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Dictionnaire de théologie catholique/HYPOCRISIE

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 190-192).
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HYPOCRISIE. —
I. Nature.
II. Culpabilité.
III. Variétés.

I. Nature.

1o L’hypocrisie, du grec O-o, sous (dans le sens de secret, cactié), et zf-^ ?, jugement, opinion, est le vice de celui qui, étant méciiant intérieurement, affecte de se revêtir en public des apparences de la vertu, afin de tromper les autres sur le jugement qu’ils peuvent porter à son sujet, ou sur l’opinion qu’ils peuvent avoir de lui. Saint Isidore, Eli/m., t. X, § 119, P.L., t. lxxxii, col. 379, compare l’hypocrite sur la scène du monde à l’acteur qui, sur le théâtre, ou bien se voile la face pour cacher qui il est, ou bien se farde le visage de diverses couleurs, pour imiter la physionomie du personnage qu’il joue, de manière qu’il se montre tantôt sous les traits d’un homme, tantôt sous ceux d’une femme, pour tromper les spectateurs. Saint Augustin emploie une comparaison identique. De sermnne Domini in monte. I. II, c. M, P. L., t. xxxiv, col. 1271 : de mèine, dit-il, que les acteurs de théâtre sont tout différents du personnage qu’ils représentent, car celui, par exemple, qui joue le rôle d’Agamemnon n’est pas véritablement ce prince, mais il feint de l’être ; ainsi, dans toute la vie humaine, et spécialement dans la vie de la piété et de la vertu, celui qui veut paraître cp qu’il n’est pas est un hypocrite, car il feint d’être juste, et il ne l’est pas.

2o Entre l’hypocrisie et la dissimulation, il y a la différence de l’espèce au genre. Toute hypocrisie est une dissimulation ; mais toute dissimulation n’est pas une hypocrisie. Celle-ci n’existe, dit saint Thomas, Sum.theol., Il" 11 », q. cxi, a.2, que lorsqu’on simule un autre personnage, comme, par exemple, quand le pécheur feint d’être juste, l’hypocrisie étant, à proprement parler, le vice par lequel on cherche à paraître un homme vertueux, lors même qu’on ne pratique pas la vertu. La dissimulation a un sens plus large : c’est un mensonge exprimé, non par des paroles, mais par des actes extérieurs. Il importe peu, remarque le saint docteur, loc. cit., a. 1, qu’on viole la vérité simplement par paroles, ou par des actes. La vertu de vérité, ou de véracité, demande qu’on se montre au dehors tel qu’on est au dedans. De même qu’il est contraire à la vérité d’exprimer à l’extérieur par des paroles autre chose que ce que l’on pense, et c’est ce qui constitue le mensonge ; de même, il est contraire à la vérité de se servir des actes extérieurs pour exprimer le contraire de ce qu’on est en réalité. En d’autres termes, la dissimulation est une espèce de mensonge, et l’hypocrisie est une espèce de dissimulation.

3o Les œuvres extérieures désignent naturellement l’intention de celui qui les fait. Donc, lorsque, par de bonnes œuvres qui, de leur nature, appartiennent au service de Dieu, on ne cherche pas à plaire à Dieu, mais aux créatures, on simule une intention droite qu’on n’a pas. C’est ce qui fait dire au pape saint Grégoire le Grand, MoraL, 1. XXXI. c. xiii, n. 24, P. L., t. lxxxvi, col. 587, que les hypocrites servent les intérêts du siècle, tout en travaillant aux choses de Dieu, parce que, par les actions saintes qu’ils font en présence des créatures, ils ne cherchent pas la gloire de Dieu ou la conversion des âmes, mais la faveur humaine et la satisfaction de leur amourpropre. Ainsi ils simulent mensongèrement une intention droite qu’ils n’ont pas, quoiqu’ils ne simulent pas l’action droite qu’ils font. Comme s’exprime le Sauveur dans le saint Évangile, ils font toutes leurs œuvres pour être vus des hommes. Ila1th., xxiii, 5. Cf. Eccli.. XIX, 23 ; Job, viii, 13 ; xiii. 16 : xxvii, 8 sq. C’est ce. dont Jésus a voulu inculquer l’horreur à ses disciples, quand il leur a dit : Lorsque vous jeûnez, ou que vous faites l’aumône, ne sonnez pas de la trompette, comme font les hypocrites. Malth., vt, 2, 0. Il a condamné également ces faux dévols hypocrites, qui louent Dieu avec leurs lèvres, et non avec leurs cœurs, ou qui font consister leur dévotion principalement et même uniquement dans les observances extérieures. Matth., xv, 7 ; xxii, 18 ; Marc, vu, 6. Cf. Is., XXIX, 13. Très souvent il a reproché ce défaut aux Pharisiens, Luc, xii, 1 ; Matth., xv, 2, 9 ; wiii, .5 ; et c’est contre eux, pour oc motif, rpi’ll s’est montré le plus sévère, en formulant contre eux les plus terribles menaces. Matth., xxiii, 27, 28. Cf. I Tim.. IV, 2 ; Il Tim., iii, 5 ; Gal., iii, 13 ; I Pet., ii, 1. IL CuT.PABtLiTÉ. — l » D’après saint Thomas, tout mensonge étant un péché, Siim. Ihcot., II-’II"’. q. ex, a. 3 ; voir Mensonge, et comme il importe peu, selon lui, que l’on mente par paroles, ou autrement. II »  » l^, q. ex, a.l, ad 2’"", le mensonge, la dissimulation et l’hypocrisie ne sont que des moyens divers de déguiser la pensée. La vertu de véracité exige qu’une personTie dise toujours le vrai, non seulement dans ses discours, mais dans ses actes et dans sa conduite. Les mots, les signes et les actes étant naturellement l’expression de la pensée, il est contraire à la nature et au devoir de se servir, non seulement des paroles, maisaussi des signes et desactes pourexprimer ce qu’on n’a pas dans l’esprit, et quelquefois tout le contraire. Toute dissimulation est donc un péché, puisqu’elle est

un mensonge par actes exlérieuis. Sum. theoL, II" II, q. CXI, a.l. et toute Iiypocrisie également est coupable pour le même motif. Sum. llieoL, loc. cit., a. 2. Simulata wqnilas non est œquitas, sed duplex peccalum, dit saint Augustin, In ps. LXin, n. 11, P. L., t. XXXV, col. 765.

Néanmoins l’hypocrisie n’est pas toujours péclié mortel, car même en cela, il peut y avoir légèreté de matière. Cf. S. Thomas, Sum. llicol., toc, cit. a. 4 ; In IV Sent., l. IV, dist. XVI, q. iv, a.l, q.iii ; Lessius, Z)ey’ « s///io et jure cœterisque virtutibus ca/ôf/na/jfcus, t. II, c.xlvii, n. 45, in-fol.. Milan, 1613, p. 520 ; Lehmkuhl, Theolonia moralis, part. I, t. II, divis. II, sect. iv, c. iii, n. 723, 772, 1182, 2 in-8o, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 427, 452, 754 ; Marc, Inslituliones alphonsiana’, part. II, tr. VIII, c. i. De tœsione ueritntis, n. 1177, 2 in-S », Rome, 1904, t. i, p. 739 ; Génicot, Theoloflia’moralis instiluliones, tr. V, Appendix, § 2, n. 248, 3o, 2 in-8o, Bruxelles, 1909, t. i, p. 207.

2o Pour que le contraste entre l’acte extérieur et l’état intérieur de celui qui agit soit un péché d’iiypocrisie, il faut qu’il y ait intention de tromper. Par exemple, l’habit clérical ou religieux est un saint habit, signifiant un état qui oblige à des actes de vertus et de perfection. Si donc celui qui revêt cet habit a l’intention de faire tous ses elîorts pour arriver à ce degré de perfection, et qu’il ne parvienne pas à ces hauts sommets par faiblesse naturelle, en gardaiU cet habit religieux, il ne pèche pas par hypocrisie. En effet, dit saint Thomas, Sum. lltenl., IL’11 » ", q. cxi. a. 2, ad 2o" ou n’est pas tenu à manifester sa propre faiblesse et ses imperiections. en quittant ce saiiil habit. Mais, si on l’avait pris pour montrer avec ostentation qu’on est juste, alors qu’on ne l’est pas, et si on le gardait dans le même but, on pécherait ceitainement par hypocrisie.

De même, il ne faut pas considérer comme hypocrite le chrétien qui, avecdes habitudes de piété, n’a pas le courage de remplir tous les devoirs que la religion impose, et qui mêle ainsi à ses pratiques tle piété, non seulement des imperfections, mais même des vices. Il ne faut pas en conclure qu’il ne croit pas, ou qu’il n’est pas convaincu de la vérité de la religion qu’il pratique si imparfaitement. S’il ne résiste pas toujours aux mauvais penchants qu’il a reçus de la nature déchue, et si, parfois, il succombe aux tentations, c’est une preuve de la faiblesse de sa volonté, mais non de sa mauvaise foi, comme le dit le pape saint Grégoire : Hune nequaquam credendum est in hypocritarum numerum currere, quia aliud est inftrmitalr, aliud malitia peccare. Moral., t. XXXI, c. xin. n. 2 J, P. L., t. lxxxvi, col. 586.

3o Il est à remarquer, en outre, que l’hypocrisie est un vice opposé non pas précisément à la vertu spéciale qu’elle feint, mais opposé directement à la vertu de vérité, ou de véracité, car, dit saint Thomas. Sum. tbeol., IP’II*, q. cxi, a. 3, ad 1o™, l’hypocrite qui simule une vertu ne la prend pas en réalité pour fin, comme s’il voulait l’avoir, mais simplement en apparence, comme voulant paraître la posséder ; d’où il résulte qu’il n’est pas directement opposé par ses actes à cette vertu, mais seulement indirectement ; tandis qu’il est directement et formellement opposé à la véracité, parce qu’il veut tromper le prochain, en simulant une vertu qu’il n’a pas en réalité. S’il pratique, en effet, parfois les actes de diverses fausses vertus, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais pour en faire l’expression d’un mensonge par actes externes, n’agissant ainsi que pour acquérir une vaine gloire, ou l’estime des créatures, ou pour gagner de l’argent, ou pour tout autre motif intéressé. S. Grégoire, Moral.. t. XXXI, c. XLV, § 88, P. L., t. lxxxvi, col. 621. Mais cette aine gloire ambitionnée, ces louanges

reclierchées avec tant d’empressement et d’astuce, ce gain si désiré, ne sont que la fin éloignée de ses actes, ou le mobile qui le porte à agir. C’est pour cela qu’il dissimule ce qu’il est, et qu’il se présente tout autre : mais ses actes d’hypocrisie n’en sont pas moins un mensonge. Ce n’est pas de sa fin éloignée que l’hypocrisie tire son espèce propre ; mais c’est de sa fin prochaine, qui consiste dans l’opposition entre les apparences voulues et la réalité. De même, le voleur qui tue un voyageur sans défense, pour s’emparer de sa bourse, n’en commet pas moins un homicide, quoiqu’il soit mû à le commettre par l’avarice et la cupidité, c’est-à-dire par l’amour immodéré de l’argent. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit., a. 3, ad 3™’.

4o Il est assez curieux que les anciens aient considéré le cygne comme le sj’mbole des hypocrites : cygnus, auis immunda, coloris candidi, longum collum habens, per quod ex projunditate terræ, vel aquas, cibum trahit, potest signiftcare homines qui per exleriorem justitiee candorem, tuera terrena quærunt. S. Thomas, Sum. theoL, I^ Ilte, q. cii, a. 6, ad 1o™, in fine.

Notre-Seigneur les comparait à des sépulcres blanchis, qui, au dehors, paraissent superbes, et qui, au dedans, sont remplis d’ossements décharnés et de toute sorte de pourriture. Matth., xxiii, 27.

III. Variétés.

1o L’hypocrisie, quand elle consiste dans une fausse dévotion, ou une piété simplement apparente, est méprisable, sans doute ; mais elle est, cependant, un vice moins odieux que celui de braver avec afîectation les coutumes les plus saintes, et de vilipender ouvertement la religion, en violant ouvertement ses lois, et sans retenue aucune, sous prétexte de franchise et de sincérité. Le respect, même simplement extérieur, des lois de Dieu et de l’Église, est déjà un certain hommage rendu à la sainteté de ces préceptes, par les lâches qui n’ont pas le courage de les observer. C’est quelque chose d’appréciable aussi que d’éviter le scandale qui pourrait être pour tant d’autres une cause de tentation et de chute. On ne pourrait donc admettre sans distinction ce que dit saint Jérôme dans ses commentaires sur le c. XVI d’Isaïe : In comparatione duorum malorum, levius est aperte peccare quam sanctitatem simulare. P. L., t. XXIV, col. 240. Il faut entendre ce passage dans le sens que saint Jérôme lui-même indique dans un des chapitres précédents : secunda post naufragium tabula et consolatio miscriarum est impietatem suam abscondere, P. L., t. xxiv, col. 65 ; car, si c’est un hypocrite mensonge de vouloir paraître plus vertueux qu’on n’est, ce n’est pas de l’hypocrisie de ne pas faire la confession publique de ses péchés. Personne n’est obligé de s’accuser soi-même.

2o L’hypocrisie n’affecte pas seulement la fausse dévotion et la fausse piété ; elle peut aussi affecter des sentiments de probité, d’humanité, de charité, de philanthropie, de zèle pour le bien public, de patriotisme, etc. Elle n’en est pas moins toujours un mensonge et une ruse coupable pour parvenir à la gloire humaine, à la fortune ou aux honneurs.

3o En outre, l’hypocrite peut faire parade même d’irréligion et d’incrédulité, quelquefois par pure fanfaronnade, quelquefois pour pervertir les autres, ou pour s’étourdir soi-même, lorsque, sans être convaincu par les objections contre la religion, il craint Dieu intérieurement, mais veut, par cette agitation extérieure et ce bruit de paroles, étouffer la voix de sa conscience bourrelée de remords. De tous les hypocrites, celui-ci est le plus coupable, soit à cause du mal qu’il fait aux autres, soit à cause de celui qu’il se fait à lui-même, car il ferme volontairement les yeux à la lumière, et se rend jilus indigne encore de la divine miséricorde.

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HYPOCRISIE — HYPOSTASE

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s. Thomas, In IV Seul.. I. IV, dist. XVI, q. tv, a. 1. q. l-iv ; Sum. theoL. I » II^ q. - ; xi, a. 2-4 ; Suarez, I. IX, c.xvil. Opéra ownia, 28 in-4o, Paris, 1856-1878, t. vi, p. 512 sq. ; Lessius, De justilin et jure ea’lerisque uirlutibus cardinalilnis, I. ii, c. XLVH, n. 45, in-fol.. Milan, 161.3, p. 520 ; Gous-ct, Théologie morale. Traité des péchés, c. v, 2 in-8o, Paris, 1877, t. i.p.lOO ; Palmieri, Opus theoloqicum morale itiBusemltanm meduUam, tr. IV, c. iii, dub. i, n. 353, 7 in-8o, Prato, 18891893, t. 1, p. 752 ; l.ehmkuhl, Tbeologia moralis, part. II, divis. II, sect. iv, c. iii, n. 723, 772, 1182, 2 in-8o, r>ibourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 427, 452, 754 ; Marc, In.stituliones morales alphonsiamp, part. I, tr. IV, c. v, n. 3(>1, 3o ; part. II, sect.ii.tr. VIII, c.i, £)e lœsione verilatis, n. 1177, 2 in-8o, Rome, 1904, t. i, p. 231, 739 ; Bucceroni, /n^dmtiones tlieologiæ moralis, tr. De octavo Decalogi prirceplo, IV. De mendacio, n. 1525, 2 in-8, Rome, 1908, t. i, p.659 ; Goaicot, Theologiæ moralis insti tuliones, tr. IV, c. v, § 1, n. 177 ; tr. V, Appendix, § 2. n. 248. 2 in-8o, Bruxelles, 1909, l. i, p. 145, 207.

T. Ortolan.