Dictionnaire de théologie catholique/ESPRIT-SAINT. I. SA DIVINITÉ III. D'après les Conciles

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 5.1 : ENCHANTEMENT - EUCHARISTIEp. 392-394).

III. D’après les conciles.

Les conciles n’ont rien innové au sujet de la croyance catholique au dogme trinitaire. Ils ont pris, pour ainsi dire, le matériel informe de cette croyance, l’ont élaboré avec l’assistance du Saint-Esprit, l’ont fixé dans des formules précises qui ne laissent pas d’échappatoires aux fausses conclusions des hérétiques. Ces formules, ces termes précis ne se trouvent pas, sans doute, dans la révélation écrite ou dans la tradition orale. Mais il ne faut pas blâmer la pensée chrétienne de s’être formé un langage qui a donné à la théologie un caractère scientifique. Les conciles, comme il a été dit au concile de Chalcédoine, n’ont pas eu le but de présenter un nouvel aliment à la piété chrétienne, mais de chercher des remèdes salutaires contre ceux qui ont innové dans le trésor des dogmes. Mansi, ConciL, t. VII, col. 456, 457. Il n’est donc pas étonnant de constater, dans les déflnitions de conciles, un progrès relativement à renonciation claire et explicite de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. Ce progrès est intimement lié à la naissance et au développement des hérésies antitrinitaires, parce que, dit saint Grégoire le Grand, sancta Ecclesia subtilius in sua semper eniditione instniitur, dum hæreticoram qiiœslionibiis impugnatur. EpisL, viii, 2, P. L, , t. Lxxvii, col. 906. Lorsque ces hérésies s’attaquaient à la personne du Verbe, les conciles ont travaillé au développement de la doctrine christologique. Mais, lorsque les eunomiens et les macédoniens tournèrent leurs armes contre la divinité du Saint-Esprit, la théologie du Saint-Esprit attira, nécessairement, l’attention des conciles. Le symbole de Xicée se borne à professer la simple croyance catholique au Saint-Esprit : lh<TTc-jO ! i£v… il ; tÔ a^iov llvsCjxo :. Il ne fait que répéter la formule insérée dans l’ancienne profession de foi de l’Église romaine. Les Pères du concile ne voulurent pas adopter la formule plus étendue propasée par Eusèbe de Césarée : « N’eus croyons que chacun des trois est et subsiste : le Père vraiment comme Père, le Fils vraiment comme Fils, le Saint-Esprit vraiment comme Saint-lîsprit. » Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 437.

Il suffira de mentionner les anathèmes dont le 757

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I « r concile (le Sirmiimi (351-352) frappa les sahellicns et les phoUniens. Hcfele, op. cit., 1. i, p. 859, 860. Ce concile, comme on sait, était composé de semiariens. Mais, en 362, saint Athanase réunit à Alexandrie un synode de 21 évêques. Ce synode eut à s’occuper du Saint-Esprit contre les ariens et les macédoniens, qui le rabaissaient au rang des créatures. Dans leur épître synodale, les membres de ce concile déclarent qu’il ne faut pas diviser la sainte Trinité, ni admettre rien de créé en elle. Mansi, Concil., t. iii, col. 348. L’Esprit-Saint est de même substance et divinité que le Père et le Fils, et dans la Trinité, il n’y a absolument rien de créé, rien de plus puissant ou de moins iniissant. Rufin, H. E., i, 29, P. L., t. xxi, col. 499. On doit détester ceux qui affublent le Saint-Esprit d’une nature créée. Mansi, Concil., t. iii, col. 356. Le Saint-Esprit n’est pas étranger à la nature divine. Ibid., col. 349 : Hefele. op. cit., t. i, p. 965.

Le concile d’Ilhrie, tenu en 375, exprima nettement sa foi à la consubstantialité divine de la sainte Trinité. Mansi, Concil., t. iii, col. 385. Le Saint-Esprit est inséparable du Père et du Fils quant à la divinité : ceux qui rejettent sa divine consubstantialité, l’Église les frappe d’anathémc. Ibid., col. 385. Les ariens sont hérétiques, parce qu’ils nient que le Fils et le Saint-Esprit dérivent de la substance du Père. La même gloire doit être rendue au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., col. 385.

Plusieurs conciles tenus à Rome, sous le pontificat de saint Damase (366-384), déterminent avec plus de précision la doctrine catholique sur le Saint-Esprit. Le I<^’de ces conciles, tenu probablement en 369, proclama q.ie le Père, le P’ils et le Saint-Esprit participaient à la même substance divine. Mansi, Concil., t. III, coi. 443 ; Hefclc, op. cit., t. i, p. 980. Un autre concile tenu en 374, sur les instances des évêques orientaux, analhemalisa les erreurs d’Apollinaire de Laodicéc et d’Eustathe de Sébaste. Ses anathèmes frappent ceux qui rangent le Saint-Esprit au nombre des créatures ; qui refusent d’admettre qu’il voit et connaît tout, qu’il a pris part à la création de l’univers, qu’il participe avec le Père et le Fils à la même divinité, puissance, majesté, gloire, domination, volonté, et au même royaume ; <iu’il doit être adoré par toute créature. On renonce au christianisme pour s’inscrire au nombre des Juifs si on croit à un Uicu unic|uc de manière à supprimer la distinction des jiersonnes divines. Mansi, Concil., t. III, col. 477 ; Hefele, op. cit., 1. 1, p. 981. Le concile établit en ces termes la foi catholique touchant le Saint-Esprit : Iliec est s(diis christianoriim ul crcdentes Trinilati, idc.it, Pcdrict l-’ilioct Spiritui Sunclo, in cam veram, solnm, iinani divinita ciii, et potentiam, et snbsl(tnli<im cjusdem hiec sine diibio crednmiis. Mansi, Concil., l. iii, col. 484. Le Saint-Esprit n’est pas un Dieu inengendré ou engendré ; il n’a pas clé lait ou créé ; il est l’I-^sprit du Père et du Fils, coéternci au Père et au Fils. Ibid., col. 484. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit constituent la Trinité sainte, la plénitude entière de la nature divine. Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-lvjjril e>t Dieu. Ces trois sont u seul Dieu : une seule puissance en trois/orma-. Ibid., col. 485. La condamnation, prononcée par ce concile contre les pneumatomaques. fut renouvelée par un III" coiicile, tenu en 376. Mansi, Concil., t. iii, col. 485 ; Hefele. op. cit., L i, p. 984. Un IV « concile, tenu en 380, prononça une série d’anallièmes contre les sabelliens, les ariens, les macédoniens. les pliotiniens, les marcellicns, les apollinarlsles. Il proi-lama que le Saint-I-^sprit n’est pas une créature. Il a toujours subsisté avec le Père et le FIK ; il est l’cre ac proprie.siciit et Filins de dinina subsistentin. Mansi, Concil., t. iii, col. 486, 487 ; Hefele. op. cit., 1. 1, p. 989.

Le concile d’Iconiuni, tenu en 376, déclare, dans sa lettre synodale, que le concile de Nicée n’a pas touché à la question du Saint-Esprit, mais qu’il a bien laisse voir ce qu’il en pensait. Ce que nous croyons du Père, nous devons le croire aussi du Fils et du Saint-Esprit. La nature de la Trinité est divine. Il n’y a pas en elle mélange de la nature créée. Mansi, Concil., t. III, col. 506. Les personnes divines sont réellement distinctes, mais leur nature n’est pas divisée. Si nous séparons le Saint-Esprit de la nature divine, nous le rabaissons au rang des créatures. Et dans ce cas, ne serait-il pas absurde de le mentionner dans la formule du baptême ? Nous ne prêchons pas trois principes, dit le concile, ni trois dieux : nous ne prêchons pas trois natures différentes. Nous reconnaissons, sans doute, le Père comme cause efficiente de toutes les créatures, mais nous ne nions aucune des hypostases. Ibid., col. 507. Dans nos prières liturgiques, nous rendons la même gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ibid., col. 507 ; Hefele, op. cit., t. I, p. 983.

Dans la Régula ftdci, attribuée au concile qui aurait été tenu à Tolède en 447, mais qui est l’œuvre privée de Pastor, évêque de Galice, voir Kiinstle, Anlipriscilliana, I-’ribourg-en-Brisgau, 1895, p. 30-35, on établit nettement contre les priscillianistes la personnalité divine du Saint-Esprit. On y prononça l’anathème contre ceux qui croient que le Paraclet est identique au Père ou au Fils. Mansi^ Concil., t. iii, col. 1002, 1161 ; Hefele, op. cit., t. ii, p. 485. La profession de foi attribuée au XI"" concile de Tolède (675), mais qui, pour Kiinstle, serait une E.iposilio fidei d’un théologien espagnol du v*e siècle, Anlipriscilliana, p. 74, déclare que le Saint-Esprit participe à la même substance, nature, majesté et puissance du Père et du Fils, Mansi, Concil., t. xi, col. 132 ; qu’il est envoyé par le Père et le Fils, mais qu’il ne leur est pas inférieur, ibid., col. 133 ; qu’il y a trois personnes en Dieu, mais une seule nature commune à toutes les trois : qu’il y a un Père, un Fils et un Saint-Esprit, mais non trois Dieux : A’o/i enim ipse est Palcr qui Filius ; ncc ipse Filius qui Palcr ; ncc Spirilus Sanclus ipse, (, ui est vel Palcr ; vcl Filius ; cuni lomen ipsum sil Pater quod Filius ; ipsum Filius qund Palcr ; ipsum Pater e( Filius quod.Spirilus Sanclus, idest, nulura nnusDeus… Pater et Filius et Spirilus Sanclus substanlia unum sunt : pcrsonas enim distiiif/uimus. non deitatem scparamus. Ibid., col. 131. Cette profession de foi a été renouvelée au concile de Tolède de 688, Mansi, Concil., t. XII, col. 11-12, et avec plus d’aniiileur au concile de ()93 : « Nous confessons la divinité et la toute-puissance du Père, du Fils et du Saint-lisjjrit. Mais nous ne croyons pas en trois Dieux ou en trois lout-puissants. Appuyés sur la vérité inébranlable de la foi. nous croyons en un seul Dieu de même nature, essence, toute -puissance et majesté. » .Mansi, Concil.. t. xii. col. 65. Le Père n’a jamais été sans le Saint-t-^sprit, Il n’y a rien ni de plus grand, ni de plus petit dans la sainte Trinité. Le Père est parfait, le Fils est parfait, le Saint-Esprit est parfait. Le Père est inuuuable. le l-’ils est immuable, le Saint-t-^sprit est inumuible. Ibid., col. 65. Xous devons croire en ini seul Dieu, en un seul Père inséparable du I-ils et du Saint-l’.spriL La volonté du Père, du Fils et du Saint-ICsiirit est une et identicpie..u point de vue des relations, le Père, qui a relation avec le Fils, n’est pas le Fils, el le Saint-I- ; sprit n’est ni le Père ni le Fils. Ibid.. col. 67 ; Hefele, op. cit., l. ii, p..'>8’2-586.

D’autres conciles du xi’et du xiie siècle ont appuyé sur la divinité du Sairil-i : sprit contre les aberrations (lu nominalisnie ou d’un Irithéisme déguisé. Le concile de Soissons de 1092 condanuiail les erreurs de Koscclin de (ionijiiègne, qui réduisait l’essence divine 759 ESPRIT-SAINT 760

à une simple abstraction et considérait les trois personnes divines comme trois choses {1res res) distinctes. Stôckl, Geschichle der Philosophie des Mittelalters, Mayence, 1864, t. i, p. 138, 139 ; Hefele, op. cit., t. V, p. 353-354. Le concile de Soissons de 1121 et le concile de Sens de 1140 condamnèrent Abélard, qui faisait du Saint-Esprit un simple attribut de la divinité, la bonté divine. Voir t. i, col. 44, 46 ; Stockl, op. cit., t. I, p. 235-239 ; Schwane, Dogmengeschichte der miltleren Zeit, Fribourg, 1882, p. 156-157 ; Hefele, Conciliengeschichte, t. v, p. 358-363 ; Mansi, Concil., t. XXI, col. 265, 559-563. Le concile de Reims en 1148 proclama la divinité et la personnalité du Saint-Esprit contre Gilbert de la Porrée, pour lequel chacune des trois personnes en Dieu ne représentait pas la totalité absolue de l’essence divine : il fallait les trois ensemble pour avoir l’être divin. Stôckl, op. cit., 1. 1, p. 285 ; Hefele, op. cit., t. v, p. 519-525. Cum de tribus personis loquimur, dit le concile, Paire, et Filio, et Spirilu Sancto, ipsas unum Deum, unam divinam substanliam esse falemur. Ete converso cum de uno Deo, uno divina substantia loquimur, ipsum unum Deum, unam divinam^ substanliam esse Ires personas confilemur. Mansi, Concil., t. xxi, col. 713.

Le IV « concile du Latran (XII « œcuménique), tenu en 1215, condamna les théories trinitaires de l’abbé Joachim de Flore, qui, partant du principe : Essentia gentil essenliam, aboutissait au trithcisme. Stôckl, loc. cit., p. 289 ; Schwane, loc. cit., p. 161, 162. Avec une rigoureuse précision de termes, le concile affirme la consubstantialité divine du Saint-Esprit : Firmiler credimus et simpliciler confilemur, quod unus solus est verus Deus, seternus et immensus… Pater, et Filius, et Spirilus Sanclus : 1res quidem personæ, sed una essentia, substanlia, seu natura simplex omnino. Mansi, Concil., t. xxii, col. 981, 982. La prolixe profession de foi de ce concile contient l’exposé le plus précis de la théologie du Saint-Esprit. Cf. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 428.