Dictionnaire de théologie catholique/HYPOSTATIQUE (Union) I. Définition et notions générales

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 226-291).

HYPOSTATIQUE (Union). —


I. Défintion et notions uénéraies.
II. Révélation du dogme de l’union liyposlaliquc.
III. l’remières aflirniations de ce dogme dans l’figlise.
IV. Controverses.
V. Délinilions plus précises du dogme.
VI. La théologie des l’éres.
VII. La lliéoiogic scolastique.
VIII. Krrcurs modernes.


IX. Les corollaires du dogme de l’union li>postalique.

I. Dkunitio.n et notions oKNKHAi.Ks. — 1 " Le dogme de l’incarnation nous présente, en Jésus-Clirist, le vrai Fils de Dieu fait homme. Que Jésus-Christ soit simultanément Dieu et homme, qu’il possède à la

fois la divinité et une parfaite liumanitc, cette vérité primordiale sera exposée et défendue à l’art. Jésus-Christ. Or elle appartient à l’iiistoire et à Tapologétique plutôt qu’; i la théologie dogmatique. C’est surtout par l’étude des textes scripturaires, considérés comme documents humains, qu’elle doit être mise en relief. Les conclusions dogmatiques et théologiques concernant la perfection de l’humanité de Jésus-Christ et les prérogatives du Sauveur des hommes supposent déjà faite cette première recherche d’ordre rationnel. Mais on ne peut pleinement atteindre la réalité même. de l’être de Notre-Seigneur, qu’à la condition d’aborder un autre problème, qui se trouve à la substance même du dogme de l’incarnation. Jésus a uni en lui la divinité et l’humanité. Quelle est la nature de cette union ? Quel rapport préside à la compénétration en Jésus de la vie divine et de la vie humaine ? C’est le problème de l’union hypostatique.

La réponse à ces questions est donnée par l’explication du terme « union hypostatique » employé dans le langage ecclésiastique pour désigner en Jésus-Christ l’union de la nature divine et de la nature humaine. Hypostase, voir plus haut, signifie réalité, substance, individu : le Verbe s’est donc uni l’humanité d’une façon réelle, substantielle, de manière à ne constituer avec elle qu’un seul être individuel. Si, dans l’union, la divinité demeure sans changement et sans confusion : si l’humanité conserve tout ce qui lui est propre, c’est néanmoins un seul et même Fils de Dieu qui subsiste en ces deux natures, divine et humaine. On peut donc définir l’union hypostatique : l’union substantielle de la nature divine et de la nature humaine en une seule personne, la personne même de Jésus-Christ, Fils de Dieu.

2° Cette vérité appartient à la joi divine et catholique et n’est pas une simple anirmation ou déduction théologique : elle se rapporte, avons-nous dit, à la substance même du dogme de l’incarnation. C’est le même Jésus-Christ qui est Dieu et homme. L’identité du sujet, auquel appartiennent à la fois la divinité et l’humanité, est à la base même <le la croyance catholifpie. Sans cette identité, pas de véritable incarnation, puisque ce ne serait pas le Verbe même. Fils de Dieu, qui se serait fait chair. Le symbole de JN’icée est formel : Credo… in unum Dominum.Jrsum Christum, Filium Dei, Deum verum… qui… descendit de cœlis et incarnatus est. D’ailleurs, cette vérité est expressément définie dans les conciles d’Éphèse. de Chalcédoinc et de Constantinople, 11^ et III. Le VF’concile u’cuménique s’exprime ainsi : » Nous confessons un seul et même Christ, vrai Fils unique, qui est reconnu être en dvti.r natures, sans confusion, sans chaTigement, sans séparation, sans division, la dijlcrvncc des deux natures n’étant en aucune jacon supprimée par l’union, ce qu’il II (I de propre en chaque nature étant au contraire sauvef/ardé et concourant o former une personne et une lu/fwstase ; non divisé, ni partagé en deux personnes, mais un seul et même Vus unique de Dieu, Verbe, Seigneur Jésus-Christ, comme nous l’ont appris les anciens prophètes à son endroit et lui-même Jésus-Christ nous l’a enseigné et comme nous l’a transmis le symbole des saints l’ères. » Voir t. iii, col. 1267.

3° Ce dogme est un dogme cxfjlicitement révélé et professé dans l’I-Iglise dès le début de l’ère chrétienne. La foi en l’incarnation, voir ce mol. est de nécessité tout au moins de précepte ; or. la substance du dogme de l’incarnation, est précisément constituée par l’affirniation de l’union hypostatique en.Iésus-( ; iirist. Sans doute, les définitions plus précises <|ne l’Église a dû formuler, aux v et Vfe siècles, contre les hérétiques niant l’unilé de personnc on la dunlite de natures, ne s’imposent pas à la connaissance explicite de tous les

fidèles. Mais la croyance explicite en Jésus-Christ, qui est un, à la fois Dieu et homme dans cette unité de personne, s’impose à tous, et c’est cette vérité même qui constitue essentiellement le dogme de l’union hypostatique. Le III^ concile de Constantinople ne fait-il pas appel, d’ailleurs, à la tradition des Pères de Nicée, à l’enseignement de Jésus-Christ lui-même et au contenu des révélations prophétiques de l’Ancien Testament ?

4° Pour formuler d’une manière précise le dogme de l’union hypostatique, l’Église utilise des notions philosophiques, dont le sens, au cours des siècles, s’est lui-même précisé d’une façon de plus en plus parfaite. Les termes de l’union sont désignes sous les nonis d’essence, de nature, de personne, d’hypostase, de subsistence, de suppôt, etc. Il est donc nécessaire avant tout d’acquérir une connaissance approfondie de la valeur philosophique de ces concepts, qui sont appelés, à cause même du choix que l’Église en a fait, à traduire, en langage humain, les réalités surnaturelles. Encore que cette traduction soit souvent analogique, elle demeure cependant vraie. L’art. Hypostase, avec les longs développements qu’on a cru nécessaire de lui donner, a précisément pour but de préparer l’esprit du lecteur à l’intelligence des définitions promulguées par l’Église au sujet de l’union hypostatique. Mais remarquons immédiatement que l’Église, en utilisant ces notions de sens commun, ne s’inféode pour autant à aucun système philosophique particulier : « Loin de.s’inféoder à ces concepts, la révélation se sert d’eux ; elle les utilise, comme dans tous les ordres le supérieur utilise l’inférieur, au sens philosophique du mot, c’est-à-dire l’ordonne à sa fin… Ces concepts, évidemment inadéquats, pourront toujours être précisés ; ils ne seront jamais périmés. Le dogme ainsi défini ne peut se laisser assimiler par une pensée humaine en perpétuelle évolution : cette assimilation ne serait qu’une corruption ; c’est lui, au contraire, qui veut s’assimiler cette pensée humaine qui ne change sans cesse que parce qu’elle meurt chaque jour. » Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philosophie de l’être et les formules dogmatiques, Paris, 1909, p. 189. Cf. Billot, De virtutibus infusis, Rome, 1905, épilogue, p. 430-432.

5° Le mot « union », en grec ivtoa’.ç, employé pour désigner, en Jésus-Christ, le concours des deux natures en une seule personne, est consacré par l’usage de la plus ancienne tradition. Voir S. Irénée. Conl. hær., l. l, c. xviii, n. 7 ; t. IV, c. xxxiii, n.ll, P. G., t. vii, col. 937, 1080 ; Origène, Contra Celsum, t. III, n. 41, P. G., t. XI, col. 975 ; S. Athanase, Epist. ad Epictetum, n. 9, P. G., t. XXVI, col. 1065 ; S. Grégoire de Nysse, Orat. catcchetica, c. x, xi, P. G., t. xlv, col. 41, 44 ; S. Grégoire de Nazianze, iîpisL, ci, P. G., t. xxxvii, col. 181, 188. Mais ce mot, par lui-même, manque encore de la précision nécessaire : toutes les discussions christologiques des iv », v^ et vie siècles auront pour résultat d’apporter ces précisions à une expression qu’on trouve aussi bien sous la plume des hérétiques que sous celle des catholiques. Le mot français : union » rend imparfaitement le terme grec v/mciç. celui-ci implique l’idée de réduction à l’unité, d’unification. Voir la lettre de saint Cyrille d’Alexandrie à Euloge de Constantinople, P. G., t. lxvii, col. 225. Aussi Petau, De incarnatione, t. III, c. ii, le traduit en latin par unitio. Souvent même, il prend le sens plus absolu d’unité. Voir Origène, De oratione, P. G., t. xi, col. 481. Il est alors synonyme de (j.ovôtïiç, singularitas, et trouve un emploi plus fréquent dans les discussions trinitaires. Cf. Petau, De Trinitate, t. IV, c. v, n. 15, 16 ; t. III, c. viii, n. 6, 7. Les sabelliens, parce qu’ils réduisaient en Dieu la trinité des personnes en une seule réalité personnelle, ont reçu parfois le nom

d’unioniles ; et ce nom marque d’une façon expressive leur système de nionarfhianisme en Dieu. Le concile de I-’rancfort confesse en Dieu l’union, c’est-à-dire l’unité dans l’essence Mansi, Concil., t. xiii, col. 884.

A s’en tenir à la simple étymologie du mot, il est clair qu’jvfoj’. :, union, ne saurait être considéré comme synonyme de ^âpz’.iîi ;, incarnation. Théodoret, Dial. II, Inconfusus, P. G., t. Lxxxra, col. 137, explique que l’incarnation comporte l’assomption de la nature humaine par la divinité ; l’union indique une simple conjonction, très intime sans doute puisqu’elle réalise un seul et même sujet, mais n’impliquant pas, en soi, cette assomption d’une nature inférieure par la personne divine. Même remarque chez saint Jean Damascène, De fide orthodoxe, t. III, c. xi, P. G., t. xciv, col. 1024-1025 : simple différence de raison, T/, ; Èrivoiar. dit-il, cf. Dialectica, c. lxv-lxvi, ibid., col. 661-669. Euthymius, Panoplia, tit. vu. P. G., t. cxxx, col. 240, expose didactiquement les différentes significations du mot et note la signification très spéciale qu’il acquiert en désignant l’union hypostatique. Voir également sur ce point S. Anastgse le Sinaïte, Hodegos, P. G., t. lxxxix, col. 70.

6° Avant que la terminologie soit définitivement fixée, les Pères emploient volontiers, pour désigner l’union des natures, âvwj.ç, certains synonymes, dont le sens obvie peut parfois présenter des difficultés d’ordre doctrinal. La règle de foi prescrivait bien de croire à l’union intime des deux natures, mais la formule dernière, exprimant de façon précise cette union, n’était pas encore trouvée. Il ne faut donc pas s’étonner de rencontrer, sous la plume des anciens Pères, des formules et des expressions que l’on n’accepterait plus aujourd’hui. Saint Ignace appelle le Seigneur aaozoçdsoç. Ad Smyrn., c. v, n. 2, dans Funk, Patres apokolici, Tubingue, 1901, p. 280. TertuUien, Adversus Praxeam, c. xx^^I, P. L., t.ii, col. 214, appelle l’union hypostatique un revêtement de l’humanité, cf. S. Athanase, Oralio, ii, contra arianos, P. G., t. xxvi, col. 165, afin d’exclure l’idée d’une transformation du Logos en chair ; mais ce revêtement exprime bien l’idée d’une conjonction des deux natures ; cf. d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 198 ; dans le De carne Christi, le terme conversio, employé par le même Père, a nettement le sens d’assumptio, c. ni, P.L., t. iii, col. 10 ; cf. d’Alès, p. 186, note 2. Saint Cyrille d’Alexandrie emploie le terme ŒJvoSo ;, InJoa., t. XI, P. G., t. Lxxiv. col. 557, en y ajoutant ordinairement l’explication -tj ; âvoJasoj ; ou S’ç Év’Djtv, Dialogus de incarnatione, P. G., t. lxxv, col. 1208, ou bien xaO’ivwjiv çucjtP.r ; -/, Anathematismus ni, Denzinger-Bannwart, n. 115, ou encore le terme jjvôpojxrj dç âvotriTa ; Dialogus de incarnatione, . col. 1232 ; cf.’col. 1208. Voir aussi Euthymius, Panoplia, P. G., t. cxxx, col. 249 ; Klée, Dogmengeschichte, t. ii, p. 34. L’anathématisme III signale une autre expression ^uvâ^sta, que les nestoriens acceptent comme synonyme d’ivtoai ;, et que, pour cette raison, rejetait saint Cyrille. Cette expression tjwxov.x, copulatio, du verbe TJvdTTTsaôat, existe toutefois avec un sens orthodoxe, chez saint Basile, Homil. in ps. A’i/r, n.l5, P. G., t.xxix, col 400 ; chez saint Athanase, Oratio, ii, contra arianos, n. 39, 43, 67, 70, P. G., t.xxvi, col. 232, 240, 289, 296 ; chez saint Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, t. I, c. v, P. G., t. xlv, col. 705 ; cf. col. 697 ; chez saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxxYiii, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325, et saint Jean Chrysostome l’a consacrée. In Joa., homil. xi, P. G., t. Lix, col. 80 ; cf. Théodoret, Dialogus II, Inconfusus, P. G., t.Lxxxiii, col. 201 ; saint Jean Damascène, De fideorthodoxa, t. III, c. xviii, P. G., t. xciv, col. 1072. Suaçpuia est également employé par saint Grégoire de Nysse, Oratio catechetica, c. xi ; Contra Eunomium,

loc. cit., P. G., t. XLV, col. 44, 705 ; et par saint Jean Damascène, Dialectica, c. lxv, P. G., t. xciv, col. 664. C’est l’équivalent du mot latin conjunclio. L’idée d’union est impliquée dans le substantif aj[j.Çaa ;  ; ou dans le verbe tj ; j.Çv/oc’., qu’emploie saint Cyrille d’Alexandrie pour marquer l’unité du Christ en deux natures : souvent alors l’adjectif oîxovoij.iP.ri vient préciser la pensée de l’auteur. Dialogiis de incarnalione, P. G., t. Lxxv, col. 123 ; Scholia de incarnalione, c. viii, ibid., col. 1376 ; Adversus Nestorium, t. I, c. rn, P. G., t. Lxxvi, col. 33. C’est l’expression dont se sert saint Sophrone au VI « concile, act. XI. Mansi, t. xi, col. 473 ; P. G., t. lxxxvii, col. 3161. On doit rapprocher de ces expressions, iJvOîjt ;, que l’on trouve appliqué à l’union des deux natures dans le Christ par quelques Pères, notamment saint André de Crète, In Transftguratione Domini, P. G., t. xcvii, col. 937, 940 ; par saint Jean Damascène, nommant l’union hypostatique £V(031 ; -Lol-x cjvvŒaiv. Dialectica, c. lxv, P. G., t. xciv, col. 664. Cette expression, chère aux monophj’sites sévériens, se traduit assez exactement par compositio. La formule a ! a œJs ;  ; aJvÔsTo ;, employée par Sévère, voir Contra monophysitas, P. G., t. Lxxxa, col. 1848, semble bien être dans la perspective de saint Cyrille d’Alexandrie. Ce Père ne l’emploie pas directement, mais il caractérise par le terme ctjvÔscxii ; l’union de l’âme et du corps, aux endroits mêmes où il compare cette union à l’union hypostatique. Voir Epist., et ii, ad Succensum, P. G., t. Lxxvii, col. 233, 241. Cf. Jean Maxence, Dialog. II, n. 2, P. G., t. Lxxxvi, col. 136. Cette cjjvOsji ; s’oppose à la fois à la jjyzpx :  ! ’. ; monophysite et à la o.aipejt ; ou zapà6=c7’.ç nestorienne. Cf. Jugie, Ncstoriusetla controverse nestorienne, Paris, 1912, p. 165, note ; Lebon, Le monophysisme séDéricn, Louvain, 1909, p. 292-326. Notons encore que l’expression L’X-k aûvôe^tv r^’-j’o-iv za9’'j-r’i^zaiv/ a été retenue par le II* concile œcuménique de Constantinople. Denzinger-Bannwart, n. 216 ; voir plus loin, col. 000.

7° D’autres termes, moins corrects, sont encore cependant en usage chez les Pères. Origène, qui envisage l’union des deux natures comme un tissu dont les fils se mélangent sans se confondre (TJVJsaivscjOa’.), n’hésite pas à appeler l’union hypostatique zpîjiç ou a : ?’. ;, commixtio, mélange. Contra Celsum, t. III, c. xci ; De principiis, t. III, c. vi, n. 3, P. G., t. xi, col. 972, 256. Ces mêmes expressions se rencontrent également chez saint Irénée, Cont. hier., t. III, c. xix, n. 1, P. G., t. vii, col. 938 ; chez saint Méthode, Fragmenta, P. G., t. xviii, col. 400 ; chez saint Cyrille, Adversus Ncslorium, t. I, c. iii, P. G., t. lxxvi, col. 33 ; Thcsaurus, assert, xxiv, P. G., t. lxxv, col. 399 (sur l’emploi de zpàa ;  ; et de aiç’. ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, voir t. iii, col. 2515) ; chez S. Grégoire de Nazianze, Orat. in S. Paschate, xlv, n. 11, P. G., t. xxxiii, col. 633 ; Oral., II, apologetica, n. 23, P. G., t. xxxv, col. 431 ; Oral., xxxviii, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325 ; chez saint Grégoire de Nysse, Oratio cutechclica, c. xxv, P. G., t. XLV, col. 66 ; Adversus Apollinarcm, co]. ; chez Synesios, dans ses hymnes, vii, P. G., t. lxvi, col. 1612. L’équivalent latin, co/nmix/i’o, est usité par les Pères occidentaux : Tertullien, Apologeticus, c. xxi, P. L., t. I, col. 450 ; Adversus Marcionem, t. II, c. XXVII, p. L., t. II, col. 317 ; S. Cyprien, De vanitate idolorum, P. /, ., t. iv. col. 585 ; Novatien, De Trinilate, r. XI, P. L., t. i, col. 482. Saint.ugustin explique cette mixtion » de Dieu et de l’homme, Epist., cxxxvii. n.ll.P. L., t. xxxiii, col. 529 ; cf. S. Léon le Grand, .SVrm., xxiii.Dc na/(( » /7., iii, n. 1, P. /-., t.Liv, col. 200 ; Vigile de Tapse. Contra Eut]chden. l.n.4, P. L., t. Lxii, col. 97 ; ClaudienMamprt, De statu anima’, J II.c.ix, P. L., t. LUI, col. 758 ; Leporius, Libellas cmendalionis, P. /, ., t. l, col. 26. Sur le sens orthodoxe à

attribuer aux termes grecs xpâ3’. ; et [j. ? ;  ;, voir S. Cyrille d’Alexandrie, Adversus Xestorium, loc. cit., col. 33 ; se référant à Heb., iv, 2 ; S. Grégoire de Nysse, Oratio catechelica, c. xxv ; Adversus Apollinarem, P. G., t. xlv, col. 66, 1275 ; S. Jean Damascène, De /îrfe orlhodoxa, t. III, c. xviii, P. G., t. xciv, col. 1074 ; au terme latin mixtio, commixtio, Cassien, De incarnalione Christi, c. v, P. L., t. L, col. 26 ; S. Léon le Grand, Epist ad Julianum, P. L., t. liv, col. 805. Cf. Pelau, De i/icarfia/ione, t. III, c.ii.n. 8 sq. ; Thomassin, De incarnalione Verbi Dei, t. III, c. v. On rencontre aussi les composés de y.^ii’.i, aûyy.caai ; et ivîy.paa !  :, employés par saint Athanase, Con/ra Apollinarem, t. II, n. 16, P. G., t. xxvi, col. 1160 ; par saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxxvii, n. 2, P. G., t. XXXVI, col. 284 ; iîpis^. Cl, P. G., t. xxxvii, col. 177, 180, et par saint Grégoire de Nysse, Oratio catechelica, c. XI, P. G., t. XLV, col. 44 ; Contra Eunomium, t. I, c. v, P. G., t. XLV, col. 693, 697, 705, 708 ; Antirrheticus, n. 42, col. 1221.

8° De telles expressions, orthodoxes sous la plume des Pères catholiques et avec le sens qu’ils y attachaient, sont également employées par les hérétiques dans un sens hétérodoxe, et, de ce chef, donnent lieu à des discussions qui divisent les catholiques eux-mêmes, ivpàcj’.ç et ses dérivés sont fort contestés. Saint Amphiloque le rejette, Fragm., ix, P. G., t. xxxix, col. 105 ; saint Cyrille d’Alexandrie loue Jean d’Antioche de le condamner et se défend de lepatronner. iîpis^.xxxix, P. G., t. Lxxvii, col. 180. Sur les variations dans le vocabulaire de saint Cyrille, voir t. iii, col 2514-2515. Théodoret surtout condamne cette expression comme apollinariste, dans sa critique des anathématismes, Anal. II, P. G., t. lxxvi, col. 400, et dans le Dial. II, P. G., t. Lxxxiii, col. 148 : on ne peut nier qu’Apollinaire dise plus souvent aJyzpaTo ; que ajvÔcTOç en parlant de la nature du Christ incarné. Cf. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 281 sq. ilJY/uj’. ;, confusio, est rejeté par l’unanimité des catholiques, comme une expression nettement monophysite. Voirie concile de Chalccdoine, confessant le Christ en deux natures sans confusion, àjjy/JT » ’) ;, t. ii, col. 2195. Dans l’épîlre i, ad Succensum, saint Cyrille d’Alexandrie semble dire qu’on pourrait à la rigueur lui donner un sens acceptable, puisqu’il prend ce terme comme un synonyme de ajyy.paai :, P. G., t. lxxvii, col. 232 ; toutefois, il faut en éloigner l’idée d’un mélange réel. Cf. Adversus Nestorium, t. I, c. iii, P. G., t. lxxvi, col. 33 ; t. II, c. VI, col. 86 ; Apo/of/rfi’cHs contra Orientales, ibid., col. 329. Notons enfin que certains monophysites semblent répudier l’idée de confusion ; Dioscore lui-même protesta contre cette interprétation de sa doctrine. Cf. Mansi, t. vi, col. 676. Les synonymes monophysites de ajyy jat ; sont principalement : àvâ L’expression auvâçsia, adhœsio, devient, à l’épocjue de saint Cyrille d’Alexandrie, une expression proprement nestorienne. S. Cyrille, Quod unus sit Christus, P. G., t. LXXV, col. 1286 ; Explicatio duodecim capitum, anal, iii, P. G., t. lxxvi, col. 299 sq. Si l’on rencontre sous la plume de Nestorius le terme catholique d’£v’.)31 ; (au moins une fois, cf. Loofs, Ncstoriana, Halle, 1905, p. 242), il est joint au verbe auvoc7 : T£iv. L’hérésiarque ajoute habituellement à luvotïEia des déterminations qui ne laissent aucun doute sur l’hétérodoxie de son concept : c’est une adhésion a/îT’.xf, de pure affection, xat’ivaipopâv, de relation intime, Lxt’èvo ! Lt|’î'v, d’inhabitation, zit’ÊV£p-c£’.av, selon l’opération, d’où résulte l’union personnelle, r.poi’o- : Lr[. Cf. S. Cyrille d’.Mcxandrie, Quod B. Maria sit deipara, P. G., t. LXXV, col. 265 ; Quod unus sit Christus, loc. cit. ; Adversus Nestorium, t. II, proœmium, P. G., t. LXXVI, col. 60 ; Epist., IV, ad Nestorium ; xvii, ad

Neslorium ; l, ad Valerianum ; xl, ad Acacium, P. G., t. Lxxvii, col. 47, 111, 270, 194. Sur l’emploi de -juvoc^aa et (le <s-j’jiT.z>, voir Loofs, op. cit., p. 406. Il s’est produit, pour ces différents termes, les mêmes controverses qui, dans les questions trinitaires, se produisirent autour des mots oij^orjiio ; et ôy.o.ojjio ;, tantôt rejetes, tantôt adoptés par les catholiques eux-mêmes. Sans entrer dans le vif des controverses qu’ils suscitèrent, il fallait indiquer sommairement leur existence et leur emploi, en vue de l’intelligence des formules qui précédèrent, dans l’histoire du dogme de l’union hypostatique, la fixation définitive de la terminologie catholique.

II. RÉVÉLATION DU DOGME DE l’uNIOX HYPOSTA-TIQUE. — Le VI" concile oecuménique affirme que l’unité de Jésus-Christ nous a été enseignée par les anciens prophètes, par Jésus-Christ lui-même, et aussi dans le symbole des saints Pères, organe de la tradition dans l’Église. La révélation du dogme de l’union hypostatique a donc ses racines dans les prophéties messianiques et dans les affirmations du Nouveau Testament. 1° Ancien Testament.

 Une double série de textes

atteste la réalité, en Jésus-Christ, de la nature divine et de la nature humaine. Voir Jésus-Christ. Or, la pleine signilication de la plupart des textes messianiques exige que l’humanité et la divinité soient rapportées au même sujet. Jésus, en qui se sont réalisées toutes les promesses relatives au Fils de Dieu fait homme. Implicitement se trouve donc affirmée l’union substantielle des deux natures en la personne unique de Jésus-Christ.

Lerédempteurdumonde naîtra delafemme, Gen., III. 5, de la race des patriarches, par qui la bénédiction viendra aux nations de la terre, Gen., xviii, 18 ; xxii, 18 ; XXVI, 5 ; xxviii, 14 ; xlix, 10 ; cf. Num. xxiv, 9 ; Deut., XVIII, 18 ; Is., xi, 11 ; Daniel, vii, 13, 14. Il sera donc un homme, le fils de l’homme, ibid. ; il naîtra à Bethléem, Mich., v, 1, d’une vierge, Is., vii, 14, et les souffrances qu’il endurera ne nous laissent aucun doute sur la réalité de sa nature humaine et passible ; il s’offrira spontanément en holocauste, Ps. xxxix, 7, 8 ; sera trahi, Ps. xl, 10 ; couvert d’opprobres, abreuvé de fiel et de vinaigre, Ps. lxviii, 22 ; persécuté, crucifié, Ps. XXI, 17, 18 ; mis au tombeau, mais sans être sujet à la corruption, Ps. xv, 10 ; cf. Is., Lm, en entier. Mais cet homme est en même temps le Fils de Dieu. Isaïe lui reconnaît des attributs et lui applique des noms de la divinité ; le ps. ii, 2-7, parle directement de sa filiation divine, voir Fils de Dieu, t. v, col. 2360 ; plusieurs autres textes semblent prophétiser une incarnation divine, Baruch, ii, 38 ; Michée, v, 2-4 ; Zacharie, XI, 4-17 ; Malachie, ni-iv. Voir Fils de Dieu, col. 23642366.

Nouveau Testament.

1. Révélation implicite. —

La même série double de textes juxtaposés, rapportant au même sujet, Jésus-Christ, l’humanité et la divinité, peut être relevée dans le Nouveau Testament. Le relevé complet en sera fait à l’art. Jésus-Christ. Les références utiles ont été déjà rapportées d’ailleurs, en majeure partie, à l’art. Fils de Dieu, col. 2388-2407. Du reste, les témoignages du Christ et des apôtres, avec leurs preuves irréfragables : prophéties réalisées en Jésus-Christ, miracles accomplis par le Sauveur, résurrection de Jésus lui-même, réalisation dans l’Église des promesses de l’Esprit-Saint, obligent, même au simple point de vue rationnel et apologétique, à conclure à la crédibilité de la divinité en Jésus-Christ. Voir Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de M. d’Alès, t. ii, col. 1288-1538. Méconnaître la divinité de Notre-Seigneur, c’est faire violence au textemême del’Évangile. Quant à l’humanité du Sauveur, toute l’histoire évangélique en atteste la vérité, non seulement quant au corps

ou au corps animé, mais quant au composé humain tout entier, y compris l’àme rationnelle et intellective. Voir Jésus-Chkist. Ici, le théologien a moins à rappeler ces deux aspects fondamentaux du dogme derincarnation qu’à montrer, en rapprochant les textes, que c’est pien le même Jésus-Christ, qui, se manifestant comme Dieu, est apparu comme homme, avec toutes les prérogatives de l’iiumanité, et d’expliquer comment ces textes deviennent inintelligibles et perdent leur signification véritable dès qu’on ne les rapporte plus à un sujet unique, toujours identique à lui-même et dans lequel les deux natures, substantiellement unies, demeurent cependant sans confusion comme sans séparation.

Un double procédé s’offre à lui pour parfaire cette démonstration : procédé direct et procédé indirect. Le procédé direct consiste à démontrer que, du rapprochement des textes, ressort clairement l’unité substantielle du sujet, Jésus-Christ, nonobstant les deux natures qui la constituent ou plutôt grâce à l’union même qui fait coexister ces deux natures en une seule personne. Cette démonstration directe repose d’abord sur une argumentation de portée très générale, telle que l’esquisse le cardinal FranzeUn, De Verbo incarnato, Rome, 1874, th. xvi : « Les deux séries de textes révélés, concernant l’humanité et la divinité, ne se rapportent pas, l’une à un sujet, l’autre à un autre sujet ; mais toutes deux se réfèrent à un seul et même sujet, Jésus de Nazareth. C’est donc un dogme très certainement révélé, que Dieu le Verbe est aussi un homme véritable, Jésus, qui a été conçu, est né de la Vierge, a vécu avec les juifs, a souffert, est mort ; que cet homme Jésus est le Fils éternel de Dieu, vrai Dieu lui-même, créateur du ciel et de la terre », p. 130. Et le savant théologien note que les Évangiles et les écrits apostoliques sont remplis de textes pleinement démonstratifs de cette unité. Chaque fois qu’il est question du Christ, on en parle à la fois comme d’un Dieu et comme d’un homme, soit expressément, soit équivalemment, en raison de ses attributs et de ses œuvres, ou encore en raison du culte qu’on proclame lui être dû ou du souverain domaine qu’on lui reconnaît sur toutes les créatures. N’est-ce pas d’ailleurs le but de toute la révélation chrétienne de proposer Jésus-Christ, vrai homme, comme Fils de Dieu et vrai Dieu, et d’amener toutes les nations à s’incliner devant l’humanité sainte du Sauveur, instrument de la rédemption ?

Ce n’est pas le lieu d’exposer ici tous les textes où ce rapprochement peut être fait. Ce serait empiéter sur le sujet de l’art. Jésus-Chpust. Notons toutefois que l’union hjT)ostatique est implicitement affirmée chaque fois que la sainte Écriture attribue à Dieu les actions et les passions de la nature humaine, et, vice versa, à l’homme, les attributs ou les actions divins, comme lui appartenant en propre, ou encore chaque fois que, dans le Christ, on aiïînne une double nature avec la communication des idiomes, voir Idiomes (Communication des) : a) attribution à Dieu des actions et des passions de la nature humaine : naissance temporelle selon la chair, Rom., i, 3 ; ix, 5 ; Gal., m, 16 ; IV, 4 ; vie humaine et sensible, l Joa., i, 1, 2 : Rom., v, 15 ; I Cor., xv, 21, 47 ; Phil., ii, 8 ; ITim., ii, 5 ; corps physique, Col., i, 22 ; Eph., ii, 14 ; Rom., viii, 3 ; souffrances et mort, I Joa., ni, 16 ; Rom., viii, 32 ; Act., III, 15 ; XX, 28 ; b) attribution au fils de l’homme, à Jésus-Christ, des propriétés divines : éternité, Joa., vm, 58 ; Heb., xiii, 8 ; cf. Col., i, 17 ; la préexistence du Christ étant clairement manifestée par sa venue en ce inonde, ITim., i, 15 ; iii, 13 ; Jésus étant le premter-né de toutes créatures. Col., i, 15 ; Rom., ^^II, 29 ; puissance et autorité divines, Joa., x, 28 sq. ; cf. v, 17-21 ; XIV, 10, 11 ; Gal., i. 1 ; I Cor., i, 3 ; II Cor., i, 2-6 (la

formule ô zjv.o ; r^'j.irr/ 'It|70j ; X ?'œt’J ; se rencontre plus de cinquante fois dans les Épîtres) ; élévation andessus des créatures, Phil., i, 9, 10 ; cf. Co', i, 15 ; Rom.,

IX, 5, et au-dessus des anges eux-mêmes, Eph-, i, 21 ; Ileb., II, 7 ; I, 4, 6 ; — des opérations divines : création, Col., I, 16-17 ; Heb., i, 1-3, 10-12 ; mission de V EspritSaint, Joa., XIV, 26 ; xv, 26 ; illumination, scmctiflcation et salut des âmes, Joa., xiv, 6-11 ; cf. vi, 35, 40 ; viii, 12 ; X, 28 ; xi, 25 ; I Cor., i, 4 ; II Cor., xii, 10 ; Tit., II, 13, 14 ; du culte dû à Dieu lui-même, Joa., v, 23 ; Phil.,

II, 10 ; cf. Rom., x, 13 ; xiv, 10-12 ; Heb., i, 6 ; II Pet..

III, 18 ; Apoc, V, 13 ; %in, 4 ; xx, 6 ; culte manifesté par lapriêre elV invocation, Act., vii, 59 ; Rom., x, 13 ; Eph., V, 19 ; cf. Col., III, 16 ; IPet., iv, ll ; II Pet., iii, 18 ; Apoc., I, 6 ; Heb., xiii, 20-21, '^a.T' exercice des vertus proprement théologales, foi, Joa., xiv, 1 ; cf. iii, 18-36 ; vi, 47 ; xi, 25 ; Act., x, 43 ; XVI, 31 ; xxvi, 18 ; Gal., ii, 16 ; I Pet.,

I, 8, 9 ; I Joa., iii, 23 ; cf. Joa., xvii, 3 ; espérance, ITim., i, l ; cf. Act., iv, 12 ; charité, Matth.. x, 37 : Joa., XIV, 15 ; I Joa., ii en entier ; cf. Col., iii, 17 ; Il Cor, , V, 15 ; Rom., xiv, 7-9 ; xiii, 35 ; eu un mot de la divinité elle-même, Joa., xii, 37-50 ; cf., Is., vi, 9 ; Apoc, i, 17 ;

II, 8 ; XXII, 13 ; avec Is., xli, 4 ; xliv, 6 : xlviii, 12 : Jésus étant appelé et s’appelant lui-même le Fils de Dieu, -Matth., XVI, 16 ; xxiï, 5 ; Marc, i, 11 ; ix, 6 ; Luc, ix, 3.^ ; Joa., V, 25 ; II Pet., i, 17 ; Rom., viii, 32, ete : voir Fils de Dieu, t. v, col. 2390-2392 ; Dieu lui-même. Joa., xx, 28 ; Tit., ii, 13 (l’omission de la particule et dans ce texte correspondant mieux au sens de la phrase) : Joa., VI, 35-48 ; xi, 25 ; xiv, 6 ; Rom., ix, 5 ; I Joa., v. 20, et surtout Joa., i, 1. La divinité lui appartient dans sa plénitude. Col., ii, 9, et l’unité substantielle régit dans l'être les rapports, du Père et de Jésus, Joa.,

X, 30 ; Phil., ii, 6-7 ; voir Franzelin, op. cit., th. in-ix ; et, en ce qui concerne plus particulièrement les Épîtres de saint Paul, Prat, La théologie de saint Paul, II « partie, Paris, 1912, p. 226-233 ; c) affirmation d’une double nature et communication des idiomes, Joa., x, 28, 30 ; XIV, 9, 13-14 ; xv, 16 ; x^, 15-23 ; xvii, 10 ; cf. v, 17. 19 ; iii, 38 ;.poc., i, 8 ; Col.,-i, 16 ; Ileb., i, 2, etc.

Le procédé indirect consiste à démontrer que l’unité substantielle de Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme, en un seul sujet ou en une personne unique, est requise pour conserver aux textes de l'Écriture leur véritable sens et leur portée exacte. U suffit de rappeler comment, d’une part, ceux qui ont voulu, au cours des Ages, maintenir en Jésus-Christ la dualité de natures, mais sans en afïirmer l’unité substantielle, sont tombés dans l’hérésie du nestorianisme ; et comment, d’autre part, ceux qui se sont préoccupés de l’unité substantielle du Christ au détriment de la dualité des natures ont adopté forcément « [uelqu’une des théories flu monophysisme, soit qu’ils sui)primasseiit l’une ou l’autre nature ou tout au moins une partie essentielle de la nature humaine, soit qu’ils Tissent des deux natures une nature nouvelle, fusionnée des deux. Sur ces déviations de la pensée théologique, on se reportera aux art. NESTomus ; Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2509-2516 ; Éphèse (Concile d'). t. v, col. 137-163 ; Ébioxites, t. iv. col. 1987-1995 ; DocÉTisME, t. IV, col. 1481-1501 ; Apollinarisme, t. I, col. 1505-1507 ; Eutychianisme, t. v, col. 15821609 ; CHALr.ftDoiNE (Concile de), t. iv, col. 2190-2208.

2. Révélulion explicite.

Mais nous prétendons

trouver dans le Nouveau Testament une révélation explicite du dogme de l’union hypostatique..Non pas que le terme union hgpostnlique soit lui-même révélé ou que l’on puisse le déduire littéralement des textes Inspirés. Ce qui constitue le dogme révélé, c’est, non pas la formule dont il s’enveloppe et qui sert ù en fixer le sens, mais le sens lui-même, dont la formule n’est que le revêtement. Or, le sens qu’exprime le terme union h ! / postât (que se retrouve formellement

et explicitement dans les e.Kpressions dont se servent les auteurs sacrés pour décrire en Jésus-Christ l’union de l’humanité et de la divinité en un seul sujet préexistant, le Verbe, Fils de Dieu, éternel comme Dieu et Dieu lui-même. Il a pu se produire et, de fait, il s’est produit un réel progrès dans la manière d’exprimer et d’exposer la vérité révélée, mais ce progrès n’a pas marqué le passage de l’implicite à l’explicite. Ce passage ne saurait exister pour les dogmes dont la connaissance explicite s’impose aux fidèles. Or, dès le début de l'Église, le dogme de l’union hypostatique, qui est la substance même du dogme de l’incarnation, a dû être proposé et cru explicitement. Saint Jean et saint Paul, dans deux passages inspirés, ont formellement et explicitement révélé et proposé la doctrine de l’union hypostatique.

a) C’est dans le prologue du IV « Évangile que saint Jean nous annonce que le Verbe s’est fait chair. Joa., I, 14. Qu’est-ce à dire ? Du Verbe qui est Dieu, qui est l'Éternel près de Dieu le Père, qui est le Fils unique de Dieu, cꝟ. 1, on alïirme qu’il est né dans le temps et que, par cette naissance, il a commencé à être chair. Remarquons ici la vigueur de l’expression : Verbum caro faclum est, par rapport à la locution analogue, venir dans la chair, également appliquée à Dieu par saint Jean. I Joa., iv, 2 ; II Joa., 7. La chair désigne ici l’humanité tout entière, toute la nature laumaine considérée dans un individu. On trouvera les différentes significations du molchair, làoç, dans les textes inspirés, à l’art. Chair, du Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. ii, coi. 487-488 ; mais ici, le sens unique que l’on peut lui attribuer est sans conteste celui qu’on vient d’indiquer. Voir Zorell, Xovi Testamenti lexicon grsecum, Paris, 1911, au mot ïl-if^r. p. 512. L’usage courant dans la langue hébraïque relaliement au terme bâsûr, non moins que celui des auteurs inspirés suffiraient à justifier cetteassertion. Mais le but polémique poursuivi par le quatrième évangéliste nous invite expressément ù trouver, dans le verset 14, l’attribution au Verbe lui-même d’une nature humaine entière et complète, contrairement aux erreurs que le docétisme commençait à colporter touchant la personne de Jésus. Voir Docétisme, t. iv, col. 14861488. Cf. Franzelin, op. cit., th. xi. Caro est donc ici l'équivalent d’homo. Le Verbe qui, dès le commencement, était près de Dieu, étant Dieu lui-même, est devenu cet homme, caro faclum est, Jésus-Christ, dont Jean a écrit l'Évangile, et c’est ce même Jésus dont Jean et les autres apôtres ont vu la gloire comme Fils unique du Père ; c’est ce même Jésus qui est venu vers Jean-Baptiste et dont l'évangéliste décrit ensuite la vie mortelle. Le Verbe est donc Dieu ; le Fils de Dieu envoyé par le l'ère, demeurant Verbe-Dieu, s’est fait homme de telle façon qu’il est vrai d’adirmer : Dieu est homme et cet homme est Dieu. U s’est fait homme, dit le texte sacré, en naissant dans le temps, d’une mère vierge, et le terme de cette génération est le Verbe-homme. Telle est la signilication propre du verbe, kyvti-zo, factus est ; cf. Rom., i, 3, z.iy. toO uio-i aÙTOj, Tou Y'"' ! *^"'*"' ^^- îJ^éflJi-aTo ; Aa6'.8 xxti 'jâxp a : Gal., IV, 4, Ysvo|jL£vov SX vuvaizô ;. Toutefois devenir, naître homme (caro factus) ne signifie nullement que le Verbe a cessé d'être Verbe en devenant homme, ni qu’il a eu une mutation de la nature divine en la nature humaine, ou de la nature humaine en celle du Verbe, car, en raison du sujet qui est Dieu, ces deux propositions seraient absurdes. Grammaticalement, le terme de la naissance est le Verbehomme (Verbum cnro), ce que l’on ne pourrait dire s’il y avait une mutation quclcon<|ue dans l’une ou l’autre nature.

Même en n’accordant pas, dans le texte, à / « rr/us, le sens de genitus, cette conclusion s’impose encore. Être

fait, devenir, peut se dire de trois laçons : a. de ce qui commence d’être et, en ce sens, c’est une locution impropre, car le néant ne devient pas quelque chose ; il. de ce qui cesse d’être ce qu’il était auparavant pour devenir un être nouveau : il s’agit alors d’une mutation substantielle ; or, une telle conversion répugne à la nature même de Dieu ; c. de ce qui acquiert une qualité ou une relation nouvelle, tout en demeurant substantiellement identique à soi-même : dans la créature, cette acquisition implique une modification accidentelle du sujet ; mais dans le Verbe, une telle modification est inconcevable. Il faut donc conclure que la chair, c’est-à-dire l’humanité, s’est unie au Verbe par une relation ne portant en Dieu aucune modification, mais cependant assez étroite, assez intime, assez substantielle, pour qu’on puisse dire en toute vérité que le Verbe est homme et que cet homme est le Verbe. D’ailleurs, l’unité de la personne du Christ est l’objet principal de la contemplation, chez saint Jean. Saint Jean est soucieux de ne « pas diviser le Christ ». Dans une même phrase, il marquera donc souvent la sujétion humaine de Jésus et la dépendance éternelle du Christ. Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 412.

b) L’apôtre saint Paul nous dévoile lui aussi le mystère de l’union substantielle de la divinité et de l’humanité en un seul sujet Jésus-Christ. Nous avons déjà constaté que nul autant que lui ne fait usage, en parlant de la personne du Christ, de ce que les théologiens appellent la communication des idiomes. Certains attributs ne convenant pas à la nature humaine et certains autres étant incompatibles avec la nature divine, il faut nécessairement conclure du langage de l’apôtre qu’il y a en Jésus-Christ deux na tures, la nature divine et la nature humaine, mais unies en un seul sujet d’attribution. Cette conclusion, saint Paul la présente lui-même comme un fait, sans vouloir cependant en donner l’explication dernière. L’Épître aux Hébreux manifeste la préoccupation de ne pas séparer les différentes phases de l’existence du Christ. L’auteur a soin d’en enchaîner la série dans une courte phrase où se manifeste l’unité de la personne du Christ : « C’eiSt lui qui, étant le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de sa substance, soutenant l’univers par la parole de sa puissance, a expié nos fautes et s’est assis à la droite de la majesté, au haut des cieux, étant devenu (yEvo’aîvoç) supérieur aux anges, d’autant que le nom qu’il a reçu en héritage est plus grand que le leur. » J. Lebreton, op. cit., p. 355. Mais, bien plus, saint Paul nous révèle qu’en Jésus habite corporellement la plénitude de la divinité. Col., II, 9. « Les exégètes reconnaissent que la plénitude de la divinité ne peut être que l’intégrité de l’essence divine et par conséquent la divinité elle-même. En effet, 6eotï) ; (deitas), abstrait de Œo ;, n’est pas identique à 6£LÔTr|< ; (divinitas), abstrait de Œïo ;. Le dernier mot pourrait s’entendre de la qualité ; l’autre doit s’entendre de la nature. Ce sens s’imposerait encore avec plus de force au cas où Paul combattrait l’erreur des Colossiens plaçant dans les puissances supérieures des parcelles et des émanations de la divinité ; mais, au fond, il est indépendant de cette hypothèse. Que veut dire corporellement ? Beaucoup de Pères le rendent par « réellement » ou « substantiellement » ; mais le corps n’a ce sens que lorsqu’il est opposé à l’ombre. Cf. Col., ii. 17. Corporellement signifie « dans un corps, sous forme de corps » ; cette acception convient de tout point et il n’y a pas à en chercher d’autres. » Prat, La théologie de saint Paul, II « partie, p. 230-231. Cette interprétation obvie, dans un corps signifiant incarné, va droit au but que se propose notre démonstration. L’interprétation des Pères, faisant de afoaaTixàJç l’équivalent de réellement, voir

S. Augustin, Epist., cxlix, n. 25, P. L., t. xxxiii, col. G41 ; ou encore de oW.’» oûic, substantiellement, voir S. Isidore de Péluse, jEpisL, l. IV, epist. clxvi, P. G., t. LX.xviii, col. 1256 ; ou encore de totaliter, voir S. Hilaire. De Trinitate, t. VIII, n. 54, P. L., t. xi, col. 273, est une précision théologique de la pensée de l’apôtre. Mais nous avons déjà, dans cette pensée, l’affirmation de la divinité habitant en Jésus-Christ, selon le mode de l’incarnation. i^fDuaT’.Liôç exprime ici d’un mot le Vcrbum caro factum est de saint Jean. Voir Prat, op. cit., p. 230, note ; Knabenbauer, In Epist. ad Colossenses, Paris, 1912, p. 326-327 ; Zorell, op. cit., p. 556 ; .bbott, . criticaland cxcgetical commentary, Eph. and Col., Edimbourg, 1897, p. 264 ; Lightfoot, St. Paul’s Epistle to the Colossians, Londres, 1892, p. 179. Dans son commentaire sur les Épîtres de saint Paul, Col., II, lect. III, saint Thomas d’Aquin, après avoir en Ijremier lieu signalé l’interprétation de saint Augustin, donne l’interprétation littérale, corporaliler, dans un corps, par opposition à l’inhabitation de la divinité, par la grâce, dans les âmes des justes.

Le texte de l’Épître aux Colossiens enseigne donc l’union de la divinité et de l’humanité dans l’unique personne de Jésus-Christ ; la pensée de l’apôtre reçoit toutefois un éclaircissement précieux dans le célèbre passage de l’Épître aux Philippiens, ii, 6, 7. Saint Paul y excite les chrétiens à la pratique des vertus de renoncement, à l’exemple de ce qui se passa dans le Christ Jésus. Ce sont moins les sentiments de Jésus que son état lui-même que l’on nous propose en exemple. L’incarnation est elle-même l’abaissement, le renoncement que nous devons imiter. Ayez en vous les sentiments dont Jésus est le modèle. Existant dans la forme de Dieu, il ne regarda pas l’égalité divine comme une proie (en prenant le terme io-x^c^oç, au sens passif des Grecs, et non au sens actif de la Vulgate, comme si Jésus ne voulût pas considérer l’égalité divine comme une proie à laquelle on se cramponne avidement de peur d’en être privé), mais il se dépouilla lui-même, (en) prenant la forme de l’esclave et devenant semblable aux hommes ; et reconnu homme par ses dehors (qui manifestaient la réalité de sa nature humaine), il s’abaissa, se faisant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a exalté sans mesure et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse au ciel et sur la terre et aux enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est entré dans la gloire de Dieu le Père. Le mot [jopçïi désigne quelque chose d’intime et de profond, bien distinct des dehors et des apparences, touchant à l’essence même de l’être et inséparable d’elle. Selon le sens aristotéhcien du mot, passé probablement dans l’usage à l’époque de l’apôtre, voir Lightfoot, Philippians, Londres, 1900, The synonymes aopçr, and a/qij.a, p. 127-133, |J.opçT| est l’équivalent de nature, ou tout au moins signifie quelque chose d’inhérent à la nature. Cf. Zorell, op. cit., p. 366 ; F. Prat, op. cit., P « partie, Paris, 1908, p. 442. D’ailleurs, le participe jzàp/fov, mis en corrélation avec l’aoriste’r, ^r’, na- : o, acquiert un sens d’imparfait et désigne l’existence sans limite de temps : il ne s’agit donc pas pour le Verbe de se dépouiller réellement de la forme, c’est-à-dire de la nature divine ; même sous la forme d’esclave, c’est-à-dire devenu homme, il restera Dieu. L’abaissement accepté par le Verbe ne consiste pas dans le dépouillement de sa nature divine, mais dans le simple fait de l’incarnation, qui, sous la forme humaine, voile la forme divine, ou encore, selon l’interprétation de certains Pères, dans le renoncement, pour la nature humaine, aux honneurs divins auxquels le Verbe incarné avait droit. Cf. Prat, loc. cit., p. 445-451. Par là, apparaît nettement dans le texte christologique l’affirmation de l’union hypo

statique. La juxtaposition du texte de saint Jean et du texte de l’Épître aux Philippiens permet de faire ressortir l’identité de pensée qui a présidé, cliez l’un et l’autre auteur inspiré à leur rédaction :

Joa., I, 1-14.

Au commencement était

le "Verbe, et le Verbe était

Dieu.

Et le Verbe

s’est fait chair et il a habité parmi nous.

Et nous avons vu sa

gloire qui est la gloire du

Fils unique du Père, etc.

Phil., II, 6-7.

Existant dans la forme de

Dieu, il ne regarda pas l’éga

lité divine comme un larcin,

mais il se dépouilla lui même, prenant la forme de

l’esclave et devenant sem blable aux hommes ; et re connu homme par les de hors, il s’humilia, etc.

C’est pourquoi Dieu l’a

exalté sur toutes choses et

lui a donné un nom au-dessus

de tout nom…, afin que

toute langue confesse que

le Seigneur Jésus-Christ est

dans la gloire de Dieu le

Père.

III. Premières affirimations de ce dogme dans l’Église. — 1° Les sijmholes. — La foi catholique en l’union hypostatique s’affirnie, dès le principe, en ce que le symbole des apôtres, résumé de la croyance de l’Église tout entière, comporte un acte de foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu et homme tout à la fois. Qu’il s’agisse de la forme romaine ou des formes orientales, le sens du symbole apostolique reste le même. L’Éalise croit en Jésus-Christ, Fils unique du Père, noire Seigneur, et c’est le même Jésus, Dieu, qui a clé conçu du Saint-Espril, est né de la Vierge Marie, a sou/lerl sous Ponci-Pilutt, a été crucifié, est mort, est descendu aux enjers, est ressuscité le troisième iour d’entre les morts, est monté aux deux, est assis à la droite de Dieu le Père ToutPuissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Le pronom relatif qui, rapportant à Jésus, Fils de Dieu, les attributs de l’humanité, marque expressément l’unité du sujet en lequel se rencontrent et sont unies la divinité et l’humanité. Les formules orientales ne sont pas moins expressives. L’attribution des prédicats de l’humanité au Fils de Dieu est faite par l’article et le participe, se rapportant à Jésus, lils unique de Dieu, et Dieu véritable. Le même article de foi eiç jva LJp’.ov’Iï, 50jv Xi’.aiov porte sur tous les qualificatifs humains attribués à Jésus-Dieu : rsaç, y.ii>bv/-ix, otajp’oOîvTa, laçs/Ta, àvastavia, àvjLOovTa si ; tov ; ojçavojç, y.aOiiavTa iy. Ssçtiîiv TOU IlaTÇo :, £p/C|j.£vov LC’.va’. tco/Taç Lai VcZpo-^ç. Cette communication des idiomes suppose la croyance à l’union substantielle des natures en une seule i)crsonne. Mais les formules orientales, sur ce point particulier, apportent une précision d’expression qu’on ne doit pas passer sous silence, bien qu’en réalité, cette précision n’apporte à la croyance reçue aucun article nouveau. Nombre de formules précisent que l’on doit croire en un seul Jésus-Christ, Filsfuniquet du l’ére, sic iva Ljptov’1ï, c ; oCiv Apotov. Ainsi le portent le texte hiérosolymitain, extrait des Catéchèses de saint Cyrille, Cal., vii, n. 4 ; x, n. 3 ; xi, n. 1, 21, P. G., I. XXXIII, col. G09, 661, 692, 717 ; Denzinger-Bannwart, n. 9 ; P. G., t. xxxiii, col. 533 ; le texte de saint Épiphanc, Anr.oratus, P. G., t. xliii, col. 23-1 ; Denzin^er-Bannvvarl, n. 13 ; la profession de foi de saint Irénée. Gant, hær., I. I, c. x, n. 1, P. G., l vii, col. 549 ; le texte du symbole de Nicée. Denzinger-liannwart, n. 54. Voir les autres formules dans Hahn, liibliothek dcr Symbole, § 122, 123, 127, 128, 131, 132, 137, 146, 149.

On remarquera que la formule Fides Damasi comporte é » ialement rexpression in unum Dominum nostrum Jesum Christtim. Ru fin, dans son Commentaire

nier. DE tiiéol. cvriic)L.

sur le si/nibole des apôtres, n. 3, 4, 5, P. L., t. xxi, col. 339, 341, 343, fait observer que cette incise a été intentionnellement introduite, afin d’exclure certaines doctrines hérétiques qui se manifestaient en Orient. Rome, tranquille sous ce rapport, n’avait pas à modifier le texte de son symbole. Il s’agissait sans doute des hérésies qui, depuis Cérinthe, tendaient à détruire l’unité qu Christ, en alTirmant qu’autre était l’homme Jésus et autre le Fils ou le Christ, descendu du ciel et habitant en cet homme. Voir t. ii, col. 2153-2154. De fait, la formule sic hx v.-jy.m devait plus tard servir aux catholiques de point d’assise, pour reprocher aux nestoriens d’introduire, contrairement au symbole, une véritable qualernité en Dieu, en séparant en Jésus-Christ le Fils naturel du Père et l’homme, rendu simplement participant de cette filiation, à cause de sa conjonction avec le Fils. Cf. Leporius, LihcUus emendalionis, n. 5, P. L., t. xxxi. col. 122. Rien d’étonnant que saint Cyrille d’Alexandrie expose la foi catholique en se servant de l’expression consacrée par les formules orientales du symbole. De recta fide ad reginas. orat. i, n..3, P. G., t. lxxvt ;, col. 1204.

Faut-il ajouter que les symboles ont toujours été entendus par l’Église elle-même en ce sens, et que le magistère corrobore à plus d’une reprise le sens qu’il faut attribuer à la formule primitive, encore rudimentaire, mais néanmoins déjà suffisamment expressive ? Le concile d’Êphèse déclare qu’il n’y a pas d’autre foi A promulauer que celle de Nicée, Mansi, t. iv. col. 1361 ; s’il appuie la deuxième lettre de saint Cyrille contre Nestorius, c’est qu’il la juge consenliens fidei NicœniP, cf. Mansi, t. iv, col, 1139-1170 ; s’il condamne la doctrine de Nestorius, c’est que cette doctrine s’éiîarte de la foi de Nicée. Ibid., col. 1178.

Le concile de Chalcédoine se réfère au symbole des Pères, Mansi, t. vii, col. 111, 115 ; cf. profession de foi de Justinien, au V" concile œcuménique, se référant pareillement en tout au symbole saint de Nicée, ibid., t. IX, col. 557 ; pareillement, contre les monolhélites, le VI" concile, act. VIII, ibid., t. i, col. 635 invoque l’autorité du concile de Nicée. Or, il est à remarquer que ces différenIs cor.ciles sont diriges contre des erreurs opposées : néanmoins, ils considèrent tous que la foi de Nicée est déjà suffisante pour indiquer aux fidèles la voie de l’orthodoxie, dans la question du dogme de l’imion hypostatique, combattu en sens divers par Nestorius, F.utychès. et les propagateurs des hérésies dérivées du ncstorianisme et de l’eutychianisme.

La doctrine des Pères apostoliques.

La doctrine

des Pères apostoliques relativement à Vanité ontologique du Christ (qui est la formule primitive du dogme de l’union hypostatique), se traduit, dans les rares documents que nous avons de cette époque, soit par la commimication des idiomes, souvent employée, soit même parfois par l’usage de formules déjà plus significatives. — 1. Communication des idiomes. — Epist. Barnabæ, v, 5, si Dominas sastinuil pâli pro anima nostra ; 13, ipse poli voluit ; 11-12. filius Dci… passm est ; cf. VI, 7 ; vu. 2, 5 ; xiv, 4 : Dominus… pro nobis passas ; S. Clément, / Cor., ii, 1, Dci… passiones (si toutefois, selon le codex Alexandrinus, on lit (-)£oO au lieu de.Xv.’jtoj) ; xxi, Dominum.lesum, eu jus sanguis pro nobis datas est ; cf. XLix, 6 ; sur l’affirmation du « Verbe incarné » diins saint Clémml. voir H -A. Montagne, La doctrine de saint Clément de Pome sur la personne et t’oruvre du Christ, d ;.ns la Revue thomistc, juillet août 1905, p. 389-312 ; pseudo-Clément, // Cor., IX, 5, ChrisUis Dominus, cum primum csscl spiritas ; S Ignace, ytrf Eph., i, 2, sangainem Dci ; xviii, 2, Deas Jésus Christas in utero gestatas est a Maria… notas et baplizatus ; Ad Tral., ui, , caroDomini, Ad liom., VI 3, passio Dei ; vii, 2, amor cracipxus. — 2. Formu VII.— 15

les plus expressives. — C’est chez saint Ignace i)nncipalenicnt que se rencontrent certaines expressions, marquant nettement, en Jésus Clirist, l’unité de sujet et la dualité des natures : Ad Ëpli.,

, 2, medicus au tem unus est, et carnalis et spiriiualis genitus et ingeniius, in carne existens Deus, in morte vita vera, et ex Maria et ex Deo, primiim passibilis et tune impassibilis, Jésus Clirislus Dominus nostrr. Cette juxtaposition des qualités appartenant à la divinité avec celles qui sont propres à l’iiuinanité et cela dans le nicme sujet, Jésus, se retrouve, ! &/(L, Ad Smijrn., i, 1 ; xx, ’2 ; Ad Polyc. , iii, ’2 ; Episl. ad Diognetem, vii.2-4 ; xi, 4, 5 ; Hernias, Pastor, Sim., V, v, 1-3 ; VI, i, 2-7 ; IX, xii, 1-8. D’ailleurs, il ne serait pas difiicile d’alipner, pour les Pères apostoliques, deux séries de textes parallèles, les uns affirniant la réalité de la divinité : S. Clément, / Cor., XXXVI, 1 ; Epist. Barnabse, xii, 19 ; S. Ignace, Ad Magn., viii., ; Ad Rom., iKcr. ; S. Ignalii martyrium, ii, 4, dans Funk, t. ii, p. 278 ; Martyrium Polijcorpi, x ,

3, -}ix, 2 ; Epist.adDiognetem, ii, 2 ; pseudo Clémi’ut.77. Cor., I, 1 ; les autres insistant sur la réalité de lliumanité, S. Ignace, Ad Tral., ix, i ; Ad Smi/rn., ii ; cf.i, 1, 2 ; Ad Magn., xi ; S. Polycarpe, Ad Phil., vii, 1 ; et d’en déduire, comme on le peut faire des textes similaires de l’Évangile, la vérité de l’union hypostatique.

Les Pères du II’et du iw siècle.

1. Pères apologistes.

— La croyance au dogme de l’union hypostatique s’afRrme dans la croyance « en Jésus-Christ, Notre-Seigneur, Fils du Très-Haut, qui est descendu du ciel par l’Esprit-Saint, pour sauver les hommes, et qui, né de la sainte Vierge sans fécondation et sans corruption, a pris notre chair et est apparu aux hommes ». Aristide, Apologia, 15, P. G., t. xcvi, col. 1121. Même profession de foi chez saint Justin, Apol., I, n.’13, 53, 63, m ; Apol., II, n.6, 13 ; 7)/VII. cum Triiphone, n. 48, 100, P. G., t. VI, col. 345, 405, 424, 428, 453, 405 ; 580, 709. La communication des idiomes est nettement marquée chez Tatien, qui parle du Dieu souffrant, Oratio adversus grsecos, n. 13, P. G., t. vi, col. 836 ; cf. n. 21, col. 852, où Tatien annonce « un Dieu né dans la forme de l’homme », 0 ; ov èv àvO^oirroj ; j.op<prj Ycy’jvévai. Méliton de Sardes a une formule déj ; N plus expressive : parlant du Christ, il affirme que lui-même (ô aÙTÔç) étant à la fois (ôaciù) Dieu et homme parfait, nous a manifesté ses deux natures (rà ; ojo aÙToij oùa’a ;), sa divinité, au moyen des miracles accomplis pendant les trois années qui ont suivi son baptême, son humanité, pendant les trente années qui ont précédé ce baptême. Fragm., 1, P. G., t.v, col. 1221.

2. Saint Irénée formule une doctrine qui mérite de retenir notre attention : elle accuse en effet un progrès marqué dans le sens des formules postérieures. La règle de foi, Cont. hær., t. I, c. x, n. 1, P. G., t. vii, col. 549, est qu’il faut croire « en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, incarné pour notre salut ï ; cꝟ. t. III, c. IV, n. 2, col. 856 ; d’ailleurs, en toutes ses explications et défenses du dogme catholique, Irénée suppose explicitement le fondement même de l’union hypostatique, à savoir que le Verbe, Fils unique du Père, est consubstantiel au Père, t. I, c. xxii, n. l, col. 609 ; t. II, e. xiii, n. 6 ; c. xvii, n. 7 ; c. xxx, n. 9, col. 745, 764, 822 ; t. III, c. vi, n. 1 ; c. viii, n. 3, col 860, 867 ; t. IV, c. ii, n. 1 ; c. vii, n. 4, col. 970, 992 ; et le Verbe, Fils de Dieu, n’est autre que Notre-Seigneur Jésus-Christ, t. II, c. xxx, n. 9 ; I. III, c. xvi, n. 9 ; c. xvii, n. 1 ; e. xviii, n. 7 ; I. V, prsef., col. 822, 928, 929, 936, 1120. Cf. Demonstratio apostolicæ preedicationis, n. 30, 31, édit. Weber, Fribourg-en-Brisgau, 1917. Mais il convient de recueillir les traits particuliers sous lesquels Irénée décrit l’union hypostatique : a) Les Écritures démontrent qu’en Jésus-Christ, c’est un seul et même sujet qui à la fois est Dieu et homme. Jésus n’est pas le réceptacle du Christ, descendu du ciel pour habiter en

i

cet homme, mais cet homme même qu’est Jésus est le Verbe, le Fils unique de Dieu, le Christ, le Sauveur, qui s’est incarné pour nous ; en telle sorte que le Fils (lu TrèsHaut et le Fils de David sont II même personnage, que l’enfant porté par Siméon, Jésus, né de la Vierge Marie, est lui-même le Fils de Dieu, lumière des hommes ; cꝟ. t. III, c. XVI, n. 1-3 ; I. I, c. ix, n. 3. Cf. Demonstraj tix), n. 38, 39, 40, 61 sq. Les hérétiques font erreur, précisément parce qu’ils soutiennent qu’autre est celui qui est né et qui a souffert, et autre celui qui est descendu, impassible, du ciel : une telle croyance détruit l’unité du Christ Jésus gui est le Verbe même de Dieu, Fils unique du Père, t. III, c. xvi, n. 6, 9, col. 925, 928. Cf. Demonstratio, n. 99. — b) Par là, le Fils de Dieu est le fils de l’homme, et celui qui est devenu ce que nous sommes, est vraiment le Dieu Fort, t. IV, c. xxxiii, n. 11, col. 1079. Cf. Demonstratio, n. 37, 93. — c) Appartiennent donc au même sujet les perfections propres à la divinité éternelle, et les perfections humaines provenant de l’assomption de l’humanité par le Christ : « L’invisible est devenu visible, l’incompréhensible, compréhensible, l’impassible, passible, le Verbe s’est fait homme, récapitulant l’univers en lui-même, possédant en lui même, comme Verbe de Dieu, le principal sur toutes les choses supracélestes. spiritu-elles et invisibles, et le principal sur toutes les choses visibles et corporelles », t. III, c. xvi, n. 6, col. 926. Il y a donc une double génération du Fils de Dieu, l’une éternelle, de la substance même du Père, l’autre temporelle, de la substance de sa mère, la Vierge Marie, t. III, c. xix, n. 2 ; cf. c. iv, n. 2, col. 940. J 856. Par là aussi l’incarnation est une pure gêné- " ration du Verbe de Dieu, Tfjv aâcxosiv -f] : y.aôapà ; Y^vvrjaEwç Toï Aoyoj To3 tkûj, t. III, C. xix, n. 1, 3 ; c. XX, n. 4 ; t. IV, c. ix, n. 2 ; t. V, c. xix, n. 1, col. 939, 941, 944, 997, 1175. Cf. Demonstratio, n. 43. 53, 54. C’est le Verbe lui-même qui a souffert et qui est mort dans.sa chair et nous a rachetés dans son sang ; qui nous a donné dans l’eucharistie le calice de son sang et son corps comme pain, . IV, c. xxiv, n. 2 ; cꝟ. t. V, c. xti, n. 4 ; t. III, c. xviii, n. 5 ; t. V, c. ii, n. 2, col. 1050, 1171, 935. 1124. Cf. Demonstratio apostolicse predicatioms, n. 34, 86 92 ; — rf) Bien plus, saint Irénée parle de l’union selon l’hypostase : t. III, c. xvi, n. 5, col. 925, il prouve par l’Évangile et par les Épîtres de saint Jean l’unité de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, et il conclut que ces textes condamnent » les croj’ances blasphématoires qui divisent le Seigneur, autant qu’il est en elles, affirmant qu’il est fait de deu.K hypostases différentes, ex altéra et altéra subslantia ». Qu’en ce texte la version latine sub.’iiantia réponde au grec’jt.’Jj- % !  ::, voir Hypostase, col. 374.

3. Saint Hippolyte a la même doctrine et parfois des expressions plus théologiques encore que saint Irénée : on retrouve la même doctrine de la dualité de natures en l’unité du même sujet. De Antichristo, n. 3, P. G., t. x, col. 732 ; Contra hæresim Nocti, n. 15, 16, 18, col. 824, 825 ; Philosophoumena, l.K, c. xxxiii, xxxiv, P. G., t. XVI, col. 515-5 ; Fragm. in ps. ii, 7, cité par Théodoret, Êranistes, Dial. II, P. G-, t. Lxxxiii, col. 173. L’union hypostatique est d’ailleurs clairement e.N primée dans le Contra hæresim Noeti, a. 15, oîi l’auteur affirme que la chair a sa subsistance dans le Verbe, oLO’r, aâpç zaô’éajTYjv ôiya toj Aôyo-j jzejcTTàvai r ; S’JvaTO, otà to îv Aoy(.) ttjv aJaTajiv ëysiv. Cette unité dans la subsistencefait que Verbe, coéternel au Père, a pris en s’incarnant tout ce qui appartient à l’humanité, sauf le péché, et a uni en lui les deux réalités, celle qu’il tient du Père, dans le ciel, comme Verbe, et celle qu’il recueille sur terre, du vieil Adam, en s’incarnant par la Vierge, n. 17, col. 825. Cf. Philosophoumena, loc. cit. Voir d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 25-29.

4. Les ((des des martyrs, bien que triine époque incertaine, se réfèrent cependant à la tradition première de i’Église et attestent, eux aussi, la croyance (les fidèles à l’unité ontologique du Christ. Saint Achate appelle Jésus-Christ Fils de Dieu, Verbe de vérité, Acta, iv, dans Ruinart, Acta martiirum, Ratisbonne, 1859, p. 201. Saint.Justin confesse Jésus-Christ, Notre-Seigneur, Fils de Dieu, annoncé par les proptxéles, et qui doit venir juger le genre humain. Acta, 1, op. cit., p. 106. La communication des idiomes est marquée expressément dans les Acta Ignaiii, ii, Funk, Paires aposlolici, t. ii, p. 260, 261 ; Ruinart, op. cit., p. 63. On y lit que Jésus-Christ, Fils de Dieu, est crucifié. Cf. Acta Pionii. xvi, Deum crucipxum, op. cit., 1). 195 ; Acta Epipodii et Alcxandri. v, p. 121.

5. A AlcTandrie.

Clément d’Alexandrie témoigne lui aussi de la foi catholique au Verbe, à la fois Dieu et homme dans l’unité d’une personne ou d’un sujet unique. C’est le Vtrbe-Christ qui nous a créés autrefois, et c’est le même Verbe, qui, à la fois Dieu et homme, est apparu récemment aux hommes. Protreplicus, c. I, n. 7, P. G., t. viii, col. 61. Cf. Pœdagogus,

I. III, c. I, n. 1 ; c. II, n. 1, P. G., t. viii, col. 236. Dans ce second texte, l’allusion à Phil., ii, 6-7, est frappante ; Clément y parle de « cet homme, avec qui, cohabite le Verbe » et qui « possède la forme du Verbe », qui « est Dieu de Dieu et qui devient cet homme » (Jésus). Au t. II, c. II, n. 19, col. 109, la communication des idiomes apparaît ; Clément y parle du sang du Seigneur, du Verbe. — Origène, .i son tour, expose la règle de foi. De principiis, I. I, prief., n. 4, P. G., t. XI, col. 117, affirmant non seulement l’incarnation, mais l’unité du Verbe devenu homme. C’est le même Fils de Dieu, né du Père avant taule créature, qui s’est fait homme par l’incarnation, demeurant, quoique homme, le Dieu qu’il était ; c’est ce même Jésus-Christ qui est né et qui a soufterl, qui est ressuscité et monté aux deux. Dans le Contra Celsum. t. II, c. ix, P. G., t. xi, col. 809, Origène reproche aux juifs de n’avoir pas reconnu la divinité de Jésus-Christ ; il conclut en affirmant que les chrétiens ne séparent pas le Fils de Dieu de Jésus : le Verbe de Dieu, avec l’âme et le corps de Jésus, ont formé, après l’incarnation, un être unique : ï-i’[ap ; j.âÀ’iTa as^à -r, " oîzo’/fjaiav Ys-jcÉvsTa ;

La doctrine christologicjue d’Origène, c|u’on attaque, comme ayant préparé le nestorianisene, voir Con-STANTiNOPLE (H" toncile de), t. iii, col. 1251-12.j2, à cause de l’insertion du nom d’Origène dans le II" anathématisme de ce concile, ne pouvait pas, malgré quelques traces de docétisme, mériter cette réprobation. M. Tixeront, op. ci’., t. i, p. 293, en a fait un exposé sullisant pour venger Origène de tout reproche sérieux (à part la préexistence de l’âme du Christ) au point de vue christologique : « L’âme de Jésus-Christ, créée dès le principe avec les autres esprits, était seule restée absolument fidèle à Dieu, et, unie d’abord au Logos par son libre choix, elle avait vu cette union se transformer, par une longue habitude du bien, en une seconde nature et acquérir une immuable fixité. » Dr principiis, t. II, c. vi, n. 5, 6, col. 213. Pour nous sauver, le Logos ainsi uni à l’ànic, et par l’interméiliaire de l’âme, n. 3, col. 211, s’unit à un corps, mais à un corps beau et parfait, puisque chaque âme a le corps qu’elle a mérité et qui convient au rôle qu’elle doit remplir. Contra Celsum, . VI, n. lb-11 ; cf. I. I,

II. : 12-.33, col. 1409-141C.. 720-726. Jésus naît d’une vierge ; sa naissance est réelle ; il prend nos faiblesses, DOS infirmités, notre passibilité : il accepte nos pussions légitimes et tout ce qui est de l’âme raisonnable. Conlru Celsum. I. l. n. 34-37, 69 ; I. II, n. 69 ; l. III, n. 25 ; cf. I. Il n. 9. 23 ; I. I, n. 66 ; De principiis. t. IV, n..{1. col. 725 sq., 788, 904, <. ; 48, 808, 841, 784, 405. Le do cétisme uussi bien cjue l’apoUinarisme futur sont écartés par Origène encore qu’il retienne du premier quelques restes insignifiants qui lui viennent sans doute des gnostiques. Contra Celsum. I. VI, n. 77 ; I. il, n. 61, 65, col. 1413, 896-900. Jésus-Christ est et reste donc vraiment homme dans l’incarnation ; d’autre part, le’erbe n’y change pas non plus, ne perd rien de ce qu’il était : tfj o-j^ix [j.£V)v /oyo :. Contra Celsum, 1. IV. n. 15, t. VI, n.’17 ; t. VIII, n. 42, col. 104.3. 1445. 1577 ; / ; i Joa., t. xxviii. ii. 14, P. G.. L.XIV, col. 720 ; il s’ensuit que, dans le Sauveur, il va deux natures : il est Dieu et homme, Deus homo : Aliud est in Chrisio dcitaiis cins natura, quod est unigenitiis filius Patris et alia ncdura humana quam in novissimis temporibus pro dispensalione suscepil. De principiis, t. I, c. ii, n. 1 ; t. II, c. vi. n. 2, 3 ; Contra Celsunj, t. VII, c. xvii, P. G., t. xi, col. 130, 210-212. Mais, s’il y a deux natures, il n’y a qu’un seul être, car « /( Verbe de Dieu, surtout après la dispensation, est devenu un (jv) avec l’âme et le corps de Jésus ». Jésus est tJvOstôv -. -/pfjua. Contra Celsum, t. II, n. 9, col. 812. S’elïorçant de délinir de plus près cette union, Origène la compare à celle du fer et du feu dans le fer rougi, et ajoute d’ailleurs que le corps et l’âme ne sont jias seulement associés au Verbe y.’i : ’/< » ’/y., mais lui sont joints ivr’la ;  ! La’àvaLoàjsi, par une union et un mélange qui les a rendus participants de la divinité et les a transformés en Dieu. ;  ; hiO’i [xiiy.o =or, z£va’.. Contra Celsum, l. III, n. 41 ; De principiis, I. II, c. VI, n. 6, col. 972-973. 213-214 Expres.sious trop fortes évidemment, et qui doivent se corriger liar ce qui est dit jilus haut, mais qui montrent l’idée que l’auteur se fait, et qu’il essaie de traduire, de l’unité de Jésus-Christ.

La communication des idiomes se retrouve, Conlra Celsum, t. III, M. 62, col. 988 ; t. VII, n. 17, col. 1445. Ci. De principiis, L II, c. vi, n. 3, 5 ; t. IV, n. 31, col. 211213, 405. Origène a été le premier à en formuler la loi et à en montrer la raison d’être dans l’union hypostatique.

Parmi les successeurs et disciples d’Origène, saint Denys d’Alexandrie alTirme en Jésus-Christ, Dieu et homme à la fois, deux volontés, qui attestent les deux natures unies en un seul sujet. Frag., P. G., t. x, col. 1 597, 1599. Les écrivains indépendants professent la même doctrine. Citons saint Pierre d’Alexandrie, attestant l’existence des deux natures en Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, qui, se faisant homme, ne s’est pas dépouillé de la divinité. /Va^/n, y. G., I. xviii, col. 512, 521, 509. Saint.Méthode d’Olympe professe que le Verbe s’est fait homme Q/x/f}po>r.r’, - : x ;), Convivium. I. c. v ; VIII, c. vii : X. c. ii. P. G., t. xviii, col. 45, 149. 193, que l’union du Verbe et de riiumanilé est intime ( -jv^vdiiT.

x-j}. jj-rLî’.j.rju. :), III, c. v ; mais que Jésus-Christ

reste à la fois Dieu et homme, III, c. iv, col. 68, 65. Le dialogue De recta in Deum fide est peut-être plus exl )rcssif encore : le Verbe s’est incarné en la Vierge Marie, t. V, n. 3, 9 ; l. IV, n. 15, sans se transformer en chair, t. IV, n. 16 ; la personne qu’il était n’a été ni changée ni détruite ; le même qui est descendu des cieux y est remonté, t. V, n. 7. Toutefois l’auteur emploie indifléremment des expressions assez peu rigoureuses qui feraient penser, t. V, n. Il ; cf t. I, n. 2, à la dualité de personne, bien que sa doctrine soit certainement orthodoxe, et qu’il ncs’agisse que d’unedualitéde nature. Van de Sande Bakhuysen, Leipzig, 1901. Cf. Tixeront. Hist. desdogmes, {. i, ! >. 405, 419, 422, 425.

6. A Antidche.

L’Église d’.Xnliochc. elle-même, professe l’unité ontologique du Christ. La lettre des six évoques du concile d’Antioche, contre Pau ! de Samosate (sur l’-niiIlKiiticitéde celle lellre. voir Hefcle, Histoire des conciles, trad. Leclercq, l. i, p. 198, note 4, et Bard., La lettre des six tvfques à Paul de Samosate.

dans Recherches de science religieuse, lOlG, p. 17-3J) affirme que/e Fi/s deD/eu es/ Dieu, et que, sa/îs modification dans l’essence divine, l’humanilé lui a été unie el lut déifiée ; qu’ainsi, c’est le même qui, en Jésus, est Dieu et homme, éternel parce queDieu. Cf. Hahn, §151, p. 181. Une des hérésies de Paul de Samosale était précisément d’affirmer qu’en Jésus, le Christ était autre que le Verbe. Cf. S. Athanase, Contra Apollinarem, t. II, c.)ii, P. G., t. XXVI, col. 1136. Voir plus loin, col. 4C5. 7. La doctrine des Pères latins de cette époque est identique. Le plus important témoignage est celui de Tertullien. TertuUien affirme suivre la règle de loi apostolique. Or, de la façon dont il énonce le symbole, il fait ressortir la croj’ance de l’Église en l’unité du Christ, à la fois Dieu et homme. « La règle de la foi est telle : nous croyons en un seul Dieu qui a fait toutes choses par son Verbe… Ce Verbe, appelé son Fils, s’est manifesté à différentes reprises, au nom de Dieu, aux patriarches, et enfin, par l’esprit et la vertu de Dieu le Père, dans la Vierge Marie, s’est fait chair dans son sein, et est né d’elle. C’est Jésus-Christ, ce Jésus qui a prêché la nouvelle loi et la promesse nouvelle du royaume des cieux, qui a fait des miracles, a été attaché à la croix, est ressuscité le troisième jour, s’est élevé aux cieux à la droite du Père… » De præscriptione, n. 13, P. L., t. ii, col. 26. Dans cette profession de foi, les attributs de l’humanité sont donnés à la divinité. La même unité du sujet s’aflirme dans la profession de foi du début du traité Aduersus Praxeam. n. 2, P.L., t. II, col. 156 : c’est le Verbe, Fils deDieu, qui a été envoyé par le Père dans la Vierge, est né d’elle à la fois Dieu et homme ; c’est Jésus lui-même, ce Jésus qui est mort. Au n. 27, Tertullien conclut ; videmus duplicem statum non confusum, scd conjunctum, in una persona, Dcum et hominem Jesum, col. 190. D’ailleurs tout le traité de Tertullien Advcrsus Marcionem est rédigé pour réfuter la prétention hérétique d’un Christ sans corps réel ; le De carne Christi établit la réalité de l’humanité de Jésus. Le mot conversio, dont à plusieurs reprises se sert Tertullien pour désigner l’assomption de l’humanité par le Fils de Dieu, n’implique pas l’idéed’un changement dans la divinité. Cf. n. 3, P. L., t. iii, col. 10. Si TertuUien insiste sur le fait de la nativité de Jésus, que niaient ses adversaires, c’est que précisément cette nativité temporelle démontre la vérité de l’incarnation. Le Christ de Tertullien est » le Christ des Écritures, vrai Fils de Dieu et vrai fils de l’homme, composé théandrique, procédant de Dieu selon l’esprit, et, selon la chair, d’une mère vierge. En se revêtant de chair, le Verbe n’a rien perdu de sa divinité, mais il s’est manifesté dans la chair. La divinité, par sa nature, échappe à tout changement : il n’y a donc pas eu confusion de deux substances en un tiers produit qui ne serait ni Dieu ni homme, mais bien conjonction en une personne de deux substances, dont chacune accomplit distinctement les actes qui lui sont propres. » D’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 198. Sur la christologie de Tertullien, lire le c. iv de l’ouvrage du P. d’Alès.

8. Novatien, malgré certaines précautions de langage, que justifient d’aiUeurs ses préoccupations apologétiques, identifie en Jésus l’homme et Dieu : La sainte Écriture, dit-il. De Trinitate, c. xi, P. L.. t. iii, col. 904, annonce que Dieu est le Christ, tout aussi bien qu’elle annonce que cet homme lui-même est Dieu : elle décrit Jésus-Christ homme, tout autant qu’elle décrit le Seigneur CItrist Dieu. Cette dualité d’éléments le met en garde contre les formules qui attribuent à Dieu la mort et les soulTrances ; il a soin de le préciser. Cf. c. xxv, col. 934-936. En tout cas, l’unité personnelle de Jésus est affirmée par Novatien : « Si l’expression una persona ne se trouve pas explicitement

dans ses œuvres, elle s’y trouve équivalemment. L’union de l’humanité et de la divinité est une permixtio, une annexio, une connexio et permixtio sociala, une transductio ; Jésus est ex ulroque connexus, conte.itus, concrclus. » Cf. c. xi, xxiv, col. 932. Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, p.356. Les Tractatus Origenis, qu’on a voulu, sans raison suffisante d’ailleurs, attribuer à Novatien, présentent une doctrine semblable. Deux natures en Jésus-Christ, vi, édit. de Mgr Batiffol, Paris, 1900, p. 69 ; cf. xiv, p. 154, mais unies si intimement que c’est vraiment le Verbe qui a revêtu la chair, quia pris la chair, qui a reçu la chair de l’homme, v, p.49, ."l ; XVII, p. 184. Voir également une doctrine fermement proposée dans la lettre attribuée à saint FéUx I", Denzinger-Bannv^’art, n. 52.

9. Des indications plus vagues se retrouvent chez d’autres auteurs latins, établissant cependant d’une façon sufiisante la foi en l’unité substantielledu Christ, dans l’Église catholique, au cours et à la fin du iiie siècle. Voir S. Cyprien, Testimonia adversus judœos, t. II, c. VI., et dans le De idolorum vanitate, n. 10-12, P. L., t. IV, col. 700-702, 577-579. Le langage d’Arnobe, Adversus nationes, t. I, passim, manque de précision : on sent que la théologie de cet écrivain est remplie de formules vagues. Tout en affirmant la divinité de cet homme Jésus. Arnobe, en effet, se défend d’affirmer que Dieu soit mort sur la croix ; celui qui est mort, c’est l’homme qu’il avait revêtu et portait en lui, c. Lxii, P. L., t. V, col. 802. Le langage de Lactance est plus ferme : la communication des idiomes ne l’effraie pas. C’est bien un Dieu qui a été affligé et méprisé ; qui a souffert de la part des mortels et des méchants ; qui n’a même pas manifesté sa majesté au moment de sa mort, mais s’est laissé conduire sans défense au jugement, et, parce que mortel, mettre à mort. Institutiones, t. IV, c. XXII, XXVI, P. L., t., col. 518, 526-531.

On pourrait multiplier les auteurs et les textes, mais ce que nous avons dit de la tradition catholique au ii « et au iiie siècle est suffisant pour établir que les Pères envisagent le Christ comme un sujet, une personne unique, en laquelle la divinité et l’humanité réellement existantes sont unies d’une façon assez intime pour ne pas briser l’unité ontologique de ce sujet unique. La formule de l’union hypostatique n’existe pas encore dans l’expression, mais son sens jaillit des termes mêmes qu’emploient les auteurs catholiques. Aussi bien, avons-nous déjà trouvé chez saint Hippolyte, chez saint Irénée, chez Méliton de Sardes des formules de la notion d’hypostase, de subsistence. L’union substantielle est presque indiquée par le prêtre Malchion, contre Paul de Samosate, affirmant le Fils unique « substantiel, ûO^iw^Ox’. dans le Sauveur, id est unitum esse secundum substantiam, Fragm., iv, P. G., t. x, col. 259. Aussi notre étude exige désormais que nous nous en tenions ^aux formules plus directement préparatoires de la formule définitive. Ces formules préparatoires seront l’œuvre des écrivains du we siècle, surtout des Pères grecs. L’unité ontologique du Christ est présupposée à toutes ces formules : la communication des idiomes atteste constamment la foi en cette unité. Nous ne relèverons donc pas spécialement ce qui a trait à ces deux points, et nous nous en tiendrons strictement à la préparation directe de la formule de l’union hypostatique.

4° Préparation immédiate de la formule catholique par les Pères du /re siècle. — 1. A Alexandrie. — Saint Alexandre d’Alexandrie, avant saint Athanase, a laissé une profession de foi « en Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui a pris chair en vérité et non pas en apparence. .., a été crucifié, est mort, sans que la divinité en ait reçu de diminution, est ressuscité des morts, s’est élevé au ciel où il est assis à la droite de la majesté ». Epist. ad Alexandrum Constantinop., n. 12, P. G., t. xiii, .

457

MYPOSTAÏIQUE (UNION

458

col. 568. A noter que cette lettre contient déjà l’expression to aTp ; -xov Toû Aôyoj, préludant ainsi aux formules de Ciialcédoine, n. 11, col. 565. Mais c’est surtout saint Athanase qui pose les termes du problème de l’union hypostatiquc. Encore que ses expressions n’aient pas la rigueur des formules du siècle suivant, elles donnent cependant une idée exacte du dogme. Sur la christologie de saint Athanase, voir Voisin, La christologie de saint Athanase, dans a Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, 1900, et Athanase (Saf’nO’t. I, col. 2170, 2171. Saint Athanase est précoccupé avant tout de défendre la consubstantialité du Fils. Il part donc tout naturellement du Verbe pour expliquer toute l’économie divine de l’incarnation. Le Verbe s’est fait homme, Oratio de incarnatione, n. 8 ; Contra arianos, t. I, c. xliv ; t. II, c. lii, lxii ; mais en se faisant homme, il n’a rien perdu de sa divinité. Ad Adelphios, n. 4 ; cf. Oratio de’incarnatione, n. 17 ; Contra arianos, t. I, c. xlii. Dans quelle relation se trouve l’humanité par rapport à la divinité ? Apollinaire, voir plus loin, résolvait le problème par le monophysisme. Athanase répondra aux idées subversives d’Apollinaire, d’une façon indirecte tout au moins dans les écrits que l’on peut certainement lui attribuer : c’est, en efïet, directement contre les ariens, afm de maintenir la divinité du Verbe, qu’Athanase enseigne la distinction des natures. Même après l’union, il y a, en Jésus-Christ, deux formes, deux choses. Fragm., P. G., t. xxYi, col. 1256, 1257. Mais il insiste pareillement, avec force, sur l’unité du sujet : « Autre {ï-iyn) n’était pas le Fils de Dieu qui était avant Abraham, et autre (37 = 00 ;) celui qui était après Abraham ; autre celui qui a ressuscité Lazare, autre celui qui questionnait sur Lazare, mais c’était le même (0 ajxo ; rjv), qui, en tant qu’homme, demandait : « Où gît Lazare ? » et qui, en tant que Dieu, le ressuscitait ; le même qui, corporellement et en tant qu’homme, crachait, et qui, divinement et en tant que Fils deDieu, ouvrait les yeux de l’aveugle-né ; qui souffrait dans la chair, comme l’a dit Pierre, et qui, comme Dieu, ouvrait les tombeaux et ressuscitait les morts. » Tomus ad Antiochenos, n. 7, P. G., t. XXVI, col. 804. Cf. De sententia Dionysii, n. 9, t. xxv, col. 492 ; Oratio de incarnatione Verbi, n. 9, col. 112 ; Adversus arianos, orat. i, n. 42 ; ii, n. 69 ; iii, n. 31, 34, 41 ; De incarnatione Dei Verbi et contra arianos, n. 21, P. G., t. XXVI, col. 100, 292, 389, 396, 409, 1021.

C’est à tort que certains auteurs attribuent à saint Athanase une conception apollinariste : s’il emploie des formules où l’humanité semble exclusivement désignée sous le nom de chair, c’est parce que l’usage et la tradition ont consacré ces formules. Cf. Voisin, art. cil.

Mais, dans le Con/ra Apollinarem (dont l’authenticité est toutefois contestée ; sur l’authenticitc, voir Voisin, L’apallinarisme, Louvain, 1901, p. 73-75), les formules indiquant l’unité du sujet sont plus expressives. L’union hyposlatique est désignée non seulement par le terme jvos’. : çj^’.Lr, ’, t. I, n. 10 ; I. II, n. 5, P. G., t. xxvi, col. 1109, 1140, mais encore par la formule littérale, ziO’Ci-oaTa^tv : la chair du Verbe ne lui est donc pas consubstanticlle, car ce qui est consubstanliel n’admet pas l’union selon l’hypostase, mais l’union selon la nature, rpo ; -0 oaooJS’.&v vimi : -/ LaO’v, ;  : ()3Taoiv ojI. lT. : ’, v/riti.vi<’ii lîTiv, iVk’x zaïà çj3 ; v, t. I, n. 12, col. 1113. Cf. n. 16, où l’unité du Christ est dite ziT j-ap ; ’.v iv£L’.-f, , et ainsi le Christ est i : z, un, Lj-.x ràvta Hi’, ', Lr avOp’iroîôaJTo ;  ; cf. I. II, n. 2, 5, col. 1124, 1133, 1140. Cette unité est sans confusion ni mutation, iî^J-î’.., —, ’T.ij., fj-., ., z, I, c. X, col. 1109, 1113. Plus loin, t. II, n. 26, col. 1160, il parle du Verbe qui s’est uni, Tj-’^Lir.iir ;, une chair non subsistante, àvjr’iîTa-ov, une (hair dans laquelle il est vrai d’afllrmer la passion du Verbe, et les souffrances d’un Dieu, sans tomber dans l’erreur des ariens.

C’est la communication des idiomes qu’Athanase accepte pleinement. Epistola ad Adelphium, n. 3, col.

1076. Sous quelle forme concevoir l’union des natures en Jésus-Christ ? L’imprécision de la terminologie à cette époque permet aux Pères l’emploi d’expressions plus tard condamnées : ainsi saint Athanase dira qu’en Jésus, l’humanité est la demeure, le temple, Vorgane, le revêtement de la divinité. Contra arianos, orat. iii, n. 34, 52 ; Ad Epictetum, n. 2, 4, 10 ; Ad.Adelphium, n. 3, 4 ; Oratio de incarnatione Verbi, n. 42, 43, 44 ; Fragm., P. G., t. XXVI, col. 396, 433, 1053, 1056, 1068, 1076,

1077, 1240 ; t. xxvi, col. 169-176. Mais ces expressions sont corrigées par d’autres où la nature humaine apparaît comme appropriée par le Verbe. Le corps est le corps du Verbe ; la chair est divinement portée par le Verbe. Cf. Ad Epictetum, n. 6 ; Contra arianos, t. III, c. XLi ; cf. c. un, Liv, Lvi. Toutefois, il n’y a pas confusion entre les natures ; cf. Adversus Apollinarem, t. I, c. x, col. 1109, 1113. C’est encore en tâtonnant que le docteur alexandrin cherche les formules aptes à rendre la pensée catholique.

Didyme l’Aveugle, à son tour, pose les deux termes de l’union, la divinité et l’humanité, en Jésus : il enseignera même expressément la dualité des volontés. De Trinitate, ].lU, c. xii, P. G., t.xxxix, col. 860. Mais, nonobstant les deux natures, Jésus est un seul sujet : il y a en lui i’XXo et axÀrj, mais non pas àXÀo ; et àLXoç. Cf. De Trinitate, t. I, c. xxvii ; t. III, c. vi ; De Spiritu Sancto, n. 52. col. 397, 844, 1077. Le texte suivant. In psalmos, col. 1232, est encore plus près des formules définitives, L£ir :  ; Tai La- : " oiLovoixi’av àvOpfo-LVfoç £ ! prjaOat lauta Otto toj Heou Xo’yo-j aapy.(o6=vTo ; aTp£~TMÇ La ; TêXeif.) ; /aï àXT|Oioç’ô) ; âÇ Jvoç yào -Goaioro-j ta Trâvxa l--lîh-x : -i -= 0î’i)5Tp£~ » i i’-ii ii’if)pi)r.vj7.. CL In I Pcl. ; in I Joa., col. 1768, 17’70, 1 800, 1801. On remarquera l’emploi du terme àtpsTtT’iç voir également De Trinitate, i. I, c. xx ; t. II, c. vii, viii ; t. III, c. ni, vi, xiii, xviii, XX, XXI ; In psalmos, col. 372, 589, 821, 844, 857, 861, 896, 901, 913, 1232. Cf. Bardy, Didyme l’Aveugle, Paris, 1910, j). 122-124.

2. Les Pères Cappadocicns.

Les nécessités de la controverse arienne ont amené Athanase et Didyme à formuler, en christologie, la distinction des natures. En combattant ouvertement l’apollinarisme, les Cappadocicns aboutissent au même résultat. Après l’union, le Sauveur est à la fois Dieu et homme, deux natures, : pjfjsi ; asv yip oJo, Oso ; zai avOp’o-oç, ou encore autre chose et autre chose. S. Grégoire de Nazianze, Epist., ci, ad Cledonium ; Oratio, 11. n. 23, P. G., t. xxxvii, col. 180 ; t. xxxv, col. 432 ; Amphiloque, Fragm., xii ; cf. ii, vii, xi. Les deux natures sont sans confusion : Jésus-Christ, dit Amphiloque, a gardé en lui la propri-^té, sans confusion, des deux natures hétérogènes, iCn ojo çjasiov tiôv £-£poJ3c(i)v iîjy/jtov TTiV io’.oTriTOi, Fragm., ix : cf. xii, xv, xix, P. G., t. XXXIX, col. 105, 109, 113, 117. Voir également la même doctrine exprimée par saintGrégolre de Nysse, Antirrhetirus, u.’l2, P. G., t. xlv, col. 1221 ; saint Grégoire de Nazianze, Epist., xxxviii, n. 13, P. G., t. xxxvi, col. 325. Les mots à-pezTc) ;, àoj^/y-i » ;, qui deviendront pour ainsi dire des signes de ralliement au concile de Chalcédoine, se trouvent déjà sous la l)luine de ces auteurs. S. Grégoire de Nysse, Adversus Eunomium, I. V, P. (i., t. xi.v, col. 705. Mais l’unité substantielle de la personne n’est pas moins nettement affirmée. Amphiloque : « O humanité qui s’est corporellement unie à la substance du Verbe d ivin », 7'> ; j.2T’/'.fri ; ’/J7’.'.’)'ïoia. Oratio in Christi natalem, n. 4. Cf. Oratio v in dicm subbati sanrii, ii. 2 ; Fragm., iii, P. G., t. XXXIX, col. 41, 92, 100 ; S. liasilc, /i/xsL, cclxi, n. 2, 3, P. G., t. xxxii, col. 969, 972 : Ilomil. in sanctam Christi generalinnem, P. G., t. xxxI, col, 1460 ; etpscudol ^asile, .adversus F.unomium, t. IV, P. G., t. xxix, col. -^59

IIYi’OSTA TK^UE (UNION)

460

704. La communication des idiomes esL employée par Grégoire de Nysse, Contra Eunomium, t. V, col. 705, 697 ; Grétîoire de Nazianze, OroL, xxxviii, n. 1.3, P. G., t. XXXVI, col. 325.

L’unité.substantielle serait déjà sufllsamnu-iil aflirmée par les termes dont se servent les deux Grégoire pour d'îsigner l’union : iJ.i ?'.ç, Lpicïiç, TJ^zoa^'. :, voir plus haut, col. 441, ou encore par les comparaisons qu’ils emploient : dans la V lettre à Clédonius, saint Grégoire de Nazianze compare l’humanité à une lampe dont la flamme se mêle à la flamme d’un brasier, qui représente la divinité, P. G., t. xxxviii, col. 185 ; saint Grégoire de Nysse compare l'élément humain à une goutte de vinaigre perdue dans l’Océan, Antirrheticus, n. 42 ; cf. Epist. ad Theophiliim AntiochTium, P. G., t xi.v, col. 1221, 1275. Encore que ces termes furent accaparés dans la suite par le monophysisme, l’orthodoxie de la pensée des Pères qui les emploient apparaît nettement du contexte, tout comme elle reste intacte, nonobstant certaines autres expressions que le nestorianisme n’aurait pas désavouées.Saint Grégoire de Nazianze, Orat., xxix, n.l8, 19 ; xxx, n. 1, 7, 13, 21, a plus d’une tournure qui laisserait supposer une union simplement morale entre les deux éléments dont est formé le Christ ; saint Grégoire de Nysse ! paraît, lui aussi, distinguer deux personnes en Jésus- î Christ : le 'Verbe habite dans l’homme comme dans 1 un tabernacle ; la divinité est dans celui qui soufïre. Contra Eunnmiiim, t. V, P. G., t. xlv, col. 700. 705 : Antirrheticus, n. 42, col. 1222. Saint Basile parle de la chair déiférc. In ps. LlX, 10 ; xlt, 5, P. G., t. xxix, col. 468, 424 ; Epist., ccixi, P. G., t. xxxii, col. 969. Saint Grégoire de Nazianze défend, contre Apollinaire, l’expression d’homme déifère. Epi ! it., iï, P. G., t. XXXVII, col. 200. Sur ces formules moins strictes, voir Petau, De incarnatione, t. III, c. ii, n. 8, 9, 17 ; cf. A. J. Mason, The five iheological orationsof Gregory of Nazianzus, Cambridge, 1899, Introduction, p. xviXIX. Mais saint Grégoire de Nazianze parle expressément de Vunilé de Notre-Seigneur. Pour parler correctement, il eût falhi toujours dire que Notre-Seignein était un (v ;), comme Grégoire l’afFirme dans VOrat.. XXIX, n. ]9 ; dire qu’il est une chose formée de deux éléments (i’v iÇ à|jLçoiv, ëv èx twv Sûo), est en soi incorrect : l’expression revient cependant fréquemment chez saint Grégoire de Nazianze, Orbt., ii, n. 23 : xxxvTi, n. 2 ; xxxviii, n. 13 ; Epist., rj, P. G., t. xxxv, col. 432 : t. xxxvi, col. 13, 41, 325 ; t. xxxvii, col. 180. Cf. Carmen de vita sua, vers 633 sq., P. G., t. xxxvii, col. 1073-1074 : imprécisions de langage qu’autorise la sécurité de la foi à l'époque où vivaient ces auteurs, les grandes controverses ne s'étant pas encore produites, et dans lesquelles il ne faut nullement trouver des tendances opposées et « parfois inquiétantes ». N’est-ce pas, d’ailleurs, saint Grégoire de Nazianze qui a fourni l’un des premiers, les éléments de la formule définitive touchant l’union hypostatique, précisément dans cette lettre à Clédonius, d’où l’on extrait par ailleurs quelques formules incorrectes ? Il ne se contente pas d’affirmer que l’union en Jésus-Christ et I. « -' oùaiav, indiquant par là qu’il ne saurait être question d’une union purement accidentelle, mais il touche au point précis de l’union dans l’hypostase unique : « Il y a en Jésus-Christ deux natures : il est Dieu et il est homme, … mais il n’y a pas deux Fils ni deux Dieu… ; autre et autre (a).Ào zai àÀÀo) sont les éléments dont est constitué le Sauveur…, mais lui (le Sauveur) n’est pas un autre et un autre (aALo : -La : aXXoç), car les deux éléments sont un par l’union, Dieu devenant homme et l’homme devenant Dieu… Je dis autre et autre, contrairement à ce qui existe dans la trinité : car là, il y a un autre et un autre, pour que nous ne confondions pas les hypostases, mais non

pas autre et autre ; car les trois sont un et identiques par la divinité. » Epist., ci, P. G., t. xxxvii, col. 180. La conséquence de l’unité personnelle du Christ est la maternité divine de Marie ; saint Grégoire de Nazianze proclame la 'Vierge mère de Dieu, 6 ; o- : oV.ov

ra ; --Oivov. Orat., xxix, n. 4, P. G., t. xxx^% col. 80 :

cf. Epist., CI, t. xxxvii, col. 177. Le mot fjîo-o’zo : avait d’ailleurs été déjà employé par Origène, au dire deSocrate, II. E., t. VII, c, xxxii, P. G, t.rx-n.col. 82 ; par Pierius, au dire de Philippe de Sida, Fragm., Texte und Untcrsuchungen, Leipzig, 1888, t. v, p. 171, 181 ; par Alexandre d’Alexandrie, Epistola de ariana hæresi, n. 13, P. G., t. xviii, col. 568 ; par Denys d’Alexandrie, Mansi, t. i, col. 1085 ; par saint Athanase. Oralio, m, contra arianoa, n. 14, 29, 33, P. G., t. xxv7, col. 350. 386, 394 ; par Didyme, De Trinitate, t. I, c. xxxi ; t. II, c. IV ; t. III, c. VI, xLi, n. 3, P. G., t. xxxix, col. 421, 481, 484, 848, 988 : par saint Basile, In S. Christi generationcm, P. G., t. xxxi, col. 1468 ; par saint Grégoire de Nysse, Epist., ii, P. G., t. xlvi, col. 1024, ce dernier remplaçait volontiers hio-ôy.o ; par 0 ; 'j50/oç, qui fit fortune chez les nestoriens, et par Apollinaire, voir col. 470. Voir AMVHiLocmus, t. i, col. 1121-1123 ; Basile (Saint), t. ii, col. 451-454 ; Grégoire DE Nazianze (Saint), t. vi, col. 1842-1843 ; Grégoire DE Nysse (Saint), t. vi, col. 1851.

3. En Palestine, saint Cyrille de Jérusalem professe la même doctrine et, lui aussi, prélude aux formules postérieures de la définition de l’union hypostatique. La christologie de Cyrille est le commentaire de la formule du symbole hiér^osolomitain, 7 : iaT='Joa=v si ? sva xjoiov 'IrpoCiv Xv.îtov. Voir t. iii, col. 2540. On peut affirmer Ciu’elle s oppose, avec une netteté remarquable, aux erreurs postérieures et opposées de l’eutychianisme et du nestorianisme. Il affirme l’unité du sujet en Jésus-Christ, Cat., x, n. 3, P. G., t. XXXIII, col. 662 ; îe Christ n’est pas un homme déifié, glorifié en récompense de ses mérites, il est le Verbe préexistant qui s’est fait homme. Cat., xii, n. 3, col. 729 ; cf. Cat., xi, n. 5 ; xii, n. 4, col. 696, 729. Voir la Cat., xiii, dont les expressions ne peuvent s’expliquer que par l’union hypostatique et la communication des idiomes. Voir pour plus de développements, Cyrille DE JÉRUSALEM (Saint), t. ra, col. 2550. Le bio-oy.o : est aussi consacré par le langage de saint CjTille, Cat., x, n. 19 ; XII, n. 1, col. 685, 725.

De saint Cj’rille de Jérusalem, il faut rapprocher saint Épiphane, témoin précieux de la foi catholique au iv siècle. Les formules qu’il emploie sont pour ainsi dire la préparation immédiate de la formule définitive. Son symbole dans VAncoratus, P. G., t. XLm, col. 234, précise que le Fils s’est incarné (lapLMfjivTa), qu’il s’est jail homme (îvavfjp'.j-r^^avTa), prenant l’humanité parfaite, âme, corps, esprit, et tout ce qui appartient à l’homme, sauf le péché, de façon, non pas qu’il habitât en un homme, mais qu’il rapportât en lui-même sa chair en se l’unissant dans son individualité une et sainte ( = '. ; éauTOv aioxa àva-ÀiŒavra sic a^av iyiav svoT7|Ta). Il voulut être homme parfait, car le Verbe s’est fait chair, sans en éprouver en lui-même aucun changement (oj tootit-iV O-oj-raç), ni que sa divinité fût clumgée en la nature humaine, mais au contraire en réunissant l’humanité à la divinité dans l’unité sainte de sa propre perfection (v.i u. ; 'av auvsvwaav-a sajtoî iy-av tsÀsioTTixâ ts xai 6£dTT, Ta). Car le Seigneur Jésus est un et non pas deux : c’est le même Dieu, le même Seigneur, le même Roi (= ;  ; yâo Èar'. xjpio ; 'IrjdoO ; Xp'.aToç xai o’j 8'j6, ô aÙTo ; 9 ; or, ô aùto ? x’joioç, ô aÙTor

  • a'7'.À=-Jç).L’individualité, la perfection de la personnalité

unique du Verbe incarné est nettement indiquée, tout comme l’absence de mutation dans la divinité. Cf. n. 33, col. 77. Mais, après l’hérésie xx, n. 4, P. G., t. XLi, col. 277, l’union des natures en Jésus-Christ 46 i

HYPOSTATIQUE (UNION)

462

dans la même hijposlasc est proposée coniine la doctrine reçue dans l'Église : Aoyoç auvsvoiaa ; (corps, âme, esprit), si ; aiav évoTrixa xxî afav 7 : v£uu.aTiy.r, v 'jTïoa-ars'.v. C’est déjà' presque la formule et c’est déjà tout à fait le sens du dogme de l’union liypostatique : formule et sens que l’on retrouve à l’hérésie Lxxii, n. 29, P. G., t. XLH, col. 684. Où oûo XoiŒTOj ; r/oij-sv, oj ôûo [saatÀsa ; Yio’J ; Œou, àXXà tov aùxov Oso’v, -rov aùjov av60c.)7 : ov où/ ô> : Év ivGpw-o) oîzr^aavta, à)vX' aùtov oLov svavapo-rjaocvta. « '0 Aoyo ; tjxp ; Èyivjto. » Où J*P eÏ-ev. 'H sâp ? Aoyci ; yÉvsTO, î'va ŒiÇr ;  : iptrjTOv iÔYOv à-oùpavwv sXôo’vca, eî ; âa’j-ôv 8È'j x : oîT-T)cxavTa Tr]v èvav OoroTïïiaiv TeXst'-Oç £iç Éauto"' à/a-Aajiasvov. Cf. LXIX, n. 26, col. 245. Cavallera, Thésaurus, n. 661.

4. L'école d’AntiocIie, malgré ses tendances nettement prononcées en faveur d’une distinction bien marquée entre les deux natures, par réaction contre l’apollinarisme, témoigne cependant, au cours du ive siècle, de la foi catholique en l’unité substantielle de Notre-Seigneur. Le représentant de l’orthodoxie catholique à Antioche est, à cette époque, saint Eustathe, dont la doctrine christologique, quoique prêtant parfois à discussion, semble bien, dans l’ensemble (autant que les rares fragments que nous possédons de ses œuvres permettent de porter un jugement), reproduire la foi en l’union hypostatique. En lire le résumé à Eustathe d’Antioche (Saint), t. v, col.1563. On nepeut passer sous sileiif-e saint Jean Chrysostome, dont la doctrine s’inspire souvent des principes de l'école antiochienne. Nous avons déjà vu qu’il désigne l’union sous le terme de TJvisE'.a, plus lard adopté par Nestorius ; néanmoins, la doctrine du grand évêquc est pleinement orthodoxe. Dans son commentaire du ps. xlv, il affirme la dualité de nature, la divinité et la chair, qui cependant sont unies. Et, commentant l'Évangile de saint Jean, El Verbum caro factum est, il insiste sur le caractère blasphématoire du monophysisme. Le Verbe n’a subi aucun changement dans sa substance, mais, ' demeurant ce qu’il est, il a pris la forme d’esclave. P. G., t. Lv, col. IS.'J sq. ; t. ux, col. 79. Mais, à l’inverse, le même Père insiste sur l’unité de la personne et de l’hj^postase, dans sa lettre au moine Césaire, P. G., t. i, ii, col. 760. Il devient donc facile d’expliquer en bonne part certaines formules qui pourraient laisser supposer que saint Jean Chrysostome eiit admis deux personnes en Jésus-Christ. Cf. In Epist. ad Heb., c. I, homil. iii, n. ^. P. G., t. Lxiii, col. 28 sq. De plus, affirmer que l’humanité est ta tente, le temple, de la divinité. In Joa., loc. rit. ; In ps. XUV, n. 2, n’est pas préconiser la théorie nestorieiine. Nous avons déjà rencontré ces expressions chez saint Atha iiase et chez les Pères cappadociens. Voir col. 4.58, 459, et Petau, De incarnatione, I. VII, c. x sq. ; ces façons de s’exprimer sont des comparaisons fort utiles pour faire comprendre la disliiiction des natures et même l’unité de personne. Cf..Janssens, De Deo tmmine, Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 120-121.

5. On doit signaler également au iV siècle la tra dition catholique chez les Pères syriaques. Voir .phraate, Dcmonslrationes, xvii, n. 2 ; Rouet de Journel, II. 692 ; Palrohgia stjriar.n, t. i, col. 787, et surtout '~ : iint Éplircm, dans ses sermons sur la semaine sainte, %n, n.9 : "Dans la divlnitéetl’humanitéquirurent unies hypostatiqucment, dans l’humanité dont il usa divinement et humainement…, le I-'ils de Dieu qui s’est fait homme, reste lui-même unique, sans division. » Rouet de Journel, Enrhiridinn palrislicum, n. 709 ; Lamy, Ifi)mni ri srrmones, t. r, p. 176 ; cf. Éphrem (Saint), t. v. col. 191-193.

6. Dans l'Église latine, l’absence de préoccupation apologétique laisse moins de jilace, dans la pensée des Pères, à l’exposition du dogme touchant l’union hy postalique. Citons cependant saint Ambroise, De incarnatione, c. v, n. 35, affirmant que le Christ, dans le mystère de l’incarnation, est non pas divisé, mais un : utrumque unus, et unus in ulroque, hoc est in divinitate vel cor pore ; non enim aller ex Paire, altérez Virgine, sed idem aliter ex Pâtre, aliter ex Virgine. P. L., t. xvi, col. 827. Cf. De fide, t. II, n. 77, 57, 58, 60 ; 1. IH, n. 8 ; 1. V. n. 107, ibid., col. 576, 571, 572, 591, 670 ; S. Hilaire, De Trinilale, t. IX, n. 3, 14 ; I. X, n. 22, 23, 34, 52, 62, 63 ; cꝟ. t. IX, n. 14 ; t. X, n. 47 ; Phebadius, Liber contra arianos, c. v, xvra ; De Filii divinitate, c. viii, P. L., t. XX, col. 16, 26, 45 sq. ; Victorin, Adversus Arium, t. I, n. 45, P. L., t. viir, col. 1075 ; cf. n. 14, col. 1048 ; In Epist. ad Phil, c. ii, v. 6-8, col. 1208 ; ^c.eta’i, Explanalio sijmboli, n. 1-6, P. L., t. i.n, col. 866, 870 ; S. Jérôme, Epist., cxx, n. 9 ; In Epist. ad GaL, t. I, c. i, 11 ; In Matthmim, . IV, c. xxNTii, 2, P. L., t. XXVI. col. 322, 216 ; S. Damase, Epist. ad Paulinuni Antiochenum, P. L., t. xiii, col. 356 ; cf. Confessio fidei catholica, col. 360. Dans toutes les affirmations des Pères latins, dont qiielquesunes semblent préluder à la lettre de saint Léon à Flavien, « peu, très peu de philosophie : rien des longues dissertations sur la personne et la nature où se complaira le génie grec ; mais l'énoncé très ferme de ce qui est la foi de l'Église, foi plus sentie encore qu’intellectuel’ement analysée ». Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 293.

IV. Controverses.

Les termes du problème sont désormais nettement posés. D’une part, unité de sujet, de personne, comme on dira plus tard ; d’autre part, dualité des natures, chacune prise en ellemême, complète et parfaite ; puis, union substantielle, sans cependant que la divinité subisse un changement ou que la « fusion », le » mélange », en un mot, « l’union » produise une troisième nature résultant des deux autres ; enfin, communication des idiomes, manifestant la vérité de tout ce qui précède. Il semble que la définition du dogme si clairement professé dût facilement être prononcée ; mais précisément, , parce que cette définition devait avoir pour occasion la condamnation solennelle d’hcréticpies de marque — ^eV d’hérétiques orientaux — elle sera précédée de discussions, longues, subtiles et parfois passionnées, dans lesquelles les champions de l’orthodoxie euxmêmes emploieront les expressions forcées, que l'Église ne ratifiera pas dans la suite. La période des luttes relativement au dogme de l’union hypostatique présente une double pliasc, la lutte contre le neslorianisme. et la lutte contre le monophysisme, le nestorianisme, relâchant les liens de l’union hypostatique an point d'-idincttre en.Jésus deux personnes physi<iues dans la même personnalité morale, le immophysisme, resserrant à l’excès ces liens et n’adinattant qu’une nature dans le Verbe incarné. Il ne saurait être question de refaire, à propos du dogme de l’union hypostatique, l’histoire du neslorianisme et des luttes de saint Cyrille d’Alexandrie, pas plus que l’histoire du monophysisme. Conformément au programme du dictionnaire, ces sujets doivent faire ou ont déjà fait la matière d’articles différents et notre dessein ici ne peut être que de coordonner en une suite lo :  ; ique les différenls épisodes de la controverse christolo^ifiae et de montrer comment la lutte contre l’hérésie a préparé les form îles définitives de la foi catholique. 1 » Observation généralr. — Les discussions christologiques au suiet de l’unité de la personne en Jésusj Christ, tout comniï les discussions trinitaires au sujet des trois personnes divines, ont été nécessaires pour arriver, dans la thiologic catholique, à préciser les concepts de person^ie, d’cssen"e c <le nature C’e^t parce (fue les hérétiques idenlifiiient complôtcinîiit ces trois concepts, qu’il leur devenait impossible

d’expliquer l’iiuanialioii ou la trinité en regard du dogme catholique L’art. Hypostase a précisément démontré que les hérésies même « les plus opposées, sabellianisnie, arianisme, trithéisme, nestorianisme, monophysisme de toute espèce, reposent toutes sur un iirincipe philosophique faux. Dans les questions triniu'àres elles allirment que toute substance, y compris l’ojdi ?. divine, par là même qu’elle est singulière, ne peut être commune à plusieurs individus distincts. Aussi, là où il n’y a qu’une essence singulière, il n’y a aussi qu’un seul sujet dont elle est l’essence. Donc, en Dieu, ou bien, s’il n’y a qu’une essence, il n’y a aussi qu’une hj’postase ; ou bien, s’il faut admettre trois hypojtases, il faut admettre pareillement trois essences. Dans les questions christologiques, ils posent en principe qu’une oùsia singulière et entière est nécessairement en elle-même et par soi subsistante, et, à cause même de cette conception, que la dualité des natures en Jésus-Christ implique la dualité d’hypostases, hypostase divine et hypostase humaine, ou bien, au contraire, que l’unité d’hypostase oblige à conclure à l’unité d’essence ou de nature. » Franzelin, De Virbo incarnato, Rome, 1874, p. 177. Le dogme catholique a obligé, au contraire, les Pères de l’I^glise à considérer avec plus d’attention les idées d’essence, de nature, d’hypostase, de personne, et d’introduire dans ces concepts philosophiques les nuances et les distinctions que les hérétiques ne savaient pas y mettre. « Les Pères ont remarqué que, si la raison seule ne peut arriver à concevoir comment l’essence singuhère est ou peut être commune à plusieurs individus, la foi nous oblige cependant à admettre qu’il en est ainsi de l’essence divine ; de même, qu’il est certain qu’une substance singulière, entière, réellement existante, la nature humaine dans le Christ, n’est pas par soi un homme distinct du Verbe, mais cjue c’est le Verbe lui-même devenu homme par cette nature humaine prise par lui et faite sienne. En raison de cette double vérité révélée, ils comprenaient que la définition philosophique péchait par quelque endroit, et ne pouvait s’appliquer à l’essence infinie de Dieu ni à la substance créée, mais subsistant selon un mode surnaturel ; et qu’en conséquence, faux était le principe des hérétiques, qui concevaient toute substance singulière comme une hypostase, ne pouvant être commune à plusieurs individus distincts et devant nécessairement subsister par soi et séparément. » Ihid., p. 177-178. De là l'évolution que nous avons signalée, relativement au concept d’hypostase, pris d’abord selon son acception ordinaire de réalité subsistant en soi et non point en autrui. Voir Hypostase, col. 385 sq. Nous n’avons pas à revenir ici sur cette évolution de la philosophie chrétienne, et nous nous contentons de la rappeler en vue d’une intelligence plus cornplète des controverses relatives à l’union hypostatique.

2° Les controve'-ses du II^ sicck. — Les hérésies antérieures au m'e siècle, et concernant la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne visent pas directement l’union et le mode d’union des natures en une personne unique. Elles sont toutefois l’occasion pour les Pères de l'Église de formuler le dogme de l’unité substantielle du Christ, Dieu et homme ; mais la controverse ne porte pas, directement du moins, sur ce point spécial du dogme catholique. Le gnosticisme, aboutissant au docélisme, niait la réalité même de l’incarnation : Jésus, le Jésus de l'Évangile, n’est que le réceptacle passager d’un don supérieur, émané de Dieu. Voir Basilide, t. ii, col. 471 ; Docétisme, t. iv, col. 1484-1501 ; Gnosticisme, t. vi, col. 1461-1462 ; Marcion. Cette erreur est, pour les Pères qui l’ont combattue, l’occasion d’affirmer que le Verbe n’est pas en Jésus comme en un réceptacle, mais que le Verbe

est bien Jésus, qu’il est Dieu et que ce même Jésus qui est Dieu est aussi homme. Des réfutations que les Pères, notamment saint Irénéeet Tertullien, ont faites du docétisme, voir t iv, col. 1493-1 196, on a retenu ici, col. 451-152, les textes qui ont trait directement à l’unité substantielle du Christ, Dieu et homme. A la conception gnostique se rattache le docétisme de Cérinthe, voir ce mot, t. II, col. 2153-2154, dont saint Ignace, saint Polycarpe et plus tard saint Irénée et saint Hippolyte nous ont conservé les idées originales, et l'ébionisme, voir t. IV, col. 1990, si voisin des erreurs de Cérinthe et de Carpocrate en matière christologique. C’est encore en luttant contre l’adoptianisme naissant et proposé par la secte des aloges, voir ce mot, 1. 1, col. 898-901, que les Pères ont l’occasion de formuler la doctrine catholique. Cf. d’Alès, op. cit., p. 104-109. Ici, c’est la divinité même de Notre-Seigneur qui est directement en jeu. Voir aussi Ei.césaites, t. iv, col. 2236. L’hérésie des patripassiens et du monarchianisme, voir ces mots, servit également à préciser la pensée catholique sur la distinction du Père et du Verbe, la réalité de l’incarnation du Fils et l’unité substantielle de Jésus. C’est à propos de toutes ces hérésies de la primitive époque, que les Pères ont pu nous laisser les formules rapportées plus haut et qui marquent la doctrine catholique relativement à l’union hypostatique.

Nous avons dit que ces différentes hérésies ont été pour les Pères l’occasion de formuler le dogme de l’unité substantielle du Christ, à la fois Dieu et homme. C’est donc une erreur de ne distinguer dans le christianisme, même aux ii « et nie siècles, que deux grands courants d’opinion (c’est l’erreur de Harnack, dans son Histoire des dogmes, touchant le dogme christologique), l’un, docète, où le Christ est considéré comme un Dieu incarné, l’autre, ébionite, où il s’agit plutôt d’un homme divinisé. Entre les deux théories extrêmes et opposées, lesquelles, chacune en son genre, accentuent un côté du Sauveur au détriment de l’autre, l'Église tient un juste milieu : elle donne à l’humanité comme à la divinité l’importance qu’il convient de leur attribuer : la nature divine est propre au Verbe, la nature humaine lui est adventice ; il les unit toutes deux dans sa personne ; seulement cette personne est divine et, par ces motifs, l'élément divin prévaut dans le Christ. Cf. Voisin, op. cit., p. 350-351.

3° Premières précisions dans la controverse, an iiie siècle. — 1. Les antécédents du nestorianisme. — L’adoptianisme naissant enseignait, à la suite des ébionites, que Jésus, fils de Marie, n’est qu’un homme, élevé par l’adoption divine à la dignité de Fils de Dieu. De là, la nécessité, pour les partisans de cette hérésie, de rejeter le IV « Évangile et, en général, les écrits johanniques. S. Épiphane, Hser., li, n. 4, 18, 22. 28, 30, 32-34, P. G., t. xli, col. 892, 921, 928, 936, 941, 945-953. Tout en maintenant le contact de la divinité avec l’humanité de Jésus-Christ, ou plutôt avec JésusChrist lui-même, simple homme, cette hérésie en venait à poser le principe d’une union purement morale entre Dieu et le Christ. Le Christ ne se distingue des autres hommes que par l’habitation spéciale de l’Esprit-Saint, qui en fait, après le baptême dans le Jourdain, le Fils de Dieu. Telle fut la thèse soutenue à Rome sur la fin du ii"e siècle, par Théodote le Corroyeur. Voir S. Épiphane, Hær., liv, P. G., t. xli, col. 961 ; pseudoTertullien, Liber de præscriptionibus, c. lui, P. Z-., t.ii, col. 72-73. Théodote fut excommunié par le pape Victor, mais sa doctrine se répandit dans une secte nouvelle, celle des melchisédéchiens, soutenue par un autre Théodote, le banquier. Sur cette hérésie et les deux Théodote, saint Hippolyte avait donné d’assez nombreux renseignements, dans son ouvrage, aujourd’hui perdu, sur toutes les hérésies, ^J/Ta-aa, ren

seignements qu’on relroiive eu partie dans le pseudo-TertulVien, Liber de præscriptionibus, c lui, P. L., t. ii, col. 72 ; dans S. Épiphane, Hier., liv, lv, P. G., t. xli, col. 961 ; dans S. Philastrius, Liber de hxresibus, n. 50, P. L., t. XII, col. 1166-1167 ; dans le CoiUra Noclum, n. 3, P. G., t. x, col. 805 ; dans les Philosophoumena, t. VII, n. 35 ; t. X, n. 23, P. G., t. xvi, col. 3342, 3439 ; dans le Petit labyrinthe, dont on possède des extraits par Eusèbe, H. E., t. V, c. xxviii, P. G., t. xx, col. 513.

L’adoptianisme est représenté, entre 230 et 240, par Artémon, qui relie les Théodote à Panl de Samosate, et dont les doctrines furent condamnées par le pape Zéphirin. Voir Artémon, t. i, col. 2022-2023. Ces écoles monarchianistes se font remarquer par leur attachement au sens littéral des Écritures ; saint Épiphane, Hser., li, n. 34, appelle les premiers défenseurs de l’adoptiansime des éplucheurs de syllabes. Paul de Samosate, élu évêque d’Antioche vers 260, donne une forme plus scientifique à l’adoptianisme d’Artémon, mais en reproduit toutes les erreurs. Sur la doctrine de Paul de Samosate, voir Garnier, Dissertalio I de hæresi et libris Nestorii, iv, 3, P. G., t. XL^^^, col. 1128-1136 ; Tixeront, Histoire des dogmes, t. i, p. 428-433 ; A. Réville, La christologie de Paul de Samosate, Bibliothèque des hautes études, section des sciences religieuses, Paris, 1896, t. vu ; Mgr Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, t. i, c. xxii ; G. Bardy, L’Église d’Antioche de 260 à 272 : Paul de Samosate, dans Recherches de sciences religieuses, 1918, p. 194221. La doctrine trinitaire de Paul est monarchianiste ; en Dieu, une seule personne, -poc ; j-ov £v. Le Logos est donc impersonnel, mais Dieu, par ce Logos qui est sa propre Sagesse, a agi d’une manière toute particulière dans le lils de David, dans Jésus, né de la Vierge Marie par l’opération du Saint-Esprit, mais homme simplement et non pas Dieu. Toutefois, grâce à la perfection même et à la rectitude de sa vie, Jésus mérite d’être revêtu d’une dignité en quelque sorte divine ; il peut être appelé Dieu né d’une Vierge, Dieu manijesté de Nazareth. Routh, Reliquise sacrte, t. iii, p. 301, 311, 312 ; S. Épiphane, Hær., lxv, n. 1, 7 ; Ivusèbe, II. E., t. VII, c. xxvii, n. 2 ; cf. Tixeront, op. cit., p. 429-430 ; M. Jugie, Nestorins et la controverse nestorienne, Paris, 1912, p. 213-217. L’union du Verbe cl de Jésus, union consistant dans « une simple 7jv : Lîji’.ç qui ne fait pas que Jésus soit Dieu en personne », Tixeront, loc. cit., ne semble pas dater du Ijaptême de Jésus, mais existe dès l’instant de la conception. Cf. Garnier, loc. cit., col. 113.3-1134. En ce point, Paul de Samosate marque un progrès sur les formules antérieures et se rapproche du ncstorianisme, dont, quoi qu’en dise Neslorius lui-même. Livre d’Hérnclide, Paris, 1910, p. 41-43, il est un prccurseur. Les seules différences que relève Nestorins portent, en effet, sur l’expression « deux Fils « , ibid., p. 44, appli<iuéc à Jésus, ou plutôl au Verbe divin, Fils de Dieu par nature, habitant en Jésus, et à Jésus lui-même, l’ils de Dieu par sa vertu et sa perfection, et sur le mode d’inhabitalion attribué par Paul au Verbe. Ibid., p. 49. Paul ignore encore, en elTct, la théorie <lu prosôpon d’union, ou plus exactement : 1e cette personnalité morale résultant de l’union du Verbe à Jésus et qui permet de parler d’un seul Fils, d’un seul Seigneur. I-^nfin, Nestorins enseignera clairement la perl’éluité et l’indissolubilité de l’union du Verbe avec riiomme, lan<lis que Paul de Samosate laisse ce prolilènie dans l’ombre. (>f. Jugie, op. cit., p. 215-216.

L’hérésie <le Panl de Samosate fut l’occasion, nous lavons vii, pour les évèqucs du concile de 265, de signer la Icllrc où le dogme de l’union hyposlalique est enseigné aussi clairement que le comporte le langage de l’époque. Voir col. 454. Si la lettre écrite par

Denys d’Alexandrie à cette occasion, à la communauté d’Antioche, est authentique, nous avons encore un autre témoignage de la croyance catholique : « une des personnes de la Trinité, le Fils, s’est incarnée en un homme accompli et s’est unie à lui par une union naturelle. » Patrologia orientalis, t. i, p. 348. Les erreurs de Paul furent partagées par le martyr saint Lucien († 312), chef de la première école d’Antioche.

Très voisine de l’erreur de Paul de Samosate l’erreur de Marcel d’Ancyre, ; la fin du ive siècle (évêque en 374), continue la conception du Verbe impersonnel, ojvaaiç, se fixant dans le Christ, pour devenir, par l’incarnation, réellement le Fils de Dieu Cette union du Verbe impersonnel et de l’humanité n’est pas indéfinie ; après la parousie, le Verbe se dépouillera de son humanité. Le principe de l’union est donc dans l’^vip-’--^ d^ Verbe, l’incarnation complétant la première économie par laquelle s’est manifesté le Verbe, la création. Cf. E. Klostermann, Eusebius Werke, Leipzig, 1906, Fragm., 121, 67, 60, 115 ; cf. Eusèbe, Contra Marcellum, P. G., t. xxiv, col. 821. Ici encore, l’adoptianisme est donc la conclusion logique du monarchianisme sabellien, que semble repousser cependant Marcel. Voir Th. Zahn, Marcellus non Ancijra, Gotha, 1867, p. 318 ; cf. p. 215 ; Tixeront, op. cit., t. ii, p. 39-40. Au fond, « Marcel paraît séparer le Logos en deux : celui qui demeure en Dieu, et celui qui émane de Dieu, lequel doit alors retourner à lui-même à la fin du monde en tant qu’il est demeuré en Dieu. Il établit une rupture dans les natures de Jésus-Christ : l’une s’est abaissée jusqu’.i s’unir à l’humanité, tandis que l’autre continue de posséder la vie absolue. » Cf. Zahn, op. cit., p. 318 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris 1907, t. I, p. 671-672. La christologie de Marcel d’Ancyre fut dépassée par celle de Photin, son disciple, qui diminua, plus encore que Marcel n’avait osé le faire, l’élément divin dans la personne du Sauveur. Avec Photin, il n’est plus question d’intimité étroite entre les deux natures. Le Sauveur n’est plus qu’un homme à qui une éminente vertu a mérité la faveur d’une intimité avec Dieu. Cf. Vigile de Tapse, Dial. contra arian. sabcll., Phot., I, c. iv, P. L., t. lxii, col. 182. Photin abandonne la distinction entre les deux aspects du Logos, oJva ; j.i ; et v/iry(i : y. : son Christ n’est plus que le Christ de Paul de Samosate et des ébionites. VA. Hefele, op. cit., t. r. p. 846, note 1. L"h, .résie de Photin fut condamnée à plusieurs reprises, mais notamment au ! ’=' concile de Sirmium, 351, Hefele, op. cit., t. i, p. 852-862, et par le pape saint Damase, au concile romain de 380. Cf. Anathématismei de Damase, n. 5, 6, Denzinger-Bannwari, n. 63, 61 ; Cavallera, Thesaurus, n. 668.

Mais les précurseurs immédiats et directs de l’hérésie nestorienne furent Dlodore de Tarse (évêque en 378) et Théodore de Mopsueste (évoque en 392).

Les erreurs christologiques de Dlodore ont été exposées, t. iv, col. 1366. M. Tixeront, np. cit., t. m. p. 13-14, en donne un excellent résumé : « Jaloux de maintenir contre les appoUinaristes l’intégrité des deux natures en, lésus-Christ, Diodorc distingue énergiquemciit, dans le Sauveur, le Fils de Dieu du lils de David, que le premier a pris et en qui il a habité : téLuo ; izo’o aitilviir/ 6 uio ; téXiiov tqv iI. Aïolo àvstXr)56v, uio ; OsoC ! uiov Ax6 ; o. P. G., t. XXXIII, COl. 1559. Aussi, n’est-ce que par figure (LiTa/pri^T’.Liô ;). et parce que le fils de David a été le temple du Verbe, que l’on peut dire du Dieu Verbe, du Fils de Dieu, tju’il est (ils de David. Le Verbe n’est pas fils de David, il est son Seigneur, ibid., il n’est pas fils de Marie, ; j.tj tr, ; Map’a : uioç o Œoç Aô-’o : i ;  : o-T=u ; iO’.). Ibid., col. 1560. Ce Verbe, en effet, n’a pas eu deux naissances, l’une éternelle, l’autre, dans le temps ; mais né du Père,

il s’est fait un loiipic de celui qui est né de Marie, roi. 1561. En conséquence, l’homme né de Marie n’est pas fils de Dieu par nature, mais par grâce le Verbe seul l’est par nature, y àf.'.T ! La'. oJ tpûa£'…. yap.'.T'. uio ; ô £I. Map’aç avÛpfo-oç, cp’jjji. os ô Ûeoç Aô-foç, col. 1560. C'était enseigner qu’en Jésus-Christ il y avait deux fils distincts. Diodore cependant repousse cette conclusion, sous prétexte qu’il n’enseigne pas qu’il y eût dans le Sauveur deux fils de David ou deux flls de Dieu zaT' oJaiav, mais seulement que le Verl :)e éternel de Dieu a habité dans celui qui est de la semence tle David : Tov tzÇjO aùovtDv bioy A’Jyov Àiyt.jv xaTiozr, Livai Èv T’o £/ ! arÉpjj.aT') ; AaÇ'Ç. col. 1559. II est probable même qu’il maintenait, en paroles du moins, l’unité de personne, col. 1561, et il est certain qu’il regardait l’homme en Jésus comme adorable d’une adoration unique avec le Verbe. Toutefois, cet effort pour conserver le langage et justifier l’usage traditionnel ne faisait pas que Diodore sauvegardât réellement l’unité personnelle de Jésiis-Clirist. »

Les fragments conservés de Théodore de Mopsueste, disciple de Diodore, sont assez étendus ]iour que l’on puisse reconstituer la doctrine christologique de ce précurseur immédiat du nestorianisme. Le point de déjiart philosophique de l’hérésie de Théodore est bien celui que nous avons indiqué plus haut, dans la remarque d’ordre général empruntée au cardinal Franzelin. Théodore ne peut concevoir une nature complète impersonnelle. Le Christ possédant la nature humaine complète, en possède aussi, par le fait même, l’hypostase : « Lorsque nous distinguons les natures, nous disons que la nature de Dieu le Verbe est complète, et complète aussi la personne, car on ne saurait avancer qu’une hypostase est impersonnelle ; de même, nous disons que la nature de l’homme est complète, elle aussi, et comjjlète la personne. Cependant, quand nous considérons l’union, nous disons alors qu’il n’y a qu’une personne. » Fragm., vra, De incarnationc, P. G., t.Lxvi, col. 981. Dans cette phrase, nous trouvons, résumé par lui-même, tout le système de l'évêque de Mopsueste. Nature et hypostase s’identifient : en Jésus, deux natures complètes, donc deux hypostases : l’hypostase humaine est complète. Cf. Fragm., v, xi ; Expositio si ; mboli, col. 970, 983-984, 1017. La nature humaine est le Jésus de l’histoire : aùxo’c, ouToç, 6).a|j.oavo ; j.Evoç. L’union est caractérisée par le terme employé : c’est une rrjvâçî'.a, expression en soi indifférente, dont ont usé plusieurs auteurs catholiques, voir col. 440, mais que Théodore emploie dans le sens trop lâche de cr/sii ;, simple rapport, relation dont un autre mot, èvoixTiatç, inhabitation, vient manifester avec évidence le sens pleinement hétérodoxe. L’inhabitation du Verbe dans le Christ ne s’explique pas par une présence substantielle ou même par la communauté d’opération. De incarnationr, fragm. vii, col. 972-976, mais par une bienveillance et complaisance particulière, sjoox.ia, que Dieu et le Verbe ont pour Jésus, eu égard aux mérites par eux prévus du Christ homme, col. 977. Dieu et le Verbe se sont complus en Jésus, comme en un Fils, > : Èv otii), c’est-à-dire « qu’ayant habité (en Jésus), le Verbe s’est uni tout celui qu’il a pris, et l’a préparé à entrer en participation de toute la dignité que lui, Fils par nature qui habite (en Jésus), rend commune entre eux. Il en fait une seule personne (avec soi), de par l’union à laquelle (il l'élève) : il lui communique toute primauté. Il a voulu tout accomplir par lui, et le jugement, et l’examen du monde, et sa propre parousie. » Ibid., col. 976 ; trad. Tixeront, op. cit., p. 17. Quelle que soit l’intimité de cette union, c’est donc en définitive une simple union L%-' ejoox.iav, col. 1013, et non pas y.aO' i-oiTa^tv. Toutefois, de cette imion selon la dignité, l’autorité, il résulte l’union de la per sonne, f, -oj -yt’j<<>T.rtj htz :  ;, col. 985 ; cf. col. 981, et avec cette unité de la personne, l’unité de la filiation. Expositio sijmbuU, col. 1013 ; Ad bapliz’indos, co]. 1013. Mais cette affirmation de l’unité de jjersonne est plus verbale que réelle. La logique du sj’stème conduit forcément Théodore à concevoir les deux natures comme deux véritables personnes. L’unité qui existe entre elles est une unité purement morale, et parfois l’harmonie des deux volontés divine et humaine semble être le lien véritable de l’union. Cf. De incarnatione, fragm. xv, col. 992, et dans H. B. Swele, Thcodori episcopi Mops. in Epistolaa B. Failli commentarii. Cambridge, 1880, 1882, p. 308, 311. Chaque nature garde donc physiquement son action propre et ce n’est que par figure et par une sorte d’aljus de langage qu’on peut attribuer, même dans l’union, , à la divinité les actions propres de l’humanité et, réciproquement, les actions de la divinité à l’humanité. Et par là, la conununication des idiomes est interdite, par rapport au Verbe et par rapport à la nature ou personne humaine. C’est surtout à cause du Œo-to’Loç que se révèle ce vice fondamental du système de Théodore. Voir Contra Apollinarem, fragm. iii, col. 993, 994, 998 ; De incarnatione, fragm. xv, col. 992. Si Marie peut être appelée mère de Dieu, c’est à cause du rapport que possède l’homme qu’elle a engendré vis-à-vis du Verbe. La négation de l’uuite physique dans la personne même de Jésus-Christ est donc évidente : la comparaison qu’emploie Théodore, assimilation de l’union des natures à l’union matrimoniale de l’homme et de la femme en une seule chaii De incarnatione, frag. viii, col. 981, ne laisse aucun d jute à ce sujet. Peu de chose nous sépare du nestorianisme définitif. Pour la comparaison de la doctrine de Théodore de Mopsueste et de la doctrine de Nestorius, voir M. Jugie, op. cit., p. 140-149. VoiraussiL. Pirot, L'œuore exégétique de Théodore de Mopsueste, Rome, 1913, p. 6269.

2. Les antécédents de Veuti/chianisme. — a) L’arianisme. — La christologie de l’arianisme est une conséquence del’hérésie trinitiiire. Le Verbe n'étant pas Dieu, mais une hypostase créée, l’incarnation dans l’unité de personne n’est possible cpi'à la condition de la concevoir comme une composition réelle du Logos et de la chair. La présence simultanée de deux esprits, le Logos, d’une part, l'âme humaine, de l’autre, eût gravement compromis cette unité personnelle. Aussi, les ariens, en général, et Arius notamment en particulier, suppriment-ils en Jésus-Christ l'âme humaine. C’est le Logos qui s’unit directement à la chair, devenant ainsi un être particulier, homme-Dieu, sans être ni Dieu, ni homme. S. Athai ase. Contra Apollinarem, I, I, n. 15 ; I. II, n. 3 ; Episl. ad Adelphium, n. 1, P. G., t. xxvi, col. 1121, 1136-1137, 1073 ; S. Épiphane, Hær., lxix, n. 19, 49, P. G., t. xuî, col. 232, 278 ; Théodoret, Hær. fabul., iv, n. 1, P. G., t. Lxxxiii, col. 414. Par plus d’un côté, la christologie arienne touche à l'ébionisme de Paul de Samosate, en ce sens du moins que le Christ d' Arius n’est pas véritablement Dieu ; mais par là même qu' Arius n’admet pas que le Verbe soit Dieu véritable (et en cela il s’oppose au monarchianisme de Paul), sa christologie se trouve engagée dans une voie qui aboutira logiquement à l’apollinarisme et plus tard au monophysisme. L’erreur christologique d’Arius est combattue par Eustathe d’AntiochC ; surtout dans son traité De anima, et, en Occident, par saint Hilaire. Voir ci-dessus, col. 461 et 462. A l’arianisme se rattachent plusieurs opinions erronées que combat saint Hilaire dans son De Trinitate, les unes iirofessant que le Verbe a cessé d'être Dieu en prenant dans un corps humain la place de l'âme, les autres admettant une déchéance dans le Verbe parle fait de l’incarnation. Cf. I. X, 50, 52, 53, P. L.

t. IX, col. 833 sq. Ce sont ces premiers excès de la spéculation théologique dans un sens nettement monophysite que condamna le P"’synode de Smirnium. en 351. Si quelqu’un comprend ces paroles : « Le Verbe s’est fait chair », en ce sens que le Verbe aurait été transformé en chair, ou bien dit qu’en prenant la chair, il <i subi un changement, qu’il soit anathemc. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. i, p. 856 ; et. Hahn, op. cit., p. 197-198. Il faut cependant noter l’affinité de cette christologie hétérodoxe avec celle de Photin, dont les doctrines furent anathematist’es dans ce même concile ; tant il est vrai que, dans ces premières discussions théologiques, où la question christologique n’était abordée que subsidiairement, les tendances opposées se rejoignaient par quelque point.

b) L’apollinarisme. — - Voir Apollinaire le Jeune ET LES APOLLiN.msTES, 1. 1, col. 1505-1507, et surtout G. Voisin. L’apollinarisme, Louvain, 1901, et Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 94-108. C’est par opposition aux théories hérétiques de Diodore de Tarse qu’Apollinaire, dont le père, Apollinaire l’Ancien, voir 1. 1, col. 1505, venait d’Alexandrie, propose sa doctrine en vue de rétabUr la parfaite unité de Jésus-Christ. Cette unité, pour Apollinaire, ne peut se concevoir si l’on suppose que le Verbe, dans l’incarnation, prend une humanité complète : deux êtres complets ne sauraient devenir un : ojo -fLi’.x v/ ^vii’jfH : où ëJvxTai ; cf. S. Athanase, Contra Apollinarem, t. I, n. 2, P. G., t. XXVI, col. 1096 ; si Dieu -l’Lv.o ; s’associe à l’homme également t ; I. = ; ( ;), il y aura deux Fils de Dieu, l’un par nature (sûa- : ’.), l’autre par adoption, (Jli-(k), deux personnes, et des deux personnes en Jésus, on pourra dire aLLo ; et àÀ/oç. Il n’y a plus d’incarnation proprement dite, mais une simple juxtaposition. Fragm., lxxxi, lxvii, édit. H. Lietzmann Apotlinaris von Laodicea und seine Schute, Tubingue, 1904, p. 224, 220. Cf. Episl. adDionysium, ibid., p. 257. La solution, d’après Apollinaire, consiste à supprimer l’âme intelligente et libre (Apollinaire avait d’abord enseigné la suppression de toute âme, même animale, cf. Socrate, H. E., t. II, c. xlvi, P. G., t. lxvii, col. 361 ; Ru fin, II. E., t. II, c. XX, P.L., t. xxi, col. 526) et à ne concéder au Christ qu’une âme animale, le Verbe étant lui-même son voû : et son -ivjj.t. : « Le Christ ayant Dieu pour nvîjy.a, c’est-à-dire pour voi :, avec une’J/jyï, et un corps, est à bon droit appelé homme du ciel. » Fragm., xxv, ibid., p. 120. Cf. Fragm., lxxxvii, p. 226 ; Lxxxix.p. 227 ; xxiii, p. 210 Sur la réfutation de la doctrine trichotomisle d’Apollinaire par les Pères, voir Forme du corps humain, t. vi, col. 552-555. Les conséquences de la conception apollinariste de l’incarnation étaient graves : premièrement, l’incarnation n’est plus qu’une jip.-.^’.ç au sens strict du mot, excluant ]"î/7.i<)yT.'>- :  ;.’Il Z7.Ta ; J. : o’. : -tt ! ?, n. 30, ibid.. p. 178. Bien qu’.Xpolliiiairo cm|>loic jîarfois sur ce point les mots traditionnels, le Dieu fait homme, ivav-Opf. )rr|ja :  ; la chair consubstantielle il la nôtre, ’; |X’joJ7’.o ;, cf. De unione, n. 8, ibid., p. 188, le sens qu’il y attache est pleinement conforme aux princi[)cs posés par lui. Deuxièmement, Jésus, n’ayant pas d’âme intelligente et libre, nous a sauvés sans mérites de sa part. Troisièmement, et c’est la conclusion qui nous occupe spécialement ici, il faut admettre en Jésus l’unité non seulement de personne, mais encore de nature, ’Ei-i OcOç T.’LrJl : i’, ; ’, ïis.yLo ; vi’jxyI. : ï>av£p’.)0 :  ;  :, TiXs.oç -fi àÀT/) : vîi -LT. : I)z’.7. -ziLv.ôxT, - oj ÔJO t : ^6’j'->-tl oùôi ôjo « jïê.ç.’II ziTa (iépo ; - ; 7T ;  ;, 31, op. cit., p. 179 : Fragm., cxvti, cxix. p. 236. Comment concevoir cette unité de nature ? Hésulte-t-il <le la divinité et de la hair iirise par la divhuté une troisième nature différente des deux autres ? Nullement. La chair est sans doute intimement unie à la divinité, au point de ne faire avec elle qu’une substance, u. ; « ojii.une nature,

u.ia ï.Jcr’. ;, ibid. ; mais il n’y a pas fusion des natures : ç-j^ct aîv Oîov xai ï)’j3H’. avfjow-ov tov L’jolov v^O[x-.^i. Fragm., cli, p. 247. D’après Apollinaire, le Verbe, nature complète en soi avant l’incarnation, s’unit parl’incarnation un corps qui » ne constitue point une nature par lui-même ; car il ne vit point par lui-même, et on ne peut le séparer du Verbe qui le vivifie. » Episl. ad Dionqsium, op. cit., p. 259. La nature divine ajapxo ; du Verbe devient jfj7.yLiij.i-ri] : elle était simple d’abord, elle devient aJvGîro ?, TjyLpaioç : il n’y a pas nature nouvelle autre, mais nature ancienne existant autrement par l’adjouction d’un élément nouveau. De là les formules, dont la première deviendra plus tard si célèbre :.I ; a s J31 ; tjj Osou Ào’you (T£aapLtoa£vr|, ou encore’() aJTo ; (Xpi^TOç) iv aovdTïjTt Tjyy.pa-oj Ç.J3E’.) ; 0£’.>.f, ç 3£aapy.’i)y.s’/T|ç. Ad.Jovianum, n. 1, op. cit., p. 251 ; Fragm., ix, p. 206 ; Tixeront, op. cit., t. II, p. 99. Quatrièmement, de l’unité de terme de nos adorations se déduit l’unité de l’adoration elle-même ; mais aussi de l’unité de nature se déduit l’unité d’opération et de volonté : le monothélismc tout comme le monophysisme sont contenus dans l’apollinarisme. Ad Jovianum, n. 1 ; Fragm., cxx, op. cit., ]). 251.236 ; Fragm., cli, cvii, cxvii ; p. 248, 232, 235. Enfin, la théorie apollinariste s’accommodait de la communication des idiomes, qui fut ici poussée à l’excès. Sur ce point particulier, voir Epist. ad Jovianum, et De unione. Pour l’emploi du mot OsotôLo ;, voir Ad Jovianum, n. 1 ; De fide et incarnalione n. 3. 5, 6, op. cit., p. 251, 195, 190, 198.

La terminologie d’.Vpollinaire n’a encore rien de fixe et de définitif ; il exprime l’union du Verbe à la chair par les termes les plus variés et les plus disparates. Les plus fréquents sont : 5V(.)7 ; ç. évdTrjç, sjvzssta. aJvO : 3 ; ç. On trouve ainsi àzpa JvtoJtç. ivo) ? :  ; zj^iy.r, . ïvojCTiç ojŒKÔor, ;. jv’oj ;  ;, ’iXiiD’i’r^. ffjvoôo ;, <Tu’JL~Àoy.r)’. Tjyy.pzTiç. ; J. : ?t ;, zoïa ;  ; et enfin : r.j07y. ;  : ’j.i-/o-j -’~> ày.xhzf’) Oi(o To5 L-ciafiiToç. Cf. Voisin, op. cit., p. 282.

Il n’entre pas dans l’objet de cet article de suivre l’apollinarisme dans ses évolutions jusqu’à sa condamnation. L’argument décisif invocpié contre Apollinaire i>ar les Pères du iV siècle, se résume en quelques mots. L’humanité que Jésus venait sauver, c’est la nôtre : donc, i ! devait la prendre. Prendre un corps sans âme rationnelle, ce n’était pas prendre notre humanité : Jésus-Christ devait prendre notre humanité tout entière : To yap àrpo’jXintov illipx-- ; jt’jv-’1’À rjV’oTï ; tm <li<T) toûto Lai aïo^i’^'., cela seul est guéri qui est pris par le Verbe ; cela seul est sauvé qui est uni à Dieu. S. Grégoire de Nazianze. Episl., Cl, P. G., t. xxxvii, col. 181. Le Seigneur n’a pas eu un corps sans âme, sans sentiment et sans intelligence (ïJ/jP/v, oJo i/x’.a^hj-’)/, ojô’àvdr|Tov) : car il n’était pas possible que, le Seigneur s’éLant fait homme pour nous, son corps fôt sans esprit (avJT, Tov), et ce n’est pas seulement le salut du corps, mais aussi celui de l’Ame (Vj/r, ) que le Verlje a opéré en lui. S. Athanase, Tomus ad Antiochenos, n. 7 ; cf. Contra Apollinarem, t. I, n. l, I. II, P. G., t. xxvi, col. 804, 1097, 1140 ; S. Épiphane, Ancoratns, n. 78 P. G., t. lxiii, col. 104 ; s. Ambroise, Dci/ic « rno/(onc, 68, P. L., t.xvi, col. 835. Parmi les anathématismes ne saint Damase (concile romain de 380), le 7° vise spécialement eos, qui pro hominis anima rationabili et intclligibili dicunt Dei Verbum in humana carne vcrsatum, cum ipse Filius sit Verbum Dei, et non pro anima rationabili et iniclligibili in suo corpore fucrit, sed nosiram, id est ralionabilem et intclligibilem, sine peccalo nnimnm susceprrit atque ^alvaverit. Denzinger-Bannwarl, n. 65 ; Mansi, t. iir, col. 48 ; Hahn, op. cit.. p. 272 ; Cavallera, Thesnurwi, n. 668. Sur ces points, voir Apollinaire le. ieune lîTAPOLLi.VARisTUs Mais il faut signaler, comme conséquence logique de l’apollina

risnie, s’opposaiil dircclenient au dogme de l’union hypostalique, par la négation des deux natures, l’hérésie des synousiates, qui professent en Jésus-Christ l’unité absolue de substance et de nature, non pas cependant en ce sens que l’un des deux éléments aurait été transformé en l’autre, ni que de la fusion des deux natures soit résultée une troisième et nouvelle nature ou substance, mais en ce sens « que la chair du Seigneur participe aux noms et aux propriétés du Verbe, sans cesser d'être chair, même dans l’union, sans que sa propre nature soit changée ; de même que le Verbe participe aux noms et aux proprittés de la chair tout en restant Verbe et Dieu dans l’incarnation, et sans qu’il soit changé en la nature du corps. » Timothée, Ad honifrium, dans Lietzmann, p. 278. C’est donc surtout par la violence de leur langage, par leur mépris affiché des usages et des formules de l'Éghse, que se distinguaient les synousiates des autres monophysites, et du parti modéré de l’apollinarisme. Voir Synousiates.

Au point où en étaient arrivées les discussions christologiques dans l'Église, à la fin du iv<= et au début du v siècle, les positions étaient prises de part et d’autre pour les deux grandes controverses d’où allait sortir la définition du dogme de l’union hypostatique, la controverse nestorienne, la controverse eutychienne. Ces controverses, qui forment le nœud même de la question que l’on étudie ici, ont été exposées ailleurs. Nous nous contenterons donc d’eu résumer les points principaux, afin de fixer la marche logique des idées, et nous renverrons, pour les développements, aux articles spéciaux écrits sur la matière.

La controverse nestorienne.

Le nestorianisme

de Nestorius, s’il est permis de s’exprimer ainsi, est une doctrine à son point d’arrivée. Nous en avons étudié les antécédents. Nous renvoyons à Nestorujs pour l’histoire des doctrines et des évolutions de l'évêque d’Anlioche. Voir également Éphêse (Concile d'), t. v, col. 137 sq. On se contentera ici de résumer brièvement l’aspect doctrinal de la controverse engagée par saint Cyrille d’Alexandrie contre les doctrines hérétiques de Nestorius. — 1. L’hérésie de Nestorius. — Le P. Jugie, Nestorius et la controverse nestorienne, la résume en six points, c. ni, p. 91-135 : a) Il n’y a pas de nature complète sans personnalité ou, plus exactement, selon la terminologie nestorienne, sans prosôpon naturel. Puisque le Verbe s’est uni à une nature humaine complète, il s’ensuit qu’en Jésus-Christ la nature humaine est une véritable personne, un sujet d’attribution d’opérations qui lui sont propres, qu’on ne peut reporter sur Dieu le Verbe Cette nature subsiste en elle-même et ne s’appuie point physiquement à Dieu le Verbe pour se maintenir dans l'être. En d’autres termes, il y a dans le Christ un homme, un moi humain. Quelques textes à l’appui : « Toute nature complète n’a pas besoin d’une autre nature pour être et pour vivre, car elle possède en elle et elle a reçu tout ce qu’il faut pour être… Comment donc des deux natures complcles dis-tu une seule nature, puisque l’humanité est complète et n’a pas besoin de l’union de la divinité pour être homme. » Le livre d’Héraclide, trad. Nau, Paris, 1910, p. 263. « Chacune (des deux natures) subsiste dans son hypostase. Je ne dis pas qu’elles remontent à Dieu le Verbe, comme s’il était les deux par essence, ou que les propriétés de la chair aient été prises sans (leur) hj^postase par Dieu. De cette manière, il apparaîtrait seulement sous la forme de la chair utilisant et soulTrant toutes les choses de la chair, soit qu’il se changeât en la nature de la chair ou que les deux natures fussent mélangées en une seule… » Ibid., p. 184. Sur l’identification par Nestorius, malgré les différences de points de vue, des termes essence, ojaîa :, nature, sjai ?, hypostase, jTro’aTa’jir, per sonne, ---o-j’onov physique ou moral, jiar opposition au prosôpon d’union, moral ou artificiel, voir Hypostase, col. 387.

b) L’union de la personne du Verbe et de la personne humaine est volontaire, c’est-à-dire se fait par la volonté, par compénétration amoureuse des deux, de telle manière qa’il n’y a plus qu’une seule volonté morale. Il y a don naturel de chaque personne l’une à l’autre, et comme un prêt et un échange de personnalité iprosôpons). Cet échange permet d’affirmer que les deux personnalités naturelles aboutissent à une personnalité morale unique, que Nestorius appelle le prôsopon d’union : La divinité (ou le Verbe) se sert du prosôpon de l’humanité et l’humanité (ou l’homme) de celui de la divinité ; de cette manière, nous disons un seul prosôpon pour les deux. Le livre d’Héraclide, p. 212213. Sur l’opposition du prosôpon naturel au prosôpon d’union, voir Hypostase, col. 387. Sur le mode d’union, voici quelques textes : « Ce n’est pas la divinité (seule), ni l’humanité (seule) non plus qui forme le prosôpon commun, car il appartient aux deux natures, afin que les deux natures soient connues dans lui et par lui… L’essence même de l’humanité se sert du prosôpon de l’essence de la divinité, mais non de l’essence, et l’essence de la divinité se sert du prosôpon de l’humanité, et non de l’essence. » Ibid., p. 282 Ce texte indique bien le sens abstrait que donne Nestorius au mot personne, « la principale chose de la notion de prosôpon, suivant l'étymologie du mot et l’histoire la plus récente de sa signification, était l’indivision extérieure ». Loofs, Nestorius and his place in the history ot Christian doctrine, p. 76-77. Ce qu’est le prosôpon d’union, Nestorius l’expose ainsi : « L’union des prosôpons a lieu en prosôpon et non en essence ou en nature. On ne doit pas concevoir une essence sans hj^jostase, comme si l’union (des essences) avait eu lieu en une essence et qu’il y eût un prosôpon d’une seule essence. Mais les natures subsistent dans leurs prosôpons ci dans leur nature, et dans le prosôpon d’union. Quant au prosôpon naturel de l’une, l’autre se sert du même en vertu de l’union ; ainsi, il n’y a qu’un prosôpon pour les deux natures. Le prosôpon d’une essence se sert du prosôpon même de l’autre. » Ibid., p. 193. Expliquer l’incarnation à la façon de Cyrille, en faisant que, dans les deux natures, Dieu le Verbe soit le prosôpon d’union, cf. Le livre d’Héraclide, p 127, c’est aboutir à ceci : « Ou bien tu ne reconnais qu’une humanité apparente, qui aurait servi à désigner le Verbe, ou bien tu fais comme si l’humanité n’avait joué aucun rôle dans le prosôpon d'économie, ou bien tu veux que Dieu le Verbe se soit manifesté pour soulïrir contre sa volonté les souffrances humaines. » Ibid., p. 193-194. En somme, Nestorius distingue donc, dans sa conception de l’union des natures, le prosôpon naturel, qui s’identifie objectivement avec la nature ou la substance réelle, et le prosôpon d’union, qui n’est en réalité qu’une fiction unissant les deux natures ou les deux prosôpons naturels. En définitive, c’est la volonté du Verbe et celle de l’homme qui s’unissent par l’amour dans le même prosôpon. Ibid., p. 35, 50. De là, l’insistance de Nestorius à affirmer l’union de l’incarnation comme une union volontaire non naturelle. Le livre d’Héraclide, p. 158 ; cf. p. 85, 157, ce qu’exprime bien le terme cTjvics'.a. Cf. Loofs, Nestoriana, p. 171, 178, 242, 273, 280, 357, 359.

c) La personnalité qui est constituée par le prosôpon économique (c’est-à-dire de l’incarnation) est purement artificielle et dénominative ; elle est comme un masque jeté sur la face de Dieu le Verbe et de l’homme Jésus. On désigne sans doute ce prosôpon unique par les termes de Fils, de Christ, de Seigneur, mais chacune de ces expressions éveille dans la pensée nesto

rienne l’idée de deux personnes, la divine et l’humaine, qui demeurent distinctes et sans confusion. « Le nom de Christ ou de Fils, ou de Seigneur, qui est attribué au Fils unique par les Livres divins, est l’indice de deux natures : tantôt, il désigne la divinité, tantôt l’humanité, et tantôt les deux. » Le livre d’Héraclide p. 228-229. « C’est au Christ qu’appartiennent les deux natures et non à Dieu le Verbe », ibid., p. 150 ; t il en est du nom de Dieu comme du nom du Fils ; l’un indique les natures et l’autre le prosôpon du Fils. Le même est Dieu et Fils, et il n’y a qu’un proaôpon pour les deux natures et non pour une essence ; c’est pourquoi les deux natures forment un seul Fils et sont en un Fils ». Ibid., p. 191.

rf) Du moment que la personne du Verbe d’unt part, et la personne de l’homme d’autre part, restent parfaitement distinctes et continuent de subsister chacune en elle-même, que leur union n’est que morale et non physique et substantielle, du moment qu’il y a deux sujets d’attribution, deux moi, il s’ensuit qu’on ne peut attribuer à Dieu le Verbe les propriétés et les actions de la personne humaine et vice versa. On ne pourra pas dire de Dieu le Verbe qu’il est né de la Vierge Marie, qu’il a souffert, qu’il est mort. On ne pourra pas appeler Marie fjEOTo’zoç, au sens propre du mot et sans faire des réserves : « Une femme n’est pas appelée mère de l’âme’^u/otoLo :, parce qu’elle a engendré un vivant, mais plutôt mère de l’homme. à’/do’o-.o-’jy.o ;. De même, la sainte Vierge, bien qu’elle ait enfanté un homme, auquel est venu s’unir Dieu le Verbe, n’est pas pour cela mère de Dieu, bi’j'6Lo ;, car ce n’est pas de la bienheureuse Vierge que la dignité du Verbe tire son origine, mais il n’était Dieu que par nature. » Loofs, Nebtoriana, p. 352. En bref, ce que l’on appelle la communication des idiomes n’est pas permis par rapport à Dieu le Verbe, ni par rapport à l’homme pris comme tel. Voir les douzième et quatrième contre-anathématismes : « Quiconque, en professant les soutirances de la chair, les attribue à la fois au Verbe de Dieu et à la chair dans laquelle il a paru, sans discerner la dignité des natures, qu il soit anathème. » « Quiconque attribue à une seule nature les passages des Évangiles et les lettres apostoliques qui se rapportent au Christ qui est de deux natures, et quiconque tente d’attribuer au Verbe de Dieu la souffrance aussi bien à la divinité qu’à la chair, qu’il soit anathème. > Mansi, t. iv. col. 1099.

e) La communication des idiomes peut cependant se faire par rapport aux termes qui désignent le prosôpon de l’union, c’est-à-dire par rapport aux mots Christ, Fils, Seiqrfur. Dès lors, on pourra très bien affirmer que Marie est mère du Christ, X117TOTo’Lo :, parce que ce nom de Christ fait songer à la fois aux deux personnes qui sont unies, à la personne divine et à la personne humaine, et, tout naturellement, l’espril l’attribuera, dans ce cas, à la personne humaine.

f) fin fin, Nestorius, n’ayant pas la notion d’une nature abstraite, mais entendant toujours par ce mot une nature individuelle, concrète et douce de sa personnalité, on comprend pourquoi il mêle constamment, dans son langage, les termes concrets et les termes abstraits, qui sont pour lui équivalents. Parfois, il parle ainsi d’une manière orthodoxe, mais son orthodoxie est purement verbale. En réalité, ne distinguant pas entre termes abstraits et termes concrets, la nature humaine, l’humanité signifient pour lui cet homme. Aussi l’expression 0 ; oT’izo ; cveille-t-cllc immédiafement en lui l’idée que la sainte Vierge a enfanté la nature divine ; de même, dire que Dieu le Verbe est mort équivaut pour lui à affirmer que la nature divine est passible et mortelle AUud équivaut chez lui à nlius, ’i’i.’ir, est le synonyme de aLÀo :: Celui qui dit que la divinité et Vlxumanitt ne sont pas

la même chose, définit, par une distinction de nature, que celui-ci n’est pas celui-là et que celui-là n’est pas celui-ci. Le livre d’Héraclide, p. 276. Cf. Pctau, De incarnalione, 1. VI. c. v, n. 4, 5.

Le progrès de Nestorius sur Théodore de Mopsueste consiste surtout à avoir mis plus de nuances dans la pensée et plus de précision dans les tenues. Mais c’est toujours la même erreur qui se manifeste. Deux natures-personnes en Jésus, unies entre elles d’une façon purement morale, et formant jiar leur union une personne moralement unique. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 245. Une première précision consiste dans le terme de prosôpon naturel ou physique par opposition au prosôpon moral ou d’union. Le livre d Hcraclide marque un nouveau progrès dans la pensée de Nestorius : il parle fréquemment de l’échange des prosôpons, théorie dont on ne trouve pas trace dans les ouvrages antérieurs à l’exil du patriarche d’.

tioche. Serait-ce une théorie imaginée après coup pour les besoins de la cause ? Cf. Tixeront, op. cit., t. ii, p. 31, note. D’autre part, tout en admettant, comme Théodore, la théorie de V lùooy.’.a., du bon vouloir, de ï h/rALrii’. :, de l’inhabitation, Nestorius insiste surtout sur le résultat de cette donation mutuelle des deux personnes l’une à l’autre, et qui est le prosôpon d’union. Enfin, plus d’hésitation chez Nestorius sur le moment de l’union : c’est dès la conception dans le sein virginal que la cjjva’çs’.a s’est produite. Cf. Lelivre d’Héraclide, p. 56-57 ; et neuvième contre-anathématisme, Mansi, loc. cil. D’autres progrès et précisions de doctrine existent, mais qui ne se rapportent pas à l’union hypostatique. Voir Nestorius. Cf. Jugie, op. cit., p. 140-149. Toutefois, il semble bien que l’on ne puisse conclure, de la part de Nestorius, à une foi sincère en l’unité personnelle de Jésus-Christ.

2. La réfutation.

L’adversaire de Nestorius, celui qui, du côté de l’orthodoxie catholique, mena toute la controverse, fut saint Cyrille d’.Mexandrie. Sur la christologie de saint Cyrille, sur les prétendues variations de doctrine que certains critiques y prétendent relever, sur les réelles variations de terminologie, voir Cyrille d’Alexandrie (Saint), t. iii, col. 2512-2515, et M. Jugie, op. cit., c. v, p. 150-201. On n’a ici à envisager la doctrine de saint Cyrille que dans la mesure où elle réfute les erreurs de Nestorius touchant l’union hypostatique. « Entre Nestorius et saint Cyrille, la question n’était pas, comme on l’a dit, une nature ou deux natures, mais bien une seule nature-personne, un seul sujet ou deux natures-personnes, deux sujets. Il sulTit de jeter un regard rapide sur les écrits anlincstoricns de saint Cyrille pour s’apercevoir que son souci constant est de montrer l’unité de personne, de sujet iiuliiduel dans le Christ, unité que Nestorius rejetait en réalité, tout en seinblant la maintenir par des formules équivoques. » M. Jugie, op. cit., p. 14. Nestorius demandait comment Cyrille acceptait de dire avec les Orientaux deux natures, alors qu’après l’union de la divinité et de l’humanité il ne dit plus qu’âne nature du Fils. La difficulté serait inintelligible, si l’on ne se rapi)clait que, pour Nestorius aussi bien que pour saint Cyrille, le mot nature signifie ici nature-personne, sujet individuel. Le livre d’Héraclide, p. 267-200. Saint Cyrille s’cxplique dans sa Lettre à Acace de Méliténe. « Lorsque nous considérons dans notre entendement les choses dont est formé un seul Fils et Seigneur.lésus-Christ. nous disons deux natures unies ; mais après l’union, parce que la division des deux natures se trouve enlevée, nous croNons quc la nature du Fils est une, tout en ajoutant : du Fils fait homme et incarné. Du moment que l’on dit que c’est Dieu le Verbe qui s’est incarné cl s’est fait homme, tout soupçon de changement est

()ar le lait iiuiuc écarté ; leNcrle, en ellet, est demeuré ee qu’il était ; nous confessons dès lors sans dillicullé l’union sans confusion. » P. ( ;., t. lxxvi, col. 192. Il s’agit bien ici de natures-personnes, qui n’existent plus dans l’union que logiquement, mais non réellement,

/ 0 ; "iC’Ct. Loc. cit. ; cf. Episl., ii, ud Succrnsiim,

1’. G., t. Lxxvii, col. 245. L’union qui s’est opérée entre les deu.x éléments dont est formée la personne du Christ a ramené ces éléments à l’unité d’existence individuelle : en réalité, il n’y a en Jésus-Christ qu’une seule nature-personne, un seul sujet. Nestorius, lui, en veut deux. Et nonobstant l’opposition marquée par saint Cyrille à la théorie de Nestorius, l’évêque d’Alexandrie maintient la distinction de l’iuimanité et de la divinité entre elles, puisqu’o elles ne sont pas la même chose selon la qualité naturelle ». Telle est donc la position doctrinale exacte que prend, en face du nestorianisme, l’orthodoxie catholique. Nestorius affirmait en Jésus-Christ deux sujets. Saint Cyrille affirme, au nom de la foi, un seul sujet, dans lequel sont unies la divinité et l’humanité, sans confusion ni mélange. Le mot nature (que saint Cyrille emploie d’ailleurs parfois en un sens abstrait synonyme d’essence, voir Hypostase, col. 388), signifie donc ici ce qu’il signifie dans le langage nestorien, à savoir une nature concrète et se suffisant à elle-même. Ce n’est donc pas le sens qui sera accordé plus tard à ce mot au concile de Clialcédoine, pas même le sens que l’on doit accorder aux deux natures, oùo çJa£’.. :, dans le Christ, après l’union, telles que les proclame le symbole d’union de 433, souscrit par saint Cyrille lui-même. Voir t. iii, col. 2512. Ce serait une erreur que de vouloir trouver dans saint Cyrille une terminologie sans flottement. Voir, sur ce point controversé, Lebon, Le monoplujsisnie scvérien, Louvain, 1909, p. 242 sq., 346 ; Revue d’histoire ecclésiastique, t. xii, p. 521 ; Tixeront, op. cit., t. iii, p. 61-G2 ; Jugie, op. cit., p. 174. Cf. Hypostase, col. 388 ; Petau, De incarnatione, t. VI, c. I, II, VIII. Le langage du grand docteur alexandrin est, en réalité, très accommodant. Toute sa préoccupation est de maintenir l’union physique ou naturelle ou encore /lécessflirc (voir, sur ces expressions, l’excellente remarque de M. Nau, Le livre d’Héraclidc, introduction, p. xiv-xv) des deux natures dans le Christ, contre l’union purement morale ou volontaire. Cette union réelle, physique, nécessaire, naturelle, saint Cyrille l’exprime d’un mot typique, l’union selon l’hypostase, ’Évwa ;  ; zaO iir.ôa-a’j'.’L, c’est-à-dire selon la réalité, la vérité des choses, en opposition avec l’union nestorienne, selon la simple apparence. La discussion élevée entre saint Cyrille et Nestorius porte sur ce point précis, mais elle s’arrête là. Vouloir trouver en saint Cyrille la formule définitive de l’union hypostatique, selon le sens que la théologie accorde aujourd’hui à ce mot, c’est dépasser la signitication du x.aO’j-o’aTacî’.v de saint Cyrille. Le progrès dogmatique résultant de la controverse nestorienne est donc d’avoir fixé définitivement l’unité pliysique du sujet qu’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et homme à la fois. Saint Cyrille, repoussant toutes nuances d’apollinarisme, affirme l’union physique en des formules et des comparaisons qui n’auront pas toutes le même sort devant le jugement du magistère ecclésiastique. Voir, sur les formules, t. lii, col. 2512-2513. Sur la célèbre comparaison de l’union de l’àme et du corps, reprise par saint Cyrille si fréquemment, il est important de remarquer que le docteur alexandrin la dégage des conséquences erronées qu’en tiraient les apollinaristes et que voudrait en tirer contre lui Nestorius. Le livre d’Héraclidc, p. 142-143 ; cf. p. 40, 35.’58. Saint Cyrille reconnaît que la comparaison ne tient pas de tous points. Scholia de incarnatione Unigenili, n. 8, P. G., t. lxxv, col. 1377. Cependant la

iJvOî^’.ç de l’àme et du corps lui semble une excellente image de l’union hypostatique. Ce qu’il entend par cette image, c’est que le corps du Verbe lui appartient aussi réellement, aussi naturellement que notre corps nous appartient, Adversus Xestorium, t. I, P. G-, t. i-xxvi, col. 200 ; c’est <iue l’humanité fait partie de la constitution physique du Verbe après riiuarnalion, bien ()ue l’hypostase divine soit demeurée immuable en elle-même : > Bien que différents dans leur essence et leur nature propre, le corps et l’âme s’unissent, s’unifient, pour former une seule nature complète, c’est-à-dire un seul être complet, un seul individu, une seule çj-j’. ;. L’esprit peut bien distinguer idéalement les deux éléments : la nature de l’àme et a nature du corps, se les représenter comme s’unissant l’un à l’autre à un moment donné avec leur individualité propre ; mais, dans la réahté, ils ne forment qu’un tout concret, une seule çJs’. ;  ; ils n’ont jamais eu, l’un et l’autre, d’existence séparée, de manière à former deux sujets indépendants, deux ijai’. ; hypostaliques. Ainsi en est-il, avec les restrictions qu’impose l’existence éternelle et immuable du Verbe, de l’union, de l’unification, iveja ;  ;, des deux natures dans le Christ. L’humanité et la divinité, bien que différentes selon leur essence respective, LaTJ. Tov -.7, 1 tSia ; çj^e’o ; Ld-’ov, s’unitient dans le Verbe incarné de manière à ne former qu’un seul individu, une seule çJ5 : ç, une seule hypostase. Cette hypostase, cet individu, c’est Dieu le Verbe. Il a existé sans chair, àaapLoç, avant l’incarnation. Après l’incarnation, sans subir aucun changement, il est apparu avec la chair. C’est le même moi divin, la même hypostase, le même prosôpon, avant et après… La comparaison de l’union de l’âme et du corps donne la clef non seulement de la conception christologique de saint Cyrille dans ce qu’elle a de plus profond, mais encore de sa terminologie dans ce qu’elle a de plus insolite. Elle explique bien comment ce grand docteur arrive à dire ata çûai ; toi Aoyou aEaaçy.f.i ; j.svï, après l’union et ojo ^jjsiç avant l’union. » M. Jugie, op. cit., p. 106-167. Cette formule signifie, oir t. iii, col. 2513, dans la pensée de saint Cyrille, qu’il n’y a dans le Verbe qu’une nature concrète, c’est-à-dire une seule personne, un seul sujet, aia ç-Jo : ç Tou Wsoïi Aoyoj, mais possédant l’humanité, sîaasx.o) ; j.£vïj, que le Verbe ne possédait pas avant l’incarnation. ()n ne peut plus distinguer, c’est-à-dire séparer, les deux natures que par la pensée, et, en ce sens, mais en ce sens seulement qui ne répond plus à rien de réel, on pourra encore parler de deux natures-personnes avant l’union. Après l’union, il n’y a qu’une nature-personne, et, pour éviter jusqu’à l’apparence du nestorianisme, Cyrille laissera de côté toute expression qui pourrait suggérer que l’humanité du Christ est un sujet distinct de Dieu le Verbe : il l’appellera aapç, iôia aâpE. a(ô ; j.7., ivOpforo’TT|ç, t6 àvOptorivov, to xaO’f, |jLàç, etc. Mais si on concède à saint Cyrille ce point capital, il devient très condescendant sur la terminologie. On a déjà rappelé que les variations de terminologie n’impliquaient pas chez lui des variations doctrinales, voir t. iii, col. 2514 ; le langage dyophysite qu’il emploie parfois, et qui fait déjà pressentir les définitions de Chalcédoine, ne s’oppose pas à l’unité de naturepersonne qu’il préconise. De recta flde ad Auguslas, n. 31, 38, 20, P. G., t. lxxvi, col. 1400, 1376, 1388, 1360 : De recta fide ad Theodosium, n. 6, 43 ; Apologeticus contra Orientales, col. 1141, 1200, 329 ; Epist., ii, ad Succensum, P. G., t. lxxvii, col. 244, 245 ; Adversus Nestoriiim, t. II, P. G., t. lxxvi, col. 64, 85 ; Epist., ii, ad Nestorium, P. G., t. Lxxvii, col. 45 ; Scholia, P. G., t. lxxv, col. 1385. Nestorius est blâmé par lui pour lire, non deux natures, mais deux natures séparées au point de détruire l’r/oj :  ; physique, substantielle, naturelle. -477

HYPOSTATIQUE (UNION)

478

3. La condamnation de Neslorius marque un premier progrès dOi : matiqiie certain. Elle déclare aulhentiquement riiércticité du concept de l’union purement morale et volontaire, la ajvà ; £ : a, et son opposition formelle avec le concept catholique traditionnel de l’unité substantielle du sujet en Jésus-Christ, Dieu et homme à la fois, unité qui implique l’union réelle et physique. Mais elle ne va pas plus loin, et la formule définitive de l’union réelle et pliysique est encore à trouver. Saint Cyrille, il est vrai, dans ses douze anathématismes, voir t. iii, col. 2509-2511, avait bien proposé au concile d’Éphèse, qui condamna l’hérésie nestorienne, une doctrine christologjque positive ; mais bien que représentant la doctrine christolotjique des Pères clu concile, les anathématismes n’ont reçu aucune consécration officicUe. Voir Éphèse, t. v, col. 148. Ils reflètent d’ailleurs une pensée qui, tout en étant parfaitement catholique et traditionnelle, se présente cependant avec une nuance très particulière : l’union physique. Anal., m ; selon la réalité, Anat., II, l’unité substantielle du Christ, Anat., ix, x, xi ; la communication des idiomes, Anat., xii, y sont nettement affirmées ; la dualité des personnes est réprouvée. Anal., IV (sur l’apijarente contradiction de cet anathémalisme avec les aflirmations du symbole d’union, voirt.iii, col.2514) ; inaistout enreconnaissant que Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble, Anat., VI, est le Verbe même de Dieu fait chair. Anal., viii, saint Cyrille, dans ses anathématismes, ne formule pas d’une façon suflisamment claire la dualité des natures ; il ne parle pas des deux z-Jm :  ;, comme il en parle dans le symbole d’union. Aussi les monophysites abuseront-ils de sa terminologie pour revendiquer l’autorité de saint (Cyrille en faveur de leur hérésie. Pour aboutir à la fenmule délinitive de l’union hypostatique (bien que le mot se trouve déjà dans saint Cyrille, Anal., ii), une nouvelle controverse, Ifi controverse eutychienne, sera nécessaire. Elle permettra à l’Église de préciser exactement la véritable position doctrinale de l’orthodoxie et d’imposer à la théologie catholique les formules définitives, en réprouvant des hérésies également dangereuses et dianiétralement opposées et en choisissant des termes dont le sens, bien précisé, ne peut plus se prêter à des é [uivoques pernicieuses.

La controverse eutychienne.

Voir Eutychès

et EuTYCHiANisME, t. V, col. 1582 sq. Il suflit de rappeler ici les conclusions doctrinales de cette controverse. « lîutychès reconnaît donc : 1. qu’il n’y a qu’une personne en Jésus-Christ, celle du Verbe : 2. que le Verbe a pris sa chair véritable et non apparente, de la Vierge Marie, et qu’il est à la fois Dieu parfait et homme parfait ; 3. que la Vierge Marie nous est consubstantielle ; 4. qu’il n’y a pas eu de mélange de l’humanité et de la divinilé, mais que le Verbe est resté sans changement ; 5. que les docètes, Valentin, .Apollinaire et tous ceux qui attribuent une origine céleste à la chair du Christ sont dignes d’analhème. » Voir t. V, col. 1590. Ces aflirmations sont, en soi, orthodoxes, mais Eutychès fut jugé digne d’anathème, parce qu’il s’obstina à ne reconnaître, en Jésus-Christ, après l’union, qu’une nature. Peut-être voulait-il donner à cette allirmation le sens que saint Cyrille attribuait à sa formule ; jia çûj ç zo’j.’iyr)j7-.z3.yL">[j.ivT„ mais il ne sut pas cxpliqncr sa pensée : au contraire, attribuant à Jésus, par une distinction subtile, un corps humain, mais non pas un corps d’homme (voir l.v, col. 1591), il semblait nier la consubstantialité de Jésus avec nou> ; loiil au moins avouait-il n’avoir « pas dit que le corps du Solj^ncur notre Dieu nous fût con%ubslanliel. Cf. Mansi, t. vi, col. 741. I.es controverses suscitées par l’eutychianisme se continuèrent, après Eutychès, dans les discussions monophysites.

Voir t. v, col. 1601 sq. Le point commun à toutes les affirmations monophysites, c’est la doctrine d’une seule nature en Jésus-Christ après l’union. Les sévériens, hétérodoxes en terminologie, parce que rejetant les formules de Chalcédoine, semblent avoir admis l’unité de nature au sens de saint Cyrille. Néanmoins, leur opposition aux formules du concile sullit à les ranger au nombre des hcrétioues. Voir Eutychès, col. 1599 ; Hérésie, t. vi, col. 2218-2219.

Sur les préliminaires et les discussions du concile de Chalcédoine qui termina dogmatiquement l’affaire de l’eutychianisme, voir Chalcédoine, t. ii, col. 2190 sq.

V. Définitions plus précises du dogme. — 1° Lettre dogmatique de saint Léon à Flavien, cvêque de Constantinople. — Cette lettre, P. L., t. liv, col. 763, cf. Cavallera, Thésaurus, n. 677-687, propose des formules qui. tout en maintenant les acquisitions doctrinales d’Éphèse, évitent les tendances et la terminologie moins exacte de saint Cyrille et de l’école d’Alexandrie.

En voici les passages importants :

C. II. Nesciens quid deberet deVerbi Dei incarnatione sentire, nec volens ad pro merenduni intelligentia ? lumen insanctarumScriptiirarum latitudine laborare, illam salteni coniniuncm et indiscretam confessioneni sollicito reccpisset auditii, qua fidelium uni versitas profitetiir : credere se in Dcum Patrcm oninipotentem et in Jesum Christum Filiuni cjus unicum, Doniinum nostrum, qui natus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine. Quibus tribus sententiis omnium fere ha » reticorum machina ; destruuntur. Cuni cnini Deus et omnipotens et Pater creditur, consempitcrnus eidem Filius domonstratur, in nullo a Pâtre dillerens, quia de Dec Dcus, de omnipotent eonini pot pns.dea’liTno natus est coa ; lenius, non posterior tenipore, non inferior potestate, non dissimilis sloria, non divisas essentia ; idem vcro sempiterni Geniloris l’nigenitus scmpiternus natus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine. Quae nativilas temporalis illi nativitali divinse et scinpiternip niliil minuit, nihil contulit, scd tolam se rcparando honiini… impendit. .. Non cnim superare posscmus pccoati et niortis auctorcm. nisi naturani nostram ille suscipcrct et suam taccret, qucm nec pcccatum contaminarc, nec mors potuit dctinere. C.on(epfus quippe est de Spiritu Sancto intra uleruni Matris Virginls, cpia> illum, ila salva virjiinilate cdidit qucmadmodum salva virginitatc conccpil…

Nec fruslratorlp loquens, ita Ncrhuni dicorcl cnrncm facluni, ut cdilus utero Virginis Christ us habprrt lorniam liominis, et non habcret niatcrni corporis veriintrm. An forte idro

Ignorant ce qu’il devait croire sur l’incarnation du Verbe de Dieu, et ne voulant pas scruter sur ce point la sainte Écriture, il (Eutychès ) aurait dû, au moins, s’en tenir au symbole que tous connaissent et professent, et croire en Dieu, le Père tout-puissant, et en .lésus-Clirist, son Fils unique, Notre-Scigneur, né par le Saint-Esprit de la Vierge Marie. Ces trois propositions suffisent presque pour vaincre toutes les hérésies. Car celui qui croit en Dieu le Père tout-puissant, reconnaîtra que le Fils est coéterncl au Père, dont il ne diffère en rien, parce ipi’il est Dieu de Dieu, toutpuissant du tout-puissant, coéternel (le l’éternel, n’étant ni inférieur quant au temps, ni moindre quant à la puissance ni inégal quant A la majesté, ni séparé tpiant à la substance. Et ce Fils éternel d’un Père éternel est né par le Saint-Esprit de Marie In Vierge. Cette naissance temporelle n’a rien retranché, rien ajouté à la naissance divine et éternelle ; son unique raison d’être a clé le salut des hommes… car nous ne pouvions dominer l’auteur du péché et de la mort, si Lui, qui n’est pas souillé du péché et qui n’a pas ù craindre la mort, n’avait pris notre nature et ne l’avait faite sienne. Il a été conçu par le Saint-Esprit dans le sein de la Vierge, qui l’a enfanté sans qu’elle perdît sa virginité, de même qu’elle l’a conçu sans qu’il y fût porté atteinte…

( J.ul < liés) n’aurait pas alors pensé que le Verbe s’est fait chair dans ce sens que le (Christ né du sein de la Vierge avait une forme humaine, sans avoir un corps véritable de la même

putavit Dominum nostruni Jesuin Christum non nos-Irae esse natuia-, quia missus ad beatani Mariani semper virginem angélus ait : Spiritus Sancliis superveniet in te, et virtiis Altissimi obumbrabil tibi, idcoque et quod nasectur ex te sanctum, iiocabitur Filins Dei ? ut quia conceptus Virginis divini fuit operis, non de natura concipicntis fuerit caro concepti. Sed non ita intelligenda est illa generatio singularitcr mirabilis, et miiabiliter singularis ut per novitatem creationis proprietas remota sit generis. Fœcunditatem enim Virgini Spiritus Sanctus dédit, Veritas autem corporis sumpta de corpore est ; et sedificante sibi sapientia domum, Vcrbiim caro faclum est et habitavit in nobis, hoc est, in ea carne, quani assumpsit ex homine et quam spiritu vita ; rationalis animavit.

C. III. Salva igitur proprietate utriusque naturse et substantif, et in unam coeunte personam, suscepta est a majestate hiimilitas, a virtute infirmitas, ab aetcrnitate mortalitas ; et ad rcsolvenduni conditionis nostra » debitum, natura inviolabilis naturæ est unita passibili, ut, quod nostris remediis congruebat, unus atque idem mediator Dei et hominum, homo Jésus Christus, et mori posset ex uno, et mori non posset ex altcro. In intégra ergo veri hominis perfectaque natura verus natus est Deus, totus in suis, totus in nostris. Nostra autem dicimus, qua ; in nobis ab initio Creator condidit et quæ reparanda suscepit… Assumpsit forniam servi sine sorde pcccati, humana augens, divina non minuens ; quia exinanitio illa, qua se invisibilis visibilem præbuit, et Creator ac Dominus omnium rerum’unus voluit esse mortalium, inclinatio fuit niiserationis, non defectio potestatis. Proindc qui mancns in forma Dei fecit hominem, idem in forma servi factus est homo. Tenet enim sine defectu proprietatem suam utraque natura ; et sicut formam servi Dei forma non adimit, ita formam Dei servi forma non minuit.

nature que celui de sa mère, l’eut-étre a-t-il pensé que le Christ n’était pas de même nature que nous, parce que l’ange dit à Marie : « l.e Saint-Esprit descendra en toi, et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; aussi le Saint qui naîtra de toi sera-t-il appelé le Fils de Dieu » ? Il a cru peut-être que, parce que la conception de laVicrge a été une teuvre divine, la nature de celui qui a été conçu n’est pas la même que la nali.re de celle qui a conçu. Mais il ne faut pas comprendre ainsi cette génération singulièrement admirable et admirablement singulière : la conception du Verbe n’a pas fait dis paraître en lui la condition d’existence du genre (humain). Le Saint-Esprit a donné la fécondité à une Vierge, la réalité du corps (du Christ) est prouvée par ! a réalité du corps (de la mère) ; aussi l’évangéliste dit : « Le Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire la sagesse de Dieu s’est bâti une maison dans cette chair humaine qu’il a prise, et qu’il a animée d’une âme raisonnable.

Les propriétés des deux natures et substances étant donc pleinement sauvegardées et s’étant réunies en une seule personne, la majesté s’est revêtue de la bassesse, la force de faiblesse, et l’éternité de la mortalité. Pour payer notre dette, la nature impassible s’est unie à la nature passible, pour qu’il y eût, suivant l’exigence de notre salut, entre Dieu et les hommes, un médiateur qui, d’une part, pouvait mourir, et, de l’autre, était immortel. Le vrai Dieu est né avec la nature complète et parfaite d’un homme véritable, parfait dans sa nature propre, parfait dans la nôtre. Je dis dans la nôtre, c’est-à-dire dans cette nature telle qu’elle a été faite par le créateur et que (le Christ) a revêtue pour la réparer. .. Il a pris l’état de serviteur sans la souillure du péché, relevant l’humanité sans diminuer la divinité. Cet abaissement, par lequel celui qui était invisible s’est manifesté visiblement, et par lequel le maître et le créateur du monde voulut devenir un des mortels, cet abaissement volontaire n’est pas une abdication de puissance, mais bien une condescendance de la miséricorde. Lui qui étant Dieu avait fait l’homme, s’est fait homme lui-même en prenant la forme de serviteur. Chaque nature conserve ce qui lui est propre, et, demêmeque la

C. IV. Ingreditur ergo ha-c niundi inlima Filius Dei… nova autem nativitate generatus, quia inviolata virginilas concupisccntiani nescivit, carnis niateriam ministravit. Assumpta est de matre Domini natura, non culpa ; nec in Domino Jesu Christo, ex utero Virginis genito, quia nativitas est mirabilis, ideo nostri est natura dissimilis. Qui enim verus est Deus, verus est homo ; et nullum est in hac unitate mendaciuni, duni inviccm sunt et humilitas hominis et altitudo Deitatis. Sicut enim Deus non mutatur miscratione, ita homo non consumitur dignitate. Agit enim utraque forma cum alterius communione, quod proprium est ; Verbo scilicet opérante quod Verbi est, et carne exequente quod carnis est… L’nus enim idemque est, quod sæpe dicenduni est, vere Dei Filius et hominis filius… Quamvis enim in Domino .Jesu Christo Dei et hominis una persona sit, aliud tamen est, unde in utroque communis est contumelia, aliud unde communis est gloria. De nostro enim illi est minor Pâtre humanitas ; de Pâtre illi est îequalis cum Pâtre divinitas.

C, v. Propter hanc ergo unitatem personse utraque natura intelligendam et filius hominus legitur descendisse de cselo, cum Filius Dei carnem de ea Virgine, de qua est natus, assumpserit. Et rursus Filius Dei cruciflxus dicitur ac sepultus, cum hœc non in divinitate ipsa, qua Unigenitus consempiternus et consubstantialis est Patri, sed in natura : humana » sit infirmitate perpessus. Unde unigenitum Filium Dei cruci fixum et sepultum omnes etiam in symbolo confitemur, secundum illud apostoli : Si enim cognovisscnt, nunquam Dominum majestatis cruci/liissent. Cum autem in se Dominus noster atque Salvator fidem discipuloruni suis interrogationibus erudiret, Qucm me. inquit, dicunt homines esse fiilum hominis ? Clinique illi diversas allorum opiniones retexuissent, vos autem, ait, quem me esse dicitis ? Me utique, qui sum filius ho condition de Dieu n’anéantit pas la coi.dition d’homme, de même la condition de serviteur ne nuit en rien à celle de Dieu.

Le Fils de Dieu entre donc dans ce monde infime, par une naissance singulière, le sein virginal qui lui fournit son corps n’ayant jamais connu la corruption de la concupiscence. Il donc pris, de sa mère, la nature (humaine), non la faute de l’humanité ; et en Notre-Seigneur Jésus-Christ la naissance admirable n’implique pas une différence de nature. Celui qui est vrai Dieu est aussi vrai homme ; et il n’y a en cette unité aucun mensonge, car elle est formée du rapprochement de l’humilité de l’homme et de la grandeur de Dieu. Dieu n’a pas été changé par sa miséricorde : ainsi l’humanité n’a pas été absorbée par la majesté divine. Chacune des deux natures fait, en union avec l’autre, ce qui lui est propre : ainsi le Verbe opère ce qui est du Verbe, et la chair exécute ce qui est de la chair… C’est ainsi qu’il faut le répéter souvent, un seul et même [sujet] est tout à la fois véritablement Fils de Dieu et fils de l’homme. .. Quoiqu’en Notre-Seigneur Jésus-Christ il n’y ait qu’une seule personne de Dieu et de l’homme, autre est la source de l’humiliation commune, autre la source de la commune gloire. Il a de nous l’humanité, qui est moindre que le Père, et du Père, il tient la divinité qui le rend égal au Père.

En raison de cette unité de personne dans les deux natures, on lit que le fils de l’homme est descendu du ciel, quoique ce soit le Fils de Dieu qui ait pris chair de la Vierge. De même on dit que le Fils de Dieu a été crucifié et a été enseveli, quoiqu’il n’ait pas souffert dans sa divinité, selon laquelle il est Fils unique du Père, coéternel et consubstantiel au Père, mais seulement dans l’infirmité de sa nature humaine. C’est pourquoi encore nous confessons tous, dans le symbole, que Lui, le Fils unique de Dieu, a été crucifié et a été enseveli, conformément à ces paroles de l’apôtre : « S’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais crucifié le maître de la gloire. Lorsque le Seigneur voulut éclairer la foi de ses disciples par ses questions, il leur demanda : « Qui dit-on que je suis, moi, le fils de l’homme ? » Et lorsqu’ils eurent rapporté les diverses

minis, et quem in forma servi atque in veritate, Garnis aspicitis, quem me esse dicitis ? Ubi B. Petrus… Tu es, inquit, Christus Filius Dei viui. Nec immerito beatus est pronuntiatus a Domino, qui per revelationem Patris eumdem et Dei Filium est confessus et Christum : quia unum horum sine alio receptum non proderat ad salutem, et aequalis erat periculi, Dominum Jesum Christum aut Deum tantummodo sine homine, autsine Deosolumhominem credidisse.Post resurrcctionem vero Domini(qu8e utique veri corporis fuit, quia non alter est ressuscitatus, quam qui fuerat crucifixus et mortuus) quid aliud quadraginta dierum mora gestum est, quam ut fidei nostrse integritas ab omni caligine mundaretur ? Colloquens enim cum discipulis suis et cohabitans atque convescens, et pertractari se diligenti curiosoque contactu ab eis, quos dubietas perstringebat, admittens, ideo et clausis ad discipulos januis introibat, et flatu suo dabatSpirituni Sanctum, et donato intelligentiae lumine sanctarum Scripturarum occulta pandebat. et rursus idemvulnus lateris, fîxuras clavorum, et onrnia recentissimse passionis signa monstrabat… ut agnosceretur in eo proprietas divinae tiumanœque naturse individua permanere, et ita sciremus, Verbum non hac esse quod carnem, ut unum Dei Filium et Verbum confiteremur et carnem. Quo fidei sacramento Eutyches iste nimium sestimandus est vacuus qui naturam nostram In Unigenito Dei nec per humilitatem mortalitatis, nec per gloriam resurrectionls agnovit… Caligans ▼ero circa naturam corporis Christi.necesse est ut etiam in passione ejus eadem’obesecatione desipiat. Nam si crucem Domini non putat falsam, et susceptum pro mundi salute supplicium verum fuisse non dubital ; cujuscredit niortem, agnoscat et carnem ; nec difUtcatur nostri corporis liominem, quem cognoscit fuisse passibilem, quoniam ncgatio .verse rarnis, ncgatio est ctlam corporese passionis. ..

opinions, il leur demanda : "Mais"vous, qui croyez-vous que je sois ? Moi qui suis le fils de l’homme, et qui vous ai apparu sous la forme de serviteur et dans une chair véritable, que dites-vous que je sois ? Alors saint Pierre… : « Vous êtes, dit-il, le Christ, Fils du Dieu vivant. Et c’est à juste titre que Pierre fut appelé, par le Seigneur, bienheureux, … lui qui, instruit par la révélation du Père, confessa que le Christ et le Fils de Dieu sont la même personne, parce que l’un sans l’autre n’aurait pu opérer notre salut et qu’il était également périlleux de croire en Jésus-Christ Notre-Seigneur ou simplement Dieu sans humanité, ou simplement homme sans divinité. Après la résurrection de son véritable corps (car c’est le corps qui a été crucifié qui est ensuite ressuscité), qu’a-t-il fait pendant quarante jours, sinon éclairer notre foi et la préserver de tout doute ? Il a conversé avec ses disciples, habitant et mangeant avec eux, se laissant approcher par le contact interrogateur et curieux de ceux que le doute travaillait ; il est allé, les portes closes, vers ses disciples ; il leur a communiqué par son souffle le Saint-Esprit, leur dévoilant les mystères des saintes Écritures à la lumière de l’intelligence (divine) qu’il leur donnait ; il leur montrait la blessure de son côté, les plaies des clous et tous les signes de sa récente passion…, afin que l’on connût qu’il possédait les propriétés de la nature divine et de la nature humaine d’une façon inséparable, et afin que, sans identifier le Verbe et la chair, nous fussions convaincus que le Verbe et la chair ne formaient qu’un Fils de Dieu. Eutyches a complètement ignoré ce mystère de la foi, lui qui n’a reconnu notre nature dans le Fils unique de Dieu, ni dans l’humilité de ^la mort, ni dans la gloire de la résurrection. .. Hésitant sur la nature même du corps du Clirist, il doit aussi, nécessairement, enseigner avec le même aveuglement des choses qui n’ont pas de sens au sujet de ses souffrances. Car celui qui croit àTla réalité de la croix du Seigneur et ne doute pas de la vérité du supplice que.lésus a supporté pour le salut du monde, celui-là doit, ainsi qu’à la mort de.Jésus, croire à sa chair [humaine] et s’il admet l^la passibillté du Christ, reconnaître sa vérl C. VI. Cum autem ad interlocutionem examinis vestri Eutyches rcsponderit, dicens : Conftteor ex duabua naliiris fuisse Dominum nostrum ante adunaiionem : post vero adunationem unani naturam confiteor ; miror tani absurdam tamque perversam ejus professionem. .. : tam impie duarum naturarum ante incarnationem unigenitus Dei Filius fuisse dicatur, quam netarie postquam Verbum caro factum est, natura in eo singularis asseritur.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

table humanité : nier que Jésus ait eu une chair véritable, c’est nier qu’il ait réellement souffert.

Comme à votre question Eutyches a répondu en ces termes : « Je professe qu’avant l’union Notre-Seigneur était en deux natures ; mais, après l’union, je crois qu’il n’existait plus qu’une seule nature, je suis surpris qu’on lui ait laissé émettre ainsi une profession de foi aussi insensée et blasphématoire… Il est aussi impie de dire que le Fils unique de Dieu était en deux natures avant l’union, que de soutenir qu’après l’incarnation il n’avait plus qu’une seule nature.

Celte admirable lettre doi ; matique résume parfaitement la doctrine et propose une terminologie claire et déjà suffisante. Au point de vue de la doctrine, le pape précise tout d’abord que le dogme de l’union des natures en une seule personne est contenu implicitement dans trois propositions fondamentales du symbole, qui « suffisent à vaincre toutes les iiérésies ». Il affn-me ensuite que, pour payer notre dette, Jésus-Christ a pris notre nature tout entière, dans le sein de la Vierge Marie — c’est l’argument développé contre Apollinaire, voir col. 470 — - et que sa chair n’est autre que notre propre humanité ; que l’union de la personne divine à la nature humaine n’a nui à l’intégrité ni de la nature divine ni de la nature humaine : les propriétés des deux natures et substances sont pleinement sauvegardées ; que les deux natures sont unies en une personne : Salva proprietate ulriusquc naturse et substantiee, in unam coeunte personam : les trois premiers chapitres de la lettre ne sont que le développement de ces articles de foi ; que, chaque nature opérant en union avec l’autre selon son mode propre, les opérations doivent être néanmoins rapportées à l’unique personne (lu Christ : agit atruqiie forma cum alterius communionc, quod proprium est… ; unus idemque est, quod sœpe diccndum, vere Filius Dei et hominis filius, c. IV. Enhn, la communication des idiomes est olTiciellement consacrée au c. v, propter liane unitatem personæ in utraque natura intelligendum est, et prouvée par l’autorité de la sainte Écriture elle-même. La doc-Iriiic d’Eutychès est répréhensible parce qu’elle n’accepte pas l’union des deux natures, chacune des natures conservant ses propriétés et son intégrité substantielle ; mais elle est tout aussi répréliensible à causede ses conséquences, dont laprincipale est la négation de la réalité de la passion de Jésus-Christ. La réponse d’Eutychès à l’évcque Flavien, c. vi, est plus impie encore : elle laisserait supposer qu’auant l’union l’humanité ou tout au moins l’Ame du Christ aurait existé. Cf. S. Léon, Episl., xxxv, c. ni, P. L., t. liv, col. 807-810. La lettre dogmatique de saint Léon est justement célèbre dans les annales de l’Église catholique : le concile de Chalcédoine, act. II et IV, prodigua les témoignages d’admiration à cette lettre, qu’on traita avec autant de révérence que si elle avait eu pour auteur l’aijùtre Pierre en personne, cf. Hcfele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 568-569 ; mais auparavant déjà, elle avait reçu la l)leinc approbation des évêqucs de la haute Italie réunis à Milan. Episl., xcvn.c.i, P. L., t. liv, col. 10.37 ; Mansi, t. vi, col. 141. On ne peut pas dire alisolument qu’elle marque un progrès Ihéologique et dogmatique relativement au <lo(ime de l’union hyposlalique ;

VII. —16

elle est plutôt un exposé solennel et précis de ce dogme, tel qu’il était professé et pronmljiué par rÉfjlise. (Sur cette profession et promulgation de la foi catholiciue eu Occident, voir Libellas pastoris et les analhémes v, vi, vii, viii, qui y font suite. Dcnzinf^er-Banuwart. n. 20, 25, 26, 27, 33 ; Cavallera, Thésaurus, n. G76.) Le souffle théologique y est beaucoup plus faible que dans les œuvres de saint Cyrille : mais il faut se souvenir que saint Léon n’a pas voidu faire œuvre de spéculation ; il avait simplement : ’i prononcer un jugement et à proposer la foi exacte. Plu-i tard, lorsque ses légats, envoyés à Éphèse pour présider le concile convoqué par Théodose IL durent s’enfuir sans avoir pu remplir leur mandat et lire l’épître dogmatique, Léon y ajouta un appendice patristique, P. L., t. liv, col. 1173, nettement inspiré de ThéodoreL Dial, II, P. G., t. Lxxxiii, col. 109. Le principal passage invoqué par saint Léon est un fragment de saint Cyrille : ce fragment était bien de nature à faire impression sur les partisans d’Eutychès, car on y lisait la déclaration suivante : « Nous ne disons pas que la nature de Dieu a été transformée en chair. Nous ne disons pas non plus qu’elle a été transformée en un homme composé d’un corps et d’une âme. Nous disons que le Verbe s’est uni substantiellement, d’une manière incompréhensible et ineffable, à une chair animée par une âme raisonnable. » P. L., t. uv, col. 1187.

Le formulaire dogmatique de Chakédoinc.

Voir

le texte, Chalcédoine, t. ii, col. 2194-2195. Le concile enseigne, sous peine d’anathème pour ceux qui ne voudront pas adhérer à la foi qu’il promulgue : 1. « un seul et même Fils Notre-Seignenr Jésns-Christ, complet quant à la divinité, complet quant à l’humanité, vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstanticl au Père quant à la divinité, et consubstanticl à nous quant à l’humanité…, engendré du Père avant les siècles selon la divinité et, selon l’humanité, né pour nous… de la Vierge Marie, mère de Dieu. » Cette première partie de la profession de foi conciliaire vise directement les hérésies antérieures au nestorianisme et à l’eutychianisme, l’adoptianisme, l’arianisme, l’apollinarlsme, sous toutes leurs formes. Voir plus haut, col. 464 sq. Le concile confesse : 2. « un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, en deux natures, sans mélange, sans transformation, sans division, sans séparation ; car l’union n’a pas supprimé la différence des natures : chacune d’elles a conservé sa manière d’être propre, et s’est rencontrée avec l’autre dans une unique personne ou hypostase. » Ici, l’eutychianisme est directement visé, ou plutôt le concile rétablit la foi orthodoxe contre les exagérations de toutes sortes qu’y introduit toute espèce de monophysisme. Voir t. II, col. 2205. Notons dans cette seconde partie du décret plusieurs expressions qui fixenldésormais la terminologie catholique en matière christologique : tout d’abord, les termes àauyyû-fiK, i.- : pir.- : i :, qui marquent avec netteté l’intégrité substantielle des natures unies, et les termes à31<xip=T(o ;, àycopiaTO)- :, qui marquent leur union persistante ; ensuite la formule, empruntée à saint Léon, de l’union dans la personne ou l’hypostase. Le progrès dogmatique est ici évident : au lieu des formules [jiçiç, zpàc ? ::, ÉvfDîjiç y.axà cpûfftv, çuatxrj’, que nous avons rencontrées chez les Pères du iv » siècle et chez saint Cyrille d’Alexandrie particulièrement, formules qui pouvaient prêter à une interprétation monopliNsite, le concile ne retient plus comme définitive qu’une formule, îvrosiç zaO’'-ôa-aciv, qu’il empnmte à saint Cyrille, Episi. ad Nesioriurn, iv, P. G., t. Lxxvii, col. 46, et ii « analhématisme, col. 12 « , mai^ en en précisant le sens. Il ne s’agit plus simplement d’une union réelle,

par opposition à l’union morale de Nestorius ; le mode même de l’union est déterminé par l’apposition des deux termes -pdir.^zov et G-o^Taî’. ;. L’union selon l’hypostase signifie ici l’union selon la personne, hypostase étant pris pour réquivalent de personne, en christologic, comme il l’avait été antérieurement dans les questions trinitaires. Voir Hypostasi ;, col. 390. Knlin, sur l’expression âv ojo ijScci’.v, on se reportera à ce qui a été dit, t. ii, col. 2207. Sur tous ces points, l’œuvre du concile fut, non pas d’innover, mais de préciser et de formuler exactement la doctrine reçue. Le concile de Chalcédoine n’a fait que « choisir, parmi les formules consacrées par la tradition, les conciles et les Pères, celles qui paraissaient exposer de la façon la plus nette et la plus précise la croyance traditionnelle de l’Église sur l’incarnation et sur le Christ. En allirmant l’union en une personne ou hypostase des deux natures, ils rejetaient le dualisme nestorien ; ils condamnaient le monophysisme eutychicn en déclarant que cette unité personnelle laissait subsister dans le Christ la différence et distinction des deux natures. » Ibid.

Les définitions postérieures à Chalcédoine.


1. Synthèse historique des faits. — A partir du concile de Chalcédoine, la terminologie et le sens exact du dogme catholique sont fixés définitivement. Les controverses cependant ne sont pas terminées. D’un côté le nestorianisme persévère encore, surtout en Perse. Les représentants de cette école s’en tiennent aux formules de Nestorius : ils n’admettent en Jésus-Christ qu’une union de personnalité morale : en Jésus, deux substances concrètes ou liypostases. Telle est la doctrine fondamentale du nestorianisme persan. Le Synodicon orientale de 486, l’homélie de Narsès (485 à 490) sur les trois grands docteurs Diodore, Théodore et Nestorius, maintiennent, même contre Chalcédoine, les formules chères au nestorianisme ; pas deOiotozo ;  : J-ocï- : 7.7 ; ç identifié avec çûa ;  ;, deux natures, deux hypostases et une personne dans le Christ. L’identification d’hypostase et de personne, promulguée à Chalcédoine, est donc formellement rejetée. Quelques fluctuations au milieu du vie siècle, dans un sens modéré, ne suffisent cependant pas à interrompre une tradition qui s’affirmera aussi hostile à la doctrine catholique que jamais, à la fin du vi^ et au commencement du viie siècle, avec Babai-le-Grand, abbé d’Izla. Sur tous ces points, en attendant l’art. Nestorics, on consultera Labourt, Le christianisme dans l’empire persan sous la dynastie sassanide, Paris, 1904 ; W. A. Wigram, An introduction to the history of thc Assyrian Church, Londres, 1910, et les sources indiquées par ces auteurs. — D’autre part, le monophysisme n’est pas brisé par les décisions du concile lie Chalcédoine, qui semblent donner raison aux autiocliiens modérés, tel Théodoret de Cyr. Comme le di ! fort exactement M. Tixeront, op. cit., t. iii, p. 98 : « La formule doctrinale qui en sortit (de Chalcédoine) était excellente et faisait aux décisions d’Éphèse et à la doctrine cj’rillienne un utile contre-poids : elle sauva la croyance au Christ historique menacée par les rêveries eutychiennes. Malheureusement on ne poussa pas assez loin le travail d’interprétation et il ne se trouva personne pour montrer comment les décisions de Chalcédoine ne contredisaient pas celles d’Éphèse ni les enseignements de saint Cyrille, en quoi péchait le langage de ce dernier, et comment il devait être entendu et compris pour s’ajuster aux nouvelles formules. On se contenta d’affumer l’équivalence du fond sans la démontrer. Dès lors, le malentendu subsista et tout un immense parti continua de penser que le concile d’Éphèse avait été condamné par celui de Chalcédoine et la christologic de saint Cyrille par la lettre de Léon. » Le monophysisme subsista donc même

après Chalcédolne : les différentes formes qu’il revêt marquent différentes systématisations théologiques de l’erreur initiale d’Eutychès. Sur ces différentes formes, voir Eutychès et eutychianisme, t. v, col. 1601 sg.

Sur le développement théologique qui s’y rencontre, voir plus loin. A vrai dire, ces formes nouvelles du monophysisme ne provoquent pas de nouvelle sentence dogmatique de l’Église catholique. Pour amener de nouvelles affirmations solennelles relatives à l’union hypostatique, il faut des retours offensifs du monophysisme, tantôt dans un sens acceptable, comme ce fut le cas de l’affaire des Trois Chapitres, voir CoNSTANTiNOPLE (// « concHc de), t. iii, col. 1231-1239, et, plus tard, la question du monothélisme, voir ce mot, et Gonstantinople (III^ concile de), t. ra, col. 1260-1266. On sait d’ailleurs que le IIP concile de Gonstantinople avait été précédé et préparé par un concile romain de Latran, en 649. Après les décisions du 1I<= concile de Gonstantinople où fut acclamée la célèbre lettre dogmatique du pape Agathon, il n’y a plus, à proprement parler, de controverses christologiques en Orient. Les définitions qui se produiront ne seront plus, relativement à l’union hypostatique, que le rappel et la répétition des définitions antérieures d’Éphèse, de Ghalcédoine et de Gonstantinople.

2. Définitions du II « concile œcuménique de Gonstantinople. — Voir le texte et le commentaire des 14 anathématismes, t. iii, col. 1239-1259. Le ! >= anathématisme fixe la doctrine catholique relative à la Trinité. Un seul point nous intéresse, l’identification des termes « hypostase » et « personne », voir col. 1240. Le ii « anathématisme vise très spécialement la théorie nestorienne. Dieu le Verbe a deuxiiaissances, l’une, éternelle, comme Dieu, l’autre, temporelle, comme homme, par l’incarnation qui a fait de la Vierge Marie la mère de Dieu. Le iii « anathématisme condamne ceux qui séparent Jésus en deux sujets, il n’y a pas dans le Ghrist a’LXoç et àiXXoç, c’est-à-dire deux hypostases ; mais c’est un seul et même Notre-Seigneur Jésus-Christ, Verbe de Dieu, qui s’est incarné et fait liomme, à qui reviennent et les miracles et les souffrances qu’il a volontairement supportées dans sa chair », col. 1242.

Mais le iv<= anathématisme est, pour la doctrine de l’union hypostatique, d’une importance exceptionnelle. Il condamne tout d’abord la théorie de l’union morale, selon une certaine égalité d’honneur, ou selon un rapport ou une relation, ou selon l’énergie, au sens de Théodore de Mopsueste ou des nestoriens, qui « affirment ouvertement l’existence de deux personnes, protestant ne parler d’une seule personne et d’un seul Glirisl qu’au point de vue de l’appellation et de l’honneur et de la dignité et de l’adoration ». Il affirme ensuite que " l’union du Dieu Verbe avec la chair animée par une âme raisonnable et pensante s’est faite Lx-.k TJvOîî’.v, c’cst-à-dife selon l’hypostase ». Il n’y a donc en Jésus-Christ qu’une unique hypostase, ; j.iav JTTÔiTai’.v, laquelle est Jésus lui-même, « l’un de la sainte Trinité. Mais le saint concile nous signale cpj’il y a trois façons de comprendre cette union selon l’hypostase : la manière impie d’.VpolIinaire et d’Eutychès, qui implique une /usion entre les éléments constitutifs de l’union, lescjuels disparaissent dans cette union par confusion, L/x-.’ol ^jyyji : / ; la manière de Théodore (de Mopsueste) et de Nestorius, « introduisant une union relative, 7/î- : -.y.f, v -r, / jv’.)^ ; / ; enfin, hi conception catholique, « rejetant l’impiété de l’une cl l’autre hérésie, confesse l’union (plus exactement : unitionem, ïP., - ;  : j) du Verbe de Dieu à la chair, selon la synthèse, c’est-A-dire selon l’hypostase. La canonisation du mot ijvDi’S'. ; pour indiquer l’union

personnelle, hypostatique, est remarquable dans cet anathématisms ; avec l’allusion à Vunus de Trinitate, qui fut le problème initial de l’affaire des Trois Chapitres, on peut dire qu’elle constitue l’élément vraiment original de la définition. L’expression ïvfoj ;  ; xati cjjvOîcîtv indique la composition de l’iiypostase ainsi formée par l’union du Verbe à la chair, parce que « non seulement elle sauvegarde l’inconfuùon des éléments entre lesquels se fait l’union, mais aussi elle exclut toute division ». Il était bon que le concile qui a voulu, en acceptant le mot 7jvO ; c7’. ;, faire une concession aux monophysites, expliquât d’une façon précise le sens de ce mot cher aux sévériens. Voir col. 441. Il est à remarquer d’ailleurs que la formule de Ghalcédoine est reprise et derechef approuvée par le concile ; l’union par synthèse est l’équivalent de l’union hypostatique : l’Église professe l’union du Verbe Dieu à la chair zaTà TJvO : criv, oizep èit ; y.aO’O-ojtajtv, col. 1215-124().

Le v° auatliématisme explique le sens du décret do Ghalcédoine, en reprenant ce qui vient d’être afflrmi de l’unité de sujet dans le Ghrist. Il s’agit toujours d’en exclure toute interprétation nestorienne : « Si quelqu’un admet cette unique hypostase en Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais comme susceptible d’être interprétée dans le sens de plusieurs liypostases, et par là essaie d’introduire dans le mystère du Ghrist deux hyposlases ou deux personnes et des deux personnes introduites ne prétend faire qu’une sous le rapport de la dignité, de l’honneur et de l’adoration, comme l’ont écrit dans leur délire Théodore [de Mopsueste] et Nestorius, et s’il calomnie le saint concile de Chalcédoine, en affirmant que c’est dans ce sens impie qu’il a employé cette expression d’une hypostase ; s’il ne confesse pas que l’union du Dieu Verbe avec la chair s’est faite selon l’hypostase, et par conséquent que son hypostase ou sa personne est une, et que c’est dans ce sens que le saint concile de Ghalcédoine a professé Vanité d’hyposlase en Noire-Seigneur Jésus-Christ, qu’il soit anathème. » Et, après cet auathème, apparaît encore une allusion à Vunus de Trinitate : « Car, ajoute le concile, même par l’incarnation de l’un de la sainte Trinité divine, le Dieu Verbe, cette sainte Trinité n’a subi aucune adjonction d’hypostase ou de personne. »

L’anathématisme vi » prend soin d’expliquer le Oso-ToV. oç, proclamé à Chalcédoine, dans le sens même où les Pères d’Éphèse l’entendirent : ce n’est pas dans le sens impie de Théodore, mais « au sens propre et en toute vérité ».

L’anathématisme vii<’explique l’expression : en deux natures, consacrée par saint Léon et le concile de Chalcédoine. C’était le point qui touchait au vif les partisans plus ou moins avérés du monophysisme : « Si quelqu’un, employant la formule sv ojo ojjsjt, ne confesse pas que Vunique Notre-Seigneur Jésus-Christ est reconnu être en la divinité et en l’humanité, afin d’indiquer par là la différence des natures dont s’est constituée sans confusion l’union ineffable, sans que ni le Verbe se soit transformé en la nature de la chair, ni la chair se soit élevée jusqu’à la nature di Verbe (car chacun d’entre eux demeura ce qu’il est par nature, môme une fois réalisée l’union selon l’hypostase) — mais s’il prend cette formule… dans le sens d’une division en parties en confessant le nombre des natures… ne prend pas la différence des natures en théorie, fhropt’-a iio’vT)… mais se sert du nombre pour arriver à avoir les natures séparées et douées chacune de sa propre hypostase. qu’il soit anathème. » Ce canon explique, d’une part l’inc-onfusion (v.s, natures dans l’union : c’est un commentaire de. termes, àijy/jt’.i. :, irpin--’> ; du concile (le Chalcédoine. Voir col. 403 Mais il ne faudrait pas prouver la distinction des deux

natures jusqu’à leur division : sur ce point, pour mieux marquer l’unité du Christ, le concile afïirme que la distinction doit être admise ûî’opia [Jovi, : c’est une concession de terminologie faite aux monophysites ; mais pure concession de terminologie, car il ai)paraît bien ici, d’après le contexte, que la distinction réelle, à laquelle s’oppose la distinction purement théorique dont il s’agit, serait celle qui aboutirait « à avoir des natures séparées et douées chacune de sa propre hypostase ». L’expression sv (j^’oofa est empruntée à saint Cyrille. Voir col. 475. A noter, à la fin de cet anathématisme, l’expression o’.oj-’iaTaTo ;, pour exprimer la subsistence propre à la personne ou hypostase.

Quelles que soient les concessions de terminologie faites au monophysisme, le concile ne pouvait laisser passer l’expression kI. oJo çjjî’ov, voir Euty-CHÈs, t. V, col. 1596, ou encore la formule : ata oja ;  : To3 Ao’yoj j ; aapL’i> ; j.Év7| sans l’expliquer : c’est l’objet du viii" anathématisme, qui vise directement la doctrine du monophysisme : « Si l’on ne prend pas ces expressions, conformément à la doctrine des saints Pères, dans ce sens que, de la nature divine et de i humaine, l’union selon l’hypostase une fois réalisée, il est résulté un Christ ; mais si, par ces expressions, l’on tente d’introduire une nature ou essence de la divinité ou de la ehair du Christ », on mérite l’anathème. « En affirmant que le Verbe unique s’est uni selon l’hypostase, nous ne disons pas qu’il s’est produit une confusion quelconque des natures entre elles, mais nous concevons plutôt que le Verbe s’est uni à la chair, l’une et l’autre des deux natures restant ce qu’elle est. C’est pourquoi un est le Christ, Dieu et homme, tout à la fois consubstantiel au Père selon la divinité, et consubstanliel à nous selon l’humanité. » Sur cette consubstantialité double, le concile ne fait que reprendre les expressions mêmes du concile de Chalcédoine. Voir t. ii, col. 2195. L’unité d’adoration suppose en Jésus-Christ l’unité de personne, mais non pas la confusion des natures. Tel est, en résumé, le sens de l’anathématisme IX.

Quant à l’anatliématisme x% il canonisait la formule tant discutée : un de la Trinité a souf/ert. En rapportant à Jésus cette affirmation, elle est pleinement orthodoxe et constitue simplement un cas particulier de la communication des idiomes. Approuvée déjà par Jean II, Denzinger-Bannwart, n. 201, cette formule, à laquelle tenaient tant les instigateurs du concile, reçoit ici une consécration définitive.

3. Le concile de Latran de 649. — On fait ici une place à part à ce concile romain, parce que son autorité, dans l’Église catholique, est presque aussi considérable que l’autorité d’un concile œcuménique. Sur VEcthèse et le Type qui provoquèrent les définitions et anathèm ?s pontificaux, voir Constantinople (’///< concile de), t. iii, col. 1263, 1264. Le symbole rédigé dans ce concile n’est que la répétition et la traduction de celui de Chalcédoine, auquel s’ajoute une profession de foi relative aux deux volontés et aux deux opérations naturelles dans le Christ. Mais, et ce point intéresse directement le dogme de l’union hypostatique, le concile fait dériver la foi en deux volontés et deux opérations, du dogme de l’union hypostatique lui-même : (credimus) et duas ejusdem, sicuti naturas unitas inconjuse, ita et duas naturales voluntates, etc. ; eumdem veraciter esse perfectum Deum et hominem perfectum, eumdem atquc unum Dominum noslrum et Deum Jesum Christum… Mansi, t. x, col. 1150 ; Hahn, op. cit., p. 238-242. Parmi les vingt canons qui furent promulgués à la suite de ce symbole, le 1° concerne spécialement le dogme trinitaire : les personnes y sont désignées sous le nom de subsistentiæ. Voir Hypostase, col. 391. Tous les autres canons ont pour objet de préciser le dogme de l’incarnation.

Le 2’= affirme que l’un de la sainte et consubstantielle Trinité, Dieu le Verbe s’est incarné, qu’il a été crucifié, qu’il a souffert spontanément pour nous, qu’il a été enseveli, qu’il est ressuscité, etc. A noter l’incise finale, dirigée contre les apollinaristes : cum assumpia <ib eo atque animata intellectualiter carne ejus. Le 3° canon consacre à la fois le dogme de la maternité divine et de la virginité ante et post partum de Marie. Le ! ’canon rappelle que, « selon la vérité, il y a, du même et unique notre Seigneur et Dieu, .Jésus-Christ, deux naissances, l’une éternelle, du Père, avant tous les siècles, l’autre, dans le temps, de Marie, toujours vierge et mère de Dieu ». La consubstantialité selon la divinité avec Dieu, avec nous selon l’humanité, est affirmée dans les mêmes termes qu’aux conciles de Chalcédoine et de Constantinople, et le canon ajoute la raison théologique de cette double consubstantialilé : ut loto homine eodemque et Deo tutus homo reformaretur, qui sub peecalo cecidil. Les canons suivants méritent d’être cités en entier :

J

Can. 5. Si quis secundum sanctos Patres non confitetur proprie et secundum veritatem unam naturam Dci Vcrbi incarnatam, per hoc quod incarnata dicitur nostra substantia perfecte in Cliristo Deo et indiminute absque tantummodo peccato significata, condemnatus sit.

Si quelqu’un ne confesse pas, selon la doctrine des saints Pères, proprement et en toute vérité, une nature incarnée de Dieu le Verbe, en ce sens que notre substance est dite incarnée dans le Christ-Dieu, dans sa totalité et sans diminution (sauf seulement le péché), qu’il soit condamné.

Une fois de plus, la formule pseudo-athanasienne, reprise par saint Cyrille, et introduite par le II « concile de Constantinople dans le langageofficiel de l’Église, reçoit sa signification déterminée. L’incise, absque tantummodo peccato, reproduit sans doute le texte du symbole. Le texte latin de ce symbole, dans la partie ajoutée à la formule chalcédonienne, porte simplement : eumdem esse (credimus) perfectum Deum et hominem perfectum eumdem atque unum Dominum nostrum Jesum Christum… Le texte grec ajoute, après hominem perfectum eumdem, ; j.ovi, ç oî/a -f, ; âaapTiaç. Mansi, t. x, col. 115.

Si quelqu’un ne confesse pas… que de deux natures et en deux natures unies substantiellement, sans confusion, sans division, est le même et unique Seigneur et Dieu Jésus-Christ, qu’il soit condamné.

Dans ce canon, apparaît le génie latin, qui ne s’embarrasse pas des subtilités orientales. Que l’on dise que Notre-Seigneur est de ou en ( : ? ou Jv) deux natures, peu importe : ce qui importe, c’est d’affirmer l’union substantielle de ces natures, leur inconfusion, leur indivision, et l’unité du sujet qui constitue la personne de Jésus-Christ.

Can. 6. Si quis… non confîtetur… ex duabus et in duabus naturis substantialiter unitis inconfuse et indivise unum eumdemque esse Dominum et Deum Jesum Cliristum, c. s.

Can. 7. Si quis… non confîtetur… substantialem differentiam naturarum inconfuse et indivise in eo salvatani, c. s.

Si quelqu’un ne confesse pas… que les natures conservent en lui (Jésus), sans confusion ni division, leur différence substantielle, qu’il soit condamné.

Les canons 8 et 9 expliquent cette doctrine sous les deux aspects qu’elle comporte, l’aspect de l’union substantielle, l’aspect des natures unies.

Can. 8. Si quis… non conSi quelqu’un ne confesse filetur… naturarum subpus… l’union substantielle stantialeni unitionem indides natures reconnue en vise et inconfuse in eo ce-.Jésus-Clirist, sans division, gnitam, c. s. sans confusion (des natures

entre elles), qu’il soit condamné.

Can. 9. Si quis… non conSi quelqu’un ne confesse ntetur… naturales propriepas que les propriétés natutatesdeitatis ejus et humanirelies de sa divinité et de tatis indiminute et sine del’humanité sont sauvegarminoratione salvatas, c. s. dées sans diminution, sans déformation, qu’il soit con damné.

Le canon 8’= est remarquable, parce qu’il précise que l’union substantielle des natures en Jésus-Christ, nous est connue avec les caractères que lui attribue le concile de Chalcédoine, indivision d’une part, inlonfusion d’autre part, dans les deux natures unies. Ne faut-il pas voir, dans cette précision du concile, une réponse aux interprétations exagérées du monophysisme, relativement à la distinction h Ûnoo.ot qu’il préconisait par rapport aux natures unies en Jésus-Christ ? On rapprochera avec intérêt ces trois derniers canons des affirmations de saint Léon, salva proprieiale ulriusque naiurse… ; ul agnoscaliir in eo proprietas divinae humanœquc naturæ indinidua permanerc, voir col. 479 — et le canon 7 du II concile de Constantinople, t. iii, col. 1917.

Les canons suivants, de 10 à 17, concernent directement l’hérésie de l’unité naturelle d’opération et conséquemment de volonté dans le Christ ; cette partie des décisions conciliaires ne nous intéresse présentement que pour montrer comment du dogme des deux opérations et des deux volontés dans le Christ découle nécessairement la dualité de nature : le dyothélisme est la conséquence obligatoire du dyophysisme. Aussi, le pape saint Martin a-t-il avec raison fait précéder les canons relatifs au monothcliime des canons relatifs au dogme de l’union hypostatique, tels que nous venons de les rapporter. Les derniers canons, 17-20, rappellent la nécessité de maintenir la doctrine promulguée dans les cinq conciles œcuméniques et condamnent nommément, comme entachés de l’erreur monothélite, V Ecthèse et le Tijpe.

L’acte courageux et nécessaire de Martin I" devait recevoir une consécration solennelle dans le 1II<^ concile de Constant inople, VI « œcuménique, dont les décrets dogmatiques furent édictés et promulgués, à la lumière des enseignements du pape.’Xgathon, par qui, une fois de plus, Pierre devait parler. Hardouin, t. iii, col. 1422.

4. La lettre dogmatique du pape Agalhon.

Voirie texte, t. I, col. 5C1-562. La foi catholique en l’union hypostatique, fondement dogmatitiuc du dogme des deux volontés en Jésus-Christ, est ainsi formulée : » Nous reconnaissons que Xotrc-Scigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, un en une personne, subsiste de et en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation. Chez lui, l’union des natures ne supprime pas leur différence, mais les propriétés de l’une et l’autre nature sont pleinement sauvegardées et s’unissent en une seule personne et une seule subsistence. Il n’est ni divisé, ni séparé en deux personnes, et il n’est pas plus formé d’une seule nature composée résultant de la fusion des autres. Mais il est, dans son unité et son identité, le Fils unique de Dieu, Dieu le Verbe, Noire-Seigneur Jésus-Christ. II n’est pas un autre dans un autre, ni un autre et un autre, mais il est lui-même, un en deux natures, c’est-à-dire dans la divinité et dans l’humanité, et cela après l’union substantielle. Le Verbe ne s’est pas changé en la nature de la chair, et la chair ne s’est pas transformée en ia nature <iu Verbe : l’une et l’autre est restée ce qu’elle’tait ; c’est par la seule opération de notre esprit que ous discernons la différence des natures unies, dont W est composé, sans confusion, sans séparation, sans changement. Il est un des deux natures, et les deux sont par son unité, linsemble existent et la gloire de la divinité et l’humilité de la chair. V.n lui chacune des

natures garde, même après l’union, toute son intégrité, et chacune accomplit, dans l’union de l’autre, les actes qui lui sont propres : le Verbe opérant ce qui est du Verbe, et la chair ce qui est de la chair : et tandis que l’un fait éclater les miracles, l’autre succombe sous les injures. » De cet exposé de l’union hypostatique, le pape déduit la dualité de volontés et d’opérations naturelles. On remarquera que les formules employées par Agathon sont textuellement empruntées à des documents dogmatiques antérieurs à la lettre de saint Léon, aux canons des conciles de Chalcédoine, de Constantiuople ( 1 1’=) et de Latran (649). Cet emprunt démontre que l’Église, en formulant d’une façon précise le domine de l’union hypostatique, n’innove pas et promulgue simplement une doctrine traditionnelle.

5. La définition du III^ concile de Constantinople, en ce qui concerne l’union hj’postatique, reprend textuellement la formule dogmatique de Chalcédoine. Voir t. II, col. 2194-2195 et plus haut, col. 483.

6. Les définitions postérieures ne font que répéter les formules déjà acquises. La foi de l’Église a trouvé son expression définitive ; voir, par exemple, au vi<e siècle, les Slatuta Ecclesias antiqua, au sujet de la profession de foi émise par le prêtre élevé à l’épiscopat Cavallera, Thésaurus, n. 703. Signalons les principales définitions conciliaires, en renvoyant, pour leur texte exact, à Y Enchiridion de Denzinger-Bannwart : symbole de foi du XI" concile de Tolède (675), n. 283 ; symbole de foi de saint Léon IX (1053), n. 344 ; définition du IV" concile de Latran, c. Firmilcr (1215), n. 429 ; profession de foi de Michel Paléologue, au II « concile de Lyon (1274), n. 462 ; constitution De summa Trinitate et fide eatholica, concile de Vienne (1311-1312), n. 480 ; décret pro Jacobitis, concile de Florence (1438-1445), n. 708-710 ; profession de foi imposée aux Orientaux par Benoît XIV (1743), n. 1462, 1463, 1464. Il convient également de signaler, en l’an 563, les définitions du concile de Braga, contre les prisciUianistes, can. 3 et 4, Denzinger-Bannwart, n. 233, 234.

VI. La théologie des Pères.

I. THÉOLOGIE GRECQUE. — Le concile de Chalcédoine avait consacré le triomphe de la terminologie occidentale relativement au doyme de l’union hypostatique : quelque effort que les représentants de la tendance monophysile aient fait dans la suite, les différents aspects du problème restent fixés par les formules de saint Léon : unité de personne, dualité de natures, union substantielle, qui laisse cependant à chacune des natures ses propriétés et ses opérations, communication des idiomes. Il reste à la théologie de jiroposer les moyens rationnels de concilier l’unité de personne et la dualité de nature, tout en maintenant l’unité physique du sujet en Jésus-Christ, Dieu et homme. Ces explications ne furent pas proposées immédiatement avec la netteté que l’on trouve dans la scolastique du xiiie siècle : il serait pourtant injuste et inexact d’aflirmer que la théologie de l’union hypostatique n’exista, dans l’Église catholique, qu’à partir de cette époque. Déjà les Pères du iv<e siècle s’inquiètent de formuler le dogme en des expressions qui rendent compte, non seulement de la vérité révélée, mais encore des exigences légitimes de la raison. Sous forme de comparaison, ou encore directement, par les explications qu’ils apportent, ils s’efforcent (le montrer quc l’on peut, sans contradiction, concevoir une nature concrète, individuelle, rpii ne soit pas une personne, c’est-à-dire un sujet c<)inplet. Mais, parallèlement à la théologie catholifiue, se (lévelo])pe une théologie hétérodoxe, celle des hérétiques. V., précisément, il convient de rcmarqucr que les hérétiques sont <ievenus tels par rapport au dogme de l’union hypostatique, à cause

des explications qu’ils tentèrent de formuler sur un sujet où ils prétendaient bien sauvegarder le dogme révélé, alors qu’en réalité leur théologie corrompait le dogme et ruinait la révélation. Il convient donc, avant d’aborder l’aspect catholique de la théologie naissante du dogme de l’union hypostatique, de rappeler brièvement les écarts de la théologie hétérodoxe. Ce double aspect du problème devant, d’ailleurs, être touché en des articles spéciaux, on n’en envisagera ici que les lignes générales, dont le rappel est nécessaire pour l’intelligence des discussions théologiques postérieures.

La théologie hétérodoxe de l’union hypostatique.


1. La théologie monophysitc. — La théologie monophysite, préoccupée avant tout de réfuter ceux qui « divisent le Christ », et d’aflirmer l’unité du sujet en Jésus-Christ, excède, soit dans les comparaisons dont elle se sert pour désigner l’union intime de l’économie, soit dans les affirmations positives relatives à la constitution essentielle du Christ, dans le sens de l’unité de personne. A proprement parler, l’hérésie apollinariste est la première qui procède d’une fausse déduction théologique ; la christologie de l’arianisme, en effet, est une simple conséquence de l’hérésie trinitaire. Voir col. 468.

a) L’apoUinarisme, au contraire, pai’t, en christologie, du dogme incontestable de l’unité substantielle de Jésus-Christ. Or, deux êtres complets, en s’unissant, ne peuvent former un tout substantiel. Donc, Jésus n’est pas un sujet résultant de l’union de Dieu xéXsto ; à l’homme également xû.v.ok On le voit, dans ce raisonnement, le moyen terme est d’ordre rationnel ; la déduction qu’on fait des prémisses posées est donc spécifiquement une conclusion théologique, laquelle, doctrinalement, est non seulement fausse, non seulement erronée, mais, par suite de son opposition avec le dogme de l’humanité parfaite de Notre-Seigneur, une véritable hérésie. Mais ici, l’hérésie est le résultat d’une mauvaise théologie. Suppression de l’âme raisonnable, conception trichotomiste de l’humanité, unité de nature en Jésus-Christ : telles sont les hérésies que contient en germe la fausse déduction théologique de l’apoUinarisme. La comparaison dont se sert l’apolUnarisme pour exprimer son erreur est significative. C’est la comparaison de l’union de l’âme et du corps : de même que l’âme s’unit au corps pour former un seul sujet, l’homme, de même le Verbe s’unit à la chair animée pour former le Christ. Entendue dans le sens appollinariste, cette comparaison, qui deviendra célèbre sous la plume des docteurs orthodoxes, indique bien le vice du raisonnement théologique d’Apollinaire. L’àme et le corps sont distincts l’un de l’autre, et nonobstant cette distinction, ne forment qu’une seule substance, une seule nature, dans leur union. De même le Verbe et la chair animée sont distincts sans confusion, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais leur union constitue une nature physique unique. Voir De unione, n. 5, Lietzmann, p. 187 ; cf. Fragm., lxix, lxx, p. 220 ; lxxii, p. 221 ; Lxxiv, Lxxv, p. 222 ; lxxxix, p. 227 ; cxix, p. 236 ; cxxvi, p. 238 ; cxxix, cxxxiv, p. 239 ; oxxxv, p. 240 ; Tomus synodalis, fragm., p. 263, où cette doctrine, si elle n’est pas toujours explicitement proposée, est toujours implicitement supposée. C’est de la même façon qu’il explique la formule ma çûatç tou Aoyou a£(3apxw[j.£vr|. Ad Jovianum, n. 1, p’. 250-251.

b) L’eutycliianibine proprement dit n’a pour ainsi dire pas de théologie : il est tout entier constitué par les affirmations d’un moine têtu et peu instruit, et ne comporte pas de raisonnements bien caractérisés. L’hérésie d’Eutychès, voir ce mot, fut d’affirmer une seule nature en Jésus-Christ, nonobstant l’union du

Verbe à iliumanité : d’où, le corps de Jésus ne nous est pas consubstanliel. Voir t. v, col. 1591. Mais rien de précis dans les affirmations de l’hérésiarque ne nous permet d’attribuer un sens bien déterminé aux formules qu’il emploie. Voir col. 1592-1596. C’est encore un monophysisme purement dogmatique que nous offre VHenolicon de Zenon, inspiré par Acace de Constantinople. Voir t. i, col. 288-289. Rejetant le concile de Chalcédoine, ce document affirme l’unité de Jésus-Christ, consubstantiel à Dieu par sa divinité et à nous par son humanité ; il condamne aussi bien Eutychès que Nestorius, mais rejette les formules de Chalcédoine et passe sous silence les deux natures. Voir t. VI. col. 2153-2178.

D’autres doctrines monophj’sites, dérivées de l’eutychianisme par opposition au concile de Chalcédoine, ou même déjà existantes avant Eutychès, plus complètes dans leurs déductions que les affirmations du vieil archimandrite, présentent un caractère théologique qu’il convient de signaler. Elles prétendent sauvegarder en fait l’unité substantielle du Christ, mais, sous plusieurs formes différentes, con^’iennent que la chose n’est possible qu’à la condition de donner au Christ une seule nature, qui englobe à la fois la divinité et l’humanité. Ces monophysites adoptent pleinement le principe apollinariste : un être complet est non seulement une nature complète, mais une nature subsistante, ayant son existence de sujet individuel ; aucune distinction, même de simple raison, entre la nature concrète, individuelle, et l’hypostase. D’où, au point de vue philosophique, identification absolue de çjcr ;  ; et d’G-ocj-aa ; ç. Quant au terme r.ç, 6ç'j>r.ùv, personne, il est parfois le synonyme d’G7 : ocTaciç, voir Lebon, Le monophysique sévérien, Louvain, 1909, p. 242 sq., mais ordinairement il est peu employé, par crainte du nestorianisme. Voir Tixeront, op. cit., t. iii, p. 119, note 1. Eutychès avait erré en niant la consubstantlalité du Christ avec nous dans sa chair. Mais parce qu’Eutychès n’avait pas expliqué pourquoi et comment le corps du Christ n’était pas de même nature que le nôtre, son assertion fondamentale devait nécessairement recevoir des explications divergentes. On saisit immédiatement l’aspect théologique des déductions imaginées pour rendre acceptable le sjstème monophysite. Voir Eutychès, col. 1602. Grâce à l’intervention de la théologie monophysite, nous nous trouvons en présence de doctrines variées : théorie de l’absorption de l’humanité par la divinité ; théorie de l’évanouissement du Verbe dans l’humanité ; théorie de la métamorphose réelle du Verbe en chair ; théorie de la métamorphose apparente du Verbe en chair ; théorie du mélange ; théorie de la composition en tout naturel ; théorie de l’origine céleste du corps du Christ ; théorie de l’aphthartodocétisme, ou de la non-passibilité naturelle du corps du Christ. Voir Gaianites, t. t, col. 999-1022. Dans tous ces systèmes, la déduction théologique est à la source de l’hérésie. Sur la théologie monophysite actuelle de l’Église copte, voir G. Macaire, L’Église copte, Le Caire, 1893, 11^ partie, Le Christ Emmanuel. Voir Monophysite (Église). Sur l’Éghse jacobite, voir F. Nau, Dans quelle mesure les jacobites sont-ils monophysites ? dans la Revue de l’Orient chrétien, t. x (1905), p. 113 sq.

c) C’est encore la théologie qui est à l’origine du schisme et de l’hérésie des sévériens. Voir Eutychès, col. 1598-1601. Il ne s’agit plus ici toutefois de déduction théologique, mais de terminologie. Les docteurs sévériens « se croyaient acculés à l’acceptation de la christologie nestorienne, s’ils adhéraient à la doctrine dyophysite. Et pourtant, le Tome et la définition ne versaient pas dans cette impiété hérétique. Pour en faire moins étalage, les catholiques n’admettaient pas

moins bincèrenient que Iciiis adversaires l’absolue unité individuelle du Christ, la divinité proprement dite de Jésus. Ils ne divisaient pas l’unique Seigneur ; l’union en personne n’était pas une pure adhésion morale, une relation extrinsèque du fils de Marie au Fils de Dieu… De part et d’autre on confessait un seul et mtme Verbe incarné, vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père et à nous, sans mélange, sans confusion, sans transformation essentielle des éléments, sans séparation du Dieu et de l’homme quant .1 l’existence individuelle. De part et d’autre ou rejetait avec horreur l’impiété de Nestorius et la folie (l’Eutyches… ; la différence était totalement et exclusivement dans l’exposition dogmatique et scientifique de la christologie ; la querelle provenait d’un immense malentendu sur le sens des formules : une nature de Dieu le Verbe incarné, et (en) deux natures après l’union. » J. Lebon, op. cit., p. 508-509. Le patronage du pseudo-Denys l’Arcopagite, voir Denys L Aréopagite (Le pseudo-), t. iv, col. 12^, dont se réclamaient les sévériens, suffirait à lui seul à indiquer leur orthodoxie réelle. Le pseudo-Denys semble s’être peu intéressé aux controverses christologiques de son temps. Il n’a ni la formule ufa çJcj’.ç, ni la formule oJo sjasi ;  : « Le Verbe, ou plutôt Jésus simple s’est composé (jjvîtîÛï, ) sans changement et sans confusion (àvaÀÀo’.fo-rok La : 13jy/JT(o ;) avec une iiumanité complète. Il était vraiment Dieu et entièrement homme (Lxt’oùiiav oat, / àÀr/J’o ; x’Aiç, » i-’i : ’>/), mais cependant, tout en étant homme, il était au-dessus de l’homme. // n’opérait pas en Dieu les choses divines, ni les choses humaines en liomme, mais il nous présentait une nouvelle opération théandrique d’unDieudevenu homme « , i-jr, y.y()yj-o ; l}iryjLy.r, 7]/ T’va t>, v (tîavôpîzfiV ï’^iy.’î'.yi’/ f, ; j.’.v -£-o/, ’.t : j ; j.ivo ;. Cf. Tixeront, op. cil., t. iii, p. 134. Toutefois, nonobstant leur ortho<loxie réeUe, les sévériens différaient verbalement des catholiques, et au malentendu sur la terminologie il faut ajouter leur entêtement à ne pas vouloir entendre et accepter les explications des catholiques. Par leur opposition systématique aux formules du concile de {^halcédoine, ils méritent vraiment d’être qualifiés comme hérétiques. Cf. Eutychès, col. 1599. Enfin la fornmle occidentale de l’union hypostatiquc, dua’naiuræ in una persona, par sa ressemblance même avec celle de Nestorius et des Antiochiens, paraissait suspecte aux monophysites les plus ortliodoxcs. L’unique tlifférence, qui séparait cette formule des formules nestoriennes, consistait dans l’ailirmation, par les catholiques, d’une seule hypostase ; au point de vue des grecs, cette différence était capitale ; mais les monophysites entendirent alors VJ-’i-j-’x- ::; des catholiques dans le sens du -po^’.irov de Nestorius : inconséquence ou ruse de leurs adversaires chalcédoniens. Cf. Lebon, op. cit., p. 509-510. De là, l’impossibilité d’arriver à une entente véritable.

2. La théologie dijophiisile hétérodoxe. -— Nous en avons étudié déjà l’évolution à projios des antécédents du nestorianisme et au sujet du nestorianisme lid-même et de la théologie de Théodore et de Nestorius. Ii’i, la théologie hétérodoxe est, avant tout, préoccupée de sauvegarder en Jésus-Christ la dualité de ce que nous appelons, après saint Léon et le concile de Challédoine, les natures, divinité et humanité. La déduction Ihéologiquc consiste ici a partir du même principe l)liilosophique admis par le monophysisme. l’équi ; i)cn(e de çj^.- et d’Iro^T » / ::. Voir col. -192. Le iriot -yii’t-’, /, d’importation occidentale, présente, vons-nous dit. un sens abstrait qui |)crmpt aux dyol’iiysites nestoricns d’y Iroiiver la formule indiquant, <-n Jésus-tJirisl. l’imité de prr.sonnniilr. Toute la "léoloKic ncsiorienne repose donc sur l’identification les termes ; jî ;  ; et iroiTa’j ::, tout comme la théo logie eutychienne. Nous avons vii, Hypostase, col. 394, les déductions que les représentants du nestorianisme en Perse ont tirées de ce principe. L’union hypostatique, pour eux, n’existe pas, puisque le Christ comporte deux hypostases, c’est-à-dire deux réalités concrètes, deux natures individuelles, la divinité et l’humanité. Il ne faut parler que d’union prosopique, union dans la personnalité, et dans une personnalité constituée par la complaisance du Verbe pour l’humanité : c’est l’union morale opposée à l’union physique des monophysites et des catholicpies.

Les conclusions d’une telle position Ihéologique sont innombrables. Nous en avons énuméré les prinlipales en exposant succinctement le système christologiquc .de Nestorius. Voir col. 471 sq. Nous souliunerons ici simplement le processus thèologique ciui est à la base de toutes ces erreurs. Au fond, monophysisme et nestorianisme, s’inspirant des données de la philosophie rationnelle, ne concevaient aucune distinction entre les concepts de nature et d’hyposlase. Les controverses trinitaires, qui avaient abouti, dans l’exposé du mystère, à la distinction du terme ojaia et du terme O-ojTaa’.ç, voir Hypostase, col. 379 sq., n’ont eu, tout d’abord, aucune influence sur la terminologie à employer en christologie. « Oui, sans doute, les théologiens du ive siècle, et principalement les Cappa<lociens, distinguaient en Dieu la « nature » et les « hyjiostases » ; ces luttes contre l’arianisme avaient eu pour résultat de fixer la terminologie scicntilique du dogme trinitaire et, par le fait même, de déterminer l’objet de la croyance avec pins de clarté et de précision. Mais les Pères admettaient cette distinction au sujet du mystère de la sainte Trinité, sans jiroposer d’explication philosophique, sur la différence qui existe entre > nature » et « personne ». Lorsqu’il s’agit de Dieu, l^asile, les deux Grégoire, Épiphane, tous les orthodoxes et l’évêque do Laodicée lui-même (.polliiiaire), distinguent trois lu/postases et une nature ; la nature divine n’est pas une essence spéci tique commune à plusieurs individus ; elle est numériquement une, c’est la’monade » : ôij.’/Aoyojij.jv tr)v TptaBa, ’j.ovâôa’; / -y.ifi : Lx : tp^aoa jv uovio’.. S. Épiphane, User., LXii, n. 8, P. G., t. xi.i, col. io53 ; cf. Petau, De Trinitate, t. IV, c. xra-xiv. Mais lorsqu’il s’agit des créatures et des nolions rationnelles de nature » et d’ « hypostase ils opposent çj3 : v (ou aussi ojdîav) à j-OCTTa^tv, comme 1e qui est général et commun à ce qui est propre ou particulier. Les Cappadocicns eux-mêmes ignorent en quoi une nature individuelle est distincte d’une hypostase. On comprend, dès lors, que la doctrine trinitaire ne leur ait pas été d’une grande utilité pour la solution du problème christologicpie. C’est même un lait assez étrange qu’aucun d’eux ne formule le <logme de l’incarnation, en disant que la divinité et l’hiimaiiitê sont unies dans le Christ /a8’'jr.ih-x- ; -/, mais restent distinctes zaTï zJz : ’L.i surplus, la doctrine orthodoxe sur ce mystère présentait au regard de la raison une dilhculté plus grande que la do( Irinc trinitaire. Ici, en effet, les deux termes à concilier appar1 iennent à la sphère du divin, et il n’éLiit point malaisé d’admettre que nos connaissances rationnelles des rapports de la nature et de la personne ne peuvent sapjdiquerà l’être incompréhensible… Mais l’humanité du Christ est de l’ordre des choses isibles ; elle est semblable à la nôtre. Or, la raison ne dit-elle pas qu’une nature individuelle subsiste par clle-meme et constitue pnr conséquent une personne ? Comment la nature Inimainc peut-elle être unie à la nature divine de.Jésus Christ, sans détriment))our l’unité d’hyposlase ? Pour expliquer ce mystère, il ne sulllsait pas de considérer cpie les notions rationnelles ne peuvent >-’ai)))li<|iier de la im’me façon aux choses créées et à J.)len : il fallait recoiinaitrc que, dans les créatures

elles-nicines, une naliirc iiuiivichiclle n’est pas nécessairement une personne, et chercher. par les lumières de la raison, en quoi consiste cette différence que la révélation nous dit exister, mais que la philosophie ancienne n’avait pas soupçonnée. Voisin, L’apollinarisme, p. 360-301. Les grandes hérésies du ve siècle ont eu précisément comme point de départ cette nondistinction des concepts tie < nature > et de « personne ». Tandis que les Pères, défenseurs de l’orthodoxie, allaient commencer à élaborer diverses théories sur la manière de concevoir cette distinction nécessaire. Nestorius, d’une part, Eutychés, de l’autre, s’obstinant à maintenir la confusion des concepts, devaient nécessairement construire une théologie erronée de l’incarnation, dont l’aboutissant était l’hérésie. < Les écoles théologiques avaient suivi des voies différentes dans le développement de la doctrine de l’incarnation : la diversité des points de départ et des principes dirigeants conduisait naturellement les docteurs d’Alexandrie et d’Antioche à des formules christologiques dissemblables et même opposées. Un terme, celui de 9Ûatç, jetait entre eux les dissensions fondées ; car les uns et les autres entendaient par’nature », en christologie, l’être réel dans sa singularité et son individualité. A l’époque des conciles d’Éphèse et de Chalcédoine, aucune des christologies orientales ne distinguait encore la " nature » de r « hypostase » : le semirationalisme des Antiochiens portait dans ses flancs le véritable nestorianisme ; dans la lutte contre ces théologiens, c’est aux partisans de Cyrille qu’il faul donner raison, comme l’a fait le IIP concile œcuménique. Si la nature est l’hypostase, c’est-à-dire Yindividu, le Christ est une seule nature ; le Verbe, même fait chair, est une seule nature ; nature incarnée, sans doute, composée avec la chair, théandrique si l’on veut, mais rigoureusement unique : c’est Dieu, bien que fait homme. En ce sens, deux natures après l’union, c’est, si l’on ne se trompe et si l’on veut être sincère, la dualité des hypostases, des Christ, des Fils, entre lesquels il n’y a place que pour l’union morale de la théorie nestorienne. » J. Lebon, op. cit.. p. 509.

Telle est, aussi exactement définie que possible la position des deux théologies hétérodoxes adverses, du nestorianisme en face du monophysisme. 2° La théologie orthodoxe de l’union hy postât ique.


1. Les premiers tâtonnements de la théologie catholique.

— En face des premières hérésies christologiques, les Pères, nous l’avons vii, se sont faits les défenseurs du dogme et ont rappelé la tradition catholique. Mais tant qu’il s’est agi simplement d’opposer aux affirmations hétérodoxes l’affirmation traditionnelle, les Pères se sont contentés de rappeler le dogme et, tout au plus, de montrer son bien-fondé dans les autorités de la sainte Écriture. C’est là l’œuvre des écrivains ecclésiastiques des ii^ et m'e siècles. Mais, dès le iv, avec Apollinaire de Laodicée, la théologie commence à se manifester dans le domaine ciiii lui est propre, le domaine des conclusions, déduites des principes révélés, à l’aide de mojens termes empruntés à la raison. En face de cette théologie naissante et favorable, dans ses déductions, à une hérésie destructive de l’humanité en Jésus-Christ, les Père.s doivent faire œuvre, non seulement d’interprètes de la tradition, mais de véritables théologiens. Il s’agissait, nous venons de le voir, de poser le principe de la distinction, dans les créatures, des concepts de nature et d’hypostase. Cette distinction, en effet, est nécessaire pour ne point tomber dans les erreurs opposées de l’apoUinarisme et, plus généralement, du monophysisme, d’une part, et, d’autre part, du nestorianisme ou. d’une manière plus générale, de la dualité de personnes en Jésus-Christ. Dans l’état où se trouvait la terminologie catholique relative aux problèmes christologiques du

ive siècle, les Pères, avons-nous dit avec M. Voisin, étaient incapables de proposer une explication philosophique sur la différence qui existe entre « nature et <’personne ». Mais ils ne confondaient pas ces deux termes et leur attribuaient deux sens différents. Voir Hypostase, col. 385 sq. Bien plus, on rencontre déjà, chez les auteurs du ive siècle, des traits caractéristiques de l’hypostase, ceux-là mêmes que l’on rencontrera plus tard, exposés et longuement expliqués, dans les différents systèmes philosophicpies chrétiens. Il n’y a qu’à se reporter au résumé fait de la pensée philosophique des Pères, à l’art. Hypostase, principalement col. 105.

C’est cependant à l’aide de cette terminologie peu assise que les Pères entament la lutte contre l’apollinarisme. Nous avons déjà vu quel emploi les Pères ont fait de l’argument sotériologique : « Le Verbe a sauvé l’homme tout entier ; donc il s’est uni ce qu’il est venu sauver. » Mais le moyen terme d’ordre rationnel sur lequel ils s’appuient principalement dans leur réfutation est que le Christ ne serait pas homme s’il ne possédait tous les éléments constitutifs de la nature humaine. Voir le développement de cet argument, sous plusieurs formes différentes. Forme du CORPS HUMAIN, t. vî, col. 552-555. Ces deux principes, dit à juste titre M. Voisin, op. cit., p. 354, le Christ est homme, et il s’est uni à ce qu’il venait sauver, sont les deux arguments fondamentaux auxquels les orthodoxes en appellent unanimement pour établir l’intégrité de la nature humaine du Sauveur. Saint Athanase y ajoute le suivant : la mort consiste dans la séparation de l’âme et du corps et non de la divinité et de la chair. Contra Apollinarem, t. I, n. 18 ; t. II, n. 14, P. G., t. XXVI, col. 1125. 1156. Par conséciuent, si le Christ n’a pas eu d’âme humaine, il serait faux de dire qu’il est mort de notre mort. Au jugement des deux Grégoire, l’union de la divinité au corps se comprend mieux, si l’on admet qu’elle s’est faite par l’intermédiaire de l’esprit. » Dans toutes ces façons d’argumenter en faveur de la vérité révélée, on saisit l’esprit et la manière proprement théologique. La comparaison chère à Apollinaire, de l’union de l’âme et du corps, est reprise par les Pères, non dans le but que se proposait l’hérésiarque, mais uniquement pour démontrer la possibilité d’une union intime, physique, personnelle, entre le Verbe et la chair, c’est-à-dire l’humanité. Léonce de Byzance, au vi » siècle, atteste que cette comparaison était commune dans la tradition catholique. Contra Neslorium et Eutycheten, t. I, P. G., t. Lxxxvi, col. 1280 sq. Déjà, en effet, au ive siècle, saint Athanase, Contra Apollinarem, t. II, c. i, n. 1, P. G., t. XXVI, col. 1133 ; saint Grégoire de Nysse, Adversus Apollinarem, n. 2, P. G., t. xiv, col. 1128 ; Némésios, De natura hominis, c. ra, P. G., t. xi, col. 592593 ; le pseudo-Athanase, De incarnatione Dei Verbi, n. 2, P. G., t. xxvra, col. 92 ; et, plus tard, Théodoret, Dial. Inconfusus, P. G., t. Lxxxin, col. 146-147, puis, chez les Pères latins, saint Vincent de Lérins, Commonitorium, xii, xiii, P. L., t. l, col. 654, 655, et saint Augustin, De civitateDei, I. XIII, c. xxr’, n. 2, P. L., t. xLi, col. 399 ; Serm., ccclxxi. De nativitale Domini, iii, n. 3, P. L., t. xxxjx, col. 1660, proposent implicitement ou explicitement l’union de l’âme et du corps comme terme de comparaison, pour mieux faire comprendre l’intimité de l’union hypostatique. D’ailleurs, la comparaison, au ve siècle, fait pour ainsi dire partie de la prédication universelle et du magistère ordinaire de l’Église catholique. Le symbole dit d’Athanase la propose explicitement : Sicut anima rationalis et caro unus est homo. ita Deus et homoumis est Christus. Denzinger-Bannwart, n. 40. La théologie des Pères trouve un troisième sujet sur lequel elle doit s’exercer et nous touchons ici au point précis de

la controverse naonophysite et nestorienne, bien que les Pères visent directement l’apollinarisme, — c’est quand il s’agit de réfuter le fondement philosophicjue de tous ces systèmes hérétiques : deux êtres parfaits ne peuvent former un seul être, Sûo -riXs’.a sv YîvÉaûai où oJvaTa :. Contra ApolUnarem, t. I, n. 2, ’P. G., t. XXVI, col. 1096. Il faut confesser que les réponses des Pères, au iv<e siècle, sont encore, sur ce sujet, bien insuffisantes. Saint Grégoire de Nysse affirme simplement que la conception apollinariste présente autant de difficulté que la doctrine catholique, Anlinhelicus, n. 39, P. G., t. XLV, col. 1212 ; saint Grégoire de Nazianze répond que l’argumentation apollinariste ne vaut que pour les choses s’unissant matériellement ; mais il n’en saurait être de même des choses spirituelles, qui peuvent s’unir entre elles ou à des corps. Puis, si notre esprit est parfait, il ne l’est cependant que d’une façon relative, c’est-à-dire par rapport à l’âme et au corps ; mais il est imparfait relativement à la divinité. Epist., ci, P. G., t. xxxvii, col. 185. Ces réponses directes sont bien insuffisantes, et cependant, dès le ive siècle, les Pères proposent déjà des indications remarquables touchant la nature de l’hypostase : nous avons noté tout particulièrement l’unité d’existence, c’est-à-dire de sujet existant, Jnasç’. ; étant souvent pris par les Pères comme synonyme d’JrcîTaa ;

. Voir Hypostase, col. 404. Quant à proposer

directement la distinction philosophique de ojejl ; et d’j-oaTaai ; en christologie, les Pères du ive siècle ne le peuvent encore pas : ils la pressentent et l’indiquent à leur manière. « En effet, ils ne disent pas qut^ deux éléments forment dans le Christ un seul élément ; mais en règle générale, ils emploient le genre neutre pour désigner l’humanité et la divinité, le masculin pour désigner l’être du Christ, en qui-sont réunis ces deux éléments. S. Grégoire de Nazianze, Epist., ci, P. G., t. xxxvii, col. 180.’O Sjo -îÀct’tov çùaE’ov îî ; ulo’ç, dit saint Amphiloque, Epist. ad Seleucum, dans Mai, t. vii, p. 135. Le pseudo-Athanase et saint Amphiloque ne présentent aucune exception à cette règle. Épiphane se sert toujours du genre masculin pour désigner l’être du Christ. Grégoire de Nazianze emploie plusieurs fois le neutre : -à yàp à ; j.ço- ::pa ii, mais le plus souvent il se conforme également à la règle indiquée, et nous avons vu avec quelle précision il exprime la différence qui existe entre le mystère de la trinité et celui de l’incarnation. Voir col. 459. Ce fait est digne d’attention ; car il atteste que les Pères ne se figuraient pas une union de deux éléments en formant un troisième ; mais, sans avoir encore de terminologie scientifique, ils réfutent l’objection d’.Vpollinaire : « deux parfaits ne peuvent être un parfait », en disant : deux éléments parfaits constituent une personne (un sujet, un Christ, un fils),

va, ï-ii Xy.-j-.’?/, v/-x -y.ih. L’hérésiarque, qui repousse

toute distinction entre « nature » et « personne », emploie indifféremment le genre neutre ou le masculin ; les orthodoxes, qui n’ont pas d’idée bien exacte sur cette distinction, mais ont pourtant conscience qu’il doit en exister une, se servent du neutre pour désigner les natures du Christ, et du masculin pour désigner sa personne. » G. Voisin, op. cit., p. 367-368. 2. La théologie de saint Cyrille d’Alexandrie.

I-a ijoclrine christologique de ce Père sur le sens précis de I union hypostatiquc a été exposée, col. 474 sq. Il reste simplement à indiquer quel progrès le grand Alexandrin a réalisé dans la méthode, la terminologie et I explication théologique de ce dogme. — a) Au point de vue de la méthode, saint Cyrille développe l’argument scripluraire et traditionnel. Déjà, contre Apollinaire, les Pères du i v siècle avaient eu recours à l’aulorifé de la sainte Écriture : c’est surtout dans l’inlcrprctation du mol "ji :. ;, chair, puis comme synonyme

d’homme, d’humanité, que porte l’effort des Pères. S. Athanase, Ad Epictetum, n. 8, P. G., t. xxvi, col. 1061, 1064 ; S. Épiphane, Hær., Lxxvii, n. 29, P. G., t. XLO, col. 685 ; S. Ambroise, De incarnutione, c. lix, Lx ; cf. Epist., XLn, n. 8, P. L., t. xvi, col. 833, 1118 ; Grégoire de Nazianze, Epist., ci, P. G., t. xxxvii, col. 176 sq. ; S. Augustin, De LXXXIII quæst., q. Lxxx, n. 1, 2, P. L., t. xl, col. 93. Saint Cyrille donne à l’argument scripturaire un développement jusqu’alors inusité. A la fin du De recta ftde ad reginus, P. G., t. Lxxvi, col. 1221-1336, il accumule les textes, bibliques destinés à réfuter la doctrine nestorienne des hypostases dans le Christ. Ces textes se retrouvent disséminés dans ses autres écrits. L’argument traditionnel, emprunté à l’autorité des Pères, prend aussi, avec le docteur alexandrin, une extension considérable. « Dès l’origine de la controverse nestorienne, dit M. Turmel, saint Cyrille invoqua l’autorité de saint Athanase. Sa Lettre aux moines d’Egypte contient, en efiet, deux citations tirées du troisième discours contre les ariens, et dans lesquels la sainte Vierge est appelée mère de Dieu. Il compléta de bonne heure ses informations… Pour connaître, dans le détail, les résultats des recherches patristiques entreprises par l’illustre adversaire de Nestorius, il faut consulter le compte rendu de la première séance du concile d’Éphèse, Hardouin, Acta conciliorum, t. i, col. 1399-1410, et le premier discours aux reines, c. i, n. 9-13, P. G., t. Lxxvi, col. 1209 sq. Là, se déroulent sous nos yeux de longues séries de textes. Ce sont : saint Pierre d’Alexandrie, saint Athanase, les papes Jules et Félix, Théophile, saint Cyprien, saint Ambroise, les trois Cappadociens, Atticus » Amphiloque, saint Jean Chrysostome, Antiochus, Ammon, Vitalis, Sévérien, qui viennent déposer contre Nestorius… On le voit, saint Cyrille a fait une enquête considérable, puisqu’il a consulté, non seulement les docteurs del’Orient, mais ceux de l’Occident lui-même. » Histoire de la théologie positive, Paris, s. d. (1904), t. i, p. 210-211. L’argument patristique, convient-il d’ajouter, garde, sous la plume de saint Cyrille, le caractère d’argument traditionnel qui lui est propre : aux subtilités de Nestorius essayant d’interpréter en un sens favorable à son hérésie certains textes, aux reproches d’apollinarisme que lui font certains adversaires, saint Cyrille répond en rétablissant le sens traditionnel et catholique des autorités invoquces : loin de s’en tenir aux expressions parfois défectueuses, c’est à la doctrine et à la doctrine seule qu’il s’attache. Dans le II" livre de son Adversus Nestorium, cxplique que la divinisation attribuée à l’humanité dans l’union hypostatiquc n’implique pas un changement survenu dans la nature humaine par suite de son union avec la divinité, comme si elle avait été transformée en Dieu, mais signifie simplement qu’unie au Verbe, cette nature humaine appartient à Dieu. Quand les Pères parlent d’absorption de la nature humaine, surtout après la résurrection du Christ, voir S. Athanase, Contra arianos, orat. iii, n. 48, P. G., t. xxvi, col. 425 ; S. Grégoire de Nysse, Antirrheticus, n. 53, P. G., t. XLV, col. 1252, saint Cyrille explique. Ad Succensum, Epist., i, P. G., t. lxxvii, col. 233, qu’il s’agit de l’absorption des infirmités de la nature et non de la nature elle-même. Pareillement, s’il emploie la formule

j. ; a z.-Ji
; -.o’j.irij j£7aoz’.>|j.ivr| qu’il croit être de

saint Athanase, c’est dans un sens nettement orthodoxe et nullement appollinariste. Voir Cyiuli.k d’A-LF. XANnnii ; (Saint), t. iii, col. 2513.

b) Au point de vue de la spéculation Ihéologique, saint Cyrille n’accuse de progrès sur les Pères du ive siècle que par une adaptation phis complète de la terminologie déjà reçue aux problèmes cliristologicpics : les mots ç’Ji !  ;, Iz’ii-xi’:, zyiT’tr.’iw, prennent ut>

-sens plus (lirc’clenient en rapport avec la constitution physique de l’être du Verbe incarné. Mais saint Cyrille est un précurseur : sa théologie prépare les décisions postérieures de l’Église ; aussi ccmporlet-elle, non dans le sens des vérités cju’clle expose, mais dans les formules memes cjvi traduisent cette vérité, plus d’une hésitation, plus d’une expression moins parfaite que l’Église ne canonisera pas. La formule ivwatç y.aO’j-o’aTaacv, dont saint Cyrille peut à juste titre revendiquer la paternité, Apologelicus pro Xii capitibus, P. G., t. lxxvi, col.’100-401, est employée par lui dans un sens moins précis et moins strict que le sens qu’elle aura dans la suite. Néanmoins, le saint docteur a fait avancer beaucoup la théologie de l’union hypostatique : il en a donné le sens exact et posé les termes essentiels. Toutefois, son œuvre reste encore, à l’instar des œuvres du we siècle, plus dogmatique que théologique. Notons cependant, dans le domaine propre de la spéculation théologique, l’exposé du mystère de l’union hypostatique par la célèbre comparaison de l’union de l’âme et du corps, à laquelle nous avons déjà fait allusion, col. 491. Nestorius avait essayé de déduire de cette comparaison les consé(luences erronées qu’on en peut tirer relativement au mystère de l’incarnation et de montrer, par là, que l’union de Dieu le’Verbe avec l’humanité ne pouvait être « en une nature », Le livre d’Héraclide, p. 142-143 ; cf. p. 40 ; concevoir l’union hypostatique sur le mode de l’union de l’ilme et du corps, c’est attriljuer à Dieu impassible la passibilité, à Dieu immortel la souffrance et la mort, c’est « priver le Verbe d’être Dieu, parce qu’il ne serait pas en tout d’une essence indépendante ». Ibid., p. 35-36 ; cf. p. 37-38. Les critiques de Nestorius prouvent simplement que toute comparaison prise dans les choses créées est en défaut pour représenter adéquatement le mystère : saint Cyrille l’avoue : « L’union dont l’Emmanuel a été le sujet est au-dessus de cela (l’union de l’âme et du corps). » Scholia de incarnalione, n. 8, P. G., t. lxxv, col. 1377. Cependant la comparaison de l’âme et du corps reste au centre de la théologie cyrillienne ; le docteur alexandrin la pousse aussi loin qu’il est possible de le faire sans franchir les limites de l’orthodoxie. Le Verbe incarné lui apparaît comme un individu unique, mais composé d’un double élément : la divinité et l’humanité, tout comme l’individu humain est composé d’une âme et d’un corps. Le corps du Verbe lui appartient tout aussi réellement que notre corps nous appartient. Cf. Adversus Nesiorium, t. I, P. G., t. lxxvi, col. 200. L’humanité fait partie de la constitution phj’sique du Verbe après l’incarnation, bien que l’hypostase divine soit demeurée immuable en elle-même. ll’union de cette humanité avec le moi divin est aussi réelle, aussi intime que si le Verbe avait été incarné de toute éternité, que s’il avait apporté sa chair du ciel, au lieu de la prendre dans le sein de la Vierge. Scholia, n. 34, P. G., t. LXXV, col. 1406. Sans changer aucunement, le moi » divin s’est parfaitement approprié,

'o ! 07
otE ! o6ai, îùwr.oiri’j ::, otP.îi’oa’. ;, tout ce qui constitue

l’humanité, tout ce qui lui arrive, tout ce qui l’affecte, de sorte que les choses humaines, Ta àv’jp(.’) ;  : [va, lui appartiennent aussi réellement que les choses divines, -k O.-ïcz, de même que l’individu humain s’approprie tout ce fjui arrive à son âme et à son corps… » M. Jugie, op. cit., p. 165-166. D’autres comparaisons sont employées par saint Cyrille, le charbon incandescent, Adv. Nestor ium, t. II, prol., P. G., t. LXXVI, col. 62 ; la fleur et l’odeur, Scholia, c. X, P. G., t. LXXV, col. 1379 ; la teinture et l’objet qui en est imprégné, Dicd. de incarnat iune, ibid., col 1214, comparaisons qu’on retrouvera chez des théologiens postérieurs, ccmme Abucara et Theorianos. Cf. Themassin, op. cit., t. ill, c. iv.

3. /-(’tiu’(, lii(jic de Léonce de Ihjzance. — L’œuvre théologique, commencée par saint Cyrille avant Éphèse, fut heureusement continuée, complétée et, on l>eut dire, achevée par Léonce de Byzance après Chalcédoine. Les hésitations, les inexactitudes qu’une terminologie encore en formation trahissent chez Cyrille, sont ici corrigées par les apports de la théologie latine, qui, depuis Tertullien, s’en tient à la formule classique, consacrée par saint Léon : une personne, deux natures, les deux natures s’unissant dans une personne unique ou Iiypostase. Léonce de Bj’zance n’a qu’à recueillir les délinitions dogmatiques antérieures et y adapter les spéculations d’une théologie qui déjà se meut à l’aise et procède par des exposés didactiques. A dire vrai, il n’a pas le mérite de CjTille d’Alexandrie, dont le génie avait devancé les formules du Il « concile de Constantinople. Mais la valeur théologique de Léonce est incontestable. A lui revient le mérite d’avoir conçu une théologie de l’incarnation. Trois points caractéristiques sont à relever dans cette théologie par rapport au problème de l’union hypostatique : a) la méthode de Léonce est foncièrement théologique : « Chalcédonien, il l’est en conscience, mais il connaît aussi bien la christologie d’Éphèse, et il est convaincu qu’il règne entre les définitions des deux conciles une harmonie parfaite. C’est cette harmonie qu’il veut mettre en lumière, afin de couper court soit aux oljjections des nestoriens, soit des monophysites, et de les ramener, si possible, à l’unité de l’Église. Pour cette œuvre, il s’inspirera du néoplatonisme, dont il trouve des lambeaux dans les Pères ; il lira Porphyre et, à travers PorphjTe, utilisera Aristote et ses catégories. Mais ce ne sont là, pour lui, que des aides extérieures. Avant tout, il veut reproduire la pensée des Pères, r.ivzT. ïI. OaTÉp’.)’/ ÀaÇo>v ïPj), P. G., t. Lxxxvi, col. 1344 ; la philosophie lui servira seulement à en rendre compte rationnellement. » Tixeront, op. c(L, p. 152-153. — b) L’utilisation des concepts philosophiques lui permet précisément de donner, au sens que recouvrent les diverses expressions des Pères, relativement à l’union hypostatique, une formule typique, qui résout enfin, d’une façon satisfaisante, l’objection d’Apollinaire, maintes fois relevée par les Pères, et cependant jamais réfutée complètement, à savoir, comment deux natures complètes, -Hhol, peuvent s’unir dans un sujet unique. C’est la difficulté d’ordre rationnel inhérente au mystère de l’union hypostatique ; difficulté que l’on retrouve à la source des deux hérésies opposées, le nestorianisme et le monophj’sisme. On a rappelé à Hypostase, col. 397 sq., l’analyse instituée par Léonce de Byzance relativement aux concepts de nature et d’hypostase ; pour la première fois, on trouve dans la théologie catholique une formule exprimant exactement ce qu’est, en regard de l’hjT)ostase, la nature concrète, existant réellement, mais ne constituant pas un sujet à part soi, LaO’sajtov. Entre la nature abstraite, sans réalité, àvu ::d’îTatoç, et la nature individuée, qui existe à part soi, j-.ôn-.y.’ji :, il y a un moyen terme, c’est l’être, la nature cnhypostasiée, ÏYj-6n-a-’j ;. La nature eubj-postasiée n’est pas unec’hypostase, puisqu’elle n’existe pas en soi, mais ce n’est pas non plus un accident, puisque, par In^pothèse, c’est une nature, une substance… Ainsi, l’on peut victorieusement répondre aux difficultés soulevées par les hérésies contraires, nestorianisme et eutychiani ; me : la nature humaine, tout en demeurant complète et entière, n’est pas une hypostase, parce qu’elle n’existe jias à part soi et qu’elle subsiste dans Je Verbe, à qui elle appartient et qui lui donne d’exister ]iar le fait qu’il la reçoit en lui. » Aux nestoriens, Léonce fait ri marquer qu’il est bien vrai que le Verbe parfait et complet, t£À£ ; oç, a pris une nature com

plète, -iî’.y. : mais que, si ces deux éléments sont complets et parfaits, considérés en eux-mêmes, ils ne sont, considérés vis-à-vis du Verbe incarné dont ils sont les éléments, que comme des parties incomplètes, comme le corps et l’àme vis-à-vis de l’homme, col. 1289. Il n’y a donc dans le Christ qu’une personne. Voir col. 497, cet argument ébauché par saint Grégoire de Nazianze. Aux monophj-sites et aux sévériens en particulier, il fait remarquer que, si les caractères spécifiques de la nature humaine, to Àoy.Lov zai çôap-ov clvat, se sont trouvés en Jésus -Christ

— ce qu’ils concédaient — il faut bien admettre qu’il y a en lui une oj^i ; humaine, et par conséquent deux natures, col. 1317, 1320. Cf. Tixeront, op. cit., p. 156-157. — c) Lathéologie de Léonce précise par des exemples et des comparaisons sa doctrine de l’enhypostasie. La comparaison du flambeau allumé de deux éléments combustibles réunis en une seule flamme, revient à plusieurs reprises sous sa plume, col. 1280, 1304. Mais c’est la comparaison de l’âme et du corps, comparaison traditionnelle, et « reçue des théologiens antérieurs », que Léonce s’efl’orce d’expUquer et de tirer au clair. Cette union est l’image de l’union hypostatique, a. parce qu’elle implique, entre l’âme et le corps, une union substantielle, comme celle qui règle les rapports du Verbe et de la nature humaine ; b. parce que, dans l’homme, l’âme garde ses propriétés et le corps les siennes, comme, dans le Christ, la divinité et l’humanité conservent réciproquement les leurs ; c. parce que l’union de l’àme et du corps en une seule personne humaine nous conduit à l’intelligence de l’union du Verbe et de la nature humaine en une personne, une hypostase, un être, un sujet. Mais il faut se garder de déduire de cette célèl)re comparaison l’unité de nature dans l’Homme-Dieu, et c’est sur ce point précis que l’union de l’àme et du corps, d’où résulte une nature unique, ne peut servir de terme de comparaison à l’union hypostatique : « Le résultat de l’union de l’âme et du corps n’est pas seulement un individu, -ri ; ivOvoroç, c’est une espèce, une ijji ; caractérisée, une nature à laquelle plusieurs individus peuvent participer, et comme on peut attribuer à chacun des individus ce qui est de la nature ou de l’espèce, on peut dire de chaque homme qu’il est’j. ; a çje ; ’. :, bien que le corps et l’âme gardent en chacun d’eux leur io’.otv-, ;. Mais en Jésus-Christ, il n’en va pas de même. Le résultat de l’union en hii n’est pas une nature cliristique, /o’/j-’j-r, ;, i’.ooç Xç. ! a- : (")v, qui puisse être ]>arlicipée ; c’est forcément un individu, une hy]iostase unique, incommunicable. II n’est donc pas u : a çja : ç, il est ; j’.a {/zoo-a- ; ’. ;. Il n’existe que trois cas, ajoute Léonce, où l’on peut parler de v.i çô :  ; ’;  : a. relativement à l’espèce ; b. relativement à l’individu en tant qu’il participe à l’espèce ; c. lorsque, de deux natures, par le mélange, s’en forme une troisième différente des deux autres, ï ; ét : ç, o£’.o(.)/ ST-posto :  ;. Le cas de Jésus-Christ ne rentre dans aucun d’eux. Libh très contra neslorianos et eitti/chianos, P. G., t. lxxxvi, col. 1289-1292. Tixeronl, op. cit., p. 157. Les scolastiques et saint Thomas en particulier, Sum. theol., 111 », q. ii, a. l, ad 3°"> ; De unioneVerbi inrarnali. a. 1, n’ont rien écrit de plus précis.

A propos de l’affaire des Trois Chapitres, l’empereur Jusiinicn, excité par Théodore Askidas, voir CoNSTA.NTiNOPLE (// « concHc (le), t. iii, col. 1235, publia son’ihj.’t’L’r ; T :, dont la théologie traduit une étroite parenté avec lathéologie de Léonce delJyzance. Or, on sait que le Vl"^ concile œcuniciiiquc a consacré la théologie de Justinicn : sur les écrits théologiques de Justinicn, voir Hardciiliewer, Les l’ères de I ïùjlisc, Irad. franc, c. iii, p. 24-27 ; ce fut donc également le triomphe de la théologie de Léonce. Voir, sur les

définitions conciliaires relatives à l’union hypostatique, col. 485 sq.

4. Les théologiens postérieurs à Lé mec de Byzance. — Comme on l’a vu à l’art. Hypostase, col. 399, pour les théologiens postérieurs à Léonce de Byzance (nous passerons ici sous silence ceux qui n’ont laissé aucune œuvre vraiment originale), l’apport qu’ils ont pu faire à la théologie catholique a été suffisamment exposé ; saint Sophrone de Jérusalem, saint Maxime, saint Anastase le Sinaïte ne s’écartent en rien de la chdstologie de Léonce. Toutefois, la christologie de saint Sophrone et de saint Maxime, de ce dernier surtout, présente un aspect nouveau. Il ne s’agit plus simjilement d’affirmer contre les monophysites la dualité de natures ; il fait tirer du principe dyopliysite, consacré à Chalcédoinc et à Constanlinople, des conclusions théologiques relatives à la dualité d’opérations et de volontés en Jésus-Christ. Tandis qu Sophrone insiste sur la dualilé d’opérations en Jésus-Christ, sans parler explicitement de la dualité de volontés, Maxime va jusqu’au bout des conclusions du dogme. Sa théologie ne s’arrête pas à l’activité du Christ ; avec la rigueur de la scolastique, elle arrive aux conséquences dernières : si la volonté libre fait partie de la nature humaine, le Verbe, s’il a pris cette nature, a pris nécessairement aussi cette volonté. Ces conclusions théologiques deviendront, par la consécration oflicielle qui en sera faite au synode de Latran et au concile œcuménique III « de Constanlinople, des articles de foi : ici, le progrès théologique se double d’un progrès dogmatique. On étudiera l’un et l’autre à l’art. MoNOTHÉLisME. Il convient toutefois d’observer dès maintenant que, conformément à la solution qui sera donnée plus tard par la théologie scolastique et que le pape Honorius ", voir t. vii, col. 1 01 sq., esquissait déjà dans sa réponse fameuse et tant discutée à Sergius, c’est à l’union hypostatique elle-même qu’il faut remonter pour avoir le principe de la rectitude absolue de la volonté humaine dans le Christ. L’union de l’humanité avec la divinité est la cause souverainement efficace de l’impeccabilité du (Jhrist, voir Jésus-Christ ; on doit donc, en Jésus-Christ, admettre deux volontés, l’une divine, l’autre humaine, sans craindre qu’elles s’opposent ou se combattent. U n’y a qu’un voulant, le Verbe incarné, qui ne peut faire deux actes opposés de volonta, et il est impossible que la volonté humaine, divinisée comme toute l’huma nité de Jésus, ne se conforme pas à sa volonté divine. Elle s’y conforme donc, mais librement, et par un vouloir humain et spontané. » Tixeront, op. cit, p. 191-192. Cf. P. G., t. xci, col. 30, 48. I- : n ce qui concerne les autres auteurs, tous professant en Jésus-Christ l’union substantielle des ilcux natures, il suffit de les signaler, avec l’énoncé de leurs principaux otivrages christologiques. Citons saint Éphrcm d’AnI ioche (527-545), dont on n’a plus que qiielqu s fragments, P. G., t. Lxxxvi, 2, col. 210.3-2110 ; le moine Job, dont nous possédons deux fragments, ibid., col. 3313-3320 ; .lean Maxence (avec une tendance quelque peu monol )hysite), /-p/s/o/a ad lc(/atos, P. G., t.LXXXvi a, col. 758fi ; Adepislolam Ilormisdæ respnnsio, ibid., col. 93-112 ; saint Anastase d’Anlioche, qui lutta contre la doctrine des aphlhartodocètes, mais dont les écrits sont perdus ; saint (lermain de Constantinoplc, qui, en matière christologique, écrivit une lettre Pro decretis concilii Chalcedonensis ad Armenios, P. G., t. xcviii, col. 135146 (texte latin seulement). Sur les œuvres de saint Sophrone et de saint.

astase le Sinaïte, voir Sophrone

et Anastase (Saint), t. ii, col. 1167.

5. La titéologie de saint.fean Dantuscène. — La doctrine de ce saint, ii la fin de l’âge patrislicjue, résume exactement toutes les allirmations dognialicjncs, tous les progrès théoloyiqucs relatifs à l’union hyposta

tique. Sa clirislologie est la synthèse de toutes les décisions conciliaires, de toutes les formules traditionnelles, de toutes les explications adoptées dans l’Église orientale, dans les siècles antérieurs. On a vu à Hypo-STASE, col. 400, comment le Damascène reprend les définitions et les théories philosophiques de Léonce de Byzance, sur les concepts de nature, d’hyposlasc, de réalité enhypostasiée. Ses explications n’apportent aucun élément nouveau de sohition, mais elles ont le grand mérite de donner à sa Ihéologie un caractère didacticjue et méthodique, qui fait qu’on a parfois comparé l’œuvre de saint Jean au viiie siècle à l’œuvre de saint Thomas d’Aquin au xiii « . Il y a, sur ce point, des réserves à faire ; mais il est exact que saint Jean Damascène a donné, pour son temps, la meilleure formule de la théologie catholique en général, et de la christologie en particulier.

Sur le point précis de l’union hypostatique, on peut résumer ainsi sa théologie. L’humanité qu’a prise le Verbe, en s’incarnant, n’est pas l’humanité abstraite, considérée (j-’."I. ; ^ O : ’opia, ni l’humanité concrète telle qu’elle existe dans tous les hommes pris collectivement, mais une humanité individuelle, qui n’est pas cependant par elle-même un individu, une personne, n’étant individu et personne que dans le Verbe et par le Verbe. De fide orthodoxa, t. III, c. xi, P. G., t. xciv, col. 1024. Le Christ, en s’unissant à la nature humaine individuelle, a pris toute notre nature : avec lui et par lui notre nature est donc ressuscitée et montée au ciel. Col., ni, 1. Toute la nature divine s’est unie à la nature humaine, mais par le Verbe seul et dans le Verbe seul, le Père et le Saint-Esprit ne s’étanl unis à l’humanité que x.at’sùociLiav xaî [5frjÀr|a[v, ibid., c. VI, col. 1001-1008 ; l’union du Verbe avec l’humanité est, au contraire, y.a-a aûv6sŒiv rjyrj’jv xaO’j-oaTaatv, c. iii, col. 993 ; c’est encore, pour la distinguer d’une union apparente, Latà çav-aat’av, une union réelle, substantielle, oùclojorlç. Ibid. Grâce à la théorie philosophique de l’àvu-daTaTov, on peut affirmer, contre les monophysites, que la nature humaine prise par le Christ ne perd pas sa o-Jm :, et contre les nestoriens, qu’elle n’est pas îotoajaTaToç : elle est svu7 : da- : a- : o ; et subsiste dans le Verbe. L’union des deux natures, za(J’iiT-o^-ao’.'/, a persévéré dans le triduum de la mort : le corps et l’âme de Jésus sont restés unis au Verbe, mais sans former deux personnes distinctes, puisqu’ils £.ubsistaient dans l’unique personnalité du Verbe, i-oo-i-r/Mç otà toj ^û-ï-oj, quoique divisés par le lieu, to-ixioç, c. xxvii, col. 1097. Saint Jean expose principalement sa théorie de l’enhypostasie dans le De fide orthodoxa, t. III, c. ix, col. 1017 ; De natura composita contra acephalos, c. vi, P. G., t. xcv, col. 120. Il admet la formule cyrillienne ; j. ; a çûa ;  ; xoû ÔEou Adyou a£aa&xo)|j.svY|, dans le sens orthodoxe où l’entend saint Cyrille. De fide orlti., t. III, c. i, col. 1024-1025 ; Contra jacobitas, n. 22, P. G., t. xciv, col. 1460-1461. L’union hypostatique fait que la personne de Jésus, de simple qu’elle était dans le Verbe non incarné, devient composée. La personne du Verbe n’a reçu aucune modification, mais, en considérant le tout que forme le Verbe incarné, une personne en deux natures, il faut dire que le Christ est composé, aûvOs-.oc, non plus d’une, mais de deux natures, t. III, c. vii ; t. IV, c. v, col. 1009, 1109.

Pour exprimer l’union substantielle du Verbe avec l’humanité, saint Jean Damascène se sert d’une terminologie ordinairement réservée à la signification de l’unité substantielle des personnes divines. 11 appelle l’union hypostatique, -EoiPôpricyiç, (on trouve aussi -apa/(ôpT ; aiç) circuminccssion. Voir les textes : De fide orthodoxa, t. III, c. iii, v, vii, xvii, xix ; t. IV, c. xix ; De imaginibiis, orat. i, n. 21, P. G., t. xav,

col. 996, 1001, 1012, 1069, 1077, 1119, 12Ô3. A dire vrai, cette expression ne lui est pas absolument propre ; on trouve des formules --fi/ojpEiv ou aETayojçeiv liç àÀÀr^La ;, en parlant des deux natures, chez saint Grégoire de Nazianze. Cf. Petau, De incarnatione, t. IV, c. XIV, n. 2. En somme, sous une forme plus expressive, la circuminccssion cliristologique est l’équivalent des formules xpSsiç. aiçt :, que nous avons déjà rencontrées sous la plume des Pères. Voir col. 441-442. Ces formules peuvent se prêter, on l’a déjà fait observer, à des interprétations orthodoxes et hétérodoxes, suivant le sens qu’on leur donne. La comparaison du mélange, de l’absorption des deux natures l’une en l’autre, donne lieu a des sens opposés. Cf. Petau, loc. cit., n. 5.

La comparaison de l’âme et du corps revient tout naturellement sous la plume de saint Jean Damascène. Comme Léonce de Byzance, plus que lui, il y fait les réserves nécessaires. Cꝟ. t. III, c. iii, col. 992, 993 ; Contra jacobitas, n. 54-57, col. 1464-1468 ; De natura composita, n. 7, col. 129, 131. L’homme est formé de deux natures irréductibles entre elles, l’âme et le corps : bien que saint Jean Damascène ignore le terme et le concept de substances incomplètes, tels que les scolastiques les formuleront plus tard, la chose existe déjà dans sa pensée : l’âme et le corps ne comptent pas eu Jésus-Christ pour deux natures unies à une troisième, la nature divine, dans la personne du Verbe. Les deux cléments immédiats dont est composé le Christ sont la nature humaine et la nature divine. De fide orth., t. III, c. xvi, col. 1065-1068 ; l’âme et le corps, en effet, par leur union, constituent une nature unique supérieure à la nature de l’âme et à celle du corps prises séparément, nature qui constitue l’espèce humaine, animal raisonnable. Mais en Jésus-Christ, l’union de la divinité et de l’humanité ne forme pas une nouvelle nature, mais un individu unique. Reprenant l’explication de Léonce de Byzance, saint Jean déclare que le Verbe et l’humanité ne forment pas une ypcaTOTïiÇ, à laquelle plusieurs Christs puissent participer.

Un des caractères de la christologie de saint Jean, c’est de déduire avec rigueur les conclusions théologiques et dogmatiques de l’union hypostatique. On constate que, sur ce point, il est le devancier des théologiens du xiiie siècle, dans l’exposé des corollaires du dogme de l’union hypostatique. Les conclusions de saint Jean Damascène sont les suivantes : a) adoration due à l’humanité de Jésus-Christ, considérée non pas séparément du Verbe, mais unie au Verbe hypostatiquement. De /i(/eor//i., t. III, c. viii, col. 1013 ; b) filiation divine de Jésus-Christ, le nom de Fils marquant une relation de la personne : filiation qui exclut de Jésus-Christ la relation de serviteur vis-à-vis du Père, c. xxi, col. 1085 ; c) communication des idiomes, dont il expose les règles et justifie l’usage, c. IV, col. 997-1000 ; d) compénétration mutuelle des natures unies, -sp ! y(i’)pr, cT ; ç, divinisation (ÙELtoai ;) de l’humanité par la divinité, comportant, non une transformation substantielle de l’humanité, mais une communication, dans la mesure du possible, des dons, des privilèges, de la puissance d’action et d’opération de la divinité : c’est une participation à l’énergie divine : r, oè to5 Kupiou aâpE -rà ; Ûîia ; évec-y £ ; a ; i-’lJy’J)1^’jl, c. vii, col. 1012 ; cf. C xvii, col. 10681072 ; Contra jacobitas, n. 52, col. 1461 ; e) absence de toute ignorance en Jésus-Christ ; le progrès de sa sagesse a été simplement apparent. De fide orth., . t. III, c. XIV, XXI, xxii, col. 1044, 1084-1088 ; De duabiis voluntatibus, n. 38, t. xcv, col. 177. La perfection même de l’humanité de Jésus exclut pareillement tout ce qui, dans les passions humaines et les souffrances, est incompatible avec cette perfection :

point, de passions mauvaises, subordination absolue de la partie inféri.-ure à la volonté, impossibilité pour le corps cependant passible d’être atteint par la souffrance au point de subir une corruption contraire à sa <lignité. De /îde or// !., t. III, c. xx, xxiii, xxviii, col. 10841088, 1089, 1097-1100 ; De duabus voluntatibus, n. 36. 37, col. 173, 176, 177. / ; Enfm, dualité d’opération et de volonté. Voir Monothélisme. Cf. Tixeront, op. ciL, p. 496-501.

II. THÉOLOGIE LATINE.

1° La théologie catholique. -1. Son caractère dogmatique. — La théologie latinedu "e siècle, avons-nous dit, col. 462, se contenta d’affirmer le dogme de l’union hypostatique. Saint Augustin n’ajoute rien aux aflirmations de ses devanciers : sa théologie christologique est encore un exposé, plus complet peut-être, mais strictement dogmatique du mystère. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2363-2365. A noter l’usage fait par le docteur d’Hippone de la comparaison de l’âme et du corps, col. 2366. Saint Augustin ramena à une conception orthodoxe de l’union hypostatique le moine Leporius, nestorien avant Neslorius, dont on possède la rétractation. Libellas emendationis, P. L., t. xxxi, col. 1221-1230 ; Cavallera, Thésaurus, n. 669-673. L’époque suivante, malgré les controverses qui agitent l’Orient, reste tout aussi calme. « Sur les formules qui sortirent de la délibération des conciles, remarque à bon droit M. Tixeront, op. cit., t. iii, p. 348, l’Église latine avait, et depuis longtemps, son siège fait, son langage acquis. Sa doctrine, que saint Léon proclama dans sa fameuse lettre à Flavien, offrait évidemment, dans son ex-I )ression, plus d’affinité avec celle de l’école d’Antioche qu’avec celle de saint Cyrille ; mais, comme on évitait d’en trop raisonner, on se gardait des excès qui perdirent Nestorius et compromirent Théodoret, et l’on conservait en somme entre les deux tendances, et par le sentiment de la tradition, le juste milieu nécessaire. »

Celte attitude traditionnelle, sans addition théologique, se retrouve chez tous les Pères : Cassien, De incarnatione Christi, où l’auteur, contre Nestorius, démontre la légitimité du Ohotozoç, l’unité de personne en.Jésus-Christ, la consubstantialité du Christ au Père, par la divinité, à Marie, par l’humanité, nonobstant son unité de personne ; enfin, la communication des idiomes, t. II, c. ii, iv ; t. V, c. vii, viii ; I. VI, c. xxii, xxiii, P. L., t. l, col. 31-37, 41, 42, 112119, 184-196 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, xii, XIII (à noter, dans ce dernier chapitre, l’exposé dR la comparaison de l’âme et du corps), P. L., t. L, col. 654, 655 ; S, Prosjjcr, In ps..i.iv. 1, P. L., t. xii, col. 411 ; S. Maxime de Turin, Serai., xliii, P. L., t. lvii, col. 621 ; Gennade de Marseille, De ecclesiasticis dogmatibus, eu, iii, P. L., t. lviii. col. 981-982 ; S. Fulgence, Epist., xvii, c. v, P. L., t. lxv, col. 457. Le mot substantia est quelquefois substitué h natura. Confliclus Arnobii cutholici et Serapionis, t. I, n. 18, P. L., t. lui, col. 272. L’emploi du terme substantia amènera .Julien de Tolède à reconnaître en Jésus-Christ trois substances. Mais cette façon de parler mérite d’être étudiée particulièrement. Voir plus loin.

Le traité De duabus naturis de saint Gélase, édité par A. Thiel, Epistolæ romannrum pontificum genuinæ, liraunsberg, 1808, t. i, mérite une mention particulière. La dualité des natures, l’unité de la personne sont fortement indiquées, contre Kutychôs et Nestorius, n. 3. Denzingcr-Daninvart, n. 168 ; Cavallera, Thésaurus, n. 693. La communication des idiomes est formulée, n. 4. Denzinger-Iiannwarl, n. 169. Puis le sens, sinon les termes mêmes de la lettre de saint Léon .sont rappelés. Au sujet des natures, on doit croire sine defeclu allcriua utramque pcrsisterc, in utraquc unum eumdrmque Dominum.Jrsiim Christum tntum t)eum

hominem et lotum hominem Denm, sine sui confusione, sine ulla divisione quam condilio possit quæcumque perslringerc, sine privalione vel defectione cujusquam e.v ils proprie vel in iis veracitcr manere, ex quibus vel in quibus unus et perfeclus et verus est Christus…, n. 8. Cavallera, n. 694. Gélase reprend, n. 9, ibid., n. 695, la comparaison classique de l’union de l’âme et du corps ; exphque, n. 10, n. 696, l’expression una natura incarnala. La comparaison empruntée à la « substance » ou n nature » du pain et du vin qui demeurent, dans l’eucharistie, nonobstant la présence réelle, est plus célèbre ; n. 14, n. 698. Sur la véritable signification (le ces termes, voir EucH.msTiE, t. v, col. 1180-1181 ; cf. Lcbreton, art. Eucharistie, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. i, col. 1575-1570. Rapprocher de ces déclarations dogmatiques du pape Gélase, la lettre d’Anastase II à Laurent de Lignido (497), n. 2. Cavallera, Thésaurus, n. 700-701.

2. Précisions dans la terminologie.

Il suffit de rappeler ici brièvement le progrès réalisé dans la terminologie latine, pour exprimer l’union hypostatique, en fonction des définitions des conciles orientaux. Le terme persona devenu équivalent d’j-r.ôri-^’j :  ;  ; le mot substantia pris indifiéremment d’abord dans le sens d’-i-oatagt ; et d’ojjia, en attendant que Rufin trouvât un meilleur équivalent latin d’hypostase avec subsistenlia, équivalent consacré par les papes et traducteurs des conciles œcuméniques ; sens concret donné au mot subsistentia chez les Pères latins et dans les conciles. Voir Hypostase, col. 391.393. Boèce, avec son De persona et duabus naturis. Rustique, qui fut un acharné défenseur des Trois Chapitres, avec son dialogue Contra acephalos dispu/((/i’o, restent les deux auteurs cjui ont le plus contribué

'i ce progrès des formules doginatiques et théologiques.

Outre sa célèbre définition de la personne, cf. Hypostase, col. 392, Boèce, dans son De duabus naturis, a laissé une solide réfutation des hérésies opposées, nestorianisme et monophysisme, et, en faveur du dogme de l’union personnelle, apporté « trois arguments décisifs », dont nous allons résumer les idées fondamentales. P. L., t. lxiv, col. 1345-1317. « S’il y a deux personnes en Jésus-Christ, l’huma iiité et la divinité restent juxtaposées, ù peu près comme deux corps, comme deux blocs qui se touchent, sans se fusionner, et, partant, plus de Christ : le Christ alors n’est plus rien, puisciue rien ne résulte de deux personnes moralement unies : Nihil est Clvislus… omnino enim ex duabus pcrsoiiis niliil unquam fieri polesf. « Deuxième considération. L’incarnation a toujours été regardée comme la grande nouveauté des siècles, comme le gigantesque miracle qui ne s’est produit qu’une fois. Tout cela est vrai si Dieu, qui est tellement loin de l’homme, fait un avec lui, si des natures qui sont tellement distantes s’embrassent dans une seule personne. Mais dans la théorie de Nestorius, <iu’y a-t-il de si nouveau et d’extraordinairement mystérieux, l’union morale de l’homme avec Dieu s’étant produite et devant se renouveler tant de fois ? Où il y a deu.x personnes, les deux natures ne forment pas un tout substantiel : Dieu n’est donc pas devenu liomme. « Troisième preuve. Nier l’unité de personne, c’est proclamer que le genre humain n’a pas été racheté, que la génération du Christ ne nous apporte aucun salut, quc les Écritures de tant de prophètes ont nourri d’illusions le peuple croyant ; c’est mépriser l’autorité de l’Ancien Testament, qui nous promettait le salut par l’avènement de Jésus. Selon un principe fondamental dans la tradition, le Verbe n’a sauvé que ce qu’il a pris : donc, pas d’humanité sauvée si

elle n’a pas’été prise par le Verbe. Cf. plus haut, col. 470. Mais il est inconcevable que l’humanité soit " assumée », s’il y a diversité dans les personnes autant que dans les natures. Prendre une nature, c’est la faire sienne, et, par conséquent, il faut que la nature prise par le Verbe appartieime au Verbe. Or, dans l’hypothèse nestorienne, l’humanité appartient à la personne humaine, non au Verbe de Dieu. Avec cette théorie des deux personnes, il est impossible que l’humanité ait été assumée par le Verbe : dès lors, point de salut, point de rédemption pour le genre huiu^.n. » Hugon, Le miistère de la rédemption, p. 1.57-159.

Rustique, on l’a vii, cf. Hypostase, col. 393, corrigea en substituant subsistentia à substantia, ce que la définition de Boèce pouvait présenter de défectueux dans la terminologie. Thomassin, op. cit., c. ix, n. 4, résume ainsi sa doctrine théologique de l’union hypostatique : n) notion philosophique de l’hypostase ou subsistence, voir Hypostase, col. 393 ; b) rien de ce qui appartient aux autres hommes n’a manqué à l’humanité du Christ ; ncc enim habet aliquid minus prœter alias subsistentias rnlionales et individuas, P.L., t. i, xvii, col. 1239 ; c) l’humanitt du Christ n’a pas sa subsistence propre, parce qu’elle subsiste dans le Verbe, qui est comme son sujet, son fondement : Causa enim Vcrbam Deus est carnis assumptæ, in quo, quasi in fundamento, illa assumpta natura quæ est servi forma, incumbit, col. 1238 ; d) l’humanité du Christ n’a donc pas de subsistence propre ; elle n’est pas un sujet, mais dans un sujet : illa igitur causa (nostræ salutis), c’est-à-dire l’humanité, instrument du Verbe, magis in subjecto est, quam subjectum, col. 1239 ; par rapport au Verbe, il faudrait plutôt la comparer à un accident qu’à un sujet, col. 1240 ; e) par rapport à ses propres accidents, l’humanité du Christ joue vraiment le rôle d’un sujet subsistant, bien que, par rapport au Verbe, elle ne soit jjas un sujet : ainsi en est-il du Christ lui-même, qui, par rapport aux hommes, est chef, ce qu’il n’est pas par rapport à Dieu ; ainsi en est-il Ie l’homme, chef de la femme, mais, par rapport au Christ, simple membre, ibid. ; /)si, parrimagination, on séjîarait l’humanité du Verbe, sans aucune addition et par le simple fait de la séparation, elle subsisterait en soi et serait une personne. Ibid.

3. La formule duæ naturæ, très substantiæ in Christo. — Le calme théologique faillit être troublé, sous le pontificat de Benoît II. Déjà, en 675, dans un synode national d’Espagne, tenu à Tolède (XP concile de Tolède), avait été reçu et promulgué un symbole, Hahn, op. cit., p. 242, composé par un théologien inconnu du Ve siècle, et dans lequel on lit, à propos du Fils : Solus Filins formam servi accepit in singularitate personæ, non in unitate divinæ naturee, in id quod est propriiim Filii, non quod commune Triniiati : quæ forma illi ad unitalem personæ coaplata est, adeo ut Filius Dei et filius liominis sit Christus, id est, Chrisius in his duabus naturis, tribus exstat substantiis : Verbi, quod ad solius Dei esscntiam référendum est, corporis et animæ, quod ad verum h’tminem pertinet. La pensée des Pères du concile est claire ; l’àme et le corps sont comptés comme deux substances, c’est-à-dire deux éléments substantiels. Cette interprétation tout à fait orthodoxe ressort d’ailleurs de la suite même de la profession de foi : Habet igitur in se geminam substantiam divinitatis et humanitatis nostræ. Quelques années après ce concile, le pape saint Léon II ayant envoj’é aux évêques d’Espagne le décret de condamnation porté contre Apollinaire et le monothélisme par le III^ concile de Constantinople, leur demandant d’y apposer leurs signatures, saint Julien, depuis peu archevêque de Tolède, en renvoyant au pape les documents signés, y joignit sa Première apologie de la vraie foi, dans laquelle il exposait et prouvait ma gistralement les dogmes attaqués par les hérétiques orientaux. Dans cette apologie se retrouvait l’expression admise par le XI « concile de Tolède, tenu sous son prédécesseur. Cette expression déplut à Rome et le pape Benoît II pria Julien de vouloir bien lui envoyer, à l’appui de ses assertions (trois autres proposifions étaient également incriminées), des preuves empruntées à l’antique tradition de l’Église et à l’enseignement des Pères. Saint.1 : lien, au reçu des envoyés pontificaux (vers 685-686), repondit par sa seconde apologie, oii il maintient ses assertions et en démontre le bien-fondé. On sut plus tard que Rome agréa ces explications ; mais, en 688 le XV^ concile de Tolède avait déjà pris parti poui Julien et sanctionné sa doctrine et sa terminologie : Ad secundum quoque refractandum capitulum transeuntes, quo idem papa incaute nos dixisse putavit, très substantias in Christo Dei Filio profileri ; sicut nos non pudebit, quæ sunt vera defendere, ita forsilan quosdam pudebit, quæ vera sunt ignorare. Quis enim nesciat, unumquemque hominem duabus constare substantiis, animæ scilicet et corporis ? … Quapropter natura divina humanæ sociata naturæ possunt et très proprix et duæ propriz appellari substantiæ. Mansi, t. xii, col. 10. Cf. Denzinger-Bannwart, n. 284, 295. Dans son apologie, qui fut pleinement approuvée par Sergius I", Julien déclarait qu’il est parfaitement vrai que dans le Christ il y a trois substances : la substance infiniment parfaite du Verbe et les deux substances de l’âme et du corps, l’une spirituelle, l’autre matérielle, dont l’union forme la nature humaine du Verbe incarné. Il ajoute que cette affirmation de trois substances en Jésus-Christ offre l’inappréciable avantage d’exclure à la fois et le manichéisme, qui nie l’existence réelle du corps de Notre-Seigneur, et l’apollinarisme, qui supprime son âme. Sur ces détails, voir J. Tailhan, Anonyme de Cordoue, Paris, 1885 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. iii, p. 553 sq.

L’afïaire semblait donc réglée définitivement ; mais le concile de Francfort (794), à propos de l’adoptianisme, voir t. i, col. 403-413, qui infestait alors l’Espagne, crut devoir mettre en garde les évêques espagnols contre une formule à laquelle ils semblaient tenir outre mesure. Voici le passage de la lettre des Pères de Francfort, relatif à la terminologie incriminée par eux : Quodetiamet in sequentibus adfunxisiis in professione Nicœni symboli non invenimus dictum, in Christo duas naturas et très substantias, et homo deificus et Deus hunmnatus. Quid est natura hominis, nisi anima et corpus ? vcl quid est inter naturam et substantiam, ut très substantiæ necesse sit nobis dicere et non magis simpliciter, sicut sancti Patres dixerunt, confiteri Dominum noslrum Jesum Christum Deum verum et verum hominem in una persona ? Mansit vero persona Filii in Trinitate, oui personæ humanæ accessit natura, ut esset et una persona, Deus et homo, non homo deificus et humanatus Deus, sed Deus homo et homo Deus : propter unitatem personæ unus Dei Filius, et idem hominis Filius perfectus Deus, perfectus homo… Consuetudo ecclesiastica solet in Christo duas substantias nominare, Dei videlicet et lominis. Mansi, t. xra, col. 884 ; Denzinger-Bannwart, ii, 312.

S’il fallait porter un jugement sur la formule incriminée, il faudrait reconnaître avec les Pères de Francfort qu’elle est ambiguë et peut facilement être interprétée en un sens contraire à l’orthodoxie. Le mot substance, à moins d’indication contraire, signifie un être complet dans son essence : placer deux substances complètes en Jésus-Christ reviendrait à nier l’union substantielle du corps et de l’âme du Verbe incamé. Mais saint Julien et les conciles espagnols voulaient simplement affirmer l’existence des substances incomplètes, âme et corps, unies en une seule nature hu

maille en Jésus-Christ comme en tout liomme, afin de mieux réfuteile docétisme et l’apollinarisme. Leur formule est donc orthodoxe, mais elle reste ambiguë : elle fournit même positivement une arme à l’erreur en plaçant sur la même ligne logique la substance complète de la nature divine et les substances incomplètes de la nature humaine. Une telle façon de s’exprimer est contraire à l’exactitude du langage.

On ne peut nier cependant que l’usage de cette formule ambiguë se retrouve parfois dans la liturgie et chez les docteurs scolastiques. Le mot « substance », appliqué à notre seul corps, se lit dans la préface de l’Epiphanie : cum unigenilus tuus in substanlia noslrse morlalitalis apparaît ; dans l’oraison de la messe au jour octave de l’Epiphanie, in substanlia noslrse carnis apparaît ; bien plus, l’expression duplex substanlia emploj’ée pour désigner l’âme et le corps se lit dans l’hymne Adoro te : quibus sub bina specie — - carnem dedil et sanguinem — ut duplicis subslantiae — totum cibarel hominem. Saint Bonaventure, de son côté, n’hésite pas à attribuer trois substances au Christ, In IV Sent., t. III, dist. II, a. 1, q. ni. Saint Thomas adopte aussi, en re..pliquant, cette façon de parler. Conl. génies, t. IV, c.xxxiv ; In IV Sent., h III, dist. VI, q. i, a. 2. Quant aux expressions homo deiftcus et Deus humanatus que rejette le concile, il faut reconnaître que. malgré le sens ortliodoxe cju’on peut leur attribuer. elles prêtent à confusion. La première pourrait laisser entendre qu’il s’agit d’une déification par la grâce ; la seconde qu’il n’y a entre Dieu et l’humanité en Jésus-Christ, qu’une union morale : celle-ci a toutefois été employée par saint Cyrille d’Alexandrie. Apologel. pro XII capilibus, anath. i, P. G., t. lxxii, col. 396.

La théologie adoptianiste.

Il s’agit ici uniquement

de la controverse adoptianiste du viiie siècle, qui prépare sans doute les controverses du xii « , mais que, dans l’ordre logique des doctrines, il faut rappeler brièvement avant d’étudier le dogme de l’union hypostatique au moyen âge. Cette controverse a été exposée, t. i, col. 403-413. Comme on l’a dit, col. 409, c’est pour avoir voulu rattacher la iilialion à la nature et non à la personne que les adoptianistes sont tombés dans l’erreur. Quelle opposition cette hérésie comporte-t-elle vis-à-vis du dogme de l’union hypostatique ? La filiation, étant une dénomination qui convient à la personne et non à la nature, ne peut être attribuée qu’à la personne même de Jésus et non à sa nature humaine : il est donc exact de dire que Jésus-Christ, en tant qu’homme, est le Fils naturel de Dieu, et non pas son Fils adoptif : le terme homme désignant ici la personne et non la nature de Jésus-Christ. Les évêques espagnols, partisans de l’adoptianisme, étayaient leur doctrine erronée principalement sur la sainte Écriture. Voir col. 408. Mais la spéculation tbéologiquc n’est pas absente de la controverse engagée contre eux. Voir col. 411. Au fond, l’adoptianisme aboutit au nestorianisme ; bien que ses adeptes se soient vivement défendus d’accepter pareille hérésie, bien qu’ils aient évité même d’employer des expressions philosophiquement fausses, il ne faut pas hésiter à tirer les conclusions des prémisses posées par eux. Ces conclusions sont celles-là mêmes que saint Thomas fera ap|iaraîtrc des thèses adoptianistes du -xiie siècle : négation de l’union substantielle du Verbe et de la nature humaine ; distinction, en Jésus-Christ, de l’hyfHistase et de la personne : dan.s le Christ, dont pliphand afilrme l’unité de personne, il faut distinguer celui par qui Dieu a créé les choses visibles, qui est fils par génération, par nature, et celui qui est né de la Vierge, qui est lils par grâce et par adoption. P. L., l. x( ; vi, col. 880 ; cf. t. ci, col. 1.327. Le dualisme d’Tilipliand est accentué par Félix d’Urgel, voir ÉUPHAND DE Tolède, t. iv, col. 2339. Les réfutations

de l’adoptianisme par le B. Alcuin fournissent a ce dernier l’occasion de promulguer à nouveau, dans cette époque de transition, la foi catholique au Christ : umis idemque Deus, unus idemque homo ; unus idemque Filius Jésus Christus. Gemina enim naliuitas geminam uni Christo dc.dit naturam. Aduersus Felic^m, t. I, n. IC). P. L., t. CI, col. 135.

L’adoptianisme accuse une parenté étroite avec le nestorianisme. Les adoptianistes, dit Schwane, Histoire des dogmes, t. iv, p. 359, sont par rapport aux nestoriens dans la même situation que les monothélites par rapport aux monophysites. Les monothélites affirmaient l’unité de la volonté, et prétendaient avec cela ne pas enseigner l’unité de nature. De même, les adoptianistes soutenaient la dualité de la filiation dans le Clirist et pensaient ne pas établir par là lu dualité de personnes. Ils ne voulaient donc pas au commencement renouveler simplement le nestorianisme ; mais, en voulant attacher à tort une importance spéciale à la différence entre les deux natures dans la dénomination de Notre-Seigneur, ils furent par le fait poussés à séparer, comme les nestoriens, les deux natures de Jésus-Christ en deux personnes. Ils se trompèrent par conséquent sur la comniunicatio idiomatum, cette question sur laquelle il est si facile de se tromper dans un sens ou dans l’autre. Cette parente doctrinale de l’adoptianisme et du nestorianisme dérive-t-elle d’une influence directe de Théodore de Mopsueste sur Éliphaud de Tolède et Féli.x d’Urgel’.' L’affirmative a été soutenue par Xéander, Jacob !, Dogmengeschichle, Berlin, 1857, t. ii, p. 26 sq. Il est possible aussi que l’ancien priscillianisme, condamné au concile de Braga de 563, voir Denzinger-Bannwart, n. 233, 234, ait eu une influence lointaine sur ces erreurs. Voir Dôllinger, Sektengeschiclite des Mittelalters, Munich, 1890, t. i, p. 54 sq.

Quoi qu’il en soit de l’hypothèse émise par Néaiider et Jacobi, il n’en est pas moins certain que l’adoplianisme du vii.’e siècle établit une ligne de continuité doctrinale entre la grande hérésie de l’Orient, combattue par saint Cyrille, et les erreurs de l’école d’Abélard, au xiie siècle, timidement reproduites par le Maître des Sentences et réfutées victorieusement par saint Thomas d’Aquin au xiii"^. L’adoptianisme du vine siècle contient déjà, sauf les formules précises et didactiques qu’y apportera la scolastique, tout le problème christologique qui se posera plus tard entre les partisans des opinions rapportées par le Maître des Sentences et la théologie cathoUque.

VII. La THÉOLOGIE scol.ASTiQUF.. — La théologie scolastique se rattaclie logiquement, en ce qui concerne le dogme de l’union hypostatique, aux controverses adoptianistes du viiie siècle, dont nous trouvons des échos au xii° siècle, dans l’école d’Abélard. Sans doute, la tradition catholique, en face de l’erreur, se trouve représentée d’un façon continue. Mais l’œuvre proprement scolastique du début est une controverse dogmatique, un choix entre les opinions courantes dans les écoles. Ces opinions, le Maître des Sentences n’ose pas encore leur donner la note Ihéologique qui leur convient, mais saint Thomas se prononce déjà catégoriquement et qualifie d’hérétiques certaines « opinions » qui avaient cours au siècle précédent. Ce premier travail d’élimination fait, la théologie scolastique entreprend l’exposé didactique de la doctrine cathofique touchant l’union hypostatifjue : sur ce point, elle n’apporte guère d’éléments nouveaux et se contente de synthétiser la doctrine et les formules des Pères de l’Kglise ; son originalité consiste surtout à envisager certains problèmes anciens sous un aspect nouveau, et à faire ressortir davantage les caractères de l’union hypostatique et à I pousser plus avant l’analyse de l’élément formel 511

HYPOSTATIQUE (UNION)

.12

constitutif de l’union du Verbe à la nature humaine.

I. CONTINUITÉ DE LA TRADITION C4TIIOLIQVE. —

Celte continuité s’affirme chez les docteurs adversaires, en philosophie, des erreurs nominahstes, en théologie, des erreurs adopUanistes ; les deux principaux représentants de l’orthodoxie sont saint Anselme et saint Bernard.

Saint Anselme, dans son De fide Trinilatis et de incarnatione Verbi, c. vi, P. L., c. CLVin, col. 278, propose explicitement le dogme de l’union hypostatique. En Jésus-Christ, la nature se distingue de la personne, duse naturie, una persona. Autour de cette formule traditionnelle se groupent toutes les exphcations de l’archevêque de Cantorbéry. C’est dans ce chapitre que l’on trouve la formule : in Christo, Deus est persona et homo est persona, nec (amen duie sunt personæ, sed una persona, sur laquelle s’appuiera Baltzer, au xixe siècle, pour détendre les erreurs gunthériennes. "Voir plus loin, col. 555-556. C’est l’ensemble des propriétés singulières qui font l’individu, qui est désigné ici par Deus et par homo, mais non la nature considérée dans ses éléments spécifiques. La formule anselmienne est donc orthodoxe ; toutefois, elle doit être entendue dans le sens que lui donne le contexte. Ce sens permet à Anselme d’appeler Jésus-Christ : ille assumptus homo, col. 279. Cf. Car Deus homo, t. I, c. viii, col. 369. Dans ce dernier ouvrage se trouve également exposée la foi en l’incarnation et en l’union hvpostatique. Voir t. I, c. viii ; I. II, c.

-ix, col. 369, 403-408.

Saint Bernard, l’adversaire d’Abélard, se préoccupe d’éviter le piège où est tombé Nestorius, en ne reconnaissant pas au Christ l’unité de personne en même temps que la dualité des natures. Voir Capz7uZ. hæres., n. 5, P. L., t. CLXxxii, col. 1051 ; De consideratione, t. V, c. IX, x, ibid., col. 800-801. Le Christ a pris une chair véritable, semblable à la nôtre, sujette à toutes les passions humaines, sauf le péché. Serm., xxxiv, P. L., t. CLXxxiii, col. 631. En Dieu, la trinité des personnes coexiste avec l’unité de substance ; en Jésus-Christ, les trois substances ne font qu’une personne. Serm., ii, in vigilia nativitatis, ibid., col. 98 ; cf. De consideratione, t. V, c. viii-ix ; P. L., t. clxxxii, col. 800801. On trouve également bien des traits relatifs à l’union hypostatique en Jésus-Christ dans les sermons in Canlica, et dans le Liber de passione C/îr/s^i, publii parmi les œuvres de saint Bernard. ^1. D’autres représentants de la tradition cathohque sont à signaler : Rupert, dans De Victoria Verbi, t. XI, et plus explicitement encore dans le commentaire In Joannem, t. II, P. L., t. clxix, col. 1443 sq., 257260 ; Ratramne, De Christi nativitate, passim, P. L., t. cxxi, col. 81 sq. ; Flodoard, dans ses poèmes De triumphis Christi, libri très, P. L., t. cxxxv ; le cardinal Drogon, Sermo de sacramento dominicæ passionis, P. L., t. clxv, col. 1515 sq. ; le B. Odon de Cambrai, Disputalio de aduentu Christi Filii Dei, P. L., t. CLX, col. 1103 sq. : le Vén. Guibert, Tractatus de incarnatione, P. L., t. cl, col. 489-528.

Plus tard, à l’aube de l’âge d’or de la scolastique, la chaîne se continue par Hugues de SaintVictor, Summa Sententiarum, tr. I, c. xv-xix, P. L., t. clxxvï, col. 70-80 ; cf. Libellas de quatuor voluntatibus in Christo, col. 841 sq. ; Richard de Saint-Victcr, Liber de Verbo incarnato, P. L., t. cxcvi, col. 995 sq. ; Pierre Lombard et le maître Bandin, dans le IIP livre des Sentences, P. L., t. cxcii, col. 757 sq., 1071 sq. ; Jean de Corbie, Apologia de Verbo incarnato, P.L., X. clxxvi, col. 295 sq.

II. CONTROVERSES DOGMATIQUES.

La théologie

du xinie siècle fut préparée par les controverses du xii « . Sur l’ensemble de ces controverses, voir Abélard (Articles condamnés), t. i, col. 43-48 ; Adoptianisme

AU xii « SIÈCLE, ibid., col. 413-417. Tandis qu’au vme siècle la discussion entre catholiques et adoptianisles était principalement scripturaire et patristique, et portait sur la filiation naturelle ou adoptive de Jésus-Christ, au xii", le débat porte directement sur la constitution intime de la personne du Sauveur et sur le rôle de la nature humaine dans cette personne. L’opposition de l’adoptianisme d’Éliphand et de Félix au dogme de l’union hypostatique n’est qu’une conséquence que l’on tire de leur erreur ; mais, dans le néo-adoptianisme de l’école d’Abélard, c’est le dogme de l’union hypostatique qui est en jeu directement : la théorie adoptianiste n’est qu’un corollaire des erreurs enseignées par les auteurs incriminés, relativement au mode d’union du Verbe avec l’humanité. Il faut reconnaître que toutes les écoles paraissent retenir la foi catholique définie contre l’apollinarisme, le nestorianisme et le monophysisme ; mais la discussion des formules catholiques de l’union personnelle ramenait logiquement les erreurs du monophysisme et du nestorianisme.

Les erreurs touchant l’union personnelle du Verbe et de l’humanité en Jésus-Christ, mises en cours par les partisans de l’adoptianisme du xiie siècle, peuvent se résumer sous trois chefs différents : Ia-IIæl y a plus que la négation de la communication des idiomes, il y a négation d’une union substantielle réalisée, dans le Christ, entre le Verbe et l’humanité : une telle union introduirait une nouvelle substance dans la trinité des personnes divines. 2° L’union hjqoostatique est donc une union purement accidentelle et extrinsèque : le corps et l’âme du Christ ne sont pour le Verbe qu’un vêtement, tout au plus un instrument, mû par le Verbe, mais sans être un avec lui. Ils sont bien des réalités, mais ils ne sont pas la réalité du Verbe incarné : le Verbe incarné n’est pas homme ; il a pris (assumpsit), il s’est uni, il possède (habet) un homme. 3° L’humanité de Jésus-Christ est réelle ; mais on ne peut logiquement affirmer que « Jésus-Christ, en tant qu’homme, soit une réalité substantielle » ; il n’y a pas, en effet, identité de la personne de Jésus avec l’humanité. D’où il faut conclure que Jésus-Christ, comme homme, n’est pas aliquid, mais simplement alicuius modi. C’est ce que l’on a appelé le nihilisme ou nihilianisme christologique, Cf. Adoptianisme, col. 413-414.

Sur ces trois points la théologie didactique des auteurs catholiques du moyen âge concentre toutes les controverses christologiques.

1° L’union du Verbe et de l’humanité est-elle une union substantielle ? — 1. Positions hétérodoxes. — La réponse affirmative, qui résume toute la tradition catholique touchant l’union hypostatique, est de foi ; et pourtant elle fut, aux xw et xiii » siècles, grâce à l’autorité d’Abélard et à l’influence de son école, sujette à controverse. Elle est, en effet, directement dirigée contre les tenants de la première et de la troisième opinions rapportées par le Maître des Sentences, t. III, dist. VI. « Les uns disent, rapporte Pierre Lombard, que, dans l’incarnation même du Fils de Dieu, un homme déterminé, constitué d’une âme et d’un corps (tout homme est constitué de ces deux éléments), a commencé à être Dieu, non point par la nature divine, mais par la personne du Verbe, et Dieu a commencé d’être cet homme. Dans cette opinion, cet homme a été pris par le Verbe qui se l’est uni. Dieu s’est fait homme signifie donc que Dieu a commencé d’être une substance déterminée, subsistant dans une âme raisonnable et une chair humaine, et cette substance a été faite, c’est-à-dire a commencé d’être Dieu, non qu’il y ait eu changement de nature, mais, les deux natures conservant leurs propriétés, Dieu est devenu homme et l’homme est devenu Dieu.

Après avoir rappelé sur quelles autorités patristiques les tenants de cette opinion appuyaient leur doctrine, Pierre Lombard conclut en montrant cjuc l’union personnelle du Verbe et de cet homme qui est en Jésus-Christ est l^ résultat de la grâce, et non de la nature ou des mérites de l’homme, uni au Verbe de Dieu.

Les autorités dont se réclament les partisans de cette opinion sont toutes, sauf une, empruntées à saint Augustin. Mais les textes de l’évêque d’Hippone ne signifient pas qu’en Jésus-Christ l’homme ait été un sujet distinct du Verbe. Saint Augustin affn-me simplement, ce qui est la doctrine traditionnelle, que le Verbe fait chair est à la fois le Fils de Dieu et le fils de l’homme. De Trinitate, t. XIII, c. xix, P. L., t. XLii, col. 1033, mais il nie précisément que ce soient là deux fils : ncc duo filii, Deus et hnmo. Enchiridion, c. xxxviii, P. L., t. xl, col. 251 ; cf. c. xxxv, col. 249. Quant à la double substance, geminam substantiam, du Christ, In Joonnis Evangelium, tT. LXXVIII, n. 3, P. L., t. xxxv, col. 1836, le mot substance est pris dans le sens de nature, selon la formule traditionnelle employée en Occident depuis Tertullicn : substanlia ne saurait ici être pris dans le sens de persona ; ce sens est positivement exclu par saint Augustin lui-même, Serm., cxxx, n. 3, P. L., t. xxxviii, col. 727 : les partisans de la première opinion rapportée par Pierre Lombard ont certainement compris saint Augustin à travers la définition que Boèce a donnée de la personne : subslaniia y étant employé avec le sens de subsislentia. Voir Hypostase, col. 393. L’expression : ilte bomo, dont se sert saint Augustin, De preedeslinatione sanctorum, c. xv, n. 30, P. L., t. XLiv, col. 981, pour rappeler qu’en tant qu’homme, Jésus-Christ n’a pu mériter la grâce de l’incarnati.n, n’a rien qui doive surprendre. Cet homme est un nom se rapportant à la personne même du Verbe incarné et ne désigne pas l’homme séparé de l’hypostase du Verbe ; eel homme n’a pu mériter la grâce de l’incarnation, parce que, dès l’instant où déjà on pouvait le désigner ainsi, l’incarnalion était accomplie..Saint Thomas ne parle pas autrement dans la Somme théologique, 111 », q. ii, a. 11. Enfin, les passages où saint Augustin compare la grâce qui fait le chrétien à la grâce qui fit l’Homme-Dieu, De prædestinationc sanctorum, loc. cit., et De Trinitate, t. XIII, c. xvii, n. 22, P. L., t. xlii, col. 1031, ne signifient pas que l’union doive être conçue dans l’incarnation comme une union de pure bienveillance, dans le sens où Nestorius l’admettait, contre l’union physique et naturelle de saint Cyrille d’Alexandrie, mais, comme l’explique encore saint Thomas, loc. cit., a. 10, comme une union purement gratuite, que nul mérite n’a précédée. Quant au dernier texte rapporté par le Maître des Sentences, et qui est de saint Ililaire, De Trinilutc, t. X, n. 57, P. L., t. x, col. 389, il alfirmc simplemt nt, selon la doctrine trad.lionnelle, et selon la doctrine maintes fois professée par l’évèciue de Poitiers, cf. I. IX, n. 3, 14 ; t. X, n.22, 23, col. 282, 293, 359,.361, que le Christ est à la fois le Verbe de Dieu et le fils fie l’homme, composé d’un corps et d’une âme ». Aucun de ces textes ne signifie que dans le Christ il y ait deux individus, ou bien, pour s’exprimer comme saint Thoma> le fait en résumant cette première opinion de sis contemporains ou prédécesseurs immédiats, d( ux hyposlascs en une personne.

La troisième opinion rapportée par le Maître des Sentences est destructive, plus encore que la première, de l’union substantielle dans le Chri.st, Dieu et homme à la fois. Ses partisans ont eu en vue d’assurer a la fois l’unité de personne en Jésus-Christ et l’immulabilité de la Trinité divine. Pour maintenir l’unité jiersonnelle en Jésus-Christ, unité bien compromise

DICT. DE THÉOI.. r.ATIIOL.

si l’on s’en tient à la première formule d’une personne en deux sujets ou hypostases, les partisans de cette troisième opinion conçoivent l’humanité du Christ comme formée, mais non composée, d’âme et de corps. Dans l’incarnation, non seulement, il n’y a pas composition des deux natures divine et humaine, mais le Verbe s’est uni directement à l’âme et directement à la chair, de façon que l’âme et la chair ne sont pas unies substantiellement entre elles pour former un individu humain. Jésus a donc tout ce que nous avons, mais selon un autre mode. Le Verbe possède à la fois l’âme humaine et le corps humain, qu’il élève à l’unité de sa personne divine, mais sans qu’aucun lien substantiel fasse de l’âme et du corps une substance individuelle. Ainsi, le Christ, en tant qu’homme, n’est pas même aliquid, mais simplement alicujus, tout en maintenant la réalité de son âme et de son corps : ainsi, aucune dualité de sujet, et partant de personne, n’est concevable en lui. Mais, d’autre part, l’union qui existe entre le Verbe d’une part, et l’âme et le corps d’autre part, doit être comparée à un simple revêtement. Dieu le Verbe, en prenant notre humanité, n’a pas ajouté à la Trinité une quatrième personne, ni un élément substantiel nouveau : la personne même du Verbe, qui subsistait auparavant sans revêtement humain, prenant ce revêtement dans l’incarnation, n’a subi en elle-même aucune division, aucun changement : elle est demeurée identique et toujours semblable à elle-même. Et la raison dernière de cette immutabilité est que, précisément, il n’y a pas entre le Verbe et son humanité, ou plutôt les deux éléments de cette humanité, d’union substantielle, au sens strict du mot, mais qu’il n’existe qu’une union extrinsèque, accidentelle, comme celle du vêtement vis-à-vis de celui qui en est revêtu.

Cette opinion étrange s’appuie principalement sur l’autorité de saint Augustin, tout comme la première opinion. Laissant de côté, comme ne comportant pas les conclusions qu’on en veut tirer, les textes où saint Augustin affirme simplement (ce que la doctrine catholique nous oblige expressément à confesser) que l’incarnation n’a amené dans la Trinité et dans le Verbe de Dieu aucune modification, aucune mutation, il sufiira de rétablir la véritable portée du commentaire de l’évêque d’IIipjione sur Phil., ii, 7, dont est tiré le principal argument en faveur de la thèse du revêlenieiit. L’apôtre avait écrit : et hahilu inventas est ut homo. Après avoir exposé quatre genres difl’érents selon lesquels nous pouvons posséder une qualité ou une chose, saint Augustin, comme terme de comparaison pour expliquer l’incarnation, s’arrête de préférence au troisième, qui est précisément celui du vêtement. Mais ce n’est qu’une comjiaraison et saint Augustin nous avertit lui-même que l’expression indutus est, dont il se sert, doit être entendue d’une union non pas accidentelle et extérieure, mais substantielle et intime. Voir Augustin (Saint), 1. 1, col. 2366. 2. Réponse de la théologie catholique.

Cette, réponse, dans ses formulas didactiques, portera sur trois points de doctrine, attaqués ou déformés dans la présente controverse : a) Dans le Christ, il y a eu une véritable union substantielle dr l’âme et du corps. — Le Christ a été fait semblable aux autres hommes, Phil., II, 7, donc il a eu la nature humaine, et la nature humaine n’existe quc lorsque l’âme est uni subslantielknient au coips. La doctrine contraire n’est pas une o))inion libre, c’est luie xéritable hérésie. Voir S. Thomas, Sum. Ilieol., III", q.n, a. 5 ; cf. q. xvi, a. 1 ; In y V Sent., I. III, dist. VI, q. iii, a. 1 ; Contra gentes, I. IV, c. xxxvii. Si le Christ a » ris la nature humaine, c’est en raison du salut des hommes, qui semble exiger que le Sauveur fût homme lui-même, Sum. theoL, III", q. IV, a. 1, devant être, comme homme, le

Vil. — 17

médialtur de Dieu et des hommes. I Tim., ii, 5 ; cf. Heb., II, 17. D’ailleurs, la simple raison veut que le Christ, s’il a pris une humanité réelle, l’ait prise telle que son ûme ait été substantiellement unie à son corps : le corps n’est corps humain qu’en raison de cette union avec l’Ame ; l’âme n’est âme humaine qu’autant qu’elle est unie au corps pour constituer l’homme. De plus, à quelles dillicultés ii’aboutit-on pas logiquement en acceptant l’opinion de ceux qui nitnt en Jésus-Christ l’union substantielle de l’âme et du corps, pour faire de ces deux éléments pris si’parément un revêtement du Verbe I On aboutit forcément à l’hérésie : hérésie d’Eutychès, en niant que le "Verbe soit subsistant en deux natures ; à l’hérésie de Nestorius, en afhrmant une simple union accidentelle entre le Verbe et les éléments de l’humanité ; à l’hérésie d’Apollinaire et peut-être même de Manès, en rdmettant dans le Christ un corps non animé par l’âme rationnelle, et ne constituant avec l’âme, à laquelle il ne serait pas uni, qu’un être imaginaire. Contra génies, loc. cit. — b) Dans le Christ, il ij a eu union substantielle entre le Verbe et l’humanité, composée d’âme et de corps. — Admettie en Jésus-Christ une seule personne, mais deux hypostases, ou considérer l’humanité comme un simple revêtement de la personne divine, c’est, inconsciemment peut-être, mais à coup sûr, tomber dans l’hérésie nestorienne : à ce seul titre, la première et la troisième opinions 1 apportées par le Maître des Sentences doivent être rejetées. L’union selon l’hypostase, proclamée au V « concile œcuménique, n’est pas une union accidentelle, mais substantielle, non qu’il y ait fusion des natuies, mais parce qu’il y a « assomption » de la

atur humaine à l’être substantiel du Verbe dans l’unité d’hypostase ou de personne. Sum. theol., III", q. ii, a. 6, et ad 2’"". L’expression dont se sert saint Paul, Phil., II, 7, habitu inventus est ut homo, doit être entendre dans un sens métaphorique ou tout au moins analogique. Le revêtement de la divinité par l’humanité peut s’entendre de trois façons principalement : d’abord, parce que l’humanité en Jésus-Christ s’ajoute à la persoime divine déjà existante, comme le vêtement s’ajoute à l’homme qui le porte ; ensuite, parce que la nature humaine est une substance, tout comme le vêtement qui s’ajoute à l’homme ; enfin parce que, pas plus que le vêtement à celui qui en est recouvert, la nature humaine n’apporte de modification à l’être divin. In IV Sent., l. III, dist. VI, q. iii, a. 6, ad 1’"". Plus simplement encore on peut dire que la nature humaine fit apparaître visible le Verbe de Dieu, comme le vêtement est le signe extérieur sous lequel paraît celui qui en est revêtu. Sum. theol., III’, q. II, a. G, ad 1’"". Les adversaires de l’union substantielle revendiquent également, mais tout aussi à tort, un texte de saint Jean Damascène, De fide orthodoxa, t. III, c. XV, P. G., t. xiiv, col. 1049 : la chair du Christ a été r instrument de la divinité. Mais il faut observer cjue ce terme, instrument, peut s’appliquer non seulement à un objet extérieur ne possédant aucune relation substantielle avec celui qui s’en sert, mais encore à une partie substantielle, appartenant à l’hypostase ou la persomie de celui qui use de cet instrument. Le corps, les membres de l’homme sont des instruments de l’homme et cependant lui sont unis substantiellement. Sum. theol., loc. cit., ad 1°’". C’est même dans cette notion de l’instrument substantiellement uni à l’hypostase dont il fait partie qu’il faut chercher le meilleur point de comparaison à l’union hypostatique dans l’union de l’âme et du corps. Cont. génies, t. IV, c. cli. — c) La réalité et l’intégrité de ta nature liumaine dans le Christ n’implique ni une I ijpvstase nouvelle, distincte de l’injpostase du Verbe, ni une personne nouvelle en Dieu. — La raison de cette

double allirmation est que l’humanité en Jésus, à la différence de l’humanité jjossédée par les autres hommes, ne subsiste pas par soi ; en Jésus, l’humanité subsiste par le Verbe, au<iuel elle est hypostaliquement unie : elle n’est pas un sujet distinct, une hypostase diflérente du sujet, de l’hypostase qu’est le Verbe. Sum. theol., loc. cit., a. 5, ad 1’"". De l’union de la nature humaine au Verbe ne résulte d’ailleurs aucun changement dans la Trinité : la personne du Verbe, en élevant jusqu’à elle l’humanité, n’en reçoit aucune modification intrinsèque : tout le changement se tient du côté de l’humanité. Cont. génies, I. IV, c. xlix, n. 2, 8. Cf. n. 5. Voir, de plus, Abklard (Articles condamnés), t. i, col. 46-47.

2° L’union personnelle du Verbe et de l’humanité en , Iésus-Christ est-elle une union de sujets ou d’hypostases ? — Après ridentification officiellement promulguée par l’Église des termes hypostase et personne, une telle question semble résolue d’avance. Elle se posait toutefois encore au xiie siècle et le Maître des Sentences n’avait pas osé réprouver comme hérétique la réponse afiirmative, qui constitue la première des opinions rapportées par lui. On ne peut expliquer l’attitude des théologiens partisans de la dualité d’hypostases en Jésus-Christ que par l’impossibilité pour eux de concevoir une substance complète et concrète qui ne soit point par le fait même subsistante en soi. Nous avons déjà fait observer à ce sujet que la définition de Boèce pouvait facilement prêter à confusion. Voir Hypostase, col. 393. Ces théologiens, pensant d’ailleurs exprimer une opinion catholique, mais, en réalité, formulant une hérésie, voulaient d’une part conserver à l’humanité prise par Notre-Seigneur son intégrité, et, d’autre part, sauvegarder le dogme de l’unité de personne en Jésus. Cette position « procède d’une ignorance touchant l’habitude de l’hypostase à la personne ». Sum. theol., III-’, q. ii, a. 3. La doctrine catholique sur ce point ne peut faire de doute : il ne s’agit pas ici d’opinion, mais d’article de foi, a. 6. La tradition est résumée succinctement, mais d’une manière extrêmement précise, par saint Jean Damascène, reconnaissant en Jésus deux natures, mais une seule hypostase. De fide orthodoxa, t. III, c. iii-v, P. G., t. xciv, col. 988-1001, et le Damascène n’est en ceci que l’écho de saint CyTille d’Alexandrie, Anath., ui, iv, de saint Grégoire de Nysse. Epist. ad Cledonium, et plus encore du V « concile où l’anathème fut porté contre « ceux qui introduisent dans le Christ deux personnes et deux substances », c’est-à-dire deux hypostases. Sum. theol. loc. cit., a. 3 ; cf. Cont. génies, t. III, c. xxx^^^. 11 convient de noter que la formule y.aO’j-ojraaiv de saint Cyrille, Anath., ii, est prise au xiii » siècle dans le sens précis de selon l’hypostase, hypostatice.

La théologie du moyen âge n’ignore pas, sur l’unité d’hypostase ou de sujet en Jésus-Christ, les preuves scripturaires, basées principalement sur la communication des idiomes ; « dans l’hypothèse de deux sujets, il faudrait donc, dit saint Thomas, appliquer séparément les prédicats divins et les prédicats hamaius que l’Écriture attribue cependant au même Christ ». Cont. génies, t. IV, c. xxxviii. Quelle que soit d’ailleurs la bonne intention de ceux qui préconisent cette doctrine, il faudra reconnaître qu’elle constitue précisément l’erreur condamnée dès le début par le pape Félix l". Cf. Denzinger-Bannwart, n. 52.

3° Doit-on affirmer que le Christ, en tant qu’homme, eslALicvJUSiiODi ouALiQViD.’—L’argument de ceux qui tiennent que le Christ, en tant qu’homme, ne peut être dit aliquid était ainsi présenté par Pierre Lombard : « Si, en tant qu’homme, le Christ est aliquid, il est, de ce chef, ou une personne, ou une substance, ou quelque autre chose. Ce dernier terme n’est pas pos

sible ; par conséquent il doit être ou une personne ou une substance. En admettant qu’il soit une substance, celle-ci sera ou ne sera pas douée de raison. Ce dernier point est encore impossible. I ! est donc doué de raison. Mais s’il est une substance douée de raison, il est par le fait même une personne, car la définition (le la personne est : substantia ralionalis individuee naiuras. Or, il ne peut être une personne au seul point de vue de son humanité, par conséquent il ne peut être un aliquid. » Sent., t. III, dist. X. On trouvera à Adoptianisme au xiie siècle l’expose des discussions relatives à cette question qui passionna alors tant d’esprits. Au xrae siècle, depuis les décrétales d’Alexandre III qui avaient définitivement fixé ce point de doctrine la controverse était close. Voir le texte des deux lettres d’Alexandre III dans Cavallera, Thésaurus, n. 763, 76-1. Saint Thomas n’en parle pour ainsi dire qu’en passant et uniquement pour éclairer le problème de la constitution physique de l’humanité du Christ, Sum. theoL, III », q. ii, a. 6 ; In IV Sent., t. III, dist. VI, q. iii, a. 2 ; à propos de la distinction X, le docteur angéljquo envisage directement l’opinion condamnée par Alexandre III, q. i, a. 2, q. ii, ad 1°". L’humanité du Christ est individuelle, mais non pas un individu : le seul individu dans le Christ, c’est la personne même du Verbe. Aussi, sans craindre de mettre en Jésus deux personnes et d’introduire une quaternite en Dieu, on doit dire qu’en tant qu’homme, Jésus est aliquid. En tant que cet homme, cet individu, il est Dieu, il est personne, hypostase, aliquis. C’est, on le voit, à peine transposée, la terminologie déjà acceptée des Pères du ive siècle, affirmant qu’en Jésus la divinité et l’humanité sont aliud et aliud, mais qu’il n’y a pas en Jésus nlius et alius. Voir col. 497. D’ailleurs l’hypothèse d’une quaternite en Dieu avait été déjà explicitement réfutée par les Pères : .S. Athanase, Ad Epictctum, n. 9, P. G., t. xxvi, col. 1066 ; cf. Theorianos, DzaL, II, aduersus Armenios, P. G., t. cxxxiii, col. 216 sq. ; S. Augustin, Epist., cxl, n. 4, c. IV, n. 12, P. L., t. xxxiii, col. 543 ; Pierre le Diacre, De incarnatione et gratta, c. iv, P. L., t. Lxii, col. 86 ; le diacre Ferrand, Epist., iii, n. 10, P. L., t. Lxvii, col. 899 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, I, n. 16, P. L., t. I, col. 659 ; par le XI<= concile de Tolède, Denzinger-Bannwart, n. 283. C’est l’application du Unus de Trinilute passus est, approuvé au III^ concile de Gonstantinople. Sur ces controverses, voir principalement Jean de Corbie, Apologia de Verbo incarnalo, P. L., t. cLxxvii, col. 295 sq. ; Alexandre de Halës, Samina, III », q. vi ; S. Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. VI, VII ; S. Thomas, In IV Sent., t. III, dist. VI ; Sum. tiieoi., III », q. v, a. 3-6.

/II. EXPOSÉ DIDACTIQUE. — l’naiiimemenl, les théologiens scolastiqucs, a partir du xuie siècle, enseignent, conformément aux définitions des conciles, que l’union du Verbe n’a pas été faite en une nature fsoit la nature humaine, soit la nature divine, soit une troisième nature résultant de la fusion des deux autres), mais ilans la iiersonne, c’est-à-dire dans riiypostasc, personne et hypostase devant être identifiées. En d’autres termes, le (Christ possède les deux natures divine et humaine, mais dans l’unité de la ()ersonn€ divine. Voir tous les commentateurs du Maître des Sentences, I. III, dist. II, Saint Thomas, parmi ses contemporains, mérite une mention particullère, non seulement poiir la perfection de son exposé didactique, mais encore pour l’emploi judicieux qui) a su faire, sur ce point, de la théologie positive. Il demande ses jtrcuves à saint Athanase, à saint Cyrille d’Alexandrie, à saint Jean Damascènc, aux conciles d’Éphèse, de (^halcédoinc, ric Constantinoide, cf. Sum. Ilvol., 111", q. ii, iv ; Cont. genleji, I. IV, c. xxxviii ; certaines expressions moins correctes des

Pères sont expliquées dans leur sens orthodoxe. Opusc. contra errores grxcorum, c. xvii-xxii. Les termes dont se sert la théologie scolastique accusent une correction parfaite et un progrès réel sur la terminologie du xiie siècle. Ils distinguent exactement les termes désignant l’hypostase et ceux (jni se rapportent à la nature ; précision qu’on ne trouve pas toujours auparavant, par exemple, chez saint Anselme, appliquant à l’humanité l’expression ille liomo. Car Deus homo, I, c. viii, P. L., t. clviii, col. 369 ; cf. De fide Trinilatis et de incarnatione Vrrhi. c. vi, col. 279 ; oir plus haut, col. 911.

I ! serait fastidieux de reprendre l’exposé de la doctrine traditionnelle, telle que les théologiens scolastiqucs l’ont entrepris, en des termes souvent identiques, dans leurs commentaires sur le III’livre des Sentences, dist. I-II, VI-VII ; ou encore, après saint l’homas, Sum. theol., III’, q. ii-vi ; Cont. gentes, t. IV, c. xxvii-xLix, dans leurs commentaires sur ces deux ouvrages du docteur angélique. Nous délimiterons donc le sujet, en nous arrêtant uniquement aux aspects particuliers sous lesquels les scolastiques ont exposé le dogme de l’union hypostatique, aspects qui accusent un progrès dans l’analyse de la pensée catholique. Les discussions sans portée doctrinale réelle seront écartées.

Les scolastiques ont envisagé, dans l’union hypostatique, les deux termes extrêmes de l’union, d’une part, la personne du Verbe, d’autre part, l’humanité, le résultat de l’union, c’est-à-dire l’hypostase ou la personne du Christ, enfin, l’union elle-même.

1° Le terme extrême de l’union du côté de la divinité : la personne du Verbe. — A dire vrai, ce premier point de la théologie scolastique dépasse le cadre de la question précise de l’union hj’postatique. Il doit être logiquement abordé à l’art. Incarnation. Voir ce mot. Toutefois, la question de la personne divine dans l’incarnation comporte un point plus particulier où le problème se trouve confiné dans les limites mêmes du problème de l’union II s’agit du rôle que joue dans l’union même avec l’humanité du Christ la personne divine du Verbe. La thèse catholique affirme, contre les monopliysites, la dualité de natures, contre les nestoriens, l’unité de sujet ou d’hypostase. Or, en Dieu, nature et personne sont la même réalité, puisqu’elles sont une seule et même chose avec l’essence divine : comment, ce nonobstant, peut-on encore maintenir que l’union de la personne du Verbe avec l’humanité ne sera pas une union en nature ? D’autre part, la jjcrsonne implique l’incommunicabilité : si l’humanité est élevée à la participation de la personnalité divine, comment peul-on encore sauvegarder la notion de personne en.lésus-Christ ? Les scolastiques ont cherché à élucider ces deux aspects encore obscurs du dogme de l’imion hypostatique. — 1. L’union de riinmanité avec la personne divine du Verbe, nonobstant l’identité en Dieu de la personne et de la nature, n’implique cependant pas une union en nature. Sans doute, en Dieu, personne et nature sont la môme réalité, mais la signification du mot personne est différeiilc de la signification du mot nature, et, parlant, l’union en personne n’est pas l’union en nature. La nature, en effet, fait abstraction de tout ce qui ne constitue pas l’essence comme telle : la personne inclut, au contraire, la raison de suhsistence, d’indixidualité. d’incommunicabilité. D’où il suit que l’union en nature signifie la constitution d’une essence, résultat de la fusion des éléments qui s’unissent ; l’imion en personne, au contraire, signifie que l’humanilé, en.lésus-ChrlsI. s’ajoute pour ainsi dire, comme élément nouveau appartenant à l’hypostavo divine, lac|uelle demeure en soi immuable et inchangée. Cette union hypostatique se vérifierail même dans le cas

où la triiiité des personnes n’existeraiL pas eL où Dieu serait, par sa substance même, personnel. S. Thomas, Sum.theoL, HT', q.n, a. 2, ad l""' ; Cajélaii, in h. loc ; cf. q. iii, a. 1, 2. En conséquence, en Dieu, c’est la personne qui, d’une manière qui lui appartient en propre, élève à l’unité de son liypostase la nature humaine ; mais la nature divine, en raison même de son identité avec la personne, peut être dite secondairement, et parce que subsistante, terme de l’union. Ibid. Il est donc exact de dire que les natures divine et humaine sont unies en Jésus-Christ, bien que cette union soit une union, non en nature, mais en personne. Il ne faut pas craindre d’affirmer cette union des natures, au sens où la théologie le permet, et qui est le sens des Pères, encore hésitants sur la terminologie à employer et dont les expressions dépassent parfois la pensée. Voir col. 49C. Cf. Thomassin, De incarnationc, t. III, c. v, n. 2. — 2. L’incommunicabilité qui appartient en propre à la personne comme telle n’empêche pas le Verbe de faire participer l’humanité à sa personnalité divine ; la nature humaine n’ajoute rien à la divinité, infinie en perfection, et se suffisant pleinement dans sa subsistence ; mais c’est au contraire la personne divine qui tire à elle, qui élève jusqu'à elle, qui, pour employer le mot consacré par la scolastique, assume (adsumil) la nature humaine et la perfectionne. En raison de son infinie perfection et de sa subsistence transcendante, le Verbe peut ainsi assumer la nature humaine de manière à la faire subsister, par une union substantielle, dans sa personnalité ou hypostase divine. Cette personnalité reste inchangée, mais elle commence, dès l’incarnation, à subsister dans la nature humaine, tout comme elle subsiste de toute éternité dans la nature divine. Toutefois, ce n’est pas la nature humaine qui fait que le Fils de Dieu est une personne, puisqu’il l’a été de toute éternité, mais elle fait seulement qu’il est homme, tandis que la personne divine est absolument constituée d’après la nature divine. Cf. Sum. theol., IIP, q. iii, a. 1, ad 1°'", 2'"", 3'"". Dans l’union comme avant l’union, la personnalité divine reste donc incommunicable : la nature humaine ne constituant pas un sujet nouveau, mais étant simplement appelée à l’honneur de participer substantiellement à l’hj’postase du Fils de Dieu. Telle est la doctrine reçue unanimement chez les scoastiques, nonobstant des divergences assez profondes sur la portée des arguments employés, cf. Scot, /n IV Sc/i ;., l. III, dist. II, q.i ; mais, dans sa substance cette doctrine s’impose à tous, quels que soient les systèmes des écoles touchant l'élément formel constitutif de l’union hypostatique. 2° L’autre terme extrême de l’union : l’humanité. — Sous cet aspect, le problème didactique de l’union hypostatique embrasse deux questions principales. Dans la première on se demande dans quel ordre la nature humaine, considérée dans toutes les parties qui la composent, a été prise par le Verbe. Dans la seconde, on essaie de résoudre le problème des éléments eux-mêmes auxquels s’est étendue l’union hypostatique. — 1. Il est évident que toute l’humanité et ses parties ont été prises simultanément par le Verbe dans l’union hypostatique. L’ordre dont il est question ici n’est donc pas un ordre de temps, mais un ordre de nature et de causalité. Dans l’humanité, en effet, certaines parties moins nobles n’ont pu être prises par le Verbe qu’en raison d’autres parties plus nobles. Dans cet ordre de causalité, on peut dire, avec tous les théologiens scolastiques (sauf Gabriel Biel, In IV Sent., ]. III, dist. I, q. ii, a. 3, dist.ii, dont la doctrine doit être notée d’erreur, Suarez, De incarnationc, disp. XVII, sect. IV, n. 4), que, dan| l’ordre des parties essentielles, l'âme fut la raison de Vassomptibililc du corps, qui, en effet, ne peut être pris par le Verbe

que précisément parce qu’uni à l'àme, il forme une nature humaine complète. L’expression mediante anima est d’ailleurs empruntée par la scolastique aux Pères. Voir Petau, De incarnationc, t. IV, c. xi ; Thomassin, De incarnationc, t. IV, c. ix. Originairement, cette formule fut employée pour satisfaire à un besoin tout pratique, provoqué par les idées que se faisaient les ariens et les païens. D’après ces idées, on disait que l’adoption de la chair était impossible à Dieu, d’une part, parce que Dieu, de même que l’esprit humain, deviendrait l'âme de la chair… et, d’autre part, parce que la chair est trop éloignée de Dieu. » Scheeben, La dogmatique, trad. franc., Paris, 1882, t. iv, n. 503. Dans la scolastique, la formule mediante anima précise cette double signification conformément à la métaphysique aristotélicienne : « On dit que le Verbe est uni au corps par l’intermédiaire de l'âme ; en tant que le corps appartient par l'âme à la nature humaine que le Fils de Dieu se proposait de ijrendre ; mais cela ne signifie pas que l'âme est une sorte de milieu qui lie ce qui est uni. » S. Thomas, Sum. theoL, III », q. l, a. 2, ad 2°'". De même, si dans l'âme on compare entre elles les diverses parties potentielles, la partie supérieure, l’esprit, est la raison immédiate d'élever les autres parties à l’union avec le Verbe ; dans l’ordre de l’intention, c’est encore le tout, parce que complet et en quelque sorte parfait, qui a la priorité sur les parties intégrantes Voir Salnianticenses, disp. IX, dub. unie, ? 1-3. Les théologiens, sauf Durand de SaintPourçain, In IV Sent., t. III, dist. II, q. ii, sont unanimes sur ces points : les controverses ne commencent que lorsqu’il s’agit de savoir si l'âme a été prise, dans l’humanité, pour elle-même ou parce que co-principe constituant l’humanité : an illa (anima) fuerit prius assumpla ut quod, vcl solum ut quo ? Cf. Suarez, loc. cit., sect. v ; Gonet, Clypeus, De incarnationc, disp. X, a. 1, n. 7, 8. De plus, toute une école soutient que, dans l’ordre de l’exécution, la subsistence du Verbe fut d’abord communiquée à l'âme, et ensuite, par l'âme au corps et seulement enfin au composé humain, l'âme étant dans l’homme la partie essentielle à qui convient d’abord et naturellement la subsistence, le corps recevant de l'âme qui l’informe cette subsistence, et, enfin, le composé la possédant parce que résultant de l’union de l’un et de l’autre. Sua.rez, 16jrf., n. 3. Que l'âme ait été dans l’ordre de la nature et de la causalité la raison pour laquelle le Verbe s’est uni aussi le corps, cela n’implique nullement que, pendant le triduura de la mort du Sauveur, l’union hypostatique ait été rompue entre le Verbe et le corps séparé de l'âme. Voir plus loin. L’ordre transcendantal de l'âme au corps demeurait toujours dans l'âme du Christ et suffit à maintenir le bien-fondé de la théorie scolastique. Sum. theol, III', q.vi, a. 1, ad 3°". Cf. q. l, a. 2, ad 2°". Sur tous ces points, voir les commentaires des théologiens sur le Maître des Sentences, t. III, dist. II, et sur la Somme Ihéologique, IIP', q. vi, a. 1-5, et q. l, a. 2 ; mais très particulièrement S. Bonaventure et Gilles de Rome. Cf. Suarez, disp. XVII.. — 2. L’extension de l’union hj-postatique est une question soulevée à propos de l’information du corps humain par l'âme intellectuelle. Voir Forme du corps humain, t. ^^, col. 546-586. Tout d’abord, les théologiens enseignent unanimement que le corps du Christ a été uni non seulement à l’hjpostase du Verbe, mais qu’il lui a été uni hypostatiquement, c’est-à-dire de façon à entrer comme élément substantiel constitutif de la personne : c’est ce qui permet la communication des idiomes eu tout ce qui concerne les expressions signifiant les souffrances, la passion, la mort du Fils de Dieu. Le Verbe s’est uni hypostatiquement non seulement l'âme, mais l’humanité, donc le corps même du Christ. Si l'âme est dite être la raison pour laquelle le Verbe

s’est uni le corps, c’est pour indiquer l’ordre d’intention, et non pour représenter l'âme comme un moyen terme physique, faisant le trait d’union entre le Verbe et le corps humain. Voir S. Thomas, Sum. theoL, III', q. VI, a. 1, 3, 4 ; et les commentateurs soit du Maître des Sentences, t. III, dist. II, soit de la Somme théologique, loc. cit., soit de la Somme Contra génies, t. IV, c. XLm, XLiv. Cette thèse est théologiquement certaine, Suarez, De incarnationc, disp. XVII, sect. iv, n. 4 ; elle seule rend compte de l’union hypostatique pendant le triduum de la mort du Christ. Suarez, De mijsteriis vilee Christi, disp. XXXVIII, sect. ii, n. 4. C’est la doctrine traditionnelle, enseignée par les Pères de l'Église. Petau, De incarnalione, t. XII, c. xix, n. 5 sq. Ensuite, malgré la controverse relative à l’information du sang par l'âme, voir t. vi, col. 585, il est théologiquement certain que le sang du Christ est uni immédiatement et hypostatiquement au Verbe, car il appartient à l’intégrité de la nature humaine. Cette assertion repose : a) sur le dogme de la présence réelle dans l’eucharistie sous les espèces du sang. Le Christ dit : « Ceci est mon sang », ce qui n’est vrai qu’en fonction de l’union hypostatique qui seule justifie la communication des idiomes ; cf. Heb., ii, 44 ; b) sur la valeur infinie attribuée à ce sang précieux, valeur inexplicable en dehors de l’union hypostatique, cf. I Pet., I, 19 ; Eph., i, 7 ; IJoa., i, 7 ; c) sur la déclaration de Clément VI, dans la bulle du jubilé de 1343, Denzinger-Bannwart, n. 550 ; d) sur la quasi-unanimité des théologiens à enseigner cette doctrine : seuls, en effet, Durand de Saint-Pourçain, In I V Sent., t. IV, dist. X, q. I. n. 16, et le supplément de Gabriel Biel, In IV Sent, t. IV, dist. XLIV, q. i, enseignent que le sang fut uni à l’hyposlase du Christ, parce qque faisant partie du corps, seul uni hypostatiquement ; mais cette opinion n’a trouvé aucun écho dans la tradition des écoles catholiques. Voir, sur le développement de ces preuves et sur la doctrine des théologiens résumant celle des Pères, Suarez, De incarnalione, disp. XV, sect. VI, et Salmanticenses, op. cit., disp. X, dub. ii. L’objection provenant de ce que le sang est perpétuellement en transformation, la nutrition lui apportant de nouveaux cléments remplaçant ceux qui s’en détachent, est réfutée par certains théologiens, voir Legrand, De incarnationc Verbi divini, diss. VI, c. ii, a. 2, concl. v ; mais il ne convient pas d’y attacher une importance particulière, la physiologie nous faisant voir, pour le corps lui-même, une semblable difliculté. La solution de cette difficuIté est simple : aussitôt qu’un élément nutritif est sufiisamment assimilé, il est informé par l'àme et uni hypostatiquement ; aussitôt que l'œuvre de désagrégation commence à s’accomplir, en vertu des lois mêmes de la vie, ces éléments que le corps doit rejeter ne sont plus informés par l'âme et unis hypostatiquement. Sur tous ces points, voir Suarez, disp. XV ; De Lugo, De incarnalione, disp. XIV, sect. n ; la théologie de Wurzbourg. De incarnalione, n. 305, et, parmi les auteurs contemporains, Stenlrup, De Verbo incarnalo, Solcriologia, th. xuv ; Pesch, Prælecliones dogmalicæ, t. IV, n. 132. L’union hypostatique s’est-elle étendue aux cheveux, aux dents, aux ongles, aux humeurs et aux liquides du corps ? Nous retrouvons ici toutes les controverses aussi subtiles qu’inutiles quc nous avons signalées à projjos de l'âme forme du corps humain. Voir t. a, col. 585-586. Cf. Suarez, loc. cit., sect. VII. La même question se pose pour les accidents corporels et spirituels. Ibid., sect. viii. Une chose est absolument certaine, c’est que tous ces éléments furent, sinon unis hypostatiquement, tout au moins pris par l’hyposlase du Fils de Dieu.

3° Le résultat ou terme « Mal de l’union : l’ht/postase ( composée : — L’union de la nature humaine au

Verbe de Dieu a pour résultat de constituer NotreSeigneur Jésus-Christ, V Homme-Dieu. L’exposé didactique de la théologie scolastique relativement à l’hypostase composée de Notre-Seigneur Jésus-Christ étudie un aspect particulier de l’union hypostatique, aspect déjà souligné par les Pères et les conciles, mais qu’il fallait étudier de plus près, afin de préciser la terminologie catholique sur ce point. — 1. Le terme 'jù'/lii'. ; signifiant l’union intime, substantielle de la nature divine et de la nature humaine en JésusClirist, quoique employé de préférence par les sévériens, voir col. 441, a cependant été accepté, consacré, canonisé par le magistère de l'Église. Le symbole, inséré dans les actes du concile d'Éphèse, Hardouin, t. i, col. 1640, et rappelant la doctrine attribuée au concile de Nicée contre Paul de Samosate, comporte , l’expression : i’v -poa’o-ov cjûvOstov iI. Osotrixoç oùpavioj za : àvOp’i)-£aç crapLo'ç ; le mot tjvOîj ;  ;, employé comme synonyme d’union, mais non de mélange, se retrouve également dans le II* concile œcuménique de Constantinople, can. 4, Denzinger-Bannwart, n. 216 ; le pape Agathon, dans sa lettre dogmatique, n’hésite pas à dire que le Christ ex (natnris) inconluse, inscparabililer et incommutabiliter est compositus, ibid., n. 288 ; bien plus, au VI* concile œcuménique, la lettre de saint Sophrone comporte ces mots, approuvés par le concile : « Nous adorons le Fils, Verbe incarné, et nous disons que son hypostase unique est composée, aiav aJToij tt, -/ j-oaTasiv À£yo|j.ôv o-jvOiTov, et nous la reconnaissons existant en deux natures. Hardouin, t. iii, col. 1260. Cf. II « concile de Constantinople, can. 7, Denzingcr-Bannwart, n. 219. Les Pères de l'Église n’ont pas hésité à employer eux aussi l’expression : hypostase ou personne composée, en parlant du Christ. Voir les textes dans Petau, De incarnalione, t. III, c. xii, n. 6 ; dans Thomassin, De incarnalione, t. III, c. vi, n. 3 ; dans Suarez, De incarnalione, disp. VII, sect. n ; dans Vasquez, De incarnalione, disp. XVI, c. ii. Toutefois, il convient de remarquer que, quelque soit rcmjiloi fait par les conciles et les Pères de cette expression, jamais il n’a été défini que la personne ou l’hyposlase du CiuMst fût composée. Cette assertion de Suarez, de Vasquez, loc. cit., et de De Lugo, De incarnationc, disp. X, n. 3, repose sur une confusion : le canon où se trouve airirmée cette doctrine est de Cyrus d'.lexandrie et non du concile. Cf. Hardouin, t. lii, col. 1341. — 2. Lorscju’il s’agit d’cxpliciucr la portée exacte de cette assertion, les théologiens scolastiqucs exposent les différents points de vue de la question. « Il est manifeste (lue, si nous envisageons la personne du ^'erbe en elle-même, elle est l’absolue simplicité, l’acte pur, incapable de rien acquérir et d’entrer comme partie composante dans un tout, à la manière dont les êtres incomplets s’unissent à l'être coniplct. « Hugon, Le mystère de l’incarnation, Paris, 1913. p. 202. Ce point de vue, acccplé par tous les Ihéologicns, est. certainement celui ((u’envisagent saint Honavenlure, //) IV Sent., t. III, dist. VI, a. 1, q. ii, allirmant que cette expression est verbum calumniabile ; ^coi. In IV Sent., t. III, dist. VI, q. iii, estimant (|U’il vaul mieux nier que la personne du Christ soit composée : loute leur école, et, parini les modernes, très spéciak’nient Tiphaine, op. cit., c. i-xiv, s 'élevant avec force contre les théologiens qui s'écartent sans raison des formules livrées par les anciens théologiens et ne savent pas distinguer entre ces deux proposilions : le Christ est composé, proposition vraie, et la personne ou Vhypostase du Christ c.it composée, proposilion fausse et â rejeter. Toulofois, il ne faut pas rejeter tout à fait l’expression : l)>poslasc ou personne composée, expression consacrée par lanl de Pères et par cerltins conciles. Saint Bonaventure explique que, si l’hypo

stase du Clirist ne peut Olic dite composée d’une composition proprement dite, qu’il définit : unio uliquorum duorum habrntiiim muliiam inclinadonem ad constitutionem Icitii. elle <toit cependant être dite, dans un sens large, composée, en tant c|ue l’union hypostatiquc fait que la personne du Verbe subsiste en deux natures : il y a alors simul-cum-cdio-positio. Loc. cit. Dans le sens de saint Bonaventure, voir Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, dist. VI, q. u ; Marsile d’Inghen, /n /V SenL, t. III, q. vi, a. 3, dub. v ; Gabriel Biel, In IV Senl., . III, dist. VI, q. ir, a. 3 ; Denys le Chartreux, ibid., dist. VI, q. viii. Cf. Salmanticenses, De incarnatione, disp. III, dub. iii, § 3, n. 49. Saint Thomas, dans son commentaire sur le Maître des Sentences, avoue que l’expression : hypostuse composée n’est pas en usage chez les théologiens modernes, dist. III, VI, q. ir, a. 3 (Hugues de SaintVictor, De sacramentis christianæ fidei, t. II, part. I, c. ii, P. L., t. clxxvi, col. 402, 403, la rejette expressément ; cf. Alexandre de Halès, Summa, III-’, q. vi, m. ii, a. 5) ; mais, dans la Somme théologique, III’, q. i, a. 4, il affirme simplement que la personne du Christ doit être dite composée, in quantum unum (subsistens) duobus subsista. « Quoiqu’il n’y ait dans le Christ qu’un seul subsistant, cependant il y a en lui une manière différente de subsister à l’égard de chacune de ses natures, et c’est ainsi que l’on dit que sa personne est composée, en tant qu’elle subsiste en deux natures. » Il ne suffit pas de dire avec saint Bonaventure qu’il y a, dans l’hypostase du Christ, composition cum naturis, car l’hypothèse hérétique de Nestorius souffrirait cette sorte de composition ; il faut dire que l’hypostase du Christ, après l’incarnation, est composée in et ex naturis : elle subsiste en deux natures et de la nature divine tient l’être, tandis que de la nature humaine tient l’être homme. Cont. gentes, t. IV, c. xlix. Mais il est bien entendu que la personne n’est pas le produit de l’union ou qu’elle perdrait son individualité dans l’hypothèse où l’union prendrait fin ; on veut dire simplement qu’ilya dans leChrist deux natures unies substantiellement dans une même hypostase. qui suIjsiste en même temps dans toutes les deux. L’hypostase du Christ n’est pas un tout, dont les natures, divine et humaine, formeraient les parties composantes, elle est la personne même du Verbe, qui, simple après comme avant l’incarnation, si on la considère en elle-même, peut être dite composée en tant qu’elle s’étend, par l’incarnation, à la nature humaine. La formule de Tiphaine ne représente nullement la tradition scolastique ; ainsi que l’a démontré péremptoirement Franzelin, De Verbo incarnato, th. xxxvi, il est tout aussi orthodoxe et conforme aux formules traditionnelles de parler de la personne, de l’hypostase composée du Christ que de parler du Christ composé. « L’expression, toutefois, pouvant se prêter à l’équivoque, on l’accompagnera de correctifs qui en précisent l’exacte signification. Au lieu de dire tout court : la personne du Verbe est composée après l’incarnation, on ajoutera : dans ce sens qu’elle joue un nouveau rôle, qu’elle perfectionne et termine l’humanité. On pourra, au contraire, dire sans atténuation que le Christ est composé, parce qu’il est clair pour tous que Notre-Seigneur, vrai Dieu et vrai homme, implique, unies substantiellement en son unique personne, la divinité et l’humanité réellement distinctes. » Hugon, op. cit., p. 202-203. Sur la discussion théologique de ce point, consulter Suarez, op. cit., sect. iv. — 3. Actuellement encore, certaines divergences se manifestent entre les théologiens, suivant les écoles auxquelles ils se rattachent. Toutefois, la doctrine généralement admise peut être ainsi formulée : Dans rexpression : l’hypostase du Christ est composée, le génitif, du Christ,

peut être pris matériellement, à savoir, l’hypostase appartenant à ce tout qui est le Christ et qui est, en soi, l’hypostase du Verbe ; on fait alors abstraction de la nature humaine et l’on ne considère dans cette formule que l’hypostase qui éternellement subsiste dans l’essence divine ; en d’autres termes, le mot Christ ne sert ici qu’à désigner la personne dont il s’agit et cette personne est la deuxième personne de la sainte Trinité, simple, et sans composition possible. Mais le génitif, du Christ, peut être aussi considéré formellement, à savoir, l’hypostase qui est précisément cet individu, le Christ. U serait plus exact de dire : l’hypostase-Christ. En ce cas il y a plus qu’une désignation, il y a détermination même <ies éléments qui entrent dans cette hypostase, à savoir, la nature divine et la nature humaine. C’est dans ce second cas que l’hypostase peut être dite composée. Toutefois, même dans la première acception du terme : l’hj’postase du Christ, une certaine composition peut être attribuée

'i la personne du Verbe. C’est la composition que les

théologiens appellent compositio ad hoc ; en ce sens, le mot compositio est simplement l’équivalent d’unio. Les Pères grecs expriment ce sens en se servant de la préposition rpo ;. Cꝟ. 11° concile de Constantinople, can : 4. -criV ivwaiv to3 Ikrrj Âo’yoj rpoç aâpza… za-rà TJvOsa’.v Tjyouv y.ctb’jroaTaaiv… TrjV iv’j>a’.v to3 GsoS Àôyou Ttpoç TTjV cday.a. y.azh sûvOsaiv… otziçi èot’. zaO Croa-acrcv. Denzinger-Bannwart, n. 216 ; S. Sophrone, Epist. ad Sergium, Hardouin, t. iii, col. 1267 ; Jean Maxence, Dial., II, n. 2, P. G., t. lxxx, a, col. 136. Dans la seconde acception, où le génitif du Christ est pris formellement, en tant que déterminant les éléments constitutifs de ce sujet : le Christ, il faut dire de toute évidence que l’hypostase du Christ est composée, non seulement d’une composition ad hor, mais d’une composition ex his, c’est-à-dire des éléments constitutifs du Christ, comme tel, à savoir de la nature diA-ine et de la nature humaine. Mais pour ne pas attribuer à cette composition un sens monophysite (Mgr Janssens, à cause de ce sens monophysite, rejette, à rencontre de la plupart des théologiens contemporains, cette composition ex his, Summa theologica, t. iv, p. 151), il reste bien entendu que l’hypostase du Christ n’est pas un tout formé des deux natures, mais un tout subsistant dans les deux natures ; aussi est-ce une composition in his en même temps qu’une composition ex his. Cette explication ressort nettement de l’emploi simultané que font des deux formules les conciles, notamment le concile de Latran, col. 488. Sur ces points consulter Franzelin, De Verbo incarnato. th. xxxvi ; Janssens, op. cit., part. I, sect. ii, m. i, q. ii, a. 4 ; Billot, De Verbo incarnato, th. vi, § 4 ; C. Pesch, Prselectiones dogmaticse, t. IV, n. 129-130.

4 » Le terme « formel » de l’union hypostalique. — Le problème du terme « total » de l’union hypostatiquc rallie à peu près, dans sa solution, les suffrages de tous les docteurs catholiques. Il n’en est pas de même du problème du terme « formel ». Tandis que le terme total est la réalité composée qui constitue l’Homme-Dieu, le terme formel est conçu par les théologiens scolastiques comme l’aspect sous lequel cette réalité est atteinte par l’action divine dans l’union hypostatiquc. Trois opinions principales, qui d’ailleurs ne s’excluent pas nécessairement, se partagent les théologiens qui se sont occupés de cette question. — 1. L’opinion de Capréolus, In IV Sent., t. III, dist. V, q. i, reprise par Cajétan, In Sum. S. Thomæ, IIP, q. ii, a. 8, par Gonet, op. cit., disp. VI, a. 5, § 1, veut que le terme formel de l’union hypostatique soit la personnalité même du Verbe ; c’est la personnalité divine, assumant « l’humanité, qui réahse formellement l’Homme-Dieu ! >. Cf. Suarez, op. cit., disp. VIII, sect. iii, n. 10-,

Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, q. ii, disp. IV, a. 2, n. 5. — 2. L’opinion commune des thomistes, enseignant que le terme formel de l’union hypostatique est l’humanité elle-même, en tant que prise par le Verbe. Suarez, loc. cil., n. Il ; Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 6 ; Vasquez, In Sum. S. Thnmæ, disp. XIX, c. n. — 3. L’opinion de Scot, In IV Sent., 1. lU, dist. XI, q. i ; de Durand de Saint-Pourçain, ibid., dist. V, q. ii, reprise par Suarez, affirmant que le terme formel de l’union hypostatique est l’union elle-même, en tant que cette union est constituée par un mode substantiel intrinsèque disposant l’humanité à la subsistence divine. Voir plus loin, col. 530. Pour la discussion de ces opinions, voir Jean de Saint-Thomas, loc. cil. ; Suarez, loc. cil. D’auttes auteurs concilient les trois opinions. Voici, à titre fl’exemple, comment s’exprime, sur ce point, Frassen, In IV Senl., t. III, t. i, disp. I, a. 1, sect. I, q. iii, concl. 2’* : Incarnalio considerala ul COMUUNiCATio substanliae divinæ, habet pro lermino perso nalikilem Verbi : ul hvmanatio, seu incarnalio, ejus lerminus est humanilas ; ul viiitio, terminus ejiis formatis est unio.

5 » L’union elle-même. — Les théologiens scolastiques distinguent avec soin Vnnion de V assomplion. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, III », q. ii, a. 8. L’assomption est l’action par laquelle la personne du Verbe éternel prend dans l’unité de subsistence la nature humaine : l’union est le terme de cette action. L’assomption, considérée activement, ne se rap))orte qu’au Verbe, passivement, qu’à la nature humaine ; l’union se rapporte aux deux natures divine et humaine. In IV Sent. t. III, dist. V, q. i, a. 1, q. nr. Voir une bonne comparaison de deux concepts dans Janssens, op. cit., p. 181-184. C’est sur le point de l’union que le développement théologique du problème christ ologique s’est fait sentir d’une façon particuhère. Le problème dans la théologie catholique se présente sous deux aspects. Les théologiens, recevant de la révélation, promulguée par l’Église, le dogme de l’union substantielle et hjpostatique dans le Christ, cherchent à rendre raison de cette union substantielle et hypostatique ; ils cherchent en conséquence à déterminer dans le Christ l’élément formel constitutif de l’unité d’hypostase ; en d’autres termes, ils reprennent le problème au point où l’avait laissé la théologie grecque de Léonce et du Damascèiie, pour approfondir davantage la question, depuis longtemps controversée : pourquoi la nature humaine, en Jésus-Christ, n’est-elle pas une personne ? En second lieu, les théologiens s’eflorcent de mettre en reUef les caractères mêmes de cette union intime et substantielle des deux natures en Jésus-( ; hrist et, par là, mettent au premier plan des problèmes que la théologie des Pères n’avait abordés qu’en passant. — 1. L’élément formel constitutif de l’union hypostatique. -- a) Coup d’œil d’ensemble sur les opinions catholiques. - - Sur ce point, qui a pris dans la théologie catholique depuis le xme siècle une importance telle qu’il semble absorber en lui-même toute la partie proprement scolastique du traité de l’incarnation, le progrès théologique se fait remarquer très particulièrement. Nous avons retracé les évolutions de la pensée chrétienne sur ce point à l’art. HvposTASE, en étudiant successivement les différentes opinions catholiques sur la notion de personne. On se contentera donc ici de résumer très brièvement les conclusions que ces différents systèmes tirent des prémisses posées, relativement à l’élément constitutif de l’union hypostatique. — a. Les anciens scolastiques ne semblent pas avoir de système arrêté. Leurs foimules, encore qu’elles soient exprimées en tennes métaphysiques, ne dépassent pas dans leur compréhension l’étendue rlu dogme hii-môme. Il n’y a qu’une personne en Jésus-Christ, parce qu’il n’y a qu’un sujet incom municable, existant à part soi ; la nature humaine, n’existant que par le Verbe, ne forme qu’un seul suppôt avec la divinité. Il ne semble pas que la théologie de saint’Bonaventure, d’Alexandre de Halès, d’Albert le Grand, de Guillaume d’Auxerre, dépasse cette conception encore toute dogmatique. Voir col. 409. — b. L’opinion scotiste accuse un progrès sur ces premières formules encore vagues. L’élément formel de la personnalité étant, pour Scot et son école, la négation de toute dépendance vis-à-vis d’un suppôt supérieur, l’unité substantielle et hypostatique s’affirme dans le Christ par là même que la nature humaine dépend actuellement de l’hypostase du Verbe. La dépendance par rapport au Verbe fait que cette nature ne peut être une personne, et qu’au contraire elle entre dans l’individualité substantielle du Verbe de Dieu. Pour l’exposé et la critique de cette théorie, voir col. 411. — c. La théorie deTiphaine, reprise par Franzelin, Pesch, Stentrup et bon nombre de théologiens contemporains, ne diffère en somme que verbalement de la théorie scotiste. L’élément constitutif de la personnalité étant, non pas quelque chose de négatif, comme chez Scot, mais quelque chose de positif, à savoir, la totalité d’être, la nature humaine en Jésus-Christ ne peut être une personne parce qu’elle ne possède pas par elle-même sa totalité, son être complet et individuel ; elle entre dans la totalité de l’hypostase du Verbe incarné et par là se trouve hypostatiquement unie au Fils de Dieu. Sur cette théorie, ses arguments, ses défenseurs, voir col. 413. — -<I. Suarez et ses partisans admettent deux réalités pour constituer la personne : d’abord, la nature individuelle ou l’essence, qu’ils identifient avec l’existence ; ensuite la subsistence, c’est-à-dire un mode substantiel distinct de l’existence, et qui, couronnant la nature, l ; i rend entièrement incommunicable. Ce mode est l’élément formel constitutif de la personnalité. En Jésus-Christ, la nature humaine n’est donc pas une personne, parce qu’il lui manque cette perfection substantielle qu’est la subsistence. Cette subsistence, en effet. est suppléée excellemment par la subsistence même du Verbe. Sur les inconvénients de cette doctrine, voir col. 418. — e. La théorie de Cajétan, reprise par la plupart des thomistes de l’école dominicaine, admet que la substance est complétée, terminée dans l’ordre substantiel par la personnalité, qui lui donne son cachet définitif ; le fait de s’appartenir à elle-même tout entière, la met à l’abri de toute atteinte du dehors ; et l’existence, réellement distincte d’ailleurs de l’essence, réalise le tout. La subsistence est intermédiaire entre la substance et l’existence : elle couronne la substance ; elle est couronnée par l’existence. Ces trois perfections sont subordonnées de telle sorte que l’une est le terme et le complément essentiel de la précédente. La nature est essentiellement perfectionnée par la subsistence comme la puissance par son acte, la subsistence est essentiellement perfectionnée par l’existence qu’elle prépare et qui est son couronnement définitif. La subsistence, mode substantiel préalable à l’existence, voilà l’élément constitutif de la personnalité. Dans cette conception, la nature humaine en.lésus-Christ n’est pas une personne, parce qu’elle manque à la fois de sa subsistence propre et de son existence propre, suppléées toutes deux par la personnalité du Verbe. Cette doctrine rend compte exactement du terme dogmatique : l’union LaO’j-oîtii-v, selon la subsislenrc. Sur les criticpies à formuler sur cette théorie, voir col. 415.

— I. Enfin, une théorie attribuée à Capréolus, et qui semble refléter exactement la pensée du docteur angélique, se différencie sur un jioint important de la théorie de Cajétan. Tout en admettant la distinction réelle de l’essence et de l’existence, ce svsièine voit

dans l’existence en soi le constitutif de la personne ; l’existence serait donc l’équivalent de la subsistence, pris au sens abstrait du mot, qui est le sens de la théologie scolastique. Une nature raisoiinable, couronnée par son existence propre, devient par là incommunicable, et doit être appelée une personne ou une hypostase. Dans l’incarnation, l’humanité n’est pas une personne, parce qu’elle n’a pas son existence propre, cette existence étant suppléée par l’existence même du Verbe. L’existence du Verlje s’étend aussi à l’humanité, non pas à la manière d’un acte qui l’informe, mais à la manière d’une perfection qui la termine et la couronne. Ainsi, l’union est hypostatique, parce que réalisée grâce à l’unité d’existence substantielle. Voir col. 423. — b) Remarques critiques. — a. Au point de vue philosophique, quelle que scit la liberté laissée par l’Église relativement à l’emploi de ces théories pour justifier en regard de la raison le concept d’union hj’postalique, il est permis de constater que seules les opinions relevant de la philosophie de saint Thomas semblent fondées en raison : le mode négatif de Scot, la totalité de Tiphaine n’explicquent rien, et Suarez et toute son école, en niant la <listinction réelle de l’essence et de l’existence, rencontrent dans leur explication d’insolubles difficultés. Voir la discussion philosophique de ces théories, col. 41 1 sq. Avec la théorie thomiste, surtout avec celle qui se dégage de la conception assez étrange d’un mode substantiel, la subsistence, terminant l’essence et la disposant à l’existence en soi, on comprend mieux comment la nature prise par le Verbe devient vraiment l’humanité de ce Verbe divin. Puisqu’elle est terminée par l’existence même du Verbe, elle a été créée telle, dans son individualité, dans ses perfections, en vue du Verbe, qui était sa fin et sa raison d’être, qui devait la consacrer, l’épouser pour l’éternité. Quoi qu’il en soit, tous les théologiens catholiques sont d’accord pour aiïirmer, sous des opinions et des explications différentes, l’union réelle, substantielle, hypostatique du Verbe de Dieu et de la nature humaine prise par lui dans le sein de la Vierge Marie. Cf. Hugon, op. cit., p. 179-180. — b. Au point de vue slriclement théologique, aucune des théories proposées ne rend plus facile l’explication de la difBculté tirée de l’union de l’humanité au Verbe seul et non aux trois personnes de la Trinité. Voir Incarnation. Toutes les opinions, en effet, doivent admettre ce fait que l’humanité est unie à l’être divin. Les divergences n’existent que par rapport au comment de cette union ; les uns (Scot, Tiphaine) le conservant comme une addition ; d’autres (Suarez) l’expliquant par un mode spécial, liant l’humanité à Dieu ; les thomistes enfin l’entendant comme une suppléance de l’existence humaine par l’existence même de Dieu, considérée dans le Verbe. De plus, chacune des opinions rapportées, mais surtout celle que défendent Tiphaine, le cardinal Franzelin et leur école, prétendent s’appuyer sur l’autorité des Pères. On fait valoir que les saintes Écritures et les Pères afhrment que le Christ a pris tout de notre nature, sauf le péché. Donc il a pris l’existence humaine et non pas une nature privée de son existence. Cf. Heb., ii, 17 ; iv, 15 ; concile de Chalcédoine, Denzinger-Bannwart, n. 134 ; concile de Latran (649), c. ix, n. 210 ; S. Athanase, Contra Apollinarem, I. II, n. 5, P. G., t. xxvi, col. 1139 ; S. Jean Damascène, De ftde orlh., t. III, c. vi, xiii, P. G. t. xciv, col. 1006 ; 1034 ; S. Léon le Grand, Scrm., lxiii, P. L., t. Liv, col. 354 ; Cassien, De incarnatione, t. I, c. V, P. L., t. L, col. 26. On afiirme même que certains Pères, tels S.Cyrille d’Alexandrie, Adeersiis Nestorium, t. I, c. I, P. G., t. Lxxvi, col. 19 ; Euthymius, Panoplia, tit. XVI, P. G., t. cxxx, col. 1063, attribuent au Christ l’existence humaine, parce qu’aucune des natures n’est inexistante, àvj-o’crtaTOç. Voir les textes in voqués, Petau, De incarnatione, t. V, c. i ; Thomassin, De incarnatione Verbi Dei, I. III, c. xvi ; cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXXVI ; Vasquez, In III^"’part. Sum. theol. S. Thomie, disp. LXXI, Ysamberl, In III"" p. Sum. theol., q. ir, disp. un. ; De Lugo, Z).incarnatione, disp. XXIV ; Tiphaine, De natura et hyposlasi, c. xxxiii-xxxv ; Franzelin, De Verbo incarnalo, thés, xxxiv. De telles prétentions sont absolument injustifiées. Les Pères n’ont eu en vue que le dogme à exposer et à défendre. C’est à peine si Léonce de Byzance et les théologiens postérieurs esquissent une théorie, non pour proposer une solution métaphysique du problème de l’union hypostatique, mais pour expliquer la possibilité métaphysique d’une nature individuée qui ne si>il pas une personne. Encore que ce point de vue’particulier se rapproche de la solution que Tiphaine donne au problème de l’élément formel constitutif de l’union hypostatique, il faut reconnaître, si l’on est sincère, que la théorie de l’enhypostasie ne répond pas aux préoccupations des théologiens scolastiques. Il est facile, en effet, de répondre qu’à ce compte, le Christ aurait dû prendre, non seulement l’existence, mais encore la personnalité humaine ; ce qui est contradictoire de la toi catholique. Les thomistes expliquent ces autorités, en disant que le Christ a dû prendre tous les éléments appartenant à la nature, c’est-à-dire à l’espèce humaine, sauf le péché. Or l’existence appartient, non à l’espèce, mais à l’individu. Cf. S. Thomas, 7/i IV Sent., t. III, dist. II, q. I, a. 2, ad 1°’" Il est donc inutile, il est même contradictoire d’admettre deux existences, l’une divine, l’autre humaine, dans le Christ. Billot, De Verbo incarncdo, Prato, 1912, p. 148-160, réfute longuement cet argument et d’autres similaires, mis en avant par l’école scotiste. De plus, de ce que les Pères proclament que la matière humaine ne peut être, en Jésus-Christ, inexistante, àvj-o’jtaToç, il ne s’ensuit pas qu’elle doive exister par son existence propre. La conception de l’ivu-ocr-aToç laisse intacte, nous l’avons vii, voir Hypostase col. 407, la question purement scolastique qui nous occupe présentement. La question controversée entre théologiens se superpose donc à la doctrine des grecs du vi « au ixe siècle, mais, quelle que soit la solution donnée au problème controversé, la doctrine des grecs reste entière et s’accommode aussi bien d’une solution que de l’autre. La préoccupation des Pères grecs, même au vie siècle, est éminemment dogmatique ; celle des scolastiques, de Tiphaine et de Franzelin comme des autres, est complètement théologique. Nous faisons nôtre, la remarque judicieuse de M. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, p. 364, à propos des Pères du iv » siècle, et nous rétendons à tous les auteurs de l’âge patristique : ’< Quelle que soit l’opinion que l’on professe sur cette question qui fait encore de nos jours l’objet de vives controverses entre théologiens, on n’est pas en désaccord avec les Pères de cette époque, du moment que l’on peut concilier sa théorie avec les données de la révélation ; car ceux-ci n’avaient d’autre but que de défendre la doctrine positive de l’Église sur le mystère du Verbe incarné ; c’est leur prêter les idées dont on est soi-même imbu, et perdre de vue ce fait que les théologiens d’autrefois n’ont pas eu et n’ont pu avoir toutes les préoccupations des théologiens d’aujourd’hui, que d’invoquer leur autorité en faveur de telle ou telle opinion scolastique. » — c. Les partisans d’une double existence en Jésus-Christ allèguent encore Vaulorité de saint Thomas d’Aquin, De uniont Verbi incarnati, q. un., a. 4, où le docteur angélique semble admettre un double esse dans le Verbe incarné. Certains auteurs, cf. Billot, op. cit., p. 139, note, répondent que ce traité attribué au saint docteur n’est pas authentique. D’autres, Cajétan, / ; î III"" p. Sum. theol.

S. Thomæ, q. xvii, a. 2, disent que saint Thomas s’est rétracté dans la Somme. D’autres enfin, tout en concédant l’autlieiiticité de l’opuscule, cf. Mandonnet, Les écrits authentiques de saint Thomas d’Aquin, dans la Rei’ue thomiste, 1909, p. 683 ; 1910, p. 302, nient que saint Thomas ait posé, dans le texte incriminé, des principes contraires à l’unité substantielle de l’existence dans le Christ : « Dans cette doctrine Thomas d’Aquin maintient, comme partout ailleurs, le principe de l’unité d'être dans le Christ, mais il cherche aussi à maintenir un rapport entre la substance divine et la nature humaine au point de vue de l'être. Ici, il semble aller plus loin qu’ailleurs en distinguant un esse principale et un esse sccundarium, le premier étant l'être éternel de la personne divine, et le second l'être temporel que contracte la personne en s’unissant à la nature humaine dans le temps. Sans doute, cette façon de formuler la doctrine ne recouvre exactement aucun des passages signalés plus haut (c’est-à-dire, In IV Sent., t. III, q. ii, a.2- Quodlibct, IX, a.3 ; Sam. Iheol., III^, q. xvTi, a. 2). Mais elle ne s’en écarte probablement pas assez pour faire renoncer purement et simplement à l’attribution, étant données les observations que nous avons déjà présentées, en laveur de l’authenticité. » Mandonnet, op. cit., p. 306. — d. Enfin, entre les deux systèmes thomistes, , le système de Cajétan prétend seul résumer la tradition catholique de l’union selon l’hijpostase, c’est-à-dire la subsistance LaO' jj : icTTa^ V. C’est là, à proprement parler, l’argument théologique apporté en faveur de cette opinion. Nous avons déjà fait remarquer qu'à l’origine le xaO" j-oira7'./ signifie simplement : selon la réalité, la vérité. Voir Hypost.sl ;, col. 388. Ce n’est que postérieurement que le sens théologique actuel : selon l’hijpostase ou la personne, a été donné à cette expression. Mais encore faut-il entendre ce sens comme les Pères et toute la tradition jusqu’au xive siècle l’ont entendu. La subsistence dont il est question ici n’est pas une modalité, conçue par abstraction, mais l'être concret, subsistant, c’est-à-dire existant en soi et par soi. D’où il apparaît clairement que l’opinion de Cajétan ne peut prétendre résumer une tradition vis-à-vis de laquelle précisément la conception du mode substantiel accuse une innovation réelle. D’ailleurs, l’union se ferait-elle, comme le conçoit Cajétan, selon le mode de la divine personnalité, il ne s’ensuivrait pas encore que l’union selon la subsistencc se trouverait formellement réalisée. Formellement, en elïcl, la personnalité divine est constituée par la relation comme telle, qui n’est subsistante qu’en raison de son identité matérielle avec l’essence. Il est donc tout aussi simple de s’en tenir à la théorie de Capréolus, qui, elle du moins, ne supprimant pas, dans la nature humaine du Christ, le mode réel qu’y place Cajétan, maiidient la parfaite ronsubslantialité de cette nature avec la nôtre, ^'oir, sur ces arguments, l'.iliot, op. cit., p. 135-137, et, en ce qui concerne la réfutation de l’argument théologi'|ue de la thèse de (Cajétan, op. cit., c. xxix.

2. Les caractères de l' union hi/postatiquc. — a) C’est une union immédiate. — Quekiues théologiens ont imaginéentreriuinianité et la divinité en Jésus-Christ un lien substantiel, espèce de trait d’union entre le Verbe et l’humanité. Celle théorie a revêtu plusieurs formes différenles. Au temps de saint Thomas, certains théologiens imaginèrent une grâce d’union, qui naturellement aurait la force d’unir l’humanité au Verbe. On attribue cette o))lnion singulière tout empreinte de ncslorianisme à Alexandre de Halès, Summn, III', q. vii, m. ii, a. 1, et à saint Honavenlure, In IV Sent., I. III, dist. II, a. 3, q. ii. Il est plus exact <ra(Tirmcr rpi’onen retrouve des traces chez Gabriel I31el, //i IV Senl., I. I. dist. XXX, q. iv, et I. HT, dist. I, q. iii, a. 2. Quoi qu’il en soit, celle

opinion a dû être enseignée du temps de saint Thomas, puisqu’il la réfute dans son commentaire sur le Maître des Sentences, t. III, dist. II, q. ii, a. 1, q. iii, en ces termes : « Il faut savoir que, dans l’union de la nature humaine et de la nature divine, il ne peut pas y avoir une sorte de milieu qui produirait l’union par manière de cause fornielle, et auquel la nature humaine s’iudrait d’abord avdnt de s’unir à la personne divine. De même, en effet, qu’il ne saurait y avoir entre la matière et la forme un milieu qui saisirait la matière avant la forme (autrement l'être accidentel serait avant l'être substantiel, ce qui est impossible), ainsi, entre la nature et le suppôt il ne saurait y avoir un intermédiaire. » Cf. Sum. theoi, III*, q.n, a. 10 ; q. vi, a. 6 ; De verifate, q. xxix, a. 2. Pour bien préciser la force de l’argumentation, il suffit de rapporter cet autre texte de saint Thomas, In IV Sent., art. cit., q. iii, ad 3'"" : « Rien n’empêche qu’un accident apparaisse comme un milieu dans une union substantielle, s’il s’agit simplement de manifester l’union déjà existante, mais cela est impossible, s’il s’agit de causer l’union. » Ainsi toute l'école thomiste, et avec elle la plupart des théologiens catholicpies professent que l’union immédiate de l’humanité au Verbe se traduit, du côté de l’humanité, par une relation réelle prédicamenttde, qui, par conséquent, est rpielque chose de créé, niartpiant le rapport de la nature humaine au Verbe qui l'élève à l’unité de son hypostase. Voir S. Thomas, Sum. Iheol., HT', q. ii, a. 7, et tous les commentateurs de ce texte. Cette relation prèdicamentalc, aliquid crcalum, est niée par certains nominalistes ; ciui ne voient entre l’iuimanite du Christ et le Verbe cju’une relation Iransccndantale. Cf. Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, dist. V, q. Il ; Scot, dist. I, q. i ; Occam, t. I, dist. XXX ; t. III, dist. I, q. I. La relation prèdicamentale admise par l'école de saint Thomas est une relation réelle, du côte de la nature humaine ; du côté de la nature divine, il ne peut être question, conformément à la doctrine générale de saint Thomas, De potentia, q. VII, a. 8-11, que d’une relation de raison. La raison en est que l’incarnation n’apporte aucun changement à la divinité : tout le changement se trouve du côté de la nature humaine, qui, dès le premier instant de son existence, a été élevée dans le Christ à la dignité de l’union hypostatique. Mais ici encore, tout en maintenant la doctrine commune de l’union immédiate, certains théologiens, sidvant en cela Suarez, Dr incarnationi', dis]). VIII, secl. nr. n. S, notamment Vasquez, In Sum. S. Thomw, III*. dis]). XVIII, c. III, quckjues thomistes, dont les théologiens de SalanuuKjue, /)( incarnalione, dis]). IV, dub. i, et, en général, les scotistes (voir, dans les Salmanticenses, loc. cit., § 1, n. 3, rénumération des))arlisans de cette opinion) ; cf. Frassen, De incarnalione, disp. I, a. 2, sect. i, q. i, concl. 1, prétendent que la nature humaine ne peut être unie immédiatement au Verbe sans y être disposée par un mode substantiel qui lui enlève son indifférence jiar rapport à l’union, et soit le terme de l’action de la trinité dans l’incarnation. Sur ce point, voir Incarnation. Le mode substantiel, à la façon dont le comprennent ces auteurs, n’est pas un accident, mais une modification de la substance elle-même. On a fait remarcjucr <léjà, voir 1 Iypostase, col. 422, la contradiction (lu’impliquc cette conception du mode sidistantiel. mais, si contradictoire en soi que paraisse l’hyiiothèse envisagée, l’argument de saint Thomas ne peut ]>liisêtrc invoqué contre un milieu constitué, cidre deux substances qui s’unissent par un simple accident. Cf. Cionet, Clijpcus, III ». dis]). VI, a. 3, n. lO-.'jO. La vraie démonstration de rimililité et de l’improbabilite de l’hypothèse suarézienne. c’est que le Verbe, par lui-môme, est le terme et le

dernier compli’ment de riiumanité dans le Clirist : pas n’est nécessaire de supposer que cette humanité requière un terme, une perfection autre que celle même de l'être divin pour l’agréger à i’hypostase du Verbe. Gonet, loc. cit., n. 51-68. Cf. Jean de SaintThomas, In Suin. S. Thomx, IIl", q. ii, disp. IV, a. 3, n. 4. Les autorités patristiques invoquées par Thomassin, /)e jnf((r ;  ! (//(onÊ, 1. III en entier, militent en faveur de l’opinion communément reçue dans l'école thomiste, puisqu’elles impliquent l’union pour ainsi dire physique des deux natures. Cf. Witasse, Traclatus Iheologici, De Vcrbi dit’ini incarnalione, Venise, 1738, c[. vii, assert, i ; Legrand, op. cit., diss. VI, a. 2. Quant à la raison qu’apporte Suarez, loc. cit., n. 22, plaçant dans ce mode substantiel le fondement réel de la relation prédicamentale, il ne semble pas qu’elle soit irréfutable : l’union immédiate de l’humanité au Verbe et par le Verbe ne constituet-elle pas un fondement réel et très suffisant de la relation par le changement qu’elle apporte dans la nature humaine ? Ftindamentum cjus non est aliqiiid médium inter natiiram nssumptani et personam, sed mutatio qua tracta est humanitas ad cssc penonse ; quæ in ipsa natiira nihil aliud est. qiiam pas.s/o ex actionc nnitiva provenicns. qua dépendons jacla est a persona. Sur l’union immédiate, voir, au sujet de l'école franciscaine. De Rada, t. iii, contr. IV, a. 6 ; sur l’ensemble de la question, Kleutgen, Théologie der Yorzeil, t. iii, sect. II.

b) C’est une union tout surnatarelle. — Le surnaturel peut être surnaturel qiioad modum, ou extrinséquement, ou bien quoad substantiam. c’est-à-dire intrinsèquement. « Que faut-il entendre par surnaturel ? C’est, pour un être, ce qui dépasse les proportions de la nature de cet être, sans lui être pourtant contraire, qiiod excedit proportionem naturæ, dit souvent saint Thomas. Plus explicitement : ce qui dépasse les forces et les exigences naturelles de cet être, mais lui conviendra s’il lui est gratuitement donné. L’erreur du naturalisme est précisément de confonilre surnaturel et contre-nature. Le surnaturel est dit relatif, lorsqu’il dépasse seulement telle nature déterminée, par exemple, la nature humaine, mais non point la nature angélique. Le surnaturel est dit absolu, ou divin, lorsqu’il dépasse toute nature créée ou créable…Le surnaturel sera essentiellement différent selon qu’il dépassera toute nature créée et créablc, soit par ses causes intrinsèques, soit seulement par ses causes extrinsèques. Les causes intrinsèques d’une chose sont les principes essentiels qui la constituent ce qu’elle est. Aristote et les scolastiques les appellent cause matérielle et cause formelle. Or, il est clair qu’une chose ne peut être, par sa cause matérielle, supérieure à toutes les natures créées et créables. Mais si cette supériorité lui convient par sa cause lormelle, par le principe intrinsèque qui la constitue et la spécifie, on dira qu’elle est surnaturelle quoad substantiam vel essentiam. Elle excède, en efïet, par son essence même, non seulement toutes les forces créées, mais toutes les natures créées ou créables. Telle est l’essence même de Dieu, et aussi la grâce sanctifiante, participation de la nature de Dieu, cf. S. Thomas, .Sam. iheol., I* II' » ', q. cxii, a. 1, ainsi que les vertus infuses et les dons qui dérivent de la grâce habituelle comme les propriétés d’une essence. Ibid., q. ex, a. 3, 4. Par contre, les causes extrinsèques d’une chose sont la cause efficiente et la cause finale. Ce qui est surnaturel, non point par sa cause formelle ou spécificatrice, mais seulement par ses causes extrinsèques, est appelé surnaturel quoad modum… Les cadres de cette division du surnaturel s’imposent, semble-t-il, à tous les théologiens. » Garrigou-Lagrange. Le surnaturel essentiel et le surnaturel modal, dans la

Revue thomiste, 1913, p. 321-324. Cf. Billot, De gratia, p. 79, note ; Gr.ce, t. vi, col. 1583. Cette terminologie, qu’on ne trouve pas d’ailleurs chez les anciens scolastiques, n’implique nullement que le surnaturel essentiel soit une substance. Toute participation de la vie divine, reçue dans une créature, est ontologiquement un accident, que les théologiens placent réductivement dans la catégorie de qualité. Le surnaturel essentiel, quoad substantiam, est donc une participation accidentelle de la vie divine : Dieu luimême, et Dieu seul, constitue le surnaturel substantiel, c’est-à-dire le surnaturel incréé. La substance surnaturelle créée est une chimère qui répugne à la raison, quoi qu’en ait pensé sur ce point certains théologiens comme Ripalda, De en^e supernaturali, disp. XXIIl, CXXXII, sect. xl ; Becan, In Sum. S. Thomæ, I", tr. I, c. IX, q. v ; cf. Suarez, De Deo, t. II, c. ix, n. 15 : Ysambert, In Sum. S. Thomæ, I*, q. xii, disp. IV : Franzelin, De Deo vero, th. xiv, corollarium. Ces principes une fois rappelés, il devient clair que l’union hypostatique est surnaturelle, d’une < : surnaturalité : qui dépasse toute autre. Il ne s’agit pas ici d’un surnaturel modal, mais il est évident que l’union surnaturel du Verbe à l’humanité relève du surnaturel intrinsèque ou essentiel. Sans doute la cause efficiente de l’incarnation est surnaturelle, puisque c’est la Trinité elle-même qui est cette cause ; mais la réalité même de l’union est, en soi, surnaturelle, « car il n’existe et ne peut exister dans la nature absolument rien cjui se puisse comparer avec cette union transcendante des deux substances dans l’unique personne du Verbe. C’est même im surnaturel tout à fait à part et qui ne se retrouvera jamais ailleurs. Les autres formes du surnaturel ne sont que des participations accidentelles de Dieu : participation transitoire de sa vertu propre, lorsque, par la causalité instrumentale, la créature concourt à la production de la grâce ou des miracles ; participation permanente de son opération propre, comme, dans la vision et l’amour béatiflques, nous voyons et aimons ce que Dieu voit et aime toujours, voir Intuitive fVfSionj ; participation habituelle de son essence propre, comme nous recevons, par la grâce sanctifiante, un écoulement physique de sa nature, une vraie communion avec lui : diuinse consortes naturæ. Il Pet., i, 4. Mais dans tous ces exemples nous restons dans l’ordre accidentel. L’union hypostatique est la communication substantielle de Dieu, attendu que l’humanité n’a pas d’autre subsistence et d’autre existence que celle du Verbe. Il n’est pas vrai, assurément, que la nature humaine devienne substantiellement divine, ni que la nature divine devienne substantiellement humaine, mais il est vrai, à cause de l’unité de personne, que Dieu est substantiellement homme et que cet homme est substantiellement Dieu. Ainsi le surnaturel hypostatique est le surnaturel substantiel, le terme suprême des communications divines. » Hugon, loc. cit., p. 186-187.

c) C’est une unioji qui dépasse toute autre union. — C’est, dit saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. ii, a. 9, la plus grande de toutes les unions, non pas si l’on regarde les termes extrêmes de l’union hypostatique considérés respectivement l’un par rapport à l’autre : l’un est infini, l’autre fini : ils seront donc, pris en eux-mêmes, toujours infiniment distants. Mais si on les considère dans l’unique sujet qu’ils constituent, « leur union l’emporte sur toute autre union ; car ruiiite de la personne divine dans laquelle les deux natures sont unies, est la plus grande des unions ». « L’union est d’autant plus étroite que le sujet où elle s’accomplit est plus un en lui-même et plus étroitement uni à chacun des deux extrêmes qui s’enlacent par elle. Or, la persoime dans laquelle se réalise l’union 53Î

HYrOSÏATIQUE (UNION ;

534

liypostatiqiie est en elle-même riinité absolue, l’unitc subsislaate, l’acte pur, l’iiifinie perfection ; elle est intimement unie à chacune des deux natures : à la nature divine, d’abord, puisqu’elle s’identifie entièrement avec elle ; à la nature humaine, ensuite, puisqu’elle lui communique sa propre subsistance, sa propre existence, par un embrassement indissoluble. » Hugon, op. cit., p. 181. Elle est donc bien plus intime, à ce seul point de vue ontologique, que l’union de l’accident et de la substance, de la forme et de la matière, de l’âme et du corps. Ces deux dernières unions, parce que faites dans l’essence et non dans la personne, paraissent plus fortes que l’union hypostatique à Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, dist. V, dont l’opinion singulière est rejetée par tous les théologiens. En voir la discussion dans Suarez, op. cit., disp. IX, sect. r, n. 1, 4 : cf. Salniauticenses, djsp. IV, dub. II, § 3, n. 65 sq.

Tous les auteurs, commentant un beau texte de saint Bernard, De consideratione, t. V, c. ntu, n. 19. P. L., t. cLXXxii, col. 799-800, font remarquer que l’union des trois personnes de la Trinité est plus étroite encore que l’union hj^jostatique. Toutefois, observe saint Thomas, à propos d’un texte en sens contraire de saint Augustin, De Trinitate, l. I, c. x, P. L., t. XLH, col. 834, « l’homme lui-même est, sous un rapport, dans le Fils plus que le Fils dans le Père, en ce sens qu’on désigne la même personne en disant du Christ l’homme et en le nommant aussi Fils de Dieu. au lieu que la personne du Père n’est pas la personne du Fils ". I.oc. cit.

Mais le point de vue ontologique n’absorbe pas tous les aspects du problème. Frassen, loc. cit., c[. iv, énumère trois autres motifs pour lesquels les théologiens proclament l’union hjT^ostatique supérieure à toute autre union : raisons de dignité, d’inscparabilité, de singularité. La dignité suréminente de l’union hypostatique éclate dans la démonstration de la divinité du Verbe incarné, et dans la perfection de la nature humaine prise par le Christ, perfection d’ordre naturel et surtout d’ordre surnaturel. Voir Jésus-Christ. Sur l’inséparabilité, voir plus loin, col. 536. Que l’union liypostatique soit singulière entre toutes, les théologiens le démontrent par là qu’elle est le don le plus excellent que Dieu puisse faire à la créature. Suarez, op. ci’L, disp. IX, sect. ii. Cette vérité « est le corollaire de la doctrine exi)()sée. Les autres dons, même la grâce consommée, même la gloire inamissible, rentrent dans le rayon des unions accidentelles et restent toujours des participations limitées de la vertu, do l’opération ou de la nature de Dieu. Si l’habitaHon de la sainte Trinité dans les justes est une présence substantielle, elle n’est pas une union substantielle, c’est-à-dire si Dieu est présent en nous par sa substance même et non point seulement par ses dons, sa substance, pourtant, ne s’unit ]ias à la nôtre au point de former un seul tout substantiellement un : c’est encore l’union accidentelle, qui se réalise entre l’hôte et sa demeure, entre le souverain Seigneur et le temjjle oii il prend ses délices. Subsister par la subsistance de Dieu, exister par son existence, voilà le don unique, le plus grand des bienfaits, de même qu’il est impossible d’avoir un terme plus noble que Di « u ! « Hugon, op. cit., ). 188-189.

Certains auteurs, comme Durand de Saint-Pourçain, /n 7 V Sen<., t. III, dist. II, q.i ; Richard de Middle tOwn, (’6(’rf..a.2, q. ult. ; Gabriel Hiel, ibid., dist. I, q. ii, a. 2, ad 2’"", considèrent que la ision béatifiquc est un don plus excellent que l’union hypostatique, parcc que celle-ci, prise séparément de la vision béatifiquc, ne rend pas l’homme heureux, tandis que c’est l’effet formel et propre de la vision intuitive. Cette assertion repose sur une conception trop étroite, car l’union hypostaliqup ne peut, en réalité, se concevoir séparée

de la vision béatilique, qui en est le couronnement et le complément nécessaire, l’union hypostatique exigeant l’union de la grâce sanctifiante et de la gloire. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, III », q. vii, a. 13 ; q. x, a. 1. C’est également s’égarer en une distinction trop subtile, que d’affirmer avec Scot, In IV Sent., t. III, dist, II, q. i, que l’union hypostatique est plus parfaiti’que la vision intuitive, si on la considère comme acte premier, et qu’au contraire, la vision est plus parfaite. si on envisage l’acte second.

d) C’est une union naturelle à l’humanité du Christ.

— Cette assertion ne contredit pas le caractère éminemment surnaturel de l’union hypostatique. Elle signifie simplement, dans la pensée des docteurs catholiques, que l’humanité de Jésus n’a jamais existé séparée du Verbe de Dieu, mais que l’union hypostatique a commencé dès le premier instant de la conception du Verbe incarné dans le sein de la Vierge Marie. « La grâce de l’union n’est donc pas naturelle dans le sens qu’elle résulte des principes de la nature humaine, mais on peut l’appeler naturelle : a. parce qu’elle résulte dans la nature humaine de l’action même de la divinité ; b. parce que, dès le commencement de sa conception, la nature humaine a été unie à la personne divine. » S. Thomas. Sum. theol., III", q. ii, a. 12. Cette vérité fut niée autrefois par tous les partisans de radoptiaihsme des premiers siècles, qui n’admettent en Jésus une filiation divine que postérieurement à sa naissance temporelle, voir col. 465 ; puis, par Paul de Samosate, Diodore <le Tarse, et Théodore de Mopsueste. Bien qu’on rencontre des hésitations chez ce dernier auteur, il semble difïicilo de concilier le dogme de l’union hypostatique existant dès la conception du Christ avec l’union purement morale qui suppose en Jésus l’usage de ses facultés pour répondre aux grâces de la divinité. Cf. Jugie, op. cit., p. 147-148. Nestorius est plus ferme sur ce point et admet l’union dès l’instant de la conception. Cette assertion contraire à la plupart des affirmations répandues en Occident grâce à Cassien et à Marius Mercator, est rigoureusement exacte, Jugie, op. cit.. p. 198 sq. ; il n’est même plus permis de douter sur ce point, cf. Fraiizelin, De Verbo incarnato, p. "222 sq.. de la pensée de Nestorius. La simultanéité de l’union et de la conception est une vérité intimement reliée au dogme de l’incarnation : le Verbe de Dieu est dit avoir été conçu du Saint-Esprit ; au moment même où la Vierge a conçu, c’est le Verbe cpii s’est lait chair. Il faut donc, pour que ces affirmations du dogme catholiques gardent toute leur vérité, que, dès le premier instant oCi la Vierge mère a conçu, le Verbe se soit uni iiypostatiquement la chair c|u’elle portait dans son sein. Telle est la doctrine professée dans l’Église catholique depuis les controverses christologiques. On peut en glaner au hasard les témoignages chez les Pères grecs et chez les Pères latins : S. Athanasc, Oratio, iii, contra arianos, n. 30, P. G., t. xxvi, col. 387 ; Contra.Apollinarem, t. I, n. 4, col. 1097 ; S. Basile. Homit.. XXV, n. 4, P. G., t. xxxf, col. 1466 ; S. Grégoire de Nazianze, Epist.. ci, P. G., t. xxxvii, col. 177 ; S. Épiphane, Adt>ersus hareses, ha ?r. lxxvii. P. G.. t. XLii, col. 686 ; pseudo-Athanase, Dial. de Trinitatr. IV, n. 5, P. G., t. xxviii, col. 1255 ; Proclus de Constantinople, Epist., ii, ad Armenos, n.5, P.G., . lv, col. 859 ; Jean Maxence, .d epist. Hnrmisdse rcsponsio, P. G.. t. Lxxxvirt, col.90 ; Dial. contra nestorianos. I, n. 10, col. 127 ; la confession de.Iustinien, P. G., t. lxxxvi, col.998 ; cf. col. 1012 ; Léonce de Byzance, Contra nestorianos et culychianos, t. II, P. G., t. i.xxxvi a, col. 1351 et col. 1579 ; Th.’odore de Rayihu. De inrarnniionc. P. G., t. xa, col. 1191 ; S. Jean Damascène, Dr fid< orfh., t. III, c. II, xxii, P. G., t. xciv, col. 986, 1088 ; Théodore Alnicara, Opusc, IV, P.G..I. xrvii.col. 1515 ; 53r

IIYPOSTATIQUE (UNION ;

536

S. Augustin, Jn Joannis Evangrliiim, tr. CVUI, n. 5, P. L., t. XXXV, col. 1916 ; Contra sermoncm arianorum, c. VIII, n. 6, P. L., t. xlii, col. 088 ; cf. De Trinitule, t. XV, c. XXVI, n. 46, t. xlii, col. 1081 ; Scrm., clxxiv, c.ii, n. 2, t. xxxviii, col. 941 ; Cassien, £)c incarnalione Christi, t. I, c. iii, P. L., t. L, col. 21 ; S. Fiilgence, De fidi’, n. 16, P. L., t. Lxv, col. 679 ; cf. EpisL, xvii, c. iii, n. 7, col. 456 ; Ad Trasimiindum, t. III, c. xvi, col. 280 ; Fulgence Ferrand, Epist., v, ad Sevcrum, n. 3, P. L., t. Lxvii, col. 912 ; Epist., iii, ad Anatoliiim, n. 15, col. 904 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, n. 15, P. L., t. l, col. 658 ; S. Léon le Grand, Epist., xxxv, ad Julianum, c. iii, P. L., t. Liv, col. 807 ; S. Grégoire le Grand, Moral., t. XVIII, c. LU, n. 85, P. L., t. Lxxvi, col. 89-90 ; Epist., lxvii, ad Qiiiricum, t. Lxxvii, col. 1205 ; Rustique, Contra acephalos disputatio, P. L., t. lxvii, col. 1188 ; et, plus près de la scolastique, Hugues de SaintVictor, De sacramentis, P. L., t. ci.xxvi, col. 394 ; Summa Sententiarum, tr. I, c. xv, col. 70-71 ; Jean de Corbie, De Vcrlio incarnato, collât, ii, col. 319.

De toutes ces autorités, la plus digne de retenir l’attention du théologien catholique est celle de saint Léon le Grand, dans sa Lettre à Ju/zen. Toutefois deux autres autorités sont à signaler, celle des anathémalismesiiet m de saint Cyrille, Dcnzinger-Bannwart, n. 204, 205, et du symbole d’union, P. G., t. lxxvii, col. 176 ; cf. Adversus nolentes confiteri S. Virginem esse deiparam, n. 4, P. G. t. lxxvi, col. 260, et celle du VI" concile œcuménique, approuvant, dans la XI « session, la célèbre lettre synodale de saint Soplirone de Jérusalem, où se trouve nettement formulée l’affirmation de la vérité que l’on rappelle ici. Mansi, t. XI, col. 461. Est-il nécessaire de voir, avec Thomassin, op. cit., . III, c. XII, dans ces assertions des Pères, l’affirmation que l’union hypostatique n’aurait pas pu se faire si la nature humaine n’avait pas été unie en même temps que conçue ? Léonce de Byzance, qui connaissait bien la valeur des affirmations traditionnelles, s’oppose formellement à cette manière d’interpréter la pensée des Pères. Solutio argumentorum Severi, P. G., t. lxxxvi, 2, col. 1943. Il est impossible de dirimer cette controverse : Ne cherchons pas ce qui n’est pas, de peur de ne pas trouver ce qui est, disait avec sagesse Pierre de Poitiers, Sententiarum liber, part. IV, c. X, P. L., t. ccxi, col. 1172.

La théologie du moyen âge recueillit cette assertion dogmatique de toute la tradition catholique, et saint’Thomas la formule ainsi, Sum. theoL, III*, q. xxxiii, a. 3 : « Si la chair du Christ avait été conçue avant d’être épousée par le Verbe, elle aurait eu à un moment donné une hypostase indépendamment de l’hypostase du Verbe de Dieu ; ce qui est contraire à la nature de l’incarnation, d’après laquelle nous supposons que le Verbe de Dieu a été uni à la nature liumaine et à toutes ses parties dans l’unité de l’hypostase. Il n’eût pas été d’ailleurs convenable que le Verbe de Dieu détruisit par son incarnation l’hypostase préexistante de la nature humaine ou de l’une de ses parties. C’est pourquoi /7 est contraire à la foi de dire que la chair du Christ a été d’abord conçue et ensuite prise par le Verbe de Dieu. »

Sur cette assertion dogmatique se grefïent dans la théologie scolastique deux conclusions subsidiaires : a. Il est theologiquement certain que la conception de la chair du Christ a été faite en un instant. Le premier instant de l’existence de la chair du Christ fut aussi l’instant de son animation par l’âme raisonnable, de telle façon que l’humanité du Sauveur fut parfaite dès ce premier instant. Cf. S. Thomas, toc. cit., a. 2. Sur la note théologique de certitude à appliquer à cette doctrine, voir Suarez, De mysteriis vitse Christi, <lisp. XI, sect. ii, n. 5. Pour accorder les données

physiologiques de l’époque avec celle assertion certaine, les théologiens éprouvent de grandes diincultés. On sait, en effet, que la physiologie du moyen âge n’admcllait l’information du corps humain par l’âme raisonnable qu’après 40 jours, l’état antérieur du corps étant transitoire et ordonné à l’état définitif par les informations successives par l’âme végétative et par l’âme sensitive. S. Thomas, Cont. génies, t. II, c. Lxxxix. Sur la solution à apporter à cette difficulté, voir Suarez, loc. cit., sect. ii, n. 12. On recourt, en somme, au miracle. Mais, dans l’hypothèse de la l)hysiologie moderne, qui admet que le fœtus, dès sa conception, est informé par l’âme raisonnable, ces difficultés disparaissent. Cf. Tilmann Pesch, Instilutiones psychologiæ, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 428 sq. ; Cliristian Pesch, Prselccliones dogmaticæ, ibid., 1909, t. IV, n. 159. Pour l’opinion des anciens théologiens, voir les références dans Suarez, loc. cit., n. 11.

— b. Les théologiens scolastiques admettaient générnlement qu’en considérant les choses du côté de la nature humaine unie au Verbe, il fallait concevoir l’union hypostatique comme comprenant trois actions dont l’effet sans doute est simultané, mais que la logique nous oblige à distinguer : la création de l’âme raisonnable du Christ, la génération de son humanité et l’assomption de cette humanité par le Verbe de Dieu. C’est par la simultanéité du résultat qu’il faut expliquer les affirmations des Pères à ce sujet. Voir col. 534. Cette doctrine semble résulter des affirmations de saint Thomas, Sum. theoL, III », q. iv, a. 2 ; q. VI, a. 3, a. 4, ad3"’" ; /n7VSenL, t. III, dist. V, q. iii, a. 1, ad 2°’" ; d’Alexandre de Halès, Summa, III*, q. viii, m. II ; elle est expressément enseignée par Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, dist. XV, q. ii, n. 4 ; par Scot, ibid., dist. I, q. i, etc. Mais cette doctrine généralement admise a été contredite par certains théologiens de l’école thomiste, par exemple, Cabrera, In Sum. Iheol. S. Thomas, III », q. ii, a. 11, disp. IL Sur la discussion de cette divergence, voir Suarez, De incarnalione, disp. VIII, sect. i ; Gonet, III », tr. I, disp. VI, a. 4.

e) C’est une union indissoluble. — Cette assertion peut être justifiée, soit par rapport à l’indissolubilité de l’union hypostatique dans la vie glorieuse où est entré Jésus après sa résurrection et son ascension, soit en fonction de la séparation survenue entre l’âme et le corps du Sauveur, pendant le temps qui sépara sa mort de sa résurrection. Sans doute le principe théologique sur lequel repose la doctrine catholique est identique dans les deux cas ; mais la question du triduum de la mort possède des aspects qui obligent le théologien à la considérer à part. — a. Marcel d’Ancyre, en distinguant le Logos du Fils, distingue aussi deux royaumes du Christ : le royaume du Logos, qui seul est éternel, le royaume du Fils, qui doit finir avec la fin du monde, laquelle entraîne avec elle la fia de tout corps humain. Voir col. 466. Ces spéculations font comprendre pourquoi « Marcel hésitait à accorder à la chair prise par le Verbe une existence et une union avec lui indéfinies. En soi, disait-il, la chair ne saurait convenir à Dieu, et encore que par la résurrection elle ait acquis l’immortalité, elle n’est IKis pour autant devenue plus digne de Dieu, lequel est au-dessus de l’immortalité. On peut donc croire cpie, après la parousie, le Verbe se dépouillera de son iuimanité et rentrera en Dieu comme il y était avant la création (d’après I Cor., xv, 28). Que deviendra cette humanité ? Nous l’ignorons, puisque l’Écriture ne le dit pas. o Fragm., cxvii-cxxi. Tixeront, op. cit., l. II, p. 40. Cette erreur est directement opposée aux assertions de la sainte Écriture, où le Christ, c’est-à-dire l’Homme-Dieu, nous est formellement dit devoir être éternel, posséder un sacerdoce éternel ou un rè

gne sans fin. Heb., vii, 24 ; xiii, 8 ; Luc, i, 33 ; Joa, xir, 34 ; Ps. cix, 4 ; Dan., vii, 24 ; Rom., vi, 9, etc. Les Pères ont toujours entendu ces textes dans le sens de l’indissolubilité de l’union hypostatique. S. Irénée, Conl. hser.. t. III, c. xvi, n. 9, P. G., t. vii, col. 928 ; S. Atlianase, Contra Apollinarem, t. I, n. 12 ; t. II, n. 5, 16, P. G., t. XXVI, col. 1113, 1140, 1160 ; S. Grégoire de Nysse, Anlirrheticus, n. 5, P. G., t. xlv, col. 1257 ; S. Amphiloque, Fragm., ix, P. G., t. xxxix, col. 105 ; Leporius (qui avait d’abord soutenu l’erreur de Marcel d’Ancyre), L(7>e//us emendationis, n. 6, P. L., t. xi, col. 1226 ; Cassien, De incarnalione Chrisd, t. VI, c. XXII, P. L., t. L, col. 185 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Quod unus sil Christus, P. G., t. lxxv, col. 1292 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, c. xiii, P. L., t. L, col. 656 ; S. Léon le Grand, Serm., lxviii, c. i ; Lxxi, c. II, P. L., t. Liv, col. 372, 387 ; S. Fulgence, Ad Trasimundum, t. III, c. xvi, P. L., t. lxv, col. 280. Les documents officiels de l’Église ont consacré cette doctrine : l’union des natures subsiste incommutabililer, dit saint Agathon, Denzinger-Banmvart, n. 288 ; inséparablement, 7.y>^J. :  ! -'j> :, dit le III'> concile de Constantinople, ibid., n. 290. Plus expressément encore, le XP concile de Tolède, approuvé par Innocent III, définit que les deux natures, dans le Christ, ont été unies en une seule personne, de telle façon que la divinité ne pourra jamais être séparée de l’humanité, ni l’humanité de la divinité. Ibid., n. 283. Aussi, parmi les théologiens catholiques qui ont fait l’exposé didactique des vérités touchant l’union hj’postatique, on ne constate aucune note discordante : la doctrine traditionnelle est acceptée sans discussion ; il ne semble même pas que l’on se soit attardé dans les écoles h l’exposer directement et pour elle-même. Cf. Petau, De incarnalione, t. XII, c. xviii. Le principe théologique invoqué pour réfuter cette erreur est celui qu’énonce saint Thomas, Sum. theol., III », q. L, a. 2 : « Ce que la grâce de Dieu nous accorde ne nous est jamais retiré sans qu’il y ait de notre faute… (cf. Rom., xi, 29). Or, la grâce d’union, par laquelle la divinité a été unie à la chair du Christ en personne, a été beaucoup plus grande que la grâce tl’adoption par laquelle les autres hommes sont sanctifiés ; elle est aussi plus permanente de sa nature, parce que cette grâce se rapporte à l’union personnelle, au lieu que la grâce d’adoption n’a pour but qu’une union d’affection. Or, nous voyons que la grâce d’adoption ne se perd jamais, à moins qu’on ne fasse une faute ; donc, le Christ n’ayant pu pécher, il est impossible que l’union de sa divinité avec son corps fût jamais détruite. » — b. Ces mots indiquent la position du problème dans la théologie du nio>en âge. 11 s’agit bien plutôt de savoir si, pendant le tridiium de la mort du (>lirist, l’âme étant réellement séparée du corps, l’union hypostatique a cependant continué d’exister tant avec l’ànic qu’avec le corps..Saint Thomas, loc. cit., conclut ainsi son argumentation : « Aussi, comme, avant la mort du Christ, sa chair a été unie selon la personne et l’hypostase au Verbe de Dieu, de même, après la mort, elle est restée unie, de manière que l’hypostase du Verbe de Dieu était, même après la mort, l’hypostase même du corps du Christ, selon la doctrine de saint Jean Damascène », De fide orth., I. III, c. xxvii, P. G., t. xr.iv, col. 1096. Ainsi donc, le problème se pose : alors, en effet, que toute la tradition catholique est ferme touchant l’indissolubilité, de l’union hypostatique dans la gloire et le règne éternel de l’Homme-Dicu, certains Pères ont manifesté des hésitations en ce qui concerne la permanence de l’union hypostatique relativement au corps séparé de l’ânu-, pendant le tri(hnmi de la mort. C’est le texte de Matth., xxvii, 46, qui leur fait difficultc. Il ne semble pas, bien qu’on l’affirme parfois,

que Tertullien, Advcrsus Praxenm, c. xxx, P. Lt. II, col. 195, l’ait entendu « d’une séparation personnelle d’avec le Père : c’est l’effet de la sentence inexorable qui livre son humanité à la mort. » A. d’Alès, La théologie de Tertullien, p. 80. D’autres auteurs catholiques ont parlé de l’abandon de la nature humaine par le Verbe, au moment même de la mort. S. Hilaire, //] Matlhitum, c. xxxiii, n. 6, P. L., t. ix, col. 1074-1075 ; mais d’autres textes fixent l’orthodoxie de la pensée du docteur de Poitiers, De Trinitate, . VIII, n. 8 ; t. IX, n. Il ; t. X, n. 51-65 ; 1. IH, n. 15, P. L., t. X, col. 242, 290, 383, 393, 84 (voir, sur cette controverse, Hilaire (Saint), t. vi, col. 2433-2434, et sur l’orthodoxie de saint Hilaire, voir dom Coustant, Pra’tatio generalis, n. 176-181, P. L., t. ix, col. 8487) ; S. Épiphnne, Hær, xx, P. G., t. xli, col. 276 : Lxix, n. 62, P. G., t.XLii, col. 308. EusèbedeCésaréc, Demonstratio evangeliea, t. IV, c. xiii, P. G., t. xxii, col. 288 ; Leporius, Libellus emendationis, n. 9, P. L., t. XI, col. 1228 ; S. Ambroise, Expositio Evangelii sec. Lucam, t. X, n. 127, P. L., t. xv, col. 1836 ; les évêques esjiagnols Vital et Constant, dans leur lettre à Caprœolus, évêque de Carthage, P. L., t Lni, col. 849. Cf. Petau, op. cit., t. XII, c. xix. Dom Coustant, op. cit., n. 166-168, col. 80-81, fait remarquer les différences doctrinales qui séparent les Pères de certains hérétiques qui ont soutenu apparemment les mêmes erreurs : les hérétiques attribuaient au Verbe une crainte véritable de la passion, tandis que les Pères hésitent simplement devant l’apparente contradiction que comporte l’affirmation de la mort attribuée à l’auteur même de la vie ; et, de jilus, leur hésitation se traduit simplement par l’affinualion de l’efiacement de la divinité, au seul moment de la mort, par rapport au corps et non à l’âme de Jésus-Christ. D’ailleurs, l’ensemble de la tradition catholique est resté ferme sur ce point particulier. Les Pères affirment la persistance <le l’union hyjjostatiquc, même au moment de la mort, dans le Christ. N’est-ce pas d’ailleurs l’anirmation implicitement contenue dans l’article du symbole, par lequel nous croyons en Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, qui… a soujjcrt, est mort ? Parmi les Pères, ayant explicitement professé cette doctrine citons en particulier : S. Athanase, Contra Apollinarem, I. II, n. 16, P. G., t. xxvi, col. 1159 ; S. Léon le Grand, Serm., lxviii. De passione Domini, xvii, c. I, P. L., t. liv, col. 375 ; voir d’autres autorités dans Petau, op. cit., t. XII, c. xix ; dom Coustant, op. cit., n. 181, col. 87. Sur l’explication de Matth., xxvii. 46, voir Hugues de Saint-Victor. De sacramentis, 1. II. dist. I, c. X. Parmi les théologiens jilus récents, on consultera avec profit Suare7., Z)c nnjsteriis viliv Christi, disp. XXXVIII, scct. ii ; Stentruj), Soteriologia, th. XLii. Toutefois pendant le triduum de la mort, le Christ ne pouvait plus être dit un homme, l’àme étant séparée du corps. L’opinion contraire, du Maître des Sentences, t. III, dist. XX^I, et d’Hugues de SaintVictor, loc. cit., c. XI, ne peut être défendue. Voir Petau, 1. XH, c. XX, n. 3. — c. L’indissolubilité de l’union hyiiostatique fut l’occasion, an xv siècle, d’une querelle entre franciscains et dominicains. Le sanq du Christ, répandu dans la passion, est-il devenu hijpostatiqucmrnl uni au’Verbe ? Déjà, sous le pontificat de Clément VI, â Barcelone, un prédicateur avait été blâmé par les inquisiteurs i)Our avoir soutenu la séparatian. La controverse devint plus vive un siècle plus tard, lorsqu’un franciscain, le bienheureux Jaccpies de Marchia, fut accusé d’hérésie par les dominicains pour avoir enseigné la même doctrine. La question fut portée devant Pie II, qui interdit la discussion, en laissant les adversaires libres de garder leur opinion, les dominicains étant pour l’affirmative, les franciscains iiour la négative. Denzinger-Hannwart. n. 718. Voir le résumé

des controveises et des iuyumeiils dans Waddiiig, Annales minorum (cf. Frassen, op. cit., disp. II, a. I, sect. II, q. ii, concl.) ; dans (jenér, l’rodronms ad Iheologiam, Rome, 17()7, p. 30 ; Suarez, De mijsteriis vitæ Christi, disp. Xl.VlI, sect. iii, n. 6 ; De Lugo, De incarnalione, dist. XIV, sect. iii, n. 39 sq. ; les théologiens de Wurzljourg (Holtzklau), De Deo Verbo incarnalo, II. 271. Aujoiird’lmi ropinion des dominicains semble avoir prévalu : les franciscains eux-mêmes, à l’exception de Fr. Collius, De sanguine Christi, ne se prononcent plus résolument pour l’opinion contraire. Cf. Frassen, loc. cit. Tous les théologiens admettent néanmoins que Notre-Seigneur a perdu de son sang, qu’il n’a pas repris ensuite dans l’unité de sa personne, soit à la circoncision, soit même à la passion. Cf. Legrand, op. cit., dissert. VI, c. ii ; Gonet, op. cit., disp. IX, c. vii, § 4, n. 155. Ce dernier point, relativement à l’union hyposlalique, a été autrefois un grand sujet de discussions théologiques. Voir S. Thomas, In JV Sent., t. IV, dist. XLIV, q. ii, a. 2, q. ii ; Sum. iheol., III", q. 1.IV, a. 2, ad 3°m ; Quodl, V. ; Bacon, In IV Sent., t. III, dist. XXI, q. i, a. 3 ; Suarez, De incarncdione, disp. XV, sect. vi, n. 22 ; Vasquez, In Sum. S. Thonue, III », disp. XXXVI, c. viii ; De Lugo, De incarnalione, disp. XIV, sect. v ; Arriaga, Disputaliones theologiav, In III » ’0 2). Thomse, De incarnalione Verbi, disp. XXIII, sect. m ; Raynaud, Christus Deus homo, 1. II. sect. iii, c. iii, n. 198, Opéra, Lyon, 1665, t. i, p. 138 ; Gretser, De crucc Christi, Ingolstadt, 1698, c. xcvii ; Léon III, voir Baronius, Annales, an. 804 ; Salmanticenses, op. cit., disp. X, dub. iii, etc.

G" Les analogies de l’union liypostalique. — Dans l’exposition que les Pères font du dogme de l’union hypostatique, toutes les comparaisons dont ils se servent s’éclairent l’une par l’autre ; mais elles se rapportent toutes finalement à la comparaison fondamentale de l’union de l’âme et du corps. Voir col. 476, 499, 501, 504. Chez les scolastiques, les mêmes comparaisons se retrouvent ; mais il semble que chaque école affectionne une comparaison déterminée et s’attache à la faire ressortir spécialement.

1. Comparaison de l’union de l’âme et du corps. — Saint Thomas et avec lui la plupart des théologiens maintiennent et développent cette analogie comme étant la plus importante pour faire mieux saisir l’union hypostatique. Ils laissent de côté d’autres analogies moins expressives, et évitent les termes dont les Pères se servent pour exprimer l’intime mélange de l’une et l’autre nature en Jésus-Christ. Aussi bien, deux aspects du problème les attirent surtout vers la comparaison de l’union de l’âme et du corps. Cette comparaison, en elïet, est bien propre à faire ressortir l’unité substantielle d’être qui existe dans le Christ et fait pour ainsi dire tle l’humanité l’instrument du Verbe. De même que l’àme et le corps ne font qu’un seul tout substantiel, l’homme, de même le Verbe, s’unissant la nature humaine, ne forme qu’un seul Christ, dans l’unité de personne du Fils de Dieu lui-même. Et cependant, de même que le corps et l’àme demeurent, dans leur union, distinct l’un de l’autre, de même la nature divine, dans l’union hypostatique, est unie sans confusion à la nature humaine. C’est dans ce sens qu’il faut retenir la célèbre comparaison du symbole d’Athanase. Si l’on prétendait en tirer la conclusion que le Verbe s’unit à l’humanité comme une forme, à l’instar de l’âme s’unissant au corps, pour former une nature unique, on tomberait dans l’hérésie : de ce côté, l’aiialoaic n’existe plus. Voir Sum. thenl., III^ q.ii, a. 1, ad 2’iiii ; In IV Srnl., I. III, dist. II, q. I, a. 3, q. i, ad 2°™ ; dist. V, q. i, a. 2. ad Sim’: t. III, dist. VI, q. ii, a. 3, ad 7°"’. Les attributs de l’àme ne peuvent être rapportés au corps et vice versa ; mais ils peuvent fort bien qualifier les uns et les autres

le sujet qui possède l’àme et le corps ; de même, à l’unique personne du N’erbe, on peut attribuer les pré<licats de la divinité ou de l’humanité. In IV Sent., I. III, dist. Vil, q. I, a. i, ad 1°J". Cette unité substantielle permet de saisir comment l’humanité est l’i instrument joint » au Verbe, l’instrument possédé par la personne divine, qui se sert de l’iiumanité pour réaliser l’œuvre divine de la rédemption, « de même que le corps est l’organe de l’esprit en tant qu’esprit, c’est-à-dire non dans les fonctions de la vie animale, mais dans les actions dirigées par les forces spirituelles, que la langue est l’instrument de la pensée et que les autres membres servent à l’expression des sentiments respectueux et inten.’iennent dans toutes les œuvres d’art. Les thomistes émettent une opinion semblable lorsqu’ils qualifient constamment l’union « d’union personnelle » : ils comparent le rapport dont il s’agit entre le corps et l’âme spirituelle à celui qui existe entre une chose et celui qui la possède comme sa véritable et parfaite propriété. » Scheeben, La dogmatique, trad. franc., t. iv, p. 734. Cf. S. Thomas, Sum. theoL, III », q. xviii, a. 1, ad 2uin ; Conl. génies, I. IV, c. xli ; Compendium Iheologim, c. ccxii.

Cette comparaison a été reprise sous un aspect plus particulier par le grand commentateur de saint’rhoinas, Cajétan, In Sum. S. Thomie, III », q. ii, a. 6. L’analogie est prise par Cajétan dans la réunion de l’âme séparée à son corps, au moment de la résurrection. L’âme séparée a sa subsistence propre, qiu, par le fait de la réunion, devient la subsistence même du corps. La comparaison est bien choisie pour faire comprendre la thèse particulière de Cajétan relativement à l’élément formel constitutif à l’union hypostatique. Voir col. 526 et Hypostasf, col. 415.Tolet critique vivement cette comparaison. In Sum. S. Thomie, III », q. ii, a. 6, , nota 3. Les critiques de Tolet ne paraissent pas, en soi, justifiées : elles s’expliquent facilement, étant donnée la position prise par Tolet dans le problème philosophique de la personnalité du Christ. Voir Hypostase, col. 420. Sur la comparaison de l’âme et du corps, voir Salmanticenses, De incarmdione, à’s^. III, dub. t, n. 11, 14.

2. Comparaison de l’union de la greffe et du tronc. — La seconde comparaison, moins usitée chez les Pères, est empruntée à la vie organique des plantes : elle consiste dans le rapport d’une greffe avec le tronc dans lequel elle est entée. Le but de cette comparaison est de faire comprendre que l’union hypostatique pro^^ent non de la nature des choses, mais d’un acte libre de la volonté, et que, dans l’union, les deux natures gardent leur propre vie sans confusion. L’analogie n’est ici que très imparfaite, puisqu’elle ne s’éteud pas au rôle que joue, comme sujet de la personnalité, le Verbe par rapport à l’humanité du Christ. Il semblerait que la grelïe, infusant une vie nouvelle au tronc, dût être le terme de comparaison du Verbe, et que le tronc dût représenter l’humanité : c’est l’analogie suggérée par Eccli., xxiv, 16, et surtout par saint Jacques, i, 21, Xo’y’j ; j|jLçjTo ;. En réalité, les théologiens exposent à l’inverse l’analogie. L’implantation est prise liar eux comme la compai’aison classique de l’union hypostatique précisément parce que le tronc, étant le principe dominateur, représente le Verbe, la greffe, unie au tronc, représente l’humanité, et l’enracinement du tronc dans la greffe représente l’union hypostatique elle-même. Cf. Durand de Saint-Pourçain, In I V Sent., l.Ul, dist. I, q. i, a. 3 ;.lexandre de Halès, Summa, III », q. vii, iii, i, a. 1 ; S, Bonaventure, In IV Sent., t. III, dist. VI, a. 2, q. i. Mais il s’en faut que cçs trois théologiens présentent la comparaison avec la même force. Chez Durand, l’image dé l’implantation est grossière et superficielle : le contact établi jinr l’implantation entre le tronc et la branche Ml

HYPOSTATIQUE (UNION

542

€st l’image de l’union hyposLatique. Nestorius se serait contenté d’une telle analogie. Alexandre de Halès et saint Bonaventure approfondissent davantage la comparaison. S’ils ne choisissent pas l’union de l’âme et du corps comme syml^ole de l’union hypostatique, c’est qu’ils y voient l’expression de l’unité de nature bien plutôt que celle de l’unité de personne. Ils cherchent donc un autre symbole, celui de l’implantation, en faisant du tronc, à l’instar de saint Paul, Rom., xt, 24, l’image du Verlje, attirant à son unité de sujet la nature humaine. Alexandre de Halès s’exprime ainsi : Unio quæ fit, utraque natura servata, est duplex : quia ctut ex illis fit iertium aut non, sed unum fit de altero. Secundo modo est unio sicut dicimus quod surculus piri unitur arbori oui inseritur, sicut porno vel alii ; scrvatur enim natura utriusque, scilicet piri et pomi, ncc unquam fiet pirum pomnm ncce conversa, nec ex illis efjicitur terlium, scilicet arbor, quæ nec sit pirum nec pomum, quia in insertione dominans trahit alterum ad sut unitalem, ita quod est de illo, sed non est illud.

C’est en expliquant l’enlacement des organismes résultant de l’insertion qu’Alexandre de Halès a paru aboutir à une théorie attribuée également à saint Bonaventure (mais, à tort, semble-t-il), cf. col. 529, à savoir que le lien de l’union hypostatique du côté de la nature humaine serait une grâce créée. Saint Bonaventure reprend la comparaison, en accentuant encore le point précis de l’analogie : quando arbor una inseritur stipili altcrius, tune ulraque arbor servat naturam propriam et tamen una arbor substunliftcatur instipiie altcrius, ita quod unus est slirps utriusque… Quia… in unione naturse divinæ cum humana, … est ultcrius scilicet divinæ naturse prædominanlia, necisse est quod divina natura Immanam trahat ad unitatem… ita ut una et eadem hjiiwstasis sit divimv et humanas naturæ cl quasi humana natura fundetur et substantificetur in divino stipite. Saint Thomas reprend l’idée fondamentale de cette analogie et l’adapte à l’incarnation dans la Somme theologique, HI*, q. xvii, a. 2.

3. Comparaison de l’union de l’accident à la substance. — L’école franciscaine abandonne rapidement la comparaison chère à saint Bonaventure el à Alexandre de Halès pour prendre, avec Scot et Gabriel Biel, In JV Sent., t. III, dist. 1, l’analogie plus métaphysique de la dépendance de l’accident à l’égard de la substance : analogie faible, artificielle, qui ne rappelle en rien l’union substantielle de l’humanité avec le Verbe, le perfectionnement sul>slanliel de l’une par l’autre, la possession personnelle d’une autre substance qui n’est concevable que dans une substance spirituelle. Le point de comparaison, c’est la dépendance suppositale qui, chez les scotistes, caractérise le rapporl de l’accident à la substance, transportée dans l’humanité du Christ jiour expliquer comment elle n’est point, grâce à cette dépen(lance, un sujet doué de personnalité. Voir Hypostasi., col. 412. Conception assez étroite et, répélons-lc, superficielle, qui, à elle seule, suffirait à expliquer les lacunes de la christologie de l’école franciscaine, (^f. Srheeben, op. cit., p. 73f.-737.

Sur ces trois comparaisons, voir.hinssciis, o ; >. iH., p. 180. G.’12. Sur les sinaloKiL-s, consulter spécialement Th. Itaynaud. Opéra, t. i, Christus Dcus Itiinio, I. ii, sect. v, où oet auteur étudie successivement les nombreuses métaphores ou analogies proposées par les Pères et les th<'>olo( ?iens, e. j.Verbuin prnlaliim ; c. ii, Vfrtnim.icriiiliim ; e. iii, Verbinn i’rstibini : c. IV, Verbum calrealiim ; c. v, ’erbiim iiiiimbraluni <ir tenrbratuiit ; c. vi, ’crhiin) rffu.stim ; c. vi, Vcrbiim iniliim ; c. vui, ’(Tbiiin iihbreviatuni ; c. ix, Verbiiin incqiiilan.’i ; c. x, Verbiim negotians ; c. xi, Verbum lianialiim ; c..ri, ’erbum fermenlans.

VIII. Krrkurs mooRrnks.- ".}c(m Hus et Auf/uslin de Rome. — 1. Siirles erreurs de.lean Hus louchant

la constitution de l’Église, voir Église, t. IV. col. 2 112, se grelîeune erreur christologique, rappelant le nestorianisme ? Pour Jean Hus, le pape n’est, à aucun titre, le chef de l’Église, réunion des prédestinés : les deux natures, la divinité’et l’humanité, sont un seul Christlequel est la tête unique de son épouse], y ÈglKeunixerseWe, c’est-à-dire la réunion des prédestinés. Cette proposition, la 4^^ des 30 propositions condamnées par le concile de Constance, XV^ session, Mansi, Concil., t. xxvii, col. 754, n’est pas ordinairement rapportée dans son texte complet. Par un oubli du copiste, les mots entre parenthèses ont été supprimés. « Le texte actuel, dit Mgr Hefele, duse natura’, divinitas et humanitas, sunt unus Christus (cf. Denzinger-Bannwart, n. f130), peut être considéré aussi bien comme orthodoxe que comme erroné. Dans le sens strict cependant, on ne peut pas dire : « La nature divine et la nature humaine sont un seul Christ », car on en pourrait aisément conclure que la divinité et l’humanité constituent ensemble la personne du Christ. Cet article fait d’ailleurs partie d’une des argumentations les plus spécieuses du livre de Hus. Dans le iv<^ chapitre de son livre De Ecclesia, il dislingue entre le chef intérieur et le chef extérieur de l’Église ; ce dernier est au-dessus de l’Église, le premier en dedans de l’Église, comme la personne principale à l’intérieur de l’Église même. Maintenant, le Christ, secundum suum divinitatem, est le chef extérieur de l’Église, et, secundum suam Iiumanitatem, son chef intérieur ; par conséquent le pape ne peut pas être le chef de l’Église, .bstraction faite des derniers mots, tout cet arginnent est, pour ainsi dire, par hypothèse, le fondement de l’hérésie nestorienne, qui enseigna que le Christ suivant son humanité est une personne distincte. Sans doute, Hus n’était nullement neslorien, mais, à force de subtilité, en distinguant ainsi entre le chef extérieur et intérieur, il tomba dans des erreurs dogmatiques. * Trad. Leclercq, Paris, 1916, t. vii, p. 317. — 2. Quelques années plus tard, le concile de Bàle, dans sa XXIP session (15 octobre 1435), condamnait le livre d’Augustin de Rome, archevêque de Nazareth, De sacramento unitatis Jesa Clirisli et Ecclesiæ. Parmi les propositions erronées que les Pères et principalement’Torquemada, dans son Mémoire sur ce livre, relevèrent, se lit celle-ci : " I.a nature humaine dans le Christ est le vrai Clirist, la personne du Clirist. » Mansi, Concil., t. XXIX, col. 108 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. vii, p. 894.

2° J.’ubiquisme. — C’est à propos de lapréseiu’e simultanée en de muUi))les endroits que le corps du Christ acquiert dans l’eucharistie, que certains luthériens, à la suite (le Luther lui-même, inventèrent la doctrine hérétique de l’ubiquisme. On a déjà (lit un mot de cette erreur, voir Eucharistie, t. v, col. 1317. L’ubiquisme, proposé par les luthériens, peut être ramené à deux formes |irinci{)ales, distinctes l’une de l’autre par une simple nuaiKe d’accentuation dans la doctrine. Certains héréticjues fChemnitz, Wigand, Selnecker) soutiennent que de l’union hypostatique n’-sultr une communication réelle des propriétés divines à l’humanité. D’autres vont plus loin et affirment que l’union hypostatique consiste dans une réelle communication des propriétés. Cette dernière formule, d’un monophysisme plus accentué, est la formule de Brcnz, qui passe en général pour le père de l’ubiquisme, bien que cette erreur ait été enseignée déjà jiar Lcfèvrc d’Élaples, Episloln’divi l’/uili cum commentariis, Paris, 1531, dans les commentaires sur 1 Cor., xii ; cf. Commentarii initialorii in quatuor Evangclia. Paris. 1522, commentaire sur Joa., xiv ; et expressément par Luther, dans sa Drfensio vrrbnrum rænie, Wrrke, Weimar, 1883, t. xxiii, p. 149. Les Ihéologicns de la Confession d’Aupsbourg lui consacrent plusieurs

articles dans la Formula concordiw, part. I, vii, 15 ; part. II, VII, loi,

i, ii, diiniiH-dSQ, I.ibrisijmboliciEcclesixcuancjclicæ, Leipzig, 1846, p. 000, 752, 783. Brenz a parliculièreinent exposé son point de vue dans De personali iinione diiarum naturanim in Christo, Tubingue, 1561, et dans le De majeslale D. N. J. C. ad dexleram Dei Putria, Francfort, 15( ! 3. On retrouve l’iibiquisine chez bon nombre de théologiens luthériens ; citons, avec Bellarmin, Chemnitz, De duabus naturis in Christo, de htjposlatiea eanim unione, de communicatione idiomatum, etc., léna, 1570 ; Nicolas Selnecker, De pedagogia spiriluali ; Jean Wigand, De communicatione idiomatum, et. au cours de ses écrits de controverses, Flacius lllyricus. Les controversistes catholiques n’ont pas manque de s’attaquer à la doctrine de l’ubiquisme. Parmi les principales réfutations, il faut citer Grégoire de Valencia, Contra lundumenta duarum seclarum, ubiquetariæ et sacramentariæ, Ingolstadt, 1582, et In Summam theologicam S. Thomæ, III*, I. I, q. ii, p. m ; le P. Jean Buys (Busaus), Disputatio de persona Christi adversus ubiquetarios, Mayence, 1585 ; cf. Werner, Geschichte der apologctischen und polemischen I.itteratur der Christian Théologie, Schafl’ouse, 1861-1867, t. iv, p. G21 sq. ; Bellarmin, dans les Controverses, De Christo. t. III, en entier ; Bécan, Manuale controversiarum hujus temporis, t. II, c. i, Opéra omnia, Mayence, 1649, t. II, p. 1499 sq. ; Th. Baynaud, Christus Deus liomo, t. II, sect. iv, c. ii, dans Opéra omnia, Lyon. 1665, t. I, p. 147 sq. Du côté des sacramentaires calvinistes, citons, parmi les adversaires de l’ubiquisme, Théodore de Bèze, De corporis Christi omnipnrsenlia, Genève, 1578 ; Bullinger, De duabus ncduris Christi, Zurich, 1564 ; Pierre Martyr (Vermigli), Dialogus de loco corporis Christi, dans Loci communes, Heidelberg, 1603. Nous n’avons à nous occuper ici de l’ubicpiisme que par rapport à l’union liypostatique.

1. Exposé.

L’ubiquisme est une exagération de la doctrine de la communication des idiomes, renouvelant l’iiérésie monophysite. Chose remarquable, en effet, l’attribution de l’ubiquité à l’humanité de Jésus-Christ, en raison de l’union hypostatique, avait été déjà condamnée explicitement par le VIP concile œcuménique, sess. "VII : Sur celui qui ne reconnaît pas que le Christ a, dans son humanité une forme déterminée, anathème : El’- ;  ; Xp’.axov tov (-)cOv 7| ; j.’ov 7 : £p ; ypa~T0V où/ ôiJ.oXoy ; ? xatà to àvOp(’)~ ; vov. àvâO£ ; j.a Ë3-’o… Mansi, t. xiii, col. 898 ; Denzinger-Bannwart, n. 379. Le raisonnement fondamental sur lequel s’appuient les ubiquitaires pour asseoir leur doctrine est ainsi résumé par Bossuet : « L’humanité de Notre-Seigneur est unie à la divinité ; donc l’humanité est partout aussi bien qu’elle. Jésus-Christ comme homme est assis à la droite de Dieu : la droite de Dieu est partout ; donc, Jésus-Christ, comme homme, est partout. » Histoire des variations, t. II, c. XLi. Les développements que la dogmatique luthérienne a donnés i ce fondement méritent d’être rappelés succinctement. En voir l’exposé « dogmatique » dans la Formula concordise, viii, 64, op. cit., p. 778-779. Dans l’incarnation, en raison de la communication des idiomes, il faut distinguer pour ainsi dire trois moments : la y.Tïia’. ;, en vertu de laquelle, dès le premier instant de l’incarnation, la nature humaine fut en possession des attributs divins ; l’état de l’humiliation qui s’offre à nous sous deux aspects, la Livr.iai ;, en ertu de laquelle le Christ renonça absolument à faire usage des prérogatives divines, ou la Loj’}'. :, en vertu de laquelle il v.’y fit appel que d’une façon secrète etmomentanée, suivant son bon vouloir ; l’état d’exaltation, la Grïpjil’oatç, qui comporte l’usage complet et à découvert des prérogatives divines, usage par lequel, cf. Concordia, op. cit., p. 779, « le Christ révéla

désormais sa majesté, plenc, et efficacissime alque manileste, devant tous les saints au ciel et sur la terre ». Une difficulté théologique concerne la conciliation, pendant la vie terrestre du Christ, de ces deux moments : l’entière abstention de l’usage de la majesté divine, ou l’usage secret des attributs divins, avec la possession réelle de la divinité, la LTriiiç et la y.ivior :

; OU la zpj’l'ç. Une controverse s’éleva à ce sujet,

à partir de 1616, entre les théologiens de Tubingue. Luc Osiandcr, Melchior Ni(-olaï, Théodore Thunnius. et les théologiens hessois, Balthazar Menzer et Juste Feuerborn. La controverse portait exactement sur cette question : An homo Christus, in Deum assumptus, in statu exinanitionis tanquam rex præscns cuncla, licei latenter, gubernarit ? Les Souabes lépondaienl affirmativement, nonobstant certaines restrictions de détail ; les Hessois niaient cette proposition, sans nier toutefois que le Christ se servît de sa majesté divine pour opérer ses miracles. L’opinion souabe est bien dans la ligne logique de la communication des idiomes, telle que l’entendent les livres symboliques de l’Église évangélique. D’après l’opinion luthérienne, cette communication a donc dû s’opérer en trois moments successifs, correspondant aux trois états dont on vient de parler, et qui distinguent les trois « genres » selon lesquels peut exister la communication des idiomes. Le premier genre, correspondant à l’état de possession des deux natures par une seule personne, est le genre « idiomaticpie », genus idiomaticum, ou IZ’.o-rr.t-.rLôv, contenant toutes les propositions, par lesquelles les propriétés de l’une ou l’autre nature sont attribuées au sujet concret de la personnalité, genus idiomaticum complectitur eus proposiliones quitus idiomata alterutrius naturie conrreto personæ tribuuntur. Sur la subdivision de ce premier genre en trois espèces, cf. Luthardt, Compendium der Dogmatik, Leipzig, 1878, p. 180. C’est la périchorèse, dont parlent les Pères de l’Église à propos de l’incarnation, voir col. 504, et qui, dans une certaine limite, exprime une idée juste. Les luthériens ont le tort, d’un principe juste en soi, de déduire une conclusion forcée et, par là, fausse : de ce que les attributs d’une des deux natures peuvent être rapportés à la personne concrète, ils concluent que les attributs de la nature divine sont renfermés d’une manière véritable et réelle dans la nature humaine. Tel est le vice radical et fondamental de la thèse luthérienne, vice qui apparaît pleinement lorsque les théologiens de l’Église évangélique exposent le second et le troisième genre relatifs à la communication des idiomes. A l’état d’humiliation correspond le genre apotélesmatique (le mot est emprunté à saint Jean Damascène, £)e fide orthodoxa, t. III, c. XV, P. G., t. xciv, col. 1056 ;. Ce second genre de propositions idiomatiques renferme toutes les propositions « par lesquelles les actions de l’œuvre rédemptrice, appartenant à la personne entière, sont attribuées à l’une ou l’autre nature considérée séparément ou concrètement : quibus apolelesmata, id est actiones ad opus redemptorium ad totum inde personam pertinentes, de altéra tantum natura vel ejus concreto prsedicantur. Ainsi la formule de « l’ancienne Église orthodoxe » : una natura agit seu operatur cum communicatione alterius, quod proprium est, cf. col. 430, doit être ainsi comprise : itaque Christus st noster Mediator, Redemptor, suwmus Pontijex, Caput et Pastor… non secundumumun naturam tantum, sive divinam, sivc humanam, sed secundum utramque naturam, part.. II. Cf. Formula coneordia% viii, 47, p. 773. Les théologiens luthériens sont peu d’accord pour déterminer le sens exact du coneretum ejus ; d’après la Formule de concorde, loc. cit., il semble qu’il s’agisse, non pas tant du principe même de la comniunication des idiomes, de Vunio prr.sonalis, que de la coexistence 545

HYPOSTATIQUE (UNION’546

des deux natures dans l’état d’abaissement. Enfin, à l’état d’exaltation correspond le genre majestatique, aj/f, ; j.a- : rLov, contenant les propositions « par lesquelles la nature humaine est élevée jusqu’à la divinité », quibus hiimana natura attribuiis divinis effcrtur. Il s’agit ici, contrairement à l’opinion de Hase, de Klein, de la nature humaine concrètement considérée, c’est-à-dire de la nature humaine en tant qu’hypostatiquement unie à Dieu. Il est évidemment question de la nature humaine et de son union personnelle dans les passages de la sainte Écriture qui sont cités en faveur de ce genre, Joa., iii, 13 ; v, 27 ; JMatth., xxviii, 18, 20 ; Rom., ix, 5 ; Phil., ii, 10, et dans les passages de la Formule de concorde qui s’y rapportent, part. II, viii, 53, 64, p. 774, 778. Quels attri-Inits divins ont été conférés ainsi à la nature humaine ? Les théologiens luthériens affirment que seuls les attributs actifs, se rapportant aux opérations de Dieu dans ce monde, attributa Iranseunlia seu operativa, ont été directement et immédiatement communiqués à la nature humaine ; tandis que les attributs passifs, se rapportant à la vie intime de Dieu, a//r ! ôuto i/nmanenlia seu quiescentia, ne sont communiqués à la nature humaine que médiatement, grâce aux attributs actifs. Ce dernier point est contesté par Hase, Hutlerus redivivus, Leipzig, 1839, p. 232, n. 12. Parmi les attributs divins que l’état de glorification communique à la nature humaine, les luthériens insistent surtout (en raison du dogme de la cène) sur l’omniprésence du corps du Christ (ubiquité), omniprésence substanlielle, non pas extensive, mais opérative, en vertu de laquelle le Christ est avec nous, agit et opère en nous, même quant à sa nature corporelle et charnelle. Cf. Formula concordiæ, part. H, ^^IT, n. 76 sq., p. 788 sq.’C’est la troisième des présences possibles qu’assigne le dogme luthérien au corps du Christ : la première étant la présence corporelle, selon laquelle cum in his terris corporaliter conversarctur, cum certo loco secundum quantitatem suam circumsciiberetur ; la seconde étant une présence spirituelle, selon laquelle alicubi esse potest, ut loco non circumscribatur, sed per omnt’.s creaturas penctrct, pro liberrima sua voluntate, à l’exemple de la vue qui pénètre l’air, l’eau, la lumière ou du son que n’arrêtent l’eau, ni l’air, ni même une barrière solide ; la troisième, enfin, étant une présence divine et céleste, en raison de l’union personnelle avec Dieu, présence selon laquelle, d’une manière mystérieuse et incompréhensible, le corps du Christ est partout où Dieu se trouve. Cette présence est un article de foi, qu’il ne convient pas de démontrer positivement, mais contre lequel il est impossible d’apporter un argument péremptoire. Cf. Formula concordiæ, part. II, vii, n. 90-102, p. 752-754.

2. Critique.

Les controversistes catholiques ont réfuté cette doctrine, soit en montrant la fragilité de ses fondements, soit en lui opposant les arguments de la tradition, soit enfin en montrant les conséquences désastreuses que l’on en doit logiquement tirer par rapport au dogme de l’unité personnelle de Jésus-Christ, dogme que prétendent cependant garder les luthériens. Cf. /-’orwu/a concorrfiæ, part. ii, viii, en entier. — a) Fragilité des fondements de la doctrine luthérienne. — Tout (l’abord, les fondements scripturaires sont sans valeur relativement h la démonstration qu’on en veut tirer. Luther étale sa théorie surMatth., XXII, 44 ; Ps. r.ix, 1 ; Hoin., viii, 31 : Col., iii, 1 ; Heb., I, 13 ; cf. Defensio verborum Christi, t. xxiii, p. 133 sq. ; ces textes rappellent que l’humanité du Christ siège à la droite du Père. Or, conclut Luther, la droite du Père est partout ; donc, l’humanité du Christ est aussi partout présente. Bellarmin, f)e Christo, I. III, c. xv, après avoir rappelé les significations différentes attribuéi’s par les Pères à cette expression, la droitede Dieu,

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

s’attache à montrer que le sens le plus communément reçu, à savoir que le Christ règne avec la même gloire et la même puissance que son Père, ne comporte pas la communication à la nature humaine comme telle de l’ubiquité divine : « Cette prérogative de siéger à la droite du Père n’a pas été conférée à l’humanité du Christ prise en elle-même, mais unie à la personne du Verbe ; la nature humaine n’est pas, en tant que telle, assise à la droite de Dieu, mais elle est l’humanité de cette personne qui est assise à la droite de Dieu, s Cf. Bécan, op. cit., n. 35-37. Les autres arguments scripturaires invoqués par les ubiquitaires ne sont l)as plus probants. Eph., iv, 10, ne signifie nullement que l’humanité du Christ, après l’ascension, doive remplir tous les espaces, ascendit… ut implcrct omnia, il s’agit du règne universel du Christ glorifié. Cf. Bécan, op. cit., n. 33, 34. La promesse du Christ d’être présent au milieu de ses fidèles, Matth., xviii, 20 ; xxviii, 20, ne concerne pas la présence de son humanité, mais l’influence sanctifiante et surnaturelle de sa grâce, conférée aux âmes des fidèles, Ibid., n. 38 ; Th. Raynaud, op. cit., n. 224. Pour la réfutation plus complète des arguments scripturaires, voir Bellarmin, op. cit., c. xv et XVI.

Les arguments d’autorité, apportés principalement par Brenz, n’ont pas plus de valeur ; ni les Pères, S. Jean Chrysostome, In Epist. ad Heb., homil. xvii, n. 1, P. G., t. Lxiii, col. 128 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Epist., I, ad Succensum, P. G., t. lxxvii, col. 236 ; S. Ambroise, In Lucam, t. VII, n. 82, P. L., t. xv, col. 1720 ; S. Jérôme ; Epist., lix, ad Marccllam, n. 5, P. L., t. XXII, col. 588 ; S. Augustin, Serm., ccxav, c. IX, P. L., t. XXXVIII, col. 1311 ; S. Gélase, De duabus naturis in Cliristo advcrsus Eutyclicm et Nestorium, Thiel, Epistolæ romanorum pontificum genuinæ t. i ; cf. Bellarmin, op.c17., c. XVIII ; ni Pierre Lombard, SenL, t. III, dist. XXII ; ni saint Bonaventurc, In IV Sent., 1. Ill.dist. XXII, q.ii ; ni saint Thomas, Sum. theol., II la, q. LU, a. 8 ; cf. Bellarmin, op. cit., c. xix, n’ont admis le fait de la conununication de l’ubiquité divine au corps du Christ : ils la lui refusent au contraire expressément. Voir plus loin. Brenz abuse de certaines expressions en les tirant à lui, et il en méconnaît le véritable sens. Enfin, le raisonnement lui-même pèche chez les luthériens partisans de l’ubiquisme. L’union hypostatique est bien le fondement de la communication des idiomes ; mais cette communication doit être entendue comme l’exigent la foi et la’raison ». Cette communication n’est pas réelle entre les deux natures, comme si la divinité était devenue l)assible, et l’humanité toute-puissante ; elle n’est pas non plus verbale ; elle est réelle, mais seulement à l’égard de la persoime en qui subsistent les deux natures. .. D’après saint Jean Damascènc, De fide orthodoxa, t. III, c. IV, P. G., t. xciv, col. 998, nous disons qu’il y a communication des idiomes parce que les propriétés de chaque nature s’a]>pliquent justement à la personne qui leur est commune, et partant aux deux natures prises au sens concret, puisque le nom concret signifie la personne… » La communication des idiomes, voir ce mot, ne comporte pas la communication réelle des propriétés d’eue nature à l’autre nature : « Si vraiment et réellement les prol )riétés d’une nature étaient communiquées à l’autre, elles ne seraient plus distinctes et non confondues. Comment seraient-elles distinctes si la nature humaine a les propriétés divines, et la nature divine les propriétés humaines ?.Si les attributs de chaque nature sont communiqués à l’autre, ce ne sont plus des propriétés, mais des qualités communes… ; les pro))riétés des deux natures sont souvent incomjjatibles, connue être créé et incréé, fini et infini ; si donc la nature divine prend les propriétés de la nature

VIL — 18

humaine, elle perd les sieiines et nice versa ; comment, dans ce cas, l’incarnation se serait-elle faite, les propriétés de chaque nature restant sauvées ? » Bellarmin, op. cit., t. III, c. IX, X. Cf. Bécan, op. cit., n. 14-li », 22-28. Les lutlicriens apiniyaient leur conception de la communication des idiomes sur certains textes de l’Écriture. I-e premier est le texte de Col., ii, : sur le sens de ce texte, voir col. 447 ; et, par rapport à l’usage qu’en firent les luthériens, Grégoire de Valencia. In Siim. S. Thomse, III », q. ii, p. ii, § 2 ; Bécan, op. cit.. n. 28-30. Le deuxième texte est tiré de Luc. X, 22 ; cf. Joa., xv, 3. Le troisième est le texte deMatth., xxNTTi, 18. Mais tout ce que le Père a donné au Fils, y compris la puissance, ne s’entend pas nécessairement d’une communication faite à la nature humaine. Les attributs divins ont été communiqués à l’hypostase du Verbe incarné et non à sa naturcliumaine comme telle. Bécan, n. 31, 32. — b) L’ubiquisme est contraire à l’Écriture aussi bien qu’à la tradition. — - Les textes de l’Écriture sont multiples, qui assignent à l’iiumanité du Christ, ; tel instant déterminé, une présence locale et, comme on dit, circonscriptiYe ; cf. Matth., xxviii, 6 ; Joa., vi, 3, 24 ; xi, 15 ; tandis que l’ubiquité est représentée comme un attribut distinguant Dieu de la créature. Cf. Jer., xxiii, 25 ; Ps. cxxxviii, 7 ; Sap., 1, 7. « Plusieurs articles du s mbole, cf. Bellarmin, c. XII, supposent que l’humanité du Christ n’est pas présente en tous lieux ; comment comprendre autrement la conception, la nativité, la mort, la sépulture, l’ascension du Sauveur" ? Pour les ubiquistes, tous ces articles doivent s’entendre de la manifestation de la présence du Christ en tel ou tel lieu donné, alors qu’en tous les autres elle restait invisible ; cette interprétation contredit les textes de l’Écriture et des Pères sur lesquels sont fondés les articles de notre symbole. » Bellarmin. op. cit., t. III, c. xii ; cf. J. de La Servière, La théologic de Bellarmin, Paris, 190 p. 61. De plus, les Pères tirent un grand argument contre les eutychiens du fait que, le corps du Christ n’étant pas en tout lien comme sa divinité, les deux natures doivent être distinctes. Que devient cet argument dans la théorie ubiquiste ? Bellarmin, c. xiv ; de La Servière, p. 62. — c) L’ubiquisme est condamné par ses conséquences logiques. — -Tout d’abord, admettre l’ubiquité de l’humanité du Christ, c’est nier la présence réelle, à laquelle cependant les luthériens ne veulent pas renoncer : « En etïet, dit Bellarmin, c. xiii. si la chair du Christ est partout, nous n’avons pas liesoin de l’eucharistie ; et il est bien inutile d’aller à l’église, de réciter les paroles de la cène, de se préparer à la communion, puisque, sans sortir de nos maisons, nous trouvons dans notre pain, dans notre vin, dans tous nos autres aliments, le corps du Christ. » Brenz répond « que, si le corps du Christ est partout vraiment, personnellement, quoique non localement, présent d’une présence céleste, il est présent à la cène par définition et précepte divin, le Christ ayant, par sa parole, décrété et défini où il voulait qu’on distribuât son corps et son sang aux communiants. » De duabus naturis, p. 21. Luther donne une réponse analogue, Dcjensio verborum cœnie, t. xxiii, p. 149. Seule, cette communion est elhcace..vec cette théorie, conclut Bellarmin, c. xiii, on tombe en plein calvini&me. « Si je ne reçois rien à la cène qui n’existe également en dehors de la cène, si ce n’est une efficacité spéciale du corps du Christ, je ne reçois pas vraiment ce corps du Christ, mais seulement une vertu particulière émanant de lui. » De La Servière. op. cit.. p. 62. Mais l’ubiquisme ruine surtout la.doclrine de l’incarnation, i : Enlever à l’humanité du Christ son être corporel et terrestre, ponr lui attribuer, avec Brenz, l’excellence, la majesté, la beauté de Dieu même, c’est manifestement changer l’humanité en divinité, et dé truire tout le ni stère de l’incarnation, « Bellannin, c, XXX, Cette conclusion de Bellarmin est pleinement justifiée. Poussé jusqu’à sa dernière formule logique, l’ubiquisme admet que l’union hypostatique consiste dans la communication des propriétés : cette formule le place dans l’alternative de choisir, comme explication finale de l’incarnation, entre le nestorianisme ou le monophysisme. Le nestorianisme, si la nature divine et la nature humaine sont envisagées comme concrètes et préexistantes à la communication réciproque de leurs propriétés. Le monophysisme, si l’on considère que, par cette mutuelle communication, les deux natures perdent respectivement leurs propriétés pour revêtir les propriétés l’une de l’autre. Brenz oscille entre ces deux extrêmes que la logique lui impose. Dans le De majestate Domini nostri Jesu Cliristi ad dexteram Dei Patris, et de vera præsentia… in cœna, Francfort, 1563, il enseigne que l’union hypostatique résulte de ce que le Fils de Dieu a répandu ses dons et ses propriétés sur le fils de Marie, et dès lors, comme le remarque Bellarmin, op. cit., i. III, c. i, d’un seul coup, on enseigne le nestorianisme et l’eutychianisme. Brenz espère amortir la conséquence nestorienne en affirmant que « l’union du Fils de Dieu avec le fils de Marie n’est pas, comme chez les autres hommes, une union passagère, transitoire, mais qu’elle est permanente et consiste en ce que Dieu confère au fils de l’homme toute sa majesté et l’orne de tous les dons célestes et divins, onmem majesiatem suam conférât, omnibus suis rselestibus ac divinis donis omet. En réalité, il oppose la conception eutychienne à la conception nestorienne, mais ne résout pas la difficulté. La conciliation apparente des éléments contradictoires de l’ubiquisme, tentée par Chenmitz, et reproduite, dans la Formula concordise, par l’énumération des trois sortes de présence possible pour le corps du Christ (présence corporelle, spirituelle, céleste), voir plus haut, n’est pas en réalité une solution : les difficultés restent entières, en ce qui concerne l’état de glorification. On comprend dès lors que certains théologiens luthériens aient été amenés logiquement à nier, soit la réalité de la nature liumaine après l’ascension, tel Flacius Illyricus ; soit la réalité de la nature divine, le Christ n’étant qu’un homme, doué de la conscience divine, cette conscience divine étant l’être vrai de Dieu en lui. En effet, en exagérant la doctrine de la communication des idiomes, et en attribuant à la nature ce que la logique et la vérité attribuent à la seule personne, les luthériens semblent vouloir réduire la nature humaine du Christ à une simple apparence, renouvelant en cela l’erreur gnostique, voir col. 463, et contredisent par là à la fois et la vérité historique et le dogme traditionnel de l’incarnation. Si le Christ a paru visiblement dans le ntftndc, en tel endroit déterminé, à tel moment fixe et si sa vie s’est écoulée avec toutes les apparences extérieures de la vie naturelle de l’iiomme ; si, en un mot, tous les états de son humanité ont été des réalités, il faut bien admettre que ces réalités humaines ne s’expliquent en lui qu’à la condition de dift’érencier le divin de l’humain. Or, l’ubiquisme, tout en maintenant verbalement la distinction des natures, comporte l’attribution, en raison de l’union hypostatique, à la nature humaine, des propriétés de la divinité : l’humanité du Christ, d’après cette doctrine, devrait être simultanément partout, et toutes les circonstances de sa vie, conception, naissance, enseignements, souffrances, mort, ascension, auraient eu lieu simultanément et, à l’endroit où elles se passaient, d’une manière visible et corporelle, et partout, d’une manière invisible et céleste. N’est-ce pas là une affirmation contradictoire et ne de%Tait-on pas en conclure que la présence du Christ et son action en un lieu

déterminé n'étaient qu’une présence et une action apparentes, une illusion de la vulgaire raison qui admet que le lieu d’une chose est le lieu où cette chose apparaît ? « Cette opinion, remarque à bon droit le protestant Hase, op. cit., p. 256, introduit quelque chose de magique et de faux dans la vie de Jésus, puisque toutes les circonstances oii il paraît agir humainement sont réduites à de pures apparences, ou, pour parler plus clairement et plus loyalement, la personne du Christ est réduite à un fantôme gnostique. De là, il résulte évidemment que le dogme tend à entrer de plus en plus en contradiction directe avec la réalité historique. » L’incarnation ne serait eu réalité qu’une théophanie de plus, analogue aux théophanies de l’Ancien Testament. D’autre part, les imaginations auxquelles fatalement aboutissent les dogmatisants de l’ubiquisme, si manifestement en contradiction avec les données historiques, ne peuvent manquer d’amener une réaction tout aussi funeste pour le dogme de l’incarnation. Devant l’impossibilité d’expliquer l’union hypostatique par la communication réelle des attributs divins à l’humanité, il faut, si l’on veut sauvegarder la réalité de cette humanité, nier l’union physique du Verbe de Dieu à Jésus-Christ : » Une fois la sagesse des sociniens décidée, dit encore Hase, op. cit., ]). 236, à laisser monter un homme au ciel et à l’adorer, toutes les théories imparfaites des anciens Pères de l'Éghse et toutes les imaginations fantasques des anciens hérétiques ont reparu ; les rationalistes ont fini par avoir le courage de déclarer ouvertement que le 'Christ n’est qu’un homme. »

Sur l’ubiquisme, consulter spécialement Dorner, Enlwickelangsgeschichte dcr Lchre uon der Person Christi, Berlin, 1854, t. ii ; Fr. J. Stahl, Die lutlierische Kirche und die Union, Berlin, 1860 ; H. Sclimid, Die Dogmalik dcr evang. - hiUierischen Kirche, Francfort-sur-le-Meln, 1876 ; H. Schultz, Die Lehre uon der GôWxeil Christi, Gotha, 1881 ; Nitzsch, Lehrbuch der euangelixchen Dogmalik, Fribourg, 1892 ; Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. m ; art. Ubiquildt et Communicatio idiomatiim, de la Realencyclopâdie fiir prolesl. Théologie ; Ubiqiiildlslehre, da Kirehenlexikon.

L’erreur de Hardouin et de Bernnjer.

Au

xvine siècle, le P. Hardouin, voir t. vi, col. 2042-2046, et son disciple le P. Berruyer, voir Dictionnaire de la Bible de M. 'Vigouroux, t. ii, col. 1627, tous deux de la Compagnie de Jésus, proposèrent une théorie de l’union hypostatique à tendances rationalistes et nestorieimes. Cette théorie, aujourd’hui tombée dans le plus complet oubli, mérite cependant une attention particulière, tant à cause de la façon dont elle était formulée, que » arce qu’elle est l’antécédenl logique des théories plus modernes de Giinther et des rationalistes. Elle a été formulée par le P. Hardouin dans son Commentarium in NoDuni Testamentiim, Amsterdam, 1741. misàTIndex, le 28 juillet 1742. Le P. Hardouin d’ailleurs était mort depuis douze ans, lorsque son commentaire fut publié. Mais c’est surtout le P. Berruyer qui reprit la thèse de son maître, dans la H"- partie de son llistoirs du peuple de Dieu, publiée en français, Paris, 1753, suivie des cinq dissertations latines qui forment le t. viii et contiennent l’exposé didactique et la défense de la théorie. La II' partie de V Histoire du peuple de Dieu fut mise ù l’Index le 17 avril 1755 ; elle avait d’ailleurs été publiée à l’insu des supérieurs du P. Berruyer et sans doute du P. Berruyer lui-même. Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1628.

1. Exposé.

Abusant de la comparaison <le la greffe entée sur le tronc, ces auteurs exposent que l’humanité du Christ doit Être considérée comme un véritable sujet uni au Verbe : elle garde donc toutes les pro priétés de l’hypostase proprement dite. Dans son union et en vertu même de son union avec le Verbe, elle doit être considérée in recto comme étant le Christ, le Fils de Dieu : sccundum veram et germanam generationis filiationisquc rationem, in propositionc cujus subjectum et pncdicatum in recto est sanctissima Christi humanitas compléta Verbo in génère subsistendi, Jésus Christus Dominas nosier uere dici potest et débet naturalis Filius Dci, Dei, inquam, ut vox illa, Deus, supponit pro Deo une et vero, subsislente in tribus pérsonis, agente ad extra, et per actionem transcuniem et liberani uniente humanitatem Christi sanctissimum primo conceptionis suæ inslanti, cum persona unu divina, in unitate personæ, Diss. H, p. 48. Trois assertions sont à relever dans cette déclaration : a) Le sujet et l’attribut de cette proposition : Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu, c’est, considérée in recto, l’humanité même du Christ en tant que complète dans sa subsistence par son union au Verlie ; b) Jésus-Christ, c’està-dire cette humanité, est le Fils naturel de Dieu, selon la vraie notion de la filiation et de la génération ; c) Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu, de telle façon que Dieu signifie ici Dieu dans son unité et sa trinité, agissant ad extra et, par une action libre et transitive, unissant, dès le premier instant de sa conception, l’humanité sainte du Christ avec la personne divine. — De ces principes on doit déduire les conclusions suivantes, qui éclairent la structure de tout le système -.a) Il j' a donc, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, deux filiations naturelles : l’une existant dans la personne du Verbe, par rapport au Père ; l’autre réalisée dans l’humanité de Jésus, physiquement unie à la personne du Verbe, ibid., p. 49-50 ; logiquement Berruyer devrait admettre que cette deuxième filiation' existe par rapport au Père, au Verbe, à l’Esprit-Saint, c’est-à-dire par rapport à toute la Trinité : la filiation de Jésus-Christ n’est-clle pas, en etïet, conséquente à l’action ad extra de la Trinité dans l'œuvre de l’incarnation ? Mais il évite cette conclusion inadmissible, en rappelant que l’action transitive ne dépend pas des trois personnes comme telles, mais des trois personnes dans leur communauté de nature et d’action. De même que la création, commune aux trois personnes, est cependant rapportée purement et simplement à Dieu, de’meme le Fils de Dieu est tel par rapport à Dieu, subsistant en trois personnes sans doute, mais considéré dans sa nature et comme agissant ad extra. Quoniam autem non a tribus pérsonis agentibus, quatenus sunt a se invicem distinctæ, sed qualenus unus sunt nutura Deus, peracta est mundi créât io, ideo Deus simpliciter dicitur mundi creator. Non est crgo secundum legitimam prædicandi rationem Jésus Christus, sive Trinitatis, sivc Iriuni personarum, sive suiipsius, sive Spiritus Sancti Filius ; vrrum Filius ncduralis et est et proprie dicitur Dei unius in tribus pérsonis subsistenlibus quidem, sed secundum naturam speclati et ad extra agentis, p. 50-51. Cf. Défense de la seconde partie de l’Histoire du peuple de Dieu contre les c(domnies d’un libelle intitulé : Projet d’instruction paslonde, Avignon, 1755. — b) Dieu le Père, par rapport à.Jésus-Christ considéré dans son humanité, est donc Père jiar simple appropriation : recte, sed per appropriationem, ut aiunt, Deus Pater, sive prima persona, dicitur Pater Jesu Christi, liominis-nvi, Dei et Filii, quenwdmodum recte dicimus : Credo in Detim Palrem omnipotrntem. creatorem rccli et terrœ… C’est en ce sens que soivent, dans l'Évangile, Jésus-Christ, Homme-Dieu et Fils de Dici, cmploie l’expression : Père..Jésus-Christ, Homme-Dieu, pourrait donc être appelé l’ils naturel de Dieu, sans que cette apiiellation impli(|iil pour autant les dogmes de la trinité et de l’incarnation, ce dernier constitué par la vérité atlirniant l’union de

la seconde personne de la Trinité avec l’humanité : Fateor ista dogmata duo non includi lormaliier et explicite in nolionc Filii Dci, qimlis a nobis describitur aut deftnitur. Dans l’hypothèse où Dieu, tel que les Juifs le connaissaient, c’est-à-dire un Dieu unique et personnel, mais sans la trinité des personnes, se serait uni une humanité afin de racheter le genre humain pécheur, cette humanité unie à Dieu, JésusChrist, devrait encore être dit et cru Fils véritaljle et naturel de Dieu : oporterct (crcdi) rcvclanti Dco, Jesum Christum esse venim naliiralemque Dei Filium, per vcram et pbysicam unionem. sanctissima ; suie humanitatis cum Deo sic cognito et rcuclalo in unilalem personie, p. 76-78. — c) Il n’y a cependant pas deux Fils en Jésus-Christ, mais un seul, dont la filiation est doublement justifiée : Per aclionem unientem, … fil ut secundae personis divinis, qaæ prius erat Filius Dei, propter generationem œternam, sub alia ratione denominetur in tempore Filius Dei propter generationem temporalem, sive aclionem Dei ad extra, qua humanilas Christi unila est hijpostatice personæ uni divinie. Cette dénomination nouvelle affecte directement l’humanité en tant qu’unie au Verbe et devenue par son union l’humanité du Verbe, complète dans sa subsistance à l’instar d’une hyposlase. — d) Ces dernières paroles nous amènent à la conclusion philosophique qui est à la base du système de Berruyer : l’humanité en Jésus-Christ est une quasi-hypostase, en raison de son union avec le Verbe divin. On peut lui accorder les attributs du suppôt : expliquant le texte de l'Épître aux Romains, i, 3, De Filio suo qui factus est ei (Deo) ex semine David secunduni carnem, Berruyer s’exprime ainsi : Verba, ut jacenl, in obvio et nalivo sensu nulla formidine inlerpretare de Jesu Christo Deo et homine, qui ex semine David per Mariam in Filium suum derivato, factus est in tempore Deo uni et vcro Filius secundum carnem ; intcHige dicta instar supposili et in masculino génère de sanctissima Christi humanitate, quæ superveniente Spiritu Sancto in Mariam, et virtute Altissimi ei obumbrante, conjuncta est in tempore cum persona una divina, unione reali, phijsica et substantiali in unitatem personæ et individuam societatem naturee, p. 109. On trouve les m’emes formules dans Hardouin, Comment. N. T., Rom., i, 4. — e) Relativement à la sainte Vierge, Hardouin et Berruyer admettent pleinement le titre de mère de Dieu. Marie est mère de Dieu en raison de la double filiation du Verbe incarné, Berruj^er, op. cit., p. 55 ; filiation du Verbe et filiation de l’humanité unie liypostatiquement au Verbe. L’affirmation touchant la maternité divine de Marie est orthodoxe, mais les raisons de cette maternité auraient dû conduire leur auteur à concéder à la sainte Vierge une maternité divine d’honneur dans le sens nestorien. Voir plus loin. Évidemment de telles assertions ne trouvent pas de fondement dans l'Écriture ni dans la tradition, et cependant Berruyer est obligé de rendre compte des affirmations si précises de la sainte Écriture touchant la filiation divine en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il le fait en expliquant que les attributs et toutes les dénominations qu’accorde à Jésus-Christ l'Évangile, concernent en réalité l’humanité, entendue comme on vient de V exposer. Eo sensu intelligendasuntonmia… quæ de Jesu Christo Filio Dei a scriptoribus sacris in tertia persona narrantur aut pronuntiantnr ; omnia nul fere omnia quæ in illorum scripiis de scipso Jésus Christus Filius Dei in prima persona loquens dixisse perhibctur. p. 90. Cf. p. 3, 4, 5. Aucun attribut, même celui de Fils de Dieu, qui ne concerne donc l’humauité du Christ, en tant qu’unie au Verbe : tous ou presque tous les prédicats qui, d’après l’interprétation traditionnelle, ne conviennent au Sauveur qu’en raison de sa divinité, se vérifient directement dans son hu manité sainte. D’après Berruyer, ce sont tous les auteurs du Nouveau Testament qui ont parlé de Jésus en ce sens, p. 8 ; et les textes de saint Jean, Joa., i, en entier, et I Joa., v, 7, font à peine exception, p. 105. L’exégèse de Berruyer part de ce principe absolu, auquel il n’ai)porte pas ou presque pas de tempérament : Dico propositiones fere omîtes quæ sunt de Jesu Christo in Scripturis sanctis Xovi præsertim Testamenti, habere pro objecta in recto Ilominem-Deum, sive humanitatem Christi in Verbo subsistentem. Dico insuper omnes et singulas ejusmodi propositiones a Christo Dei Filio et a Deo Christi Pâtre et a scriptoribus.'sacris prolatas semper et ubique vcrificari directe et primo in Homine-Deo, sive in humanitate Christi divinitati unita et Verbo compléta in ratione personæ. nisi, quando propositiones quæ habent pro subjecto in recto compositum illud Iheandricum, habent pro præaicato attribuium aliquod, quod vel naturæ divinæ, ut natura divina est, vel naturæ humanæ, ut est natura humana, essenlialiter convenit, v. g. Jésus Christus est Deus, Jésus Christus est homo. Reliquæ, quotquol sunt, et laies sunt fere omnes, verificantur in Jesu Christo Hominc-Dco, quia mixtæ sunt et résultant ex unione facta in tempore humanitatis Christi sanctissimæ cum persona una divina in unitatem personæ : quod est scriptorum omnium Novi Testamenti objectum in recto fere perpetuum, ). 18-19. Quant à la tradition, Berruyer entend bien être d’accord avec la tradition primitive : l’appellation de Fils de Dieu chez les premiers chrétiens n’avait pas d’autre sens que celui qu’il lui accorde. Au temps où écrivait saint Jean, Filius, selon l’usage courant, signifiait, en parlant de Jésus-Christ, l’humanité unie au Verbe. Voilà pourquoi saint Jean, pour rappeler l’incarnation, ne dit pas Filius caro factus est, mais Vcrbum caro faclum est, p. 195 ; voilà pourquoi aussi, dans la formule trinitaire du baptême, c’est le mot Filii et non Verbi qui est employé, afin de bien désigner ici que l’on entend parler de l’humanité sainte de Jésus, p. 150-154. Même sens dans les doxologies : per Dominum nostrum Jesum Christum Filium tuum, etc., ou dans les formules du signe de la croix ou des bénédictions, p. 154155. De plus, sur ce point, la doctrine des Pères est difficilement appréciable et le P. Berruyer semble plutôt l’esquiver. Cf. Legrand, op. cit., col. 831-834. 2. Critique.

Toutes ces interprétations des textes scripturaires et des formules de la tradition catholique sont fantaisistes. Non seulement elles sont contraires au sens véritable de l'Écritureetauxdonnées traditionnelles, mais elles aboutissent, dans l’interprétation des formules, à des conclusions si évidemment fausses, qu’elles sont par là même condamnées. Si, en effet, dans les formules scripturaires et traditionnelles, le terme Fils de Dieu, par exemple, doit être toujours entendu de l’humanité de Notre-Seigneur dans le sens où l’explique Berruyer, que faudra-t-il entendre par l’Esprit-Saint, dont l’invocation termine ces formules ? La formule du signe de la croix : in nomine Palris, etc., signifiera nécessairement : au nom de Dieu subsistant en trois personnes, qui est Père du Christ, en tant qu’il a uni l’humanité au Verbe, et du Fils, c’est-à-dire de la très sainte humanité du Christ, qui, par son union avec une personne de la Trinité, est devenue le Fils de Dieu, et du Saint-Esprit. On se demande quelle peut être ici l’acception de ce dernier terme de la formule. Legrand, op. cit., col. 831. La faculté de théologie de Paris, en censurant plusieurs propositions de Berruyer, en 1762, a noté sévèrement son système d’interprétation des formules scripturaires et traditionnelles : on trouvera l’exposé des considérations théologiques des censures portées dans Legrand, op. cit., col. 857-893. Mais la principale des considérations est que le système d’in

terprélatioii de Berruyer énerve singulièrement les preuves scripturaires du dogme de la trinité et du dogme de l’incarnation. Berruyer admet lui-même implicitement cette conclusion, puisque, pour lui, Jésus-Christ, Homme-Dieu, pourrait être appelé Fils de Dieu, sans que cette appellation impliquât les dogmes de la trinité et de rincarnation. Voir plus haut. Voir, dans la censure de la faculté, les propositions 43 et 138. Sur le vrai sens du terme Fils de Dieu, voir ce mot, t. v, col. 2386 sq. Mais, en nous tenant sur le terrain strictement théologique du problème de l’union hypostatique, les critiques à formuler contre le système de Berruyer peuvent se résumer sous trois chefs principaux.

a) Le concept philosophique de l’humanité unie au Verbe est équivalent chez Berruyer au concept de l’hypostase ou de la personne. L’humanité est un véritable sujet auquel on attribue légitimement les qualités même divines : c’est, comme on le dit habituellement, en résumant d’un mot la conception de Berruyer, un quasi-suppôt, une quasi-hypostase ou personne. Il s’en faut de si peu que ce soit un véritable suppôt, une hypostase ou personne complète, que l’on ne voit pas bien ce qui manque en réalité à l’humanité de Jésus-Christ pour être une personne. La logique devrait conduire Berruyer à admettre la dualité de personnes en Jésus-Christ, tout comme elle le conduit à admettre une double filiation, ^'oi^ la censure de la proposition 21, qui résume la doctrine de Berruyer sur ce point, proposition notée par la faculté de Paris, comme fausse, erronée, téméraire, entachée de superstition, scandaleuse et conduisant au nestorianisme ; par certains côtés, la thèse de Berruyer incline vers l’arianisme, parce qu’elle enlève aux arguments traditionnels leur valeur démonstrative en faveur de la consubstantialité du Fils, c’est-à-dire du Verbe, et vers le sabellianisme, parce qu’elle enlève aux mêmes arguments leur valeur démonstrative relative à la distinction des trois personnes consubstanticlles. - — b) Le concept de la filiation divine, tel que le propose Berruyer, est complètement en dehors de la tradition théologique. Des définitions de l'Église contre l’adoptianisme, voir t. i, col. 419, il résulte que « la filiation naturelle de Jésus-Christ… a. a pour unique fondement la génération éternelle du Verbe, celui-ci gardant son titre de Fils dans toute nature qu’il daigne s’unir ; b. constitue Jésus-Christ le Fils naturel du Père seul, et non point de la Trinité ; c. due uniciuement à la propriété personnelle du Verbe et non à l’union hypostatique, cette filiation disparaîtrait si, au lieu du Verbe, le Saint-Flsprit ou le Père s'était incarné ». Quant à l’opinion subsidiaire défendue par certains théologiens, tels que Suarez, De incarnatione, disp. XLIX, sect. i, n. 5 ; sect. ii, n. 24 ; Vasquez, In Sum. S. Thomæ, III », disp. LXXXIX, c. xiv, et qui consiste à considérer en Jésus-Christ deux filiations naturelles, bien que non condamnée, elle ne saurait être admise. Voir.'doptianisme, t. i, col. 420. A plus forte raison faut-il rejeter l’opinion de Berruyer, phis accentuée encore dans ses formules. — c) Dans l’opinion de Suarez, le défaut d’extranéité dans la nature humaine par rapport au Verbe (en raison de l’union hypostatique ) exclut toute possibilité d’interpréter la filiation quant à la nature humaine dans le sens d’une filiation adoptive. Mais dans l’opinion de Berruyer, cette possibilité, non seulement n’est pas exclue, mais elle semble l’aboutissant logique des prémisses posées. Jésus-Christ est Fils naturel de Dieu en raison de l’action ad extra, commune aux trois personnes divines, et qui unit la nature humaine au Verbe. Cette action nd rxlra semble bien être l’unicpie lien de la divinité à l’humanité dans l’incarnation. Telle n’est pas la doctrine catholique, qui attriliuc sans

doute à la Trinité, comme cause efficiente, l'œuvre de l’incarnation, mais qui enseigne formellement que seule la deuxième personne de la Trinité s’est incarnée : ce que les théologiens expliquent en rappelant que la personne du Verbe divin seule termine l’incarnation en assumant l’humanité à son être personnel. Voir col. 507, et Incarnation. L’opinion de Berruyer ne semble laisser au Verbe aucun rôle particulier dans l’incariialion : celle-ci résulte del’action commune des trois personnes. Sans doute, elle maintient l’union personnelle dans les formules qu’elle emploie, mais elle n’en rend pas suffisamment compte. L’union entre la divinité et la sainte humanité du Christ semble bien n'être qu’une union morale à la façon de Nestorius : on ne voit pas ce qui différencie les relations de la Trinité et de l’humanité de Jésus et les relations de la Trinité et de l'âme juste. Bien d'étonnant que cette opinion ait été qualifiép sévèrement par Benoît XIV et par Clément XIII. Benoît XIV, dans son bref du 17 février 1758, condamna la deuxième partie de l’Histoire du peuple de Dieu, comme contenant des propositions’irespectivement fausses, téméraires, scandaleuses, favorisant l’hérésie sinon hérétiques », et Clément XIII, avec termes identiques, censura la troisième partie par son bref du 2 décembre 1758, en déclarant que la « mesure du scandale était comble ». La Sorbonne censura pareillement 74 propositions (1702-1764). Cf. de Backer, Bibliothèque des écrivains de la C’f de Jésus ; Schôrckh, Christliche Kirchengeschichte, t. vii, p. 181 ; Schsetzler, Das Dogma von der Menschwerdung, Fribourg-en-Brisgau, 1870, p. 201 sq.

Gûnther.

Avec la thèse de Berruyer, expliquant

l’union hypostatique sans relation explicite au mystère de la sainte Trinité et avec la seconde personne de la Trinité, la porte était ouverte au rationalisme. L’action divine ad extra, fondement de cette union, semble la réduire à la proportion d’une union simplement morale. C’est sur ce dernier point, tout particulièrement, que l’introduction de la philosophie moderne dans la théologie accentuera l’explication purement dynamique de l’union hypostatique, et fera de Jésus un homme, semblable aux autres hommes quoique plus iiarticulièrcment uni à Dieu par la grâce qui l’inonde. Toutefois, entre Berruyer et Giinther, le point de départ et l’aboutissement de cette évolution, il faut signaler un théologien aujourd’hui bien oublié, le P. Stattler, jésuite, qui, dans ses polémiques antikanliennes et ses essais de conciliations avec le protestantisme, esquissa le premier d’une façon précise la théorie de l’union dynamique. On trouvera sa thèse exposée dans sa Theologia theoreticn christiana. Eichstadt, 1760, à l’Index, décret du 10 juillet 1797. Cf. Scliætzler, op. cit., 1870, c. xiv. Mais c’est Giinther, voir t. VI, col. 1992 sq., qui donna â cette théorie sa forme plus précise et définitive, sous laquelle elle fut directement condamnée par l'Église.

1. Exposé.

Le fondement de la théorie de Giinther se trouve dans la conception moderne de la personnalité, constituée par la conscience de soi. Voir Hypostase, col. 431. Dans le Christ, Giinther distingue deux consciences, la conscience divine et la conscience humaine, donc deux personnalités. L’union entre la divinité et respril ( Gcis/) de rinimanité est conçue comme celle de l’csiirit et de l'âme (Scele) dans le composé humain. Voir Formk nu corps humain, t. VI, col. 561-562. C’est par la continuité des deux consciences, dont l’inférieure (la conscience humaine) est pour ainsi dire enveloppée et absorbée jiar la supérieure (la conscience divine), que s’explicpie l’unité de personne dans leCJirist, unité non numérique, mais lormelle, dijnnmicn-organique, quc Giinther jiréscnte comme le constitutif de Vuninn hypostatique. Cette explication amène Giinther à d’autres conséquences,

iiotaniiueiiL en ce qui contenie l’iiupeccabilité du Christ. Sur ce dernier point, voir Jésus-Christ. On trouvera exposé le système de Giinther principalement dans son ouvrasse : Vorsclm[e zur spcculaliven Théologie des posiliven Christenthums, t. ii, Incarnationsthéorie, Vienne, 1829.

2. Critique.

On a déjà relevé, voir Hypostase, col. 433, les conséquences erronées de la conception moderne de la personnalité constituée par la conscience de soi. En réalité, c’est établir en Jésus-Christ deux personnes réelles, unies par la simple continuité des consciences. N’est-ce pas là le nestorianisme, sous une forme nouvelle ? Giinther s’en défend, et les disciples de Giinther renchérissent sur cette défense. — a) Tout d’abord, le dualisme nestorien, à leur avis, accentuait beaucoup plus, en Jésus-Christ, la séparation des natures, jusqu'à faire des deux natures deux personnes véritables. Giinther, au contraire, s’efforce de ramener le duaJ'^iiie des natures à l’unité de la personne. De plus, affirme Giinther, l’erreur de Nestorius consistait surtout à nier l’union hypostatique au moment de la conception du Christ. Or, nous avons vii, cf. col. 534, que cette dernière assertion est inexacte, Nestorius ayant admis l’union de la divinité et de l’humanité dès le premier instant de la conception du Christ. La seule différence qui subsiste entre le giinthérianisme et le nestorianisme réside donc en ce que Giinther ajoute à l’union morale du nestorianisme l’union dynamico-organique des deux consciences se continuant et se superposant dans le Christ. Mais cette addition, relativement à la constitution intime de la personne du Christ, est totalement inefficace. Ontologiquement, il n’y a donc aucune différence entre la conception de Nestorius et celle de Gunther. — b) Gûnther fait grand cas du progrès de la philosophie pour détourner de sa thèse les anathèmes autrefois portés contre le nestorianisme. Si l'Église, au temps de Nestorius, a défini sa foi en se servant de formules qui paraissent contraires à la doctrine proposée par Giinther, c’est que les concepts philosophiques dont elle disposait étaient alors insuffisants. C’est précisément parce que la philosophie contemporaine a fourni une nouvelle conception de la personnalité, qu’il est permis de trouver dans une formule philosophique différente l’expression même du dogme de l’incarnation. Vorschule, t. ii, p. 283. Cf. Vacant, Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1898, t. ii, n. 839. Cette affirmation de Giinther semble supposer que le dogme varie ses formules selon les systèmes philosophiques qui se succèdent au cours des âges : erreur pernicieuse qui ferait de la philosophie, dans l’expression des vérités religieuses, la maîtresse de la théologie, alors qu’elle n’en est, en réalité, que la servante. Voir Dogme, t. iv, col. 1602 ; Vacant, op. cit., n. 842. La prétention de Giinther a d’ailleurs été directement signalée et condamnée par Pie IX, bref Eximiam tuam, 15 juin 1857, Denzinger-Bannwart, n. 1656. — c) Baltzer, Neue theologische Briefe an Dr Anton Gûnther, Breslau, 1853, p. 162-163, invoque en faveur de l’opinion de son maître un prétendu symbole « approuvé » au concile de Chalcédoine. Voir le texte dans Mansi, t. vi, col. 889. Ce symbole semble exclure, en effet, l’unité numérique en Jésus-Christ pour ne laisser subsister qu’une unité morale. Cf. Knoodt, Giinther und Clemens, Bonn, 1854, p. 325. On y affirme que nous croyons en un seul Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites, entendant par là principalement le Verbe, Dieu et Seigneur, mais entendant aussi avec lui Jésus de Nazareth, que Dieu a marqué de son esprit et de sa vertu, pour le rendre participant, par cette union au Verbe, de sa filiation et de sa puissance. Ce symbole, loin

d’avoir été approuvé (ainsi que le pensait Knoodt) au concile de Chalcédoine, a été formellement condamné. Ce symbole altéré était l'œuvre de Théodore de Mopsueste, cf. Walch, Ketzergeschichte, Leipzig, 1769, t. v, p. 354 ; il avait été répandu par les nestoriens et apporté au concile d'Éphèse par le prêtre Charisius, qui le lut au cours de la VI « session, Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. ii, p. 331, afin de le faire condamner. La condamnation fut portée en termes non équivoques, déclarant soumis aux anaIhèmes du concile quiconque, évêque, clerc ou laïque, croira ou enseignera les doctrines renfermées dans la profession apportée par le prêtre Charisius touchant l’incarnation du Fils unique de Dieu… Ce symbole, lu derechef au pseudo-concile appelé le Brigandage d'Éphèse, fut en fin de compte, avec les actes du pseudo-concile, évoqué devant le concile de Chalcédoine, qui devait juger la cause de Dioscore. Voir t. iv, col. 1373-1374. Si Théodore de Mopsueste sembla trouver une grâce apparente devant le concile de Chalcédoine, le V « concile œcuménique se chargea de parfaire la condamnation déjà portée à Éphèse. Voir session VI « , Mansi, t. ix, col. 229. Sur la condamnation de Théodore, voir Franzelin, De Verbo incarnato, p. 210-213 ; Pirot, op. cit., p. 304, 322. — d) De même, dans la x « lettre, Baltzer invoque, avec aussi peu de droit, l’autorité de saint Anselme. Saint Anselme avait écrit : In Christo Deus est persona et homo est persona, nec lamen duæ sunt persona :, sed una persona. Car Deus homo, c. vi, P. L., t. clviii, col. 278. Mais on a vu plus haut, col. 511, combien l’interprétation nestorienne doit être éloignée de ce texte. Saint Anselme représente, au xiie siècle, la plus pure tradition cathofique.

3. Condamnation.

La doctrine de Giinther et de ses disciples, renouvelant en fait l’hérésie nestorienne, ne pouvait qu'être condamnée par Rome. Une première condamnation générale fut portée contre le giinthérianisme par une mise à l’Index des ouvrages du maître, le 8 janvier 1857. Giinther se soumit le 13 janvier. Mais le souverain pontife, tout en marquant sa joie de la soumission de Giinther, dut préciser dans la suite quels points étaient répréhensibles, au point de vue de la foi, dans les doctrines condamnées en bloc. On a vii, à propos des éléments constitutifs de la nature humaine. Forme du corps humain, t. vi, col. 562-563, les documents qui précisèrent la condamnation globale. Au sujet de l’incarnation. Pie IX se contente d’affirmer, dans son bref au cardinal de Geissel, archevêque de Cologne, que le dogme de l’incarnation n’est pas correctement exposé par Gunther : in compertis pariler habemus, neque meliora, neque accuraliora esse, quæ traduntur de sacramento Verbi incarnati deque unitate divinæ Verbi personæ in duabus naturis divina et humana. Denzinger-Bannvrart, n. 1655. L’indication est sommaire, mais suffisante, puisque l’erreur giinthérienne aboutit précisément à la négation de l’unité numérique de la personnalité en Jésus-Christ. Voir également le bref Dolore haud mediocri, 30 avril 1860, dirigé principalement contre Baltzer, et adressé à l'évêque de Breslau. Denzinger, 10e édit., n. 1513.

Le concile du Vatican se proposait d’anathématiser les erreurs christologiques de l'école giinthérienne. Il convient de signaler le projet de constitution dogmatique relatif au mystère de l’incarnation et les canons projetés contre l’explication de Giinther.

a) Schéma rcformatum constitutionis dogmaticae. de doctrina catholica. Caput VI. De mijsterio Verbi incarnati.

(N. 2.) Sicut in SS. TriniDe même que dans la très tate très personae distinctse sainte Trinité les trois perin una subsistunt natura, ita sonnes subsistent en une na

in Christo, contra una divina persona in duabus subsistit naturis distinctis et divcrsis. Ex qiio quidem sccunduni SS. Patrum admonitionem intelligant onincs oportet, cssenti », substantise seu natur » notionem cum notione hypostasis, sabsistentise seu personse minime confunden(lam ; ne cum manifesta sacratissimorum dogmatum subversione tôt semper dicantinesse personse, quot sint intellectuales, sive ut loquuntur sui consci » natura ^. CoUeclio Lacensis, t. vii, col. 559.

b) Canones (Projet).

Can. 2. Si quis negaverit liumanam Cliristi naturam ita Deo Verbo esse unitara, ut Verbum in ea tanquam sibi propria facta subsistât.

Can. 3. Si quis unam personam Jesu Christi tanquam plures complectentem intelligat, duasquc in mysterio Christi personas introducat, divinam et liumanam, quae nexii indissolubili inde a conceptione conjunctæ uiiani personam compositam efficiant, a. s.

Can. 4. Si quis dixerit tôt necessario esse personas, quot sunt intellectus et voluntates ; aut negata duplici in Christo persona negari humana ! naturae pcrfectionem, a. s. Jbid., col. 566.

ture unique, ainsi, à l’inverse, dans le Christ, une seule personne divine subsiste en deux natures distinctes et diverses. Aussi cst-il nécessaire que tous retiennent, d’après la doctrine même des Pères, que la notion d’essence, de substance ou de nature ne doit en aucune façon être confondue avec la notion d’hypostase, de subsistence ou de personne, de peur que l’on n’en arrive à affimier — ce qui serait la négation des dogmes les plus sacrés — qu’il y a autant de personnes qu’il existe de natures intelligentes ou, selon l’expression des novateurs, conscientes de soi.

Si quelqu’un nie que la nature humaine du Christ soit imie au Verbe de façon que le Verbe subsiste en elle comme en une nature qu’il a faite sienne, qu’il soit anathème.

Si quelqu’un comprend l’unique personne de Jésus-Christ comme renfermant plusieurs (sujets) et, par là, introduit dans le mystère du Christ deux personnes, l’une divine, l’autre humaine, qui, dès l’instant de la conception unies parun lien indissoluble, forment une seule personne composée, qu’il soit anathème.

.Si quelqu’un dit qu’il y a nécessairement autant de personnes qu’il y a d’intelligences et de volontés ; de telle sorte que refuser au Christ la personnalité humaine, c’est lui enlever la nature luunaine co-nplète. qu’il soit anathèmc.

Rosmini.

A pioprement parler, Rosmini n’a

pas de système cliristologique. Sa théorie de l’union h ypostatique a été simplement esquissée en fonction de son système pliilosophique général, à l’occasion d’un commentaire sur le i’^"’chapitre de l’Évangile de saint Jean. Il faut néanmoins accorder à cette esquisse quelque attention puisqu’elle a été expressément réprouvée par l’Église, dans la réprobation de la proposition 27 « extraite des œuvres de Rosmini, et condamnée par le Saint-Ollice, le 14 décembre 1887. Voir Denzinger-Bannvvart, n. 1917.

1- Lxposé. — Pour comprendre la pensée de Rosmini, il faut se rappeler qu’il accorde aux créatures deux existences, l’une objective, l’autre subjective. L’existence objective, existence non pas seulement idéale, mais réelle, est celle que Us créatures possèdent dans le Verbe de Dieu, et en ce sens le Verbe est cette matière invisible dont le livre de la Sagesse, xi, 18, dit que toutes choses oui été faites, prop. 19. Dcnzinger-Uannwart, n. 2019. Par l’existence subjective, les créatures possèdent un être particulier, distinct de l’être du erbe. Kosmini suppose cette assertion fondamentale, lorsque, à propos de l’action surnaturelle (le l’cuc-haristic dans les Ames, il aborde an préalable le problènie de l’union hypostatique. J.’inlroduzione rirl Vant/clo seconda diouaniri cnmmrnlala, Turin, 1882, Icz.ione lxxx, p. 279 sq. D’après cette théorie générale, l’humanité du Christ existait, avant

l’incarnation, dans le Verbe ; mais comme elle n’y était que selon son existence objective, à l’instar de toutes les autres créatures, elle n’était pas unie au N’erbe hypostatiquement : « L’existence objective des créatures est réelle par le Verbe, mais elle ne l’est pas dans les créatures elles-mêmes, dont l’existence propre est exclusivement subjective ; ainsi les créatures peuvent exister dans le Verbe, et elles sont le Verbe liii-mOme, sans cependant exister encore en elles-mêmes. Par là, les créatures, en raison de leur existence objective, ne sont pas en elles-menies, et, lorsqu’elles existent subjectivement, le Verbe ne les renferme pas nécessairement, bien qu’il les iiossède objectivement et que l’existence objective et l’existence subjective soient deux modes du même être. De telle façon que, pour que le Verbe « assume » à lui et s’unisse une créature intelligente considérée dans l’être qu’elle possède en soi, il ne sullit pas qu’il la possède objectivement, bien que réellement, en lui-même, mais il est nécessaire qu’il s’unisse subjectivement à cette créature, ou, pour mieux dire, qu’il unisse cette créature subjectivement à lui-même », p. 280. Comment expliquer l’union selon l’être subjectif, rincarnalion’? « Il faut considérer que c’est le propre de l’Espril-Saint d’agir dans le sujet, puisque l’Esprit s’unit comme principe actif à la volonté humaine. La volonté humaine, dans cette union avec riCsprit. s’élève jusqu’à la reconnaissance pratique de l’être, et par-dessus tout, de l’Être absolu, ce qui constitue la sanctilication de l’homme. Or, il semble que l’on doive croire que dans l’humanité du Christ la volonté humaine lut tellement ravie par t’Esprit-Saint dans l’adhesion à l’Être objectif, c’est-à-dire au erbe, qu’elle lui a cédé entièrement le gouvernement de l’homme. Le Verbe a pris ainsi personnellement ce gouvernement et, par là, s’est //icarné. La volonté humaine demeurait avec les autres.puissances subordonnée à cette volonté, au pouvoir du Verbe, et le Verbe, premier principe de cet être théandrique, accomplissait toutes clioses ou les faisait accomplir par les autres puissances, avec son consentement. Ainsi la volonté liumaine cessa d’être personnelle dans l’homme, et ce qui constituait dans tes autres hommes la personne demeura dans le Christ simple n(Uure. » Prop. 27". C’est ainsi cpic s’explique l’union hyjiostatiquc, dont la réahsalion est vraiment l’œuvre du Saint-Esprit agissant dans riuimanité du Christ.

2. Critique.

I>n réalité, l’explication de Rosmini, alistraction faite de la thèse erronée de l’ontologisme qu’elle recouvre, ressuscite, sous une autre fornie, l’hérésie nesloriennc. L’union li jiostatique n’est plus l’union substantielle, pliysiquc. réelle, selon la subsistence, LaO’J-o^Tajtv, telle que l’ont définie les conciles et proposée les Pères de l’Église ; mais c’est une union accidentelle, par l’accord des volontés, selon la grâce, union purement morale et qui laisse subsister en Jésus-Christ les éléments physiques constitutifs de deux personnes comidètes. Aussi est-ce à juste litre que la proposition <|uc nous avons soulignée dans le texte a été réprouvée. D’autre jiart, rexplication de Rosmini laisse entrevoir une confusion d’être et de facultés, ime suppression de la volonté humaine ou tout au moins de ses fonctions, tpii touche de près au monophysisme ou au monolhélisme. Cf. Didiot, La fin du rosminiunisme, dans la Revue des sciences ecclésias’tiques, 1888, p. 120.

La théologie protestante contemporaine.

Xous

n’avons pas à nous occuper de la théologie protestante qui a versé dans le pur rationalisme. Celle théologie a existé, de tous temps, dans l’Église réformée, depuis les sociniens. voir ce mot, jusqu’aux rationalistes contemporains. Le rationalisme, sous toutes ses fornu’s, ))rocède de la philosophie hégélienne : il

nie la divinité du Clirisl et explique par l’illusion personnelle de Jésus, par la négation des paroles attribuées parl’Évanpileà Jésus, pardes infiltrations étrangères dans la rédaction des livres inspirés, et par mille autres hypothèses aussi peu adniissibles, le fait historiquement rapporté des alfirmations touchant la divinité du Messie. Sur les interprétations rationalistes de la vie et de la personne du (Jirist, voir Jésus-Chkist. Nous ne pouvons évidemment considérer ici que les doctrines maintenant les deux termes extrêmes de l’union hypostatique, l’élément divin et l’élément humain en Jésus. Ces deux termes ne sont niés ni par les protestants conservateurs, ni même par les libéraux. Mais les premiers prétendent admettre sans restriction la personnalité divine de Jésus, tandis que les autres se tiennent sur un terrain doctrinal moins assuré et plus mouvant. Tous d’ailleurs rejettent les formules d’Éphèse et de Chalcédoine. La christologie orthodoxe trouve à peine un protestant instruit pour la défendre dans sa forme traditionnelle. Cf. Fr. Loofs, Wliat is the truth about Jésus Christ, Edimbourg, 1913, p. 184. Le dogme défini à Chalcédoine n’est de nature, dit-on, à satisfaire ni le cœur ni la tête. Kirpatrick, dans Dictionary of Christ and the Cospel, 1906, t. I, Incarnation, p. 812 ; cf. Mackintosh, The doctrine of thepcrson of Jésus Christ, Edimbourg, 1912 ; W. Sanday, Christologies, Oxford, 1910, p. 54-55. Rejetant les formules catholiques de l’union des deux natures en une seule personne, tout en prétendant en maintenir le sens dogmatique, les protestants ont dû trouver des systèmes plus en rapport avec la philosophie moderne. La définition de la personne jjar la conscience de soi jouera ici un grand rôle. VoirHYposTASE, col. 431.

1. Le protestantisme libéral.

Le protestantisme libéral se rapproche du rationalisme, en ce sens qu’il ne reconnaît pas en Jésus-Christ un être divin proprement dit. Dieu, Jésus ne l’est pas ; mais, grâce aux effusions incomparables des faveurs divines dans son âme, il s’est élevé à un degré de perfection inégalalde par les autres hommes, et, par rapport au Christ, définitive. C’est par ce concept de perfection surhumaine, due à l’influence de la grâce divine, que le protestantisme libéral d’un Auguste Sabatier se différencie du pur rationalisme. Jésus a été la parfaite image du Père, et « voyant Dieu son Père dans le miroir filial de la plus belle âme qui fut jamais, conscient de le connaître et de l’aimer plus et mieux que ceux qui l’entouraient, indigné du rigorisme littéraliste que les Pharisiens imposaient aux hommes sous couleur de garder la Loi, sentant en lui-même une force et une ardeur capables de changer le monde, le Maître Nazaréen a pu sans blasphème dire ce que les Évangiles lui font dire et prendre les attitudes qu’ils lui prêtent… Jésus n’a été qu’un homme, mais l’homme dans le cœur duquel s’est révélé le plus complètement le cœur paternel de Dieu. » Ainsi résume la position de Sabatier, dans l’art. Jésus-Christ, du Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, M. de Grandmaison. Cette explication de l’élément divin en Jésus-Christ a été reprise et accentuée par M. Harnack. Conscient de sa haute valeur personnelle, Jésus, dans la pensée de M. Harnack, s’est donné aux hommes pour le médiateur universel, le juge suprême et le consolateur de l’humanité. La communication qu’il faisait de ses dons aux hommes manifestait, à la lumière des expériences quotidiennes, la gloire que le Père lui avait donnée et la puissance dont il l’avait comblé. L’essence du christianisme, trad. franc., 1907, p. 176. On trouvera dans l’article de M. de Grandmaison des indications suffisantes relativement à cette thèse, admise par MM. Wernle, Die Anfànge unserer Religion, Tubingue, 1904 ; Julicher, Die Religion

Jesu, dans la collection Die Kultur der Gegenwart, Leipzig, 1906, t. i, fasc. 4 ; W. Boussct, Jésus, dans la collection des Religionsgeschichlliche Volksbûcher, Tubingue, 1904 ; A. Meyer, Jésus, dans Unscre religiôsen Erzieher, Leipzig, 1908, t. i ; W. Heitmiiller, Jésus, Tubingue, 1913 ; II. Weinel, Jésus, dans la collection Die Jilassiker der Religion, Berlin, 1912, etc. Il nous suint présentement de retenir la doctrine esquissée par ces différents auteurs pour la juger en fonction du dognie catholique de l’union hypostatique. Qu’ils le veuillent ou non, les protestants libéraux sont obligés de faire de Jésus-Christ, à l’instar des rationalistes, un prophète, plus grand, meilleur, plus inspiré que ses prédécesseurs, mais à coup sûr homme comme eux et tout autant qu’eux. L’union de cet homme avec la divinité s’explique simplement par la grâce céleste qui inonde son âme et lui communique des dons extraordinaires. C’est dans ce sens qu’ils sont obligés d’interpréter les textes, rapetissant la figure de Jésus à des proportions simplement humaines. Objectivement, la personne du Sauveur n’apparaît plus en réalité, dans ce système, composée de deux éléments essentiels, l’un divin, l’autre humain ; mais elle est toute absorbée dans l’humanité, l’élément divin étant constitué par une faveur, une grâce extrinsèque, en somme, à la constitution intime de Jésus. Nous retombons ainsi dans le nestorianisme. Ou bien, s’ils veulent éviter cette conclusion funeste pour la divinité du Sauveur, les libéraux sont obligés de voir en Jésus une transcendance véritable. Mais, ne voulant pas aller jusqu’au bout des conclusions où devrait les amener la logique, ils se refusent à suivre les catholiques jusque dans la confession des deux natures en une personne, ils font du Christ une personnalité d’un genre particulier. Ainsi le Messie nous apparaît comme dépassant l’humanité sans toutefois arriver à égaler la divinité. Compromis qui se rapproche singulièrement des anciens concepts ariens, apollinaristes et monophysites. Tant il est vrai que, lorsque l’on abandonne la voie traditionnelle, il faut nécessairement tomber dans les excès que la tradition catholique a précisément rejetés.

2. Le protestantisme conservateur.

On prétend ici sauvegarder la divinité même du Verbe unie à l’humanité de Jésus, mais on veut en expliquer l’union ineffable, en se dégageant des voies tracées à Éphèse et à Chalcédoine. Trois systèmes principaux sont en présence : la kénose, la subconscience, l’influx divin. Ici encore, il est intéressant de voir comment les erreurs modernes ne sont que la reproduction des anciennes conceptions hérétiques.

a) La kénose. — On étudiera ce système en un article spécial. Présentement, nous n’en dirons que ce qui se rapporte immédiatement à la question de l’union hypostatique. Le principal appui du système est le texte aux Philippiens, ii, 7. On en discutera le sens à l’art. Kénose. Mais ce texte n’est qu’un appui ; en réalité, il n’est pas à la source de la doctrine de la kénose. L’origine première de la kénose est la difficulté de concevoir deux natures complètes unies en une seule et même personne. Parmi les solutions données à ce problème (lequel est en réalité le problème de l’union hypostatique), une des solutions possibles était de concevoir une des deux natures amoindrie afin de pouvoir être complétée par l’autre et former avec elle un tout unique. Cet amoindrissement équivaut à un véritable dépouillement, à une kénose. La kénose est donc au fond de la théologie christologique d’Arius, voir col. 468, d’Apollinaire, voir col. 469, et, en général, des monophysites, voir col. 477. La doctrine de l’ubiquisme, voir col. 542, contribua beaucoup à introduire le système de la kénose dans le protestantisme. Dans l’état d’humiliation, c’est.

avons-nous vii, la /-fj’^ ;  ;, c’est-à-dire l’usage secret, ou la LÉvwa’.ç, c’est-à-dire la complète abstention, qui explique en Jésus la présence de la divinité. Les protestants modernes ont repris cette thèse générale de Chemnitz, sous diverses formes. Cf. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1912, t.n, noteK, et Kénose. Mais au lieu que ce soit, comme dans l’ancienne exégèse luthérienne de Phil., ii, 7, l’humanité qui s’efface, il s’agit, dans la moderne kénose protestante, de l’effacement de la divinité ; le sj-stème, envisagé simplement au point de vue théologique et relativement à la seule union hypostatique, est inadmissible, car à la fois il supprime l’union substantielle des deux natures dans le Christ et il altère la véritable notion de la personnalité. Il supprime l’union substantielle des deux natures, en impliquant « un mélange d’où résulte une nature nouvelle qui est pour ainsi dire la combinaison des deux autres. Or, le fini ne peut pas se combiner avec l’infini, si ce dernier ne perd momentanément son infinité. » Prat, loc. cit., p. 241. Au fond du système de la kénose, c’est donc le monophysisme que l’on retrouve. L’immutabilité divine oppose à ce système une réelle difficulté, que résolvent les partisans de la kénose en répondant « ou bien que nous ne savons pas en quoi l’immutabilité divine consiste, ou bien que Dieu peut faire tout ce qui n’est pas inconciliable avec son caractère moral, autrement dit avec sa sainteté ». Ibid. Cf. d’après le P. Prat, J. A. Dorner, Ueber die richtige Fassung des dogmatischrn Begrifjs der Unvcranderlichkeit Gottes, mit besondenr Beziehung auf das gegenseitige Verhâltniss zwischen Gottes ûbergeschichtlichem und geschichtlichem Leben, dans Jahrbùchcr fur deutsche Théologie, 1856, t. i, p. 361-416 ; Die neiirren Lûugnungen der Unverandcrlichkeil des personlichen Gottes, 1857, t. ii, p. 440500 : Die Geschichte der Lehre von der Unveranderlichkeil Gottes bis auf Schleiermacher nach ihren Hauplzûgen historisch-kritisch dargestellt, avec deux répliques à Dorner par Liebner, Christologisches, ibid., t. iii, p. 349-366, et par Hasse, Ueber die Unvertinderlichkeit Gottes und die Lehre von der Kenosis des gôttlichen Logos mil Rûcksicht auf die neuesten christol. Verhandlungen, ibid., t. iii, p. 366-417. En second lieu, ce système altère la véritable notion de la personnalité : « Une certaine philosophie identifie la personne avec la conscience ; la perte de la conscience (du sentiment du moi) équivaudrait à l’anéantissement de h personne. Dès lors il est impossible d’admettre deux consciences dans un même sujet, car deux consciences seraient deux personnes. Il n’y a donc pas dans le Christ une conscience divine et une conscience humaine ; il n’y a qu’une conscience divine ou une conscience humaine. Mackintosh l’affirme crûment et comme une vérité incontestable : There iverc nol in him (Christ) Iwo consciousnesscs or tivo wills, but the unity of his personal life is fundamental. Expositorg limes, t. XXI, p. 107. Avec ce principe, on ne peut échapper à la kénose, à moins de dire que l’humanité est absorbée dans la divinité. » Prat, op. cit., p. 242.

b) La subconscience. — Cette théorie a été mise en relief par M. W. Sanday, principalement dans Christologies ancient and modem, Oxford, 1910. Dans l’esquisse christologique de M. Sanday, « il n’est plus question de personne ni de natures : concepts scolastlques, massifs, usés ! A leur place, la conscience pscholoRique, avec ses deux étages : conscience, claire lumière maîtrisée et moralement constante, mais appauvrie ; simple aiguille indicatrice d’actions plus profondes ; — semi-conscience intermittente, lueurs vives projetées de temps en temps par le fonds subliminal où se cache et agit l’élément divin présent dans l’âme humaine. Cette double conscience répond aux deux couches de puissances superposées dans le

moi total. En lui s’étagent les acquisitions superficielles du premier moi : connaissables, exprimables, mais précaires et vite épuisées ; et au-dessous, les ressources immenses, inappréciables, et partiellement ineffables, du moi subconscient. Le Moi superficiel du Christ, tel qu’il se connut et s’exprima, fut entièrement, exclusivement humain. Mais de temps en temps, la Déité présente à son Moi subliminal s’impliqua, se fit jour confusément dans certaines paroles que la conscience humaine collective, par un procédé obscur et subconscient, lui aussi, mais certain, interpréta dans le sens plénier que pressentait peut-être, mais que n’exprima ni ne connut nettement Jésus deNazareth. » L. de Grandmaison, Bulletin de littérature religieuse moderne, dans les Recherches de science religieuse, t. ii, p. 197-198. Sur le système de M. Sanday et les critiques qu’il soulève, voir en entier cet article de M. de Grandmaison, dont on résume ici les conclusions. Ce système suppose en premier lieu, de la part du Verbe, la kénose : « Notre-Seigneur Jésus-Christ, en s’incarnant, assuma cette impuissance. Il ne pouvait pas, par suite d’un acte propre et délibéré d’abnégation, arborer pour ainsi dire sa divinité. Il savait que la condition qu’il assumait ne permettait qu’une certaine mesure ^ans la manifestation de lui-même. » Christologics, p. 178. — En second lieu la psychologie même du Christ exige, en raison de la perfection de l’activité humaine en Jésus, que l’on restreigne le plus possible (si tant est qu’elle ait jamais existé) cette activité s’exerçant dans le domaine, éclairé par intermittance, de la conscience subliminale. Une telle activité, en effet, n’a dans l’organisme qu’un rôle secondaire et conditionné par les faiblesses et les imperfections des facultés humaines. — En troisième lieu, il faudrait conclure : « 1° que Jésus fut Dieu sans le savoir, de cette connaissance certaine et claire qui lui eilt permis une alTirmation du fait ; que notre jugement sur lui dépasse par conséquent le jugement qu’il pouvait porter, et porta en réalité sur sa personne ; 2° que notre profession de foi : « Jésus est Dieu », si elle vise Jésus de Nazareth, doit s’expliquer ainsi : au-dessous du Moi superficiel, conscient, intégrant le Moi humain total, s’étendait un Moi profond, ineffable, subconscient, lieu et siège d’une « Déité »  » en continuité avec l’infini de la Divinité ». Christologics, p. KHi. Toutefois, ce qui était divin dans le (Jirist, n’était pas soustrait à la vue au point d’être totalement noyé et submergé dans la nuit de l’insconscient. Il y avait une sorte d’échelle de Jacob par laquelle les forces divines rassemblées en bas trouvaient une issue, ]ionr ainsi dire, jusqu’à l’air libre… » Ibid., p. 166. Ainsi la vie de Jésus était toute humaine, mais " dans ses racines les plus profondes, en continuité avec la vie de Dieu même », p. 167, 168. De Grandmaison, loc. cit., p. 202203. La deuxième conclusion a le grand tort, en su))primant les notions traditionnelles de nature et de personne, d’être formulée en des ^nétaiihores, qii, si elles étaient prises à la lettre, nous conduiraient à concevoir le cas du Christ, dans son union avec Dieu, comme « un cas majeur, privilégié », divin, « mais au fond du même ordre que celui de tout homme sincèrement religieux », c’est en quelque sorte un retour déguisé au nestorianisme. Objectivement d’ailleurs la substitution de la notion de conscience psychologique à la notion de personne doit aboutir aux erreurs dogmatiques que l’on a signalées à Hypostasi-, , coI.4.’{5. « Nous verrons dans le Christ incarné <leux moi juxtaposés ou superposés…, nous sommes confrontés à deux sujets d’opération, deux res))onsabIes, deux consciences, deux personnes ! Pour fuir le mystère implirpié dans la formule traditionnelle, n’cst-on pas acculé à un inconcevable dualisnie ? » De Grandninison. loc. cit., p. 205. La première conclusion contredit

d’ailleurs tout ce que l’histoire nous apprend du (Christ : « Ce n’est pas cette ixiiasedu Christ que nous renvoient les documents scripturaires. J.a glorification du Christ ressuscité n’est jamais représentée comme révélant à Jésus lui-même sa divinité. Elle est, pour les Onze et les autres discijjles, une preuve, un signe, un témoignage hors pair de la vérité de la mission du Maître. Le travail d’interprétation, attribué à son Esprit, s’opère en eux, non en lui. Dans tous nos Evangiles, non seulement (c’est trop évident) dans l'Évangile de Jean, mais dans les Sj’noptiques, Jésus est toujours représenté comme sachant d’où il vient, où il va, et les restrictions, les lenteurs, l'économie imposée à la manifestation de ce qu’il est, sont volontaires et réfléchies. » De Grandmaison, loc. cil., p. 206207.

c) L’influx divin. — « Parlant du mystère de la Trinité et observant justement que la notion de " personne » appliquée à ce mystère est fondée sur les relations des Termes divins, M. (Reinhold) Seeberg pense que la « divinité » de Jésus a été constituée par un influx, une énergie, ime sorte d' « idée force » divine, faisant, de l’homme Jésus de Nazareth, l’organe de Dieu, son instrument pour la fondation sur terre du royaume des cieux. Jésus n’eut d’autre personnalité que son humaine personnalité ; mais la volonté personnelle de Dieu collaborait de telle sorte avec la sienne, que la vie de Jésus devenait, en quelque manière, une seule chose avec la volonté personnelle de Dieu. » De Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. ii, col. 1395. Cette conception se rapproche beaucoup de l’antique hérésie de l’adoptianisme, que M. Seeberg traite d’ailleurs avec faveur. Lchrbuch der Dogmengeschichtc, Leipzig, 1913, t. ra, p. 53-58. Voir les idées christologiques de M. Seeberg dans son ouvrage, Die Grundwahrhcilen der christlichen Religion, Leipzig, 1910, et dans le mémoire, Wer war Jésus ? dans Aus Religion und Geschichte, Leipzig, 1909, t. ii, p. 226 sq. La conception de M. Loofs, dans ses articles Christologie, Kenosis, de la Realencijklopadie fur jirot. Théologie, et surtout dans la dernière lecture de What is Ihe truih about Jésus Christ ? p. 228-241, est plus vague encore : « La personne historique du Christ a été une personne humaine, seulement himiaine, mais enrichie, transformée par une inhabitation de Dieu ou de l’Esprit de Dieu, d’un caractère unique, qui restera inégalée à jamais et a fait de Jésus « le Fils de Dieu », révélateur du Père et initiateur d’une liumanité nouvelle. Un écoulement, une effusion, une inhabitation divine analogue, mais inférieure, sera le lot final de ceux qui sont rachetés par le Christ. » De Grandmaison, loc. cit., col. 1395. « En résumé, pouvons-nous conclure avec le même auteur, les théories " continentales » (il s’agit des théories émises ailleurs qu’en Angleterre) des protestants conservateurs abandonnent carrément ce que l'Église catholique a toujours considéré comme la pierre d’angle du dogme de l’incarnation. Pour les auteurs (qu’on vient de citer) et ils font autorité dans leurs Églises, la personne de Jésus ne fut qu’une personne humaine. Un influx, un don, une effusion de l’Esprit de Dieu survint, analogue à l’inspiration prophétique, mais d’une espèce plus haute, d’une richesse plus large, et ainsi créatrice de prérogatives plus singulières. Jésus est un homme divinisé, d’une façon mystérieuse, mais capable de lui conférer la dignité de « Fils de Dieu » et les pouvoirs conséquents que nous connaissons par les Écritures. A proprement parler, il ne faudrait pas dire : « la divinité du Christ », mais « la Divinité dans le Christ ». Pour bien faire, il ne faudrait plus adorer le Christ, mais Dieu dans le Christ, col. 1395.

Ces indications, trop sommaires pour donner une idée de la christologie protestante contemporaine, qui sera étudiée à Jésus-Christ, sont néanmoins suffisantes en ce qui concerne le point précis de l’union hypostatique. A sacrifier les formules traditionnelles, les protestants en arrivent linalement à nier complètement, sinon le mystère de l’incarnation, du moins le dogme catholique de l’union hypostatique.

7 » Le modernisme. — On a vu à Hypostase, col. 432, comment le modernisme reprend les formules rationalistes de l'école gûnthérienne relativement à l’exl )ression à donner au dogme. Mais le rationalisme <iui est à la base de cette conception a trouvé chez les modernistes une formule nouvelle qui est à la base de tout le système. La révélation, pour le moderniste, n’est plus, à l’origine, qu’un étal subjectif et naturel, une impulsion, une lumière relatives au royaume du ciel, à sa nature, à son avènement. Sur ces données imprécises, la conscience chrétienne élabora les premières formes du dogme, et ce travail tout naturellement se porta sur la personne même du Christ : » Les Actes, dit II programma der modernisti, p. 81-83, se faisant l'écho de l’enseignement chrétien primitif, décrivent Jésus comme un homme auquel Dieu a rendu témoignage par les miracles, les prodiges, les signes qu’il a opérés par son entremise. Act., II, 22. Il est le Messie ; sa mort ignominieuse lui a conféré la gloire céleste et il doit revenir pour inaugurer son royaume. Voilà la foi naïve et intense des liremiers disciples. Mais le Christ a appelé les membres de la famille humaine fils de Dieu et s’est donné comme leur modèle. Il est le Fils de Dieu par excellence, d’après la synonymie que la tradition messianique établissait entre ce titre et celui de Messie… Mais re qui marque le point culminant de cette élaboration, c’est la traduction du concept hébraïque du Messie par le concept platonicien du Logos ; c’est l’identification du Christ, tel qu’il était apparu aux âmes attendant dans l’angoisse la rédemption d’Israël, avec la notion abstraite, gennée en terre hellénique de l’intermédiaire cosmique entre l'être suprême et le monde ; c’est la transcription, pourrait-on dire, de la valeur morale et religieuse, inhérente à une conception hébraïque, inintelligible pour le monde gréco-romain, en langage alexandrin, lui conservant ainsi la même valeur éthique et religieuse », p. 70 sq. Le dogme de l’incarnation et a fortiori le dogme de l’union hypostatique ne sont ainsi que le résultat des élaborations successives de la pensée chrétienne réfléchissant sur elle-même. Les formules dont l'Église s’est servie, se sert encore actuellement, pour exprimer sa croyance, ne sont pas des énoncés irréformables : elles ne sont que l’expression plus ou moins heureuse des expériences religieuses des chrétiens ; et il faut les considérer comme « soumises à un travail perpétuel d’interprétation, où la lettre qui tue est efficacement contrôlée par l’esprit qui vivifie… L'évolution incessante de la doctrine se fait par le travail des individus, selon que leur activité réagit sur l’activité générale. » Loisy, L'Évangile et l'Église, p. 158, 174. Sur cette conception générale de l'élaboration des dogmes dans la théologie moderniste, voir le décret Lamentabili, prop. 20 « , 21, 22', Denzinger-Bannwart, n. 2020-2022. Cf. J. Lebreton, Modernisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de M. d’Alès, t. iii, col. 675-685, et Mgr H. Quilliet, L'évolution et le modernisme, § 2 et 3, dans les Questions ecclésiastiques, , p. 219 sq., 325. D’où il suit que les formules christologiques élaborées avec des notions empruntées à des systèmes philosophiques périmés ne sont plus adaptées à l'état de la science moderne. Voir Hypostase, col. 433.

Au début, le dogme de l’union hypostatique se

résout dans la conscience que le Christ possède de sa qualité de Messie, fils de Dieu. Mais cette conscience n’implique pas la conscience de la divinité unie à l’humanité. « La divinité de Jésus n’est pas un fait de l’histoire évangélique dont on puisse vérifier critiquement la réalité, mais c’est la définition du rapport qui existe entre le Christ et Dieu, c’est-à-dire une croyance dont l’historien ne peut que constater l’origine et le développement. Cette croyance appartiendrait à l’enseignement de Jésus, et l’historien devrait le reconnaître, si le quatrième Évangile était un écho direct de la prédication du Sauveur, et si la parole des Synoptiques sur le Père qui seul connaît le Fils, et le Fils qui seul connaît le Père, Matth., xi, 27 ; Luc, x, 22, n’était pas un produit de la tradition. Mais le quatrième Évangile est un livre de théologie mystique, où l’on entend la voix de la conscience clirétienne, non le Christ de l’histoire, et j’ai expliqué, dans l’Évangile et l’Église, p. 45, 46, pourquoi le passage de Matthieu et de Luc a chance d’être un fruit de la spéculation théologique, l’œuvre d’un prophète chrétien, comme le quatrième Évangile. » A. Loisy, Autour d’un petit livre, p. 330. Le Christ historique s’est toujours personnellement distingué de Dieu et n’a pas eu conscience d’être Dieu. C’est la théologie postérieure qui a superposé la christologie de saint Jean, fruit d’une spéculation étrangère à la conscience du Christ, à la christologie des Synoptiques. « En soi, le dogme est une construction doctrinale que le théologien est enclin à interpréter comme une réalité psychologique, sauf à créer, pour la circonstance, une psychologie spéciale, qui n’est pas une psychologie, puisqu’elle n’est pas fondée sur l’observation, mais sur des raisonnements dont le point de départ est une interprétation non historique de l’Évangile. Le théologien conçoit deux intelligences et deux volontés distinctes, on peut dire deux consciences qui sont comme superposées, avec pénétration réciproque, la conscience humaine étant entièrement subordonnée à la conscience d’être Dieu. On ne reconnaît, dans cette doctrine, ni la psychologie que laissent entrevoir les Synoptiques, ni la simple théologie de Jean, mais une combinaison des deux, avec prédominance de l’élément johannique. » Ibid., p. 148-149.

A l’origine de l’élaboration du dogme de l’union hypostatique, nous trouvons donc l’idée messianique, existant dans la conscience de Jésus, et manifestée par lui dans ses paroles et ses actes. Cette idée implique un rapport tout particulier d’union entre Dieu et l’homme Christ. Mais il n’est pas établi que ce rapport, quoique spécial et unique, dépasse l’ordre créé et humain et comporte une participation substantielle à la divinité. Puis, la conscience chrétienne, par une évohition graduée, aurait ajouté et superposé à cet élément primitif des éléments nouveaux et étrangers. « En premier lieu, saint Paul aurait imaginé que Jésus, non seulement avait été prédestiné éternellement à la dignité messianique, mais encore avait réellement préexisté au ciel avant de venir sur la terre. Jésus était l’homme céleste, I Cor., xv, 47-48, qui était prédestiné par Dieu et qui préexistait auprès de lui, pour venir, au temps marqué par la Providence, réparer la faute de l’homme terrestre, détruire le péché et ses suites, sauver le monde par la foi. i » A. Loisy, op. cit., p. 123, Dans un second stade, l’apôtre aurait fait du Christ, non « plus seulement l’agent médiateur du salut des hommes, mais l’agent intermédiaire de la création », p. 124. Philon avait essayé de relier le monde’.i Dieu par le Logos, idenlifié à la Sagesse de l’Ancien Testament. Paul assigne harlimenl cette plarc an Christ éternel, image « lu Dieu invisible, premier-né de toute créature, par qui et pour qui tout a été fait, en qui tout subsiste, premier

en tout, dans le monde physique, pour l’amener à l’existence, et dans le monde moral, pour rétablir, par sa mort et sa résurrection, la paix au ciel et sur la terre », p. 125. A son tour, l’auteur de l’Épître aux Hébreux représente le Fils comme la splendeur de la gloire divine et l’image de la substance incréée. Enfin, Jean complète l’idée de Paul, en découvrant, dans la vie de Jésus, la révélation même du Logos, du Verbe divin, p. 126. Désormais, on a « les éléments essentiels de la christologie ecclésiastique, la notion du Verbe incarné, du Christ Fils de Dieu et Dieu parce que Verbe fait chair en Jésus », p. 119. « Tout n’était l)as dit cependant, et la foi avait encore à trouver le moj’en de concilier entre elles la réalité de l’histoire évangélique, la théorie de Paul et celle de Jean, pour en faire un système coordonné », p. 126. « Ce fut l’œuvre des docteurs et des premiers conciles. Le travail entier de la pensée chrétienne, depuis Paul, Jean, Justin, Irénée, jusqu’aux derniers conciles qui ont fixé le dogme, tend à définir le rapport de prédestination et d’union qui rattache Jésus à Dieu. Le travail théologique n’a pas son point de départ en dehors de l’histoire, dans la spéculation pure ; car l’explication hellénique n’est pas prise à côté du fait initial ; elle s’appuie sur ce fait, elle coïncide avec lui ; on peut même dire qu’elle sort de lui… La modalité de la pensée johannique n’est pas juive, mais la substance de cette pensée était dans les Synoptiques, et la pensée des Synoptiques reflète ce qu’il est bienjiermis d’appeler la consciencepsychologiquede Jésus », p. 134.

De cet exposé succinct de la doctrine moderniste relativement à l’élaboration du dogme de l’union hypostatique, exposé que l’on emprunte à M. Lepin, Les théories de M. Loisy, Paris, 1908, p. 61-74, il résulte que, si le dogme christologique se produit bien autour du fait évangélique, il ne sort pas strictement de lui ; il le dépasse, il y ajoute des faits et des éléments nouveaux et étrangers. Il faut, dit à bon droit M. Lepin, enqiloyer les termes à rebours de leur sens ordinaire, pour prétendre, comme le faisait M. Loisy, qu’ « aucune solution de continuité ne se remarque entre le fait et son interprétation ». Tout au contraire, il apparaît bien que le Christ de la théologie n’est pas celui de l’histoire, mais lui est bien supérieur ; cf. décret Lamentabili, jirop. 29’; / « doctrine christologique que lions livrent Paul, Jean et les conciles de Nicée, d’Éphèse, de Chalcédoine, n’est pas celle que Jésus enseigna, mais celle que conçut de Jésus la conscience chrétienne. Prnp. 31. fin somme, le modernisme proclame équivalemment l’incompatibilité des données de l’histoire avec les définitions actuelles de la foi. Cf. Lepin, Christologie, Commentaire des propositions 27 « , 38" du décret du Saint-Office « Lamentabili », Paris, 1908 ; Jésus, Mr.< : sie et Fils de Dieu, Pnria, 1910, c. iii, IV, et appendice. Voir.Jésus-Christ.

IX. Lks coroli, mriîs df, l’union hypostatique. — On les indiquera brièvement en renvoyant aux articles spéciaux où ils seront étudiés.

La maternité divine de la sainte Vierge.

Tout

d’abord, le dogme de la maternité divine mérite une place à part, puisque c’est sa définition au concile d’Éphèse, cf. Éphèsk, t. v, col. 137 sq., par la consécration otTicielle du mot (-t^oToxo ; dans la terminologie ecclésiastique, qui a été le point de départ par voie de conséquence de la définition du dogme de l’union hypostatique. Voir, dans l’art. CvniM.r. p’-Xlexandrie (.Saint), les anathématismes et le symbole d’union, t. iii, col. 2509, 2511. A proprement » arlcr, le dofiine de la maternité divine est si intimement lié au dogme de l’union In-postalique, qu’il résume en lui toute l’économie de l’incarnation. Cf. S. Jean Damascène, r)e fuir orthodoxa, t. III, c. xii, P. G., t. xciv, col. I(128. Voir Marie.

2° La communiculion des idiomes et l’emploi des termes concrets et abstraits. — Voir Abstraits (Termes), t. I, col. 285-286, et Idiomes (Communication des),

t. VII.

La perfection de l’humaiiite unie à lu divinité.


Perfection dans l’ordre naturel, mais surtout dans l’ordre surnaturel : pour l’intelligence du Christ, science parfaite, voir Agnoètes, t. i, col. 587 ; vision intuitive, voir Jésus-Christ ; pour la volonté, impeccabilité jointe à une liberté certaine, ibid., et Rédemption ; perfection qui laisse subsister dans la nature humaine les imperfections requises par la mission rédemptrice du Sauveur, en particulier la passibilité. Voir Jésus-Christ et Rédemption.

4° Possibilité de l’accomplissement de cette mission rédemptrice. — D’une part, infériorité du Christ, considéré dans la nature humaine, par ra])port au Père, au Saint-Esprit et à lui-même, considéré dans sa nature divine : donc possibilité de satisfaire à Dieu. D’autre part, en raison de l’union hypostatique, satisfaction suffisante, c’est-à-d re de condignité. Voir Rédemption, Congruo (De), t. iii, col. 1145 ; Incarnation.

5° Dualité d’opérations en Jésus-Christ, en raison des deux natures, divine et humaine, et très particulièrement dualité de volontés. Voir Monothélisme. Mais, en raison de l’attribution des opérations au même sujet, Jésus-Christ, coordination nécessaire entre les opérations, soit dans l’ordre de la perfection morale, soit dans l’ordre de l’exécution, soit dans l’ordre de la satisfaction. Aussi les opérations de JésusChrist ne sont pas des opérations purement humaines si elles procèdent de la nature humaine, ou purement divine, lorsque, procédant de la nature divine, elles se rapportent à l'œuvre de l’incarnation ou de la rédemption : ce sont des opérations divino-humaines, voir Théandriques (Opérations). De ce principe général se déduit pareillement la doctrine concernant le sacerdoce et la prière du Christ. Voir Jésus-Christ.

6 » Unique filiation naturelle du Christ. — Le Christ, Fils de Dieu, Verbe incarné, est fils naturel et non pas adoptif de Dieu. Voir Adoptianisme, 1. 1, col. 408-413. On ne peut même pas concevoir en lui une double filiation naturelle, une par rapport à la génération divine, l’autre en raison de la naissance temporelle. Ibid., col. 420, et Jésus-Christ.

Adoration unique de Jésus-Christ.

Voir JésusChrist et Cœur sacré de Jésus (Dévotion au), t. iii,

col. 283-285, 293-298.

I. Ouvrages généraux.

1° Partie positive : Petau, De tbeologicis dogmatibus. De incarnatione, 1. III-VII ; Thomassin. Dogmata theologica. De incarnatione, I. III ; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1900-1912 ; Scheeben, La dogmatique, t. V, trad. franc., Paris, 1882, t. iv ; Schwane, DogmengeschiclUe, Fribourg-en-Brisgau, 1892 ; R. Seeberg, Lelirbuch der Dogmengeschiclite, Erlangen et Leipzig, 1895 ; Loofs, Leitfaden zum Studium der Dogmengeschichte, Halle, 1893 ; Harnack, Lehrbiich der Dogmengeschiclile, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1893-1897 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1907-1916 ; et, pour la partie du moyen âge, Bach, Die Dogmengeschichte des katholisclien Mittelalters, Vienne, 1873-1875. Les textes dans dom Maran, Divinitas Dom.ini nosiri Jesu C/iris(i, Wurzbourg, 1859, mais plus spécialement dans Diekamp, Doctrina Palriim de incarnatione Vprbi, lIunster-en-Westphalie, 1907 ; Cavallera, Thésaurus doclrinie catiioliciE ex documentis magisterii ecclesiastici, Paris, 1920, n. 659-781 ; et dans les Enchiridions de Denzinger-Bannwart et de Rouet du Journel. — 2° Pour la partie spéculative, la bibliographie sera donnée d’une façon complète à Incarnation, dans la nomenclature des ouvrages publiés sur ce dogme. Se référer aux indications données au cours de l’article.

II. Ouvrages spéciaux.

1° Sur la christologie antérieure aux discussions du v siècle : Dorner, Dic Lettre von der Person Clirisli, 2e édit., Stuttgart, 1845 ; G. Voisin, L’apollinarisme, Louvain, 1901, 111= partie ; La doctrine

chrialologique de saint Alltanase, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, t. i ; Dræseke, Apollinarios von Laodicea, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1892, t. vii, fasc. 3-4 ; Lietzmann, Apotlinuris von Laodicea und seine Scluile, Tubingue, 1904 ; Baltzer, Christologie des ht. Hilarius von Poitiers, Rottwcil, 1889. — 2° Controverse nestorienne : L. Fendt, Die Christologie des Nestorius, Kempten, 1910 ; Bctliune-Baker, Ne.slorius and his teaching ; a fresli examination o/ the évidence uiith spécial référence to tite ncwty recovcred Apology of estorius, CaiTibridge, 1908 ; A. Rehrmann, Die Christologie des hl. Cyritlus von Alexandrien, Hildesheim, 1902 ; J. Mahé, Les anathémalismes de saint Cyrille et les évêques orientaux du patriarcat d’Antioclie, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1906, t. vu ; M..Jugie, Nestorius et ta controverse ncstorienne, Paris, 1912 ; J. Labourt, Le christianisme dans l’empire perse, Paris, 1904, spécialement, c. ix ; Bertram, Theodoreti episcopi Cyrensis doctrina christologica, Hildesheim, 1883. — 3° Controverse monophysite, voir t. v, col. 1608-1609. — 4° Sur la christologie de saint Augustin : O. Scheel, Die Anschauung Augustins iiber Christi Person und Werh, Leipzig, 1901 ; C. van Crombrugghe, La doctrine christologique et sotériologique de saint Augustin et ses rapports avec le néoplatonisme, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, 1904, t. v. — 5° Théologie grecque postérieure aux controverses du v siècle : F. Loofs, Leontius von Byzanz, Leipzig, 1887 ; J. P. Junglas, Leontius von Byzanz, Paderborn, 1908 ; Ermoni, De Leontio Byzantino, Paris, 1895 ; W. Ruegamer, Leontius von Byzanz, Wurzbourg, 1894 ; J. Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 754, Paris, 1905 ; Straunbinger, Die Christologie des ht. Maximus Confessor, Bonn, 1906 ; M. Peisker, Severus von Antiochen, Halle, 1903. — 6° Sur saint Jean Damascéne, voir ce mot. — 7° Sur la doctrine scolastique et particulièrement thomiste : Terrien, S. Tlmma' Aquinatis doctrina sincera de unione hypostatica Verbi Dei cum humanitate amplissime declarala, Paris, 1894 ; Sclnvalm, Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, 1910 ; Villard, L’incarnation d’après saint Thomas, Paris, 1908 ; Hugon, Le mystère de l’incarnation, Paris, 1913, principalement 111'= partie.

A. Michel.