Dictionnaire de théologie catholique/GRATIEN II. La théologie dans ses sources et chez les glossateurs de son « décret ».

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 6.2 : GÉORGIE - HIZLERp. 250-260).

II. GRATIEN. LA THÉOLOGIE DANS SES SOURCES ET CHEZ LES GLOSSATEURS DE SON DÉCRET.

Si le Décret de Gratien ouvre aux matières théologiques une place plus ou moins grande selon les cas, les recueils antérieurs auxquels il fait des emprunts, et les glossateurs subséquents qui le commentent, se caractérisent par un mélange analogue de questions dogmatiques et de droit canonique. Souvent même, chez ceux-ci comme chez ceux-là, la théologie prend beaucoup plus d’extension que chez Gratien. Les rapports mutuels des deux sciences, à cette époque, influent sur leur développement. C’est à ce titre que ces deux séries de recueils, les sources de Gratien, et les travaux de ses glossateurs (Glossæ, Summiu), doivent intervenir dans l’histoire des doctrines théologiques ; à plus d’un point de vue, elles intéressent même l’histoire du dogme, surtout dans les traités De Ecclesia et de romano pontiflee et De sacramentis in génère et in specic ; l’histoire de l’enseignement scolaire, de l’élaboration des programmes et des méthodes, peut s’éclairer aussi de cette étude.

I. Considérations générales sur les points d’attache des matières théologiques avec les recueils canoniques.
II. Rapports des collections canoniques avec la théologie et le dogme, avant Gratien.
III. Rapports des commentaires et des gloses des canonistes avec le dogme, après Gratien.

I. Considérations générales.

Il n’y a pas lieu de s’occuper de l’aspect de plus en plus juridique que prennent, vers cette époque, le gouvernement de l’Église et son organisation hiérarchique. Cette question regarde l’histoire beaucoup plus que la théologie ; sa place est donc ailleurs. Elle appelle toutefois ici une remarque : sans doute, il serait puéril de vouloir nier la marche rapide, à ce moment, du droit ecclésiastique vers la centralisation gouvernementale ; mais, d’autre part, 1’« amalgame entre dogme et droit, » dont Harnack fait si grandement état, Lchrbuch der Dogmengeschichte, 4e édit., Leipzig, 1909, t. iii, p. 347, et en général, q. 347-354, se présente, dans son exposé, sous un jour qui n’est pas de nature à éclairer complètement la matière. Car l’absence presque complète de décisions doctrinales, depuis l’apparition des Fausses Décrétâtes, s’explique, entre autres, par la barbarie de la période : dans ces milieux peu cultivés, l’hérésie ne trouvait pas le terrain préparé, et si elle se fait jour, elle est purement « grossière et matérielle, » comme le disait déjà Ampère. Histoire littéraire de la France avant le xue siècle, Paris, 1840, t. iii, p. 273. Plus tard, par exemple, sous Alexandre III, les questions théologiques occupent la papauté beaucoup plus que ne le laisse entrevoir Harnack. Op. cit., p. 350. La manière dont les canonistes entendent l’interprétation des lois mobiles et immobiles, par exemple, dit déjà toute la différence qu’ils mettent entre les choses de foi et les choses de mœurs, comme le serait la dîme. Ibid., p. 351. Ce n’est pas la papauté, du reste, qui fait entrer dans les collections canoniques le chapitre dogmatique le plus important et le plus dogmatiquement formulé ; c’est Yves de Chartres, lequel n’est certes pas en progrès sur les canonistes grégoriens dans l’affirmation des droits du Saint-Siège. Enfin, précisément au moment où ce caractère s’accuse davantage dans l’Église, le mélange de la théologie et du droit devient beaucoup moins intense, à en juger par les travaux des représentants des deux sciences. Déjà, chez Gratien, disparaissent beaucoup de ces matières de pure foi, en dehors du De consecratione. Le développement que nous exposons ici ne peut donc être en connexion bien intime avec le mouvement dont s’occupe Harnack et dont, avec quelques nuances, nous retrouvons l’esquisse chez Seeberg, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 2e édit., Berlin, 1913, t. iii, p. 116-118. C’est bien plutôt aux conditions de l’enseignement scolaire qu’il faut attribuer les rapports entre les deux sciences et les emprunts qu’elles se font mutuellement, surtout dans le domaine de la méthode et de la documentation.

Cette revue des sources ne s’étendra guère au delà de l’époque du concile de Latran en 1215, non pas qu’à cette date les rapports entre les deux sciences aient pris fin. Loin de là ; les services rendus aux théologiens par les dossiers patristiques des canonistes se perpétuent pendant tout le moyen âge, jusqu’à se manifester dans la documentation d’Occam, de Wyclif et de Jean Huss. Les manuscrits des Sentences de Pierre Lombard, non moins que les commentaires des grands théologiens sur les Sentences, montrent combien le Décret de Gratien était continuellement utilisé par leurs études. Le De consecratione surtout alimentait de ses textes l’exposé théologique. Mais tout cela est déjà bien postérieur à la période de l’élaboration des deux sciences et d’importance à peu près nulle dans l’histoire des dogmes ; c’est surtout au moment où la théologie commence à s’organiser en un corps de système, qu’il est utile de rechercher quels éléments elle fait intervenir et à quels auxiliaires elle a recours.

II faut remarquer que tout ce qui est dogme parmi ces éléments n’est pas pour cela hors de sa place en droit canon ; il est des manifestations extérieures de la foi, récitation publique des divers symboles, serment de fidélité, profession de croyances, etc., que l’Église, société organisée, exige de ses ministres ou des chrétiens en général. Rien d’étonnant donc si ces formules, ou les textes qui en donnent la substance, trouvent leur place dans les collections canoniques, auparavant comme certains textes des Pères et des conciles avaient trouvé accès dans la législation impériale, à un moment où le christianisme était devenu religion d’État. Codex theodosianus, I. XVI, 1, édit. Mommsen et Meyer.Berlin, 1905, p. 833 ; Codex justinianus, 1. I, 1, édit. Kriiger, Berlin, 1877, p. 7-18 ; voir aussi Alivisatos, Die kirchîiche Geselzgebung des Kaisers Juslinian I, dans Neue Studien zur Geschichte der Théologie und der Kirche, Berlin, 1913, t. xvii, p. 3 sq., 21. Ce n’est donc pas proprement en cela que consiste l’entrée de la théologie 173^

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dans les collections canoniques. D’allure plus spécialement théologique est le développement considérable que prennent ces passages, jusqu’à se transformer parfois en vrais chapitres de théologie positive, comme l’on en trouve chez Burchard de Worms, Decrelum, 1. XIX et XX, P. L., t. cxl, col. 943-1058 ; chez Yves de Chartres, Decrelum, part. XVII, P. L., t. clxi, col. 967, et chez d’autres.

Cette intrusion de la théologie dans les recueils de droit canonique provient, en première ligne, du genre même de ces recueils et du rôle auquel les destinent leurs auteurs : ils veulent être pratiques avant tout et ont pour but de mettre à la disposition du clergé, surtout du supérieur ecclésiastique, tous les renseignements indispensables pour la direction d’un diocèse ou d’une partie de diocèse. Ils appellent cela un recueil manuel, un enchiridion, un codicillam manualem. C’est le mot qu’emploient Réginon de Prum et d’autres après lui. YVassersehleben, Reginonis… libri duo de synodalibus causis et disciplinis ecclesiasticis, Leipzig, 1840, præf., p. 1, 2 ; collection inédite du Vatican, ms. 1339, dans Theiner, Disquisitioncs crMcie, p. 272. Les peuples commençaient à peine à sortir de la barbarie post-carolingienne ; en de tels moments, la théologie pouvait être réduite au strict nécessaire : ni la prédication, ni les connaissances du clergé n’exigeaient grand’chose encore, comme on peut le voir dans les canons des conciles qui s’occupent de l’homélie dominicale et des livres nécessaires aux clercs. Voir J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, p. 34. Il va sans dire que la prédominance est attribuée par ces recueils aux parties pratiques ; c’est dans celles-ci que s’élargit principalement la place de la théologie. Avant tout, les sacrements et leur administration font l’objet d’une attention spéciale ; de même, les chapitres sur les droits du Saint-Siège à l’obéissance, et sur ses prérogatives de souveraineté, d’universalité, d’infaillibilité, etc.

En outre, les développements donnés à une matière, de préférence à d’autres, seront déterminés par la nature même des sources utilisées, ou par l’objet des controverses agitées à l’époque ou dans le pays de l’auteur ; c’est le cas pour la prédestination et la grâce, chez Burchard de Worms ; pour le sacrement de l’eucharistie, chez Yves de Chartres et chez Gratien ; pour la valeur des sacrements conférés par les indignes, chez tous les auteurs contemporains de la querelle des investitures. Un but nettement déterminé et consciemment poursuivi commande, chez d’autres, le choix des matières traitées et des documents utilisés : c’est le cas chez Anselme de Lucques et chez ceux dont il dérive ou auxquels il sert d’exemple ; ils veulent tous la réforme ecclésiastique et, pour l’accomplir, la reconnaissance des droits du Saint-Siège. Beaucoup de ces questions étant théologiques non moins que canoniques, la solution qu’il fallait donner sur le terrain pratique, au for intérieur comme au for extérieur, supposait déjà, moyennant la réserve apportée plus loin, une réponse sur le terrain doctrinal.

S’il est des traités qui élaguent une bonne partie des matières dogmatiques et se restreignent généralement au seul côté canonique, ils ne rompent pas complètement toutefois avec les habitudes régnantes qui ont uni les deux sciences ; l’on peut citer, comme exemple, la Panormic d’Yves de Chartres ; dans le traité des sacrements, elle fournit sur la confirmation presque autant de matières que la plupart des œuvres théologiques du xii » siècle, et sur l’eucharistie, elle présente tout un agencement de textes patristiques dirigés contre Bérenger, et relatifs à la transsubstantiation et à la permanence des accidents. Les canons formulés dans ce chapitre et les inscriptions qui leur servent de titre, souvent avec beaucoup de précision, passeront en bloc

dans le Décret de Gratien. D’autres fois, les développements relatifs au monde invisible des anges et des démons, ou aux fins dernières, peuvent avoir été inspirés par le désir de faire cesser un certain nombre de croyances et de coutumes superstitieuses, auxquelles le folklore des peuples enfants ouvrait si large place : c’est là, croyons-nous, la raison de ces chapitres dans le Décret de Burchard (fin du 1. XX, p. 41-55) ; de son recueil, ils ont passé chez quelques-uns de ses copistes, comme on le verra plus loin.

Outre cette communauté de matières, qui n’est pas sans influence sur les essais de la codification théologique — ceux-ci suivent d’assez près la codification canonique — les rapports entre les deux sciences au moyen âge s’accusent encore par l’emploi des mêmes textes patristiques, car les recueils canoniques servent souvent de dossier patristique aux théologiens, et par la même méthode dans la conciliation des autorités patristiques. Jusqu’à l’époque de Gratien, la théologie sera plutôt tributaire des canonistes. Dans ces divers domaines, à partir du second quart du xii° siècle, la relation s’établit en sens inverse. Abélard, Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard, pour citer quelques-uns des principaux noms, trouveront souvent écho chez les canonistes, et ceux-ci puiseront à pleines mains chez les théologiens, quand ils s’occupent de théologie.

IL Exposé des relations entre les deux sciences jusqu’à Gratien. — 1° Matières communes.

— 1. Collections jusqu’à la fin de l’époque carolingienne.

— Ces relations commencent surtout avec le groupe des collections rhénanes, représenté par Réginon de Prum et Burchard de Worms. Les recueils précédents, comme le Codex canonum ecclesiaslicorum et la Colleclio decrelorum romanorum ponlificum de Denys-le-Petit, P. L., t. lxvii, col. 139, 230, la collection dite Avellana, édit. Guenther, dans le Corpus scriptorum ecclesiaslicorum de Vienne, 1895, t. xxxv, la Brevialio canonum de Fulgence Lerrand, P. L., t. lxvii, col. 949-962 (courte collection qui suit l’ordre des matières dans ses 232 numéros, mais ne donne qu’un résumé), le Brcviarium canonum, ou mieux la Concordiu canonum de Cresconius, P. L., t. lxxxviii, col. 829-942 (l’ordre des matières, satisfaisant au début, disparaît bientôt de la suite), plus tard la collection Irlandaise, édit. Wasserschleben, Die Irische. Kanoncnsammlung, Leipzig, 1885, ou se contentent de suivre la liste chronologiques de textes sans souci de l’ordre méthodique des matières, ou sont trop éloignées des essais de la codification théologique, et, par suite, n’exercent qu’une influence indirecte sur les prédécesseurs de Gratien, ou sont trop courtes ou conçues dans un sens trop spécial pour ouvrir leurs colonnes aux textes théologiques : Colleclio Avellana, répertoire par ordre historique, précieux surtout pour l’histoire ecclésiastique depuis 367 jusqu’à 553 ; Brevialio canonum, court résumé ; Concordia canonum de Cresconius, puisée dans Denys-le-Petit, donne pas mal de textes sur la rebaptisation, can. 62 sq., op. cit., col. 870 ; la Collection irlandaise, à part le 1. XLVII sur la pénitence, op. cit., p. 196-203, n’a rien de théologique, pas même dans les 1. XXXVIII, De docloribus Ecclesicc, chapitre de pastorale, p. 141-146, ou LVII, De hærcticis, p. 233. Il y a bien aussi l’exemple de l’Hispana, doublée bientôt d’une table systématique des matières (voir 1. IV, tit. iv, v, symboles de foi ; l.VIII, De Deo et quæ sunt credenda de illo ; Maassen, Geschichte der Qucllen und der Literatur des Canonischen Rechls, Gratz, 1870, t. i, p. 667-717, 813-820 ; d’Aguirre, Colleclio maxima conciliorurn omnium Hispanise, Rome, 1754, t. iv, p. 9-56), et celui de la célèbre collection des Fausses Décrétâtes (Hinschius, Decrekdes pseudo-Isidorianse, Leipzig, 1863, p. 99 sq., Trinité et incarnation, etc. ; Môhler, Fragmente aus und ûber Pseudo-Isidor, dans Theologische Quartalschrijt de Tubingue, 1829, p. 177 ; 173 :

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1832, p. 3. ou Schrifien und Aufsàtze, édit. Dollingcr, Ratisbonne, 1839, p. 283 347 ; P. Fournier, Élude sur les fausses Décrétâtes, dans la Reuue d’histoire ecclésiastique, 1906, t. vu. p. 36, et Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 903-910 ; Décrétales, t. iv, toi. 212-222), qui font, l’une et l’autre, une place au dogme. Mais tout cela n’est pas comparable à l’importance que prend la théologie dans les collections rhénanes. Avec Y Anselmo dedicala qui leur sert de source, celles-ci sont parmi les grandes collections, les premières en date qui abandonnent l’ordre chronologique pour assurer désormais le triomphe à un groupement plus méthodique des matières ; par suite, leur plan logique met davantage en relief la part qu’elles font à la théologie.

2. Groupe des collections rhénanes.

Au début du xe siècle, Réginon, De causis et disciplinis ecclesiasticis, P. L., t. cxxii, col. 175, dominé plus que tout autre par des préoccupations d’ordre pratique, parle de sujets dogmatiques dans les rapports qu’ils peuvent avoir avec la conduite morale ; les matières liturgiques et sacramentelles sont à citer ici : eucharistie, 1. 1, 63 sq. ; extrême-onction, 1. I, 106 sq. ; baptême, 1. I, 265 sq. ; pénitence, 1. I, 292 sq. ; ordre, 1. I, 399 sq. ; mariage, 1. II, 101 sq. Mais tout cet ensemble est fort élémentaire encore, comme du reste l’annoncent les questions lxxxii-xcvi de l’interrogatoire placé en tête de l’oeuvre et destiné à la visite des paroisses.

La collection du nord de l’Italie, V Anselmo dedicala, du nom d’Anselme II, archevêque de Milan, à qui elle est dédiée (883-897), a aussi quelques passages relatifs aux matières théologiques, comme sur le baptême et la confirmation dans sa partie IX ; l’eucharistie et la pénitence font défaut ; la primauté de l’Église romaine intervient dans la l rL’partie (ms. de Bamberg, P. I, 12, fol. 106, 107, 221-227, etc. ; Fournier, L’origine de la collection Anselmo dedicala, dans les Mélanges P. F. Girard, Paris, 1912, extrait).

Beaucoup plus que Réginon et que V Anselmo dedicala, ses deux modèles principaux, Burchard de Worms augmente la part des matières théologiques ; son Decre/um, composé avant 1023, commence par la primauté du pape et donne de longs développements à divers sacrements : 1. I, 2, 3 ; 1. IV, P. L., t. cxl, col. 726, baptême et confirmation ; 1. ii, col. 717, ordre et devoirs du prêtre ; 1. III, 56, col. 719, matière de la catéchèse, etc. Si le chapitre sur l’eucharistie, quoi qu’en dise Burchard, laisse beaucoup à désirer, 1. V, col. 751, le chapitre de pastorale intitulé : De visilaiione infirmorum, 1. XVII I, col. 937, parle de la rémission des péchés et de l’extrême-onction. Les deux derniers livres, surtout, intéressent la théologie : le XIX, Correclor et medicus. qui n’est pas à enlever à Burchard, est un traité fort développé de l’administration de la pénitence au xi c siècle. A. Lagardecn a donné récemment une analyse détaillée, Le manuel du confesseur au XIe siècle, dans la Revue d’histoire et delillérulure religieuses, nouvelle série, 1910, t. i, p. 542-550, mais les conclusions qu’il en tire appellent des réserves. L’importance de ce traité s’affirme jusque dans les copies qu’on en fait en Allemagne au xiii c et au xve siècle. Ce XIX’livre de Burchard ouvre désormais au De pœnilenlia une place à part dans les collections canoniques ; même les auteurs dis recueils canoniques à l’époque de la réforme grégorienne, puis les compilateurs du groupe français, agiront souvent comme Burchard, jusqu’au moment où Gratien fera entrer dans son traité sur la pénitence diverses questions dogmatiques (texte de Burchard dans P. L., t. cxl, loc. cit., et dans Schmitz, qui fait intervenir quelques nouveaux manuscrits, Die Bussbiicher und das kanonische Bussverfahren, Dusseldorf. 1898, t. ii, p. 407). Le 1. XXe est de matière essentiellement théologique comme le dit son litre Spcculatoi ;

spcculatur enim de pmdestinalione, etc., ibid., col. 1013-1058 : âme humaine, chute et liberté, grâce, prédestination, anges et démons, fins dernières, prière pour les morts, etc., Antéchrist.

Les nombreuses collections qui copient Burchard ou s’inspirent de lui. et parmi lesquelles il faut citer la Colleelio duodeeim partium (inédite, mss. de Bamberg, /’. /, 13, et P. 3, 10, etc.), reproduisent la plupart de ces matières. On les retrouve, un siècle plus tard, jusque dans le Pohjcarpus et dans la collection italienne du Vatican 1346. Theiner, op. cit., p. 345, 355, etc. ; de Ghellinck, op. cit., p. 287. Yves de Chartres les fait même entrer dans son Decrclum, mais non plus dans sa Panormia.

3. Groupe des collections grégoriennes. - — Après le groupe des collections rhénanes, il faut mentionner un groupe plus important encore : il doit son origine à ce grand mouvement de réforme auquel est attaché le nom de Grégoire VII et qui est devenu célèbre dans l’histoire par la querelle des investitures à laquelle il donna lieu. La première caractéristique de ces collections dans le développement de la théologie et du dogme, réside dans l’affirmation des droits du Saint-Siège, primauté, infaillibilité, etc. L’autre a trait surtout aux questions sacramentaires ; la valeur des sacrements conférés par les indignes y est l’objet de développements spéciaux. Cela seul nous dit déjà combien les traités théologiques De Ecclesia et romano ponlifice et De sacramentis in génère peuvent trouver de renseignements précieux dans les travaux des canonistes grégoriens. Ceux-ci avaient été précédés dans leurs essais de réforme par un groupe de recueils, qui se fait jour surtout au sud de l’Italie ; mais cette tentative avait été sans succès, semble-t-il. (Note d’un mémoire communiquée à l’auteur par M. P. Fournier, sur les collections canoniques du pays de Bénévent et du sud de l’Italie.) C’était l’appui de la papauté qui devait assurer le triomphe à l’œuvre réformatrice. Les collections grégoriennes aboutissent à préciser, dans les points qu’on vient d’indiquer, l’expression du dogme et de la théologie, non pas seulement grâce aux formules qu’elles emploient, ou dont elles favorisent la diffusion. Elles obtiennent encore ce résultat par la pratique qu’elles répandent de plus en plus dans les mœurs et qui, à son tour, se traduit dans les exposés didactiques. Ces collections, fort nombreuses, sont surtout représentées par les noms suivants : en tête, vient un recueil anonyme du milieu du xi c siècle environ, la Collection en 74 titres, inédite encore (Thaner prépare une édition ; bonne étude et indication du contenu et des titres dans P. Fournier, Le premier manuel canonique de la réforme au xie siècle, dans les Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’École française de Rome, 1894, t. xiv, p.147-223 ; quelques chapitres imprimés d’après l’édition de Wendelstcin, parPilhou, Corfrrca/iom<m velus Ecclesiæ romaine, Paris, 1687, p. 177-180). Ce recueil donne une place prépondérante au De primalu romaine Ecclesiæ. C’est le titre que lui donnent divers manuscrits du reste : Sententiæ Palrum de primalu romaïuv Ecclesiæ, d’après le titre de ses premiers chapitres. La collection en 74 titres sera imitée par une vingtaine de collections qui dérivent d’elle. Les documents qu’elle utilise proviennent tous des collections antérieures, si bien qu’on a pu dire de l’auteur qu’il ne fait pas une innovation, mais qu’il restaure l’ancien droit. C’est le premier essai (voir les titres i, ii, puis xx, xxiii, xxv), du reste encore très imparfait, d’une codification canonique et théologique d’un De Ecclesia et de romano ponlifice. Malheureusement, tout n’est pas de même valeur, le pseudo-Isidore ayant alimenté ce recueil comme tous les autres du moyen âge.

Après la Collection en 14 litres, qui prend l’initiative en cette matière, il faut signaler surtout les œuvres

(l’Anselme de Lucques († 1080), du cardinal Deusdedit (septembre 1087), et de Bonizon de Sutri (pas avant 1089). Sur d’autres collections encore inédites, l’on peut consulter la dissertation des Ballerini, De antiquis canoinun colleclionibus, iv, 17, 18, dans leur édition des œuvres de saint Léon, P. /…t. lvi, col. 346 ; Theiner, op. cit., p. 338, 341, 345, 350 ; Fournicr, mémoire cité des Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. xiv, p. 209-223. Les droits du Saint-Siège et divers points intéressant la théologie de l’Église et du pape sont clairement formulés ici. Voir quelques affirmations dans les ouvrages cités, comme celles de Deusdedit, édit. Wolf von Glanvell, Die Kanonessammlung des Kardinals Deusdedit, Paderborn, 1905, 1. I, 6, 18, 48, 50, 53, 54, 57, 58, 59, 63, 65, 68, 70, etc. ; Anselme de Lucques, Collectio eanonam, édit. Thaner, Inspruck, 1906, 1. I, 12, 13, 57, 60, 65, 67, 68 ; 1. XII, 42, 47, etc. ; Bonizon de Sutri, Deerelum, 1. IV, 4, 7, 9, 16, etc., dans Mai, Nova Palrum bibliotheca, t. vii, part. III, p. 29, 47, etc. ; de Ghellinck, op. cit., p. 292-294. Ce mouvement de réforme, en connexion intime avec les fameuses propositions du Dictatus papa restitué de nos jours à Grégoire VII par Peitz et d’autres à sa suite, Das original Regisler Gregors VII, Exkurs ni, p. 272 sq., dans Sitzungsberichle der k. Akademie der Wissenschafien in Wien, philos.histor. Klasse, 1911, t. clxv, p. 272-286, affirme sa vitalité jusque dans le succès même de ces collections ; celles-ci se répandent rapidement partout et se multiplient en un grand nombre de manuscrits, surtout celles en 74 titres et celle d’Anselme de Lucques, dont les copies dépassent six fois et davantage le nombre des manuscrits connus de Deusdedit ou de Bonizon. Mais tandis que la question mentionnée tantôt, au sujet des sacrements, entre tout de suite dans les ouvrages de dogmatique, il faut attendre le xvie siècle pour que le traité de l’Église et du pape prenne définitivement sa place dans les cours de théologie ; cela ne veut pas dire que dans les siècles précédents, au xiie et xiiie siècle surtout, les idées des théologiens ne fussent pas nettes et claires à ce sujet. Voir Grabmann, Die Lehre des Thomas von Aquin, von der Kirche als Gotteswcrk, Batisbonne, 1903. Mais la pratique même dont on vivait dispensait d’une systématisation théorique en théologie. Le traité De Ecclesia et de romano ponlificc se préparait ainsi son entrée d’une double manière dans les essais de la codification théologique, comme on l’a dit plus haut ; il y a d’abord l’affirmation nette et précise des droits du Saint-Siège, telle que la formulent Anselme de Lucques, Deusdedit et les autres grégoriens ; il y a, en outre, le mouvement des idées qui correspond à celui des faits et des événements. Avant de se formuler en thèse précise dans les recueils dogmatiques, l’idée de la suprématie papale et des droits du Saint-Siège est en quelque sorte vécue et pratiquée. Les recueils grégoriens contribuent pour une large part à la faire passer dans les mœurs et préparent ainsi la voie aux textes qui entreront dans la codification théologique. Ce qui peut servir en quelque sorte de contre-épreuve à ce que nous affirmons ici, c’est que d’autres essais de réforme, comme ceux dont il a été question plus haut, et qui s’affirment dans quelques collections canoniques du sud de l’Italie, n’aboutissent à aucun résultat sérieux ; il leur manquait l’appui du siège de Borne. Les événements du xive siècle font constater qu’un progrès sur le terrain même de l’enseignement universitaire théologique en ce moment, eût évité les violents conflits dus aux idées conciliaires pendant le siècle qui précède la réforme.

Passons à la théologie sacramentaire de ces recueils ; l’on sait qu’à ce moment même commence le grand travail de la codification théologique, qui aboutira à constituer le IIIe livre des traités de l’école abélardienne et presque tout le IVe livre des Sentences de

Pierre Lombard, dont tous Ici centres théologiques feront leur Liber texlus pendant plus de trois siècles : nouvelle manifestation du lien étroit qui unissait ces deux branches des sciences sacrées. Plusieurs des recueils qui s’inspirent des idées grégoriennes puisent en même temps chez Burchard de Worms ; ce qui garantit la survivance à divers chapitre ; théologiques du Decretum rhénan. Le De pœnilenlia, notamment, fait son entrée dans les traités grégoriens ou dans les exemplaires remaniés de ces collections. Mais ici la question dogmatique n’est pas encore au premier plan ; la question morale et l’histoire de l’administration de la pénitence sont surtout l’objet de l’attention : de tout cela la théologie positive peut déjà tirer des ressources, rien que pour l’histoire des usages pénitentiels, les formules et les conditions de l’absolution et de la satisfaction, etc. Voir de Ghellinck, op. cit., p. 295. Quelques autre ; parties ne se haussent pas encore beaucoup au-dessus des recommandations d’ordre pratique données par Burchard, telle, par exemple, la collection d’Anselme de Lucques, 1. IX, inédit (table des chapitres dans Mai, Spicilegium romanum, t. vi, p. 352-375, d’après la seconde recension de la collection). Il faut attendre la répercussion de la controverse de Bérenger sur les recueils chartrains pourvoir apparaître la note dogmatique en cette matière. Par contre, de nombreux chapitres sur la dédicace des églises, comme dans la. Collection en 74 litres et diverses collections italiennes inédites (de ecclesiis sacrandis… el sacramentis carum, etc.), préparent déjà les voie ; à la dist. I du De consecratione de Graticn. En même temps, l’emploi fréquent du mot sacramentum, chez les canonistes et chez les liturgistes, fournit abondante matière à l’étude des sacrements et des sacramentaux. Mais le principal problème qu’agite en ce moment la théologie sacramentaire est celui de la valeur du sacrement dans le cas de sa collation par un indigne. Elle commence surtout à occuper les esprits après l’apparition de la Collection en 74 titres, c’est-à-dire après les grandes mesures de déposition décrétées par les conciles réformateurs sous Hildebrand et Grégoire VII : élément de controverse qui déborde d’ailleurs des collections canoniques et des traités théologiques, pour envahir toutes les productions polémiques, épistolaires, historiques, voire exégétiques, de l’époque. Les tenants des systèmes les plus opposés se rencontrent parfois dans le même camp, et il est assez curieux de remarquer que tous ne voient pas dans le problème une question de dogme : il en est qui veulent, comme Bonizon, Decretum, dans Mai, Nova Palrum bibliolheca, Borne, 1854, t. vii, part. III, p. 2, restreindre la question au seul terrain disciplinaire. Voir de Ghellinck, op. cit., p. 295-297 ; Saltet, Les réordinalions, Paris, 1907, p. 173-360 ; Mirbt, Die Publizislik im Zeilaller Gregors VII, Leipzig, 1894, p. 372-462.

4. Groupes des collections charlraines.

Les recueils du groupe français qui viennent au jour ensuite et dont les collections chartraines forment le principal noyau, surtout le Decretum d’Yves et sa Panormia, se font remarquer, au point de vue qui nous occupe ici, par une double caractéristique. S’ils ouvrent la place moins large aux préoccupations romaines des recueils grégoriens, ils enrichissent de nouveaux documents la partie théologique aussi bien que la partie canonique. L’on peut en donner comme exemple le Decretum, la première des œuvres chartraines dans l’ordre chronologique (avant la fin du xie siècle), qui conserve les parties dogmatiques de Burchard et les développe même. Voir 1. I, 253 ; 1. II ; 1. XVII, 1-11, 121, etc., P. L., t. clxi, col. 120, 135, 967, 1015, etc. Mais peu après, la seconde œuvre d’Yves et la plus parfaite, celle qui allait régner en maîtresse jusqu’à l’apparition du Décret de Gratien, la Panormia, se met en devoir d’élaguer une bonne partie de ces matières théologiques. Une comparaison L739

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entre la Panormia et le Decretum est fort suggestive à ce sujd : Yves cependant y ouvre encore la place à divers sujets de dogme, 1. I, 1-7, 8-162, P. L., t. clxi, col. 1045, etc. En second lieu, malgré cette allure plus exclusivement canonique, c’est dans les collections cliartraines, dans la Panormia non moins que dans le pi crelum, que fait son entrée pour la première fois tout un chapitre de théologie dogmatique : celui sur l’eucharistie, De corpore et sanguine Domini. Il faut y voir le contre-coup des erreurs de Bérenger, qui avaient semé le trouble un peu partout. Ce traité, plus soigné peut-être qu’aucun autre, donne un libellé remarquable aux inscriptions des canons sur la transsubstantiation et la survivance des espèces ; Gratien en bénéficiera. Voir Eucharistie au xiie siècle, t. iv, col. 1256-1257 et 12941295. Du reste, l’exemple de la Panormia, qui s’interdisait une bonne partie des sujets dogmatiques abordés jusque-là par les canonistes, ne devait pas être suivi partout, et les tendances représentées par Burchard ne disparaissent que lentement. Par contre, comme on le verra plus loin, l’œuvre maîtresse d’Yves aura son retentissement en théologie de diverses manières.

Citons ici, parmi les productions qui subissent l’influence des recueils d’Yves de Chartres, le traité canonico-théologique d’Alger de Liège, Liber de misericordia et justilitia, qui ne s’occupe que de quelques sujets pour leur donner de grands développements : questions relatives aux sacrements, aux réordinations, etc., P. L., t. clxxx, col. 857-969. Les circonstances de l’époque mettaient au premier plan les graves problèmes des sacrements des indignes. Le Pohjcarpus du cardinal Grégoire s’occupe des mêmes matières et en outre imite Burchard de Worms, dans son dernier livre, qui n’a rien de canonique : fins dernières, anges gardiens, etc., titres des chapitres dans Theiner, op. cit., p. 342-345. Vers le même moment, la collection dite Cœsarauguslana, du lieu où on l’a découverte, Saragosse, contient aussi beaucoup de chapitres dogmatiques sur l’eucharistie. En outre, ces deux dernières collections semblent se ressentir des discussions que les dialecticiens avaient mises à l’ordre du jour ace moment sur le rôle de la ratio et de l’auctoritas : nouveau progrès sur Yves de Chartres, qui, sans doute, fournit la plupart de ces textes, mais les dispose sans aucun ordre à divers endroits. Voir de Ghellinck, Dialectique cl dogme aux Xi*-XHe siècles, dans les Mélanges offerts à Cl. Bâumker, Sludien zur Gcschichle der Philosophie, Munster, 1913, p. 94. Dans les ouvrages cités plus haut, l’on pourra trouver encore d’autres collections issues des recueils chartrains ; elles font toutes une place plus ou moins grande aux matières théologiques. Voir de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 304-306 ; P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1897, t. lviii, p. 426, 430, 624, etc.

5. Gratien.

L’œuvre de Gratien, pour avoir une

allure beaucoup plus juridique, ne manque pas, elle non plus, de laisser une place aux matières théologiques. Avec les nombreux passages des distinctiones et causas, qui traitent de divers aspects de la question sacramentaire, sacramenta necessilalis, extrême-onction et sa réitérabilité, valeur des sacrements des indignes, des excommuniés, etc., rôle de l’Écriture et des Pères dans les arguments d’autorité, procession du Saint-Esprit ab ulroque, etc., il faut mentionner ici deux traités importants, le De pxiiitentia d’abord, puis toute la partie III, dite De consecraliom, du Decretum. Là, sont agitées des questions essentiellement dogmatiques.

Dans les collections précédentes, l’on a pu assister à la préparation graduelle de ces développements de la doctrine pénitentielle, ou mieux de l’administration de la pénitence. Mais à rencontre de Burchard, d’Yves et des collections italiennes qui fixent une large place à la

partie pratique de la pénitence, le De pœnileniia de Gratien aborde directement le côté dogmatique de la question et montre clairement le contre-coup des écoles de théologie dans l’enseignement du droit canon. L’examen des thèses énoncées alors par les théologiens et l’étude du texte même de Gratien fixe exactement le sens de la célèbre question qui fait l’objet de la dist. I du De pxiiitentia : Si sola contrilione cordis… crimen possit deleri (caus. XXXIII, énoncé de la cause) et des quæritur qu’elle soulève : Ulrum sola cordis contrilione et sécréta salis/aclione absque, oris confessione, quisque possit Deo satisfacere, dist. I. Voir Friedberg, p. 1148, 1159. Ce n’est pas la nécessité, d’une manière absolue, de la confession qui fait l’objet de ce chapitre — elle était admise sans conteste — mais le rôle propre de la confession dans le processus de la rémission. A ce sujet, voir Schmoll, Die Busslehre der Frùhscholastik, dans les Vero/lenllichungen aus dem kirchenhistorischen Seminar, 3e série, Munich, 1909, t. v, p. 39 sq. ; de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 307, 344 ; A. Debil, Le De pœnitentia de Gratien, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, avril 1914, t. xv.

Le De consecralione s’occupe de diverses matières sacramentelles et liturgiques : dédicace des églises, eucharistie, baptême, confirmation, etc., en cinq distinctions de longueur fort inégale. Ici encore, l’on peut constater l’aboutissement de deux siècles de codification. Contentons-nous de citer les nombreux passages relatifs aux sacramentaux, dans les chapitres sur la consécration des églises et ailleurs ; le mot toutefois de sacramentalia n’est pas employé encore par Gratien : c’est Pierre Lombard qui l’emploie le premier, semblet-il, et en tout cas, il se rencontre bien longtemps avant la grande époque théologique d’Alexandre de Halès chez divers glossateurs du canoniste bolonais. Voir Gillmann, Die Siebenzahl des Sakramente bei der Glossatoren des Gratianischen Dekrels, dans Der Katholik (extrait), 1909, p. 8.

La partie dogmatique, sur la conversion dans l’eucharistie et la permanence des accidents, mérite aussi une mention spéciale, comme diverses fois déjà l’on a eu l’occasion de le faire remarquer. Voir Eucharistie au xiie siècle, où l’on trouvera un énoncé précis de théologie sur la transsubstantiation et les accidents eucharistiques permanents formulé par les seuls titres des canons : ceux-ci empruntent beaucoup à Yves de Chartres. Panormia, 1. I, 123-162, P. L., t. clxi, col. 1071-1084. La haute considération dont jouit Gratien dans toute la chrétienté était en tout ceci un sûr garant de la fixité du dogme. L’extension prise par les problèmes sacramentaires dans le De consecralione a même décidé les glossateurs de Gratien à donner à cette partie 1 1 1 le nom de De sacramentis, de re sacramentaria, etc. Voir les préfaces de Rufin, d’Etienne de Tournai, etc., citées à la bibliographie. Le même nom, du reste, sert de titre à la partie III, dans un des plus anciens manuscrits du Décret, utilisé par Friedberg (Cologne, chapitre de la cathédrale, CXXV1I, ancien Darmstadt, 2513), Leipzig, 1878, p. xcv. Un bon nombre des commentateurs de Gratien ne manqueront pas de tirer parti de ces matières, pour étendre davantage encore la doctrine théologique dans leurs écrits.

Mais avant de quitter Gratien, il faut rappeler encore un autre passage, dist. XXIII, can. 8, Presbyter, bien qu’il n’appartienne pas au De consecralione. La portée qu’il a dans une question dogmatique est indéniable ; l’on ne peut, en effet, perdre de vue cet enseignement de Gratien dans le problème si souvent débattu de la matière du sacrement de l’ordre. La tradition des instruments a eu, comme chacun le sait, les préférences de beaucoup de théologiens, souvent même d’une manière exclusive ; mais le texte de Gratien, si hautement respecté dans tout le cours des siècles, a fait toujours

retenir dans la pratique l’imposition des mains, avec l’invocation du Saint-Esprit ; Gratien ne parle pas des instruments. Voir J. de Ghellinck, Le traité de Pierre Lombard sur les sept ordres ecclésiastiques, ses modèles, ses copistes, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1910, t. xi, p. 32-39. C’est un des points où les anciens rapports entre la théologie et le droit canon auraient dû amener les théologiens à jeter un regard sur le domaine de leurs confrères.

Dossier palristique.

Une autre matière d’échanges

entre le droit canon et la théologie est celle des textes patristiques et de la méthode qui préside à leur utilisation. L’identité ou la ressemblance des questions abordées amenait nécessairement cet échange de bons procédés ; l’on indiquera rapidement ici les principaux points de vue qui intéressent la période d’élaboration de la codification théologique. Il est permis de dire sans exagération que les œuvres de systématisation théologique ont pris pendant longtemps comme dossier patristique les anciennes collections canoniques ; mais il ne faudrait pas étendre ce rôle des recueils canoniques jusqu’à exclure toutes les autres sources de documentation patristique. La Glossa de Walafrid Strabon continue à alimenter la théologie, et les citations de la patristique grecque des six premiers siècles, chez Pierre Lombard et d’autres, lui viennent habituellement par ce canal. Le Sic et non d’Abélard qui, du reste, n’est pas indépendant des collections canoniques, est un autre répertoire qui eut son heure de succès. Puis, sur des sujets spéciaux, des ressources patristiques précieuses sont fournies aux théologiens par les opuscules de Pierre Damien sur les sacrements des indignes, à l’époque des investitures, par les traités eucharistiques de Paschase Radbert, de Lanfranc, de Guitmond d’Aversa et d’Alger de Liège, par les Colleclanea de Pierre Lombard sur les psaumes et sur saint Paul ; l’on doit reconnaître aussi chez quelques théologiens, comme le Magisler, la lecture personnelle de saint Augustin. Mais, même après ces restrictions, la part de documentation théologique qui revient aux collections canoniques est encore considérable. La preuve s’en trouve dans les aveux de divers théologiens, comme l’auteur des Sententiæ divinilalis : Dicitur enim in canonibus, à propos d’un texte de saint Jérôme, édit. Geyer, dans les Beilrùge zur Gcsehichle der Philosophie des Mittelallers, Munster, t. vii, p. 119, ou comme Hugues de Saint-Victor : Sicut sacri canones deftniunt, De sacramentis, 1. II, part. VII, 4, P. L., t. clxxvi, col. 461 ; ou comme Geolîroi de Clairvaux, à propos de Gilbert de la Porée. Lettre au cardinal d’Albano, n. 6, P. L., t. clxxxv, col. 591.

L’étude comparée des textes des théologiens et des collections canoniques fournit une preuve nouvelle : c’est surtout la Panormia d’Yves de Chartres qui sert d’arsenal aux théologiens ; Alger de Liège y puise pour ses Sententiæ ; Abélard pour son Sic et non ; Hugues de SaintVictor pour son De sacramentis ; l’auteur de la Summa Sententiarum en fait autant, ainsi que celui des Sententiæ divinitatis, et celui des Sentences du manuscrit de Sidon (inédit, manuscrit du Vatican 1345). Voir Hiifïer, Beitrage zur Gcsehichle, p. 34, 35, etc. ; P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1897, t. lviii, p. G51, 656, 661, etc. ; Geyer, op. cit., p. 36 ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 312-316. Auparavant Anselme de Lucques, pour citer un des plus importants recueils grégoriens, avait largement documenté Bernold de Constance et d’autres. J. de Ghellinck, Theological lileralure during the investiture struggle, dans The Irish theological quarlerly, 1912, t. vii, p. 340-341.

Nulle part, peut-être, cette utilisation des ouvrages canoniques pour la documentation textuelle n’est plus

visible que chez le contemporain de Gratien, Pierre Lombard. A peine le Décret est-il terminé que le Magisler sententiarum recourt aux trésors d’information patristique que contient cette collection. Les études détaillées poussées sur ce terrain ont même contribué à fixer définitivement le rapport chronologique des deux œuvres ; nombre de textes, même en dehors du De consecralione et du De pœnilenlia, ont passé de Gratien chez Pierre Lombard. Voir l’édition annotée de Quaracchi, S. Boncwenturse Opéra omnia, 1882-1889, t. i-iv ; Baltzer, Die Sentenzen des Petrus Lombardus, dans les Sludien zur Gcsehichle der Théologie und der Kirchc, Leipzig, 1902, t. vin.

3° Harmonisation des « auetoritates » en cas de divergence. — Outre sa documentation patristique, la théologie doit au droit canon, à l’époque de l’élaboration des premiers recueils systématiques, une partie de sa méthode d’interprétation en cas de divergence dans les textes. Mais tandis que, dans les matières précédentes, le droit canon était le grand fournisseur, ici s’établit tout un service de prêts et d’emprunts qui, en fin de compte, rend les canonistes débiteurs de la théologie. Le conflit des auetoritates, ou ces oppositions apparentes des textes patristiques ou scripturaires, n’était pas nouveau du reste. A un moment ou le principal travail se réduisait à la compilation, la juxtaposition de ces textes, dans l’ordre méthodique des matières, devait faire apparaître ces dissonances dans toute leur acuité. Les idées médiévales contribuaient à rendre le conflit plus délicat : une haute considération entourait toujours les auteurs sacrés ou profanes, déclarés authenlici, canonici ; l’on allait même jusqu’à orner d’une auréole un certain nombre d’entre eux, que l’on croyait éclairés par l’Esprit-Saint. De là, des difficultés fort graves auxquelles se heurtait la tâche de l’harmonisateur ; tous, théologiens et canonistes, depuis l’auteur de la Colleclio Hibernensis et Hincmar jusqu’à Bernold de Constance, Yves, Abélard et Alger de Liège, avouent sans détour la situation embarrassée où ils se trouvent et cherchent le moyen d’y remédier ; au début du xiie siècle, le travail de l’harmonisation aboutit à faire créer une formule qui aura du succès : non sunt adversi sed diversi, dit-on ; d’Anselme de Laon, elle passe à Abélard, à Gerhoch et à Arnon de Reichersberg, à Hugues Métel, à Robert de Melun, etc. Cela n’empêche pas toutefois Gratien de donner comme titre à son œuvre une expression antithétique, qui énonce le mal à côté du remède, Discordant ium canonum concordia, jusqu’à ce que le nom de Decretum, plus court, finisse par supplanter ce premier titre. Les glossateurs subséquents, Paucapalea, Roland, etc., insistent beaucoup sur ce but de conciliation qui préside au travail de Gratien ; pour les preuves de ce qui est dit ici en résumé, voir de Ghellinck, op. cit., p. 317-326.

Parmi les essais d’harmonisation, il faut citer ceux qui mettent en relief les rapports de la théologie et du droit canon aux siècles de leur élaboration originelle : ils se rattachent aux noms d’Isidore de Séville, de Bernold de Constance, d’Yves de Chartres et finalement d’Abélard, dont le procédé sera immédiatement mis en pratique par les représentants les plus classiques des deux sciences.

D’après Isidore, il faut donner la préférence à celui des synodes : Cujus anliquior aut polior exslal auctorilas. Episl., iv, 3, P. L., t. lxxiii, col. 901. Ce principe que Dôllinger reproche aux grégoriens, Der Papsl und das Concil, von Janus, Leipzig, 1869, p. 107 sq., auquel renvoie Harnack Dogmengeschichle, 4e édit., Leipzig, 1910, t. iii, p. 350, n. 1, est répété avec des applications diverses par la Collection irlandaise, par Alcuin, Raban Maur, la Prisca canonum colleclio de Mai, Burchard de Worms, Anselme de Lucques, Yves de Chartres, le cardinal Grégoire (Polycarpus), Deusdedit (proL 7 43

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logue), abélard et, finalement. Gratien, dist. L, c. 28, à la fin. Un théologien contemporain de la querelle des investitures, Bernold de Constance, un des écrivains les

plus féconds de ce moment et qui a le mérite d’être revenu à la saine doctrine dans la question des sacrements des indignes, donne aux premiers essais d’harmonisation une forme plus satisfaisante : peut-être s’inspire-t-il pour ce travail d’un ancien traité d’Hincmar aujourd’hui perdu. Voir Saltct, Les réordinations, p. 395 sq. ; Thaner, dans son édition de Bernold, Monumenta Germanise historien, Libelli de lite imperatorum et pontificum, t. il, p. 112. Bernold pose, comme règle, la connaissance du contexte complet et non de l’extrait seul, la comparaison avec d’autres décrets, l’examen des circonstances de temps, de lieu, de personne, les causes originelles de ces canons et les différences qui séparent ceux qui sont d’une portée absolue et ceux qui permettent ou qui constituent une dispense. De excommun icalis vitandis, dans les Libelli de lite, t. ii, p. 139-140. Ailleurs, Bernold ajoute encore la condition de l’authenticité des pièces. De prudenti dispensalione ecclesiasticarum sanctionum, c. xiii, P. L., t. cxlyiii, col. 1267. Le principal canoniste antérieur à Gratien, Yves de Chartres, consacre à la matière une monographie spéciale qui, sous le titre de De consonanlia canonum, sert de préface à ses recueils ; la correspondance du grand évêque contient du reste un grand nombre de passages similaires. Comme nouvel élément, avec la restriction toutefois que Bernold avait déjà préludé à cette explication, Yves fait surtout intervenir la distinction entre les lois nécessaires ou immuables et les lois contingentes, et, par suite, il développe sa grande théorie de la dispense. P. L., t. clxi, col. 47-49. Abélard, qui reprend toutes les idées de ses prédécesseurs théologiens ou canonistes, ouvre un nouveau chapitre dans cette histoire : celui où la théologie apporte aux canonistes une contribution de valeur. Comme préface à son célèbre ouvrage du Sic et non, P. L., t. clxxviii, col. 1339-1349, il formule ses réflexions, dont plusieurs sont d’une justesse remarquable ; quelques-unes sont originales, les autres avaient déjà été énoncées précédemment ; elles ont pour objet les circonstances de temps, de lieu, de personne, la distinction entre les lois absolues et les préceptes dont on peut dispenser, etc. ; mais elles sont répétées ici plus nettement dans un exposé systématique, qui prend pour point de départ quelques-uns des principes de la sémantique moderne. Le principal apport d’Abélard est celui qui est contenu dans la grande règle suivante : facilis ciutem plerumque conlroversiarum solulio reperieiur, si cadem verba in diversis significationibus a diversis auctoribus posita defendere poterimus. Ibid., col. 1344. Ce principe s’appuie sur de fort sages considérations qui tiennent compte du but des Pères, de la manière dont ils adaptaient leur langage aux destinataires de leurs écrits, etc. De la théologie, ce principe allait tout de suite passer dans le droit canon ; on rencontre son application fréquente chez Gratien, comme l’a montré Thaner, Abelard und dus canonische Rechl, Gratz, p. 23. Pierre Lombard et les théologiens, non moins que Gratien et les glossateurs du Décret, en font un usage constant. Ils vont même jusqu’à en abuser ; ou tout au moins négligent-ils plus d’une fois de contrôler sur le terrain des faits l’hypothèse des significations multiples. Un peu plus tard, l’œuvre de Pierre de Blois n’apporte rien de bien nouveau ; c’est un petit traité qui résume et éclaire par beaucoup d’exemples ce qui avait été dit de bon précédemment. Opusculum de distinctionibus in canonum inlerprelalionibus adhibendis, édit. Reimarus, Berlin, 1837, p. 6-9. Mais il n’est pas nécessaire de poursuivre cette histoire au delà de la seconde moitié du xii a siècle ; le dossier ne s’enrichira guère plus. C’est à Yves de Chartres et à Abélard que revient

la principale part des progrès, et malgré les excès ou les applications maladroites des règles qu’ils ont tracées, il y a lieu de leur faire une place de choix dans l’histoire de l’herméneutique et de la manipulation des textes palrisliques. Voir de Ghellinck, Le mouvement théologique du xiie siècle, c. v, p. 320-338 ; Grabmann, Die Geschichte der scholaslischen Méthode, t. i, p. 236238. Les théologiens qui les suivent leur doivent beaucoup.

III. Rapports des commentaires et des gloses

DES CANONISTES AVEC LE DOGME APRÈS GRATIEN.

Comme on l’a déjà insinué plus haut diverses fois, les œuvres des canonistes continuent toujours, après l’époque de Gratien, à alimenter les écrits des théologiens ; ceux-ci trouvent là tout un répertoire de textes patristiques. auquel ils recourent constamment.il n’y a pas lieu, croyons-nous, de développer longuement la preuve de cette assertion. Cela nous ferait sortir de la période de l’élaboration des deux sciences, dans laquelle surtout il esl instructif d’étudier les rapports et les échanges entre les deux groupes d’auteurs. Aussi bien, avec Gratien, les recueils canoniques ont fini, ou peu s’en faut, de grossir leur dossier patristique ; désormais, les additions de textes consistent en décrétâtes des papes de l’époque, et le travail du canoniste est avant tout consacré à la glose et au commentaire des canons livrés par Gratien ou par les nouveaux recueils de Compilutioncs et de Décrétales. Il nous suffira donc de mentionner ici un ou deux exemples de ces rapports entre les deux sciences, sur le terrain de la documentation patristique. Ce qui nous retiendra davantage ensuite est le développement des matières communes pendant la période de l’élaboration théologique, c’est-à-dire pendant les cinquante ou soixante ans qui séparent la mort de Pierre Lombard des premières Sommes du xiiie siècle ; cet exposé peut prendre fin en 1215 environ, avec le IVe concile de Latran.

Documentation patristique.

L’utilisation des

recueils canoniques par les théologiens des siècles suivants, surtout l’utilisation du Décret de Gratien, nous est attestée par le grand nombre des exemplaires annotés des Sententiie de Pierre Lombard. Cet ouvrage devenu classique dans toutes les universités, pour l’enseignement de la théologie, porte fréquemment dans les marges de ses folios l’indication des endroits du Décret qui ont fourni la documentation patristique, ou que l’on regardait soit comme les sources, soit comme des loci paralleli du Lombard. Avec les passages pris à la Glossa de Walafrid Strabon, ou les loci paralleli de Hugues de.SaintVictor, ces mentions sont les plus fréquente ; , parmi celles que l’on rencontre au moins dans le domaine des notes critiques. Des manuscrits de toute provenance et de tous les pays, de bibliothèques monastiques ou séculières, portent la trace de ces études comparées ; parfois, ce sont de vraies références bibliographiques qui renvoient les étudiants théologiens aux recueils canoniques. Pour plus de renseignements, voir l’étude publiée dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1913, t. xiv, p. 511, 705, sous le titre : Les notes març/inales du Liber Sententiarum, par J. de Ghellinck.

En outre, il n’est pas rare de voir les grands théologiens emprunter au droit canon, non moins qu’à la Glossa de Strabon, les textes patristiques qui servent d’appui ou d’objection à leurs thèses. Citons, au hasard saint Bonaventurc, qui puise chez Gratien tantôt sans le dire, tantôt en mentionnant le Décret, par exemple, In IV Sent., 1. IV, dist. X, part. I, act. un., q. ii, Opéra, Quaracchi, t. iv, p. 219 ; S.Thomas, Sum. theol., IIP’Supplem., q. lxxxii, a. 3 (voir toutefois l’édition vaticane, Rome, 1900, t. xii, p. 128), etc. ; Duns Scot, In J V Sent., 1.1 V, dist. X, q. iv, Opéra, Lyon, 1639, t. viii, p. 532. Plus haut, nous avons déjà cité l’exemple d’Occam à propos de l’eucharistie, Quodlibela, par 174 ;

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exemple, II, 19 ; IV, 39, Strasbourg, 1491. L’on pourrait encore ajouter, parmi les dissidents, Wyclif et Jean Huss et d’autres. Wyclif, De eucharistia traclalus major, édit. Loserth, dans les publications de la Wiclif Society, Londres, 1892, c. v, vii, etc., p. 129, 154, 163, 172, 173, 184, 221, etc. ; Huss, Super IV Sententiarum, édit. de Wenzel Flasjshans et Marie Kominkova, Prague, s. a. (après 1900), 1. IV, dist. III, 4 ; VIII, 7 ; XII, 3 ; XIV, 6 ; XV, 5, p. 530, 556, 577, 590, 596, etc.

Matières commîmes.

Ce qui est plus important

pour l’histoire de la théologie et même du dogme, à l’époque qui suit Gratien, est le développement que donnent les canonistes aussi bien que les théologiens à certaines matières théologiques. La haute situation faite au Décret de Gratien dans les écoles amenait nécessairement ce résultat : le maître commentait dans le Liber lextus les passages qu’il rencontrait ; par suite, la part faite au dogme se retrouve dans les gloses ou dans les commentaires, avec toute la différence d’étendue qui sépare au moyen âge le texte du commentaire. Il était difficile à un commentateur de passer à côté de longs traités, comme celui de l’eucharistie, sans leur ajouter quelque chose de son cru ; il en va de même pour beaucoup d’autres matières, comme on le verra bientôt. De plus, les habitudes de l’enseignement ecclésiastique à Bologne facilitent ce développement des sujets théologiques ; l’on passe d’une chaire à une autre ; au moins un certain nombre des maîtres de Bologne, qui suivent immédiatement Gratien, sont théologiens et canonistes, et ils laissent successivement une œuvre dans chacune des deux sciences sacrées : l’on peut citer parmi ces maîtres Roland Bandinelli (plus tard Alexandre III), qui, à côté de ses travaux canoniques, a fait un recueil de Sententiæ théologiques ; Ognibene, si l’identification faite par Denifle du canoniste et du sentencier se vérifie, en fait autant ; Gandulphe de Bologne, célèbre glossateur aux opinions fort arrêtées, s’occupe aussi de théologie et nous donne, à son tour, ses Sententiee, qui sont principalement un résumé de celles du Lombard ; Sicard de Crémone, outre son Mitrale liturgique, compose une Summa de droit canon et parle de ses dissertations théologiques, Mitrale, ni, 6, P. L., t. ccx, col. 117, qui ne nous sont point parvenues ; Lothaire de Segni, (plus tard Innocent III), cultive avec succès les deux sciences, à Paris comme à Bologne, et reste reconnaissant à ses anciens maîtres Huguccio et Pierre de Corbeil. Tout son traité De sacro allaris mysterio, P. L., t. ccxvii, col. 773-916, porte la trace de ces préoccupations, et donne son avis en maint endroit sur les questions scolaires discutées par les théologiens et les canonistes, surtout aux 1. II et IV, ibid., col. 851, etc. Les œuvres, autres que celles des canonistes proprement dits, mêlent du reste assez fréquemment les deux branches : sans nous attarder à diverses Sommes inédites de la fin du xiie siècle, il faut donner une mention à l’œuvre de Raoul l’Ardent, décrite par Grabmann, Geschichte (1er seholaslischen Méthode, t. i, p. 246-257, et située par Geyer, Radalfus Ardens und das Spéculum universelle, dans la Theologische Quartalschrijt, 1911, t. xem, p. 63-89 ; citons aussi un recueil anonyme de Sententiæ (Vatic, ras. 1345) qui voyage jusqu’à Sidon en Palestine et qui consacre cinq de ses dix-huit parties à des sujets juridiques ; la Gemma ecclesiastica de Giraud le Cambien, composée vers 1197, et dédiée à Innocent III qui la lit avec intérêt, donne à la théologie, non moins qu’au droit canon, une part importante.

D’autres fois, sans être officiellement doublé d’un théologien, le maître en droit canon fait une large place aux doctrines théologiques et donne même à divers chapitres de son exposé une allure théologique beaucoup plus que canonique. C’est le cas, par exemple, pour Etienne de Tournai († 1203), comme l’avait déjà fait

remarquer von Schulte, Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechls, t. i, p. 135, et, cette fois, la lecture de la Summa d’Etienne confirme parfaitement ce jugement : nous y trouvons marne quelques bons renseignements sur les avis des maîtres contemporains en théologie, Die Summa des Stephanus Tornacensis liber das Dccrclum Graliani, édit. von Schulte, Giessen, 1891, p. 273, et passim. Du reste, même chez d’autres auteurs, plus strictement canonistes, la mention d’opinions théologiques, avec l’indication des auteurs qui les soutiennent, n’est nullement une exception ; en ce point, Huguccio, le principal glossateur du Décret († 1210), ne fait nullement exception, bien qu’à son sujet von Schulte cite des noms qui n’ont pas tous été retrouvés dans l’œuvre du grand canoniste. Op. cit., p. 165, n. 27. Sans doute, divers auteurs se refusent à faire entrer dans leurs traités des matières qu’ils regardent plutôt du domaine de leurs voisins : tels, chez les canonistes, Roland, qui supprime le De pœnilenlia, Die Summa Magistri Rolandi, édit. Thaner, Inspruck, 1874, p. 193 ; Simon de Bisiniano (inédit), voir von Schulte, Zur Geschichte der Litcratur liber das Dekret Grattons, dans les Sit : un<jsberichle der k. Akademte der Wissenschaflen, de Vienne, Philos. -histor. Klasse, 1870, t. lxiii, p. 330 ; Sicard de Crémone (inédit), voir von Schulte, ibid, , p. 352, etc. D’autres fois, c’est une question tout entière qu’on laisse à l’examen soit des théologiens, soit des canonistes, comme le fait Sicard, von Schulte, ibid., p. 252, à propos de l’eucharistie, ou Pierre de Poitiers, à propos de l’ordre et d’autres sacrements. Sentent » , I. V, 14, P. L., t. ccxi, col. 1257.

Mais, en somme, le cas est plutôt exceptionnel, et les mêmes matières continuent à être traitées par les deux séries d’auteurs. Il régne, à ce moment-là, une hésitation assez singulière à propos du sens même du mot theologla ; tantôt, l’on oppose nettement les matières canoniques et les matières théologiques : examlnl Iheologico reliquimus, comme le dit Sicard, loc. cit. ; ou : in Sententiis reservamus, selon l’expression de Roland, loc. cit. ; tantôt on range le droit canon parmi les sciences théologiques, comme le montrent les exemples de Rufin ou de ses contemporain ;. Une somme qui débute à peu près comme celle de Paucopalea, dit : inter cèleras theologiæ disciplinas, sanctoriun Patrum décréta et conciliorum stalula non postremumobtinent locum. Maassen, Paucapalea, Ein Beitrag zur Litteraturgeschichte des canonischen Rechls im Mittelalter, dans les Siztungsberichte déjà cités de Vienne, 1859, t. xxxi, p. 505. Rufin, ou un de ses copistes, reconnaît que tout l’ouvrage de Gratien est un traité de théologie complet : Summam quamdam totius théologien’paginée contineri in hoc libro, née hune librum perfecte scienti déesse posse universilatis sacræ paginée nolitiam. Préface de Rufin, dans la recension amplifiée du manuscrit de Gœttingue, von Schulte, Die Geschichte der Quellen, etc., p. 249 ; voir Singer, Die Summa Decrelorum des Magister Ruflnus, Paderborn, 1902, p. cxlii-cxliv.

Par suite même de cette habitude, l’on peut prévoir déjà que les rapports entre les deux sciences s’affirment surtout parle développement des matières communes : c’est dire que, pour faire l’histoire des doctrines théologiques, il y a lieu d’avoir continuellement l’œil ouvert sur les écrits des canonistes. L’on rencontre chez eux un bon nombre d’assertions dites en passant, ou d’exposés systématiques, qui peuvent rendre service à l’histoire des doctrines. Parfois, ils fournissent des renseignements sur des sujets qui semblent, à première vue, assez étrangers aux préoccupations des juristes : citons, comme exemple, les idées d’Huguccio et d’autres sur l’immaculée conception de Marie. Sur d’autres matières, comme la valeur de l’argument d’autorité, la force probante des textes bibliques et diverses questions de principe, ils émettent des affirmations précieuses.

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GRATIEN

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A propos de l’autorité pontificale, leurs commentaires

intéressent de près le traité De Ecclesia et de romano pontip.ce. Car l’on ne peut nier que ie Décret de Gratien et les travaux des canonistes suivants n’aient favorisé l’exercice de la suprématie romaine, contrairement à l’appréciation défavorable que portait le cardinal Pitra, Analecta novissima, t. i, p. 144, appréciation dont les attaques de Luther, des gallicans et de Dôllinger avaient du reste fait justice par avance. L’expression dont on a si souvent donné une interprétation fantaisiste, sur l’étendue des droits du pape : Romanus ponlifex omnia jura… ccnsetur habcre, remonte en substance jusqu’à l’époque d’Huguccio. Voir Gillmann, Romanus pontifex omnia jura in scrinio peclorissui eensetur habere, dans YArchiv fur katholisches Kirchenrecht, 1912, t. xcii, p. 3-17.

Mais le traité des sacrements surtout appelle ici l’attention : les nombreux problèmes touchés par Gratien à propos de l’ordre, de la pénitence, du mariage et de l’extrême-onction dans les deux premières parties, et les longs développements donnés dans le De consecrationc à divers sacramentaux, comme la dédicace des églises, à l’eucharistie surtout, au baptême et à la confirmation, amènent sans cesse les glossateurs à faire des incursions dans le domaine des théologiens. Ce serait sortir du cadre de cette notice que de donner l’exposé de toutes ces questions ; qu’il nous suffise d’en indiquer quelques-unes avec leurs sources ; à un moment où la systématisation des doctrines sacramentaires occupait principalement l’attention des théologiens, les renseignements offerts par les écrits des canonistes peuvent être d’une fort grande utilité ; ils le sont d’autant plus qu’il y a divergence entre eux dans la manière d’envisager certaines questions ; par suite, la pleine lumière ne peut se faire que par la connaissance des productions de l’une et de l’autre branche. Il n’est pas rare, du reste, qu’une idée, avant tout chère aux canonistes, ait son représentant chez les théologiens, et réciproquement. Contentons-nous d’en mentionner quelques-unes. Pour le détail des œuvres, l’on pourra recourir aux travaux cités dans la bibliographie ; les sources inédites sont plus nombreuses encore que les ouvrages déjà imprimés ; le nombre de ces derniers heureusement ne tardera pas à augmenter.

3° Développement des principales questions sacramentaires. - — La définition des sacrements, qui depuis Bérenger, Yves de Chartres et Abélard, a attiré l’attention des canonistes comme des théologiens, tend à placer l’essence du sacrement dans l’objet matériel ; cette manière d’envisager les choses, familière aux canonistes comme Gandulphe et Huguccio, par exemple, se retrouve aussi chez Hugues de SaintVictor ; c’est ce qu’a fait remarquer Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1910, p. 35. La définition que donne le célèbre Victorin est copiée par divers glossateurs, tels qu’Huguecio et Rufin ; elle a quelque temps la préférence sur celle de Pierre Lombard ; mais cfUe-ci finit par l’emporter.

C’est au canon 32 de la dist. II du De consécration/’, ou parfois en tête du De consecralionc, que nous trouvons habituellement ces développements sur la définition des sacrements : ils se rangent autour de la définition succincte, attribuée à saint Augustin, et qui, depuis Bérenger, ne cesse plus de se répandre à l’abri de cet illustre patronage ; elle a de la vogue avant l’enseignement d’Abélard ; car Yves de Chartres, un canoniste, l’emploie déjà avant lui. Voir J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 341, note 3.

La nomenclature des sept sacrements se rencontre fréquemment chez les glossateurs et l’on voit par là combien inexacte est l’affirmation de J. Freissen dans son ouvrage, fort précieux du reste : Geschichte des J<anonischi n Eherechfs bis zum Verfall der Glosscnli teratur, 2e édit., Paderborn, 1893, p. 33 sq., qui réduit au seul Rufin, parmi les canonistes, les témoins du nombre septénaire. Le fait est d’autant plus à signaler que, parmi les successeurs immédiats de Pierre Lombard, les théologiens ne sont pas aussi nombreux que les canonistes dans la série de ces témoins. Mais, en même temps, se fait remarquer toute une classification des sacrements et des sacramentaux, qui se rattache de fort près aux idées de Hugues de SaintVictor ; elle est reproduite ou développée, avec des nuances variées, par des glossateurs comme Rufin, Etienne de Tournai, Jean de Fænza et Sicard de Crémone, par l’auteur de la Summa Lipsiensis et Huguccio de Ferrare, par des théologiens, comme Simon de Tournai, et par un annotateur anonyme de Pierre Lombard. Pour le détail, voir J. de Ghellinck, Le mouvement théologique, p. 359369. Les longues pages données toujours à la consécration et à la dédicace des églises, d’après une habitude qui datait de loin, comme on l’a vu plus haut, attiraient l’attention sur cette matière des sacramentaux.

A propos du caractère sacramentel, les glossateurs offrent une ample matière : ce qui montre jusqu’à quel point l’affirmation ancienne était fantaisiste, qui faisait d’Innocent III le créateur de cette doctrine. Pierre Lombard emploie déjà le mot, et les travaux des canonistes, inédits ou imprimés, donnent une riche moisson bien avant Innocent III. Par suite, le travail de Brommer, Die Lehre vom Sacramentalen Charakler in der Scholastik bis Thomas von Aquin, dans les Forschungen

ur christlichen Literaturund Dogmengeschichte, Paderborn,

1907, t. viii, solide d’ailleurs, mais uniquement basé sur les sources imprimées, peut se compléter par un bon nombre de documents inédits.

La réitération des sacrements, surtout celle de l’ordre, est fréquemment étudiée dans les recueils canoniques ; ce qui a été dit, à propos des collections issues pendant la querelle des investitures, doit se répéter à propos des glossateurs ; les discussions sur cette matière continuent à se produire dans l’école jusqu’au triomphe de la théorie de Gandulphe ; Pierre Lombard et d’autres théologiens avec lui demeurent hésitants pour certaines applications. Voir Saltet, op. cit., passim.

La terminologie même des traités théologiques sur les sacrements peut largement puiser dans les Glossx et les Summæ des canonistes. Il a déjà été question des termes : characlcr et sacramentalia ; l’on peut y ajouter des expressions, comme opus opcralum ou opérons, etc., qui donnent l’occasion, sous la plume des glossateurs, à des développements instructifs, ou comme forma, materia, etc., qui vont se précisant de plus en plus. L’on peut mentionner ici encore le mot transsubstantiatio, qui est fréquemment employé par les canonistes, si bien que parmi les vingt ou trente témoins de l’usage du terme, antérieurement à 1215, un groupe imposant est fourni par les canonistes ; ceux-ci viennent presque tous en tête dans la série chronologique. Voir Eucharistie au xii c siècle, t. v, col. 1290-1293, et compléments dans les Recherches de science religieuse, l9V2, {. iii, p. 255, par J. de Ghellinck, A propos du premier emploi du mol transsubsluntiation.Vne autre formuledont l’histoire littéraire remonte d’ailleurs bien plus haut que l’époque de Gratien : sacramentononeslfacienda injuria, revient souvent chez tous les auteurs. Dès l’époque des investitures, elle apparaît dans les écrits des polémistes ou des canonistes, comme on peut le voir dans les Libellide lite imperalorum et rom. pontiftcum, dé’yd mentionnés ailleurs, et dans l’ouvrage de Saltet, Les réordinations, passim.

Parmi les sacrements in specie, il y aurait trop à citer pour que l’on puisse y songer ici. Les quelques indications suivantes donneront une idée de tout ce qu’il y a à recueillir chez les canonistes à côté des théologiens. C’est surtout la théologie de l’eucharistie qui se

trouve avantagée ici : présence réelle, transsubstantiation, persistance des espèces, durée de la présence réelle, interprétation de la profession de foi de Bérenger, qui donne occasion à des gloses intéressantes, etc., toul cela est fortement développé.

Il en va de même avec l’extrênie-onction, où une question revient souvent : celle de la réitérabilité ; elle est longuement discutée chez les théologiens dogmatiques, chez les canonistes et chez les moralistes ; les cisterciens conféraient ce sacrement, en cas de maladie prolongée, une fois par an ; partout, les avis sont partagés sur la réitération ou sur les raisons théoriques qui la permettent.

Il a déjà été question, plus haut, de la pénitence, ainsi que du mariage ; ici, il est bon de mentionner les idées sur l’essence du sacrement dans le rite matrimonial et sur les diverses espèces d’empêchements, notamment celui qui a eu son heure de succès chez les canonistes et qu’on faisait dériver du sacrement de pénitence ; il est exposé entre autres par Fr. Gillmann, Das Ehehinderniss der geislliehen Verwandtschaft aus der Busse, dans Der Katholik, 1910, t. xc (extrait). A propos de l’ordre, il faut encore une fois rappeler la tradition des instruments et les nombreuses controverses qui ont lieu chez les théologiens sur la matière de ce sacrement ; les gloses des canonistes sont fort précieuses pour l’examen dogmatique du problème au point de vue historique. Voir l’article déjà cité : Le Irailé des sept ordres ecclésiastiques chez Pierre Lombard, ses modèles et ses copistes, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1910, t. xi, p. 32-39.

La forme du baptême, à propos du baptême conféré in nomine Jesu, ou in nomine Christi, revient assez souvent aussi. Voir l’étude fortement documentée de Gillmann, Taufe in Namen Jesu oder im Name Christi, dans Der Katholik, 1912 (extrait). Les questions de l’institution de divers sacrements, en particulier, la confirmation et l’extrême-onction, se rencontrent assez souvent chez les canonistes, avec des affirmations qui corrigent ou partagent les idées inexactes qui régnent chez leurs confrères, les théologiens.

Parmi les sacrements, l’on établit aussi quelques divisions que Gratien et d’autres avant lui avaient déjà indiquées : telle la division en sacramenta necessitatis ou voluntatis, communia ou voluntaria, qui donne occasion à des précisions ou à des explications intéressant l’histoire de la théologie.

L’on peut en dire autant d’un rite qui revient dans divers sacrements et sacramentaux, l’impositio manuum dont les diverses espèces sont décrites dans des tableaux schématiques fréquemment reproduits, comme chez Sicard de Crémone, dans diverses Summa ? anonymes, chez Huguccio, etc. De là, elles passent assez souvent dans les notes marginales des Sentences de Pierre Lombard.

Il est inutile de prolonger davantage cette nomenclature, le lecteur trouvera dans la bibliographie cijointe les principaux travaux imprimés qui l’éclaireront et le renseigneront davantage, en attendant que paraisse un travail d’ensemble, en préparation actuellement, sur cette période. Les gloses imprimées dans les marges du Corpus juris conservent quelques-unes de ces formules abrégées et peuvent rendre déjà quelque service. Il a fallu se borner ici à donner une simple orientation qui peut suffire pour le but poursuivi : même quand il s’agit de l’époque où la théologie médiévale achève d’élaborer son manuel d’enseignement, l’histoire du dogme et des systèmes théologiques ne peut négliger ces sources juridiques ; les productions canoniques de l’âge qui précède Gratien, ou des deux générations qui le suivent, apportent les matériaux les plus abondants à l’esquisse du développement historique de la théologie.

Ce n’est pas le lieu de donner ici une bibliographie complète. Nous nous contenterons de donner les renseignements suffisants pour orienter le lecteur dans cette vaste littérature et pour lui faciliter le contrôle des idées développées dans l’article qui précède.

I. Renseignements généraux sur les collections canoniques et les canonistes. — Nomenclatures plus ou moins détaillées de Pohle, Kanonensammlungen, dans Kirchenlexikon, 1883, t. ii, col. 1845-1868 ; de von Schulte, Kanonensammlungen, dans Realencyklopddie, 1901, t. x, p. 212 ; de Besson, Canons (Collections of ancient), dans Catholic cncyclopedia, 1908, t. iii, p. 281-287. Pour la période qui précède Gratien, l’ouvrage capital est celui de Maassen (t. i, seul paru, jusqu’au milieu du ixe siècle), Geschichle der Qnellen und der Lileratur des Canonisclien Rechls, Gratz, 1870 ; excellentes notices dans la dissertation des Ballerini, De antiquis collectionibus et collecloribus canonum, appendice de leur édition des Opéra S. Leonis Magni, Venise, 1757, t. ni ; P. L., t. lvi, col. 11-354 ; A. Gallandius, De vetustis canonum collectionibus dissertationum Sylloge, Venise, 1778 ; Theiner, Disquisitiones criticce in præcipuas canonum et dccrclalium eollecliones, Rome, 1836 (demande à être contrôlé).

Pour la période qui suit Gratien, le principal ouvrage (à rectifier en beaucoup) de détails) est celui de Fr. von Schulte, Geschichte der Quellen des canonisclien Rechts, Stuttgart, 1874, t. i. Le même auteur a donné de longues dissertations, souvent fort utiles, sur un certain nombre de glossateurs ou de collections anonymes, dans ses Beilràge zur Literatur iiber das Dekret Grattons, publiées dans les Sitzungsbericide der philosopliisch-historichen Classe der kais. Akademie der Wissenscha /ten, de Vienne, t. lxiii, p. 287, 299 ; t. I.xiv, p. 93 ; 1870, t. lxv, p. 21 et 595 ; 1871, t. lxviii, p. 37.

La période qui s’écoule entre les fausses Décrétales et le Décret de Gratien a fait l’objet d’un grand nombre d’études de la part de P. Fournier, qui prépare un travail d’ensemble sur les divers groupes de ces collections. Les principales de ces études ont été citées dans l’article ; voir une énumération plus complète dans J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XII » siècle, Paris, 1914, p. 276 sq., passim.

Bon résumé, court mais substantiel, de toute la littérature canonique, dans Tardif, Histoire des sources du droit canonique, Paris, 1887 (à compléter par les travaux parus plus récemment).

II. Éditions des œuvres. — Celles qui précèdent Réginon de Prum jusqu’aux Fausses Décrétales inclusivement ont été indiquées déjà, col. 1734 sq. Voici par ordre chronologique la liste des auteurs cités, dont les œuvres sont imprimées : Réginon de Prum, Reginonis libri duo de synodalibus causis et disciplinis ecclesiasticis, par Wasserschleben, Leipzig, 1840 ; édition préférable à celle de Baluze, reproduite dans P. L., t. cxxxii, col. 175 sq. ; Burchard de Worms, Decretum, dans P. L., t. cxl, col. 537 sq. ; Schmitz, Die Bussbiiclier und das kanonische Bussver/ahren, Dusseldorꝟ. 1898, t. ii, p. 407467 (édition du Pénitentiel, 1. XIX de Burchard) ; Deusdedit, Die Kanonessammlung des Kardinals Deusdedit, par V. Wolf von Glanvell, Paderborn, 1905, 1. 1 (seul paru), texte sans l’introduction critique et les tables, que la mort a empêché l’auteur de publier ; l’édition de Martinucci, Collectio canonum, Venise, 1869, est fort inférieure ; Anselme de Lucques, Collectio canonum, par Fr. Thaner, Inspruck, 1906, quatre premiers livres parus ; table des chapitres, d’après une recension remaniée, dans Mai, Spicilegium romanum, Rome, 1841, t. vi, p. 379 ; Bonizon de Sutri, extraits, surtout du 1. IV, dans Mai, Noua Patrum bibliotheca, Rome, 1854, t. vii, part. III, p. 1-76 ; Yves de Chartres, Decretum et Panormia, P. L., t. clxi, col. 9 sq., et 1037 sq. ; Alger de Liège, Liber de misericordia et juslitia, P. L., t. clxxx, col. 857-969 ; Gratien, Discordantium canonum concordia, ou Decretum, P. L., t. c.lxxxvii, col. 17 (édition Bœhmer) ; édition meilleure de Friedberg, Corpus juris canoniei, Leipzig, 1878, t. 1 ; Paucopalea, Die Summa des Paucopalea iiber das Decretum Gratiani, par Fr. von Schulte, Giessen, 1890 ; Roland Bandinelli, Die Summa Magistri Rolandi, nachmals Papstes Alexander III, par Fr. Thaner, Inspruck, 1874 ; Rufin, Die Summa Decretorum des Mag. Rufinus, par H. Singer, Paderborn, 1902 ; à préférer à l’édition défectueuse de von Schulte, Giessen, 1892 ; Etienne de Tournai, Die Summa des Stephanus Tornacensis iiber das Decretum Gratiani, par Fr. von Schulte, Giessen, 1891.

Les autres collections sont inédites : la Collection en 7 4 titres, la Triparlita, a Colleclio duodecim partium, la Collection en dix livres, etc., ainsi que les œuvres canoniques de Simon

de Bisiniano, de Sicard de Crémone, de Jean de Fænza, d’Huguccio, etc., la Summa Coloniensis, la Sunmia Parisiensis, ta Summa Lipsiensis, etc. L’édition d’Huguccio est en

préparation. L’on trouve dans les marges des anciennes éditions du Decretum, par exemple, celle de Lyon, 1C84 (t. i du Corpus juris canonici), un certain nombre de gloses des premiers glossateurs ; voir l’étude de von Sclmlte, Die Glosse zum Dekrct Gratians von ihrcn Anfàngen bis au/ die jùngslen Ausgaben, dans les Denksehriflen der k. Akademie der Wissenschaften, de Vienne, 1872, t. xxi.

III. Rapports entre la théologie et le droit canon. — Indications précieuses dans les travaux déjà mentionnés de P. Fournier et dans Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, passim. La question a été traitée dans une esquisse rapide par J. de Ghellinck, Le mouvement idéologique, Paris, 191 1, p. 277-369 ; voir dans cet ouvrage les compléments bibliographiques. L’on peut consulter avec profit les nombreux articles de Fr.Gillmann sur les glossateurs du Décret, parus dans l’Arehtv fur katholischen Kirehenreclil, Mayence, et dans Der Katholik, Mayence, depuis 1906-1907. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1910, parle surtout des théologiens. L’ouvrage de G. L. ilahn, Die Lehre von den Sakramenten in ihrer geschichtlichen Entwickelung, Breslau, 1864, se cantonne pour la littérature canonique a peu prés uniquement dans le Décret de Gratien.

J. de Ghellinck.