Dictionnaire de théologie catholique/IMMACULÉE CONCEPTION II. Dans l'Eglise grecque après le concile d'Ephèse. IV La fête de la Conception; les textes liturgiques

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 485-488).

IV. La fête de la Conception. Les textes liturgiques.

— Après les témoignages que nous avons apportés de la croyance des byzantins à la sainteté originelle de la mère de Dieu, il est facile de déterminer la véritable valeur de l’argument liturgique emprunté au fait de la célébration d’une fête de la Conceiîtion en Orient, ainsi qu’aux textes de la liturgie grecque relatifs à la sainteté de la mère de Dieu. Si l’on a tant insisté jusqu’ici sur cet argument, si l’on en a souvent exagéré la portée, cela vient sans doute de la pauvreté des preuves qu’on puisait à d’autres sources. Or, il faut savoir le reconnaître, l’argument liturgique pris en lui-même et isolé des autres témoignages serait bien faible pour nous convaincre que les grecs ont cru d’une foi explicite à la doctrine de l’immaculée conception. Loin de tenir la première place.il ne vient qu’en seconde ligne. Toute sa force et sa clarté lui viennent des écrits des théologiens et des prédicateurs.

La fête.

Parlons d’abord de la fête de la Conception.

Sui son origine, on est à peu près fixé de nos jours. Cette fête était subordonnée à celle de la Nativité de la Vierge, et n’a pu venir qu’après elle. Or, il est établi que la fête de la Nativité existait à l’époque du mélode saint Romanos, dont on possède un cantique sur cette solennité, c’est-à-dire vers le milieu du vie siècle. En fait, c’est un bon siècle plus tard, vers la fin du viie siècle, ou au début du viii », que nous trouvons le premier témoignage authentique de l’existence d’une fête de la Conception d’Anne. Ce témoignage est le canon de saint André de Crète (CGO ?740). In Conceptionem sanctæ ac Dei cwiæ Annæ, P. G., t. xcvii, col. 1305-1316, qui commence par ces mots : ’Nous célébrons aujourd’hui, : ’jpTâïo ; j. : v, ta conception, ô pieuse Anne, parce que, délivi’ée des liens de la stérilité, tu as conçu celle qui a contenu celui qui n’est contenu nulle part. » La première homélie que nous possédions sur la fête est à peu près contemporaine : c’est celle de Jean, évêque d’Eubée, qui vivait du temps de saint Jean Damascène († 749), P. G., t. xcvL, col. 1459-1500. Jean d’Eubée nomme la fêttde la Conception d’Anne la première de toutes les fêtes dans l’ordre chronologique, mais il reconnaît que, de son temps, elle n’était pas encore universelle, s ; La : ur, rrapi to’. ; -àa’.v (il n’y a pas simplement : -àjiv, mais :

TOtç -i>i ; v) yvoptÇs-cai. Ibid., col. 1477. Quelque temps plus tard, à l’époque de Photius, la fête parait avoir conquis droit de cité dans tout l’empire byzantin, et elle est peut-être déjà une fêle chômée ; car c’est fort gratuitement que certains liturgistes ne lui font accorder ce titre que par la constitution de l’empereur Manuel Comnène, datée de 1166. P. G., t. cxxxiii, col. 750. Cette constitution contient une énumération des fêtes chômées, mais il ne s’ensuit I)as que toutes les fêtes énumérées reçoivent alors pour la première fois cette dignité. Ce qui nous fait dire qu’à l’époque de Photius la fête était déjà universelle (huis l’Église grecque, c’est d’abord le nombre des discours sur ce sujet qui nous sont parvenus : quatre homélies de Georges de Nicomédie, une homélie de saint Euthyme, patriarche de Constantiiiople († 317), une homélie de Pierre d’Argos, sans parler du canon de Cosmas Vestitor. Dans sa i^ homélie, Georges de Nicomédie dit positivement que la fête de la Conception est au nombre des grandes fêtes ; bien plus, qu’elle vient en tête des autres non seulement par l’ordre chronologique, mais aussi par son objet, et qu’il faut la célébrer à ce titre, sans faire attention à son introduction tardive dans le cycle liturgique, TT|V ir^u.i’jV/ a-j-oaivriV -avT|yjpi’fovT£ ; sopTrJv, ’/jy ô)ç’jSTîpov r : p’ja=’jpri ; j-£vï|V, aàÀAov ôÉ, l’içTf ; TaçS !, ouT’o L% : ’oï : -^i’r’i.y.’j'. T : ç.oT’.0£ ; j.ivr|V. P. G., t. c, col. 13, 53. Cf. Homil., ii, in Concept., col. 355. Par ailleurs, on sait, par le calendrier napolitain du ixe siècle, que la fête était célébrée, à cette époque, dans l’Italie byzantine. Dans le Ménologe exécuté par ordre de l’empereur Basile II, en 984, la fête de la Ccnception est signalée à sa place, au 9 décembre. P. G., t. cxi, col. 196. Certains la découvrent dans ! e Nomocanon de Photius, P. G., t. av, col. 1070, sans faire attention que le scholion où elle est indiquée, dû à la plume de Balsamon, renvoie à ! a coiir.titution de Manuel Comnène. C’est fort gratuitement que d’autres veulent la faire remonter au vi<e siècle, ou même antérieurement aux schismes ncstorien et monophysite, sous prétexte qu’elleest signalée dans le Typicon, ditdesaint Sabbas, et quclesnestoriens et les monophysites, qui célèbrent la fête du 9 décembre, n’ont pu l’emprunter à l’Église byzantine orthodoxe, après Icurséparation. Le Tijpicon ne prouvera rien, tant qu’on n’aurapas trouvé l’édition contemporaine de saint Sabbas, car il est si’ir que dans l’état où il nous est parvenu, il a subi de fortes retouches. Quant aux emprunts faits par les sectes dissidentes à l’Église impériale sur des matières étrangères aux points controversés, ils paraissent incontestables, spécialement dans le domaine <lu culte mariai. L’inverse, du reste, n’est pas impossible. Les théologiens et les prédicateurs monopliysiles ont rivalisé de zèle avec les orthodoxes pour célébrer les gloires de la Toute-Sainte.

Mais quel est l’objet de la fête grecque du 9 décembre ? On a bcau( ; oup discuté là-dessus, et les discussions n’ont pas peu contribué à embrouiller la question, au lieu de l’éclaircir. Les deux opinions extrêmes, celle qui limite l’objet de la fête à la conception active d’.

nc, et celle qui le fixe à la conception [lassive, au point de faire d’emblée de la fêtegreccpie une fête de l’Immaculée conceplion de tout point identique à la fôte catholique après la définition de 1854, sont également fausses. La vérité est plus complexe, connue il ressort des dénominations quc reçoit la fête dans les livres liturgiques et les sermonnaires, ainsi que <lu contenu même des textes liturgiques et oratoires.

I-^xaniiiions tout d’aborfl les titres. Le premier et le pins ancien paraît être celui-ci : Iv !  ; tov /OT, ; j.aT ; a ; j.’)'/ (ou : j a YT’'’! ’')’-'n -’j'-ay^-’.) : -.7, ; if-.o. ; OrotoV.o-j, <iie porte la i" homélie <le Georges de Nicomédie ; ou bien cet autre, qui lui est équivalent : Iv’? tov îjav y£À ; 7 ; j.ov Ttov âyf’ov oixaî’ov’l’oaxîia y.nl "Avvri ;, qui se trouve en tête de l’homélie de Jean d’Eubée, Ce dernier orateur détermine ainsi l’objet direct de la fête : « La première de toutes les grandes fêtes est celle en laquelle Joachim et Anne reçurent l’annonce (le la naissance de la Tout-Immaculée Marie, mère de Dieu, » : Tp(i)’: rj -aaûiv tùiv vj’jtI’j.i^)’/ iooTûv, ; v r ; âôiÇavro -% ïùayyÉÀ’.a’ItoaxsifJL xai "Avva -f^ : yivvrjaHfi) ; Tr ;  ; nava/pâv-roj za ! OjotoV.oj Mapîaç. P. G., t. xcntc, col. 1473. Plusieurs ménologes et synaxaires mettent aussi en première ligne Vannonciation de la conception et de la naissance de Marie de ses parents stériles. Cf. le synaxaire inséré au milieu du canon de saint André de Crète, P. G., t. cit., col. 1313 :

a’j"r, v Tviv v^aspav -avriyjp ; po ; j.£v (o ; àvà|ji.vr|3’.v ïyowsm

Tojv’j-’cty^ivfrj ooGivffov yoT^rs’j.Côw, ->, ’/ àyt’av aûÀÀTji|/tv jjayysÀiaaaévou Tf) ; àyvrj ; 0£o ; jLr|- : apo ;. La même phrase est répétée dans le ménologe contenu dans le cod. Medico-Laurcntianiis 787, écrit en 1050. H. Delehaye, Sijnaxariuni Ecclesiæ Constantinop., p. 290, en note. Le ménologe de l’empereur Basile Il débute par cette phrase : « Notre Dieu et Seigneur, voulant se préparer un temple vivant et une maison sainte pour en faire son séjour, envoya son ange aux justes Joachim et Anne, qu’il choisit pour les parents de sa mère selon la chair. » P. G., t. cxvii, col. 195, et Dclehaye, op. cit., p. 290. Ainsi la fête grecque est appelée, à l’origine, non la fête de la conception active d’Anne, ni la fête (le la conception passive de Marie, mais l’annonce de la conception de la mère de Dieu faite par un ange, de la part de Dieu, à Joachim et à.une. C’est cette annoncialion miraculeuse, calquée sur l’annonciation (le la conception de saint Jean-Baptiste racontée dans l’Évangile de saint Luc, annoncialion dont le récit se trouve dans le Protévangile de Jacques, Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 99-100, qui paraît avoir déterminé primitivement l’introduction de la fêle du 9 décembre, comme le récit de saint Luc détermina la création de la fête de la conception de saint Jean-Baptiste, le 23 septembre. Ménologe de Basile, P’^partie, P. G., t. cxvii, col. 68. Entre ces deux fêtes la similitude est complète dans la liturgie grecque, pour ce qui regarde l’objet l)remier et direct, et cet objet est suffisant pour légitimer un culte spécial. Il explique suffisamment pour(|Uoi la conceplion de Jean-Baiilistc, dans la même liturgie, est qualifiée de sainte, iyix, de divine, ()-J.7., de glorieuse, j’/ooro ;, toutes épilhètes qui sont également doiinécs à la conception de Marie et qui par elles-mêmes, on le voit, seraient insuflisanles à prouver que les byzantins admettaient la concept ion innnaculéc. Saint.Ican-Baptiste est appelé une lampe préparée par Dieu, ô OsoizrJxcïTo : ÀJ/voç. tout comme Marie est nommée un paradis planté par Dieu, Kapàôsiso ; Ojosjtjjtoç, ou un rejeton divin, <)i’i[ù.7.’j-o ;.

Mais ce serait une erreur de croire que l’objet total de la fête a été limité à l’annonce de la conceplion. Il a embrassé aussitôt et en même temps deux autres points de vue : le fait de la conception active dans un sein stérile et le terme de cette conceiition active, c’est-à-dire la conception passive ou Marie conçue. C’est ce qul nous explique pourcpmi les en-têtes des homélies comme les titres des synaxaires sont inditïérennnent : Poi ; r la conception d’Anne, fêle de la conception d’Anne (n^" homélie de Georges de Nicomédie, homélie d’Ivuthyme, litre du.Ménologe de Basile). ou bien : Pour la conception de ta mère de Dieu, /été delà conception de la mère de Dieu (homélie de Pierre d’.rgos dans un manuscrit de la bililiotiuHpie Barbcrin, ni’" homélie de Georges de Nicomédie, titre de la fèti dans le Noinoc.nnori et dans la constitution de Manuel Conmène). Il est donc faux de dire, comme on le répète communément, que le titre de la fête "-.oit exclu

sivenient celui-ci : « Fcle de la conception d’Anne. » Si ce litre a prévalu, en fait, dans les éditions modernes des livres liturf^iques, l’aulre titre : « Fêle de la conceplion de la niùre de Dieu » était fréquent pendant tout le moyen âge non seulement en pays grec, mais aussi en pays slave.

Et cela n’a rien d’étonnant, puisque, si des titres des pièces nous passons à leur contenu, nous constatons ce fait indéniable qu’aussi bien dans les textes liturgiques que dans les documents oratoires, la conception passive, c’est-à-dire Marie conçue, Marie venant à l’existence tient beaucoup plus de place que l’annonce miraculeuse de la conception, ou le miracle de la conception activ-e réalisé dans un sein stérile. Et cela était inévitable. Du moment qu’il s’agissait de la venue à l’existence de la mère de Dieu, c’est principalement sur sa personne que devait se porter la pensée des poètes sacrés comme celle des orateurs. Le reste n’est qu’accessoire, comme il est facile de s’en convaincre en parcourant les textes. La liturgie parle continuellement de la conception de la mère de Dieu, de la conception de la Vierge tout-immaculée, / ; a’jXÀT|’| ;  ; -y, ; Ci-ipaaniao-j -aoOivou, de la sainte conception de la Théotocos, de la vénérable conception de la seule pure, /, aîr.-’r^ C’jÀ/, t, ’|'.ç -y, ; [j-ovy, ; âvvy, ;, et elle célèbre en termes magnifiques celle qui est conçue. Les orateurs font de même, et non pas seulement les plus récents, mais les tout premiers. Voir le texte de Jean d’Eubée cité plus haut, col. 921, et celui d’Eutliyme, col. 930. Dans l’homélie de ce dernier, le miracle qui a fait cesser la stérilité d’Aune n’est même pas signale. La pensée de l’orateur ne s’arrête que sur Marie. La fête du 9 décembre est pour lui la première de toutes, celle où l’humanité a reçu la substance et le principe des bienfaits divins : Ta’JTTjV ouv TYjV r|aipav ouy oj ; 7 : p(ÔTY|V à-âvffov iootôjv Et’sSsêoasOa ; où/ w ; to y.£sâÀa : ov y||J^ïv twv ayaOùJv -po^EviaouTav âvaYy.aÀ ! < ; (.)[j.sOa ; et si Georges de Nicomédie appelle la même fête non seulement la première de toutes, mais la base et le fondement des autres, oiov [iâs ;  ;  :  ;  ; za ; y.ç^rir.l ; aJ^aV ; j-OTjOî’.ij.ivvi, Homil., Il, in Conccplionem, P. G-, t. c, col. 355, c’est certainement à cause de la conception passive, à cause de la venue à l’existence de la mère de Dieu.

Que conclure de là ? Ceci que l’objet de la fête grecque est complexe et qu’on peut y distinguertrois points de vue : 1° l’annonce de la conception par un ange ; 2° le miracle de la conception active dans un sein stérile ; 3° la conception passive, la venue à l’existence de la future mère de Dieu. Le premier élément a sans doute déterminé l’introduction de la solennité dans le cycle liturgique ; car ce n’est point pour un motif d’ordre dogmatique ; ce n’est point expressément pour célébrer l’exemption de Marie de la faute originelle que la fête a été établie ; c’est simplement pour compléter le cycle des fêtes mariales. Le Protévangile de Jacques foui-nissait le thème premier aux allures historiques : l’annonce par un ange de la conception miraculeuse. Mais les deux autres éléments se sont unis spontanément et naturellement à ce noyau primitif, et c’est le troisième qui, en fait, a toujours occupé la place principale dans la pensée des poètes et des orateurs. Prêtant peu d’attention aux données plus ou moins légendaires qui ont accompagné le fait de la conception, ils ont célébré surtout la venue à l’existence de la future mère de Dieu, et, dans la mère, ont aperçu déjà le Fils et son œuvre rédemptrice. Ils ont parlé d’une intervention toute spéciale de la Trinité sainte pour préparer le palais du Verbe fait chair. La fête leur a fourni l’occasion de manifester leur croyance à la sainteté perpétuelle de la Toute-Sainte. C’est bien, en fait, la Vierge immaculée, exempte de toute souillure dès le premier instant de

son existence, façonnée par Dieu avec des attentions spéciales dans un sein stérile, qu’ils ont chantée et louée. Tel a été le rôle dogmatique de la fête de la Conception en Orient. Elle n’est))as née, elle ne s’est pas développée sous rinfluence de préoccupations théologiques, au milieu de luttes et de controverses, comme cela s’est produit en Occident. C’est un phénomène de la piété mariale éclos en son temps, et qui a tout naturellement donné occasion à des manifestations d’ordre dogmatique, notamment à des déclarations expresses sur la sainteté initiale de la mère de Dieu, doctrine admise bien avant la fête. Et comme la doctrine, la fête n’a jamais été l’objet d’aucune controverse, du moins pendant toute la période bj’zantine. Du point de vue liturgique et quant à leur origine, la fête de la conception d’Anne et la fête de la conception de saint Jean-Baptiste se ressemblent ; mais du point de vue théologique et quant à leur terme et quant à leur objet principal et quant aux manifestations doctrinales auxquelles elles ont donné lieu, elles diffèrent autant que Marie diffère d ; Jean, que la mère de l’Époux de l’ami de rÉjioux.

2 » Les textes liturgiques. — On trouve dans les divers livres liturgiques de l’Église grecque bien des passages exprimant d’une manière plus ou moins claire la perpétuelle et absolue sainteté de la mère de Dieu. De ces passages nous avons déjà produit quelques-uns, en parlant de Romanos le Mélode, d’André de Crète et de Joseph l’Hymnographe. Nous n’avons que peu de chose à ajouter sur ce sujet. C’est un fait digne de remarque que les textes liturgiques, tout en donnant à la Toute-Sainte les éloges les plus magnifiques, fournissent rarement une formule satisfaisante de la doctrine de la conception immaculée. Ils restent presque toujours dans le vague et l’indéterminé. Les témoignages implicites y abondent, mais les explicites y sont très rares. Cela ne signifie point que ceux qui les ont écrits ne croyaient point d’une foi explicite à la sainteté oiginelle de Marie, puisque la majeure partie d’entre eux sont dus à la plume de mélodes ayant vécu entre le vu" ; et le xe siècle, et que. parmi ces ftiélodes, saint Jean Damascène, saint Théodore Studite et son frère Joseph de Thessalonique occupent une place d’honneur. Mais cela vient de ce que l’absolue et perpétuelle sainteté de la mère de Dieu ne faisait de doute pour personne, que c’était un axiome pour la pensée byzantine, et que, dès lors, on ne songeait point à la formuler en termes techniques. Appeler Marie la Toute-Sainte, y, -avavioi, la Tout-Immaculée leur suffisait. A nous ces épithètes ne suffisent que dans la mesure où nous avens par ailleurs des témoignages plus précis de la croyance de ceux qui les ont employées. En d’autres termes, la plupart des textes empruntés aux livres liturgiques considérés en eux-mêmes ne nous livrent que des formules implicites de la doctrine. Pour recevoir une valeur et une clarté plus grandes, ils ont besoin d’être insérés dans la chaîne de la tradition exprimée dans d’autres documents.

A propos des épithètes mariologiques, un choix sévère s’impose au théologien. Plusieurs visent directement la virginité corporelle de Marie et n’ont rien à voir avec la doctrine de la conception immaculée. On ne peut accorder une grande valeur théologique aux épitlictes simplement affirmatives ou négatives disant de Marie qu’elle est toute sainte et toute pure, vu que la liturgie grecque prodigue ces épithètes à d’autres qu’à la mère de Dieu. Qu’on en juge par un exemple. Dans l’office du 24 novembre en l’honneur de sainte Cécile, celle-ci est appelée « le sanctuaire tout saint du Christ », Xo’.g-o’j zavivjov -iuivo :, « le temple très pur du Christ », Xp : aTo2 va : y.aÛapwTaTî, « un jardin fermé et une fontaine scellée », y.r-.o ; y.i

LXv.’Z’j.vi’K, -ifjn : 3- ; ix- ;  ; s ; j. ; vï, . « le paradis divin et tout fleuri du Roi des Vertus ». ljx’/'lr^ ; -z v.yl Oîîo ; napa-Osico ; TO’J, 3a^[X ; o, ç tôjv ojviu.^’ov. Elle porte une ànie immaculée et un corps très chaste, v’j/V' '>^’j-'>-As PO'^ oioou^a y.ai aojaa y.aOacov Lï ; àvvo’TaTov. Les épithètés affirmatives ou négatives employées par antonomase, avec l’article, comme : la Toute-Sainte, 7) -avayîa, la ToutImmaculée’n -ava/pavTi’j ;, ont plus de poids, mais pourraient, à la rigueur, s’entendre de l’absence de faute personnelle. Certaines épithètés restrictives n’échappent pa ; à cet inconvénient, bien ((u’elles insinuent davantage l’exemption de la souillure originelle : telles celles-ci : la seule Toute-Sainte, 7j afi’/r, -avavi’a, la seule Tout-Immacu’c-. y, ; j.ovi, -avà /pavro ;, -q aiirr] -T/iu.’-yj.o ;, la seule bonne, r, ; j.ovï, i-faOT’. Les épithètés qui, selon nous, voisinent le plus l’expression explicile de la conception immaculée sont les suivantes : la Bénie, r, ^jvcv/aivi, , la seule Bénie, /j u.dvr| vjvo-rr^ij.v/r„ la Toujoui’s-Bénie, Y( àt ! £ÙÀoYr, |j. : vr]. La bénédiction, en effet, s’oppose à la malédiction, c’est-à-dire au péché originel, suivant la terminologie des théologiens grecs, qui est aussi la terminologie de la liturgie grecque. Dire de IIarie qu’elle est la Bénie par excellence, la seule Bénie, la Toujours-Bénie, équivaut à dire qu’elle n’est iamais tombée sous la malédiction, àcâ, y.’x-ipx, qui frappe tous les descendants d’Adam. La mention du péché originel par Ic^ termes de àpâ, L’j.-iyj., est très fréquente dans les livres liturgicjues comme dans les écrits des Pères.

En deiiors des épilhètes proprement dites, on trouve dans les livres liturgiques d’autres expressions qui suggèrent fortement l’idée dogmatique de la sainteté initiale et de l’exemption de la faute originelle. La liturgie grecque attribue avec une particulière insistance à la médiation de Marie les divers effets de la rédemption opérée par Jésus, et en particulier la délivrance de la faute originelle et de la malédiction primitive. Voici quelques textes : Vierge toute sainte, c’est toi qui as délivré le genre humain (le la condamnation originelle, » -avayia -apOivs, y -Ji fé-/o ; Ttôv àvOpf)-’. » pjîx ; j.Jvï| rzprjyoviLyj ; x-n’-^i-ji’o ;. Oflice du 15 août, à l’orthros, stichère 1. Vierge immaculée, Théotocos tout-irrépréhensible. Lu as lavé la souillure de notre nature en enfantant le Christ, le seul Immaculé, " yj-r.o/ -ov -rj ; çj- ; "> ; v, ; j.ôjv, Xy.-^-.V’L’jTÎ^a-a TOv aovov a/pavTOv, joàùj ; a-j-Xjvs ;, a/pavT ; ’lio-iiI. : -ava ; j.<r)y.Y|Tî. Menées, 15 septembre, ode vu. Tu as renouvelé notre nature corrompue par la transgression, ô la bénie entre les femmes, toute pleine de gràcj, en enfantant celui qui renouvelle toutes choses, > çOapïmv tYjV Yjaw/ iI. napa^àas’o ; f).iz%i av£Laiv[sa :, tov Lt.’.-rX.’tr.T. -h. rav-a zjrjciasa, iv Y’jva !  ; ’! '/ eJÀoYïiaivi, l) : o/ïr, : -.<-'>-%--. Menées, 18 février. ode VI. « Le pommier odorant a fleuri, la rose divine s’est épanouie (il s’agit de Marie) et la puanteur de notre péché a disparu. » "llvOïi^ ; to ; j.v, ov to £Jû15 ::, TO Û£’.ov nçavip’i-ra ; to p’j’oov, La ; to ou i.’jo-ç f-ajis tt|. : àaasT’ï ; r, ; j.iôv. OfTice de la vigile de la Nativité de la Vierge, 7 septembre, ode viii. « Salut, délivrance de la malédiction, » yaîp :, ÀJît ; -.1’, ; ap^ :, expression très fréquente.

D’autres passages font allusion à la sanctification de.Marie dans le sein maternel et à l’intervention spéciale de Dieu en sa faveur, mais ne précisent pas suITlsamment le moment de cette sanctification. Nous savons par ailleurs rpie ce moment est le premier de l’existence de.Marie. Dans l’ofFice du 9 décembre, la Vierge est saluée comme le tabernacle sanctifié du Très-llaul. comme la maison ((ue la Sagesse se bùtit elle-même, comme le tempic saint qu’Anne reçoit dans son sein, tov vaov tov oyiov èv *tj Loivia lou £(.8e/ojj.^vt). .illcurs, elle est déclarée une fille sahite donnée il

niCT. DL THÉOL. CATMOI..

Anne en vertu de la promesse, le trésor sanctifié du Seigneur, le fruit glorieux d’une semence sainte, -./, ’ooO£iaav auT’^ j ? s-aYYE’^'-^’; x’rix’^ Ouyoc’Épsc, r^Y’.aoas’vrjv Lî !  ; j.r)Xiov Kjp ; ’o-j, ’7- ; p|JiaTo ; cf-io-j LxotzÔz vjyjkir^ ;. Office de la Présentation de la Vierge au temple, le 21 novembre. Si elle est morte, c’est pour être conforme à Jésus, se soumettre comme lui à la loi de la nature mortelle, et confirmer la vérité de l’incarnation : za ; Ji, 0 ; o ; j.ï|Top, voat ;) ç-jsî’i) ; Oavîïv î-JooV.ï, a£v, iva rj.-/, -oîç a-isTo ;  ; çavTa-j : a vou’.tOt) /, oiV.ovoivta. Offices du 15 et du 17 août, à l’orthros. Au demeurant, son corps fut inaccessible à la corruption, ^Jju.â zn-j -r] çôopà i-pdt7tTo/ jrrv.p ;  :. Office du 17 août, à vêpres, et sa Dormition est qualifiée d’immortelle, i, /, oîjj.r|3Îç co-j iOivaToç. Office du 15 août, à l’orthros.

Voilà ce que nous avons trouvé de plus clair en faveur de la doctrine de l’immaculée conception dans les livres liturgiques de l’Église grecque. Ces témoignages, comme nous l’avons déjà dit, sont loin d’avoir la même netteté que ceux des théologiens et des orateurs. Ils constituent une preuve subsidiaire, qu’il ne faut point séparer de la preuve princiiDale tirée des autres documents.