 211-288 ; 'E//> r, <TiaTTpi’a, dans le Grsecus Venetus (Pent., Prov., Rutb, Cant., Eccle., Thren., Dan. versio græca), édit. O. Gebhardt, Leipzig, 1875, p. 488 sq. ; Œcuménius, Calma in Ecclesiasten, Vérone, 1532 ; Jean de Campen, Psnlm. ri Ecclesiastae paraphrasiica interpretatio, Paris, 1533 ; Jean W’ild (Férus), Serniones in Eccle. juxta literam, Mayence, 1550 ; Jean d’Arbre, Comment. 2025

ECCLÉSIASTE (LIVRE DE L"

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L. Bigot.