Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 563-715).

JESUS-CHRIST.
Dans cet article, ainsi qu’on l’a indiqué à Incarnation, t. vii, col. 1445, on se propose d’étudier, au point de vue de la théologie catholique, le sujet concret. Dieu et homme, résultant de l’union hypostatique de la nature humaine â la personne du Verbe, qui est apparu sur la terre, a vécu parmi les hommes et a conversé avec eux, et dont les ennemis de la foi chrétienne ont essayé de nier, tour à tour, la divinité ou l’humanité. L’objet de notre étude est donc moins la personne que le personnage même du Verbe incarné.

Ce personnage, dont l’existence est historiquement établie, est né d’une vierge de la race de David. Mais, chose admirable, son histoire n’a pas pour point de départ sa naissance selon la chair : on doit la faire remonter plus haut. C’est pour ainsi dire dès l’origine de notre race que la figure de Jésus-Christ commence à se dessiner dans l’avenir. Dans beaucoup de livres, de 1’ancien Testament, se rencontrent déjà un certain nombre de traits, projetés par avance sur le personnage du Messie futur et que le croyant se plait à retrouver en Notre Seigneur Jésus-Christ. Au point de vue de l’existence de l’Homme-Dieu, ces traits ne sont donc pas à négliger : ils font pressentir cotte existence et constituent un élément solide de sa démonstration. C’est à ce point de vu qu’ils entrent dans la théologie de Jésus-Christ. La théologie juive des temps qui précédèrent Immédiatement la venue du Sauveur, bien que se développant sous dis influences purement humaines, n’est pas à négliger par le théologien et par l’apologiste catholique : sa connaissance, en effet, est utile d’une part pour mettre en un meilleur relief les idées du peuple juif sur le Messie à venir, d’autre part, pour rappeler les conditions du milieu dans lequel devait naître, vivre, enseigner, en un mot, sr manifester le Verbe fait chair. Enfin, les écrits immédiatement postérieurs à Jésus-Christ, écrits principalement dus à la plume des apôtres et des disciples, témoignent de la réalité de la venue du Sauveur ; ils nous fixent définitivement sur la physionomie réelle de l’Homme-Dieu ; ils nous en retracent la naissance, les premières années, la vie publique, la passion, la mort, la résurrection, l’ascension ; ils nous rappellent ses œuvres, sa prédication, ses miracles, la fondation de l’Église, la mission conférée aux apôtres. Et déjà, dans ces premiers écrits qui nous donnent pour ainsi dire un portrait contemporain de Jésus, s’affirme le double élément qui constitue le personnage du Sauveur des hommes, l’élément divin et l’élément humain. Les générations chrétiennes s’efforceront ensuite de dégager de plus en plus les traits authentiques de ce portrait, tandis que des influences diverses tendront a lui faire subir des altérations plus ou moins pror fondes. Maintenir la tradition dans la voie de la vérité sera le but poursuivi par l’Église naissante, chargée déjà par Dieu de veiller à l’intégrité de la foi. Sans doute, les traits qui appartiennent à l’objet de la foi ne sont pas tous explicitement contenus dans le portrait de l’Évangile. Aussi bien la foi porte-t-elle avant tout sur des vérités qui échappent aux constatations humaines. Mais l’expérience des apôtres et des disciples suffit néanmoins à justifier la foi des premières générations, et c’est à cette expérience que l’Église recourra sans cesse pour effacer les retouches maladroites ou mensongères que la dévotion mal entendue, l’ignorance ou l’impiété auraient voulu faire au portrait du divin Maître, pour restituer à ce portrait les traits que le mysticisme exagéré, le naturalisme ou le rationalisme de tous les âges en auraient voulu retrancher. Ainsi, peu à peu, le dogme de Jésus-Christ, Homme-Dieu, se précisera, s’affermira dans l’enseignement chrétien. Mais ce n’est pas tout. : la piété chrétienne s’efforcera d’ajouter au portrait tracé par l’évangile pour l’embellir, sansle défigurer. Et cette prétention est pleinement justifiée, car c’est, à vrai dire, le propre de la théologie de tirer des prémisses révélées les conclusions qu’elles renferment en puissance, vérités certaines ou simples opinions probables. D’ailleurs les traits qu’ajoutera la théologie catholique au portrait évangélique ne sont pas des additions contraires ou étrangères à la vérité : la piété ne saurait se nourrir du mensonge. Ils ne sont qu’une restitution à l’original des nuances que l’expérience des apôtres n’avait pu découvrir complètement, mais que, par de la cette expérience, la foi et la théologie ont le droit de retrouver dans le personnage de l’Hoinme-Dieu.

La théologie de Jésus-Christ, à proprement parler, s’arrête là. Elle ne peut cependant ignorer les critiques qui lui ont été adressés au cours des siècles. Recenser a grands traits ces critiques, indiquer la position de l’apologétique catholique à leur endroit, tel doit être le travail subsidiaire qu’il convient d’ajouter à l’exposé théologique de la question doctrinale relative à Jésus-Christ. De plus, il nous faudra dire un mot, pour terminer, des principales vies catholiques du fondateur du christianisme en indiquant le point de vue plus particulier auquel leurs auteurs se sont places. Ainsi donc nous étudierons successivement :
I. Jésus-Christ préparé et prédit.
II. Jésus-Christ et les documents de l’âge apostolique (col. 1131).
III. Jésus-Christ et le dogme catholique (col. 1247).
IV. Jésus-Christ et la théologie catholique (col. 1271).
V. Jésus-Christ et la critique avec, en appendice, une étude des principales vies catholiques de Jésus-Christ (col. 1382).


I. JÉSUS-CHRIST PRÉPARÉ ET PRÉDIT.

Sous trois rubriques successives nous étudierons :


I..lésus-Christ et les prophéties messianiques. —
II. Jésus-Christ et les livres sapientiaux (col. 1 124). —
III. Jésus-Christ et la théologie juive (col. 1126).

I. Jésus-Christ et les prophéties messianiques.

Délimitation du sujet.

Notre dessein n’est pas d’étudier les prophéties messianiques de l’Ancien Testament quant à leur authenticité, leur ordre chronologique, et d’en déterminer le sens dans ce qu’elles peuvent présenter d’obscur et d’incertain. Tous ces points relèvent, à vrai dire, de l’étude exégétique de l’Ancien Testament. On ne veut ici que relever les traits déjà nettement esquissés par ceux des prophètes qui ont entrevu d’avance d’une façon plus distincte le personnage du Christ et l’ont fait pressentir au peuple de Dieu. Ces traits, on les reportera sur Jésus lui-même et l’on établira par eux que, déjà entrevu comme le Messie choisi par Dieu pour consoler son peuple et le sauver, Jésus est aussi, dans la partie supérieure de son être, transcendant à notre humanité et comme une émanation de la divinité elle-même. Bien plus, certaines prophéties particulières, par une détermination plus précise des circonstances de temps, de lieux ou de personnes, forment un argument de grande valeur pour démontrer qu’il ne saurait être question d’appliquer les traits relevés par les prophètes à un autre personnage qu’à ce Jésus qui a vécu au début de notre ère et qui est le fondateur du christianisme.

Sans doute, le théologien ne saurait, dans ses conclusions, négliger la crédibilité qui ressort de l’accomplissement des prophéties en Jésus-Christ : mais c’est là un aspect proprement apologétique qu’il ne doit envisager qu’en second lieu. L’usage principal que la théologie doit faire des prophéties messianiques est de déterminer avec leur aide les traits caractéristiques de la figure de Jésus-Christ et de les reporter sur Jésus au cours de sa vie mortelle, au fur et à mesure de la réalisation des prophéties. Et le point délicat de ce travail théologique consiste à n’exagérer en rien le sens des vérités que les écrivains antérieurs au Christ n’ont fait qu’entrevoir sans pouvoir les définir en toute exactitude. Et, pour mieux faire comprendre la délicatesse de ce travail, il convient, avant toute chose, de préciser ici cet usage.

Usage que l’on doit faire des prophéties relatives au Christ.

1. Nous supposons démontrée l’existence de prophéties dans l’Ancien Testament relativement à Jésus-Christ. A l’article Messie » on prouvera, en effet, que l’attente messianique, toute liée qu’elle soit, et précisément parce que liée au sort du monothéisme chez les Hébreux, ne peut s’expliquer ni par des causes fortuites, ni par une évolution naturelle, mais qu’elle suppose une intervention de Dieu par les prophètes, ainsi que l’enseignent Jésus et les écrivains inspirés du Nouveau Testament. Voir dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, l’article Juif (Peuple) de M. Touzard, t. n. col. 1614-1051. Cet enseignement, Jésus le formule d’une manière explicite en ce qui concerne les prophéties relatives a sa propre personne, par exemple, Matth., xwi, 54 ; Luc. xxii, 37 ; xxiv, 27, 14-47 ; Joa., v, 39 I7 ; xvii, L2, etc Et les apôtres le reprennent également, par exemple Mat th., iii, 5 ; xiii. 35 ; xxvii, 9, 35 ; Luc, i, 70 ; Marc,

w. 28 ; Joa., r, 15 ; xii, 38, 10 ; xix, 24, 28, 36, 37 ; Ad., m. 18 ; vra, 30 ; II Pet., i, 19, etc.

2. Kucnen et d’autres critiques ont fait observer que, parmi les prophéties messianiques, un certain nombre ne se sont pas réalisées. Et, partant de cette « constatation », ils prétendent ébranler la valeur de l’argument prophétique en niant l’origine divine des prophéties de L’Ancien Testament. The Prophets and Prophecy in Israël, trad. anglaise, Londres, 1877, c. v-vn. Nous n’avons pas à discuter ici cette assertion, mais simplement à déclarer qu’il ne saurait être question, dans cette étude théologique, d’utiliser les sens spirituels ou accommodatices par lesquels certains textes des prophètes, littéralement irréalisés, peuvent être entendus et ont été, de fait, entendus par Jésus et par les apôtres. Voir, par exemple, Matin., ii, 15, 18. Nous omettons de plus systématiquement ce qui concerne tout ce. qu’on est convenu d’appeler les figures de Jésus-Christ, soit personnages, soit choses. dans l’Ancien Testament. Il est incontestable d’ailleurs que l’emploi de l’exégèse allégorique a contribué à multiplier outre mesure, ces figures, et que cet abus risque fort d’infirmer pour les exégètes plus circonspects la valeur et la signification des arguments que l’on a pu en tirer. Nous retenons enfin, comme résolvant bien des difficultés, l’opportune distinction, mise en relief par M. Touzard, entre les éléments essentiels et les éléments accessoires des prédictions. L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’Apologétique, t. vii, p. 92. Sur les premiers, « les hommes de Dieu insistent dès le début ; ils reviennent et renchérissent à qui mieux mieux, fournissant les uns après les autres leur apport de progrès et de développement, tout en sauvegardant une parfaite continuité de direction. » Parmi ces prédictions essentielles, il faut nommer celle du règne universel de Jahvé dans la religion, la justice et la paix ; celle du jugement qui devait préluder à l’inauguration de ce règne ; celle du royaume qui de ait grouper tous les individus de tous les temps et de tous les lieux, en qui et par qui s’établirait le règne de Dieu ; celle du roi messianique, futur représentant de Jahvé, à la tête de la nouvelle société, appelé à ce titre à présider à son inauguration et à son développement, et, pour être digne de cette mission, revêtu par une Influence très spéciale de l’Esprit de Dieu, de toutes les vertus morales et religieuses qui doivent fleurir dans le royaume. Telle encore l’annonce de la continuité qui doit régner entre les diverses interventions de Dieu dans le monde, son intervention dans le royaume d’Israël et de Juda, son intervention dans le royaume messianique, continuité telle que le royaume futur aura des Juifs pour premier noyau et point de départ, que le roi futur sera de race davidique. i Les autres éléments, « tout en occupant une place importante dans les prédictions messianiques, n’occupent pourtant, à raison de leur caractère même, qu’un rang secondaire, une place accessoire. Ils constit uent comme les enveloppes, la gaine qui devait renfermer, entourer, les éléments essentiels, pour les présenter sous une forme acceptable aux premiers destinataires des prophéties ; mais leur sort était de se rompre, de se déchirer, et finalement de disparaître le jour où le fruit en serait venu à sa pleine maturité. » Et le savant auteur mentionne, comme exemples d’éléments accessoires, i tout ce qui tend à restreindre

le royaume de Dieu au profit d’Israël : reconstitution

du pouvoir terrestre d’Israël autrement que comme

rail préparatoire aux événements futurs, conquêtes

terrestres d’Israël, extension terrestre de sa domina i Ion, prospérité physique, etc. ». Nous passons d’autres

nples moins Immédiatement utiles à l’intelligence

de notre position. Mais on comprendra que des prédictions relatives : ï Jésus-Christ, nous ne retenions

que celles qui ont trait à [’essentiel de la prophétie messianique, et très particulièrement que lés prédictions dont le roi messianique futur, sa transcendance, ses qualités et quelques faits précis de sa vie terrestre sont l’objet.

3. Enfin, nous devons nous souvenir que Les prophéties messianiques relatives au personnage de Jésus-Christ peuvent être exposées de deux manières. qui, loin de s’exclure, se superposent et se complètent. On peut tout d’abord simplement relever le sens général des prédictions ; on peut ensuite descendre dans les détails particuliers, propres à chaque prophétie. et par lesquels on essaie de fixer déjà par avance les traits de l’envoyé de Dieu.

Le sens général des prophéties relatives au Christ futuraétémisen relief par M. Touzard, dans les articles publiés dans la Revue pratique d’Apologétique, t. vi, p. 906-933 ; t. vii, p. 81-11C ; 731-750, sous le titre : L’argument prophétique. Le même auteur a repris, en la résumant, cette thèse dans sonopuscule : Comment utiliser l’argument prophétique ? Paris, 1911 (collection Science et Religion). Voir également le P. Lagrange. Pascal et les prophéties messianiques, dans la Revue biblique, 1906, p. 553, et surtout Le Messianisme chez les Jui/s, Paris, 1907, p. 258 sq.

L’exposé des détails, dont la réalisation s’est faite en Jésus-Christ, est la thèse classique et traditionnelle, , celle qu’on retrouve dans toutes les théologies fondamentales, celle qu’a esquissée saint Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxiv, a. 6, et utilisée Bossuet, Élévations sur les mystères, Xe semaine, Élévations sur les Prophéties. Ainsi que l’a fort justement rappelé le R. P. Lagrange, Revue biblique, 1917, p. 594, la méthode des « grandes lignes » ne doit pas faire oublier celle des « précisions détaillées ». Il convient donc, pour ne pas risquer de retracer d’une façon trop vague et trop imprécise le portrait du Christ, d’étudier non seulement le sens général des prophéties le concernant, mais encore de rechercher avec soin les détails successivement ajoutés par les prophètes, détails qui accentuent de plus en plus les traits du Sauveur à mesure que l’on approche de sa venue sur la terre. C’est cette double méthode qu’on entend suivre ici.

3° Sens général des prophéties relatives à Jésus-Christ. — Ce sens général a été bien marqué par M. Touzard, Comment utiliser l’argument prophétique ? p. 37 : « Il s’agit de montrer que, dans le plan divin, la religion d’Israël a eu pour principale raison d’être de préparer le christianisme ; que, par contre, la religion chrétienne apparaît comme le complément que, de par la disposition divine elle-même, le judaïsme postulait. * Jésus-Christ se trouve ainsi le point central et culminant vers lequel convergent tous les efforts des prophètes pour prêcher, maintenir, affermir, restaurer le monothéisme des Hébreux et duquel rayonnera plus tard le royaume futur de Jahvé. C’est même en Fonction de ce royaume dont il sera le monarque visible que Jésus-Christ sera annoncé par les prophètes. Le monothéisme et la loi promulguée au nom du vrai Dieu préparent l’avènement d’un royaume universel, spirituel et intérieur, dont le roi sera Jésus-Christ, représentant de Dieu dont il est comme une émanation. C.’isl sous cet aspect que s’affirme le sens général des prophéties relatives à Jésus Christ.

i. La prédication du monothéisme est la préoccupation fondamentale des prophètes. Sans entrer dans L’histoire <lu monothéisme en Israël, Cf. Dictionnaire apologétique de /</ Foi catholique, article Juif ( Peuple) de M. Touzard, t. ii, col, 1577-1614, il nous faut immédiatement signaler le trait qui appartient directement a notre sujet, à savoir que, dans l’intention prophétique, le monothéisme dépasse les limites du peuple juif et entend devenir, par de la l’individualisme du m :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQUES

II

peuple élu, la religion universelle. « Tantôt les prophètes nou< montrent les Dations affluant vers Israël ; elles se joignent à lui pour former avec lui le royaume

de Jahvé, [s., i. 2 : >-2 ; > : elles accourent offrir des

présents et des tributs en sa capitale qui est la demeure par excellence du vrai Dieu, 1s.. xviii, 7 ; xxiii, 15-18 ; elles y viennent, avides d’en rapporter des directions, une connaissance plus parfaite de la loi qui doit les régir Is., il, 1-1. Et de Jérusalem, devenue la métropole du monde. Jahvé étend son sceptre sur tous les peuples, les jugeant, faisant disparaître les conllits et ass. ran à jamais la paix. D’autres fois, c’est le Dieu d’Israël qui va au devant des nations et marche à leur conquête. Aux yeux îles [dus grandes, il procure avec une telle force la délivrance de son peuple en exil qu’elles ne peuvent manquer de reconnaître sa puissance, Is., xlv. 18-25. et d’entraîner à leur suite des multitudes d’adorateurs. Is., xliv, 1-5 ; xlv, 14. Mais Jahvé peut aussi se décharger sur Israël d’une part de cette action conquérante ; il le charge d’être l’intermédiaire d’une alliance avec les nations ; il l’appelle à devenir la lumière du monde. Bien plus, il choisit en son sein, et quelquefois contre son gré, des apôtres qui doivent aller au loin porter la bonne nouvelle de la conversion et du salut. » Tel Jonas. Touzard, op. cil., p. 51-52.

Est-il besoin d’ajouter que ce monothéisme universel, prêché par les prophètes ne peut trouver son explication dans les conditions naturelles du peuple juif ? Déjà, en effet, le monothéisme juif lui-même n’est pas d’importation étrangère. Voir Idolâtrie, t. vii, col. 609-61-1, et Dictionnaire apologétique, art. Juif (Peuple), t. ii, col. 1611. Mais, de plus, il n’est pas sorti d’Israël en raison des propensions spéciales, des aptitudes de ce peuple : > il doit sa naissance et ses développements à l’action d’un certain nombre de personnalités qui réussirent a taire admettre leurs idées. » Rien de semblable dans les autres religions. Le monothéisme hébreu est transcendant à la fois par son contenu et par son origine. Donc, le caractère d’universalité que lui attribuent les prophéties dans l’avenir marque mieux encore sa divine transcendance, en face du particularisme des autres religions. Ce monothéisme universel ne saurait être le fruit des spéculations philosophiques ; il s’affirme comme le résultat d’une intervention divine, surnaturelle.

2. Ce monothéisme universel, prêché par les prophètes, est aussi annoncé comme une religion spirituelle et intérieure. Sans doute, ce qui est essentiel dans ces prédictions est souvent revêtu, comme d’une espèce d’erîveloppe, de promesses matérielles, les seules qui, à l’époque ou parlaient les prophètes, pussent rendre accessibles et acceptables aux intelligences les prophéties messianiques. Le triomphe du royaume de Jahvé apparaît comme le triomphe du royaume d’Israël, la restauration messianique semble liée à une restauration temporelle, celle que désiraient ardemment, au jour de la captivité, les Juifs malheureux. C’est pourquoi l’ère messianique est représentée assez souvent comme une époque d’abondance, de gloire et de paix. Osée, ii, 23 ; Joël., ii, 19 sq. ; Amos, ix, 13 ; Mich., iv, 3-5 ; Soph., iii, 13-20 ; Zach., ix, 9 sq. ; Is., iv, 2 ; ix, 1-4 ; xi, 11-16 ; xxix, 17 ; xxx, 23-26 ; xxxii. 15, 20, etc. Toutefois le caractère de ces promesses matérielles apparaît bien vite. Sans doute encore, les prophètes n’en avaient eux-mêmes aucune conscience ; mais c’est Dieu lui-même qui a pris soin de l’indiquer d’une façon très suffisante : « La grande preuve que les perspectives matérielles sont secondaires dans la grande vision messianique, c’est que parfois elle en est débarrassée ; elles font presque complètement défaut, par exemple, dans les passages i. mieux du Serviteur de.Jul.vé. [s., xi.n. 1-4 ; xlix, 1-6 ;

L, 1-9 ; va, 13-l.ui, 12. Accessoires, ces éléments sont encore caducs de leur nature. A ni suie que la révélation se pousuit, on entrevoit que certains éléments essentiels doivent aboutir a les éliminer. Si quelque chose est fondamental dans la prédiction prophétique, c’est l’idée de cette religion universelle qui doit grouper l’univers entier autour du Dieu d’Israël ; or, plus que tout autre cette idée est incompatible avec les descriptions qui donnent tant d’importance au particularisme juif, comme avec un programme de culte trop étroitement rivé au sanctuaire de Jérusalem. » Touzard, op. cit., p. 47. Le point de vue spirituel abonde dans Isaïe : « L’épreuve débarassera Jérusalem de ses impuretés, Is., i, 25 ; iv, 4 ; xxix, 20, 21 ; elle en fera la ville de la justice, la cité fidèle, 1, 26. Résidant au milieu d’elle, la couvrant de sa protection, iv, 5, 6, Jahvé exaucera ceux qui espéreront en lui, xxx, 18, 19, prendra soin des humbles et des pauvres, xxix, 19, donnera la sagesse à ceux qui en manquent, xxix, 24 ; xxxii, 5-8, la lumière à ceux qui en ont besoin, xxix, 18 ; xxx, 20, 21 ; xxxii, 3, 4 ; le peuple retrouvera sa fierté et mettra son bonheur à glorifier son Dieu, xxix, 22, 23 ; ce sera le temps de la justice et de la paix, xxxii, 16-18. » Touzard, Juif (Peuple), col. 1619.

C’est donc uniquement au caractère spirituel du royaume de Jahvé, annoncé par les prophètes, que le théologien catholique devra accorder son attention en vue d’établir le cadre réel dans lequel doit paraître le Messie. Il convient de dégager les prophéties concernant le royaume messianique des enveloppes matérielles et caduques dont les avait revêtues l’esprit des prophètes, et notamment du triomphe temporel d’Israël sur les autres nations. Mais, de plus, dans le tableau tracé par les prophètes, on devra dégager les perspectives plus ou moins éloignées que les prophètes avaient annoncées simultanément, les entrevoyant sur un plan unique, et notamment rejeter à la fin des temps les bouleversements considérables qui doivent mettre terme à l’ordre actuel du monde et préluder à la restauration des nouveaux cieux et d’une nouvelle terre dans un ordre de choses entièrement nouveau. Is., li, 16 ; lxv, 17 ; lxvi, 22. Voir le commentaire du P. Knabenbauer, In Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. ii, p. 490-492 ; 520. Sur les perspectives eschatologiques des prophéties messianiques, voir l’art. Jugement. Dieu lui-même a veillé à ce que ces visions eschatologiques, si chères aux apocalypses, fussent facilement séparées de la prévision <hi royaume messianique : « Pour bien montrer que tous ces points de vue ne se confondaient pas, il n’en a souvent manifesté qu’un seul à ses divers interprètes ; plus d’une vision messianique est indépendante de toute perspective de restauration nationale ; au plus grand nombre des prophètes. Dieu n’a rien révélé des perspectives eschatologiques. Lu d’autres cas, il a fait entrevoir d’une façon précise les deux actes principaux de l’œuvre divine : celui de l’inauguration du triomphe et celui de sa consommation. Cf. Ez., xxxviii, xix. Nous sommes donc fondés a traiter d’imparfaites ces vues qui confondent les diverses interventions divines, puis à les dégager les unes des autres pour préciser en quelle manière elles devaient se réaliser. /<L, p. 19-50.

Les prophètes ne se contentent pas d’annoncer un royaume spirituel, dont l’envoyé de Dieu sera roi, mais ils stipulent encore que ce royaume sera intérieur. L’appartenance a Jahvé ne sera pis un titre tout

extrinsèque : elle ne saurait se manifester par îles signes purement extérieurs. Souvent les prophètes reprochèrent a Israël d’êl re un peu| le infidèle, d’honorer Dieu du bout des lèvres et de tenir son cour né « le lui. Is.. xxix, 13 ; i, lu 17 : Vmos, v, 21-21. Dans lifutur rovaume.1 n’en saurai ! être de même. Israël doit être entièrement transformé. Et, dans cotte transformation, il faut faire la part de Dieu et la part de l’homme. C’était Dieu lui-même cpii, poussé par son amour, Os., m. 8, 9, prenait pitié de son

peuple et, désireux de lui faire miséricorde, Is., xxx, 18, se mettait à sa recherche et allait au-devant de lui. Os., ii. (i ; xiv. 2. Israël, de son côté, renonçait à ses égarements, se tournant vers son Dieu ; il confessait ses erreurs passées et se décidait à mettre pour toujours sa confiance en sou créateur. Os., ii, 7 ; xiv, 3, 4. A ces conditions, Jahvé oubliait les iniquités passées, faisait trêve à sa colère. Us., xiv, 5. Il se mettait en devoir de guérir la maladie de son peuple. I<1. Bien plus, il voulait reprendre par la base l’œuvre de sa reconstitution. Os., ii, 14, 15. Elle comportait tout d’abord un travail de purification. Jahvé faisait l’aspersion d’eaux pures et lavait Israël de ses souillures : il lui donnait un cœur nouveau, entièrement docile à ses exigences. Ez., xi, 19, 20 ; xxxvi, 25, 26 ; cf. Is.. iv, 4. Il lui envoyait son esprit afin que ces merveilleuses transformations fussent accomplies d’une manière plus complète à la fois et plus durable. Is., iv, 4 ; |Ez., xxxvi, 27. Alors Dieu se plaisait à habiter au milieu des siens, à les protéger, Is., iv, 5, 6 ; à les combler de ses faveurs, à les exaucer dans leurs prières, à les consoler dans leurs tristesses, à les préserver pour l’avenir de tout retour en arrière. Is., xxx, 10-20. Dans plus d’un prophète, ces perspectives étaient développées en faveur du peuple considéré comme un tout moral (c’est ce qui arrive, en général, avec les oracles prophétiques du viiie siècle, ceux d’Osée et d’Isaïe par exemple) ; mais les prédictions de Jérémie, xxxi, 29, 30, et d’Ézéchiel, xviii, xxxjh, 1-20 (voir Ézéchiel, t. v, col. 2039-2040), prirent un caractère nettement individualiste : détaché des limites du royaume ancien, le royaume futur apparaissait déjà comme ouvert aux seules âmes sincèrement désireuses de suivre la loi divine. Le terme de tout ce travail, dans lequel se coinpénétraient l’effort de l’homme et l’action de Dieu, était en de sublimes épousailles fondées sur la justice, la grâce, la tendresse et une éternelle félicité. Os., ii, 19-20. C’était une alliance, non plus telle que l’alliance ancienne dans laquelle Dieu traitait d’une façon tout extérieure avec le peuple entier, mais une alliance tout intime de Dieu avec l’âme au dedans de laquelle il écrivait sa loi. » Jer., xxxi, 31-34 ; cf. xxxvii. 26 ; xiv. 25 ; xvi. 60, 02. Touzard, op. cit., p. 53-5."). La prophétie d’une nouvelle alliance se retrouve chez Os., n. 20 ; Zach., ix, 11 ; Malach., iii, 1. Le royaume messianique aura ainsi comme marque la catholicité, il comportera la conversion des nations païennes, Mich., iv, 1 sq.j I labac, ii, 1 1 ; Soph., ii, 11 ; iii, 9 ; Agg., ii, 7 ; Zach., n. 15 ; viii, 22-23 ; xiv, 16. Nous touchons ici de lus

près a la prédication du royaume intérieur et spirituel

telle que.lésus et ses disciples la feront entendre a

l’aube du christianisme.

Mais quel sera le monarque du royaume ? Dans les prophéties messianiques, le plus souvent Dieu est représenté comme a^issaui en souverain. Amos, i. 8-15 ; <)s., u ; xiv : is., ii, 2-1 ; iv. 2 6, eic Mais des oracles i rès caractéristiques font entrevoir, en inDieu et le royaume rutur, l’intermédiaire d’un représentant

dont le rôle sera d’extérioriser Dieu lui-même. Il C’est ici que nous aboutissons, dans le contenu des prophéties messianiques, a la figure bénie de Jésus Christ. De ee souverain futur, les prophètes se plaisent a décrire les origines, les titres, les qualités, les fouillons. C’est lui qui inaugurera l’ordre nouveau cl méritera d’être appelé le père des âges à venir. Is., i. 5. Avec lui commencera le règne de la justice et de la paix, dépeint par [sale en termes magnifiques, xi, 6-9 ; cf. ii, I.

C’est vers ce souverain que convergeront toutes les attentes de l’âge messianique. Rien d’étonnant donc que les prophètes aient entrevu et prédit les détails de cette figure majestueuse et souveraine.

Les détails relatifs à la figure de Jésus-Christ.


S’en tenir au sens général des prophéties messianiques serait demeurer en deçà de la vérité entrevue et prédite par les prophètes. On ne saurait négliger les traits particuliers dont sont émaillées les prophéties et qui, de plus en plus expressifs à mesure qu’on approche du terme de la réalisation des prédictions, marquent plus parfaitement la physionomie du sauveur futur. Conformément au plan qu’on s’est fixé plus haut, on n’a ici ni à faire la démonstration du messianisme des prophéties, ni à faire la critique des textes, mais simplement à relever, en suivant le sens littéral des prophéties, les traits caractéristiques que renferment les prédictions relatives au Messie. Ce relevé est celui que les penseurs chrétiens, Pères. théologiens, apologistes, ont cru pouvoir établir au cours des âges, quoi qu’il en soit de l’exactitude de bon nombre de ses détails. On procédera en suivant, dans ses grandes lignes, l’ordre chronologique, tel qu’il est fourni par la disposition actuelle des livres de l’Ancien Testament.

1. Période patriarcale. - — Le récit de la chute se clôt par la promesse du rédempteur, qui naîtra de la femme. Gen., iii, 15. Ce premier trait se complète par la bénédiction accordée à Sein, tien., ix, 26-27, bénédiction qui implique que le rédempteur naîtra de sa race ; par les promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob, Gen., xii, 2 ; xiir, 6 ; xv, 5 ; xvii, 4-6 ; xxvi, 4 : xxviu. 14 ; enfin, par la bénédiction toute spéciale accordée à Juda par Jacob, au cours de laquelle se trouve intercalée une première précision relative au temps où apparaîtra le Messie : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité jusqu’à ce que soit venu celui qui doit être envoyé ; et c’est lui qui sera l’attente des nations. » Gen., xlix, 10. On trouvera à Abraham, t. i, col. 106-111, et à Genèse, t. vi. col. 1208-1221, l’exposé critique de ces prophéties. Les oracles de Balaam, Num.. xxii, 2-xxiv, 25. à certaines indications d’ordre général (place de choix faite à Israël, xxiii, 9-10 ; triomphe d’Israël sur les nations qui lui feront la guerre, xxiv, 7-8), joignent une prédiction plus spéciale relative à « l’étoile cpii sortira de Jacob », au « sceptre qui s’élèvera d’Israël », au i dominateur qui sort de Jacob ». Il n’entre pas clans l’objet de cet article de discuter les opinions qui se sont fait jour parmi les exégètes catholiques sur le sens à accorder à la prophétie de Balaam. Le caractère messianique du quatrième oracle de Balaam, Num., xxiv, 15-19, a été admis sans contestation grave par l’exégèse traditionnelle. Le roi, le vainqueur annonce par Balaam, aussi bien pour la tradition juive de basse époque que pour la constante tradition de l’exégèse catholique, c’est le Messie. Sur le sens traditionnel de cet oracle de Balaam voir art. Balaam. dans le Dictionnaire de lu Bible, t. i, col. 1396 ; Reinke, Beilrâge : ur ErklSrung des Allen Testaments, Munster, 1855, t. iv, p. 198 sq. ; Meignan, Prophéties messianiques, 2 édit., Paris. 187.S, p. 458-598 ; F. Iliinpel, Die messianischen Prophetien in Pentateu.cn, dans Theol. Quartalschrift, Tubingue, 1860, p. 668 sq. ; von Hummelauer, Cursus Scripturse sacrée, Numeri, Paris, 1899, p. 301-303. Quelle que soit d’ailleurs la portée accordée à la prédiction messianique, il n’en résultas moins exact d’affirmer que le quatrième oracle de Balaam complète, aux yeux des commentateurs traditionnels, la prédiction de Jacob, Gen., xi.ix, 8-10.

A la période patriarcale, nous pouvons encore rapporter la prédiction faite par Moïse lui-même, législa leur et libérateur d’Israël, annonçant une autre propluie : « le Seigneur votre Dieu vous suscitera un Prophète comme moi, de votre nation et d’entre vos frères… Et le Seigneur me dit… je leur susciterai du milieu île leurs frères un prophète semblable à toi : je lui mettrait mes paroles dans la bouche et il dira tout ce que je lui ordonnerai. Si quelqu’un ne veut pas entendre les paroles que ce prophète prononcera en mon nom. c’est moi qui en ferai vengeance, t Dent., xvin. 15-18. La suite du texte sacré met en opposition avec le vrai prophète les faux prophètes, ce qui pourrait laisser croire à un sens collectif du mot pro phète ». Mais un sens purement collectif ne serait acceptable ni au regard de la tradition, ni surtout au regard des interprétations inspirées de ce passage du Deutéronome, interprétations qu’on va rappeler incessamment. Tout au plus peut-on dire avec Origène, Théodoret, Menochius, Tirin, le cardinal Meignan, Cornely, Reinke, de Hummelauer. et plusieurs autres. que l’oracle désignerait tout à la fois l’ordre entier des prophètes et le Messie, leur chef, le premier d’entre eux. Mais un sens individuel et une application unique et immédiate à Jésus-Christ semblent à d’autres préférables. C’est l’opinion de Cajétan, d’Estius, de Malvenda, du P. Patrizi. de M. Fillion et de la plupart des Pères qui ont interprété ce texte. On trouvera les références et la discussion du problème dans de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 370-377. Quoi qu’il en soit de cette discussion, saint Pierre, Act., m, 22 et saint Etienne, Act., vii, 35 ont fait de la prophétie de Moïse une application directe à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Jésus lui-même l’a expliquée de sa propre personne, en aflîrmant que Moïse avait écrit a son sujet. Joa., v, 45-47. La masse du peuple juif croyait aussi que le prophète annoncé par Moïse n’était autre que le Messie, et beaucoup pensaient que le Messie c’était Jésus. Cf. Matth., xxi, 11 ; Joa., i, 45 ; vi, 14 ; vii, 40, etc. Les Samaritains eux-mêmes, qui ne reconnaissaient aucun livre inspiré en dehors du Pentateuque, admettaient, d’après ces versets du Deutéronome, le Messie et son rôle prophétique. Joa., iv, 25.

En résumé, à l’époque patriarcale, les prophéties messianiques annoncent le Sauveur de toutes les nations, lequel naîtra de la race d’Abraham, Isaac, Jacob et Juda. Il sera le prophète par excellence, suscité par Dieu pour instruire le peuple.

2. Période des Rois.

Les prophètes de cette époque apportent des précisions sur la royauté et la puissance du Christ futur, sur ses relations d’origine vis-à-vis de Dieu, sur son sacerdoce, sur ses souffrances et sur sa résurrection.

Dans son cantique, Anne, mère de Samuel, annonce « que le Seigneur jugera les confins de la terre, donnera l’empire a son roi et élèvera la puissance de son oint. »

I Reg., il, lu. On entend d’ordinaire ici par roi et oint (Christ) non seulement David, mais encore le Messie futur, qui doit être un descendant de la maison de David, laquelle par lui sera a jamais affermie sur son trône. Il Reg., vii, 12-17 : cꝟ. 1Il Reg., ii, 3, 4. Ces textes supposent évidemment quc David, tout en réalisant la gloire du peuple de Dieu, est la figure d’un autre personnage, né de sa race, et destiné à consolider cette gloire dans l’éternité. Du même ordre est la prophétie’le Nathan à David : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu iras auprès de tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, l’un de tes lils, et j’établirai son règne. Ce sera lui qui me bâtira une maison et j’affermirai son trône a jamais. Je serai son père, et il sera mon fils.. I Par., xvii, 11-13. Cf. x.xii, 10 ; xxviii, 6 ; Iv, i. xxxviii, 21, 27. Sur L’interprétation de ces textes, voir Fils de DlEU, t. v, col. 2360

II va de soi qu’au sens littéral la promesse de Nathan vise d’abord Salomon ; mais en prenant les choses de

plus haut. L’exégèse traditionnelle aimait a voir ici la race de David continuant celle d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Juda. 1 Par., xxviii, 4. A cause de cette filiation davidique et en vue de son rôle futur, le Sauveur à venir est désormais appelé dans les textes prophétiques le roi. chef du royaume universel prophétisé, Ps. LXXT (Vulg.), 1, 2 ; ii, (i, (ix, 2 ; ou, de son nom propre, le Messie ou le Christ. Ps. ii, 2 ; xliv. s. Bien plus, il est le Seigneur, Ps., cix, 1 ; engendré du sein de Dieu devant l’aurore, id., 3, du moins selon la traduction qu’ont popularisée les Septante et la Vulgate. Dieu l’appelle son fils. Ps. ii, 7. Il sera prêtre éternel, de l’ordre de Melchisédech, Ps., cix, 4 ; s’il est prêtre, c’est en vertu d’une institution divine, confirmée par un serinent divin.’Allah— Kôhèn ! toi prêtre, dit énergiqueinent le texte hébreu : « Notre-Seigneur n’est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. Son sacerdoce ne se rattache donc pas a celai d’Aaron. Il est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire à la manière de ce i roi de justice i et « roi de paix », dont l’Écriture n’indique pas la généalogie, mais auquel Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d’Aaron ; il a sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs d’Abraham rendus à Melchisédech. Heb., vii, 1-7. Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu ne lui ayant jamais promis l’exercice perpétuel de ses fonctions ; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été établi avec serinent : « Le Seigneur l’a juré, il ne se repentira pas : Tu es prêtre pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et ne se transmet point, parce que celui qui le possède est toujours vivant. » Heb., vii, 20-25. H. Lesêtre, art. Prêtre, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 660. Prêtre, le Messie sera aussi victime volontaire pour le péché. Ps., xxxix, 7-9. Les douleurs de son sacrifice ne sont pas passées sous silence. Le psaume xxi constitue, comme l’a écrit le cardinal Meignan, « le programme de la divine tragédie, dont l’Évangile raconte l’histoire. » Sans doute, le fond du psaume peut être appliqué à David : mais tous les traits qu’on y relève ne sauraient convenir à ce roi. Le psaume est nettement, certains n’hésitent pas à dire exclusivement, messianique ; il décrit, en des accents d’un lyrisme déchirant, l’abandon du Sauveur, v. 2, devenu comme un ver, l’opprobre des hommes et le rebut du peuple. Les animaux sauvages, figurant ses bourreaux, se sont précipités sur lui, 13-14 ; et leur fureur fait contraste avec la langueur de la victime dont les os eux-mêmes se déchirent. 15-16. Troupe immonde et cruelle, comme des chiens affamés qu’on rencontre si souvent errants dans l’Orient, une bande de scélérats l’ont assiégé, et ont percé ses mains et ses pieds et compté tous.ses os. (Sur la légitimité de la traduction foderunt de la Vulgate, voir les commentateurs.) Ils se sont partagés ses vêlements et ont jeté le suri sur sa tunique, ꝟ. 19.

Ce sont encore les persécutions que le Messie aura à subir de la part de ses ennemis, que retrace le Ps. lxviii. Bien que le psaume soit moins directement messianique, il peut être appliqué aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans sa passion a peu pics au même titre que le Ps. xxi. Aussi est-il, avec ce dernier, celui qui est le plus fréquemment cité dans le Nouveau Testament. Les ennemis du Sauveur le haïssent sans motif, ℣. 5 (Joa., xv, 25). Jésus est dévoré du zèle de la maison de Dieu. ℣ 10 (Joa., ii. 17) ; il supporte volontairement les opprobres, ℣. 10 (Rom., xv, 3). La malédiction prononcée, ℣. 26 s’accomplit dans la personne de Judas Iscariote, Act. i, 20, ainsi que sur Israël, la réprobation des ℣. 28-29 1119

rÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQ1 I 1120

Quant au trait particulier : « ils m’ont donné du Se] pour nourriture et dans ma soif m’ont abreuvé de vinaigre, » ꝟ. 22, les commentateurs anciens et modernes le tiennent comme représentant très bien le vin mêlé de myrrhe que l’on ofîrit au divin crucifié. Matth.. xxvii, 34 ; Marc, xv, 23. Le fait du vinaigre mélangé d’eau s’est littéralement réalisé au calvaire. Matth., xxvii, 48 ; Marc, xv, 37 :, Ioa., xix, 29.

Mais le Messie, mis à mort par ses ennemis, devra ressusciter. Dieu, en effet, n’abandonnera pas son âme dans le schéol et ne laissera pas son o saint » voir la corruption. IN., xv, 10. Le saint ici, c’est le bien-aimé de Dieu par excellence, hastd, qui ne doit point connaître la corruption du tombeau. Le nom hébreu idhat a souvent le sens de fosse, tombeau ; mais il n’a pas moins fréquemment, et c’est ici le cas. le sens de destruction, de corruption ; cf. Job., ix, 31 ; xvii, M ; xxxiii, 18, 22 ; Ps., îx, 1(5 ; xxix, 10 ; xxxv, 7 ; Lxviii, 10 ; Is., li, 14 ; Ez., xix, 1 ; xxviii, 8, etc. Cf. Lesêtre, op. cit., p. 01 ; Knabenbauer, op. cit., p. 00-07 ; P. Lagrange, Le messianisme dans les psaumes, Revue biblique, 1905, p. 192. On sait le beau commentaire qu’a lait de ce verset saint Pierre dans son discours des Actes, ii, 25-36. Enfin, la dernière partie du Ps. xxi retrace les résultats glorieux de l’humiliation et des souffrances du Messie ; c’est son règne sur l’univers entier, avec une allusion assez claire a un banquet qui procure aux hommes la vie éternelle et dépasse par conséquent les rites juifs. ꝟ. 23-32.

3. Période des prophètes.

L’ordre chronologique dans lequel se sont succédé les prophètes a souvent été discuté et remis en question. Nous n’avons pas ici à entrer dans le détail de ces discussions, ni même à exposer les raisons pour lesquelles nous nous arrêtons à l’ordre suivant : Amos, Osée, Isaïe (ie part.) et Michée, Jérémie, Sophonie, N’ahum, Habacuc, Ézéchiel, Isaïe (n « part.), Aggée, Zacharie, Malachie, Jonas, Joël, Daniel. Ici, ce n’est qu’une question d’ordre et de méthode. Nous n’avons pas, non plus, a reprendre les prophéties relatives au royaume messianique ; on doit s’attacher ici, uniquement, a relever les traits préfigurant le roi messianique, c’est-à-dire Notrc-Seigneur .Jésus-Christ.

n) Amos, prophétisant le règne messianique, ix, 10-15, sous des figures de prospérité temporelle. annonce que cette restauration se fera par le relèvement de la hutte, c’est-à-dire, de la maison de David. tombée dans un état de faiblesse extrême, 7-11 : trait bien imprécis encore sans doute, mais où se trouve marquée la race royale dont descendra le futur roi messianique. Knabenbauer, Prophète minores, Paris, 1886, p..’(32 s([. ; Reinke, Die messianischen Wcissagungen, Giessen, 1861, t. iii, p. 184-208 ; Van Hoorracker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 280 sq.

I>j Osée, en plusieurs endroits de sa prophétie, marque l’avènement futur du roi dauidique : Les enfants de Juda et les enfants d’Israël se réuniront ensemble, et ils se donneront un chef un ique, el ils déborderonl hors du territoire, i n. 2 ; « les enfants d’Israël se convertiront et ils rechercheront Jahvé leur Dieu e1 David leur roi. » iii, 5. Van Hoonacker, op. cit., p. 32 38.

i / Dans Isaïe, non seulement l’espérance messianique est plus nettement affirmée, mais la figure du Messie est déjà caractérisée. Le prophète prédit sa naissance d’une vierge et son nom Emmanuel. .

I l : cf. viii, 8, 10. Voir Emmani Et, t. iv, col. 24302440, <t Isaïe, t. viii, col. 50-02. Cf. Condamin, Le Livre d’Isolé, p. 59-73. Il lui reconnaît la dignité royale

et lui accorde des noms presque divins, ix. 6-7. Voir lsii, col. 02-64. Le Messie futur a sur son épaule la souveraineté royale, cf. xvi, 5 ; xxrv-xxvii, et il est l’admirable conseil, le Dieu (El) héros, père de l’ave nii. prince de la paix. L’éplthète El signifie tout au

moins qu’il sera pénétré d’influences toutes divines. « La réalité, dit le P. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919, p. 123, devait remplir à la lettre ces promesses magnifiques ; mais les contemporains du prophète n’en saisissaient pas toute la grandeur. On sait la mutilation faite au texte d’Isaïe par les I.XX qui, déconcertés par les expressions d’Isaïe, n’osèrent pas en reproduire la hardiesse, et supprimèrent tous les titres accordés au Messie dans le texte original pour les remplacer par : * l’ange du grand conseil *. xaXeÎTai-ô 8vou, a aû-roù [izyâlrfi Pouàtjç (ÏYYevoç. Voir Condamin, op. cit.. p. 58. Sur la valeur en soi des expressions d’Isaïe, voir l-’n.s de Dur. t. vi, col. 2303-2304. Le roi messianique sera de la race de David, xi, 1 ; on le voit régner avec justice entouré de princes qui gouvernent avec droiture, xxxii. 1 : le but de ses efforts est d’assurer le triomphe île la justice et de la paix, xi, 3-9. Il donnera un nouvel éclat, à jamais durable, au trône de David, ix, 6. Un rapport étroit entre l’Esprit de Dieu et le Messie est explicitement affirmé et fortement accentué chez Isaïe. On lit déjà au chapitre xi, 1, 2 : « Un rameau sortira de la tige de Jessé, un rejeton poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Jahvé, Esprit de sagesse et d’intelligence, Lsprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de Jahvé. » On retrouvera les mêmes promesses dans la deuxième partie d’Isaïe, xlii, 1 sq. Voir plus loin. Mais, particularité notable, le Messie ne doit pas recevoir seul ces dons de l’Esprit : l’époque de son avènement est prédite comme une ère d’effusion et de largesses divines : « l’Esprit d’En-haut sera répandu sur Israël, le désert sera changé en verger, et le verger en forêt ; et dans le désert le droit habitera, et la justice dans le verger. » xxxii, 15 ; cf. xliv, 1 sq.

d) Michée, après avoir rappelé le caractère universel du futur royaume messianique, les peuples devant affluer à Jérusalem pour y rendre hommage au vrai Dieu et se faire instruire de sa loi, iv, 1-3 ; cf. Is.. ii, 2-1. désigne expressément le lieu d’origine du futur roi, v, 1 : « Mais loi, Bethléem d’Ephrallia, petit quant à ton rang parmi les dans de Juda, de toi me [proviendra [un prince], qui soit souverain en Israël », et, taisant allusion a son origine davidique, il relève « ses origines de l’âge antique, des jours du lointain passé. » Ces derniers mots marquent-ils une origine divine : < dès les jours de l’éternité » ? Cf. Prov., viii, 22, 23. Voir l’n.s de Dieu, col. 2305. Puis, au verset suivant, 2, le prophète, faisant allusion à Is., vu. 13, parle du temps où celle qui doit enfanter » enfantera : prédiction qui ne peut se rapporter qu’à l’incarnation. Sur ce sens messianique, de la prophétie de Michée, admis même par les Juifs, on consultera Van Hoonacker. <-/). cit., p. 346 ; 388-392 ; La prophétie rclutnr à la naissance d’Emmcuiu-El, dans Revue biblique, 1904, p. 231 sq. ; Lagrange, La Vierge et l’Emmanuel, dans Revue bibliijiir, 1892, p. 481.

e) Jérémie, tout en renouvelant les prédictions générales relatives au royaume messianique, accorde moins d’attention au roi lui-même. Toutefois, ce prophète mentionne expressément que le roi appartient à la race davidique. xxxiii, 15-16 ; cf. xxiii, 5, qu’il pratiquera l’équité et la justice, id. ; qu’il sortira du peuple cl sera très attentif a s’approcher de Jahvé. xxx. 21. Bien plus, à cote de sa royauté éternelle sera institue un nouveau sacerdoce, mais qui ne sera plus choisi d’une manière exclusive dans la tribu de l.évi, cf. Is., lxvi, 21, dont le sacerdoce doit disparaître, iii, 16 ; xxxiii, in. Jérémie persécuté semble être le type du Christ, doux comme un agneau, qu’on conduit à la boucherie, iii, 19. Sur la prophétie que bien des commentateurs ont cru trouver dans Jercm., xxxi, 22, cl. supra, col. <S82. 1121

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQUES

L122

/) Ézéchiel, dans ses prédictions relatives au salut d’Israël, voir Lzeciiikl. t. v. col. 2038, introduit « un état politique Idéal, où l’nnité ne sera plus brisée. comme elle l’avait oit’auparavant, entre les deux royaumes, xxxvii, 15-22, état au sommet duquel trône pour toujours un prince. un roi », David, serviteur de Jahvé, vice-gérant du nouveau royaume, représentant du pasteur divin qui a pris désormais en mains propres le gouvernement de son troupeau, wm. 10-12, il. 15-16, 23-24 ; xxxvii, 21. 25fc, « rameau de l’antique arbre royal replanté en son lieu. xvii. 22-24, i corne » puissante qui < poussera » à la i maison d’Israël. xxxt, ’21 (héb.), i prétendant. de droit au diadème qui a été enlevé au t méchant prince > rejeté, xxi. 30-32. Pour tous les commentateurs, le David redioivas de xxxiv, 23-21 et de xxxvii, 24-25 est le Messie, soit le Christ lui-même dont David fut le type figuratif, cf. Knabenbauer, Commentarius in Ezechielem prophetam, Paris, 1890, p. 356 sq., p. 383 sq., soit un davidide. le premier d’une nouvelle série de rois, tenant le royaume comme un autre David. Ézéchiel, t. v. col. 2038.

g) La deuxième partie dlsaïe est tout aussi riche que la première en prophéties messianiques, où se trouvent déjà fortement marqués les traits du Messie futur. Ces traits se trouvent réunis sur le « Serviteur de Jahvé i véritable missionnaire de Dieu au milieu des nations. Is.. xlii. 1-4 : xlix, 1-6 ; l, 4-11 ; lii, 13-i.iu. 12. Le serviteur de Jahvé », pour certains, personnifie le peuple d’Israël, xlix, 3-6, dont il emprunte le nom. mais dont il se distingue comme le rédempteur se distingue du peuple qu’il rachète. Voir Knabenbauer. In I salant, Paris, 1887, t. ii, p. 231-232 et appendix de servo Domini, p. 325-338 ; Condamin, Le Livre dlsaïe, Paris, 1905, p. 325-344. Pour d’autres, qui ne retiennent qu’un sens individuel, il désigne uniquement le Messie, voir Isaïe, col. 6775, et Touzard, Juif (Peuple), col. 1627. Le ministère du serviteur de Jahvé est double : c’est le ministère d’un docteur ; t’est le ministère d’un sauveur : » Ce serviteur nous apparaît, écrit M. Touzard. lue. cit., col. 1626. comme un élu de Jahvé qui le soutient et se complaît en lui. met sur lui son esprit, 1s., xlii, lui communique la docilité d’un disciple, l. 4, 5. Prédestiné dès le sein de sa mère pour remplir cette noble tâche, xlix. 1. 3. 5, tenu en réserve comme une flèche aiguë et un glaive tranchant, xlix. 2, il doit être l’alliance du peuple, xlii, 6 : xlix, 8. c’est-à-dire médiateur pour l’alliance nouvelle que Jahvé va conclure avec le peuple. A ce titre, il a sou rôle dans la restauration d’Israël, xlii. 7 : xlix. 5, 6. 8 et sans doute Mais, en outre, Jahvé le fera lumière des nations pour porter SOI] salut jusqu’aux extrémités du monde. xi. ix, f>b. Il sera, dans toute la force du terme, le missionnaire de Jahvé : il exposera la loi aux peuples. xlii. d. 3c ; il se montrera plein de douceur, plein de condescendance envers les faibles, se gardant de briser le roseau froissé, d’éteindre la mèche qui fume encore, xlii, 2. 3 ab ; mais son ardeur sera indomptable jusqu’à ce qu’il ait atteint son but, xlii. I. Aux heures de découragement, il se rappellera que sa récompense est aux mains de son Dieu, xlix. I. Son ministère est aussi un ministère de sauveur et de rédempteur. Sur la volonté de Dieu, l, 1, 5, il abandonne son corps à ceux qui le frappent et ne dérobe pas ses joues ni sa face aux ignominies et aux crachats, l, 6 : fort du

us divin, il brave tous ceux qui l’attaquent, L, 7-’» : il est objet de mépris et d’horreur, esclave des souverains, xlix, 7. Le c. lui tout entier retrace par avance les souffrances ei la mort du Sauveur : i II n’a ni éclat, ni beauté ; et nous l’avons vii, el il n’avait pas un aspect [ agréable] et nous | ne] l’avons pas

ré ; méprisé et le dernier des hommes, homme de

DICT. DE THÉOL, ’VllloL.

douleur et connaissanl l’infirmité ; son visage était connue caché, et méprisé et nous l’avons compté pour rien. Il a vraiment pris lui-même nos langueurs ( sur lui] et il a lui-même porté nos douleurs et nous l’avons considéré comme un lépreux, frappé de Dieu et humilié. Mais lui-même, il a élé blessé à cause de nos iniquités, il a été brisé à cause de nos crimes ; le châtiment [prix] de notre paix [est tombé] sur lui, el par ses meurtrissures nous avons été guéris. Nous tous, comme des brebis, nous avons erré ; chacun suivait son propre chemin, et le Seigneur a mis sur lui l’iniquité de nous tous. Il a été maltraité et il s’est soumis et il n’a pas ouvert la bouche : comme une brebis, il sera conduit à la tuerie et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet et il n’ouvrira pas la bouche. Il a été enlevé par l’angoisse et par le jugement ; et parmi [ceux de] sa génération, qui pensera qu’il a été enlevé de la terre des vivants et qu’il a été frappé pour le péché de mon peuple ? On a mis son sépulcre avec les impies ; mais (il a élé) avec le riche après sa mort, parce qu’il n’avait point commis de violence et qu’il n’y avait pas de fraude dans sa bouche. » 1-0. La fin du chapitre, ꝟ. 10-12, indique nettement que le fruit de ses souffrances sera la réconciliation du monde pécheur ; et c’est au prix de ces soulïrances que seront assurées le fondation de l’Église, la conversion des peuples et la victoire définitive du Messie, i.iv-lv ; lx-lxi ; lxiii ; lxv-lxvi : « Dans ce magnifique poème, Jérusalem est représentée comme le centre d’un royaume universel, s’étendant à toutes les nations, liv, 3 ; lv, 4-5 ; lx, 3, 11, 16 ; lxi, 6 ; religieux, où tout converge vers le culte de Jahvé, lx, 7, 13 ; lxi, 6 ; composé de justes et de saints, lx, 21 ; lxii, 12 ; éternel, lv, 3 ; lx, 15, 10, 20. Les théologiens ont raison de voir la réalisation de ces promesses dans l’Église fondée par Jésus-Christ, puisque le Serviteur de Jahve est Jésus-Christ, et que la postérité nombreuse du Serviteur, les multitudes d’hommes qui lui sont données pour prix de ses souffrances et de sa mort doivent peupler la nouvelle Jérusalem. lui, 10-12 ; liv, 1-3. » Condamin, op. cit., p. 361

II) Des deux prophéties messianiques d’Aggée, ii, 1-10 ; ii, 21-24, la première concerne le royaume messianique, avec les perspectives eschatologiques habituelles, mais non pas le Messie lui-même, comme on pourrait le croire en lisant la Vulgate : veniet desideratus cunctis genlibus, voir Aggée, t. i, col. 566-573 ; Van Hoonacker, op. cit., p. 563 ; la seconde, la seule qui nous intéresse ici directement, concerne Zorobabel, à qui Dieu promet son appui et sa faveur. Mais il est évident que le prophète n’a pu vouloir attribuer personnellement à Zorobabel les titres messianiques énumérés ici : par de la la personne de Zorobabel, c’est le Messie lui-même qui est prévu, prédit et annoncé, comme l’élu de Jahvé, et qui sera i l’anneau à cachet », c’est-à-dire l’objet précieux dont on ne se sépare jamais. Voir H. Philippe, Aggée, dans le Dictionnaire, île la Bible, t. i. col. 27H ; Knabenbauer, Prophétie minores. Paris, 1886, p. 206 sq. ; Van Hoonacker, op. cit., p. 575.

i) Le livre de Zacharie, tout entier messianique, peut-on dire, parce qu’il annonce que la nation sainte ne périra pas. mais sera reconstituée sur de nouvelles bases et durera éternellement, contient un assez grand nombre de traits qui éclairent la figure du Sauveur futur. Kn dehors de la promesse relative au serviteur de Jahvé, qui est appelé’derme, Oriens. Zæh.. m. X, promesse dont l’interprétation es1 passablement laborieuse, le Roi-Messie, est mis cm scène, c. ix. 9-10, entrant dans sa capitale pour inaugurer son règne pacifique après la conquête du territoire ; Voici que ion roi vient > loi : il est juste, ci victorieux, il est humble, monté sur l’une et sur iiinon né de iiinesse.t

VIII. — 36

112 :

    1. JÉSUS-CHR IST##


JÉSUS-CHR IST. I I - I l RI S SAPIENTIA1 X

1124

Cf. Matth., xxi. : > : Marc, xi.7 ; Joa., xii. 14, 15. Faut-il voir une prophétie de l’incarnation, de la passion et de la transfixion de Jésus-Christ dans xii, 10 : Je répandrai… un esprit de grâce et de supplication et ils regarderont vers moi qu’ils auront transport Cf. Joa., xix. 37 ; Luc, xxiii. 48 ; Ait., u. 37. Voir Fils de Dn.i ;. t. vi, col. 2365-2366 et les ailleurs cités à propos de la discussion de ce texte.

Ma’lachie annonce le précurseur qui doit suivre à plus de quatre cents ans de distance, iii, 1-1 : ce précurseur est Elie, iv, 1-5 (m, 10-23) ; cf. Luc, i. 17 : Matth., xi, 10 ; 14 ; xvii, 11-12. Annonce-t-il, avec T i ange de l’alliance », iii, 1, le Messie, c’est-à-dire Dieu lui-même venant dans son temple ? voir Fils de Dur. t. vi. COl. 2366. Mais ce prophète est surtout célèbre par l’annonce du sacrifice de la loi nouvelle, l’Eucharistie, i, 1.0-1 1.

kj La prophétie de Joël, relativement à l’effusion du Saint-Esprit, apporte une précision nouvelle touchant la première manifestation de l’Esprit Saint dans l’Église catholique au jour de la Pentecôte, ii, 28-32 ; cf. Ad., ii, 17-21. Ce trait, bien que ne se rapportant lias a la figure du Messie, est trop important dans l’œuvre de Jésus-Christ, pour être négligé ici. Mais Joël nous intéresse encore par sa prophétie du » docleur de la justice. » ii, 23 ; cf. Is., i.v, 4. Le docteur de la justice est-il directement Jésus-Christ, ou la suite des prophètes symbolisant Jésus-Christ ? Voir Knabenbauer, Prophète minores, 1. 1, p. 229.

1) Le livre de Daniel nous offre plus de traits encore destinés à éclairer la figure du Messie. Daniel prophétise tOUl d’abord le futur royaume éternel du Messie, u, 34-44. La nature, sinon divine, tout au inoins transcendante du Messie et sa préexistence sont marquées par sa venue sur les nui es du ciel > vu. 13. Sur la signification de nuées », comparer Ex., xi., 34 ; Ps., xvii. 17 : xi.vi. 2 : ciii, 3, où Jahvé lui-même s’avance sur les nuages, symbole de sa majesté. « Semblable au Fils de l’homme »…, le Messiea la puissance, l’honneur et le royaume ; et tous les peuples, les tribus et les langues le serviront ; sa puissance est une puissance éternelle qui ne lui sera point ôtée, et son royaume ne sera jamais détruit. » vii, 14. La mission divine du Messie est indiquée par son caractère il’ « oint », IX. 26 ; .l’objet de celle mission se définit par la rémission des péchés, la justification des âmes, la fondation de l’Église, in. 24 ; et la manière dont elle sera réalisée esl indiquée dans la mort du « Christ ». ix, 26. Nous trouvons aussi dans Daniel des traits se rapportant a l’eschatologie et retraçant le rôle que le Messie futur doit jouer dans les derniers temps. Il est précieux de relever ces tiaits que Jésus lui-même accentuera en

, prenanl pour son propre compte. A la prophétie de l’Antéchrist, vii, 20-25 ; xi, 21, 28-36, que le Nouveau Testament précisera, voir Antéchrist, l. i, COl. 1361, se superpose en Daniel l’œuvre eschatolo gique du.Messie, son second avènement sur les nuées du ciel », en vue du jugement, vii, 13-14, sur l’enscignc i touchant la résurrection des morts, bons ou

m.’_ !. et la séparation des uns et des

autres, la vie éternelle, la récompense des fidèles cl

des i docteurs en justice » par la lumière céleste, xii,

2-3 ; la damnation et le châtiment des pu vers par la

i„, ni, ., 1 l’opprobre éternels, xii, 2. L’expression i Fils

, l, . l’homme sera reprise par Jésus-Christ, pour se

lui même comme le Messie : voir plus loin

I laniel, elle n’a pas encore le sens ferme et plein que lui donnera Jésus dans la dernière période de sa |e publique ; mais c’est déjà le Messie qu’on entrevoit

e1 un Messie céleste, c’est a dire transcendant par rapport a l’humanité.

La prophétie de Daniel est surtout célèbre a cause de l’annonce de l’époque de la venue du Messie, in. 2 i 27. Mu le sens et l’interprétation des soixante-dix semaines, voir Daniel (Les soixante-dix semaines du proplùtej, t. iv, col. 75-102. Quelle que soit l’interprétation adoptée, à l’égard des soixante-dix semaines, Daniel < garde dans son objet direct le sens messianique que lui a reconnu ou attribué la tradition chrétienne depuis l’origine jusqu’à nos jours. » l.oe. cit., col. 102.

5° Conclusion. Les prophéties messianiques, considérées soit dans leur sens général, soit dans les détails qu’elles comportent, relativement au personnage du Sauveur, ne suffisent certainement pas à mettre en pleine lumière la figure à la fois divine et humaine du Christ. Le mystère de l’incarnation ne s’y Irouw pas dévoilé : la divinité du Messie n’y est pas clairement exprimée. Cependant il s’y trouve des expressions fréquentes ayant une valeur surhumaine et transcendante, qui attendent leur explication. Quant à l’humanité du Sauveur, nous en connaissons mieux les prérogatives messianiques ; mais nous ignorons encore les qualités résultant de l’incarnation du Verbe. L’explication des prophéties ne sera pleinement fournie que par l’Évangile : i C’est l’Évangile qui leur donne toute leur valeur, en les éclairant de la lumière du Christ : en lui tous les traits s’accusent et s’unissent ; il est le Fils de Dieu, Dieu fort, né de toute éternité, assis à la droite du Père, de même qu’il est le roi d’Israël, le rédempteur du peuple, le serviteur de Jahvé. Ainsi, comme les Pères aiment à le constater, il interprète, par sa seule manifestation, les prophéties jusque-là méconnues. » J. Lebrcton, Les origines du doi/me de la Trinité, 4e édit., Paris, 1019, p. 124.

Ouvrages généraux sur les prophéties messianiques : L. Relnke, Die messianischen }Yeissagungen bei den l’ropheten, ."> vol., Giessen, 1859-1862 ;.1. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, 2 vol., Gand, 188-1, t. i, p. 347-529 ; Caïd. Meignan, Les prophétie » messianiques, (i vol., Paris, 1856-1894 : AbbédeBroglie, Questions bibliques, Paris, 1897, p. 329-380 ; P. Lagrange, Divers articles sur les prophéties messianiques dans la Revue biblique, octobre 1904 ; janvier et avril 1905 ; janvier et octobre 1906 ;, i. Dceller, Die Messiaserwartung im Allen Testament, Vienne, 1911 ; J. Rivière, Le dogme de la Rédemption, étude théologique, Taris, l’.ll I, e. i ; Mj4r Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris. 1002, t. ii, p. 153-179 ; Ottiger, Theologia jundamentalis, Fribourg-en-Brisgau, 1897, part. I, sert, i, e. m : J. Touzard, V Espérance messianique, deuxième partie dirait. Juif [Peuple), dans le Dictionnaire apologétique de In foi catholique, t. ii, col. 1614-1648 ; Fllllon, Vie de X.-S. Jésus-Clirist, Paris, 1922, t. I, e. ii, p. I ! 17-’_ ! 10 : cl, parmi les

i tiéologiens dogmatiques, Billot, De Verbo incarnato, Home, 1912, th. r.vn : Ch. Pesch, Prælecliones àogmaticæ, Fribourgen-Brisgau, ÎUI."), t. I, prop. xix ; l.egiaud, Dr incunuilione Verbi divini, dans Migne, Cursus théologies, t. ix, dissert. n.

On pourra consulter aussi, parmi les auteurs protestants :

Fr. Delitzsch, Messtanische Weissagungen in geschichtlicher I olge, Leipzig, 1890 ; E. Bohl, Christologie des Allen Testaments, oder Auslegung <ler wichtigsten messianischen Weissagungen. Vienne, 1882 ; C. A. Briggs, Messianic Prophety. .., N’cw-Yurt, , 1887.


IL JÉsrs Christ et ils Livres Sapiientiaux. — Les livres sapientiaux n’offrent que quelques rares traits généraux relatifs à l’espérance messianique. En ie anche, la doctrine de la Sagesse » et de la t Parole

de Dieu y préparent déjà la théologie néotestamentaire du Verbe, en entrant plus avant dans les réalités divines. Les prophéties messianiques préparent la

venue de l’envoyé de Dieu, mais laissent plus ou moins dans l’ombre sa divinité ; les livres.sapientiaux. au contraire, nous font entrevoir, dans un demi jour

mystérieux, le Verbe de Dieu qui doit se faire homme

cl devenir le Messie.

La I lléologle de la Sagesse et de la Parole, l’étude des relations entre la Sagesse, la Parole, le Fils de Dieu, le

Messie et l’ange de Jahvé, oui élé exposées à l’ail.

1125

H SI S-CHRIST. LA THEOLOG II..Il l I£

1 1 26

l’as de Dieu, col. 2367-2372. Il suffira de s’y reporter : nous devons nous contenter ici d’en résumer brièvement les conclusions générales.

1° Les descriptions de la Sagesse (Urine, avec des allures de personnification purement métaphorique, se rencontrent dans Job, . 7-8 ; xxviii, 12-28 et dans Baruch, iii, 9 iv, 9. Cf. Prov., iii, 13-22 ; Eccli., i, 1-27 : xv, 1-10 ; mit. 21 sq. : Sap., vi. 12-vn, 21 : viii-ix. Mais au cœur de ces trois derniers livres, nous avons trois discours qui nous élèvent jusqu’à la conception d’une réalite divine, d’allure personnelle. Dans les Prov.. vin. 1-36, la Sagesse nous apparaît comme la pensée même de Dieu, distincte à la fois et identique ; lire surtout les versets 22-31, relatifs à son origine divine. Au v. 22 le mot ïy.-’.oz des Septante a pu faire supposer à nombre « le Pères et d’interprètes qu’il s agissait ici dune Sagesse divine crtiE, c*est à dire du Verbe incarné. Mais cette traduction doit être abandonnée ou tout au moins entendue dans le sens plus vague et plus général de « former », « engendrer ►. Voir Incarnation, t. vu. col. 1 18 1. La même doctrine, avec plus d’insistance sur le rôle joué par la Sagesse dans le monde physique et religieux, se retrouve dans l’Ecclésiastique, xxiv. 1-27. Dans ce chapitre la Sagesse nous apparaît également comme une réalité d’apparence personnelle, créée, c’est-à-dire engendrée par Dieu de toute éternité. Mais c’est surtout dans le livre de la Sagesse de Salomon, vii, 21-29. que la personnification de la Sagesse nous apparaît en réalité comme une hypostase. La Sagesse, en effet, y est décrite comme < le souille de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Dieu tout-puissant ; … le resplendissement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, et l’image de sa bonté. » L’épître aux Hébreux, pour décrire l’origine éternelle du Fils de Dieu, ne trouvera rien de mieux que de citer Sap., vii, 26, eum sit splendor gloriie et figura substantix ejus. Dans ces passages, la Sagesse sans doute se distingue de Dieu ; mais elle n’a peut-être pas encore tout le relief d’une personnalité vivante. Cependant c’est là que nous trouvons le pressentiment le plus net du dogme chrétien du Verbe, et l’interprétation authentique de l’auteur de l’épître aux Hébreux y fera apparaître en pleine lumière la théologie du Verbe que l’on n’y peut distinguer qu’obscurément.

2° La doctrine de la Parole divine est moins nettement accusée que celle de la Sagesse. Souvent la parole divine n’est qu’une métaphore pour exprimer l’efficacité de la volonté divine relativement aux effets de la création. Gen., i, 3 ; Ps., xxxii, 6-9 ; cxlviii, 8 ; Os., vi, 5 ; Ez.. xxxvii, 4 ; Eccli., xlii, 15 ; xliii, 26 ; lxviii, 3 ; Sap., ix, 1. Souvent aussi la parole divine est représentée (toujours métaphoriquement) comme le messager des ordres divins. Is., ix, 7 : Ps., evi, 20 ; cxlvii, 15, 18 ; Zach., v, 1-4, et surtout Is., i-v, "11 : Sap., xviii, 15-16. Mais c’est surtout dans Sap., ix, 1 ; xviii, 14, que s’accuse la personnification de la Parole, en regard de la Sagesse elle-même à laquelle la Parole est intimement reliée. « On ne peut nier ici un enchaînement remarquable de textes : Prov., viii, en parlant des origines de la Sagesse, se référait a la parole créatrice de la Genèse ; à sa suite, de plus en plus clairement, l’Ecclésiastique et In Sagesse, développent cette orientation que reprendra saint Jean exposant sa théorie du Logos, les yeux fixés lui aussi sur la première page de la Genèse. 1-n.s de Dieu, col. 2371.

3° Ni la Sagesse, ni la parole n’ont étédans l’Ancien Testament rapprochées du Messie : et leur théologie n’a pas enrichi le messianisme. D’après les textes pris dans leur sens formel, nous suivons i deux voies cl au terme de chacune d’elles se trouve un Fils de Dieu

unique par le rang, le Messie et le Logos ; mais l’Ancien I. stament ne nous a pas fourni le point de jonction. » C’est l’apparition de Jésus-Christ qui fera la lumière et nous conduira à cet aboutissant où courent toutes les oies de l’alliance préparatoire. Id., col. 2372.


111. Jésus-Christ et n théologie juive. — les livres de l’Ancien Testament ont pour le théologien de Jésus-Christ une importance de premier ordre : nous y axons trouvé, en effet, déjà esquissé le portrait du futur.Messie et déjà préparée la notion du Verbe de Dieu. Si nous n’y rencontrions pas encore le dogme de l’incarnation, du moins nous y découvrions, comme dans leurs sources, bien des traits de la figure du Christ, bien des doctrines que l’incarnation mettra en pleine lumière. Les livres postérieurs de la théologie juive, palestinienne et alcxandrine, de l’époque immédiatement antérieure à notre ère ou contemporaine de ses débuts, ne peuvent être étudiés comme des sources de notre foi. On ne doit cependant pas les passer sous silence, car, d’une part, ils nous permettent de mieux saisir la vraie direction de la tradition juive, qui prend sa source dans la révélation mais s’en détourne sur plus d’un point ; d’autre part, ils nous font connaître les idées courantes du milieu dans lequel est apparu Jésus-Christ. L’étude de la théologie juive, dans ses affirmations relatives au Messie et au Verbe, doit nécessairement faire mieux saisir le caractère transcendant de la révélation chrétienne et la réalité même du mystère du Verbe incarné. Toutefois, il ne faut se servir de ces documents qu’avec une extrême circonspection, à cause des interpolations d’origine chrétienne qui, en un grand nombre d’entre eux, ont pu y être introduites à des dates diverses. Nous aurons même recours à certains documents, de date très postérieure à l’apparition de Jésus sur la terre (par exemple les targums), mais dont la doctrine reproduit bien la tradition juive contemporaine du Christ. D’ailleurs nous devrons nous en » tinir aux traits les plus caractéristiques, et relevés dans les textes d’une authenticité reconnue, les questions relatives à la théologie juive au temps de Jésus-Christ devant faire l’objet d’un article spécial dans le supplément du Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux.

I. le messie.

Le précurseur.

Au temps de

Jésus, l’avènement d’Élie, comme précurseur du Messie, était accepté par tous les esprits. Jésus dut expliquer que Jean Baptiste avait rempli le rôle d’Élie. Matth., xi, 14 ; xvii, 11-12. Ce rôle d’Élie précurseur avait été annoncé et décrit par Malachie ; voir col. 1123. Dans l’Ecclésiastique, xlviii, 10-11, inspiré de Malachie et d’Isaïe, xlix, 6, Élie devait avoir, le rôle non seulement de précurseur, mais encore de restaurateur d’Israël, qu’Isaïe attribue au serviteur de Jahvé, non moins qu’une fonction dans la résurrection future des corps. De ces textes, le rabbinisme déduit les trois rôles attribués à Élie, précurseur du Messie. — 1. Rôle de restaurateur d’Israël. Éliminer d’Israël ceux qui n’avaient lias droit au salut ; réintégrer dans leur droit les familles exclues à tort ; faire la paix dans le monde, tel apparaît le rôle d’Élie chez les rabbins de Judée. M. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 211. Mais précisément, cette paix qu’il s’agit île restaurer suppose le I rouille et le bouleverNcnient dans le monde : Guerres entre les diverses nations, désordres dans la société, trouble dans Us familles, perturbations dans la nature, tremblement s de terre, phénomènes ((’lestes, incendies et famines : telles sont, d’après la doctrine des rabbins, comme les douleurs de l’enfantement » qui précéderont la révélation messianique, i Lepin, op. cit., p. 2 1. on réservait à Élie de donner la solution

a certains cas douteux et de résoudre les questions niantes par la disparition de l’esprit prophétique en Israël. On trouve un exemple « le cet état 112 : JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE JUIVE 1128 d’esprit dans I Mach., iv, 46. — 2. Roi, - de précurseur du Messie. Le Messie devait être oint par Élie, chargé de le révéler au monde. Telle est la tradition juive dont Tryphon, s. Justin, Dialog., c. xi.ix. P. (L. t. vi, col. 581 sq., nous atteste encore l’existence au m siècle. Ce thème était fécond en développement : nous en rencontrerons plus loin quelques-uns. 3. Rôle par rapport ù la résurrection des morts. Dans certains textes de la Michna, on lit menuque la résurrection aura lieu par le ministère d’Élie, Michna, Solo. ix. 15 ; cf. Lagrange, op. cit., p. 182, 212. Mais il n’est plus alors question de messianisme. 2° Les noms tlu Messie.

Messie, oint. yziazôç,

s’entend, dans l’Ancien Testament, du prêtre, Lev., IV, : i. 5, et surtout du roi. 1° « oint de Jahvé ». Il est appliqué à Sud. 1 Reg., xii. 3, 5 ; xxiv, 7. Il : xxvi, 9, 11. lli.’2. !  ; II Reg., i. 11. 16 ; XIX, 21 : a David, II Reg., xxiii. 1. Mais toute personne, choisie par Dieu pour être l’instrument de ses œuvres, était aussi dite l’oint de Jahvé : Cyrus, Is.. xi.v, 1 ; les patriarches, IV-.. cv, l."> : I Par., xvi. 22 : et même, semble-t-il, le peuple entier d’Israël. Ilab.. iii, 13. I.e terme d’oint de Jahvé paraissait doue admirablement choisi pour désigner le libérateur futur, celui qui devait, par la vertu de Jahvé, sauver son peuple, et, de fait, il se trouve au moins dans deux passages parfaitement clairs. Ps., n. 2 : I Reg., ii, 10. Cf. Dhorme, Le cantique d’Anne, Revue biblique, 1907, p. 3<st ; -3<17. C’est de là que l’expression a passé aux écrits de l’école pharisalque, Hénoch, xi.vm, 1<> : iii, 1 : Psaumes île Salomon, xvin, 6 ; cf. xvii, 36 ; xviii, S et Apocalypse île Baruch, xxxix. 7 : xi., 1 : i. xxii. 2 : cl. xxix, 3 ; xxx. 1 ; xl, 9 ; cf. Berachoth, i, "> : Sota, ix, 15. Depuis Daniel surtout. ix, 25-2(1. pour désigner le Sauveur attendu, on emploiera le nom de Messie. Targ. Is.. iv, 2 : x.xviu. 5 ; Targ. ilab., m. IS : Targ. Zach., IV, 7 : x. 1. etc., avec une tendance à relever le caractère royal du Messie, qui devint ainsi, non plus I’i oint de Jahvé ►, mais 1’i oint d’Israël ». Targ. Is., xvi. 5 : Mich.. IV, N. et apparaît de plus en plus comme un sauveur puissant qui viendra restaurer le trône de David et rebâtir Jérusalem. Voir plus loin. I.e Messie est aussi r « oint de la justice, Targ..1er., xxiii, ."> : xxxiii. 15 ; Pesiqta rabbuthi, ICI/), H12 a. 162 b. 163 a. ICI a ; Dalman, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 239-241. Parce que le Messie devait appartenir à la maison de David, il était aussi nommé fort communément Fils de David ». Les exemples sont trop nombreux pour être cités ; cf. Ps. Salom., xvii, 5, 23 ; Targ. Is.. xi, 1 :.1er., xxiii, 5 ; xxxiii. 1’< ; Shemonéh Esréh, 1.">" Berakdh. Les noms donnés par [saie au Messie futur, voir col. 1 1 iii, n’eurent pas beaucoup d’écho dans la tradition juive : après l’ère chrétienne, ou évita même de citer ce passage, a cause des chrétiens qui reconnaissaient dans l’Emmanuel le Fils de la ViergeA plus forte raison éVita-t-OH d’employer le terme l Fils de Dieu -.suggéré cependant par Ps., n. 7. terme qu’on trouve cependant dans IV Esd., vu. 28, 29 ; xiii. 32, 37. 52 cl peut-être dans Orac. sibyll, iii, 77"). mais que les chrétiens entendaient au sens propre. . Suture du Messie ; sa préexistence. Pour les pharisiens, le Messie est un roi, un descendant de David, l’s. Salom., xvii, 5, 2.’!  : Shemonéh Esréh, passim, distingué par « les dons extraordinaires « le Dieu : mais ce n’est ni Dieu, ni un ange : c’est un homme. En ei lu de celle tradition ferme, le judaïsme devait refuser de reconnaître la divinité de Jésus ; (j c’est parce qu’ils refusèrent de reconnaître la divinile de JéSUS, qui lis Juifs mecniiniir eut, pour la plupart, sa messianité. Nous attendons ions que le Chnst sera un homme, descendu des hommes. dit le juif Tryphon. Justin, Dialog., e. xi ix. P. (i.. t. vi. 581. Cf. v Hippoiyte, Philosophumena, ix, 30, P. G., t. xvi, col. 3416 ; Origène, Contra Celsum, I. I, 49 ; 1. IV. 2. P. r ;., t. xi, col. 7 :, :  ;. 1029. Le judaïsme admettait également une certaine préexistence du Messie. La préexistence réelle, suggérée par Michée. v. 2. cf. Dan., vii, 13. IL est tournée par le targum en préexistence purement nominale. On trouve la même déformation dans le targum de Zacharie, iv. 7. ci du l’s. i.xxii. 17. La préexistence du Messie ne supposerait ainsi qu’une prévoyance spéciale de Dieu par rapport â lui. Il faut donc, au point de vue de la tradition juive, n’accepter que sous réserve les affirmations de préexistence personnelle qu’on croit trouver dans Hénoch, xlviii, 3 ; xi.vi, 1.2 : î.xii, 7 : i.xviu, (i ; IV Esd., xii, 32 ; xiii, 24, 52 : xiv, 9, d’autant plus que la préexistence idéale est attribuée à tous les objets des grands desseins de Dieu, la Loi, Moïse, les patriarches, la Jérusalem messianique, etc. Voir Fils de Dieu, t. vi. col. 2377. Voir, sur le même sujet, avec une nuance d’interprétation en sens opposé. Lepin. Jésus. Messie et Fils de Dieu. Paris. 1910, p. 39-41. Toutefois, à l’époque où parut NotreSeigneur, l’attente du royaume messianique était telle qu’on se demandait si le Christ n’était pas déjà né. On réservait la possibilité de son existence, existence postérieure à sa naissance, mais préexisti par rapport à sa manifestation. Nous négligeons délibérément toutes les modalités qui entourent ce concept de préexistence, et quon trouvera exposées dans Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, p. 222-22 1. Ce qu’on en a dit est suffisant pour faire comprendre le milieu dans lequel est paru le Sauveur. 1° Le l’ils de l’homme.

L’expression « Fils de

l’homme i esi une de celles qu’il faut étudier plus particulièrement pour bien comprendre l’emploi qu’en a pu faire, pour son propre compte, Jésus-Christ. La prophétie de Daniel, voir col. 1123. a eu une influence évidente, sur le livre des paraboles d’Hénoch, lien.. xxxvii-i.xxi. Dans Hénoch comme dansDaniel, le Messie paraît l comme un lils d’homme. Hénoch est plus expressif encore que Daniel. Le Messie y joue au complet le rôle que lui attribue toute la tradition juive : mais sa personne dépasse Imites les grandeurs d’ici-bas : il est supérieur aux anges : il est appelé le Fils de l’Homme » : il préexiste à la création du monde : il habile avec les justes glorifiés, près de Dieu, sous ses ailes. Les traits de ce personnage mystérieux sont encore mal assurés ; ce n’est proprement ni un homme, ni un Dieu. Même au cas où dans les Paraboles d’Hénoch, très vraisemblablement antérieures, dans leur substance, â l’ère chrétienne de trois quarts de siècles, l’expression i Fils de l’homme > serait une interpolation postérieure, voir Lagrange. Le messianisme (lie : les.lui/s, p. 89-98, il n’en reste pas moins vrai que cette expression était dans l’esprit des Juifs, sinon messianique, tout au moins susceptible d’un sens messianique, et d’un sens messianique d’autant plus vrai qu’à côté des hautes prérogatives de l’envoyé de Dieu, le nom de i Fils de l’homme » mettait en relief les caractères de faiblesse apparente, de condescendante paternité, de souffrance rédemptrice et. pour tout dire, d’humanité, qui devaient marquer la carrière du Maître, i De (iraiidniaison, dans Dictionnaire apologétique, art. Jésus-Christ, t. ii, col. 13 11. Ce nom, Jésus pouvait donc se l’approprier convenablement : d’une pari, à cause de sa signification Indéterminée, il évitait l’éveil brusque de l’enthousiasme aveugle d’un peuple rêvant l’avènement d’un messianisme grossier, ou encore il éloignait les susceptibilités de l’occupant étranger qui n’eût point compris le caractère « lu roi messianique, se révélant comme tel ; d’autre part, cependant, ce nom était suiiisani pour ni ienter les esprits bien disposes vers la vérité. Manifestation du Messie, Le Christ, quand il 1129 i I SUS-CH li [ST. LA THKOl.tx ; II’, .il IVK L130 viendra, personne ne saura d’où il est. Joa., vii, ’27. — Toutefois le précurseur et les bouleversements qui l’annoncent seront le prélude de sa manifestation. Cette manifestation s’opère surtout dans le jugement qui doit préludera la restauration du royaume d’Israël et préfigurer le jugement universel et dernier.de la fin des temps. L’idée de ce jugement messianique, si souvent rappelée dans les prophéties de l’Ancien Testament, était, dans la tradition juive au temps de Jésus-Christ, imprécise et matérielle. Le Messie devait, pour les uns, marcher les armes à la main contre les nations païennes, ennemies de Dieu et du peuple d’Israël. Orac. Sibyl.. iii, 663 sq. ; IV Ksd.. xiii. 33 sq. ; Hen., xc, 1 1>. Philon le représente i entrant en campagne, taisant la guerre et soumettant des nations nombreuses et puissantes, i De prsemiis et punis, § 16, Philonis Judsei opéra, édit. Mangey, Londres, 17 12. t. il. p. 122. Cf. les targums de pseudo-Jonathan et de Jérusalem. Gen., i tx. Il ; de Jonathan, Is.. x. 27 : Hen., xlvi. 4-6 ; i.u. 1-9 ; Apoet Bar., lxxii, G. Dans le livre d’Hénoch, les rois et les puissants de la terre seront jugés par le Messie. Fils de l’homme, venu sur les nuées, cf. IV Ksd.. xiii. li. et assis à côté du Seigneur des Esprits, sur son trône de gloire ; ils tomberont à genoux et solliciteront sa miséricorde, mais ils seront repoussés de sa face et livrés aux anges vengeurs, xlv. 3 ; lv, 4 ; lxi, 8, 9 ; lxii : lxix, 27. Dans les Psaumes de Salomon, xvii, 27, 37, 39, 41, 48 c’est par une sentence de sa bouche que le Messie doit abattre ses ennemis. Voir également Apoc. Bar., xl, 1, 2 ; IV Ksd.. xiii. 10, 27-28 ; 37-38. Le rôle du Messie-juge est également mis en relief dans le Livre des Jubilés et le Testament des douze Patriarches. Mais le Messie n’est pas seulement conçu par la tradition juive comme un roi conquérant ; c’est encore un prophète, un thaumaturge, un docteur et guide des peuples dans les voies de Dieu. Prophète, il devait posséder la connaissance des choses secrètes, présentes, passées ou à venir ; cf. Luc, vu. 39 : Joa., iv, 19. Le Messie est le Prophète annoncé, Joa.. vi. 14 ; voir col. 1116. C’est à la suite de révélations concernant des choses secrètes ou ignorées, que Xathanaél reconnaît Jésus comme le i Fils de Dieu i, le Roi d’Israël », Joa., i, 48 ; que la Samaritaine le proclame « Christ », Joa., iv, 25 ; c’est pour avoir une preuve de sa messianité que les soldats le frappent au prétoire, alors qu’il a les yeux bandés et lui demandent : Christ, qui t’a frappé. iMatth., xxvi, 67 ; Luc, xxii. 6 I. Thaumaturge, il devait accomplir des prodiges. Joa., vii, 31. En preuve de sa messianité, les Juifs ne demanderont-ils pas à Jésus « un signe dans le ciel. Marc. viii. 1 1 : cf. Marc. xv. 32 ; Matth., xxvii, 39 : Luc. xxiii, 35. Enfin, le Messie est un docteur et un guide des peuples dans les voies du Seigneur. Les psaumes de Salomon, xvii et xvin sont intéressants à cet égard ; car ils nous tracent un portrait saisissant du roi et du royaume messianique. Cf. Lagrange, op. cit., p. 230233. Le Messie est un roi - pur de tout péché, i - roi juste, instruit de Dieu, à qui le Seigneur a donné « la force de l’Esprit saint, la sagesse et la prudence, avec la justice ; » il doit « rassembler un peuple saint, >. au milieu duquel i il ne laissera pas habiter l’iniqu il détruira les pécheurs par la puissance de sa parole : le peuple saint qu’il se sera assemblé, « il le conduira selon la justice » et « dans la sainteté ; » il gouvernera Israël dans la crainte de Dieu, dans la c de l’Esprit, de la droiture et de la forée ; il dirigera les hommes i dans les voies de la justice, leur inspirant a tous la crainte de Dieu. » Et cette mission de justice et de sainteté sera universelle : » Il jugera les nations et les peuples dans la sagesse de son équité. Il aura sous son joug les peuples des nations pour le servir : et il glorifiera le Seigneur sur toute la surface de la terre, i l.epin, op. cit.. p. 21. C’est à celle mission doctrinale du Messie que l’ail allusion la Samaritaine, Joa., IV, 25, et la pensée de cette mission lait prendre a la l’ouïe, pour le Messie promis, Jean-Baptiste prêchant le baptême de pénitence dans le désert, i, I : cf. Luc, iii, l.">. Sur l’appellation < Fils de Dieu » donnée au Messie dans la théologie juive palestinienne, voir Fils de Dieu, t. vi. col. 2377. 6° Le royaume messianique.

Le roi-messie inaugurera le royaume de Dieu, le royaume des cieux. Sur

l’équivalence de ces deux termes, voir G. Dalman, Die Worie Jesu, Leipzig. 1898, p. 75 sq. Le royaume de Dieu est une notion traditionnelle ; voir col. 1113. Il convient ici de préciser cette notion en fonction de la théologie et de la tradition juive au temps de N’otreSeigneur. Cette précision permet, en effet, de mieux saisir les raisons de la prudence et de la réserve de Jésus-Christ dans sa prédication messianique. Sans doute, le règne intérieur et spirituel n’est pas complètement mis de côté : ce messianisme spirituel apparaît à plusieurs reprises dans le Ps. xvii du Psautier salomonien, et dans le Livre d’Hénoch. Mais ce messianisme spirituel est très national et terrestre : le règne de justice et île sainteté doit se réaliser, sur terre, au sein d’Israël ; et l’universalité du royaume messianique, ne sera, en définitive, que la domination d’Israël sur tous les peuples. Le centre devait en rester Jérusalem ; son territoire partirait de la Palestine : mais de Jérusalem et de la Terre Sainte, l’empire messianique devait rayonner par toute la terre. Les nations devaient être soumises à Israël et au roimessie, ou plus exactement à Jahvé dont le roimessie ne sera que l’instrument. Orac. sibyl., iii, 49 ; Psaumes de Salom., xvii, 32-35 ; Hen., xc, 30, 37 ; xlviii, 5 ; cf. F. Martin, Le livre d’Hénoch, Paris, 1906, introd., p. xxxviii ; lui, 1 ; Apoc. Bar., lxxii, 5 ; Targum Zach., iv, 7, etc. Sur cette donnée fondamentale, la seule qu’il nous soit utile ici de connaître, se greffaient bien des notions particulières touchant la Jérusalem nouvelle. Le règne messianique inaugurera une ère de paix, de justice et d’amour. Orac. sibyl., iii, 371-380 ; 751-760 ; Philon, De prsemiis et pœnis, § 16, p. 422 ; Apoc. Bar., lxxiii, 4-5 ; les bêtes féroces apprivoisées seront au service de l’homme. Orac. sibyll., iii, 620-623 ; 743-750 ; Apoc. Bar., xix, 5-8 ; ce sera partout la fertilité, l’abondance, la richesse, la santé, la force, l’absence de fatigue. Philon, De prsemiis et pœnis, § 17-18, 20, p. 425, 428 ; Apoc. Bar., lxxiii, 2-7 ; i.xxiv, 1. Par delà le royaume messianique inauguré ici-bas par le triomphe d’Israël sur toutes les nations, les prophètes de l’Ancien Testament, Dan., xii, 2-3 ; cf. Sap., ni, 5-9, avaient entrevu un royaume éternel inauguré par la résurrection et le jugement final. La théologie juive n’abandonne pas cet aspect de l’eschatologie messianique. La vie future lui apparaît comme une vie spirituelle dans la jouissance et l’intimité de Dieu, Apoc Bar., i.i, 3, 7-11 : IV Esd., vi, 1-3, 08-72 ; Assumptio Moi/sis, , 9, 10. Le royaume des cieux, destination dernière et lieu définitif du royaume inauguré sur la terre, c’est I’ « Éden », Testament des douze Patriarches, Test. Dan, "> ; c’est le paradis. Test. Levi, IS ; cf. Luc. wili. 13 ; Il Cor., xii, l : Apoc, ii, 7. Mais de toute manière, indépendamment même de cette conception plus élevée et plus spirituelle de l’Kilen. du paradis nll i a-terresl re, le royaume « les cieux. c’est à-dire le royaume mes Sianique, devait être un royaume éternel. Dan., vil, 27 ; cf. Orac. sibyl., a, 76 ; m. 19-50 ; Ps. Sal., xvii, 4 ; Hen., Lxii, 1 l. Kl c’est en ce sens que les Juifs répon daient a Jésus : Nous, nous avons appris de la 1131 JÉSl S-CHRIST ET LES D0C1 MENTS DE L’AGE APOSTOLIQ1 I 1132 loi que le Christ demeure éternellement, i Joa., xii, 34 ; cf. Targ. Jonath., 1s., ix, 6. Pour la bibliographie générale, se reporter à Fils de Debu, coi. 2 : i ? : i. II. LE VERBE OU 10008. — Nous avons fait observer plus haut, col. 1125, que ni la « Sagesse », ni la « Parole n’ont été. dans L’Ancien Testament, rapprochée* du Messie. Leur théologie marque une voie parallèle à la voie du messianisme, mais sans point de jonction. Cette assertion est peut-être plus vraie encore de la théologie du Verbe ou Logos dans le judaïsme alexandrin. Kl pourtant, à cause de l’influence qu’a pu exercer la philosophie alexandrine sur la rédaction de certains écrits du Nouveau Testament, et très particulière meut sur les concepts de Fils (Col., ileb., ) ou de Verbe (Joa.), il est indispensable, avant d’aborder l’étude de Jésus-Christ dans le Nouveau Testament, de connaître la pensée des Juifs alexandrins et notamment de l’hilon. L’étude a été faite à lus de Dieu, t. v, eol. 2373-2386. Nous ne devons ici qn’en résumer les conclusions. > Le logos philonien (le seul qui intéresse directement la théologie de Jésus-Christ), est conçu comme un intermédiaire entre la divinité transcendante et le monde, et plus particulièrement l’homme. Il est la première des puissances intermédiaires entre Dieu et le monde ; il est le premier des anges, que Philon identifie avec « l’ange du Seigneur » dont parle l’Ancien Testament. A la manière platonicienne, le Logos, par rapport au monde, est une idée ou plus exactement l’idée exemplaire du monde, la synthèse, l’ensemble et aussi la source de toutes les idées particulières, modèles des différents êtres. A la manière stoïcienne. le Logos, comme les puissances, n’est pas seulement une idée, mais il devient une force, une loi puissante qui régit le monde, non abstraitement, mais physiquement, donc le lien qui en enchaîne les éléments et la force, l’énergie qui, tout entière en chaque partie, remplit tout, pour être la cause de tout ce qui se produit de bien dans le monde et dans l’homme. Tel est son rôle, cosmologique et physique. Au point de vue religieux, le Logos devient révélateur, et intermédiaire de culte, d’ascension vers Dieu. C’est pal’lui que les sages rendent leur culte à Dieu et, personnifié, il devient le grand prêtre, le suppliant du monde, ixé-ur t ç, . Toutefois ce rôle religieux ne doit fias être exagérée. « De tous les passages où le terme bLè’zr l ç, est appliqué au Logos, on n’en trouve qu’un où soit exprimé une idée de médiation ; encore s’agit-il d’un être intermédiaire, remplissant une fonction cosmologique cuire Dieu et le monde, el non d’un médiateur, réconciliant Dieu et les hommes. » I.cbrclon. Les origines du doyme de lu Trinité, Paris, 1919, p. 578-57’J. I.e point le plus délicat a élucider dans la théologie de Philon est de savoir si le Logos est un intermédiaire réel ou une abstraction personnifiée ? Les auteurs sont en désaccord sur la réponse a faire à cette question. Le P. Lagrange tendrait plutôt a admettre le caractère réel de l’intermédiaire, a cause de son identification avec l’Ange de Jahvé. Revue biblique, 1910, p. 590 ; le I’. Lebreton, penche visiblement pour L’abstraction personnifiée, "P. « 7., p. 229-235 ; M. Tixeront reconnaît que la pensée <UPhilon est volontairement imprécise, et qu’on se tromperai ! en disant que le LogOS est une personne concrète, mais qu’on exagérerait en disant qu’il est une pure abstraction. Quoi qu’il en soit, la concep lion philonienne du Logos, ne saurait être assimilée a ta conception chrétienne du Verbe Incarné, dont la personnalité vivante unit réellement dans le même sujet les dru infiniment distants, Dieu et l’homme. Aussi bien, seule l’œuvre divine de l’incarnation pouvait-elle olïrir à l’intelligence humaine une solution nette et précise. La pensée chrétienne comme celle de Philon se propose un but identique : l’union à Dieu. Philon prétend y parvenir par le Logos, et pour cela, il le conçoit intermédiaire entre Dieu et l’homme, et il l’imagine si grand que le Logos puisse remplir la distance infinie qui sépare ces deux termes et les faire toucher l’un à l’autre, comme dit Philon lui-même, « par leurs extrémités ►. Mais ce n’est là qu’une imagination : si la distance est infinie, quel intermédiaire pourra la combler ? S’il est Dieu, il nous est inaccessible ; s’il est créature, Dieu demeure hors de son atteinte. Philon ne peut résoudre la difficulté : il l’esquive en disant que le Logos n’est « ni incréé, connue Dieu, ni créé comme nous ». Qu’est-il donc ? La révélation chrétienne nous apporte la réponse : elle va rassembler sur un seul et même être toutes les données éparses dans l’Ancien Testament et dans la théologie juive. L’intermédiaire entre Dieu et l’homme pour toucher à ces deux termes par leurs extrémités, sera Dieu et homme. Le Christ Jésus nous apparaîtra, réunissant dans l’unité de sa personne, la divinité et l’humanité. Au lieu d’un Logos qui ne peut se définir que par des abstractions et qui n’a aucun point de contact avec le’Messie promis par Dieu a Israël, Jésus-Christ, Verbe incarné. Fils éternel du Père, parlera dans l’Évangile comme Dieu et comme homme. Il manifestera, dans son unique personne, la vie du Verbe et la vie du Messie, réalisant ainsi en lui-même concrètement les deux notions que la révélation de l’Ancien Testament avait fait connaître aux hommes, sans néanmoins leur en dévoiler encore la mystérieuse affinité.


II. JÉSUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE apostolique.


I. Considérations préliminaires.
II..Manifestation humaine de.lesusChrist (col. 1140).
III. Manifestation messianique et divine de Jésus-Christ (col. 1172).

I. Considérations préliminaihl.s. — 1° Les sources. — C’est à dessein que nous —, oulons restreindre, dans cette étude théologique, nos sources aux écrits inspirés du Nouveau Testament. Outre que le caractère même de l’étude nous y invite, le peu d’utilité des autres sources nous dispenserait d’y recourir. 1. Sans doute, les documents d’origine non chrétienne, les témoignages de Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 3 ; XX. ix, 1 (le second seul est certainement authentique) ; de Pline le jeune, Epist., t. X, xcvn ; de Tacite, Annal., xv, 44 ; de Suétone. Vita Claudii, xxv ; les traits satiriques de l’épicurien Lucien à l’adresse du « sophiste crucifié i, dans son ouvrage, La mort de Pérégrin ; le pamphlet de Celsc, dont Origène nous a conservé de nombreux extraits, ont une valeur incontestable pour attester ou confirmer le fait de l’existence de Jésus-Christ ; mais ils ne nous apportent aucun fait nouveau digne de retenir notre attention. Voir ces textes dans Kireh, Enehiridion fontium historiée ecclesiastica antiques, n. 5-7 ; 22-24 ; 28 ; 31 : 33-34. Sur l’ensemble de ces lestes, Kurt Llnck, De anliquisstmis veterum quæ ml Jesum Nazarenum spectant testtmontis, dans Religtonsgeschichtliche Versuche mut Vorarbetten, (iiessen, in :  ;, t. i. rase. 1. Sur les témoignages de Josèphe : Bohle, Flavius Josephus ûber Christus und <lic Cliristen, Brlxen, 1896 ; et spécialement sur l’authenticité du preti i ici. M. I’.ni kitt, JoSepltUS and Christ, mémoire publie dans les Actes du l F’congrès international <f Histoire des rehgions tenu à Leide fTheologisch Tljdschrlft, 1913), p. Fiant ; a. Eiarnack, ihr jiidtsche Geschichlschretber Josephus und Jésus christus, dans Internationale Monatschrifi fiir wissenscha/t. Kunsi und Teknik, 1913, t. vu. p. 1037 sq. ; el F. liâmes, The contemporaru Revtew, janvier mil, contre l’authenticité, Mur Battffol, i-e silence (hJosèphe ; dans Orpheus ei V Évangile, Paris, 1910, p. 1-24. fÉSUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE APOSTOLIQUE Il M Le Talmud, surtout dans la Ghemara, tait également mention de Jésus. Mais, autour de traits historiques empruntés à nos évangiles, il groupe tant de fables odieuses, empreintes de la haine du nom chrétien, qu’on ne peut le considérer comme une source à laquelle le théologien puisse recourir. Tout au plus peut-il nous aider à mieux connaître le milieu dans lequel a vécu le Sauveur. 2. Plus intéressants seraient les documents d’origine chrétienne, mais non canoniques. On peut les rattacher à trois groupes. — a) Les Agrapha, (ïypaça, non écrits, non recueillis par les évangélistes, consistent en un certain nombre de paroles attribuées à Jésus, mais qui n’ont trouvé plæe dans aucun des évangiles inspires. Il est bien difficile de préciser quelles paroles pourraient être considérées raisonnablement comme authentiques. Voir Ae, hacha, t. t, col. 626-027. A la bibliographie, col, 627, ajoutez, en ce qui concerne la liste des principaux Dicta, Preuschen, Antilegomena, die Reste dcr ausserkanonischen Eoangelien und ur christtichen L’cberliejerungen, 2e édit.. Giesscn, 1905, p. 21-31 ; en ce qui concerne les nouveaux Agraphu découverts sur des papyrus égyptiens, O.Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, 2e édit., 1902 t. i. p. 389-391 ; Grenfell et Hunt, A6yux’lt)aoï>, Sai/ings o( Our Lord from an early Greek Papyrus, Londr.s. 1907 ; Th. Zalin, Die jiingsl gefundenen Ausprùche Jcsu. dans Theologisches Lilleralurblalt, 1897, p. 417-420, 425-431 ; A. Harnack, Ueber die jûngst entdeckten Sprilche Jesu, 1897 ; P. Batilïol, Les Logia du papyrus de Behnesa, dans Revue biblique, 1897, p. 501-515 ; et Nouveaux Fragments éuangéliques de Behnesa, ibid.. 1904, p. 481-490 ; Ch. Taylor, The Oxyrrhyncus Logia and the apocryphal Gospels, Oxford. 1899 : V. Bauer, Das Lcben Jesu im Zcitaller der neutestament. Apocryphen, Tubingue, 1909, p. 377415 ; Evelyn White, The Sayings of Jésus from Oxyrrhyncus. Cambridge, 1920. — b) Les plus anciens Pères .nous apportent, grâce à la tradition relativement courte qui les relie à Jésus, différents détails qui, s’ils n’enrichissent que faiblement notre documentation méritent cependant d’être accueillis avec reconnaissance. S. Justin, Dial. cam Tryphone, c. xliii, xlv, c, P. G., t. vi, col. 568, 572, 71 >9 ; S. Irénée, Cont. huer., I. III, c. x.xi, n. 3. P. G., t. vii, col. 950, affirment que la sainte Vierge appartenait à la race de David. Jules l’Africain décrit l’arbre généalogique de la sainte Famille et mentionne ses différentes résidences. Eusèbe, II. E., 1. I. c. vii, P. G., t. xx, col. 89. Hégésippe emmure les plus proches parents de NotrcSeigneur. /<L, ibid., t. II, c. xxiii, n. 1-1 ; t. III, c. xx, n. 1-2, P. G., t. xx, col. 197 : 252. Clément d’Alexandrie signale les noms de plusieurs des soixante-douze disciples, Strom., t. II, c. xx, n. 116, P. G., t. viii, col. 1062 ; et les Homélies clémentines citent ceux de la Cananéenne et de sa fille, Justine et Bérénice, Nom clément., ii, n. 19 ; iii, n. 73, P. G., t. ii, col. 88 ; 157. D’après Eusèbe, H. E., t. I, c. xiii, P. G., t. xx, col. 120, l’hémorrhoïsse était de Panéas ou Césarée de Philippe, et avait élevé dans sa ville natale un monument commémoratif de sa guérison. Clément d’Alexandrie, Strom., t. VI, c v, P. G., t. ix, col. 264, nous fait connaître les dernières recommandations intimées par Jésus a ses disciples et l’ordre qu’il leur aurait donné de ne quitter Jérusalem que douze ans après son ascension. Papias enfin complète par quelques détails d’une extraordinaire invraisemblani que saint Matthieu et les actes des Apôtres nous apprennent de la mort de Judas. Voir F. X. Punk, Die aposlolischen Vûler, Tubingue, 1906, p. 129. c) Le> évangile » apocryphes, voir ce mot, t. v, col. 1’121-1610, se présentent à nous avec la prétention de compléter ce que les évangiles canoniques avaient laissé dans l’ombre, notamment la période de l’enfance du Christ, certaines circonstances de sa passion, sa descente aux enfers, sa résurrection. Les uns, composés avec des intentions honnêtes, se lancent dans des développements de pure fantaisie, où nous trouvons surtout des raisons de nous mettre en défiance et de nous lier exclusivement aux écrits canoniques. Les autres, rédigés dans le but nuisible de propager des doctrines subversives, gnosticisme ou docétisme, doivent délibérément être écartés, d’une façon générale tout au moins. Toutefois, dans les écrits de la première catégorie surtout, ou rencontre quelques grains d’or à travers beaucoup de boue, auriun in lato, dit saint Jérôme, Epist., cvii, ad Ltetam, n. 12, P. L., t. xxii, coi. S77. Mais ces grains d’or ne touchent qu’à des points très secondaires, et n’empêchent pas que les sources non canoniques de la vie de Notrc-Seigueur Jésus-Christ ne soient d’une très médiocre utilité. C’est pourquoi nos meilleurs, nos seuls auxiliaires véritables, sont les livres inspirés du Nouveau Testament, évangiles, actes des apôtres, épîtres et apocalypse. 3. Les écrits canoniques.

Toutes les questions préalables relatives à l’authenticité, l’intégrité, la crédibilité des évangiles, au caractère spirituel et cependant historique de l’évangile "de saint Jean, sont d’avance dogmatiquement tranchées par le théologien qui doit s’appuyer sur les livres saints, considérés comme inspirés. Néanmoins, très spécialement en ce qui concerne l’étude théologique de Jésus-Christ, ces questions préalables résolues indépendamment du dogme de l’inspiration évitent au théologien lui-même plus d’une difficulté et plus d’une contradiction de détail. Files seront d’ailleurs résolues au cours des articles consacrés à chacun des livres inspirés. Les évangiles ne sont pas les seuls écrits où le théologien doive aller puiser les traits du personnage divin de Jésus. Les épîtres de saint Paul, en particulier, lui sont d’une utilité incontestable. Saint Paul était le contemporain de Jésus, dans le sens strict du mot. Converti à la religion du Christ après la mort et l’ascension du Sauveur, il formule à l’endroit du Maître une doctrine d’autant plus précieuse qu’il l’a reçue directement de lui par voie de révélation intérieure, Gal., i, 12 ; cf. Eph., iii, 3, et que cette doctrine tout en continuant celle des évangiles et de L’Église naissante telle qu’elle se trouve dans les Actes des Apôtres ou les épîtres canoniques autres que celles de Jean, atteste cependant un véritable progrès dans la connaissance de la vie intime et divine du Verbe incarné. Nous venons de parler de « progrès. L’expression ne doit étonner ni scandaliser personne. La révélation n’a été close qu’avec le dernier des apôtres, et c’est dans l’évangile de saint Jean que nous trouverons le couronnement et le perfectionnement dernier de la révélation touchant le Christ. Nous admettons donc que les sources inspirées du Nouveau Testament se superposent les unes aux autres, les écrits de saint Paul nous faisant pénétrer plus avant dans la science surnaturelle de celui qui, « étant dans la forme de Dieu > ne s’est point attaché, comme n une proie jalousement défendue, a cette égalité île droits avec Dieu, i niais s’est dépouillé en prenant une forme d’esclave en devenant semblable aux hommes. (Phil., n. 5-7) : l’évangile de saint Jean nous elevan jusqu’à des hauteurs inconnues dans la vie même du Verbe de Dieu, de ce Verbe de la Vie éternelle, de cette vie éternelle qui est apparue sur la terre en la une de Jésus Christ. Cf. Joa., r, 1 i ; l Joa., i, 2-3. Mais ce Verbe s’humiliant jusqu’à notre humanité, ce Verbe de la vie, éternelle lumière di s hommes, n’est pas autre chez Paul et chez Jean que chez les synoptiques : c’est toujours le « Fils de l’homme annonçant 113£

JESUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE APOSTOLIQUE

1136

dans vi prédication, manifestant par ses miracles, la divinité qui l’anime. La vérité qui déjà s’affirme chez saint Matthieu, sali t.Mai cet saint Luc, se retrouve, plus approfondie sans doute et plus nettement proposée, mais substantiellement Identique, chez saint Paul et saint Jean. Les formules nouvelles de l’épttre aux Colossiens ou de l’épttre aux Hébreux et surtout du prologue de saint Jean ne cachent pas une nouvelle orientation doctrinale, niais dévoilent Simplement un aspect mieux entrevu de la même vérité éternelle.

Cette position a le mérite de tenir compte du sens véritable des textes inspirés et. par conséquent, du progrès que ce sens accuse dans la révélation ; mais, d’autre part, elle permet au théologien catholique de repousser la thèse moderniste des (’pointions successives de la pensée chrétienne, origine du dogme. Cf. Décret Lamentabili, prop. (i<>, Denzinger-Bannwart, Enchirid., n. 2060. Ainsi notre Christ, entrevu dans les lumières de la foi n’apparaît pas supérieur au Christ de l’histoire : c’est le même Christ, le Christ des synoptiques, s’étant déjà révélé aux hommes comme le Fils de Dieu. Malt h., xxvi. 63-64 ; Marc, xrv, 61-62. Mais cette position n’est possible qu’à la condition d’étudier Jésus-Christ dans les documents inspirés, suivant la loi même du progrès qui s’y affirme et de tenir compte de la place chronologique qu’occupent les textes dans la série des écrits du Nouveau Testament. Ce souci, qui s’impose au théologien consciencieux lorsqu’il s’agit de préciser les nuances doctrinales, qu’on remarque chez les synoptiques, chez saint Paul ou chez saint Jean, perd presque toute son utilité lorsqu’il s’agit de comparer les synoptiques entre eux. Ici, en effet, si parfois d’importantes nuances séparent les différents auteurs des évangiles, il est facile de démontrer qu’elles sont dues à des influences purement rédactionnelles, bien plutôt qu’à des divergences doctrinales.

L’ordre que nous entendons suivre dans l’étude des sources inspirées est celui-là même qui s’impose, sinon chronologiquement, du moins logiquement, et, pour ainsi dire, par la force même « les choses.

a t Bien que les synoptiques soient postérieurs en date à la plupart des épîtres de saint Paul, logiquement ils doivent se placer au point de départ de toute théologie de Jésus-Christ. Ils reproduisent, en effet, la substance même de l’enseignement du Maître, tel que cet enseignement est tombé des lèvres du Sauveur, tel que l’ont recueilli ses premiers disciples. Nous y retrouvons cet enseignement, avec les réticences, les

précautions, les réserves, les atténuations, en un mot. selon l’expression des Pères grecs. I’ « économie voulue par Noire-Seigneur pour ne pas compromettre l’œuvre de sa manifestation divine au monde ; mais aussi avec des indications suffisantes pour permettre a celui qui ne résiste pas a la lumière de s’élever jusqu’à la connaissance vraie de l’Homme-Dieu. Et c’est encore cette doctrine i économique i qui se manifeste dans la prédication de l’Église naissante, surtout dans la prédication apologétique (les discours des

Acies. Ne fallait il pas atteindre ton ; d’abord ceux

qu’on voulait persuader et ne les pas rebuter par des

affirmations trop nettes qui eussent éié mal coin prises ?

b) Les épi I res de saint Paul, écrits de circonstances,

ne se présentent pas comme un expose systématique de la pensée’h' l’apôtre. Les textes dogmatiques les

plus révélateurs surgissent pour ainsi dire a l’improviste. Cette remarque est plus vraie encore, s’il est possible, de la doctrine pauliiiienne louchant Jésus-Christ. E1 cependant, i le portrait moral du Sauveur, tel que | Paul] le Iræe dans ses (’pitres,, .s( d’une exac

litude remarquable et il suppose une connaissance

peu ordinaire de la vie du divin modèle. Paul ne le nulle part dans son ensemble et d’un seul jet ;

mais, en groupant les divins traits qui s’y rapportent ca et là, on obtient un tableau d’une ressemblance frappante, billion, op. cit., p. 3-L Ce portrait accuse un progrès réel sur celui des synoptiques. Pierre ne parlera-t-il pas lui-même de la sagesse qui a été accordée très spécialement à saint Paul, et des leçons difficiles à entendre que cet apôtre donne dans ses lettres ? Il Pet., m. 15-16. Encore une fois, la révélalion n’est pas close, et saint Paul est avant tout l’apôtre du Christ, transmettant le message qu’il a reçu, le dépôt qui lui a été cou lié. Choisi par Jésus lui-même pour devenir l’apôtre des Gentils, il est tout naturel que sa doctrine polie un cachet distinctif. Ce qu’on a appelé le paulinisme est vrai dans une certaine mesure. Cl. Prat. La théologie de saint l’uni. Paris. 1912, t. il, c. ii. Le problème du salut de tous préoccupe Paul, avant toute autre chose : c’est là le centre de sa théologie et les autres dogmes sont éclairés chez lui parla lumière que projette ce centre. Le Christ, pour saint Paul, est avant tout le Sauveur, le vivificateur de nos âmes, et cette pensée sotériologique nous fait pénétrer avec l’apôtre des nations plus avant dans la connaissance de Celui qui, étant dans la forme de Dieu, s’est humilié el anéanti jusqu’à la forme d’esclave, devenu homme comme nous. Mais les révélations spéciales dont fut favorisé saint Paul n’ont pas constitué un nouvel Évangile : < Il n’y a pas deux Évangiles, deux messages de salut. L’Évangile véritable, le seul, est celui que Paul enseigne d’accord avec tous les apôtres. » Prat.. op. cit.. p. 34. Cf. I Cor., xv, IL Il y a identité substantielle entre l’enseignement de Paul et celui des synoptiques. En définissant le rôle, la nature, la personnalité du Christ, et ses relations avec le Père et l’Esprit saint, saint Paul « se sentait en pleine communion d’idées avec tous les chrétiens de son temps ; il pouvait donner à la foi commune une forme qui lui était propre, il pouvait même l’enrichir et la développer, il ne la créait pas. et il était assuré cpie son enseignement provoquaitdans l’Église entière un écho profond. » Lchreton. Les origines du dogme de la Trinité. Paris, 4e édit.. 1919, p. 352.

c) Saint Jean représente un nouveau progrès sur saint Paul et sur les synoptiques. Son œuvre n’est pas seulement une combinaison de la tradition évangélique avec la doctrine pauliiiienne : elle est le résultat d’une révélation toute particulière de l’Esprit de Dieu. C’est sous l’influence de cette révélation que le disciple bien-aimé nous dévoile, dès le prologue de son évangile, le mystère du Verbe de Dieu, préexistant au monde, el qui s’est fait chair dans le temps. Ht. tout n demeurant un document historique, le quatrième évangile ne raconte pas les faits pour eux-mêmes il est écrit l pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, el alin que, croyant. VOUS ayez la ie en son nom. » xx. 31. H n’est donc pas étonnant que Jean ait cherché tout d’abord a compléter les synoptiques ; que, parmi la collection Immense des miracles de Jésus-Christ, il ait choisi les plus significatifs ci les plus révélateurs ; qu’il les ail même encadrés de réflexions et d’interprétations théologiques qui les éclairent. Ainsi Jean peu ! rapporter parfois les mêmes laits que les synoptiques ; mais il interprète ces faits d’une façon plus profonde. Et ce n’est pas seulement la réllexion personnelle qui est Ici la source

de cette interprétation, c’est l’action de l’Esprit qui éclaire les souvenirs et en révèle l’aspect le plus intime ; cf. Joa., xiv. 26.

Les discours de Jésus, dont les synoptiques n’avaient BOUVent que retenu la substance et précisé la portée morale, sont recueillis par saint Jean dans ce qu’ils ont de plus profond et de plus expressif pour la

manifestation du fils de Dieu. Les différences qu’on

remarque entre les discours des synoptiques et ceux du quatrième évangile ne doivent pas nous [aire conclure que les premiers sont inauthentiques ou que les seconds sont le produit de la pensée personnelle de l’apôtre Jean. Voir Lepin, La valeur historique du l évangile, II* partie. Paris. 1910, c. n. Il n’est pas impossible que le Christ ail eu deux manières de parler, l’une plus simple, plus populaire, l’autre plus difficile, plus relevée : la nature des vérités enseignées par lui dans saint Jean n’exige-t-elle pas cette différence de méthode. D’ailleurs l’opposition du genre des discours n’est pas absolue : le langage transcendant n’est pas absolument inconnu aux synoptiques ; ils ont bien, eux aussi, leurs passages mystérieux, et saint Jean rapporte parfois des paroles du Christ, simples et populaires, comme celle-- des synoptiques. Cf. E. Lé vesque, Nos quatre évangiles, Paris. 1917, p. 261 sq. Toutefois, si authentiques que soient tous les discours de Jé--us rapportés en saint Jean, il faut bien avouer que le choix fait par l’auteur inspiré des plus significatifs d’entre eux et le soin apporté par lui à y découvrir, à y mettre en relief le sens favorable à la gloire du Fils de Dieu, supposent une influence rédactionnelle véritable que le critique consciencieux ne saurait méconnaître. Il y a comme une fusion de l’auteur et du modèle, et peut-être est-il i impossible de distinguer, dans l’analyse théologique du livre, les discours de Jean et les réflexions de l’évangéliste. Assurément ledeux sources sont distinctes, mais elles ont tellement mêlé leurs eaux, qu’il faudrait un œil bien exercé pour les discerner ; la révélation vient authentiquement de Jésus, mais ce n’est qu’à travers l’âme de saint Jean qu’on la peut aujourd’hui percevoir et c’est l’apôtre qui, en vue du but qu’il s’était fixé. a choisi les paroles de son Maître, c’est lui qui les développe, les interprète et qui, dès le seuil de l’évangile, nous donne, dans son prologue la clef du mystère. L’évangile de saint Jean est la tunique du Christ, tunique sans couture : on ne la peut saisir que tout entière, à moins d’en déchirer la trame. » Lebreton, op. cit.. p. 444.

Telles sont les raisons générales pour lesquelles, dans notre exposé de la révélation concernant l’Homme-Dieu, nous observerons l’ordre suivant : synoptiques ; Actes des apôtres et épîtres catholiques autres que celles de saint Jean : épîtres de saint Paul et épîlre aux Hébreux ; écrits johanniques, apocalypse, évangile et épîtres.

_ Les conditions extérieures de la révélation du Christ. L’historien de Jésus-Christ doit s’y arrêter longuement. Voif la récente Vie île S.- S..Icsus-Christ, par L.-CI. Iïllion, Paris. 1922, t. i, c. u. m. Le théologien n’en retiendra que ce qui est indispensable pour comprendre la réserve et la prudence de Jésus dans l’affirmation même de sa mission et de sa personnalité divine. Ces conditions extérieures peuvent se ramener à deux principales : conditions politiques et sociales du milieu juif : attente messianique. Nous les indiquerons brièvement, dans la mesure que comporte l’objet de cet article.

1. Conditions politiques et sociales du milieu juif. — On peut les résumer ainsi : n) le peuple juif était, pour ainsi dire, divisé en deux grandes catégories, celle des Juifs habitant la terre d’Israël : celle des Juifs dispersés chez les Gentils en de nombreuses colonies. Sur les

colonies juives, voir Scbûrêr, GeschichU des fQdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, t. iii, p. 1-70. L’union des dispersés avec Jérusalem était fortement maintenue par l’absence de temple en dehors (te celui de Jérusalem, qu’au moment de la Pâque de nombreux pèlerins venaient visiter. Cf. Ad., n. 0-12. I> j Le

peuple de Palestine, tout en étant sous la domination de Rome, gardait encore une certaine autonomie, avec.

pour le gouverner immédiatement, soit des tétrarques ou administrateurs, sotl en Judée proprement dite, le gouverneur romain lui-même, résidant à César ée. Cf. Luc, m. l. 2. Pour plus de détails, voir Schûrer, ></>. cit.. t. i. p. 210-290 ;.1. Felten, Neutestamentliche Zeitgeschichte, oder Judenthutn und Heidenthum ; ur Zeit Christi und der Aposlel, Ratisbonne, 1910 ; l’illion. Vie de.V.-.S. Jésus-Christ, t. i. p. 122 sq.

— et Parmi les classes dirigeantes i qui s’opposeront. non seulement à la personne, mais encore à la doctrine du Christ, et dont l’opposition mettra en relief la transcendance de cette doctrine, on dislingue les Hérodiens, gens prudents, ralliés à la dynastie de l’iduméen Eiérode, et oui deviendront les ennemis de la popularité de Jésus, par crainte d’une réaction violente des Romains, Joa., xi, 48 ; les Zélotes, fanatiques, jaloux observateurs de la Loi et, comme tels, pharisiens, nationalistes par-dessus tout et adversaires de toute domination étrangère ; les Sadducéens, parmi lesquels se rangent les « princes des prêtres », aristocratie peu nombreuse de riches appartenant surtout à la haute caste sacerdotale ; les Pharisiens, interprètes, champions et, au besoin, vengeurs de la Loi, à qui se rattachent les t scribes » et les « docteurs » et dont X.-S. recommande même, en ce qui concerne la Loi, l’enseignement. Cf. Matth., xxiii, 2, 3. Jaloux de garder avant tout leurs privilèges, les sadducéens concilient volontiers la Loi et l’élément étranger ; les pharisiens, sur ce point, sont leurs adversaires déterminés ; mais lorsqu’un intérêt commun réunit les uns et les autres, ils sont facilement d’accord, ainsi qu’il advint pour ruiner l’influence du Christ, destructive de la leur. Voir Fillion, op. cit., Introduction, c. u.

2. L’attente messianique.

L’espérance messianique, à l’époque où parut Notre-Seigneur, semblait toucher à son but. L’annonce de l’ange aux bergers, Luc, ii, 11, est comprise par eux sans difficulté. La question posée par les mages, demandant « où est le Roi des Juifs qui vient de naître, » Matth., ii, 2, est très intelligible à Hérode, qui s’enquiert près des princes des prêtres et des scribes du peuple, « où le Christ devait naître ». La prophétesse Anne ne parlait-elle pas du Messie à tous ceux qui attendaient la prochaine rédemption de Jérusalem ? Luc, ii, 38. La même intensité d’espérance messianique remplit les récits de la vie publique du Sauveur. I.e Messie est i celui cpii doit venir » ou encore « celui qui vient », Matth., xi, 3 ; Luc, vii, 20 ; Joa., vi, 1 I. i A peine Jean-Baptiste a-t-il fait entendre, sur les bords du Jourdain, la parole sensationnelle : « Voici, le royaume de Dieu est proche », que l’austère anachorète est pris pour ce Messie attendu. Luc, iii, 15 ; Joa.. i, 19, 25. Lui-même dissipe l’illusion de la foule ; l’attente du Messie n’en est que plus vive au cœur de ses disciples. Lorsque paraît Jésus de Nazareth, étonnant la foule par ses miracles, l’émerveillant par ses discours, aussitôt se pose pour tous la question du Messie : on rappelle les données messianiques traditionnelles, on consulte renseignement christologique des docteurs de la Loi. Matth.. mi, 23 ; xvii, 10 ; Marc, i. Kl : Joa.. vii, 26, 31 ; x. 21 : xii, 34. Plus tard, l’ovation messianique, si enthousiaste, qui marque l’entrée

triomphale de Jésus à Jérusalem, ovation spontanée, ou peut le dire, (le la part de la foule et contrastant avec la réserve mise jusque-là par le Sauveur a afficher ses prétentions à la messiauité, témoigne éloquemment de la force qu’avait acquise dans l’espril populaire l’espérance au Messie promis. Marc, xi, 7-10, et parall. cf. Matth., ix. 27 : Marc.. 17. et parall. L’intensité de cette préoccupation se mon ire Jusque dans l’interrogatoire que le sanhédrin fait subir a Jésus sur sa qualité prétendue de Christ », Marc. m. 61 ; Matth.,

xxvi. 63, et dans les apostrophes que la foule railleuse adresse au « Roi d’Israël » crucifié, Marc, xv, 32 ; Mat th., xxyii. 39 ; Luc, xxiii, 35. Enfin, l’histoire même de l’Église primitive, telle qu’elle apparaît dans

les Actes des apôtres, les épîtres et les autres écrits du Nouveau Testament, atteste à chaque pas, extrêmement vivante dans l’esprit des Juifs, la croyance au Christ-Sauveur. Constamment, les apôtres [ont appel à l’idée messianique : leur premier souci est de prouver que ce que les prophètes ont prédit du Christ. Jésus l’a réalisé, et qu’il est bien le Messie attendu et si ardemment désiré, i Act. iii, 18 ; v, 42 ; vin, 37 ; i, 22 ; xvii. 3 ; xviii, 5, 28, etc. I.epin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p.

Cette attente du Messie, la théologie juive immédiatement antérieure à Jésus-Christ, la laisse elle-même percevoir comme très vive dans les esprits, voir col. 1127 ; les événements semblaient indiquer que l’heure de Dieu avait sonné. On avait toujours cru que l’oracle de Jacob, voir col. 1116, regardait non seulement le Messie, mais encore l’époque où il devrait paraître. Or, à la fin de l’an 38 avant Jésus-Christ, le dernier représentant de l’autorité souveraine promise à la descendance de Juda, Antigone, avait été mis à mort et remplacé par L’iduméen Hérodc. C’était donc l’usurpateur étranger qui régnait à Jérusalem, sous le protectorat de la puissance romaine. Ces temps semblaient donc arrivés et la nation juive tout entière frémissait d’impatience.

L’attente messianique débordait même les limites du peuple de Dieu. La captivité avait disséminé les.lu fs dans les grandes monarchies de l’Orient ; malgré I édit de Cyrus, permettant aux exilés de retourner dans leur [latrie, beaucoup de familles avaient préféré s’établir définitivement au milieu des nations ; il y avait des Juifs à Rome même l-’aut-il rattacher aux espérances répandues dans le monde par les Juifs de la dispersion ce que Platon disait aux Grecs : « [ Il faut] différer les sacrifices et attendre que Dieu lui-même vienne dans sa piété, ou du moins un envoyé du ciel’.' * Apologie de Socrule. Est ce à L’attente messianique que se rattachent les poétiques prédictions de Virgile, dans la IVe églogue’?Le moyen âge l’a cru, mais c’est loin d’être démontré ; du moins Suétone. Vie de Vespasien, c. iv, et Tacite, Histoires, t. V, c. xiii, rappellent expressément la croyance populaire en un roi victorieux qui viendrait de l’Orient. Ces deux auteurs sont d’ailleurs en dépendance, directe ou indirecte, de Flavius Josèphe, au témoignage duquel l’espérance messianique qui régnait chez les Juifs lut un des plus puissants leviers de la grande insurrection contre Rome, qui aboutit à la ruine de Jérusalem. De bello judaico, I. VI, C. v, n. 4. L’historien juif, courtisan des (.(sais, ne craint pas d’ailleurs d’appliquer à Vespasien les prophéties relatives au roi messianique. Textes de Suétone et de Tacite, dans Kirch, n. 3(> et 29.

Beurlier, L. monde juif au temps de Jésus-Christ et des apôtres (Coll. Science et religion, 2 vol., Paris, 1900 ; Hackspill, Étude sur le milieu religieux et intellectuel contemporain du V. T., dans la Revue biblique, 1900, p. 564-577 ; 1901, ». 200-215 ; 377-384 ; 1902, p. 53-73 ; Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; et les auteurs cités au coins du paragraphe, SchUrer, Lepin, Felten, Fillion, etc.

3° Vie de Jésus-Christ et théologie de Jésus Christ,

— Les mêmes documents sont utilisés par l’historien cl par le théologien. Toutefois une t vie de

JésUS-Christ n’est pas une « I héologie » de Jésus Cluisl.

il appartient en propre à l’historien de Jésus de reconstituer dans l’ordre chronologique où Us se sont succédé, la trame des événements, qui composent l’exis du Sauveur. Il 1 i faut, tout d’abord.

replacer Jésus-Christ dans le milieu où il est né, où il a vécu, afin « le présenter sa physionomie et celle de

son entourage sous une forme plus vivante et plus concrète. Il lui faut aussi, relatant les actes et les paroles de Jésus, faire œuvre de critique, en établissant sous leur forme la plus pure, les textes des saints évangiles ; en démontrant l’authenticité, la crédibilité de ces précieux documents, en expliquant de son mieux, selon toutes les ressources de l’exégèse actuelle, le sens précis des textes. Enfin, c’est encore a l’historien qu’il appartient de signaler et de réfuter les objections soulevées par la critique rationaliste contre l’authenticité, la crédibilité, le sens traditionnellement reçu des récits inspirés. On voit par là que le rôle précis de l’historien, en regard du Christ de la foi, consiste a présenter les motifs de crédibilité, tirés de la vie même du Christ, et qui sont les préambules de notre acte de foi en Jésus, Dieu et homme. Et de plus, tout ce qui appartient à la vie terrestre du Christ et manifeste la perfection de son humanité, est du ressort de l’histoire.

A la rigueur, le théologien peut se dispenser de relever les détails de la vie terrestre du Sauveur. L’Évangile même, à proprement parler, n’est pas le point de départ de son étude du Christ : le principe des spéculations théologiques se trouve, en effet, dans les articles de foi. tels que L’Église les propose. S. Thomas, Sum, theoL, la. q. i. a. 8. Mais il importe de remarquer que la révélation est la source des articles de la foi et de toutes les vérités qui y sont virtuellement contenues. Si donc le théologien veut embrasser son sujet dans toute sa compréhension, il devra, lui aussi, reprendre, du moins dans sa substance, l’œuvre critique et préparatoire de l’historien, et disposer ainsi les esprits à la foi au Christ, en fixant les préambules de cette foi. Mais il ne peut s’en tenir la : après avoir démontré la crédibilité du dogme, il lui faut étudier le dogme en lui-même et dans toutes ses conclusions, soi ! strictement dogmatiques, soit théologiques. Son œuvre dépasse donc celle de l’historien : elle la complète et la couronne.

Faisant œuvre à la fois de critique et de théologien, nous nous efforcerons de trouver dans l’étude directe du texte sacré tout ce qui peut justifier les affirmations dogmatiques relatives à la transcendance divine « lu Christ. Dès les premières lignes du Nouveau Testament, il semble, en effet, qu’une révélation nouvelle apparaisse clairement touchant Le concept de la per sonualité du Sauveur. Ce concept ne s’élabore pas sans doute eu des dissertations systématiques, telles qu’en donnaient les scribes juifs : mais il ressort nettement de la manifestation même de Jésus en ce inonde. La personnalité du Verbe incarné nous apparaît, même sous son aspect humain, avec une transcendance telle, que nous ne pouvons songer à j voir une simple personnalité humaine ; el souvent le divin j resplendit tellement « pie nous y lisons la transposition réelle et sincère de L’article de la foi chrétienne, que nous avons a commenter : Credo… in unum Dominum Jesum Christian, Filium Dei unigenitum, ex Paire niitum ante ssecula…, consubstantialem Patri… ; qui propter n<>s et propter nostram saluiem, descendit de cœlis et incarnatus est de Spirilu sancto ex Marii oirgine, et hotno f act us est.


II. Manifestation humaine de Jési s-Christ.

Des le début de la manifestation « lu Sauveur, le caractère transcendant et divin de sa personnalité est marqué. Et c’est par là précisément « pic ! « Nouveau Testament, « -n nous présentant l’Hommc-l >icu. se différencie de l’Ancien des ses premières pays. Toutefois, la révélation de la divinité du Christ m’produit à travers un développement normal « ! « son humanité.

(’.' « si par celle-ci que nous pouvons al teindre celle-là, et c’est pourquoi la connaissance « le la personnalité transcendante et divine du Sauveur suppose déjà connue celle de son humanité.

11-11

    1. IÉSUS-CHRIST##


IÉSUS-CHRIST. SA MANIFESTATION HUMAINE

1 1 12

I. MASIFSSTATWS DO HAUVXUR JÉSUS DANS l.’llï masitê. i" Naissance ù Bethléem. Michée, v, 2, avait clairement déclaré que le Messie tutur sortirait de Bethléem. Or, Jésus-Christ est né effectivement dans cette bourgade, Matth., i, 6 ; Luc, n. l ; cf. Joa.. vu. 42 ; I Reg., . 6. Los efforts faits par le critique rationaliste pour placer la naissance de Jésus à Nazareth, ou pour révoquer en doute le fait de sa naissance à Bethléem, doivent être considérés comme n’ayant aucune portée. Pour ne citer que quelques exemples. La naissance est placée à Nazareth par Renan, Vie (populaire) de Jésus. Paris, 1871, p. 8-9 : Keim, Geschichte Jésus von Nazara, Zurich. 1867, t. î. p. 325 ; 388-394 ; Pfleiderer, Die Entstehung des Christentums, Munich. 1905, p.l97 ; H.J. IIoltznniiin.Dje Synoptiker, 3° édi t..Leipzig. 1893. p. -1$1-$21 : Guignebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, p. 161. D’autres sont plus modestes et se contentent de révoquer en doute le fait de la naissance à Bethléem : Heitmûller, Die Religion in Geschichte und Gegenwart, Tubiague, 1912, t. iii, p. 365 : tNon liquett, dit Harnack, Neue Untersuchungen zur Apostelgeschichle, Leipzig, 1911, p. 105-106. Ces critiques allèguent les nombreux passages des évangiles où Notre-Seigneur est formellement appelé « Jésus de Nazareth », Matth.. xxi, 11 ; Marc., i, 24 ; x, 37 ; xiv. 67 ; xvi. 6 ; Luc, iv. 34 ; xviii. 37 : xxix, 19 ; Joa., i. 46-17 ; xviii. 5, 7 : xrx, 19 ; Act.. ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi.9 ; « Jésus le Galilcen », Matth.. xxvi, 69, 71 ; où l’on affirme que Nazareth était sa « patrie », Matth.. xiii. 54 ; vi, 1 ; où ses disciples sont appelés « Galiléens », Marc, xiv, 70 ; Joa., vu. 52 ; cf. Act., xxiv, 5 ; et même plusieurs textes du Talmud, Jésus « de Nazareth », ha-Notseri, Sanhedr., 43 a ; 107 b ; Sota, 47 a. Mais ces expressions sont amplement justifiées par tous les liens qui attachent Jésus à la ville où se sont écoulées les années de sa vie cachée, où il < a été élevé », Luc, iv, 16 ; elles ne signifient nullement qu’il y est né. Si Jésus a désigné lui-même Nazareth comme sa « patrie », Marc, vi. 4, il n’a jamais dit qu’elle fut son lieu d’origine. La croyance populaire, faisant venir Jésus de Galilée, et tout spécialement de Nazareth, cf. Joa., vn, 40-42 ; i, 46, était fausse, tout comme celle qui faisait de Joseph, le père de Jésus, et nous n’avons pas à en tenir compte. A l’erreur prétendue de Matthieu et de Luc, on ajoute gratuitement une contradiction ; d’après le troisième évangile, « c’est Nazareth en Galilée qui est indiquée comme la résidence habituelle de Joseph et de Marie ; ce qui ne concorde pas avec la donnée du premier évangile, qui ne fait arriver Joseph et Marie a Nazareth que plusieurs années après la naissance de Jésus ». A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 370. Cf. Scholten, Dos paulinische Evangelium, Elberfeld, 1881, p. 294-295 :.1. Weiss, Die Schriften des Xeuen Testaments, Gœttinguc, 1905, 1. 1, p. 46 ; etc. Mais saint Matthieu n’a jamais dit qu’avant Noël, la demeure habituelle de Joseph et de Marie fut Bethléem. Luc ne fait que compléter les données incomplètes de Matthieu. Donc, la naissance de Jésus à Bethléem n’est pas « un produit de la réflexion dogmatique », comme l’écrit Th. Keim, op. cit., p. 392 ; une « invention de la dogmatique messianique », comme le dit Heitmûller, .Irsus. 191 3 ; et comme le pensent de nombreux rationalistes. Volkmar, Jésus Nuzarenus, Zurich, 1882, p. 4 1 - 12 ; I L J.l loi tzmann, Die Synoptiker, p.52 ; K.Clemen, Dergeschichlliche Jésus, Giessen, 1911, p. 59-60. C’est par crainte du surnaturel que de telles affirmations sont avancées : on veut ne pas voir dans la naissance a Bethléem une réalisation de la prophétie de Michée et l’on veut du coup ruiner la véracité des chapitres évangéliques relatifs a l’enfance de Jésus-Christ. Cf. O. i loltzmaim, Leben Jesu, Tubingue, 1901, p. 68, Mais rien ne saurait prévaloir contre l’affir mation dos deux consciencieux historiens de.lésus, affirmai ion corroborée par le fait que l’empereur Adrien profana, eu 132, à Jérusalem, les s, tes traditionnels du crucifiement et de la passion, à Bethléem. l’emplacement de la naissance du Sauveur. Cf. Franz Delitzsch, M essianische Weissagungen, 2e édit., 1889, p. 129. Sur l’année exacte et le jour de la naissance du Christ, problème purement historique, qui n’intéresse la théologie ni directement, ni indirectement, on consultera E, Mangenot, art. Chronologie biblique, ix. dans le Dictionnaire de la Bible de M. VigOUTOUX, t. ii, col. 731-736. Sur le recensement de Quirinlus, qui esl l’occasion de tant de discussions, on se reportera à Lagrange, Où en est lu question du recensement de Quirinius, dans la Renie biblique. 1911, p. 60-34 et a L.-Cl.l’illion, Vie de N.-S. Jésus-Chris !, t. i, appendice xv.

2° L’origine dauidique du Sauveur est une question que le théologien ne peut négliger, car elle touche à la réalisation des prophéties messianiques les plus anciennes ; cf. Gen., xii, 3 ; xxii, IX ; xxvi, 1 ; xxviii, 11 : xi.ix, cS-12 ; I Par., xvii, 11-13 ; xxii, 10 ; xxviii, 6 ; Ps., lxxxviii. 21, 27, etc. « Il est impossible, écrit Renan, … de rechercher quel sang coulait dans les veines de Jésus. » Vie (populaire) de Jésus, p. 10. Quelques auteurs ont affirmé que le Sauveur appartenait non à la race juive, comme l’accepte encore A. Réville, Jésus de Nazareth, t. i, p. 417, mais soit à la race aryenne ou indo-germanique, S. Chamberlain, Grundlagen des neunzehnten Iahrhunderts, t. i, p. 210220 ; et Eric Haupt. dans Open Court, avril 1909 ; soit à la grande famille babylonienne, Fried. Delitzsch, Babel und Bibel. Leipzig, 1905, p. 11. Sans aller aussi loin, la plupart des rationalistes contemporains affirment que certainement Jésus n’est pas de race davidique ; la croyance de l’Église sur ce point remonte sans doute à la plus haute antiquité, puisqu’elle est constatée par saint Marc et par saint Paul ; et cependant cette croyance est erronée, Jésus ayant témoigné lui-même qu’ « il ne se considérait pas comme de la race de David », Matth., xxii, 41-45 ; cf. Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Ainsi parlent en substance Loisy, Les Évangiles synoptiques, Cefïonds, 1907, 1. 1, p. 329-330 ; A. Réville, Jésus de Nazareth, p. 381-382 ; J. Weiss, Die Schriften des N. T., loc. cit., O. Holtzmann, Leben Jesu, p. 164 ; V.Bousset, Jésus, Tubingue, 1904, p. 88 ; H. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 3840 ; etc. Mais la croyance des contemporains de Jésus n’étaitpas erronée et Jésus ne l’a point déclarée fausse dans l’épisode qu’on cite avec tant de complaisance. Toutd’abord la croyance primitive de l’Eglise, Matth., i, l ; i, 6-16 ; Luc, i, 32 ; iii, 31 : Joa, vu. 12 ; Rom..i, 3 : II Tim., ii, 8, est corroborée par ce fait que les Juifs, contemporains de Jésus, ne l’auraient très certainement pas appelé « Fils de David », Matth.. i, 20 ; ix, 27 ; xv, 22 ; xx, 30, 31 ; xxi, 9, 15 ; Marc, , 17, 48 ; Luc, xviii, 38, 39, s’ils n’avaient pas été convaincus de cette filiation. Cette persuasion dont la trace se retrouve à mainte page de l’Évangile, Matth., xii, 23 ; xxii, 12 : Marc, xii, 35 ; Luc, i, 69, etc., était telle que le peuple n’aurait jamais consenti a regarder comme Messie un prétendant, quel que lût d’ailleurs son mérite, qui n’aurait pas rempli celle condition, indispensable et facile à vérifier. De plus, Jésus n’a jamais nié son origine davidique : une telle négation eût été

incompréhensible de la pari de celui qui se présentait au peuple juif en qualité de Messie. L’épisode qu’on signale n’a pas du tout la signilu ation qu’on fin prête, veut simplement affirmer que la filial ion davidique n’explique pas les relations qu’il possède avec Bien dans la partie transcendante de sa personnalité. c’est-à-dire dans la filiation divine. Ainsi l’entendent, non seulement tous les catholiques, mais bon nombre

de protestants, II. Wendt, Die Lehre Jesu, 2e édit., Gœttingue L901, p, 124 ; Dalman, Die WorteJesu, Leipzig, 1898, t. i. p. 202-204 ; 231 : Spilta, Streitfragen der hichteJesu, Gœttingue, 1907, p. 157-172, et même Keim, Geschichte Jesu, 1. 1. p. 326-328

Mais comment devons-nous établir la filiation davidique de Jésus-Christ ? Devons-nous accepter les généalogies dressées par saint Matthieu et par saint Luc.’Les rationalistes ont accumulé contre elles tant d’objections : on les dit contradictoires, parce qu’elles ne concordent pas entre elles : Inutiles, parce qu’elles aboutissent à Joseph, qui n’est pas le vrai père de Jésus, ou, si Jésus doit être dit lils de David par Joseph, inconciliables avec le dogme de la conception virginale <lu Sauveur : impossibles à vérifier et, somme toute, établies après coup pour justifier devant la conscience chrétienne la descendance davidique de Jésus-Christ. Nous retrouvons ici encore les noms de l.oisy. a. Réville, 0. Holtzmann, .J. Weiss, etc. Il n’appartient pas au théologien de discuter dans le détail ces objections, aussi vieilles que l’Église et déjà proposées par Celse, Julien l’Apostat et Fauste le manichéen. On se reportera à l’art. Généalogie de JéSUS-Christ dans le Dictionnaire de la Bible, t. III, col. 166, pour avoir les solutions des diverses dillicultés. Ce qu’il importe de remarquer, au point de vue de la réalisation des prophéties, c’est que, même en admettant que les deux généalogies de Matthieu et de Luc soient par Joseph et n’indiquent pour le père légal qu’une filiation davidique légale, il n’en est pas moins vrai que Jésus, par Marie, possède une filiation davidique naturelle. Une tradition très ancienne, reçue par saint Ignace d’Antioche, Ad Eph., xviii, 2 : Ad Trall., ix, 1 ; Ad Snujrn., i, 1, éclit. Funk. Paires apostoliei, Tubingue, 1901, p. 227, 249, 277 ; par saint I renée, Conl. Hsereses, t. III, c. xvi, n. 2 ; c. xvii, n. 1 ; P. G., t. vii, col. 921, 929 ; par saint Justin. Dialog., n. 43, 15, 100, 120, P. (, .. t. vi. col. 567, 572, 709, 753 ; par Tatien, Dia/essaron, 5, 13 ; parTertullien, Adi>. Marcionem, 1, III, c. xvii, xx ; l. IV, ci ; I. V, c. viii ; De came Christ Lc. xxii.P. L., t. ii, col. 373, 378, 391, 521, 831 ; et plus tard, par Eusèbe, Demonsl. evang., I. VII, e. iii, n. 10, P. G., t. xxii. col. 565, nous atteste que Jésus, par M arie, est, selon lu chair, de la race royale de David. S’il n’est point probable que les mots èÇ otxou Aa’jelS Luc, i, 27, tombent sur la Vierge ou sur Joseph et la Vierge conjointement, il est certain que Luc suppose à la vierge Marie une origine royale, i, 32, (> !  : et saint Paul l’insinue également, Rom., i. 3 : II Tim., ii, .S ; Ileb.. vii, 14. il semble donc que soit condamnée d’avance la thèse des néo-critiques, rattachant Marie à la tribu de Lévi. II. Kwald, Die drei ersten Evangelien, 1850, p. 180 ; F. Spitta, Der Brief des Julius A/ricanns. Halle. 1877, p. II ; il. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 310 ; J. Weiss, Die Schriften des S. T., t. i. p. Ilii, etc. La parenté de Marie avec Elisabeth, Luc, i, 36, laquelle comptait parmi les filles d’Aaron, prouve simplement qu’un mariage avait été contracté auparavant par un membre de la famille de David et de la Vierge et une descendante d’Aaron. Depuis longtemps, saint Augustin, Contra Fauslum, I. XX III. c. hv, i. avait réfuté ce sophisme de Fauste. P. /… t. m.ii. col. 1(17. 471.

Les textes du’testament îles douze patriarches, Siméon, 7 ; (.ad. 8 ; l.évi. 2 ; Dan..". : Joseph. 19, rattachant le Sauveur à la tribu de Lévi, attribuent à Jésus une

origine lévitique au sens spirituel, pour désigner qu’il sera aussi prêtre. Mais il est selon la chair de la tribu

de Juda. Juda, 19, La double origine est bien exprl mée dans le Testament de Siméon : Le Seigneur fera sortir de Lévi un prêtre, et de Juda, un roi, Dieu

et homme. Sutla convenance de l’origine davidique

du Sauveur, et, par elle, de l’incarnation par voie de

génération humaine, voir Incarnation, t. vii, col. 1 170.

3° Jésus homme, soumis aux lois qui régissent le déneloppement de l’humanité. — Notre-Seigneux Jésus-Christ, dès les premiers instants de son existence, apparaît homme comme les (mires hommes soumis aux mêmes développements. — 1. Conçu par la vierge Marie, il naît a Bethléem, après les neuf mois de gestation exigés par les lois naturelles. Dès l’instant de la conception et de la naissance se vérifie la parole de saint Paul, habita inventas ut homo. l’hil.. n. 7. Cette parole se vérifie aussi dans la marche de la croissance humaine de Jésus, mieux relatée par saint Luc que par les autres évangélistes. Avant même de signaler les progrès intellectuels et moraux de l’Kufanl-Dieu, Luc indique les différentes phases de son développement physique, nous le montrant tour à tour à l’état d’embryon dans le sein de sa mère, i, 42, ppécpoç èv rf) y.oiXta ; petit enfant, tô raiStov, ii, 17.27, 40 ; cf. Matth., ii, 13-14 ; 20-21 ; et enfant, jracïç, ii, 13. La croissance physique est expressément marquée pour Jésus, ii, 40, comme elle avait été marquée pour. Jean-Baptiste, i. 8, réalisant la prophétie d’Isaïe. i.iu, 2. Jésus grandit donc et se développe d’après les conditions ordinaires.

2. Bien plus l’évangéliste parle d’un accroissement analogue dans sa vie intellectuelle et morale. Au v. 10, il avait simplement affirmé que « le petit enfant croissait et se fortifiait, plein de sagesse, et [que] la grâce de Dieu était en lui ; » mais au t. 25, avec plus de netteté, il affirme que Jésus avançait en sagesse et en âge (en taille) et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » Les paroles de Luc ne peuvent s’entendre que d’un développement réel, progressa : et cette affirmation, sous un certain rapport, marque mieux, semble-t-il. la réalité de l’incarnation du Verbe, Dieu sans doute, mais homme aussi. Mais, sous un autre rapport, cet accroissement intellectuel et moral ne va pas sans faire difficulté, car, en raison de l’union hypostatique, l’intelligence du Christ n’at-elle pas obtenu du premier coup, la plénitude de son objet, la sainteté de Jésus n’a-t-elle pas été parfaite ? Nous aurons â résoudre plus loin le problème théologique que soulève cette difficulté ; mais retenons, comme acquise, l’assertion d’un’progrès réel dans la science expérimentale du Christ, et dans l’exercice extérieur des vertus. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III », q. xii, a. 2, ad 1° » >. Cette solution, provisoirement retenue, il devient facile d’exposer, au point de vue historique et exégétique, à la lumière de l’évangile, interprété par les l’ères et par les théologiens, ce que fut le progrès intellectuel et moral du Christ enfant. Problème délicat entre tous, que jusqu’ici, aucune pensée humaine n’a pu résoudre d’une manière complètement satisfaisante, » avoue un protestant orthodoxe plein de foi, le D r Keil, Kommentar aber die Evangelien tics Mariais und des Lukas, Leipzig, 1879, p. 244.

3. Sans doute, une âme aussi parfaite que celle du Christ n’a pas eu réellement de maître, selon l’aeccplion habituelle du mot. Cependant comment ne pus admettre, sur le développement de sa science expérimentale, l’influence du milieu dans lequel Jésus a vécu et grandi, l’influence de la Palestine en général, de la Galilée et de Nazareth plus particulièrement, de Nazareth où devait s’abriter et se recueillir toute la vie cachée du Sauveur. celle influence qui explique l’amour de Jésus pour son peuple et sa patrie ? D’autre part, que de sujets de comparaisons, ulilisés

plus tard dans les discours du Maître, et empruntés a la nature, si riante et si riche, des environs de Naza

reth. Partout, dans la nature. Jésus contemple les vestiges du Dieu tout puissant et infiniment bon.

Mat th., vi, 26-30. Le monde des plantes et des anl1 1 15

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. SA MANIFESTATION IIIMAINK

1 I’.(>

maux lui fournil la solution des problèmes les plus graves. Matth., un, 24-30 ; 31-32. Ses paraboles surtout dévoilent à quel degré il était attentif aux détails les plus insignifiants en apparence, de la vie végétale

et animale… [Qui ] ne se rappelle pas avec sympathie le lis des champs et sa splendeur éphémère, le blé qui lève doucement, l’ivraie semée dans le champ par l’homme ennemi, le figuier verdoyant, mais stérile, la vigne qui a besoin d’être émondée pour produire plus de fruits, les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent et que Dieu nourrit avec libéralité, les petits du corbeau qui reçoivent providentiellement aussi leur pâture, la poule qui cache ses poussins sous ses ailes, le chant régulier du coq à certaines heures de la nuit, les renards qui ont leur tanière tandis que le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête, la brebis qui suit son pasteur ; et aussi, dans la nature inanimée, le coucher rutilant du soleil, le vent brûlant du sud, le lac et les montagnes, et cent autres traits analogues’? En vérité, nous ne comprendrions pas complètement l’âme, l’intelligence et le caractère personnel de Jésus, si nous ne remarquions pas les impressions que la nature a produites sur lui pendant son adolescence et sa jeunesse. » Fillion, Vie de X.-S. Jésus-Christ, t. i, ]). 365-366.

4. Les faits quotidiens de la vie contribuèrent aussi â l’éducation expérimentale de Jésus. Dans la vie domestique, sociale ou politique, cette influence apparaît manifeste : i En se contentant d’ouvrir les yeux, que n’a-t-il pas appris peu à peu ? Les cérémonies de la cour royale, aussi bien que celles des noces villageoises ; les vêtements précieux qui deviennent promptement la proie des mites ; les règles du raccommodage le plus vulgaire ; l’administration des grandes propriétés ; la lampe sur le chandelier ; le sel qui préserve les aliments de la corruption ; les lois du marché (deux passereaux pour un as : cinq pour deux as) ; les relations des ouvriers et des propriétaires ; les jeux des enfants, tels qu’il les avait sans doute pratiqués lui-même ; les murs des maisons percés par les voleurs ; la nécessité de bâtir sur un terrain solide, les prières interminables des païens, les travaux du berger, du laboureur, du pêcheur… : il a tout observé. il connaît tout, il profite de tout pour en orner et en fortifier son enseignement. C’est donc en pleine exactitude qu’on peut parler de l’éducation de Jésus par les sens et par l’expérience. » Id., ibid., p. 360-307.

">. Il faut également noter l’influence de Marie et de Joseph sur l’enfant confié â leurs soins. L’Évangile nous la signale d’un mot : et erat subdilus Mis. Luc, n. 51. C’est de sa mère que Jésus apprit à balbutier les premières prières, à lire quelques psaumes et le décalogue ; c’esl elle qui raconta à son divin Fils les principaux épisodes de l’histoire des Israélites, lui parlant du l’ère céleste et de son rôle futur de Messie. Et, en agissant ainsi, la Mère du Christ savait qui il était et, chargée du devoir de l’instruire, elle n’oublia jamais de l’adorer. » C. Fouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. i, p. 107. C’est sous l’influence de ses parents que Jésus-Christ acquit le développement relatif â l’étude du langage courant, l’araméen, et sans doute aussi du langage liturgique, l’hébreu. Il put aussi apprendre le grec, couramment parlé en Galilée, langue dans laquelle deux de ses i frères », Jacques le Mineur et Jude devaient écrire leurs épîtres. vraisemblablement en grec que Jésus s’entretint avec le centurion romain. Matth., viii, 5-13 ; avec les Hellènes i dont parle Jean, xii, 21. avec Pilate et d’autres encore.

C’est encore un progrès dans la science expérimentale qui s’affirme dans l’apprentissage de Jésus comme charpentier. Il est le lils du charpentier, Matth., xiii, 55, ou encore, plus simplement, « le char pentier, i Mare., m. 3. Saint Justin nous le montre fabriquant des charrues et des jougs. Dialog., n. 88, P. G., t. vi, col. 088. Aux yeux îles Juifs contempo-i rains du Sauveur, le travail manuel était d’ailleurs en haute estime, et de nombreux rabbins pratiquaient toutes sorles de métiers. Matth.. îv. 18-29 : xx. 1-11, Luc, xxiu. 33 ; Marc, ii, 21 ; VI, 3 ; ix. 3 ; Joa., XIX, 29 ; xxi, 3-4 ; Ad., xviii, 3, relatent différentes professions ; cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif, Paris, 1910, p. 206-221 ; 242-246 ; 303-304, etc. Le Talmud surtout nous tait connaître la vie du peuple juif â ce point de vue, nous rappelant les pressantes exhortations des docteurs de la Loi en laveur du travail manuel. Cf. F. Delitzsch, Handwerkerleben zur Zcit Christi. ein Beitrag zur neutestamentlichen Zeitesgeschichte, Leipzig, 1868 ; L.-Cl. Fillion, Essuis d’exégèse, Paris, 1884, p. 239-200. Rien d’étonnant donc, que Jésus ait travaillé, simple et laborieux artisan, subvenant, par son labeur quotidien, aux besoins de sa mère et aux siens propres, après la mort de saint Joseph.

6. Dans un autre ordre de choses, il ne semble pas qu’à l’exemple îles jeunes Israélites, qui se proposaient d’embrasser la carrière alors si glorieuse de docteur de la Loi, Jésus-Christ, après quelques leçons reçues peut-être dans l’humble école (attenante à lasynagogue de la bourgade), ait suivi pendant plusieurs années les cours des académies rabbiniques de Jérusalemou d’autres villes de Palestine. Saul avait reçu cette éducation, Act., xxii, 3. Mais de Jésus, on savait pertinemment à Jérusalem qu’il n’avait pas fréquenté les écoles supérieures, Joa., vii, 15 ; et à Nazareth, où s’écoula toute la jeunesse du Sauveur, on ne comprenait pas, lorsqu’il sortit de son obscurité, d’où lui venait une sagesse si extraordinaire. Matth., xiii, 54 ; Marc, vi, 2-3. Si Jésus reçoit plus tard les titres de rabbi ou de rubboni, .Matth., xxvi, 25, 49 ; Marc, ix, 4 ; x, 51 ; xi, 21 ; xiv, 45 ; Joa., iii, 2 ; iv, 31 ; ix, 2 ; xi, 8 ; xx. 10. c’est uniquement à cause de sa science étonnante des Écritures et de la Loi. Si Jésus devait à une influence humaine quelque progrès intellectuel de ce chef, ce serait bien plutôt à ses fréquentations assidues aux pieux exercices des synagogues, aux jours de sabbat et de fête, Matth.. iv, 23 ; ix, 35 ; xii.ll ; xiii, 54 ; et à ses lectures de la Bible, le livre éducateur par excellence. Les formules qu’il emploiera pour introduire ses citations : « N’avez-vous pas lu ?… Comment est-il écrit’?… Comment lis-tu ?… » Matth., xii, 3. 5 ; xix, 4 ; xxi, 16, 42 ; xxii, 31 ; Marc, ii, 25 ; xii, lu. 26 ; Luc, vi, 3 ; x, 20, prouvent à elles seules à quel point il connaissait la Bible. Et les emprunts qu’il fera a la Bible montrent retendue, la sûreté, la pénétration dises connaissances.

7. Pourrait-on dire que Jésus ait été redevable d’une partie de son développement moral à la tentation, à l’épreuve ? Il fut tenté, certes — les évangélisles le disent en toutes lettres, Matth., iv #, 1-11 ; Marc, i, 12-13 ; Luc, iv, 1-13, — mais sans péi Heb., iv, 15, car il n’était pas possible que le mal moral effleurât jamais de son souille celui qui est né saint >. Luc, i, 37. Ces tentations du moins et les victoires réitérées dont elles furent l’occasion, on ! contribué pour leur part a faire croître.lesus en sagesse et en grâce. I)es tentai ions, on peut dire déjà ce que l’auteur

de l’épître aux Hébreux affirme <les souffrances par rapport a l’obéissance du Christ. Certes. Jésus pi dail la vertu d’obéissance, aussi parfaite dès le premier instant de sa Vie qu’à l’heure de sa mort ; mais l’exercice de cette vertu s’esl manifesté dans l’expérience concrète des difficultés de l’existence ; cum essei F Mus Dei, didicit, aUs qum passus est, obedientiam, I leb.. v, 8,

4° Insuffisance absolue de ces explications. Et 1 18

cependant, il faut avouer que toutes ces raisons humaines ne suffisent pas à expliquer le développement intellectuel et moral de Jésus. Elles n’en révèlent qu’un aspeet. celui par lequel le développement se trouve en relation avec Ks événements extérieurs dans lesquels évolue l’existence humaine de Jésus : i Un résultat beaucoup plus grand, écrit encore fort à propos M. Fillion, op. cit., p. 367-368, fut produit, dès sa première jeunesse, par ses réflexions personnelles sur ce qu’il voyait et entendait, spécialement sur son rôle de.Messie et sur ses relations avec Dieu. En vérité, c’est avant tout dans cette direction, du côté de la personnalité de Jésus, que nous devons chercher la raison la plus efficace et la cause essentielle de son développement. Le reste ne pouvait être qu’accessoire et superficiel. Rendons cette justice à la plupart des néo-critiques : ils admettent eux-mêmes qu’il en fut ainsi, et ils le disent parfois en termes excellents : Nous venons, écrivait Auguste Sabatier, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. viii, p. 366-367, de marquer toutes les influences au milieu desquelles grandit Jésus….Mais il serait bien vain de vouloir expliquer sa personnalité comme le produit naturel de leur action combinée. Cette explication mécanique ou physiologique ne suffit jamais à expliquer un grand génie… Il reste, dans cette grande individualité, à côté des actions extérieures qui l’ont formée au dehors, une force intime, un nescio quid divinum qui vient du dedans et qui échappe à toute appréciation. Or, cet élément primitif, spontané et divin, a fait l’originalité de Jésus… De quel élément veut-on parler ici ? « La marque distinctive de Jésus est d’avoir apporté dans le monde et conservé jusqu’à la fin une conscience pleine de Dieu et qui ne s’en est jamais sentie séparée. S’il trouvait Dieu si sûrement dans l’Ancien Testament ; s’il le voyait si clairement dans la nature ; c’est qu’il l’avait en lui-même et qu’il vivait intimement avec lui dans un perpétuel entretien. » Il y a, dans ces lignes, quelques idées très justes, et il nous plait de constater que nos adversaires les plus éminents reconnaissent que c’est dans la nature exceptionnelle et unique de Notre-Seigneur qu’on doit chercher le vrai principe de sa croissance. Voir aussi Stapfer, Jésus-Christ avant son ministère, Paris, 1896, p. 186-187 ; Th. Keim, Geschichte Jesu, 1. 1, p. 150. Mais que l’aveu est incomplet, imparfait ! C’est qu’on ne consent à voir en Jésus-Christ que de l’humain, du relatif par conséquent, tandis qu’il possédait de l’absolu, du divin. In divinité même. »

En effet, les relations étroites que Jésus avait avec Dieu n’étaient pas seulement celles que la prière et la méditation établissent entre le Seigneur et ses amis lidèles, — et que « lire de la ferveur, de l’extase des

oraisons du Verbe incarné, des lumières que son esprit’I sou âme y puisaient incessament ! mais celles d’une identité de nature, d’une génération et d’une

filiation* strictement divines. N’allons doue pas chercher sur la terre, dans les hommes ou dans les choses, dans la nature ou dans l’histoire, la raison dernière du développement, de la formation du Christ Jésus. Cherchons-la dans son origine céleste. N’a-t-il pas dit un jour, Joa., vii, 16, que son enseignement était celui du Père qui l’avait envoyé, et n’est-ce pas dans le sens

le plus littéral qu’il (’tait le Fils de ce grand Dieu ? Son éducateur véritable, c’est donc le Dieu vivant ; c’est par conséquent lui-même. Le milieu c’est-à-dire le pays, la famille, l’école, la synagogue, les

i, de l’expérience et des choses, la lecture de la

Bible a certainement contribué quelque peu à

l’éducation morale du Sauveur ; mais son instruction principale, c’est le Verbe. Et nous en arrivons ainsi h la formule théologique que nous trouverons chez les Pères ci les grands docteurs de l’Église et que Mgr Le

Camus a condensée très exactement en ces paroles : « L’homme ne se séparait pas de Dieu au fond de cette personnalité divine. Il ouvrait progressivement, et selon les occasions diverses, l’œil de son âme à la lumière du Verbe qu’il portait essentiellement présente en lui. Il y lisait l’œuvre à accomplir ou la parole à prononcer. Ainsi, à la science naturelle et humaine, S’ajoutait la science divine, à laquelle il avait recours dans les proportions requises par les événements, et d’après les lois prudentes que la Providence traçait elle-même. Or, ces événements étaient toujours conformes aux phases régulières de la vie humaine ; voilà pourquoi l’évangélisle observe que l’enfant croissait en sagesse devant Dieu et devant les hommes, c’est-à-dire cpie, tout en ayant la science infinie de Dieu à son service, l’homme en Jésus-Christ ne s’en servait que proportionnellement à ses besoins, selon les lois du développement de sa nature humaine et de sa mission divine. » La vie de N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1883, t. i, ]>. 215.


II. L’IIUMAXITÉ DU SAUVEUR JÉSUS. — Il faut

maintenant reconstituer, d’après les données de l’Évangile et dans la mesure du possible, la physionomie et les caractères de cette humanité qui. depuis l’instant de la conception virginale, appartient au Verbe incarné et s’est développée en lui selon les lois de la croissance normale, habitu inventus ut homo. Toutefois, avant d’aborder cet aspect nouveau de notre élude, il convient d’éliminer une expression peu acceptable et que néanmoins on est souvent tenté d’accepter. On parle parfois de la i personnalité humaine de Jésus » : le sens que recouvre cette expression est, chez les catholiques, très certainement orthodoxe. On veut signifier la physionomie, la nature humaine du Christ. Théologiquement, puisqu’il n’y a, en Jésus-Christ, qu’une seule personne, la personne même du Verbe, voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 438, il ne peut y avoir, en Jésus-Christ, qu’une seule personnalité, et ce serait par un abus manifeste de langage quon parlerait de sa personnalité divine et de sa personnalité humaine. Éliminons donc à tout jamais de notre langage théologique une expression dangereuse et impropre, et ne discourons que de l’humanité du Sauveur Jésus, humanité complète, faite de corps et d’âme comme la nôtre, avec toutes les propriétés de l’âme et du corps. Rappelons toutefois que notre étude, présentement, se borne à rechercher dans l’Évangile, la physionomie de cette hum i.iité et laisse délibérément de côté les précisions comme les erreurs qui s’ajoutèrent ou s’opposèrent, au cours des controverses théologiques des âges postérieurs, à la révélation évangélique.

1° L’humanité complète et parfaite du Sauveur Jésus.

— 1. Après ce que nous avons déjà recueilli dans les synoptiques louchant la conception, la naissance, la croissance phj Sique, intellectuelle et morale du Christ, il est impossible de douter de la réalité de Jésus comme homme. Avec saint Luc, nous avons suivi les transformations de Celui qui, d’abord embryon dans le sein de sa mère, est devenu petit enfant, puis enfant, avant de parvenir a l’âgé de la maturité, iii, ’22 : àvTjp. L’humanité complète et parfaite du Sauveur est si manifeste dans tous les faits dont la trame de son existence est formée que les synoptiques ne songent pas a en proposer la vérité d’une manière particulière. Cette vérité éclate manifestement en ce que le Christ est né, a grandi, a vécu comme un homme au milieu des autres hommes, mangeant, buvant, donnant, conversant avec eux. a souffert et dans son âme et

dans son corps les tourments de sa passion douloureuse, est mort très réellement cl. dans sa résurrection, a 1res réellement réuni son âme à son corps, donnant, de la vérité de cette humanité reconstituée, L149

J] £S1 S-l KRIST. L’HUMANITÉ Dl SAUVEUR

L150

maints témoignages sensibles. Marc., wi, ; ». il ; Luc, nmv. 30, 39 ; 43. Et déjà, rien qu’a la lecture dos synoptiques, on peut formuler la conclusion qui sera

plus tard celle de Tertullien. Si le Christ ne fut pas homme, toute sa vie n’est que mensonge. Adversus Marcianem, 1. 111. c. viii. Cf. De carne Christi, c. v,

I’. L. t. h. col. 360, 805.

Il convient toutefois d’insister sur une expression qu’on retrouve maintes fois chez les synoptiques et dans saint Jean : Fils de l’homme (31 fois dans saint Matthieu. 1-1 dans saint Mari-. 25 dans saint Lue. 12 dans saint Jean : on la lit encore dans Act., vii, 5C et Apoc, i. 13 : xiv, 14). Malgré l’assertion contraire de plusieurs critiques, notamment de Lietzmann, Der M. nschensohn, Fribôurg-en-Brisgau, 1896, J. Wellhausen. Ski ::en und Yorarb’iten, t. vi (1899), p. 202, cf. N. Schmidt, art. Son of mon, dans YEncijclopsedia biblica. de Cheyne, t. iv, col. 4732, c’est bien Notre-Seigneur Jésus-Christ qui s’est donné à lui-même ce titre de Ris de l’homme. Cf. Dalman. Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 210. En quel sens Jésus se donnait-il ce titre ? Nous le rappellerons brièvement plus loin, voir col. 12".’!. Pour le moment, il nous suffit de retenir que Jésus s’est appelé le Fils de l’homme, ce qu’il n’aurait pu faire en tonte vérité s’il n’avait pas été un homme. Et donc l’expression Fils de l’homme est un excellent argument en faveur du caractère réel de l’humanité de Jésus. Ch. Pesch, Prxlectiones dogmatiete, I-ïibourg-en-Brisgau, 1909, t. iv, n. 29 ; Sanday, art. Jesus-Christ, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, t. n. p. 025. Aussi bien, c’est par son humanité, personnellement unie à sa divinité, que Jésus agit, souffre et triomphe : c’est pourquoi il apparaît comme le « Fils de l’homme » dans tous les textes qui se rapportent à son rôle de Rédempteur, de Dieu fait homme. On lira, avec les textes à l’appui, la démonstration de cette vérité dans l’art. Fils de l’homme du Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 2259.

2. Mais, en se plaçant au point de vue du mystère de Ja rédemption, saint Paul sera amené, à plusieurs reprises, à formuler la doctrine révélée touchant l’humanité parfaite de Jésus-Christ, en tous points semblable à la nôtre. « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin de nous faire recevoir la filiation adoptive. » Gal., iv, 4. Le mode de la rédemption est indiquée par la brève formule yev6|i£VOv éx. ywoixéç, yevâtievov ô— ô v6jxov. L’expression yev6[vevov lx Yuvaixôç, rappelle yevàyjsvoç ïv.n-.ïyyj.-.^z ÂotuslS Lyr.% oxpxa, Rom., i, 3, et, comme cette dernière, signifie la formation de l’humanité du Christ selon les lois de la conception ordinaire, du moins quant au principe passif, de cette conception. Il s’agit clone bien d’une humanité réelle et parfaite. Quant à l’autre expression Yev6p.evov ôto vôfzov, elle signifie que le Christ naît sujet de la Loi, en tant qu’il naît membre du peuple hébreu soumis a la Loi. Il le fallait pour mieux faire ressortir le but de la venue du Christ : racheter les sujets du joug de la Loi et de plus, pour répondre à la filiation naturelle que le Christ acquiert dans l’humanité, conférer à tous la filiation adoptive. Avec plus de précision encore, saint Paul, dans un autre texte « aussi fameux par sa difficulté intrinsèque que par les divagations sans nombre des exégètes » (Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 214), marque que l’humanité prise par le Sauveur n’a point la souillure du péché : Ce qui était impossible à la Loi, vu qu’elle était alîaiblie par la chair, Dieu envoyant son propre Fils dans la ressemblance de la chair de péché et en vue du péché, condamna le péché dans la chair, afin que le juste commandement de la Loi s’accomplit en nous. » Rom., viii, 3. La Loi montrait a l’homme le chemin de la justice et devait l’y conduire ; mais elle avait été

entravée et paralysée par la chair, c’est-à-dire par le

penchant au mal qui vicie la nature humaine. Pour vaincre et anéantir le péché dans son propre domaine. Dieu envoie son Fils dans la ressemblance d’une chair de péché, Paul ne dit pas : « Dans la ressemblance de la chair » ; car, s’il parlait ainsi, il laisserait entendre ou que le Christ n’a pas de chair véritable ou que sa chair était d’une nature différente de la nôtre. Mais il ne dit pas non plus > dans une chair de péché, i car il ne faut pas qu’on comprenne que le Christ a revêtu une chair de péché. Il dit donc, avec un rare bonheur d’expression : « Dans la ressemblance d’une chair de péché ; i car la chair du Christ est bien une chaire réelle que rien physiquement ne distingue de la nôtre mais elle n’est qu’en apparence une chair de péché, n’ayant rien de commun avec le péché. Cf. Prat, op. ciï., p. 244-245.

C’est donc parce qu’il doit être le nouvel Adam, restaurateur de l’ordre bouleversé par notre premier père, médiateur entre Dieu et les hommes, que le Verbe deviendra homme et réparera pour tous ceux qui participent à la nature humaine : Le premier Adam est un homme terrestre et grâce à la filiation que nous avons par rapport à lui, nous portons en nous l’image de l’homme terrestre ; mais le Christ est l’homme céleste et, par la filiation adoptive, nous communiquera l’image de l’homme céleste et la vie. Cette opposition entre l’œuvre de mort accomplie dans l’humanité par l’homme Adam et l’œuvre de vie accomplie par l’homme Jésus est reprise par saint Paul sous différentes formes ; mais toujours le terme moyen des comparaisons est l’homme qui existe aussi bien dans le premier Adam que dans le second : ’O — çwto ; a10p(O710ç… ô ScÛTspoç av0pcù7TOç, I Cor., xv, 47 :  ; 1. v. lô : ôr : pà>TOç ; l/Qzo)~ r jq’ASàf.y., ô ëayaTGç’ASocu et aussiꝟ. 21-22 : « Par un homme est venue la mort, et par un homme la résurrection des morts ; et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ. » Quant à l’épître aux Romains, elle est encore plus précise. Rom., v, 12-19 : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme… ; si par le péché d’un seul (homme) beaucoup sont morts, bien plus abondamment la grâce et le don de Dieu, par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus sur un grand nombre… Si, par le péché d’un seul, la mort a régné par un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de 1 ? grâce, et du don, et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus-Christ. Comme donc c’est par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c’est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie. Car, de même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, de même aussi, par l’obéissance d’un seul, beaucoup sont constitués justes. » De tous ces textes, il ressort que Notre-Seigneur, nouvel Adam, fut homme comme le premier : le premier Adam loutefois n’était qu’un homme ; Jésus-Christ, au contraire, tout en possédant l’humanité, possède aussi un nom qui est au-dessus de tout nom. Phil., il, 9. Si Jésus n’était pas homme, mensonge serait donc la rédemption tout entière : En effet, si Jésus-Christ n’élail pas vraiment homme, il ne serait l>as notre frère ; s’il n’était pas notre frère, il ne serait pas notre chef au sens strict du mot, s’il n’était pas notre chef, il ne serait pas notre représentant ; sa grâce lui serait personnelle et sa justice ne serait la nôtre à aucun titre. Ainsi s’explique l’insistance avec laquelle Paul inculque sans cesse la réalité de la nature humaine du Christ. » Prat., op. cit., p. 250. Mais, homme parfait, Jésus ne cessera pas d’être Dieu. « En lui habite corpoicllcinent la plénitude de la divinité. » Col., ii, 9. « Existant en la loi me de I lieu, il ne regarde

pas l’égalité divine comme une proie, niais il se dépouille lui-même, | en] prenant la forme de l’esclave et devenant semblable aux hommes : et reconnu homme, par ses dehors (lesquels manifestaient la réalité de sa nature), il s’abaissa, se faisant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix, i I’hil.. h. 6-8. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 447-4 19.

La formule : èv a’J7Ô> xoCTOUceï -âv -6 7r).Tjpw[ix tîjç 0sôt/ ; to ; a<o[iaTixwç, Col., n. 9, est significative par l’emploi d’une part du mot ->.r, p<ou.’z si en vogue plus tard parmi les gnostiques et d’autre part de l’adverbe si énergique uojjxaTixûç. Elle montre que saint Paul, en affirmant la réalité de l’humanité du Christ, par rapport à notre rédemption, entendait fermer la bouche au docétisme. auquel il fait une évidente allusion dans I Tim., vi, 20. ("est contre cette « science qui n’en mérite pas le nom, » qu’il affirme solennellement « qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus (fait) homme : i |1, Sc(t7)Ç ©sou xal àvôpcoTTcov avGpcorcoç Xpurràç’Lqaoûç, I Tim., a, 5.

3. Cette préoccupation antidocète, nous la retrouvons plus accusée encore, chez saint Jean. L’affirmation solennelle du début de son évangile : Le Verbe s’est fait chair (c’est-à-dire : homme) et il a habité parmi nous, i vise nettement et explicitement la réalité de l’humanité du Sauveur. Voir Incarnation, t. vii, col. 1446-1447, et Hypostatique (Union), ibid., col. 446-447. Mais dans les épîlres, c’est bien le docétisme qui est combattu : « Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Ant ichrist. i I Joa., IV, 3. « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde ; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair : c’est là le séducteur et l’Antichrist. » II Joa., 7. Ces allusions au docétisme naissant font comprendre le début île la l r’épître : Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nus yeux, ce que mais avons contemple et ce que nos mains ont touché du Verbe île pie. » C’est encore une attestation de la réalité de l’incarnation qu’on trouve dans ce verset : » C’est lui qui est venu par l’eau et le sang. Jésus-Christ, non dans l’eau seulement, mais dans l’eau et dans le sang, i 1 Joa., v, (i : allusion évidente au baptême du Christ et à sa passion non moins qu’à l’eau et au sang sortis du côté de Jésus en croix. Cf. Lebreton, Les origines du dogme île la Trinité, Paris. L910, p. I27-I2.S. D’ailleurs le réalisme intransigeant de saint Jean, en ce qui concerne la chair du Christ, est une des notes caractéristiques de son évangile spirituel. Le chapitre vi, dans le discours eucharistique qu’il contient, est significatif à cet égard. Saint Jean y accentue le caractère physique de l’union du fidèle au Christ : » Si VOUS ne mangez la chair du Fils de l’homme et si ous ne buvez sou sang. VOUS n’avez pas la vie en vous, i Joa.. VI, 54. Et la chair du Christ est pour la chair de l’homme le gage d’une i ésurreel ion glorieuse.. 55. I.’eucharistie est une telle preuve de la réalité de la chair du Christ que précisément les doceles s’abstiendront de prendre part au banquet sacré, parce qu’ils ne croient pas a l’humanité du Sauveur. S. limace. Snu/rn., vii, 1. Cf. Lebreton, <>i>. cit.. p. 10$1-$205.

Entrons dans quelques détails particuliers, plus significatifs, pour mieux marquer la realité de l’humanité du Christ, soit dans son corps, soit dans son aine.

1 ! " Le corps du Christ. 1. C’est par le mot chair

que saini Jean, nous lavons vii, désigne l’humanité,

puce que la chair est la portion visible de celle humanité ; saiul Paul nous dit également que le Christ pacifie par le sang de sa croix, » réconcilie - dans le COrpS de Sa chair.’Col., I, 20, 22 ; Jésus n’a 1 il pas

participé i à la chair et au sang » afin de détruire par la mort celui qui avait l’empire de la mort’? lleb., Il, 14. Nier la réalité du corps du Christ, ce ne serait pas seulement rejeter la réalité de son humanité complète et parfaite dont nous venons, en traits généraux, de démontrer l’existence, ce serait encore s’inscrire en faux contre la multitude des détails relevés par les évangélistes touchant les gestes habituels, les mouvements familiers du Sauveur.

2. Ils nous le montrent. en elïcl. dans diverses attitudes ; tantôt debout, Marc, iv, 39 ; Luc, viii, 24 : Joa.. vii, 27 : xiv..’il : tantôt assis. Mat th.. v. 1 ; xin. 2 ; xxiv, 5 : XXVI, 55 ; Marc, iv, 1 ; xii. Il : xiii, 3 ; Luc, IV, 20 : v, 17 ; Joa.. îv. Il : nui. 2. Parfois, il est étendu sur un divan, selon la coutume d’alors, pour prendre ses repas, Matth.. xxvi, 7 : Marc, xiv, 3 ; Luc, vii, 37 ; xi. 37 : Joa.. xiii, 1-1 ; ou bien il dort allongé sur le pont d’une barque, la tête appuyée sur un coussin. Marc, iv, 36. S’il prie, il est ou agenouillé, Luc, xxii, 41, ou prosterné par terre. Matth., xxvi. 30 : Marc. xiv. 35. Ses mains rompent les pains avant de les distribuer. Matth.. xiv.ltl : xv, 36 : XXVI, 26 et passades parallèles de Marc et de Luc ; Luc, xxiv. 30 ; prennent la coupe consacrée et la liassent aux apôtres, Mal th.. xxvi. 27 : Marc. xiv. 29 ; Luc, xxii. 17 : bénissent les petits enfants. Matth., xix, 13, 15 : Marc, x, 16 ; Luc, xviii, l.">, et les disciples, Luc, xxiv, 50 ; louchent les malades pour les guérir, Matth.. viii. 3 ; 15 ; ix. 29 ; xx. 34 ; Marc, i. 31 : viii, 23 ; Luc. iv. 10 ; v, 13 ; xxii, 51, etc. : et les morts pour les ressusciter, Matth.. ix. 5 : Marc, ix, 41 ; Luc, vu. Il : viii. 5 1 ; chassent les vendeurs du temple et renversent les tables des changeurs, Matth., xxi, 12 ; Marc, xi. 15 ; Joa., ii, 15 ; lavent humblement les pieds des apôtres. Joa., xiii. 5. Son corps tout entier se meut. « soit lorsqu’il se baisse et saisit saint Pierre qui s’enfonçait dans les eaux courroucées du lac, Matth., XXV, 31 ; soit lorsqu’il place à ses côtés, pour donner une leçon aux Douze, un petit enfant qu’il baise affectueusement, Matth.. xviu. 2 : Marc, ix. 35 ; xiii, l(i ; Luc. ix..17 : soit lorsqu’il se penche et écrit avec son doigt sur le sol, en face des accusateurs de la femme adultère. Joa., %iu. S ; soit lorsqu’il tourne le dos vivement à l’un de ses interlocuteurs, pour marquer son mécon teiitement, Matth., XVI, 23 ; Marc. viii. 33 : Luc. îx. 55 ; ou qu’il se retourne vers ses auditeurs pour donner plus de poids à ses paroles. Luc. vu. 9 ; x. 23 : xiv. 25 ; xxui, 28 ; cf. Matth.. ix, 22 : Luc. vii. Il : Joa., i. 38. Le plus émouvant de lous ses gestes fut certainement celui qu’il lit sur la croix, en inclinant la tête au moment où il exhalait son dernier soupir. Joa.. xix. 30. Que de fois aussi, les évangélistes ont noté les regards de Jésus ! Regard droit et bien en face, sur Simon, la première fois que Jésus le rencontra. Joa.. i. 42 ; regard pénétrant et douloureux sur le même apôtre dans la cour du palais de Caïphe après le reniement, Luc. xxii, 61 ; regard rempli de tendresse sur le jeune homme riche, mais lâche. Marc. x. 21 ; regard brillant de colère sur ceux qu’aveugle l’incrédulité, Marc, m. 5 ; regard aimable SUT Zacliéc. Luc. xix. 15 ; regard bon sur l’hémorrhoïsse, Marc.. 32 ; regard mélangé de tristesse et d’admiration sur les riches qui jettent avec ostentation leurs aumônes et la pauvre veuve qui dépose timidement son obole. Maie., xii. Il 12 ; regards pleins d’une muette indiquai ion. au soir de son entrée triomphale, condamnant les abus qui s’étaient Introduits dans les parvis

du temple, Marc, xi. 1 1 : regards admirables d’extase, quand le Christ levait les yeux au ciel pour prier Dieu. Matth., xiv, 19 ; Marc.vi, 11 : vu. 31 : Joa.. xi. Il : x

. i. Jésus aimait a regarder ses apôtres et ses, i ciples avant de leur parler, Matth., xix. 26 ;.Marc. m. 51 ; iii, :  ;  ; i ; x, 27 : Luc. VI, 20 ; et il regardait ainsi la 1 5’.

foule, avant de commencer son discours sur la montagne. Luc, vi. 20. La voix de Jésus savait prendre

les diverses intonations humaines, traduisant ainsi les sentiments cle l’âme humaine « lu Sauveur : i tour à tour, elle se faisait ferme et sévère, lorsque Jésus était contraint d’adresser un reproche, Matth., iv, l.

G, 10 ; xvi. l-l. 23 ; ou d’intimer un ordre à l’accomplissement duquel il tenait. Mare., i. 25, 43 ; i. 39 ; terrible pour prononcer un réquisitoire, Matth.. xxiii. ou une sentence de damnation, id., xxv, 41 ; en d’autres circonstances, ironique et méprisante. Matth.. iv. 1-10 : xxi. 27 ; Mare., m. 17 ; Lue., xiii. 15-16, 32 : autoritaire. Matth.. xxi. 1’.' : Mare., v. Il : Luc. vu. 1 I ; Joa., xi. 43 ; joyeuse. Matth.. vin. 10-11 ; Mare… 20-31. ou triste. Matth.. xi. 20 : Mare., x. 23-25 ; Joa., xiii. 27. infiniment tendre. Matth.. xxv. 31-40 ; Joa., i. 20-27. l-’illion, op. cit., p. 386-390.

3. Quant aux traits physkjues de Jésus-Christ, nous en sommes réduits aux conjectures ; à cause dis., lu. 13-liii. 12. voir eol. 1121. un assez, grand nombre d’auteurs des premiers siècles avaient imaginé que Jésus était laid de visage, petit, sans aucune distinction extérieure. Ainsi pensaient saint Justin. Dialog., n. 11. P. G., t. vi. col. 505 ; Clément d’Alexandrie, Strom.. 1. VI. c. xvii : Psedag., 1. III. c. 1, n. 3. P. G., t. ix. col. 381 ; t. vin. col. 557 ; Tertullien, De carne Christi. c. m : Adv. Judœos, c. xiv, P. L.. t. ii, col. 801, 679 ; et plus tard saint Basile et saint Cyrille « l’Alexandrie. Au cours des siècles, l’opinion contraire a prévalu, s’autorisant de Ps., xliv, 3, epai déclare le Messie le plus beau des fils des hommes, > et après saint Jérôme. Epist. lxv ad Principiam uirginem, n. S ; Comm. in Matth.. I. IX.c.ix. v 9, P. L., t.xxii, col. 627 ; t. xxvi. col. 57 : saint Augustin, De Trinilate, I. VIII, c. iv. n. 7. P. /… t. xlii. col.’.1.51 ; et, chez les grecs, saint Jean Chrysostome, In Mtdlhxum homilix, xxvii. n 2 P.’L. t. i.vii. eol. 310. les grands théologiens l’ont accueillie presque unanimement. Cf. S. Thomas. Sum. theol., UL. q. xiv. a. 4, et Comm. in ps. xliv-, Suarez, De incarnatione, disp. xxxii, sect. 2. D’après Legrand, De incarnatione, rliss. ix, le Christ n’était ni beau ni laid. Thomassin, De incarnatione, I. IV, c. vu. est partisan de la laideur. L’évangile nous dit simplement « iue le Verbe incarné nous est apparu i plein de grâce et de vérité », Joa., i, 14, que les foules l’entouraient, pleine d’admiration pour. « les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ►. Luc. iv. 22. Faut-il entendre ce mot grâce, en un sens plénier, qui inclue la grâce corporelle ? L’ascendant exercé par Jésus sur les foules semble bien suggérer cette interprétation. Voir Mgr Landriot, Le Christ et la tradition, Paris, 1865, t. ii, p. 291-294. F. Vigouroux, Le nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, p. 402-405 ; J. A. Van Steenkiste, De pidchriludine Jesu corporali, dans son Evangelium sec. Matth.. Bruges, 1882, t. iv, p. 1464-1468. Il est inutile de rappeler que nous ne possédons aucun portrait authentique de Jésus-Christ : les plus anciennes images peintes dans les catacombes sont des œuvres d’imagination, et, d’ailleurs ne sont pas antérieures au iv siècle ; voir Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. Catacombes (Art des), t. n. col. 2777. Il « si pareillement difficile de dire quel élément historique peut exister dans la légende de la face de Jésus-Christ reproduite sur le voile de Véronique, ou de l’empreinte laissée par le corps du Sauveur sur le sain ! suaire. Même en ne reconnaissant pas l’authenticité d « -s reliques « pion nous présente sous ces noms, notre piété envers Jésus-Christ n’a rien a perdre. Par ailleurs il n’esl pas besoin d’être un critique bien audacieux pour déclarer apocryphes, le portrait et la lettre envoyés par Noli c-Seigneui a Abgar, les images attribuées a Nicodème, ; i saint

DICT. DE THÉOL. (A 1 11’. I..

Luc et les achéropita. MarUCChi, Eléments d’archéologie chrétienne, 1. 1, Paris-Rome, 1900, p. 31 1. Voir

ABGAR, t. 1, eol. 07-73 et dans le Dictionnaire d’archëo logie, l’article Abgar ( Légende « P). Les descriptions de la physionomie « le Notre-Seigneur, celle « le saint Jean Damascène, Epist. ad Theophilum, n. 3-4, P. G., t.xcv col. 319 : celle de Nicéphore Callisle. Hisl., 1. I. e. i. ; cꝟ. 1. 11. c. vu. xi.iii : I. VI, C. xv. P. G’., t. c.xi.v.eol.747 ; et celle, très certainement apocryphe, de Publius Lentulus, cf. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, t. i, p. 301-310, semblent, à cause de leur ressemblance, procéder d’une source commune antérieure. La statue, élevée par l’hémorrhoïsse de l’évangile, â Panéas, en l’honneur du Christ, au dire d’Eusèbe, H. E., t. I, c. xiii, P. G., t. x, col, 120 sq., si tant est que celle statue ait représenté le Christ, a pu servir de modèle aux images orientales et aux nouvelles images introduites en Occident â la fin du ive siècle.

Sur la physionomie de Jésus : Philpin de Ri 1ère, La physiologie du Christ, Paris, 1899, p. 250-270 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2 édit., p. 386-388 ; E. von Dobschiltz, Christusbilder. Untersuchungen zur christlichen Légende, dans les Texte und Untcrsucliungen, t. xviii, 1899 ; F. X. Kraus, Real-Encyklopâdie der christlichen Alterthùmer, t. ii, p. 7-28 ; Hastiuns, Dictionary of Christ and the Gospels, t. i, p. 308-31 G ; Gliiekselig, Studien ùber Jésus Clu-istus und sein wahres Ebenbild, Prague, 1863 ; Ch. Mariamis, Jésus und Maria in ihrer àusscren Gesialt und Schônheit, Cologne, 1870 ; G. -A. Muller, Die leibliche Gestalt Jesu Christi, Graz, 1909. Voir également, parmi les rationalistes, K. Hase, Geschichte Jesu, Leipzig, 1891, p. 321-330 ; Th. Keim, Geschichte Jesu von Naxara, Zurich, 1867, t. i, p. 459-464 ; et Farrar, The Life o/ Christ in Art, Londres, 1894 ; J. L. French, Christ in sacred Art, Londres, 1900.

1. Il convient d’ajouter ici quelques traits relatifs â la vie journalière du Christ. — a) A l’annonciation Marie habitait Xazareth : c’est donc là qu’eut lieu l’incarnation ; la naissance du Sauveur doit être placée â Bethléem, cf. col. 1141. Après le retour d’Egypte, Joseph lixa le séjour de la sainte famille à Nazareth, Matth., ii, 12-13, où Jésus vécut jusqu’au moment de sa vie publique. Pendant sa vie publique, le Sauveur n’a plus de demeure fixe : Capharnaùm, que saint Matthieu, ix, 1, appelle < sa ville » était le centre principal d’où rayonnait son activité. Joa., ii, 12 : Matth., iv, 13. Sans doute, un disciple y avait-il mis une maison â sa disposition. Mais le divin Maître dut recevoir fréquemment l’hospitalité. L’Évangile nous en cite quelques exemples : Simon le pharisien, Luc, vii, 36-50 ; Simon le lépreux, Matth., xxvi, 67 ; Marc, xiv, 3 ; Joa., xii, 1-3 ; Zachée, Luc, xix, 1-10 ; le propriétaire du Cénacle. Matth., xxvi, 18 ; Marc, xiv, 13-15 ; Luc, xxii, 11, 12. Mais, dans ces exemples, il ne s’agit pas d’une hospitalité prolongée, telle qu’on la soupçonne exister là où Nicodème vint trouver Jésus « de nuit », Joa., iii, 2, et surtout chez Lazare et ses sœurs. Souvent aussi, quand le Maître se retirait loin des villes et des bourgades, il pouvait dire « pie le Fils de l’homme n’avait pas où reposer sa tête, tandis « pie les chacals ont leur tanière el 1rs oiseaux leur nid. Matth. vin, 20 ; Luc, ix, 58. — b) Le costume du Sauveur ressemblait a celui du commun des Galiléens, avec le turban Ilot tant d’usage invariable parmi ses compatriotes et indispensable sous le climat de Palestine, surtout en voyage. Jésus avail uni’tunique sans couture. Joa., iii, 2. ;. Pour tout le reste, couleur, forme, non, en sommes réduits.< de simples probabilités. Les chaussures étaient des sandales retenues par des cour-Matth. , iii, 1 1 ; Marc, t, 7 : Luc, m. 16 ; Jo

27. Nous sommes certain toutefois « pie la plus grande

simplicité régnait dans le vêtement du Christ : il avail dû mettre pour son compte personnel en pratique les

Vlll. 37

1155

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. L’AME Dl CHRIST

1156

recommandations qu’il avait faites à se*, apôtres,

de s’en aller prêcher dans le plus simple appareil : ni bâton, ni provisions, ni d’argent, pas de rechange pour la tunique ni les sandales. Mat th.. x, 9 ; Marc., vi, 8, 9 ; Luc, ix, 3 ; x, 4. — c) La nourriture de Jésu : Christ devait se composer des aliments les plus communs, ceux qu’il nomme lui-même dans une île ses instructions, le pain d’orge, le poisson, les œufs. Matth., vii, 9, 10 ; Luc. xi, 11, 12. Les apôtres allaient quelquefois eux-mêmes chercher ces provisions, Joa., iv. 8 ; et ils les emportaient avec eux quand c’était nécessaire, Marc. vin. M : mais ordinairement de saintes femmes pourvoyaient à ce soin. Luc. vin. 3. Les apôtres disposaient de quelque argent pour acheter le nécessaire Joa., VI, (>, 7 : mais Judas fut chargé de tenir la bourse et de faire certains achats. Joa.. Mil, 29. Noire-Seigneur accepta parfois des invitations à des festins. Matth., ix, 9-17 ; Luc, vii, 36 ; xiv. 1 : xix, 1-10 ; Joa., ii, 2 ; xii, 1-10 ; certains esprits étroits ont pu s’en scandaliser et l’appeler ( gourmand et buveur de vin ». Matth.. xi, 19 ; Luc, vu. 34. d) L’Évangile ne parle pas souvent du repos de Jésus. Une lois, fatigué du chemin, il s’assied près du puits de Jacob, Joa., iv, 6 ; pendant une traversée du lac de Tibériade, il dort dans la barque, la tête appuyée sur un coussin. Matth., viii, 21 ; Marc, iv, 38 ; Luc, vm, 23. Mais, par contre, l’Évangile relate les nuits fréquemment passées en prière, Luc, vi, 12 : cf. v, 1(5 ; xi. 1 ; Marc, i, 35.

5. Enfin, la réalité du corps de Kotre-Seigneur est encore al testée par les infirmités corporelles qui sont requises pour que le Christ pût réparer en souffrant pour nous. Cf. Luc, ix, 22 ; xvii, 15 ; xxiv, 26, 40 ; AcL. xvii, 3 ; 1 Pet., ii, 21 ; iv, 1, etc. Il ne s’agit pas, évidemment, des infirmités qui, en conséquence du péché originel, amènent une déformation dans la nature humaine, mais simplement des conditions physiques qui rendent possible la souffrance. Le Sauveur, en conséquence, de son humanité, a connu la faim, Matth., iv, 2 : Marc, iii, 2d et vi, 31, la soif, Joa.. iv. 7 et xix. 28, la fatigue après une longue marche, Joa., iv. Ci. le besoin de sommeil. Matth.. viii. 21 : Mari’., iv, 38 ; Luc, viii, 23. Comme nous, il a aussi été’sujet à la mort, dont la vue anticipée lui a causé une vive

répugi : e, Matth., xxvi, 37-42 ; Marc, xiv, 33-39 ;

Luc. xmi. 11-11. Toutes ces indications seront plus tard exploitées par la théologie. Voir col. 1327.

; " L’âme du christ. 1, A plusieurs reprises, le

divin Mailre. parle de son âme : Joa., xii, 27 : < mon ànie I L//, ) est troublée i ; Matth., XX, 28 : « le Fils de l’homme est venu donner son âme (<ja>x^1 v) " c’est-à-dire, sa vie ; Matth., XXVI, 38 : ( mon aine est triste jusqu’à la mort » ; Luc, xxxiii, 46 : < je remets mon esprit (7TveG(uc) entre vos mains. » Les écrivains sacrés la mentionnent directement, racontant que Jésus connut dans sou esprit t (tô> TTVEÛfvaTl), Marc, il, 8 ; qu’il frémit, qu’il fut troublé < dans son esprit Joa.. m, . ;  :  ;  : xiii, 21 ; qu’il gémit < dans son esprit Marc, viii, 12 ; qu’il < rendit l’esprit (to 77Vïôu.a). Matth.. xxvii, 50 ; Joa., i. 30. Mais c’est surtout indirectement que nous connaissons [’existence de l’âme de Jésus, par les manifestations de son activité naturelle et surnaturelle.’J. La sensibilité de son âme se inanité- le. par les émotions, joeuscs ou tristes, douces ou pénibles, et SUTtOUt par les émotions douloureuses qu’a ressenties le Christ.- n) Disons tout d’abord que, nonobstant les émotions même les plus vives, l’âme tle Jésus

se i édail toujours pleinement ; rien d’excessif n’y

isait, et tout y était dans l’ordre. Tel se mollira JésUS a (icthséinanC, où les émoi ions de son âme furent

pourtant si viveSJ Cf. Matth., xxvi, 36 16 ; Marc,

xrv, ꝟ. 12 : Luc, wii, .".’.t 16. Et Jésus lui-même

montre comme il contrôle et domine immédiatement sa sensibilité. Joa., xii, 27-28. Le calme de Jésus est toujours parfait et admirable : calme au milieu de la tempête, Matth.. viii. 24-26 ; Marc, iv, 37-39 ; Luc, vm. 23-25 : calme en face des démoniaques qui interrompent sis discours, Marc, i, 22-26 ; Luc, iv, 3335, etc. ; calme devant ses adversaires qui l’insultent ièrement, Matth., ix, 3 ; Luc, vii, 49 ; xi, 45 ; xiii. 14 ; Joa., vii, 20, etc., ou qui veulent le frapper. Luc. i. 28-30 ; Joa., vii, 30 ; viii, 59, etc. On pourrait citer d’autres exemples, la réponse du Sauveur aux menaces du tétrarque llérode Antipas, Luc, xiii, 3233 ; sa réponse à l’orgueilleux Pilate, Joa., xix, 11 ; le calme serein avec lequel il s’avance à la rencontre de ses bourreaux. Matth., xxvi. 45-46 ; la paix dans laquelle il rend son dernier soupir. Luc, xxiii. 1(>, etc.

lis ovations populaires ne l’atteignent pas plus que l’ingratitude des hommes. Il n’est point sans ressentir les unes et les autres… ; mais sa belle âme planait au-dessus… A son entrée triomphale à Jérusalem, il se possède comme devant les tribunaux, et l’Hosanna au lils de David ne trouble pas plus sa sérénité que les cris tumultueux de la foule au prétoire. » Mgr Landriot, Le Christ de la tradition, t. ii, ]). 348-349. — b) Néanmoins, Jésus a connu dans une certaine mesure les émotions violentes et douloureuses. lue lois, saint Marc, iii, 5, lui attribue un sentiment de colère ; mais plusieurs fois l’indignation paraît dans les menaces proférées par le Messie, Matth., ix, 30 ; xi. 2(1-21 ; xvi. 23 ; xxi, 19 : xxiii, 1-39 ; Marc, i, 25 ; vm, 33 ; ix, 21 ; x, 14 ; xi, 14 ; Luc, IV, 35 ; ix. 55 ; xi. 39-52 ; xiii. 15, ou encore dans les actes de répression ouverte auxquels il se livre sur les vendeurs du temple. Matth., xxi, 12-13. C’est surtout â Gethsémani et au Calvaire que le Sauveur fait la douloureuse expérience de la crainte, de l’effroi, de la tristesse et du dégoût : ccepit contrislari et mœstus esse, Matth., xxvi, 38 ; ccepit paverc et lœdcrc, Marc, xiv, 33 ; factus in agonia, Luc, xxii, 43. « Mon âme est triste jusqu’à la mort », s’écrie Jésus lui-même. Matth., xxvi, 38. Et c’est un cri de détresse qui s’échappe de ses lèvres, au moment d’expirer : Eli, EU, lamma sabacthanif Matth., xxvii, 16. Com ment de tels sentiments de tristesse pouvaient-ils s’accorder avec l’état de bonheur que l’union hypostatique devait créer dans l’âme de Jésus ? La théologie devra répondre à cette question. — c) D’autres sentiments très humains et d’ordre sensible paraissent encore dans l’âme du Sauveur : la joie. Luc, x, 21 ; l’admiration et l’étonnement. Matth., viii, 10 ; Marc, vi, 0. C’est la meilleure preuve que la présence de la divinité, bypostatiquement unie â l’humanité, n’entravait nullement le cours normal des phénomènes humains dans l’âme de Jésus.

3. L’intelligence du Sauveur. - a) Le divin Maître s’est proclame la - lumière du monde », Joa., viii, 12 ; il esi la vraie lumière qui éclaire tout homme venant eu ce monde, i. 9. A la lumière du Christ s’opposent les ténèbres de l’erreur et du mal, Joa., i, 5 ; iii, 19 ; cf. Matth., vi. 22-23 ; Luc. xxii, 53. L’intelligence humaine du Sauveur a été le phare de cette lumière de vérité. La science du Christ a été aussi parfaite que le requérait sa mission. II est venu sur terre i plein de grâce et de vérité. » Joa., i. 14. Et lui-même déclare à Nicodème : Nous parlons de ce que nous savons, nous attestons ce que nous avons vu. » Joa., iii, 11. Il s’agit ici des hauts mystères, cachés dans la science divine elle-même. Et Jésus atteste qu’il a reçu communication de ces mystères : i Personne n’a jamais vu Dieu, dit-il : le Fils unique, qui est dans le sein du l’ère, a lin même révélé les mystères divins. » Joa., i, 18. D’ailleurs le prophète lsaïe avait prédit que se reposerait sur le Messie l l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et l’esprit de science… » 1157

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. PHYSIONOMIE MORALE Hl CHRIST

L158

[s., xi. 2 ; que le Messie serait i donné comme un témoin aux peuples, comme un chef et un docteur aux

nation-, id.. îv. 1. El Jésus atteste i qu’il est né et venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, i Joa., xviii, 37. routefois si parfaite que soit la science du Christ, la théologie devra expliquer comment le Christ a pu dire du jour du jugement : i Personne ne comiait ce jour, pas même le Fils, mais seulement le Père. Marc xiii. 32. L’intelligence de Jésus vit donc en contact avec les grandes idées et fait de Jésus un profond penseur, mais sans toutefois l’empêcher de demeurer un très fin et très attentif observateur. — b) Cet esprit d’observation se manifeste par rapport même aux détails en apparence insignifiants : les comparaisons qu’il emploie, les enseignements qu’il donne sont émaillés de traits pittoresques que seule explique une attentive observation. Entre cent exemples, relevons le royaume des cieux comparé au tîlet jeté à la mer. Mat th., xiii, 17 : la parabole de la brebis perdue vers laquelle le bon pasteur dirige ses recherches, abandonnant les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne, xviii. f2 : les paraboles du semeur, Matth., xiii. 3-9 ; 24-30, et des dix vierges, xxv, 1-12 ; les détails relatifs au bon et au mauvais serviteur. Matth., xxiv, 15-51 : la parabole des talents, id., xxv, 14-30 ; du mauvais riche et du pauvre Lazare. Luc., xvi, 19-22. Il observe qu’un père de famille qui prévoit l’avenir met de côté dans son trésor nova et Datera, Matth., xiii, 52 ; que les pharisiens orgueilleux recherchent les premières places dans les festins. Luc, xiv, 7. Il répond différemment, selon les nécessités, à la même question posée, Luc., ix, 57-62. Intelligence vive et affinée, l’esprit du Christ passe des tableaux les plus réalistes, dans le bon sens du mot, Matth., vu. 8 : xi. 7-8 ; xix, 10-12 ; Marc, vii, 1819 : Luc. xv, 8-9 ; xvi, 19-31, aux conceptions les plus idéalistes. Quel royaume idéal que celui qu’il est venu fonder ! quelles idéales vertus n’exige-t-il pas des citoyens de ce royaume ! Et c’est par cet aspect d’idéalisme très relevé que l’intelligence de Jésus-Christ illumine sa physionomie morale si parfaite. — c) L’imagination du Christ est remarquable. Dans son enseignement, le divin Maître a souvent recours aux figures et celles-ci sont toujours belles, vraies, saisissantes : la marche rapide et mystérieuse du vent, Joa., m. 8 ; la source d’eau vive, Joa., iv, 10 ; le verre d’eau fraîche, Matth.. x. 42 ; la laboureur dirigeant sa charrue, Luc, ix, 02 ; l’homme fort et armé qui garde la maison, Luc, xi, 21 ; les serviteurs attendant, la lampe à la main, Je retour de leur maître bien avant dans la nuit, Luc, xii, 35-35 ; le mauvais riche vêtu de pourpre et de lin très fin, Luc, xvi, 19 ; la robe nuptiale, Matth., xxii, 11 ; l’aveugle conduit par un autre aveugle, Luc, vi, 39 ; les pêcheurs d’hommes, Marc, i, 17 ; la description de la fin des temps, Matth., xxrv-xxv ; les hypocrites, sépulcres blanchis, Matth., xxui, 27 ; la foi qui transporte les montagnes, Luc, xvi, G ; les disciples du Christ portant leur croix à la suite du Maître, Matth., x, 38 ; les surnoms si parfaitement appropriés donnés à plusieurs disciples, Kéfd, Boanergès. — d) La sagesse et l’habile prudence de Jésus éclatent en cent reparties, faisant l’admiration de ses ennemis eux-mêmes, cf. Luc, xx, 26, et charmant les foules, Matth., xxii, 46 ; Marc, xii, 37. A Jean-Baptiste qui hésite à le baptiser, Jésus répond simplement : « Il convient que nous accomplissions toute justice. et l’hésitation cesse, Matth., iii, 1 5. Trois fois il réduit au silence le démon tentateur, par des ripostes empruntées a l’Écriture. Mal th.. iv. l, 7, 10. Et a l’égard des pharisiens, quels arguments irrésistibles ! Matth., xv. 3-10 ; Marc, vii, 1-12. Dan-, maintes autres occasions, sa parole, tantôt digne t ferme, tantôt Ironique, tantôt douce et calme, adn

à des ennemis ou à des amis, produisait les résultats les plus frappants. Cf. Matth., xvi. 2-1 : i. 16, 24 ; xxii. 15-21, 29-32 ; XXVI, 64 ; Marc. n. 8-11 ; vi, 5 ; x, 42-45 ; Luc.. il- 12 ; Joa., wili, 33-37 ; xi, 11, etc. M. Fillion, à qui nous avons, à peu de choses près, emprunté cette analyse de la physionomie intellectuelle de Jésus, conclut fort justement : i De toutes ers réflexions, il résulte que le Sauveur a possédé, mais à un degré suprême de perfection, des facultés intellectuelles analogues aux nôtres, soumises aux mêmes lois générales que les nôtres, et dont il s’est servi comme d’instruments précieux et dociles pour accomplir sa mission. Op. cil., t. i. p. 105. On aurait mauvaise grâce, à vouloir comparer comme l’ont fait certains néo-critiques, l’intelligence humaine de Jésus avec celle des grands génies qui ont paru sur la terre. Sans doute, l’Évangile ne nous donne pas d’indications positives permettant d’établir l’incontestable supériorité du Christ sur tous ; niais des données fournies par lui, le théologien saura tirer, avec une rigoureuse logique, le caractère incontestable de cette supériorité.

4. Physionomie morale du Christ.

a) La s tinleté du Christ est affirmée dès l’instant de sa conception : quod nascetur ex te sanctum. Luc, I, 35. Et Jésus, convaincu de sa valeur morale, n’hésite pas à lancer ce défi à ses adversaires : « Qui de vous m’accusera de péché ? » Joa., viii, 46. Au moment de sa passion, on ne trouve contre lui aucun chef sérieux d’accusation. Matth., xxvii, 24 ; cf. I Pet., ii, 22 ; Ileb., iv, 15. Le divin Maître exaltera la virginité, Matth., xix, 10-11 ; cf. xxii, 30 ; Marc, xii, 25 ; Luc, xx, 36 ; c’est qu’il est vierge lui-même. — b) Cette sainteté s’aflirme tout d’abord par la pratique des vertus de renoncement, de sacrifice, de pauvreté, d’abnégation, sans toutefois que ces vertus, en Jésus, s’enveloppent d’une austérité exceptionnelle, que le Maître n’entendait pas imposer au commun de ses disciples. Du renoncement de Jésus, saint Paul a dit avec force : Christus non sibi placuit, Rom., xv, 3, et, de fait, Jésus n’a jamais recherché que la satisfaction du devoir, par exemple dans la façon dont il rejette la triple tentation au désert, et dont il formule la loi qu’il impose à ceux qui veulent être ses disciples : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à soi-même et qu’il porte sa croix et qu’il me suive. » Marc, viii, 34 ; cf. Matth., x, 34-38 ; Luc, ix, 55-62 ; xiv, 26-27 ; xviii, 22, 28-29, etc. L’atelier de Nazareth fut le témoin de sa pauvreté. La vertu de pauvreté lui était particulièrement chère ; il l’exalte dans la première des béatitudes, Matth., v, 3 ; Luc, vi, 20 ; les avertissements aux riches abondent, signalant le danger des richesses pour le salut éternel, Matth., xix, 23-26 ; Marc, x, 23-27 ; Luc, vi, 24 ; xvi, 9-13 ; xviii, 24-27, etc. ; l’amour de la richesse est, dit-il, un vice païen, Matth., vi, 32 ; et trois des plus belles paraboles mettent en relief le péril moral que crée la fortune, Luc, xvi, 19-31 ; 1-13 : xii, 13-21. Plusieurs fois même, malgré le dévouement des Galiléennes qui subvenaient aux besoins matériels du Maître et des disciples, Luc, viii, 2-3 ; xxiii, 49, 45-56, la petite troupe manqua du nécessaire, Matth., xii, 1 ; Marc, xii. 23 ; Luc, vi, l. Il est à remarquer cependant que, malgré son amour de la pauvreté, ! < Christ n’a jamais jugé nécessaire Je mener une vie exceptionnellement

austère : il dispensa es apôtres des jeûnes. Matth., ix, 15 17 : Marc, ii, 19-22 ; Luc, v, :  ! 1 -39, et il est donc probable qu’il ne les pratiquait pas lui-même. Il acceptait parfois’des Invitations à dîner chez les riches, .Matth.. XXVI, 6 ; Marc, xii, 3 : Luc., 38-42 ; Joa., xii, 2. publlcains, Matth., IN, 10-11 : Maie., ii, 15-16 ; Luc, V, i’i 30, ou pharisiens, Luc. vii.3lt ; i. 37 ; XIV, 1, etc. Ses ennemis l’accusèrent même d’être glouton et l.uxcur de v n. Matth., xi, 19 ; Luc. vii, 31. Il permit, 100

en deux circonstances, qu’on répandit sur lui des parfums. Mal th.. xxvi. 7 : Marc, xiv. : i : Luc. vu. 36 ; Joa., xii. 3. Cela s’explique par son plan religieux : il n’avait pas l’intention d’imposer les grandes austérités comme règle générale à L’ensemble des chrétiens. Du reste, il laissa a ses apôtres ci à leurs successeurs le soin d’organiser sous ce rapport la vie de l’Église,

après son ascension (c’est le sens des mois postea jejuiuibiinl. Mat th.. ne, 15). Quant à lui, il ne recula, surtout durant les années de son ministère inauguré par Un jeune de quarante jours, devant aucune privation, devant aucune fatigue, dépensant ses forces sans mesure, se privant fréquemment de sommeil, Marc, vi, 45-51 ; Luc, vi, 12 ; xxii. 39 ; Joa., xviii", 2, refusant, avant de se laisser attacher à la croix, le breuvage narcotique qui aurait pu alléger ses horribles souffrances, Mat th., xxvii, 34 ; Marc, xv, 2 : 5. > Pillion, op. cit.. p. 409-410.- c) L’humilité, vertu inconnue des païens et médiocrement pratiquée par les Juifs, est une des plus apparentes qualités morales de l’âme du Christ. Axant de la prêcher, il la met en pratique ; il invile les hommes à venir à sou école, car il est « doux et humble de cœur. » Mail h., xi, 29. Son humilité éclate des son apparition en ce monde, dans le choix de ses parents, dans le lieu de sa naissance, dans sa fuite en Egypte, dans les moindres détails de sa vie cachée. Il s’est vraiment i anéanti ». Cf. Phil., ii, 7. Maître de ses disciples, il se fait leur serviteur. Mat th., x, 24-25 ; Luc. xxii, 24-27 ; Joa., xii, 13, et. pour témoigner ses sentiments, leur lave les pieds, Joa., xii, 1-11. Sa passion lut une longue série d’humiliations, vivement ressenties, mais subies sans plainte. Matth., xxvi. 55 ; Marc, iv. 48 ; Luc, xxii, 52. Son humilité s’affirme jusque dans les éloges qu’il reçoit et qu’il rapporte à Dieu. Matth., xix. 10-17 : Marc. x. 17-LS : Luc, xviii. 18-19, et dans les triomphes dont il est l’objet, Matth., xxi. 2.". ; cꝟ. 17 ; Marc, xi, 11. Il n’a jamais recherché sa propre gloire. Matth., VI, 2, 5, 16 ; xviii, 1-1 : xxiii. 5-12 ; Luc. xiv, 7-11 ; xviii, 9-1 I. etc. Mais l’humilité, en Jésus, n’était pas l’insensibilité à la courtoisie et au dévouement, cf. Luc. vu, 44-46 ; Marc. xiv. s. pas plus qu’aux outrages auxquels parfois il lui arriva d’opposer une fière protestation, Joa.. xviii, 23, un silence méprisant et plein de majesté, Matth., xxvi, 62-63 ; xxvii. 12-14 ; Marc. iv. 18-49, 60-61 ; XV, I 5 ; Luc. u. 52-53, 67 69 ; x m. 9 ; Joa.. xix, 9 ; une attitude noble ou une 1er me réponse, Mal th.. xxvi, 55-56 ; Joa.. xviii, 19 21, 34, 30-37. Cf. Mgr l.andriot. l.c Christ de lu tradition, t. ii, p. 350. — (I) L’obéissance de Jésus va de pair avec son humilité, car cette obéissance lait partie inté grante de son sacrifice. Nous aurons tOUt à l’heure l’occasion de le rappeler plus explicitement, en parlant de la volonté du Sauveur, il suffit de marquer ici

combien cette obéissance a été constante et forte en

face <les adversités. Rien ne l’arrêta, rien ne le découragea, pas même les lenteurs de ses apôtres à comprendre sa mission. Mail h., xv, 16 ; xvi, 8-11 ; 22-23 ;

Luc. ix, 55, etc. C’est surtout dans la passion que se manifeste la patiente obéissance de Jésus, réalisant pleinement l’oracle d’Isaïe, un. Cf. col. 1121. Saint Pierre résume d’un mol celle admirable constance : Outragé, il ne rendait pas l’outrage ; maltraité, il

ne taisait pas de menaces. [ Pet., ii, 23. Sans don le. le

divin Maiirc éprouvaii une généreuse Impatience

d’accomplir sa mission, Luc. XH, 50 ; mais son aine

possédait assez pour ne pas devancer l’heure

m trquée par Dieu, Cf. Marc. xi. Il ; Joa.. n. I ; i.

21. 23 ;. 2 :.. 28 ; vu. 30 ; viii, 20 ; xii. 23, 27 ; xui. 2 ; wii. 1. et Jésus n’hésitait pas a s’éloigner pour un

temps des embûches de ses ennemis, alin de ne se

ni d’eux que lorsque sérail venu

le moment. Matth., xi. 13 ; Marc, rn, 7 ; vii, 24 ; Joa.,

vu. l ; mu. 59 ; x. 39-40 ; xi. 54-56. <, Il faut signaler

encore parmi les vertus de Jésus, son amour du recueillement et de lu solitude. Matth.. xvii. 1 ; Marc. 1. 35, 45 ; iv.. ;.") : vi. 31. 46 ; vu. 21 : vin. 27 : Luc. vi. 2 ; ix. 18 ; xi. 1. etc. Il était, dit saint Luc. en employant une expression qui désigne un état habituel, ô-o^copôv èv -rxi ; ipf, uo’. ; xoci 7rpoa£’j/ôu.svo ::. v. 10. Cet amour de la solitude, s’explique en effet par l’amour de la prière et du silence. j) lui lin. ajoutons un dernier trait à ce portrait moral du Sauveur, en rappelant ses deux qualités de simplicité et de sérénité. Il a en horreur l’hypocrisie des pharisiens. Matth.. vi, 1-18 ; vu. 15-20 ; xxiii, 23-28 ; Luc. xui, 17, et ses ennemis eux-mêmes proclament sa rare sincérité. Matth.. xxii, l(i ; cf. Marc, xii, 11 : Luc. xx. 21. U est venu, proclanie-t-il devant Pilate, rendre témoignage à la vérité. Joa., xviii, 37 : et n’est-ce pas là toute sa mission. résumée dans la prédication du nouvel évangile ? Non inuentus est dolus in ore ejus, dit saint Lierre, I Pet., u. 22. Voir un beau développement dans Mgr l.andriot, Le Christ de lu tradition, t. 11. p. 307

— g) Lu rassemblant et comparant toutes ces qualités morales, on découvre toute une série de contrastes, dont la somme équivaut à une perfection nouvelle. 1 Jésus est humble jusqu’à l’excès, et sa fierté s’indigne par moments. Tendrement fidèle à ses affections, il rompt les liens les plus légitimes et les plus étroits, lorsqu’ils se mettent en travers du devoir. Il est né seigneur et maître, et il se fait avec une grâce charmante le serviteur de tous. Sa vaillance est celle des héros, et il lui arrive de se troubler. Il est soumis à l’autorité et il agit avec indépendance ; pacifique, il apporte la guerre. Il se délie des hommes, dont il connaît l’instabilité et il les aime jusqu’à mourir pour eux sur une croix. Il veut quon obéisse à la loi mosaïque, et il porte de rudes coups aux traditions qui prétendaient l’expliquer, la compléter. Il recherche la solitude et il fréquente le monde. Sa vie est extrêmement mortifiée, et il assiste, sans se faire prier, à de grands repas. Il veut attirer tout à lui. et il congédie d’un mol ceux qui hésitent a le suivre. Détaché de tout, il exige qu’on quitte tout pour s’attacher à sa personne. Il esi contemplatif, en même temps qu’homme d’action. » Fillion, op. cit., p. 414-415. Ces contrastes ne sont pas des conflits de vertus ; ils manifestent seulement la multiplicité des perfections qui ornaient l’âme de Jésus-Christ. Ils fournissent, au contraire, un fondement solide, sur lequel le théologien peut appuyer une psychologie surnaturelle du Christ. Cf. Mgr Chollet. La psychologie du Christ. I’aris. L903, c. viii.

5. Volonté humaine et amour humain de Jésus. — Ce nouvel aspect de la psychologie naturelle du Christ doit être soigneusement mis en relief par le théologien, car il est à la base des définitions conciliaires relatives à la double volonté et au double vouloir en JésusChrist. Cf. CONSTANTINOPLE ( 1 1 / cône lie de). t. 111. col. 1259 127.", . a) L’existence en Jésus-Christ d’une volonté humaine, bien plus, d’un vouloir humain, distincts l’un et l’autre de la volonté et du vouloir divins, apparaît clairement dans toutes les affirmations évangéliques. où la vertu d’obéissance es ! attribuée au Christ. Et Noire Seigneur, à plusieurs reprises, affirme la parfaite conformité de sa volonté a la volonté du Père, de sa volonté humaine par conséquent a la volonté divine : qu : e placila suid ei fado semper, dit-il. Joa.. viii. 20. De même Joa.. îv. 31 : 1 Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ; 1 cl encore. V, 30 : Je ne cherche pas ma volonté, mais

1.1 volonté de Celui qui m’a envoyé. 1 Cette obéissance,

il l’a poussée jusqu’à l’acceptation de la inorl que lui Imposait le précepte du l’ère. Joa., XIV, 31. On pourra discuter sur le sens de ce précepte, voir plus Util

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. VOLONTÉ HUMAINE Dl CHRIST

L162

loin. col. 1297 >q. : on ne pourra pas révoquer en doute le fait tic l’obéissance absolue du Christ, que saint Paul mettra en relie ! dans une saisissante parole de l’épître

aux Philippiens, 11. s : il s’esi fait obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix ; que l’auleui’de l’épître aux Hébreux soulignera par l’attribution faite à Jésus de la prière du psalmiste, Ps.. xxxix. 7-9 : Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation : mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocauste, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici : … je viens, ô Dieu, pour accomplir votre volonté. C’est bien d’ailleurs ce que Jésus, insistant sur la distinction de sa volonté humaine d’avec la volonté divine, affirme de lui-même dans le quatrième évangile, vi. 38 : Je suis descendu du ciel, pour faire. non nui volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. La dualité des vouloirs s’affirme en une circonstance significative. C’est à Gethsémani : i Mon Père, s’écrie Jésus, en prévoyant les tourments de la passion, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi : toutefois non ma volonté, mais la vôtre… Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive. que votre volonté se fasse, i Mattb.. xxvi, 39, 12 : cf. Marc. xiv. 30 : Luc. xxii. 12. Ce commencement de lutte entre la volonté divine et la volonté humaine, lutte rapide qui se termine aussitôt par le triomphe du divin vouloir, posera même dans la théologie du Christ le grave problème de la possibilité du dissentiment, dans le vouloir humain, par rapport au divin vouloir, en un sujet où la volonté humaine était parfaitement et en toutes choses d’accord avec la volonté divine. — b) Dans la volonté de Jésus se manifeste une énergie sans pareille : sans doute, il n’apparaît pas dans les textes bibliques que Jésus ait eu à lutter contre les passions mauvaises de l’esprit ou de la chair. mais il a dû, à tout instant, contre les obstacles extérieurs, faire acte de volonté énergique ; contre le démon, aux heures de la tentation dans le désert, Matth., iv, 3-10 ; Luc, iv, 3-12 ; contre Pierre, essayant de le détourner du devoir, Matth., xvi, 20-23 ; contre frères », prétendant lui imposer un plan qui n’était pas celui de Dieu, Joa.. vii, 1, 10 ; contre ses ennemis, ses juges, ses bourreaux. Personne ne peut lui faire apporter la modification la plus légère aux desseins providentiels : i Il faut que je marche. Luc. xui. 33. — c) L’amour humain de Jésus est incomparable, et le mettre en relief dans la physionomie morale du Sauveur, c’est établir en partie sur les fondements évangéliques la dévotion au Cœur de Jésus. L’amour que professa Jésus fut d’abord pour Dieu, pour son Père céleste. C’est ce Dieu très bon qu’il faut aimer « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit. » Matth., x.xii, 37. Cet amour se manifeste dans le nom de « Père Abba, nom très doux qu’il avait constamment sur les lèvres, au dire des évangélistes et notamment de saint Jean. On devine cet amour dans les descriptions que Jésus donne de Dieu, représenté par lui comme le meilleur et le plus miséricordieux des Pères. Cf. Matth.. v, 1.") : vi, i. 6, 18, 26-33 ; x. 29-32 ; xi. 2.") ; xviii, 10, 14, etc. Et son obéissance parfaite n’est que la manifestation extérieure de cet amour. Cet amour de Dieu se traduit aussi par une union intime de son âme a Dieu : de là ces prières fréquentes et débordantes d’amour, que mentionnent les évangélistes et spécialement saint Luc. ni, 21 : vi. 12 : ix. 18 ; xi. 1 : xxii. 11-46 ; xxiii. 34 ; cf. Marc. i. 3."> : Joa. xi, 11-12 : xvii. 1-26, etc. La confiance absolue du Fils vis à-vis de son Père se manifeste a la résurrection de Lazare, Joa., xi, 11-42 ; dans la prière sacerdotale. Joa.. xvii, 1-20 ; a (ielhsimani. Marc. xiv. 36 ; a l’heure de la mort, Luc. xxiii. 46. Le cri échappé au Christ agonisant : Eli, Eli, lamnvi sabachthani, Matth.. xxvii. Ui. pourrait un

instant nous laisser croire que la confiance filiale s’est obscurcie dans le cœur de Jésus. L’apparent désespoir de Jésuspeut s’expliquer par la substitution qu’il avait faite en expiant sur la croix, de sa personne à la personne du pécheur. Il ressentait alors, par substitution, l’effroyable abandon qui est celui du pécheur en face de Dieu que son péché a offensé : Jésus devenu péché pour nous, fait i malédiction, exécration selon l’expression de saint Paul. Cal.. m. 13, Jésus soutirait de la paît de Dieu je ne sais quoi d’effroyable qu’aucune parole humaine ne peut décrire. La pensée du petit nombre de ceux qui profiteraient de sa passion ajoutait à ce désespoir humain. Cf. C. l’ouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, t. u. Paris. L904, p. 388-389. On pourrait encore plus simplement diie que i Matthieu avait une raison spéciale de reproduire cette parole de Jésus. Ktanl tirée d’un psaume, elle donnait à entendre que la situation cruelle qu’il décrivait était réalisée en Jésus. Dans les deux cas, l’abandon n’est pas le rejet, encore moins la réprobation ; aussi le juste ne laisse-t-il pas d’appeler Lieu, son Dieu, ce qui donne à sa plainte l’accent de la confiance plutôt que celui du reproche. Dieu l’abandonne aux mains de.ses ennemis, par un dessein mystérieux qui aboutissait au triomphe dans le psaume, comme il aboutira dans l’évangile à la résurrection. > Lagrange, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1923, p. 530. La vraie difficulté est ailleurs : comment concilier, en Jésus, cet apparent désespoir avec la béatitude essentielle à sa personne divine et à sa nature humaine béatifiée ? C’est là un problème que pose, sans le résoudre, l’Évangile. — L’amour humain de Jésus fut ensuite pour les hommes : c’est la quX<xv6pcû7ua de notre Sauveur, comme dit saint Paul. Tit., iii, 4. Jésus avait rappelé que le second précepte du Décalogue : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est « semblable au premier ». Matth., xxii, 39 ; Marc, xii, 31. Aussi il en fait son précepte et se propose comme exemple : « Hoc est prseceptum meum ut diligatis invicem, sicut dilexi vos. » Joa., xv, 24. L’incarnation est bien le miracle de l’amour du Fils de Dieu pour nous. « amour… qui dépasse toute science. » Eph., vi, 18-19. Mais c’est la passion qui manifeste surtout l’amour de Jésus pour les hommes : « personne, dit Jésus lui-même, ne peut avoir une plus grande affection que de donner sa vie pour ceux cpi’il aime. » Joa., xv, 13. Et Jésus est le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Joa., x, 11 ; cꝟ. 15, 17, 18 ; Matth., x. 45, etc. Les œuvres de sa vie publique, ses miracles, en particulier, ont été la plupart du temps des actes d’amour du Sauveur envers ses concitoyens. Ses appels sont pleins de tendresse : Venez à moi. vous tous qui êtes las et trop chargés, et je vous donnerai le repos. » Matth., xi, 28. Ses recommandations en faveur de l’amour mutuel sont pressantes : « Aimez-vous les uns les autres ; soyez miséricordieux : aimez vos ennemis ; donnez et prêtez sans en rien espérer ; ne jugez pas ; pardonnez sans cesse, etc. i Cf. Matth.. v. 21-24 ; 3$1-$27 ; xviii. 23-33 ; Marc. xi. 25 ; Luc. vi, .".I. 38 ; x, 2737, etc. Jésus, compatissant pour toutes sortes de souffrances, se laissait arracher a leur vue clés gémissements, des larmes, des sanglots, Marc, vii, .’î I ; Luc. xix. Il : Joa., xi, 39 ; il eu était remué jusqu’aux entrailles. èo-’/, y.y/yLrj()r r Matth.. ix. 36 ; xix. 1 I ; xv, 32 ; xx, 34 ; Marc, i, il ; Luc. vii, 17 : x, 33. Donnant l’exemple a tous. Jésus pardonna généreusement a ses ennemis. Luc, xxiii, 34. Il convient toutefois d’insister sur deux caractères particuliers de son amour pour les hommes : sa miséricorde infinie a l’égard’/es pécheurs ; i’s amitiés sûres et fidèles. (’encontre des prescriptions pharisalques, Jésus n’hésite pas, pour

samer fini aine a fréquenter les pécheurs : on lui reproche même comme un crime cette altitude pleine 11(13

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1164

de mansuétude. Matth., i, 10-13 ; xi, 19 ; Luc, vii, 31>. etc. i Divers incidents de sa vie : son entretien avecla Samaritaine, Joa., iv. 7-20 ; l’épisode de la pécheresse, Luc., vu. 30-50 ; celui de la femme adultère, Joa., viii, 7-11 : celui de Zachée, Luc, xix, 1-10 ; et plusieurs de ses paraboles, celle de la brebis égarée, Matth., xviii, 12-14 ; Luc. xv, 3-7. et de l’enfant prodigue. Luc, xv, 1 1-32, sont caractéristiques a ce point de vue et nous révèlent le fond de son cœur. Comme l’avait prédit Isaïc, xlii, 3 ; cf. Matth., xii, 20, il se gardait bien de briser entièrement le roseau ployé et d’éteindre la mèche qui fumait encore ; mais il redressait doucement celui-là et se hâtait de rallumer celle-ci. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 423. Les amitiés de Jésus méritent que nous les considérions avec toute l’attention possible. Certains groupes semblaient avoir un titre spécial à sa sympathie : sa patrie, ses disciples, le collège apostolique, les petits enfants. — Bien que venu pour sauver tous les hommes il s’attache tout d’abord et personnellement au salut d’Israël. Matth., xv, 24. Sans cette préoccupation du Sauveur, on comprendrait mal certains textes relatifs à ceux qui sont appelés à faire partie du royaume des deux et qui, en raison de leur mauvaise volonté, ne sont pas élus. La plupart des paraboles concernant le royaume des cieux ne sont intelligibles qu’à la condition de présupposer la vocation toute particulière du peuple juif et la mission spéciale que Jésus se proposait de remplir près de lui. Et l’on comprend bien, au contraire, la tendre sollicitude du Sauveur pour ces brebis sans pasteur, Matth., ix, 36 ; Marc, vi, 34, et ses regrets amers sur Jérusalem infidèle. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34 ; cf. xix, 41-44. — Ses disciples et ses apôtres étaient pour lui comme une famille. C’est sur eux que le Christ étendait sa main bénissante en prononçant cette aimable parole : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, est mon frère, et ma sœur, et ma mère, i Matth., xii, 49-50. C’est à ses apôtres tout particulièrement que Jésus dira dans son discours d’adieu : « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés… Je vous ai appelés amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Joa., xv, 9, 15. « Ayant aimé les siens, dit saint Jean, il les aima jusqu’à la fin, » c’est-à-dire jusqu’à l’excès. Joa., xiii, 1. Et parmi les apôtres, Notre-Seigneur eut ses plus intimes, Pierre, Jacques le Majeur et Jean, qu’en plusieurs circonstances importantes nous trouvons seuls près de lui : résurrection de la fille île Jaïre, Marc, v, 37 ; Luc, vin, 51 ; transfiguration, Matth., xvii, l, sq. ; agonie, Matth., xxvi. 37 : Mare., xiv. 33 ; ef. xiii. 3-36. Puis, le cœur de Jésus a voulu connaître de plus près encore les délicatesses et les joies de l’amitié humaine. Les amitiés de Jésus ! Quel beau thème, sur lequel se sont penchés avec complaisance deux de nos meilleurs orateurs contemporains, le P. Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895 et le P. Lacordaire, MarieMadeleine. Voici tout d’abord « le disciple que Jésus aimait », Joa., xiii, 23 ; xix, 26 ; xx, 2 ; xxi, 7, 20, si familier avec le Maître qu’il appuie sa tête sur la poitrine de Jésus, Joa., mu, 33, et eu qui Jésus a tant de confiance qu’il lui confie, au moment « le mourir, sa propre mère, Joa., xix, 26-27. Sur l’amitié de Jésus pour Jean, voir Bossuet, Panégyrique de l’apôtre saint Jeun, édit. Lebarcq. L ii, p. 533, sq. Voici ensuite La/are : * Celui que vous aimez est malade », disent a Jésus en parlant de leur frère, Mail lie et Marie Madeleine. Joa., M, 3. E1 les deux sceurs. elles aussi, eurent une large pari dans l’affection de Jésus : « Jésus aimait Mail lie et Marie sa sieur et La/are. Joa., xi. 5 ; Luc. i, 38 12. El a côté de Marie de

Béthanie, commen ! ne pas rappeler le souvenir de

Marie de Magdala, associée aux fatigues apostoliques du Sauveur, Luc, viii, 2, aux douleurs de sa passion Joa., xix, 25, aux triomphe de sa résurrection. Joa., xx, 1, 11-18 ; cf. Matth.. xxvii. 56 ; Marc, xv, 40 ; Luc, xxiii, 49. Jésus aima aussi le jeune homme riche de l’évangile. Marc, x, 21, et voulut se l’attacher ; mais l’affection de Jésus fut ici déçue, comme elle le fut dans la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la fuite des apôtres à Gethsémani. Enfin. Jésus aima les petits enfants les attirant à lui. prenant à plusieurs reprises, leur défense, et exaltant la pureté de leur âme. Matth.. xix. 14 ; Marc, x, 15-10 : cf. ix, 35-36 ; Matth., xxi, 16 : interdisant qu’on les scandalise, Matth., xviii, 6. Et les petits enfants lui rendaient bien son affection. Matth., xxi, 16.

Si nous voulions résumer en quelques mots les trésors d’affection renfermés dans le cœur de Jésus, nous dirions que la sympathie du Sauveur s’est étendue à tous, sans exception, à tous ceux qui, même en dehors de la nation juive, méritaient d’être au nombre de ses amis. Les Samaritains, Luc, x, 29-37, les païens même, Matth., viii, 10 ; Luc, vii, 9, ne sont pas repoussés. Nous dirions qu’à l’égard des pécheurs, il fut avant tout miséricordieux, qu’à l’égard des malheureux et de ceux qui souffrent, il fut toujours bon et compatissant. Cette douceur et cette bonté du cœur, ne les recommande-t-il pas dans le sermon sur la montagne ? Matth., v, 4. Il a prêché la miséricorde en demandant à son Père le pardon de ses bourreaux. Luc, xxiii, 34. Et Bossuet, dans son admirable panégyrique sur l’apôtre saint Jean (3e point) nous livre le secret profond de cet amour du Christ pour les hommes. Le cœur de Jésus, nous dit le grand orateur, est « un cœur, s’il se peut dire, tout pétri d’amour : toutes les palpitations, tous les battements de ce cœur, c’est la charité qui les produit… C’est l’amour qui l’a fait descendre du ciel pour se revêtir de la nature humaine. Mais quel cœur aura-t-il donné à cette nature humaine, sinon un cœur tout pétri d’amour ? C’est Dieu qui fait tous les cœurs, ainsi qu’il lui plaît. « Le cœur du roi est dans sa main, comme celui de tous les autres : Cor régis in manu Dei est, Prov., xxi, 1. Régis, du roi Sauveur. Quel autre cœur a été plus dans la main de Dieu ? C’était le cœur d’un Dieu, qu’il réglait de près, dont il conduisait tous les mouvements. Qu’aura donc fait le Verbe divin, en se faisant homme, sinon de se former un cœur sur lequel il imprimât cette charité infinie qui l’obligeait à venir au monde ? Donnez-moi tout ce qu’il y a de tendre, tout ce qu’il y a île doux et d’humain : il faut faire un Sauveur qui ne puisse souffrir les misères sans être saisi de douleur : qui, voyant les brebis perdues, ne puisse supporter leurs égarements. Il lui faut un amour qui le fasse courir au péril de sa vie, qui lui fasse baisser les épaules pour charger dessus sa brebis perdue, qui lui fasse crier : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne a moi. t Joa., vii, 37. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, i Matth., xi. 28. Venez, pécheurs : c’est vous que je cherche. Enfin, il lui faut un cœur qui lui fasse dire :. Je donne ma vie, parce que je le veux : ego pono eam a meipso. » Joa., x, 1.x. C’est moi. qui ai un cœur amoureux, qui dévoue mon corps et mon âme a toutes sortes de tourments. »

Edit. Lebarcq, i. n. p. 510-550.

4° La famille du Christ, les « frères du Seigneur ». — Avant de terminer noire étude sur les données évangéliques relatives à la nature humaine de Jésus, il con lent tout au moins de signaler les problèmes historiques et exégétiques que soulèvent les parentés et les alliances du Sauveur selon la chair. 1. Les ques tions relatives a la vierge Marie, Mère de Jésus-Christ, Seront traitées a MARIE. Un article spécial sera consacré à Joseph (saint), où seront étudiées ses relations d’époux et de père par rapport à Marie et à Jésus. L165

JÉSUS » CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1166

2. En divers endroits des écrits du Nouveau Testament, Matth.,

, 16 ; xiii, 55 ; Mare. m. 31 ; vi.

3 ; Lue., viii, 19 : Joa., n. 12 : vu. 3 : Aet.. t, 14 ; 1 Cor.. i. 5 ; Gal., i. 19, on trouve la mention des t frères de Jésus, dont Matth.. m. 55 et Mare., vi, 3, nous citent les noms. Jacques, Josepb (Josës d’après Mare). Simon et Judas. Ces deux évangélistes nous parlent même des « sœurs de Jésus, id., ibid. ; Saint Epiphane, Hær.. Lxxviii, n. 7. P. G., t. xi.vni, eol. OIS. en signale deux qui se seraient appelées Salonié et Marie. D’autre auteurs les nomment Anna et Salonié, ou encore Esther et Thamar. Cf. Théophylacte, In Matthxum, c. xui, ꝟ. 55, P. (, ’.. t. c.xxiii. col. 293-294 : In Epist. ad Galalas, c. î. v. 19. P. G., t. c.xxiv. eol. 968. De plus, Flavius Josèphe, Antiquitates jud., 1. XX. c. ix. n. 1. rapporte que, vers l’an 02, « fut mis à mort Jacques, le frère de Jésus, qui est appelé le Christ. » Eusèbe lait mention, à la suite d’Hégésippe des descendants de Jude, qui était, selon la chair frère du Sauveur. II. E.. I. III, c. xix, xx. P. < ;., t. xx, eol. 251. Mais pour interpréter correctement cette appellation, il faut tenir compte d’autres données évangéliques. Parmi les saintes femmes qui se tiennent au pied de la croix se trouve Marie, mère de Jacques, Luc, xxiv, 10, que saint Matthieu dit être mère de Jacques et de Joseph, xxvii, 50, et plus expressément encore saint Marc, mère de Jacques le mineur et de Joseph, xv, 40. D’autre part, saint Jean affirme de cette même Marie qu’elle était la sœur de la mère de Jésus, xix, 25, et pour la désigner plus expressément il la nomme Mapîoc T) Toù KXcorâ. Ce Cléophas est vraisemblablement le même qu’Alphéc, Luc., vi. 15 : cf. Act., i, 13 ; Matth., x, 3 : Marc. m. 18. Voir ci-dessus, col. 273. Mais « Marie de Cléophas » signifie-t-il Marie épouse de Cléophas ? Quand les évangélistes énumèrent les apôtres, ils groupent invariablement trois noms qui font penser aux < frères du Seigneur », Jacques d’Alphée, Jude de Jacques (S. Matthieu et S. Marc : ’Thaddée, Lebbée) et Siméon le Cananéen ou le Zélote. Siméon est désigné par Hégésippe, comme un fils de Cléophas, et, ajoute l’historien, « il fut constitué évêque de Jérusalem ; à l’unanimité, on lui donna la préférence, parce qu’il était un autre cousin du Seigneur. > Eusèbe, II. P., t. III, c. xi, et 1. IV. e. xxii. P. G., t. xx, coi. 245 et 380. Il semblerait doue, d’après ces documents, que les frères du Seigneur, enfants de Marie, femme de Cléophas, sœur de la sainte Vierge, fussent des cousins de Jésus-Christ. Cette explication, n’est pas acceptée par tous.

a) Signalons d’abord, bien qu’elle ne soit fias, dans l’ordre chronologique, la première, l’explication d’Helvidius, que nous connaissons surtout par saint Jérôme, De perpétua virginilale beulu* Maria advenus Helvidium, P.L., t. xxiii, col. 193-206, et par saint Augustin. Hær., lxxxiv, P. /… t. xi.ii, col. 46. Helvidius, voir t. vi, col. 2141-2141, niait purement et simplement la virginité perpétuelle de Marie, et entendait en son sens littéral et strict l’expression : frères et sœurs de Jésus. Helvidius se réclamait de Tertullien et de Vietorin de Pettau. Sur la doctrine de Tertullien, voir d’Alès, La Théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 196. Il est bien difficile de défendre Tertullien avec.1. B. Lightfoot, dans son commentaire sur l’épître aux Calâtes, The Brethren of the Lord, Londres, 1900, p. 252, et saint Jérôme l’abandonne comme hérétique. Quant à saint Vietorin de l’ettau, nous ne connaissons sa doctrine sur ce point que par Helvidius et saint Jérôme : or, ce dernier nie catégoriquement que l’évêque de l’ettau ait parlé des enfants de Marie ; il s’est servi uniquement de l’expression évangélique : l’es fi du Seigneur. ( m n’a pas de raisons de révoquer en doute l’assertion de saint Jérôme. Quani à Hégésippe que Zahn, Brader und Vetter Jesu, dans Forschungen

ur Geschichle dus S. T. Kanons, t. vi, fasc. 2, 1900,

et Herzog, La virginité de Marie après l’enfantement. dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1907,

p. 321, veulent interpréter dans le sens d’I lelvidius, il est impossible de démontrer positivement que, cet écrivain ait enseigné celle erreur : bien plus, certaines île ses expressions conduisent à une conclusion tout opposée. Voir Neubert, Marie dans V Église anlénicéenne, Paris, 1908, p. 198 sq. Quelques années après Helvidius, la même thèse fut reprise par un moine romain, nommé Jovinien. Voir Haller, Texte und Untersuchungen, t. xvii, fasc. 2, 1899. Au iv siècle, saint Ambroise qui réfuta Jovinien, De irai, virg., c. v-xv, P. L., t. xvi, col. 313-318. taxe de sacrilège l’entreprise de l’évêque hérétique Bonose pour accréditer les idées dl lelvidius. Voir t. ii, col. 1028. Jovinien avait été condamné dans un synode de Milan, et le pape saint Silice avait aussitôt ratifié la condamnation et excommunié l’hérétique et ses adhérents. Bonose, l’année suivante (391) fut condamné au concile de Capoue. Denzinger-Bannwart, n. 91. Cf. P. L., t. xvi, col. 1123, 1125, 1172. De nos jours, la thèse d’I lelvidius est, à des degrés divers, reprise par un certain nombre d’auteurs non catholiques. Voir en particulier, A. Edersheim, The Life and limes of Jésus the Messlah, t. i, p. 251, 304 ; J. B. Mayor, The Brethren of the Lard, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, 1. 1, p. 320, et, du même auteur, Epislle of S. James, 1892 et deux articles dans The Expositor, 1908, p. 16, 163 ; Realencgclopadie fur protest. Théologie, art. Maria, t. xii, p. 309 et Joseph, t. ix, p. 361. K. Hase, Geschichle Jesu, 2e édit., p. 07 ; Reuss, Histoire évangélique. Paris. 1X70. p. 137 ; A. Loisy, Evangiles synoptiques, Ceffonds, 191)7. 1. 1, p. 291 ; et Quelques lettres, Paris, 1908, p. 155 ; Maurenbrecher, Weihnachtsgeschichten, Berlin, 1910, p. G ; S. Reinach, Orpheus, Paris, p. 329 ; Pfannmuller, Jésus im Urleil der Jahrhunderte, Leipzig, 1908, p. 0 ; B. Weiss, Leben Jesu, Berlin, 1882, t. i, p. 270-271, etc. Quelques auteurs cependant, comme Renan, Lightfoot et Harris, sans admettre la virginité de Marie post partum, ne retiennent pas la solution d’Helvidius pour vraie. Le point particulier de la virginité de Marie post partum sera étudié à Marie,

b) Une solution, qui eut, pendant quelques siècles, droit de cité dans la théologie catholique, est celle que popularisa d’abord le Protévangile de Jacques et qui fut reprise par Or i gène. Les frères de Jésus seraient des enfants que saint Joseph aurait eus d’un premier mariage. Le document apocryphe fait, en effet, dire à Joseph : « J’ai des fils et je suis vieux ; elle (Marie) est jeune, » ix, 2 ; cf. xvii, 1-2 ; xviii, 1. Cette affirmation a pour objet de sauvegarder la virginité de Marie. Il en était de même, au témoignage d’Origène, In Matth., e. xiii, ꝟ. 55, tome X, v. xvii, P. G., t. xui, col. 876-877, pour l’Évangile de Pierre, aujourd’hui perdu. Le grand exégète d’Alexandrie crut devoir se rallier à ce sentiment : il a, ce faisant, le désir de mettre hors de cause la perpétuelle virginité de la mère de Jésus. Lue. <it.. et In Lucam, homil. vii, P. ( ;., t. xiii, col. 877-878. On retrouve ce sentiment un siècle plus tard, dans saint Hilaire, Comm. in Matthseum, c. i. n. 3-4, P. L., I. ix, col. 922 ; puis chez saint Epiphane, Hær. Lxxviii, n. 7, P. G., t. xi.ii. eol. 7H9 : clieI. saint Grégoire diNysse, In Christi resurrectionem, Orat. a, P.’/'.. t. xi.vm. col. 618 ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, in Joannem, t. VII, c. ui-v. P. r, ., ’t. i.xxiii, col. 636-637.

Chez ces auteurs, la pensée est sans ambiguïté. Il n’en esi pas de même chez Clément d’Alexandrie, Eusèbe et saint Justin. Busèbe, II. E., I. il. c. i, P. <’, ., t. xx, roi. 133, rappelant que Jacques, dil le frère du Seigneur, était appelé (ils de Joseph, i n’entend pas

ment parler d’une filiation naturelle ; bien in :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1168

plus, la tournure adoptée semble l’écarter et suggérer de préférence un lien d’ordre légal ou putatif comme celui qui unissait Jésus lui-même à Joseph. La pensée de Clément d’Alexandrie est plus difficile à préciser. D’une pari dans un fragment des Hypotyposes, conservé par Eusèbe, il semble identifier Jacques le frère du Seigneur avec Jacques l’apôtre, lils d’Alphée ; Eusèbe, II. E., I. II. c. i. P. ( ;.. t. x. col. 136 ; et d’autre part, dans un autre fragment, il fait de Jude, le frère de Jacques et le lils de Joseph. P. G., t. ix. col. 731. < M peut se taire que la contradiction ne soit

ici qu’apparente. Les frères de Jésus sont appelés les lils de Joseph. A quel titre".’Il n’est ni impossible, ni invraisemblable qu’aux yeux de Clément d’Alexandrie, ils aient été seulement les neveux des enfants dont Clopas son frère ou Alphée son beau-frère, lui auront, en mourant, laissé la tutelle. R. Durand. Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la P"/ catholique, t. n. col. 134. Saint Justin, dans un passage connu seulement par une traduction syriaque, et sur l’authenticité duquel on n’est pas d’accord, aurait écrit : Marie la Galiléennc. qui a enfanté le.Messie crucifié à Jérusalem, n’a appartenu à aucun homme et Joscpb ne la répudia pas non plus, mais Joseph demeura pur, sans femme, lui et ses Cinq lils d’une première femme, et Marie reste sans homme. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc, p. 83.

A partir du v° siècle, un revirement se produit dans l’opinion catholique relative à un premier mariage de saint Joseph. C’est que saint Jérôme, en combat ! an ! les erreurs d’IIelvidius, s’est posé en champion résolu non seulement de la perpétuelle intégrité de Marie, mais encore de la virginité de saint Joseph : Tu dicis Mariant virginem non permansisse ; ego mini » lns vindico, etiam ipsum Joseph virginem lujsse per Mariam, ut ex virginali conjugio virgo filins nasceretur. De perpétua virgihitate, P. h., t. xxiii, col. 202. I.e revirement d’opinion est fortement accusé chez saint Jean (Jirysostome, qui, ayant d’abord suivi l’opinion des apocryphes et d’Origène dans le Comment, in Matlh., homil. v. n. 3, P. (’, .. t. i.n. col. 58, adhère ensuite a l’opinion de saint Jérôme dans le Comment, in Epist. ad Galatas, c î, y. in. P.’L. t. lx, col. 632. Il est tout aussi net chez saint Augustin, dont le premier sentiment se trouve dans les Tract, in Joannem, tract, x, n. 2, P. I… I. xxv, col. 1468, et le second se lit dans l’Expositio in Epistolamad Calalas. c. i. t. lll. P. L., t. xxxv, col. 211d. Désormais, c’est fini chez les latins de l’explication des

frères du Seigneur > par un premier mariage de saint Joseph. Chez les grecs. Théophylacte qui la garde, y voit l’accomplissement du devoir légal du lévirat et les enfants de cette union seront réputés lils de Clopas. In Matthœum, c. xiii, ꝟ. 55 ; m Epist. ad Galatas, c. t, ꝟ. 19, P. (, .. I. cxxiii, col. 293-294 ; cxxiv, col. 968. Voir aussi Théodoret, In Epist. ail Galatas, c. i. P. a., t. i.xxxii, col. 168.

Ce n’est pas seulement pour sauvegarder la croj ance à la virginité perpétuelle de Joseph que nous ne pouvons admettre cette explication du terme : frères île Seigneur, c’esl encore et surtout pour défendre avec saint Jérôme la doctrine qu’on peut à bon droit, nonobstant les apparences contraires, qualifier de traditionnelle dans l’Église. Il J a ici. en effet, deux idées distinctes, quoique connexes : celle de la virginité de saint Joseph, voir Joseph (saint), que saint Jérôme a été effectivement le premier a proclamer ci a défendre : hujus (opinionts) forlissimus

stipulatnr sea potius auctor 1 1 ieroiwmns (Haronius) ; puis celle de la parenté plus ou moins éloignée des

res de Jésus i par rapport au Sauveur. Et, sur ce

(Ici nui point, saint Jérôme a bien conscience de

représenter le sentiment généralement reçu, pulsqu’en

398, il écrivait dans son commentaire In Muttluvum, c. xii. v. l ! i-, ")(i : Certains conjecturent que les frères du Seigneur sont des enfants que Joseph aurait eus d’une autre femme, suivant en cela les rêves des apocryphes. > De fait, l’appellation frères du Seigneur » devait être, a l’origine, comprise de tous et. dans le fragment qu’Eusèbe nous a conservé, Hégésippe ne faisait que dire ce que tout le monde savait : i Après que Jacques le Juste eut subi le martyre, comme le Seigneur, pour la même cause, à son tour, le lils de son oncle paternel. Siniéon, lils de Clopas, fut établi évêque : à l’unanimité on lui donna la préférence, à cause qu’il était an antre cousin du Seigneur, ovtoc àvj’yiov toû X’jpiou ScJTzpov. II. P.'.. I. IV. C. XXIV. t. IV,

c. xxii et l. III, c.xi. Sur ce texte, voir Lagrange, op. cit.,

et Durand. Revue biblique. 1908, p. 11. note 2.

Comment donc l’hypothèse d’un premier mariage de Joseph a-t-elle fait son entrée dans la pensée catholique ? Les premiers témoins de cette hypothèse sont, nous avons dit. le Protévangile de Jacques et [’Évangile de Pierre. I.e caractère apocryphe de ces deux documents commande la réserve : cet le réserve s’accentuera encore lorsque nous examinerons la manière dont se produit l’affirmation du Prolévangile de Jacques, le seul de ces écrits sur lequel nous puissions porter un jugement. Or. il est évident, pour quiconque lit sans parti pris, que l’histoire du mariage de Joseph avec une première femme a été inventé de toutes pièces pour sauvegarder la Virginité de Marie et expliquer d’une manière facile la parenté entre le Seigneur et sou frère t Jacques. Cf. E. Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 36-39 ; L’explication eut du succès ; Origène le constate et en donne la raison. Lui-même l’accepte. sans grande conviction », a-t-on écrit. Cf. Durand, op. cit.. p. 26. Et c’esl vrai si l’on en juge par les paroles du commentaire sur saint Matthieu. Il semble clair que le grand exégète n’est pas très assuré de la valeur historique de la tradition qu’il rappelle ; niais convaincu de la virginité post partum de Marie, il accepte le premier mariage de saint Joseph comme une solution naturelle, vraisemblable, de la difficulté soulevée par lese frères du Seigneur. » Même proposé avec cette réserve, le sentiment d’Origène fut accueilli par les écrivains postérieurs et peut-être renforcé par l’adjonction de certaines données de provenances différentes, par exemple le témoignage de saint Justin, s’il était authentique.

Quoi qu’il en soii 4es affirmations patristiques, dérivées des deux apocryphes par Origène, dont l’affirmation est si réservée, ne sauraient fournir à l’historien les éléments d’une information recevable autrement qu’à titre conjectural et provisoire. Au point de vue théologique, les conditions de la tradition dogmatique ne sont pas réunies : on est en présence d’une simple explication exégétique à laquelle des avantages certains et une vraisemblance d’abord indiscutée, ont assure un succès de plusieurs siècles. Mais le jour où l’on se demanda si celle solution correspondait bien aux exigences des lexles sacrés et où il fut démontré qu’une telle solution était improbable, elle se trouva condamnée. Celle condamnation fut l’œuvre de saint Jérôme qui n’innova rien et ne lit que rappeler, au sujet des frères du Seigneur la solut ion d’1 légésippe. Mais il y a plus. Des raisons d’ordre scripturaire

militent expressément contre la solution du Protévangile de Jacques ci d’Origène. Et voici, brièvement exposées, les raisons de ce rejet :

". Puisque les frères du Seigneur ne sont pas lils de Marie, a moins de périphrases sans lin. le seul terme utilisable, pour qualifier un groupe de cousins d’origine différentes, était âh, (heb.) ou ahd (aram) dont la signification commande celle de la traduction à8e).ç6ç.

L169

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR

1170

Cette signification, assez compréhensive pour envelopper les diverses relations de proche parente en ligne collatérale, est justifiée par les emplois que la Dible fait elle-même du terme âh. que les Septante traduisent par à^îXçoç : on le trouve, en effet, désignant non seulement les frères, les demi-frères, Gen., xxxvii, 16, mais encore les neveux, lien.. m. 8 ; xiv. Il ; les cousins germains, 1 Par., xxiii. 21 : les cousins plus éloignés, I evit.. x. i : les parents en général, IV Reg., x. 13, et même île simples congénlres, tien., xix. 6. Renan a certainement exagéré en affirmant quee la signification du mot (SA est identiquement la même que celle du mot i frère ». Vie de Jcsus. 13° édit., p. 25. Cf. Lagrange, op. cit., p. 72-7 1. Bien qu’en grec, le mot àSrÀçoçait un sens plus restreint, et qui se rapproche du sens du mot français frères. cependant, dans le cas présent, parce qu’il n’est qu’une traduction du mot hébreu âh. il en emprunte forcément la signification plus étendue.

b. Bien que le terme àôîLooi. puisse être entendu de simples cousins, il pourrait cependant désigner de véritables frères : accordons aux adversaires qu’il crée une présomption en faveur île cette solution. Toutefois, pour engendrer la certitude ou même une réelle probabilité, il faudrait que cette présomption fût appuyée par des arguments positifs, et confirmée de quelque façon. La confirmation naturelle serait une mention quelconque de la paternité de saint Joseph à l’endroit des < frères du Seigneur i ou tout au moins de l’un d’entre eux. Le nombre des textes. le rappel fait du patriarche en plusieurs de ces passages, mettent les lecteurs en droit d’attendre une indication de ce genre. Or. le silence de l’Écriture est absolu. Les auteurs sacrés évitent également de donner les frères de Jésus, soit comme fils de.Marie, soit comme fils de Joseph. Ce silence ne laisse pas d’être significatif. Mais, contre la présomption créée par les ternies àèso r A, nous avons des arguments positifs.

y.) Ce sont d’abord les indications scripturaires positives sur l’origine de l’un ou l’autre des « frères du Seigneur. Certains exégètes font remarquer qu’il est probable que Jacques 6 nvLzoç est un apôtre. On le déduit avec une très grande vraisemblance soit de Marc. xv. 10 : cf. Lagrange, op. cit., p. 60, 79, 410, soit de (.al., i. 19 ; cf. Cornely, Comment, in episl. ad Corinthios alleram et ad Galalas, Paris, 1892, p. 411113 et plus spécialement Inlroduclio, t. iii, p. 593-601. Voir aussi ci-dessus, col. 274. Or Jacques le mineur est liN d’Alphée : il n’est donc pas né de Joseph. A cette conclusion rigoureuse, on ne peut qu’objecter, avec Théophylacte, la possibilité d’une union léviratique de saint Joseph avec la veuve d’Alphée. Mais cette possibilité elle-même est détruite par divers passages évangéliques. Quoi qu’il en soit, en effet, du caractère ou même de l’existence de la paternité d’Alphée a l’égard de Jacques le mineur, la mère de ce dernier nous est présentée par Matth., xxvii, 56, Marc, xv, 40, ! 7 : xvi, 1 : Luc. xxiv, 10 : elle a nom Marie, comme la mère de Jésus, el le texte sacré lui donne comme fils Jacques et José et Joseph. Si cette femme, mariée ou non d’abord a Alphée (ce dernier à identifier peut être avec Clopas)aété l’épouse de saint Joseph et lui a donné des enfants selon la chair, il faut admettre que le Juste providentiellement choisi comme chef de la sainte famille a gardé simultanément, durant de longues années, deux épouses à son foyer. Le seul moyen d’échapper a cette impasse est de nier l’identité de Jacques le Mineur et de José avec les personnages de même nom mentionnés parmi les frères du Sauveur. Mais cette identité tout la suggère : deux hommes, dans le même ordre et avec la même orthographe, dans Marc les deux fois José, dans Matthieu, les deux fois Joseph I Mal th.. xiii. 55 ; xxvii,

56), ne soni-ils pas les deux premiers nommés îles frères de Jésus’.' Un lecteur de Marc est tout naturellement porté à le croire. S’il n’y avait qu’un nom, ce pourrait être un hasard. Il n’est déjà pas si commun que les deux premiers frères aient les mêmes noms dans deux familles ; quand un auteur qui a nommé Jacques et José désigne une femme comme mère de Jacques et de José, il y a presque certitude que ce sont les mêmes personnes. » Lagrange. op. cit.. p. 76. Sur le développement de cet argument, les objections qu’on y peut faire, el les réponses possibles à ces objections, voir Ami du Clergé, LU 2, p. 293 sq. — Toute cette argumentation repose sur l’identité de Jacques l’apôtre et Jacques, frère du Seigneur. Or. cette identité n’est pas absolument prouvée, car elle cadre assez mal soit avec Joa.. vu. 1."> et Marc, m. 21. où il est dil que les i frères du Seigneur étaient incrédules à sa mission, et avec Act.. i. 1 I. dans lequel les Erères du Seigneur > font un groupe distinct de celui des apôtres. Le texte de l’épîtrc aux Galales. i, 11), peut d’ailleurs s’interpréter dans les deux hypothèses. Cf. A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire A pologétique, t. ii, col. 1 17. Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que l’hypothèse d’un premier mariage de saint Joseph reste plausible, car cette hypothèse a contre elle d’autres arguments plus positifs et plus directs.

P) Deux évangélistes ont un récit de l’enfance du Sauveur. Qu’on parcoure leur narration d’un regard attentif, en en notant les nuances : une impression très nette s’en dégage : Jésus est le seul objet de la sollicitude paternelle de Joseph comme de la tendresse maternelle de Marie, le seul enfant au foyer de Nazareth. Matth., ii, 11, 13, 14, 30, 21 ; Luc, ii, 16-19, 22, 27, 33, 39, 41, 52. L’épisode de la fuite en Egypte et celui de la recouvrance au temple sont particulièrement significatifs sous ce rapport. Si saint Joseph a eu des enfants d’un premier mariage, leur place est auprès de lui. Leur présence doit laisser quelques traces dans sa vie de famille, surtout vu leur nombre. Si Jésus, à douze ans, l’accompagne au temple, les fils issus de la première union doivent pareillement l’y suivre, d’autant que leur âge plus avancé leur en fait un devoir plus strict. Or, manifestement ni Matthieu ni Luc ne soupçonnent rien de cette première union féconde, de l’époux de Marie, et la teneur même des faits qu’ils racontent semble bien l’exclure. Ceci devient bien plus sensible si l’on rapproche des narrations canoniques les récits apocryphes. Le Protcvangile de Jacques ayant donné des fils à Joseph, les fait naturellement reparaître dans la suite de son histoire par ex. : xvii, 1, 2 ; xviii. 1. Cf. Lagrange, op. cit., p. 75. Pour échapper à la logique de cette argumentation, il faudrait supposer comme le fait d’ailleurs le Protévangile, que les fils du premier mariage de saint Joseph, a l’époque de la naissance de Jésus-Christ, étaient déjà d’un âge suffisamment avancé pour pouvoir se passer de leur père et vivre indépendants. Mais l’histoire ne s’harmonise pas avec cette échappatoire. Les données d’Eusèbe, II. / :., I. [II, c. nmi et c. xi, P. G., t. xx, col. 281-282, 248, fixant la mort de Simeon (le même que Siméon, dont parle Hégésippe, cité par Eusèbe) à l’âge de cent vingt ans. reportent la naissance île ce lils de Joseph, frère du Seigneur a

quelque treize ans avant l’ère chrétienne. Ce qui détruit la supposition de lils déjà adultes au moment

de la naissance du Sau eur.

C) Peste l’unique solution possible : ceux que le titre de frères > el de sœurs du Seigneur pourrait faire croire nés de sain ! Joseph, ne sont eu réalité que des cousins du Sauveur. C’esl la conclusion de tout ce qui précède, Quanl à déterminer le degré de parenté des frères du Seigneur, le problème devient extrê memi’iit compliqué. Plusieurs sentiments se sont fait

jour chez le* exégètes. Tout d’abord, on peut parler de quatre cousins maternels, (ils de Marie et de Clopas-Alphée, cette Marie étant sœur de la sainte Vierge. Mais il faut pour cela identifier Clopas et Alphée, admettre que deux sœurs aient pu porter le même nom dans la même famille, et traduire dans Joa., xix. 2.">, Mapia r, toû KLw— à comme une apposition de r) àSeXqjr ; T/jç [x/jTpôç aÙTOÛ. D’autres auteurs. insistant sur ce fait que lorsque la mère des « frères du Seigneur » est expressément nommée, Matth., xxvii, 56 ; Marc. xv. 40, on ne trouve plus que deux noms : Jacques et Joseph, déduisent que les frères du Seigneur n’étaient pas tous parents au même degré, lit. à cause de la difficulté d’admettre deux sœurs portant le même nom, on fait des frères du Seigneur des cousins paternels, en dissociant, dans Joa.. xix, 25, Marie de Clopas et la sœur de la sainte Vierge. Et l’on émet l’hypothèse, que i Joseph (époux de la sainte Vierge) avait un frère : Clopas et une sœur : Marie, femme d’Alphée. Dans cette hypothèse. Mapfa f) toû KXw7îà est à traduire Marie sœur de Clopas, et Map (a 7) toû’Iaxoj(30u, Marie, mère de Jacques. On voit que ce sentiment n’admet pas l’identification de Clopas et d’Alphée. De Clopas seraient nés Siméon et Jude, tandis que de Marie seraient nés Jacques et Joseph. (Test la combinaison suggérée par le témoignage d’Hégésippc. celle aussi qui donne le plus facilement satisfaction aux textes du Nouveau Testament. » A. Durand, art. cité, col. 146.

3. Un mot. pour terminer la question de la famille de Jésus, est nécessaire au sujet de la parenté de Marie et d’Élisaheth, mère de Jean le Précurseur. Nous avons déjà effleuré la question à propos de l’origine davidique du Sauveur. Voir col. 1112. Elisabeth était de Famille sacerdotale, « des Biles d’Aaron ►, Luc, i. 5. Elle est cependant parente de Marie, mère de Jésus, Luc. i, 3(>. Les lévites ayant le droit de prendre femme dans toutes les tribus, on conçoit facilement qu’Elisabeth, de la tribu de Lévi et de la descendance d’Aaron par son père, pouvait être du côté maternel, parente de la sainte Vierge : il suffit, pour expliquer ce fait, que leurs mères ou leurs grand’nièrcs aient épousé, l’une un membre de la tribu de Juda, l’autre, un membre de la famille sacerdotale Voir Dictionnaire de la Bible, art. Elisabeth, l. ii, col. 1689.

Sur les « Frères du Seigneur : S. Thomas, Suin. theol., III 1, q. xxviii, a. 3, ad.’i "" ; /n IV Sent.A. IV.dist. xxx, q.n, a. 3, ad I "" ; Compendium théologies, c. i l x.wn ; In enang. Matilm-i. v. xii. One ; Jn Joannts evangel., en, lect.n ; c. vii, lect. i ; In epist. ad Galatas, lect., On ; Suarez, De mgsteriii vitee Christi, disp. Y, sect. i. édit, Vives, t. i. p. 9097 ; Denya Petau, De incarnatione Verbi, I. XIV, <-. m ; Ch. Pesch, Preelectiones dogmaticee, t. iv, Fribourg-en-Brisgau, 1909, n. 606 ; Janssens, Tractatus de Deo homlne, part. II. Fribourg-en-B., 1902, p. 294-298 ; a. Sanda, Synopsis théologies dogmalicee specialis, t. ii, Fribourg-en-B., 1922, §243 ; Van Noort, De Deo redemptore.n. 209 ; Lépicier, Trait, de sancto Joseph, Paris, 1908, part. II, a. 7, q.n ; Tanquerey, Synopsis théologies dogmaticee specialis, Paris, 1913, t. i, n. 1250, etc.

P. Corluy, Les frères de N.-S. Jésus-Christ, dan-, les Études, 1878, i, p..">, 1 15 ; Cornely, Introductio specialis in Itbros. T., Paris, 1885, t. iii, p. 595-602 ; F. Vigouroux, Les frères du Seigneur, dans Les Livres saints et lu critique rationaliste, Paris, 5’édit., 1901, t. v, p. 397-420 ; Schegg, Jacobus der Brader des Herrn und sein Brie/, Munich, 1883 ; Th. Calmes, U évangile selon S. demi, Pari’.. 1904, ». 175 ; Neubert, ’Marie dans l’Église anténlcéenne, Paris, 1908, p. 190-208 ; A. Durand, Les Frères <iu Seigneur, dans la Revue biblique, 1908, p. 8-35 et, en appendice, dans l’JSnfanee de Jésus-Christ tTaprt < les Évangiles canoniques, Pai is, 1908 ; Lagrange, Évangile selon s, uni Mure. Paris, 1911, note, p. 72-89 ; Ami du Clergé, 1912, p. 289-301 ; Fouard, La VU de. s. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. t, p. 145-448 ; Flllion, Évangile telon S. Matthieu, Paris, 1898, p. 283 ; VU PV.-.s. Jésus-Christ, Paris, l’.rj^, (. i, ]). 379-383 ; et

appendice XXV, p. 553-555. Voir également A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 131-148 ; et, dans le Dictionnaire

de ta Bible, les articles Alphée, t. i, col. 418-419 ; Cléophas, t. H, col. SOT ; Frères de Jésus, col. 2 103-2405 ; Jacques (saint) le mineur, t. iii, col. 1084-1088 ; Joseph (saint), col. 16731674 ; Jade, col. 1806-1807. Voir IIii.viuius, t. vi, col. 21412111, et JACQUES (Epttrede saint), ci-dessus, col. 272-274. On a cité au cours de l’article, les auteurs protestants et rationalistes qui ont renouvelé de nos jours l’hérésie belvidienne, Citons, à rencontre, mais avec la thèse d’Origène, Renan, Les Frères du Seigneur, dans Les Évangiles, Paris, 1877, p. 537 sq. ; J. B. Lightfool, dans son commentaire sur l’épîtreauxGalates, Brelhren 0/ Oie Lard, Londres, 1900, p. 252 sq. ; Harris, The Brethren u/ the Lord, dans le Dictionary o/ Christ and the Gospels, t. i, p. 232 sq.


III. Manifestation messianique et divine de Jésus-Christ.

L’humanité du Christ, si parfaite au point de vue intellectuel et moral, est déjà par elle-même une manifestation vivante de la transcendance de sa personnalité. Et rien qu’en considérant La perfection des sentiments qui ont animé le Christ pendant sa vie et à l’heure de son sacrifice on souscrit volontiers à la profession de toi quelque peu emphatique du vicaire savoyard : i Si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu. » Mais le théologien ne saurait se contenter de ce point de vue superficiel : il doit étudier, jusque dans ses nuances les plus délicates, la manifestation messianique et divine de Jésus.

I. CARACTÈRE « ÉCONOMIQUE » DE CETTE MANI-FESTATION. — 1° Les Pères de l’Église, notamment les Pères grecs, sont unanimes à remarquer le souci pédagogique de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la révélation de sa personnalité. Les auditeurs du Christ diffèrent profondément les uns des autres par leur préparation, leur acquit, leur valeur morale. « Le Seigneur tient le plus grand compte de ces dispositions et y adapte son enseignement : il se révèle plus explicitement aux disciples privilégiés dont il veut faire ses apôtres : il est plus réservé vis à-vis de la foule ; en face des pharisiens, qui n’ont pas l’excuse de la bonne foi et de l’ignorance, il garde moins de ménagements, et quand leurs attaques le provoquent à se découvrir, il ne s’y refuse pas toujours entièrement. Il faut remarquer, de plus, que la révélai ion du Fils de Dieu n’a jamais eu la forme d’un enseignement systématique ; elle s’est poursuivie au contact des mille rencontres que le hasard ou plutôt la Providence faisait naître. Les évangélistes ont été trop respectueux de ces réalités divines et aussi trop dominés par elles, pour les ramener à une forme schématique ; et, à travers ces épisodes, si chargés de vérité et de vie, mais si divers, il est impossible d’imaginer un projet rectiligne et d’en projeter ici le plan. »

i Cependant. si l’on ne prétend pas à trop de rigueur, on peut distinguer, dans l’enseignement du Christ, plusieurs phases successives qui initient progressivement ses disciples à la révélation du mystère. La prédication île Jésus, au début, a surtout le caractère d’un enseignement moral : mais, dès cet le période, le C.hrist apparaît au centre de celle religion qu’il prêche : comme Maître dès cette vie, comme Juge au dernier jour, il saisit les aines avec un Ici empire que l’on est amené à reconnaître en lui une autorité qui lui appartient personnellement et qui est vraiment divine. A côté de celle prédication morale, on peut relever, surtout dans les conversations privées avec des disciples ou des controverses avec les pharisiens, des déclaralions plus directes, ou Jésus, se présentant connue le

Fils de l’homme, tait entrevoir son rôle messianique ; .i pari ir de la scène de Césarée de Philippe, ces commu nical ions de iennent très fréquentes et très explicites :

elles prédisent clairement aux apôtres les souffrances et ii ;  ;  !

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. SA MAMl’l-SÏATION Dlll.

L174

l’avènement glorieux de leur Maître. Ces révélations ae sont pas le dernier mot de renseignement du Christ ; d’autres paroles nous font entrer plus avant dans le mystère : ce sont celles où Jésus se manifeste comme le Fils ou le Fils île Dieu : son rôle de médiateur entre son Père et les hommes, son union avec le Père, làhaut dans ce mystère inaccessible à toute autre intelligence, où ils se saisissent et se pénètrent totalement l’un l’autre : c’est là le grand secret de l’Évangile, la suprême révélation du l’ère céleste. Après avoir ainsi esquisse, à la suite des synoptiques, ce progrès de la révélation dans l’âme des disciples, nous parviendrons à la dernière semaine du ministère de Jésus : vis-à-vis de la foule encore indécise, vis-à-vis de ses adversaires acharnés, le Christ redouble d’efforts ; il se dévoile dans des paraboles transparentes, comme celle des vignerons, dans des controverses pressantes, comme au sujet du Fils de David, et surtout dans des tableaux d’une incomparable majesté où il décrit son avènement au dernier jour. Knlin il scelle toute cette révélation par le témoignage suprême rendu devant le grand prêtre et confirmé par sa mort. Et Dieu le Père à son tour, consacre le témoignage de son Fils : c’est la résurrection ; ce sont les apparitions glorieuses : c’est l’ascension. » J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919, p. 251-25 ; >.

2° Parmi les dispositions des auditeurs de Jésus, il en est qui commandent cette « économie » progressive dans la révélation de la personnalité divine de Jésus, en raison des conditions intellectuelles, sociales, et politiques du milieu juif, dans lequel Jésus était appelé a se manifester comme le Messie et le Fils de Dieu. Nous avons esquissé plus haut ces conditions, voir col. 1126 sq. Le peuple juif attendait le Messie, homme et non pas Dieu. Avant de se manifester comme Dieu, Jésus devait donc au préalable faire la preuve de sa mission messianique. Mais ici encore, 1’ « économie » progressive s’imposait. Qu’on se rappelle l’attitude des zélotes, d’une part, des hérodiens, d’autre part, les premiers fanatiques et nationalistes, les seconds, opportunistes et timorés. « Une revendication messianique éclatante eut suscité des craintes et surrexcité des espoirs, amené des oppositions et répressions violentes que Jésus ne voulait pas déchaîner avant l’heure providentielle, et qu’il n’entrait pas dans sa mission de briser à coup de miracles. Même avec les tempéraments qu’il adopta, le Maître dut se soustraire plus d’une fois à l’enthousiasme indiscret des foules. Ne parlait-on pas de le prendre et de le proclamer roi ? Joa., vi, 15 ; cf. Marc, vii, 21 ; ix, 30 ; Luc, xiii, 31 sq. ; Joa., vii, 6 ; x, 23, 24. » L. de Grandmaison, Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1341. Un autre motif imposait encore à Jésus la prudente économie dont nous avons esquissé les grands traits. La théologie juive avait faussé et déformé le sens des prophéties messianiques. D’un royaume qui, à tout prendre, était d’abord intérieur et spirituel, elle avait fait un royaume temporel, où le Messie serait « Roi, 01s de David, lieutenant de Jahvé dans la lutte finale contre les Nations, nouveau Macchabée, nouvel Hyrcan, le Héros délivrerait Jérusalem et ferait de la ville sainte la capitale d’un monde régénéré, plantureuse à merveille, où les Juifs fidèles seraient servis à genoux par ces Gentils arrogants ! Id., ibid., Voir col. 1129. Rappelons-nous de plus qu’à cette conception de l’avènement messianique se mêlaient des rêveries eschatologiques, fondées sur Dan., vu. 13-14, dans lesquels le Messie, un être mystérieux, venu soudain on ne sait d’où, apparaissait sur les nuées du ciel, et préludait au jugement dernier par un acte qui annonce et préligure la restauration du royaume d’Israël. A ces conceptions erronées se mêlaient M.

traits justes et authentiques qui les rendaient d’autant

plus dangereuses, il fallait doue que le Christ, avant de proclamer ouvertement sa messianité, rappelât aux esprits non prévenus le sens véritable des prophéties concernant sou avènement. i Dans ces conditions. conclut avec raison le P. de Grandmaison, une reven dication immédiate et publique du titre de Messie (en plus des dangers qu’elle eût l’ait courir avant l’heure à la personne du Maître) aurait eu pour effet d’autoriser et de rendre indéracinable l’erreur commune sur la nature et les destinées du règne de Dieu. Chacun eût reporté sur ce Messie l’image qu’il s’en était forgée et l’eût contemplé à travers le prisme de ses espérances vaines. C’est pourquoi, fidèle sur cela même à la conception du royaume qu’il devait décrire dans les paraboles du levain et du grain de sénevé, Jésus adopte, dans l’exposition de son message, une sévère économie et une prudente lenteur. Il commence par inspirer aux hommes de bonne volonté, touchés déjà par la prédication du Baptiste, cette inquiétude, ce trouble fécond, cette componction, cette faim et cette soif de la justice qui devaient, selon les Écritures, marquer l’aurore et commencer les conquêtes du règne de Dieu. C’étaient là des conditions indispensables à l’intelligence, au goût, à l’acceptation de l’Évangile. Cependant, et dès le début de son ministère, le Maître pratique les œuvres fie bonté, de délivrance et de puissance prédites par les grands prophètes. En face de ces œuvres, les mots d’André à Pierre devaient spontanément monter aux lèvres de ceux qui attendaient, en droiture et simplicité, l’espérance d’Israël : « Nous avoas trouvé le Messie. » Joa., i, 41. Jésus laisse les faits parler pour lui ; il évite les promulgations prématurées, repousse l’hommage indigne des mauvais esprits, éprouve la foi naissante et mêlée de scories trop humaines, des disciples. » L. de Grandmaison, op. cit., col. 1312.

3° Ces observations si justes nous montrent combien hasardeuse est l’entreprise de l’exégèse libérale quand elle veut trouver dans cette économie de la révélation du Christ une manifestation de l’éveil, du progrès, de l’épanouissement de la conscience messianique et filiale de Jésus-Christ. Il y aurait toute une littérature à rappeler touchant les prétendues études psychologiques sur la « conscience de Jésus », depuis la Vie de Jésus de Renan jusqu’aux assertions audacieuses des tenants du radicalisme actuel. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir à la fin de cet article. Il suffit présentement de rappeler que cette prétention rationaliste d’établir l’enchaînement des idées et des expériences par lesquelles est passé Jésus pour en arriver à se considérer comme le Messie est une prétention imaginaire, aboutissant à faire de l’Évangile un roman et qu’elle est forcément en contradiction, en la plupart de ses assertions, avec les données de la Bible. L’ « économie » de la révélation, telle que la présente le dogme catholique, repose au contraire sur les données les plus positives. L’éveil de la foi messianique, son progrès, son épanouissement sont vrais chez les auditeurs de Jésus, et c’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour bien comprendre les nuances des récits évangéîiques. Les Pères et saint Athanase, en particulier, De sententia Diontjsii, n.8 sq., P. G., t. xxv.col. 489 sq.. l’avaient admirablement compris et le terme olxovou.(a dont ils se servaient pour caractériser la manifestation progressive du mystère de l’incarnation dépeint parfaitement la position catholique. El c’est par degré cpie i et les disciples ont été amenés à

la foi dans les vérités que Jésus possédait pleinement des le premier instant de sou existence mais qu’il ne leur a dévoilées que progressivement : Dicendum quod in discipulis Christi notedur quidam ftdei prof ec tus, ut primo riim venerarentur <iimsi hominem sapientem et 1 1 75

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES RECITS DE L’ENFANCE

1 1 76

magistrum, et poslea ei intendereni quasi Deo docenli. S. Thomas, De verilate, q. xi. a. 3, ad S » m.

Que Jésus, Fils de Dieu et Messie dès le premier Instant de son existence terrestre, ait eu en conséquence de l’union hypostatique, la conscience parfaite de sa filiation et de sa messianité, le théologien n’en doute pas. Mais il y a plus : malgré l’économie dont le Sauveur avait décidé d’entourer sa manifestation publique aux hommes, il a voulu que des preuves surnaturelles et convaincantes de sa filiation divine

el cle sa messianité fussent déjà données à quelques hommes privilégiés dès le moment où, Verbe de Dieu, il s’est lait chair dans le sein de la vierge Marie. Et, comme pour réduire à néant d’avance toutes les imaginations de la psychologie rationaliste et incroyante, Dieu a inspiré aux auteurs sacrés de relater, avant les enseignements et les prodiges de sa vie publique, les caractères transcendants et divins de sa première manifestation au monde, au moment de sa naissance et aux années de son enfance. L’évangile de l’enfance. rapporté par saint Matthieu et par saint Luc, est la source où le théologien doit puiser les premières preuves de la crédibilité qui s’attache à la personnalité divine de Jésus-Christ, dès le moment de sa conception virginale en Marie. C’est la raison pour laquelle la critique indépendante rejette l’authenticité de ces récils. Mais comme ce rejet est purement œuvre de préjugé, le théologien catholique garde tout droit d’utiliser tout d’abord les renseignements fournis par le premier et le troisième évangile.

II. MANIFESTATION MESSIANIQUE ET DIVINE HE JÉSUS DANS LEVA S Gl LE DE L’ENFANCE. - ° Les /(lits rapportés : leur valeur au point de vue messianique.

— Les laits sont rapportés par Mat th., i. 18-n, 23 et Luc, i, 5-n, 52. Chez saint Matthieu, un ange annonce a Joseph, Hancé de Marie, la conception miraculeuse du Messie, i, 18-19..Jésus naît a Bethléem, ii, 1 : des mages viennent l’adorer, ii, 1-12 ; puis Joseph et Marie fuient en Egypte avec l’enfant, ii, 13-15. rendant ce temps, llérode fait massacrer les petits enfants de Bethléem, n. 16-18, et. le danger passé, le sainte famille revient se fixer à Nazareth, n. 19-23. Chez saint Luc, nous trouvons plus de détails. L’ange Gabriel prédit à Zacharie la naissance prochaine du précurseur, i. 5-25, Il annonce a Marie qu’elle deviendra miraculeusement la mère du Messie, i. 26-38. La sainte Vierge, instruite par l’ange, visite sa cousine Elisabeth. i. 39 56. L’évangéliste rapporte ensuite la naissance, la circoncision du précurseur, sa vie au désert, i. 51-80. Jésus nail à Bethléem. ii, 1-7. Des bergers, avertis par les anges, viennent l’adorer, n. 8-20. Il est circoncis, n, 21 : et présenté au temple, eu même temps que Marie se soumet à la loi de la purification, n. 22-38. La sainte Famille retourne a Nazareth, il, 39-40. Ici, se place dans le récit évaugélique. L’épisode du recouvrement de Jésus dans le temple, n. 1 1-50, et L’affirmation

de sa croissance intellectuelle et morale. Notons que

Luc rapporte les cantiques de Marie, i. 46-55, de Zacharie, i. 68-79, et de Siméon. n. 29-32. En apparence les deux narrations ne sont entièrement d’accord que sur deux points : la naissance de Jésus à Bethléem et L’installation de la sainte Famille a Nazareth après les premiers épisodes de l’enfance du Sauveur. Mais, au tond, en les comparant de plus près, on aboutit à une pleine concordance sur cinq points différents : le caractère absolument surnaturel de la concept ion du Christ, Mail h. i, 18-25 ; l.uc, [, 34 35 ; le lieu de sa naissance. Mal I h. ii, I 8, 16 ; LUC, ii, 1 17 : l’époque de cet le naissance : le règne d’Hérode le Grand, Mail h., u. 1 : l.uc. r, 5, 26 ; ii, l ; le rôle de Messie attribué d’avance au Bis de

Marie. Mallh.. i.’21 23 ; Lue., i. 31 33 ; 76 79 ; la descendance royale et davidique de Jésus. Matth., i, l. 6, L7 ; Luc, i, 27 ; u. l : m..’il. Les divergences entre

les deux récits sont assez accentuées. Nous n’avons pas à parler ici des solutions diverses qui ont été proposées pour les réduire. Il est manifeste que ni Matthieu ni Luc n’avaient l’intention de tout dire. Ils ne relèvent, l’un et L’autre, avant comme après Noël, qu’un certain nombre de faits merveilleux, dans lesquels l’action divine s’est manifestée, pour préparer les voies au salul des hommes. Cependant, ce qu’ils ont dit suffit pour mettre en relief la valeur messianique des faits qu’ils rapportent. Bien que, dans les années de l’enfance, la manifestation du Messie, fils de Dieu incarné, ne soit pas publique et s’adresse simplement à quelques âmes privilégiées, cependant déjà les motifs de crédibilité ne manquent pas, qui témoignent que l’entant de Bethléem et de Nazareth est vraiment le Verbe fait chair, habitant parmi nous. Ce sont ces motifs de crédibilité qu’il faut brièvement signaler.

2° L’affirmation de la messianité et de la divinité du Christ dans lis faits de l’enfance. - - Cette affirmation exisle. dans la réalisation de certaines prophéties messianiques et dans les interventions miraculeuses du ciel attestant la messianité et la filiation divine de Jésus-Christ. 1. Réalisation de certaines prophéties messianiques. - Knumérons-les simplement : lieu de la naissance du Messie. Michéc. v, 2 : Matth., ii, 1-8 ; 16 ; Luc. n. 1-17 : époque de cette naissance, (.en., xux. 8-12 ; Matth.. ii, 1 ; Luc, i, 5, 26 ; ii, 1 ; race dont naîtra le Sauveur : race humaine, Gen., m. 16 ; de Sem, ix, 26 ; d’Abraham, xxii, 18 ; d’Isaac, xxvi. I ; de Jacob, xxviii, 14 ; de Juda. XXIX, 8-10 ; de David. II Reg., vu. 1-17 : cf. Ps., i.xxxviii (heb., i.xxxix), 1-38, Is.. îx. S ;.1er., xxx, il : Os., m.."> ; Ain., ix, 11 ; à rapprocher île Matth., i, 1, G, 17 ; Luc. i, 27 ; ii, 4 ; iii, 31 : conception miraculeuse d’une vierge, Is., vii, 14 ; à rapprocher de Matth.. i, 18-25 ; Luc, i. 27-34 ; le précurseur, Malach., iii, 1 ; iv, 5 : à rapprocher de Luc, i. 5-27 ; 57-80 ; la présence du Messie dans le temple de Zorobabel, Agg., n. 0, voir Luc. ii, 22 ; et, tout au moins dans un sens typique, le massacre îles Innocents, .1er., xxxi. L"). Voir Matth.. ii, 18. Pour plusieurs de ces prophéties, c’est l’événement qui en révèle le sens exact : elles n’en gardent pas moins leur valeur de motifs de crédibilité. - 2. Interventions miraculeuses attestant la messianité et la filiation divine de.Icsus-Çhrist. a) L’apparition de l’ange a Zacharie, Luc, i. 11. et le message île cet ange, qui, annonçant à Zacharie qu’il aura un tils, doué de qualités éminentes, prédit que ce fils sera le précurseur du Messie. 13-17. Ce message est une véritable prophétie et quant a la vie mortifiée et quant au rôle du précurseur. L’ange, d’ailleurs, emprunte eu grande partie à Malachie les formules qui tracent ce rôle. Muni de l’esprit et de la force d’IJie. Jean réussira a reconstruire l’unité morale entre les temps anciens et les nouveaux, v. 16-17, 60 régénérant par la pénitence ses contemporains dégénères el en préparant ainsi au Messie un peuple parfait. L’événement j us li liera plus tard l’exact i tuile de la prophétie et en fera donc ressortir la valeur comme motif de crédibilité. Mais il ne sera pas nécessaire d’al tendre jusque-là pour avoir un signe o de la vérité de la révélation laite par le ministère de l’ange. Le

n de l Gabriel que s’attribue le messager céleste,

étail déjà, a lui seul, un si^ne suffisant, car Gabriel qui se tient debout devant Dieu était l’un des sepl au^es supérieurs dont il est fait mention dans Tobie, xii, 15, el celui-là même qui paraît dans le livre de Daniel pour annoncer la dale de l’avènement

du rédempteur. Dan., viii, I6 ; ix, 20-27. Mais Zacharie

a cependant encore un moulent d’hésitation. Heureuse hésitai ion. qui nous vaut un si^ne nouveau, miraculeux et précis, confirmant la révélation faite par l’ange : Voici que tu seras muet et que tu ne pourras 11’rÉSUS-CHRIST. LES RECITS DE L’ENFANCE

1 1 78

plus parler jusqu’au jour où ces choses arriveront, parce que tu n’as pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps, s. 20. Les événements s’accomplissenl comme l’avait inédit l’ange, corroborant ainsi

l’autorité de sa parole et attestant la crédibilité de la mission du précurseur et de la dignité messianique de Celui qu’il venait annoncer.

b) Niais il y a plus ; une autre apparition du même ange Gabriel, à Marie, la fiancée de Joseph, nous ouvre des horizons nouveaux sur la dignité du Messie futur. Après une salutation des plus flatteuses pour Marie. Luc, i. 28-30, le messager divin, rappelant eu quelques mots plusieurs prophéties messianiques, eu annonce la réalisation dans le fils que concevra la Vierge : Voici, dit-il. que tu concevras dans ton sein, et tu enfanteras un tils. et tu lui donneras le nom de .lesus. Il sera grand, il sera appelé LE FILS DO TRÈS-HAVTeX le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de lin. ꝟ. 31-32. En ces quelques mots, nous trouvons d’abord l’annonce de la réalisation de la prophétie d’Isaïe, vii, 14, et l’affirmation de l’origine davidique du Messie. Mais il convient surtout de retenir la révélation authentiquement faite de la divinité du Messie. Jusqu’alors, en effet, la filiation divine du Messie futur avait été laissée dans l’ombre par les prophètes de l’Ancien Testament. Mais iei nous trouvons une affirmation directe, tombée du ciel, et attestant que celui qui doit naître sera le Fils de Dieu. La locution : i il sera appelé », xXr ( Orja£- : ai., revient à dire : non seulement il sera le fils du Très-Haut, mais il sera reconnu et traité comme tel. Le nom de Très-Haut i S^irroç, est l’équivalent de l’hébreu Êliyôn et apparaît assez fréquemment dans la Bible pour exprimer la grandeur de Dieu, Gen., xiv, 18 ; l’s., vii, 18 : Marc, v, 7 : Luc.vni, 28 ; Act., vii, 48 ; lleb.. vii, 1. etc. Une question posée à l’ange par Marie, désireuse de savoir comment sera sauvegardée sa virginité, appelle une réponse qui, éclaircissant le mystère, insiste davantage encore sur le sens absolument propre dans lequel il faut entendre que le Messie futur sera « fils de Dieu i

L’Esprit Saint surviendra en toi

et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; C’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.

Le mode absolument surnaturel de la maternité de Marie exclut toute coopération humaine, et ce n’est pas en vain que l’ange représente la naissance du Messie comme un déploiement de la force du Très-Haut, car le mystère de l’incarnation, l’union du Verbe avec notre nature, est la manifestation d’une énergie absolument divine. Aussi, conçu par la vertu de Dieu, le fils de Marie sera une chose tout à fait sainte, ftyiov. De plus, il sera Dieu, lui aussi, et reconnu comme tel. Il ne s’agit plus ici d’entendre l’expression t Fils de Dieu. dans un sens large, comme lorsqu’elle s’appliquait, analogiquement à de simples humains qu’une grâce spéciale rapproche à un titre quelconque de Dieu, cf. Gen., vi. 2 : l’s., xxviii, 1 ; lxxxi, 6 ; Esttær, xvi, 16 ; Job, i, 6 ; Luc, xx, 35-36 ; Rom., iv, 1-2 : viii, 15-10 ; Gal., iii, 26 ; IV, G. 7 ; I Joa., iii, HO, etc. ; mais elle comporte un sens bien déterminé, dépassant en précision celui qu’avait pu entendre du ie futur le psalmiste lui-même. Ps., ii, 7 ; cf. col. 1118. Il s’agit ici d’une filiation proprement divine. Bien plus, malgré la particule oVj xa.1 qui semblerait indiquer que la filiation divine est une conséquence de la conception virginale, il faut entendre que celui que Marie doit concevoir et enfanter est déjà Dieu avant qu’il soit question de conception surnaturelle. Cf. Durand. L’enfance’/< Jésus-Christ, Paris, 1908,

p. 156. Le message de l’ange Gabriel à Marie constitue la première révélation positive et authentique de la divinité du Messie, révélation à laquelle se reportera d’instinct la foi des évangélistes et des premiers chrétiens. Cf. Mai’c.. i, 1. El ici encore, un signe apporte la crédibilité du mystère révèle : i Voici, dit l’ange à Marie. qu’Elisabeth ta parente, a conçu elle aussi, un tils dans sa vieillesse et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile : car il n’y a rien d’impossible à Dieu, i Luc. i, 36-37. Saint Matthieu nous rapporte, eu termes moins expressifs, la même révélation de la divinité du Messie. Aussi nettement que Luc. il avait affirmé la conception virginale, i, 18 ; et, après avoir relaté le trouble de Joseph trouvant sa fiancée enceinte, il rappelle le signe divin qui ramena la paix dans le cœur du saint patriarche, l’apparition de l’ange, assurant à Joseph que ce qui a élé engendré en Marie est du Saint-Esprit. Puis, invoquant la prophétie dlsaïe il en montre l’accomplissement dans la naissance de l’Emmanuel. La scène de l’annonciation, chez, saint Luc. n’est pas seulement utile pour nous faire connaître la première révélation de l’origine divine du Messie : c’est tout le mystère de l’Hommc-Dicu qui nous y est présenté. Son rôle messianique de Sauveur de l’humanité est tout particulièrement précisé par l’ange dans le nom qu’il assigne au Messie et dans l’explication qu’il do ne de ce nom : « Tu concevras… et tu enfanteras un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. » Luc, i, 31. « Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. » Matth., i, 27. Jésus signifie en effet « Jahvé sauve ». La forme hébraïque complète du mot est Jehôchouah, par abréviation, Jechouah, dont les Grecs ont fait’IyjooOç et les Latins Jésus. A lui seul, ce nom désignait donc en abrégé la grâce de salut dont le Messie était le porteur pour l’humanité tout entière. Ce n’était pas un nom nouveau : plusieurs personnages de l’antiquité israélite, Josué, l’auteur de l’Ecclésiastique, et d’autres, demeurés inconnus, l’avaient déjà porté. Cf. Luc, iii, 29 ; Col., iv, 11. Mais seul, le vrai Jésus, le vrai Sauveur, devait en réaliser pleinement la signification.

c) La Visitation de Marie à Elisabeth est encore l’occasion d’une double manifestation surnaturelle, l’esprit de prophétie s’emparant successivement d’Elisabeth et de la vierge Marie. A Elisabeth, dont l’enfant tressaille en son sein en présence de Marie, l’Esprit-Saint révèle soudain la faveur incomparable dont la mère de Jésus a été l’objet, et, sous le coup d’une violente émotion, l’épouse de Zacharie s’écrie :

Tu es bénie entre les femmes

et le fruit de ton sein est béni. [moi ?]

Et d’où me vient que lanière démon Seigneur vienne a

Car voici, dès que la voix de ta salutation a retent i a mon

l’enfant a tressailli de joie dans mon sein, [oreille],

Et bienheureuse celle qui a cru que s’accompliraient

les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur.

Luc., i, 12-45.

Le dernier verset fait une allusion évidente au mystère de l’annonciation qu’Elisabeth ne peut connaître que par voie de révélai ion : nouveau mol if de crédibilité de ce mystère et de toutes les vérités qu’il comporte, Mais le v. 13 est une nouvelle affirmation inspirée de la divinité du Messie : Elisabeth salue sa parente du titre de Mère de son Seigneur, iJ.ixtç ToGxuplou Marie (et non Elisabeth, comme l’affirment, à la suite d’une remarque d’Origène, mais à tort, nombre de critiques moderne, ; voir, sur ce point, Ladeuze, R d’histoire ecclésiastique, 1903, p. 623-644, et, dans Fillion, Vie de S. -S. Jésus-Christ, t. i, appendice xix, il i, un bon résumé et une bibliographie suffisante de la question), Marie répond aux louanges d’Elisabeth par le Magnificat, dans lequel, avec l’aveu des grandes J 1 79

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LES RÉCITS DE L’ENFANCE

1180

choses qui ont été accomplies par Dieu en elle, la Vierge-Mère expose la part spéciale que le peuple juif allait avoir aux grâces de salut apportées par le Messie :

Il a relevé Israël, son serviteur se souvenant de sa miséricorde,

scion ce qu’il avait dit à nos pères à Abraham et à sa race, pour toujours. Luc, I, 54-55.

Celle dernière strophe est bien la prophétie de l’imminence de l’ère messianique.

</) La nativité deJean-Baptiste donne lieu derechef à une nouvelle manifestation de l’Esprit divin, manifestation prophétique relative au.Messie et à sa divinité. Après que la voix lui fût rendue miraculeusement. le père de Jean, rempli de l’Esprit-Saint », prononce l’hymne prophétique du Benedictus.

Dans la première partie, ꝟ. 68-79, qui abonde en réminiscences de l’Ancien Testament, cf. Plummer, Commentary on the Gospel according lo St. I.ukc, lit., Edimbourg, 1900, p. 39-40, Zacharie montre l’imminente réalisation des prophéties par l’avènement du Messie et par la concession au peuple juif des bienlaits promis à l’occasion de cet avènement. Une seconde partieꝟ. 76-79, expose le rôle auguste que le nouveau-né aura un jour l’honneur de remplir envers le Messie. On n’y trouve pas sans doute, au moins explicitement, l’affirmation de la divinité de Jésus, mais sa messianité est absolument reconnue.

Toutes les merveilles qui accompagnèrent la naissance et la circoncision de Jean, la protection divine manifestement accordée à l’enfance et à l’adolescence mortifiée du précurseur, ꝟ. 80, montrent bien la crédibilité qui s’attache à la mission de Jean-Baptiste et par concomitance, à celle de Jésus.

e) Mais, à la naissance de Jésus, d’autres prodiges éclatent, qui viennent confirmer la vérité des révélations qui s’y opèrent touchant la messianité et la filiation divine de l’enfant de Bethléem. Certains détails dont saint Luc entoure le récit de la naissance, n. 7, manifestent la pauvreté volontaire, l’humiliation dans lesquels le Fils de Dieu veut naître selon la chair. L’expression : < peperit filium suum primogenilum », ne doit pas nous étonner et faire difficulté relativement a la virginité de Marie post partum. Voir Marie. La naissance de Jésus eut lieu pendant la nuit. Luc, n, 8, 16. Des bergers, aux environs de Bethléem, gardaient leur troupeau. Tout à coup un ange leur apparut et la « clarté de Dieu », ꝟ. 10, les environna. Sur cette gloire du Seigneur, voir Gloire, t. vi, col. 1368-1392. L’ange rassure les bergers effrayés : Voici que je vous apporte la bonne nouvelle d’une grande joie pour tout le peuple ; c’est qu’il vous est né aujourd’hui dans la ville de David, ’A s I EUR, QUI I.E CHRIST SE1QNEVR, Oû>T^p, ôç èo-ri ^piaxôç

xôpioç, . i La qualité de Messie est nettement indiquée : la divinité du Messie, moins nettement exprimée par le terme xùpioç, dont les bergers ne comprirent peut-être pas le mus plein et parfait, y est cependant suflisamment indiquée. L’ange appelle Bethléem, < cité de David », par une allusion évidente à la race dont naît le rédempteur. Les bergers reçoivent un signe » :

Vous trouverez un petit enfant, enveloppé de langes et couché dans une crèche. fuis « une iroupe de la milice céleste —, c’est à-dire un groupe d’anges nombreux font retentir la doxologie de louanges et d’action races, qui résume si parfaitement le caractère, la ifleation, le but, les avantages de l’incarnation et de la naissance du Verbe : Gloire à Dieu dans les hauteurs, et sur la terre, paix et bienveillance aux hommes,

/ ; J.a présentation de Jésus au temple scia l’occasion d’une nouvelle révélation de la messianité du Sauveur.

Sans doute, Jésus, comme Verbe incarné, n’était pas soumis à la loi ; il voulut cependant s’y soumettre par obéissance et humilité, manifestant ainsi les admirables sentiments dont parle l’épître aux Hébreux, x, 5-6. « Il y avait alors à Jérusalem un homme appelé Siméon, et cet homme était juste et craignant Dieu ; il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit-Saint était en lui. » Luc, ii, 25. Le terme o consolation d’Israël », désignant ici le Messie et les multiples grâces dont il est porteur, fait allusion aux prophéties messianiques qui avaient depuis longtemps annoncé ce consolateur. Quand Jésus fut présenté au temple, Siméon, illuminé intérieurement de l’esprit de Dieu et d’ailleurs assuré, par une révélation personnelle « qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur, » reconnaît en l’enfant le Sauveur des hommes et, dans un court, mais sublime cantique, demande à Dieu de le laisser aller en paix :

Puisque mes yeux ont vu le salut qui vient de vous

et que vous avez préparé à la face de tous les peuples :

lumière pour éclairer les nations,

et gloire d’Israël votre peuple. Luc, ii, 29-32.

Mais ce n’est pas seulement la messianité de Jésus que chante Siméon ; le saint vieillard entrevoit et prophétise la rédemption future, non seulement d’Israël, mais de tous les peuples. C’est un trait personnel qu’il ajoute à la figure de Celui qui vient au monde pour être la lumière qui éclairera les nations. Puis, approfondissant le mystère de la rédemption, il prophétise la contradiction dont Jésus sera le signe et le glaive de douleur qui transpercera le cœur de sa mère, ꝟ. 34-35. La prophétesse Anne, lille de Phanuel, proclame, elle aussi, la messianité du rédempteur futur, ꝟ. 36-38.

g) L’adoration des mages (laquelle, chronologiquement doit être postérieure à la Présentation ; voir l’art. Mage, dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 549), rapportée par saint Matthieu, témoigne également de la messianité et peut-être même de la divinité du Christ. Nous laissons, dans l’histoire des mages, tout ce qui ne se rapporte pas directement a ces deux objets. On consultera, à leur sujet, l’article Mage, déjà cité cl, de plus, Palrizi, S..1.. De evangeliis libri 1res, Rome, 1852-1853, t. iv. p. 309-354 ; Dicterich. Die Weiscn ans dem Morgent and, dans la Zcitschrift fur die neutestamentliche Wissenschafl, 1902, n. 1. L’étoile dont parle les mages fut-elle d’un caractère surnaturel ou un phénomène naturel ? Le problème reste controversé, et il sullit donc de le signaler ici. Voir Fïllion, L’Évangile de S. Matthieu, Paris, 1898, p. 52 et P. X. Sleinmoizer, Die Geschichte der (ieburt und Kindheit Christi und ilir Verhâltnis zur babylonischen Mythe, Munster en W., 1910, p. 85. On constate, dans l’aine des mages, l’attente messianique, laquelle, avons nous dit, débordent à coup sûr les frontières du peuple juif, voir col. 1139. Ces personnages arrivent de l’Orient directement à Jérusalem, et demandent : i où est celui qui est né roi des Juifs ? car nous axons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer, i La croyance des mages au caractère messianique de celui qui est né apparaît en ces mots : roi des Juifs ». L’expression « adorer », à la lettre : nous prosterner devant lui », n’implique ni n’exclut en Jésus la divinité : « Ile exprime l’hommage rendu aux rois et au grands personnages tout aussi bien qu’à la divinité. Le titre de « roi des Juifs », par lequel Hérode reconnaît facilement le Messie, a toutefois le don d’émouvoir et d’inquiéter le vieux despote, . M. Cet émoi qu’éprouva Hérode et « tout Jérusalem avec lui » montre bien de quelle prudente économie Jésus devra plus tard, au cours de sa vie publique, entourer la révélation du mystère de son être divin. Hérode toutefois

se ressaisit, et convoquant les princes des prêtres, les scribes du peuple c’est-à-dire, peut-être, le sanhédrin tout entier, demande à ce corps célèbre une réponse authentique à la question « où le Christ naîtrait Cette solennité elle-même témoigne en faveur de la crédibilité du mystère de Bethléem, qui, de l’aveu même des plus autorisés parmi les Juifs, répond exactement à la prophétie de Michée. (".’est donc à Bethléem que le Messie doit naître : la chose est indubitable, et Ilérode y envoie les mages avec une recommandation pleine d’hypocrisie. Dirigés par l’étoile, les mages arrivent dans la maison que vraisemblablement Joseph s’était procurée à Bethléem même, après la presse des premiers jours occasionnée par le recensement, et y trouvent l’enfant et sa mère -Marie ; puis, se prosternant, ils l’adorèrent, lui offrant en présent, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Dans cette « adoration » des mages, précisée par le symbolisme de l’encens, peut-être faut-il voir davantage que l’hommage rendu à un roi ou à un grand de ce monde. C’est l’interprétation de toute la tradition chrétienne que le poète Juvencus a résumée en vers ;

Thus, aurum, myrrham, regique hominique Deoque Donaferwit.

Quoi qu’il en soit, l’avertissement divin reçu en songe de ne pas retourner près d’Hérode, ajoute encore à la crédibilité qu’apporte au mystère de l’Homme-Dieu naissant la démarche, naturellement inexplicable, des mages d’Orient.

h) Le massacre des Innocents, Matth., ii, 13-23, n’apporte aucun élément nouveau à cette crédibilité. Il est cependant, pour l’évangéliste, l’occasion d’appliquer à l’histoire de Jésus, en un sens typique, deux passages de l’Ancien Testament, Os., xi, 1 et Jer., xxxi, 15 et d’expliquer comment, après la fuite en Egypte, le retour de la sainte famille à Nazareth vérifie la parole des prophètes : quoniam Xa : arxus vocabitur, et justifie le qualificatif de « nazaréen » si souvent donné par le Nouveau Testament à Jésus. Cf. Matth., xxi. Il : Marc, i, 24 ; x, 47 ; xiv, 67 ; xvi, 6 ; Luc, iv, 34 : xviii. 37 ; xxiv, 19 : Joa., i, 46-47 ; xviii, 5, 7 ; xix. 19 : Act., ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi, 9.

i) Nous n’avons pas à nous arrêter aux prodiges, racontés par les apocryphes et qui auraient été accomplis par Jésus enfant. De tels prodiges sont invraisemblables, non seulement parce que, d’après les récits apocryphes eux-mêmes, ils apparaissent comme des miracles parfaitement inutiles et des fables choquantes mais encore et surtout parce que des miracles, s’ils eussent vraiment été accomplis par Jésus enfant, fussent allés contre toute l’économie de l’incarnation qui demandait que Jésus, jusqu’à son apparition solennelle sur la scène historique, demeurât humble et caché, inconnu des hommes. Il est vrai que les apocryphes placent ces prétendus miracles dans la période de l’enfance qui s’étend de la quatrième à la douzième année du Sauveur. L’évangile arabe de l’enfance dit même expressément, c uv, qu’à partir de sa douzième année, Jésus se mit à cacher ses miracles, ses secrets et ses mystères, jusqu’à ce qu’il eût accompli sa trentième année. Mais il est bien certain que les récits apocryphes sont, sur le point des miracles de .Jésus enfant, homme mûr de réflexion et qui n’a de l’enfance que la malice et les défauts, parfaitement controuvés : ils sont, en effet, nettement contredits, par l’histoire évangélique qui, d’un côté, affirme que Jésus accomplit son premier miracle au début de sa vie publique, Joa., ii, 11, et, d’un autre côté, nous montre ses compatriotes de Nazareth extrêmement surpris, lorsqu’ils le virent tout à coup sortir de son obscurité, parler comme un prophète et opérer des

prodiges. Marc i, 27 ; ii, 12 ; vi, 2-6. Toutefois cet entassement de merveilles inutiles, accomplies souvent sans but moral ou, ce qui est pis, dans un but parfaitement égoïste, exhibition perpétuelle, insensée, choquante par instants, d’une puissance surhumaine qui ne demande qu’à exciter l’étonnement, témoigne d’une préoccupation dogmatique des auteurs des apocryphes, et cette préoccupation doit être relatée ici comme manifestant, avec un monophysisme naïf, la croyance en la divinité de Jésus enfant : on voulait démontrer que, même petit enfant, le Sauveur était vraiment le Fils de Dieu. De toutes les élucubrations apocryphes sur les miracles de l’enfant Jésus, ne retenons que cette idée parfaitement juste : cet enfant est Dieu. Cf. Fillion, Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i, p. 158-163.

j)Lc seul fait remarquable relevé par saint Luc, ii, 41-51, l’enfant Jésus perdu et retrouvé dans le temple, n’est pas seulement intéressant par l’affirmation du progrès physique, intellectuel et moral de Jésus, voir col. 1148 sq., mais encore et surtout par le premier et formel enseignement de Jésus lui-même sur sa filiation divine. Quel que soit le sens à accorder aux mots sv toï : toG : 70<7p6ç (i.ou (les choses ou la maison de mon Père), ce sont les mots « mon Père » qui contiennent ici l’idée principale. « D’après l’interprétation constante des exégètes et des théologiens catholiques, qui est également celle de nombreux protestants orthodoxes, c’est dans le sens strict et littéral, dans un sens unique, que Jésus attribue ici à Dieu le titre de Père. Le fait est incontestable et on ne comprend pas pourquoi on ne donnerait pas à ce titre, dès cet endroit, la valeur qu’il a si souvent dans la suite des récits évangéliques. Dès cette première parole que nous connaissons de lui, Jésus se proclame donc « Fils de Dieu », comme il le fera fréquemment plus tard. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 348-349. Ce sens ressort évidemment de l’opposition de la phrase prononcée par Marie : « Ton père et moi, nous te cherchions », v. 48, et de celle où Jésus, reprenant le mot de « père » l’applique à Dieu. A son père adoptif, Jésus oppose son Père naturel et rappelle à sa mère que les droits de Dieu, son Père, pouvaient parfois lui tracer un devoir suprême, exigeant de lui une certaine indépendance à l’égard même de ceux qui lui étaient le plus chers après son Père céleste. Les rationalistes contemporains ont faussé et dénaturé la réponse de Jésus à sa mère. Non seulement ils ont voulu y voir l’expression d’un sentiment de raideur ou d’insubordination à l’égard de ses parents, mais ils ont affirmé que le mot « père » n’a ici, sur les lèvres de Jésus, qu’une signification très vague et très générale. Cf. Dalman, J)ie Worle Jesu, t. i, p. 151-152 : B. Weiss, Das Leben Jesu, t. i, p. 269 ; V. Beyschlag, Leben Jesu, 4e édit., t. i, p. 14. Il exprimerait simplement le sentiment d’union intime tjui unissait déjà Jésus à Dieu. Une telle interprétation fait violence au sens naturel et obvie du récit.

/II. LES Tf : MOI GXAŒS PRÉPARATOIRES a I.APRÊDl (ATioy DU christ. — A l’âge de trente ans, le Christ se prépare à sa mission. Le rôle du précurseur va donc, lui aussi, commencer. De ce rôle, le théologien retiendra les actes et les paroles qui rendent témoignage à la messianité et à la divinité de Jésus-Christ. C’est bien parce que « la parole du Seigneur s’est faite entendre a Jean, fils de Zacharie, i Luc, iii, 2. que celui-ci. élevé dans le désert, continuera de vivre au désert, Marc, i, 4, c’est-à-dire dans le désert de la Judée, Matth., iii, 1, dans toute la région voisine du Jourdain, Luc, iii, 3, 61, non plus tant pour lui-même que pour le Messie et pour les anus. Jean nous est montré par les cv angélistes, comme l’austérité en personne, vêtu d’un tissu de poils de chameau, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage, Matth.. iii, 1 ; lis ;  ;

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCURSEl R

L184

iMaii.. i. 6 ; son rôle et tracé par ls.. xi., 3-5 : il est i la voix qui prépare dans le désert le chemin du Seigneur. El c’est pour préparer ce chemin du Seigneur qu’il commence sa prédication.

1 La prédication de Jean-Baptiste, relativement à Jésus-Christ, cirant le baptême de Jésus. 1. Cette

prédication porte d’abord sur l’imminence du royaume messianique : le royaume des cieux est proche. » Matth., m. 2. Ces expressions : i royaume de Dieu » (Marc et Luc), « royaume des cieux » (Matth.), « royaume du Christ ou simplement i royaume par excellence sont propres a la révélation chrétienne et sont prises indistinctement dans le même sens. Voir Dictionnaire de la Bible, art. Roi/aume de Dieu, t. v, col. 1237. Cependant l’expression : « royaume des cieux > était déjà employée par le précurseur pour annoncer l’avènement du Messie, et nous avons tout lieu de supposer, qu’elle était dès lors en usage pour désigner l’œuvre du Christ, c’est-à-dire le nouvel étal religieux et politique quon s’attendait à lui voir fonder. Elle constitue donc déjà, à elle seule, dans la bouche de Jean-Baptiste un véritable témoignage en laveur de la niessianité de Jésus. Mais le caractère inspiré de la prédication de Jean relativement à la proximité du royaume messianique, apparaît surtout (ii ce que le précurseur attribue déjà, en réaction contre les idées erronées de ses contemporains, au royaume futur les caractères que devra lui donner plus tard Jésus. I.a pénitence est la condition préalable, absolument nécessaire, pour entrer en ce royaume, Matth, ni, 2, et cette pénitence, transformation totale et intérieure de l’âme, [xeTocvota, Jean l’exprime symboliquement aux foules accourues pour l’entendre, par un rite symbolique et véritablement nouveau, le baptême. Ce concept de renouvellement intérieur et radical, est nettement exprimé dans la véhémente apostrophe que Jean-Baptiste adresse aux pharisiens orgueilleux et aux sadducéens matérialistes. Matth., n, 7-10 ; Luc, m. 7-9. I.a colère divine, le châtiment des coupables, prédits par Jean accompagnent, dans les visions prophétiques de l’Ancien Testament, l’installation du royaume des cieux par le Messie et font partie de son aspect eschatologique. Il ne servira de rien aux Juifs d’être fils d’Abraham, s’ils ne font pénitence, ils seront exclus du royaume. Bien plus tout cela est imminent, et c’est pourquoi la prédication de Jean est si instante : elle constitue une proclamation solennelle et officielle, Maie, i, I, 7 ; I.uc, iii, 3, une évangélisation, une exhortation pressante, Luc., iii, 8. Tous ces caractères de la prédication de Jean sont encore renforcés par la sagesse et la modération des conseils pratiques donnés par le précurseur, Luc, m, 10-1 1.

2. Jean affirme ensuite la transcendance et le rôle messianique du Christ : « Je vous baptise dans l’eau : mais viendra un plus puissant que moi, de la chaussure de qui je ne suis pas digne de délier [eu me baissant) la courroie, lui vous baptisera dans l’Esprit et le feu ; son van est en sa main et il nettoiera son aire, puis il rassemblera le froment dans son grenier et brûlera la paille dans un feu qui ne peut s’éteindre. > Luc., m. 15-18 ; Cf. Marc., i, 7. Dans ce texte, remarquons deux antithèses, relatives l’une, aux personnes, l’autre, aux baptêmes. Le Messie es ! représenté comme >< plus puissant i que Jean : Jean est l’inférieur, indigne de lui rendre, même eu se prosternant, les services les plus humbles. Pareillement, le baptême de Jean n’agit

qu’à la surlace : celui de Jésus, dont l’Espril Saint il le feu seront en quelque sorte les éléments, agil |U qu’au plus intime de lame et opère une régénérai ion

morale. Cf. Act., ii, 33 ; s, il. 17 ; m. 6, etc. Cf. Bapti mi pah i.i mi. t. n. col. 357. Cette double

antithèse OÙ la I lance de Jésus et de sa mission

est soulignée par rapport à Jean montre l’inanité de l’hypothèse émise par certains libéraux relativement à la formation de Jésus par Jean-Baptiste. De plus, la puissance judiciaire nettement attribuée à Celui qui doit venir, en marque le caractère et la mission messianique-.

2° Le baptême de Jésus par Jean. 1. Il lut la consécration officielle de la mission messianique du Sauveur. Joa., i, 31. Jean, pressentant en Jésus le Messie, refuse tout d’abord de le baptiser ; mais Jésus insiste. Matth. ni, 13-15. Sans doute, le Messie n’était pas obligé de recevoir le baptême de son inférieur : mais cette cérémonie était préparatoire à l’institution du royaume messianique et, à ce titre, entrait dans le plan divin. Luc, vii, 29-30. Le précurseur, si grand soit-il. ne fait que préparer le royaume et le plus petit, dans ce royaume, est ainsi plus grand que lui. Luc. vu. 28. Et donc, il était convenable que Jésus se prêtât à ce rite, quelque humiliant qu’il fût. C’est ce que le Sauveur fait comprendre à Jean par ces paroles : Laisse faire pour le moment, car c’est ainsi qu’il convient que nous accomplissions toute justice. Matth.. m. 15. L’extrême importance, au point de vue messianique, du baptême de Jésus est sans doute la raison qui détermine Dieu a dévoiler pleinement et miraculeusement la filiation divine du Messie. Les cieux se déclarèrent, Marc, i, 10, et Jean et Jésus (il n’y avait vraisemblablement pas d’autres témoins de la scène du baptême cf. Luc, iii, 21) virent le Saint-Esprit descendant sur Jésus en forme de colombe, Matth., ni, 15 ; Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22, se reposant sur lui. Joa., i. 32. Cette manifestation divine était le promis à Jean par Dieu et qui devait lui permettre de reconnaître le Messie. Joa, i, 33. La descente du Saint-Esprit réalisa en effet la prophétie d’Isaïe : Le Messie est tel, — l’oint du Seigneur parce que l’Esprit de Dieu s’est reposé sur lui. ls., xi, 2 : i.xi, 1. Et la loi des premiers chrétiens reportera à ce moment la consécration messianique extérieure du Christ par l’Esprit ; ainsi en témoignent l’évangile apocryphe des Nazaréens, cité par saint Jérôme, In ls., XI, 2, P./… t. xxiv, COl. 148 ; et l’évangile des Cbionites (s’il diffère du précédent) cité par saint Epiphanc. Hier., xxx. 13, P. (’, .. t. xii, col. 428. La colombe, qui manifeste ici la mission invisible de l’Esprit en Jésus, est choisie par Dieu à cause de son symbolisme. La colombe, dans l’histoire du déluge est l’image de la fidélité et de la paix. (ieii.. viii, 11 : le Cantique voil eu elle la figure de l’innocence et de l’amour pur, i, 14 ; ii, 10, 12 ; iv. 1 : V, 2 ; vi, 8 ; Jésus vante sa candeur et sa simplicité. Matth., x, 16. - 2. Mais ce n’est pas seulement comme Messie que Jésus est révélé au baptême de Jean. 1 tieu le l’ère fait entendre sa voix pour le proclamer son h’ils bien-aimé. Matth., m. 17 ; Marc, i, U : Luc. iii, 22. Pour la comparaison des trois récits, voir le 1’. Lagrange, Évangile selon saint Marc. Paris. 1911, ]). 12. C’est une nouvelle révélation de la filiation naturelle du Verbe incarné. Il ne saurait, en effet, être question d’entendre ici l’expression « mon Fils » en un sens large, qui s’accommoderait d’une filiation de pure adoption. Le texte et le contexte exigent le sens de la filiation naturelle. Le texte d’abord : ’O ut6ç u, ou, 6 iyaTCTjTÔç ; la répétition de l’article rend singulièrement expressif le sens du mot a l-’ils ». Il faut observer que, dans les synoptiques, i-^x-r-oi est employé au même sens que [iovoyev^ç par saint Jean. Cl Marc. 1, 11 : et comparer Luc. m. 22 : Matth.. iii, 17 : Marc, ix. 7, avec Mal th.. xii. 5 ; Luc. ix..">.">. d’après la leçon des mss t c t). Voir également la même expression dans la II Pet., I, 17 ; clic/, saint Paul, Eph., i. 6 ; Col.. î, l.’i, et surtout Rom., nui 31 où l’apôtre cite Gen. xxii. 16 en substituant a -.<, > ci.-(y.-r-’i, oloû la formule ro > [Sîou uloû. Voir Resch, L18î

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCI RSEUR

Parallellexte, dans Texte und Untersuchungen, t. x, rase. 2, p. 24 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris. 1919, p. 308-309. Le contexte ensuite :

les récits antérieurs de.Matthieu et de Luc nous ont montré Jésus comme conçu du Saint-Esprit, et saint Mare, dans sa première ligne, résume tout son évangile en ees mots expressifs : « Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu, D’ailleurs la même voix divine se fera entendre, deux l’ois encore : à la transfiguration, Matth., xvii, 5 ; Marc., ix, 6 ; Lue.. i. 35 ; cf. Il Pet., i. 17. et quelques jours avant la passion, Joa., xii, 28-30. A la transfiguration la filiation divine est encore nettement et directement révélée. Et quand, dans saint Jean, malgré son trouble, le Sauveur demande a Dieu : « Mon Père, glorifiez votre nom. une voix divine, sanctionnant implicitement cette appellation de Père », répond : i Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »

3 Les témoignages postérieurs un baplêm de Jésus.

— 1. Témoignages en fureur du Messie, rendus à la délégation du sanhédrin (Joa.. i, 19-28). — Saint Jean complète ici visiblement les synoptiques. La renommée de Jean-Baptiste croissant toujours, une députation de prêtres et de lévites lui est envoyée, pour porter un jugement sur l’œuvre, la prédication et le baptême de Jean. Successivement le précurseur affirme qu’il n’est ni le Messie, ni Élie en personne, ni le prophète prédit par Moïse. Sur l’attente d’Élie et du prophète, voir ei-dessus, col. 1126 sq.. Jean est simplement « la voix de celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur. » r. 23. Il annonce simplement le Messie transcendant et dans sa personne et dans son baptême.. 26-27. — 2. Le Messie es ! Jésus, Fils de Dieu. Entouré de quelques-uns de ses disciples, Jean vit, le jour suivant, Jésus venant à lui et il rend aussitôt, saisi d’une intense émotion, hommage à sa mission messianique et à sa filiation divine : ci, dit-il, l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. C’est celui de qui j’ai dit : après moi vient un homme qui a été fait avant moi, parce qu’il était avant moi : et moi je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptisant dans l’eau… lit moi je ne le connaisas : mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Et j’ai vii, et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu, i Joa., i, 29-31, 33-34. Témoignage précieux entre tous ! Ne nous atteste-t-il pas la mission rédemptrice de Jésus, vainqueur du péché, et symbolisé par l’agneau pascal, qui, jadis, avait sauvé de la mort les premiers-nés des Hébreux ? Ex., xii, 3-18 ; . un, 7 : 1 Cor., v. 7 ; Joa., xix, 31. N’affirme-t-iî pas la préexistence éternelle du Messie, et par conséquent, sa divinité, connue du précurseur par une révélation spéciale ? Aussi, l’expression i Fils de Dieu i appliquée par Jean a Jésus doit elle être entendue dans son sens le plus strict. Ici encore le texte semble l’exiger, non moins que le contexte. Le témoignage de Jean, en effet, nous est conservé par l’auteur du quatrième évangile, qui, dans le prologue, vient précisément d’insister sur la préexistence éternelle et la divinité du Verbe : nul doute que le témoignage de Jean ne soit rapporté pour corroborer les affirmations du prologue. — 3. Dernier témoignage de Jean sur la messianité et la filiation divine de Jésus. — Jésus avait déjà commencé sa vie publique, et ses disciples conféraient déjà un baptême, analogue a celui de Jean, symbole de la conversion nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Voir Baptême, t. if, col. 169, et Jean-Baptise (Baptême de) ci-dessus, col. 646 sq.’n sa renommée commençait a éclipser celle de Jean. Les disciples de ce dernier l’ayant fait remarquer a leur nier, de 7 moi. r : TiioL

L186

maître, ce fut, pour le précurseur, l’occasion d’un

nouveau et splendide témoignage rendu au Christ. Ce témoignage se compose de deux parties, la première

attestant la supériorité du Christ, dont Jean n’est que le précurseur, et qui doit croître, alors que le rôle de Jean est de diminuer et de disparaître ; la seconde. s’élevant à des hauteurs incomparables et à laquelle il convient de s’arrêter plus longtemps : « Celui qui vient d’en haut. dit Jean, est au-dessus de tous. Celui qui vient de la terre est de la terre et parle de la terre. Ainsi celui qui vient du eiel est au-dessus de tous.. Et il témoigne de ce qu’il a vu et entendu… Celui qui a reçu son témoignage a attesté que Dieu est véridique car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que ce n’est pas avec mesure que Dieu [lui donne l’Esprit. Le Père aime le Fils et il a tout remis entre ses mains. Celui qui croit au Fils a la vie étemelle ; celui qui ne croit pas <iu Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Joa., iii, 3$1-$20. Toute la théologie johannique sur la divinité du Fils de Dieu incarné se retrouve en ce témoignage. Transcendance de l’Homme-Dieu, relation intime de dépendance vis ; ’t-ïs de Dieu et dans la vie divine elle-même ; plénitude de l’inhabitation de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire de la divinité : amour du l’ère pour le Fils, affirmation de la nécessite de la foi en Jésus-Christ pour l’aire son salut : tout, dans les paroles de Jean atteste la divinité du Fils de Dieu qui est Jésus.

Après de tels témoignages en faveur du Messie, Fils de Dieu, comment un doute aurait-il pu subsister dans l’esprit de Jean ? Si donc, plus tard, avant appris dans sa prison les miracles accomplis par Jésus, il envoie deux de ses disciples demander a Jésus s’il est vraiment le Messie, Matth., xi, 2-3 ; cf. Lue., vii, 19. cette question ne marque pas un doute dans l’esprit de Jean et n’infirme en rien la valeur des témoignages par lui déjà rendus touchant la divinité de Jésus, mais, telle est du moins l’exégèse classique, elle est posée dans l’intérêt des disciples, afin de leur fournir une preuve convaincante de la vraie nature de Jésus et d’affermir leur foi, ébranlée sans doute par leurs rapports avec les pharisiens. Sur les diseussions soulevées par le message de Jean, voir D. Buzv, Saint Jean-Baplistc, Paris, 1923, p. 280-306.— Conclusion. — Ainsi donc la révélation de Jésus, Messie et Fils de Dieu, est déjà faite au début du ministère public du Sauveur. Mais ce n’est pas encore une révélation publique : seules, quelques âmes privilégiées eu ont été favorisées. La révélation publique, c’est Jésus qui la fera, durant les trois années de son ministère. Il la fera progressivement, de façon à ne pas compromettre sa mission et à ne pas favoriser les conceptions erronées des Juifs, ses contemporains, touchant le royaume messianique, la personne du Messie et ses attributs.

IV. MANIFESTATION PROGRESSIVE lu : L’UOMilE ntEUDANs les synoptiques. A partirdù baptême, le problème de la messianité et de la filiation divine de Jésus se pose pour les Juifs. Jésus s’appliquera a donner la solution de ce problème selon les lois de l’économie providentielle relative à la révélation du mystère de II lomme-Dieu. Les conditions intellectuelles, sociales et politiques du peuple juif au temps de Notre-Seigneur, exigeaient, avons-nous dit, une révélation progressive de la qualité dMe sic Semblablement, el même sans tenir compte de cette circonstance, la révélation de l’origine divine ne pouvait se produire d’une façon trop directe et, peut-0 i dire, trop brutale. « La raison en est. dit M. I.epin, dans la situation même, extraordinaire, inouïe, qui était cette du Sauveur. Mettons-nous bien, en effet, dans la réalité. Représentons-nous le Verbe, vrai Fils de Dieu

et vrai Dieu, quittant le sein de sou Père céleste, p

se faire homme comme les autres hommes et. au milieu

VIII. — 33 us ;

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TEMOIGNAGE DES MIRACLES

1188

dis hommes, se consacrer à l'œuvre d’enseignement et de salut que nous savons. Quelle situation extraordinairement complexe et délicate I Pouvait-il raisonnablement découvrir, d’une manière trop explicite, son exacte identité? Pouvait-il déclarer, sans détour et sans voile : Je suis en apparence homme comme les autres hommes ; en réalité, je suis le Fils de Dieu, éternellement engendré de Dieu, je suis le créateur du et de la terre, je suis Dieu ? La situation, peut-on dire, eut été impossible, et, si nous trouvions dans les Évangiles de ces déclarations expresses, nous serions en droit d’en suspecter l’authenticité, tant elles auraient été intempestives et déplacées…. C’est indirectement et progressivement que Jésus a voulu révéler sa dignité messianique ; à plus forte raison a-t-il dû agir de la sorte pour ce qui est de sa divinité. Impossible de procéder avec plus de sagesse et plus d’opportunité. Il a insinué et suggéré cette réalité supérieure par toute sa vie : ses œuvres manifestaient une puissance divine ; ses discours étaient pleins d’allusions à la transcendance de ses privilèges et de ses pouvoirs, au caractère unique de sa qualité de Fils de Dieu. Pour n'être pas exprimée, en une formule dogmatique, à la manière d’une définit ion de foi. la divinité proprement dite de sa personne ne s’en laissait pas moins deviner à travers toutes ses déclarations ; « Ile s’en dégageait comme une conclusion théologique certaine et il devait être impossible à ses disciples, surtout après la résurrection et la Pentecôte, de se méprendre sur le véritable sens de sa manifestation. » Jésus, Messie et Fils de Dieu, Paris, 1910, p. 364-365. Ajoutons, avec le même auteur, que l’enseignement de Jésus touchant sa propre personne, et ses relations avec le Père céleste, sont les déclarations, non du Fils de Dieu uniquement considéré dans sa nature divine, mais du Fils de Dieu incarné. A proprement parler, renseignement de Jésus est l’expression humaine de sa pensée humaine et, à ce titre, il tient compte, même en témoignant de la préexistence éternelle et de la divinité du Fils, des conditions concrètes dans lesquelles ce Fils s’est manifesté aux hommes, homme comme eux, par l’incarnation. Ainsi donc, si l’on se rappelle que le Christ devait avoir en face de lui un peuple charnel et aveugle, que le nom de Messie en llammail, mais trompait, que le nom de Fils de Dieu ne pouvait que scandaliser, on comprendra les précautions, les lenteurs, les réserves de l’enseignement du Christ. Avant de montrer la lumière il doit désiller les yeux : avant d’enseigner, il doit convertir. « La prédication du Christ commencera donc par un enseignement moral : il ne propose pas d’abord les mystères du dogme chrétien, sa propre divinité, son unité substantielle avec le l'ère ; mais il prêche l’idéal de la vie chrétienne : l’humilité, la pauvreté, la douceur, le pardon des injures, la religion intérieure qui prie et agit dans le secret ; il presse ensuite ses disciples de mettre tout cela en pratique pour ne pas bâtir sur le sable et voir tout l'édifice s’effondrer. D’un mot, il faut faire la vérité pour venir a la lumière. ».1. I.ebreton. l.cs origines du dogme de lu Trir.ilc, Paris, 1919, p. 260. En réalité, la manifestation explicite et formelle de Il lonune-Dieu présuppose lé] à les illusions dissipées touchant le royaume de I tien et la personne du Messie. Et c’est seulement

lorsque Jésus aura tait comprendre de quelle nature

est le royaume qu’il vient fonder et quel est le vrai caractère de sa dignité messianique, qu’il pourra sagement se révéler comme le Fils de Dieu. Aussi, soit au désert lors de la tentation, soit dans les débuts de sa vie publique, lors des guérisons de possédés, jamais ne laissera au démon le droit de proclamer sa messianité et sa divinité que cependant l’esprit du mal connaissait ou tout au moins soupçonnait. Marc, i,

32-34. Cf. i. 23-21 ; iii, 11-12 : v. 11 : Matth., iv. 3, G ; vm. 29 ; Luc. iv. 3. 9, 33-34, 41 : vin. 28. Sur la valeur du témoignage des démons, voir S. Thomas, Sum. theol., I q. i.xiv. a. 1, ad 4° » >.

Sans doute, la prédication de.Jésus dans le début de son ministère est semblable à celle de Jean-Baptiste : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche : convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » Marc, i, 1."). Mais la conversion des âmes, Jésus la préparera tout d’abord par les bienfaits qu’il se plaira à répandre autour de lui : « il a passe, en faisant le bien, et en guérissant tous ceux qui étaient asservis par le diable. » Act., x, 38. Dès le début du ministère du Sauveur apparaît la vérité de la progression signalée au (. 1 des Actes des Apôtres : lacère et docere, faire le bien, d’abord ; enseigner, ensuite. C’est en guérissant les corps que Jésus atteint les aines et les purifie. Aussi estimons-nous que le théologien, étudiant la manifestation implicite de l’Homme-Dieu dans l'Évangile, doit le chercher tout d’abord dans les miracles du Sauveur, avant de la trouver dans son enseignement général.

Manifestation de V Homme-Dieu par les miracles.


Nous n’avons pas à nous appesantir sur la définition, la transcendance, la valeur démonstrative du miracle en faveur de la vérité révélée. Voir Miracle. Il reste entendu que pour les contemporains de Jésus comme pour les hommes de tous les temps, les miracles ont été « des signes très certains de la révélation, accommodés à l’intelligence de tous. » Conc Vatic, sess. iii, c. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1793. Mais la plupart des miracles du Christ furent accomplis, moins pour corroborer une révélation déjà faite que nom préd sposer les esprits à la révélation à venir. Et c’est sous cet aspect que nous trouvons dans les miracles de Jésus une première manifestation, encore implicite, de son rôle messianique et de son origine divine. Aussi bien, en établissant la liste des miracles du Sauveur, on peut constater que si Jésus multiplie ses miracles pendant toutes les périodes de sa vie publique sans exception, ils furent toutefois plus nombreux pendant la première partie de son ministère public. !.. Cl. Fillion, Les miracles de.V.-.S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i, p. 27. C’est là une première indication de la vérité de notre thèse, à savoir que les miracles préparèrent d’abord la révélation avant de l’authentiquer. Une autre indication de la même vérité, c’est que les prodiges de Notre-Seigneur ne furent jamais accomplis dans l’unique intention de jeter les hommes dans l’admiration et de faire éclater la puissance divine ; mais tous, à part une ou deux exceptions (la malédiction du figuier stérile, par exemple). Furent des œuvres de miséricorde, manifestations de la bonté et de l’amour du divin Maître, qui voulait, autant qu’il dépendait de lui. alléger les souffrances physiques et morales de l’humanité. I.a pitié est un sentiment habituel du cœur de Jésus ; voir COl. 11(12. Et c’est SOUS l’influence de ce sentiment que beaucoup de miracles furent accomplis. Matth., xiv, 14 ; cf. Marc, vi, 31 ; Matth., xv, 32 : cf. Marc, viii, 2 : Matth., xx, 34 ; Marc I, 41 ; Luc. vu. 13. etc. FI par ces œuvres de miséricorde, .lesus entendait s’attacher les cœurs et

les esprits.

1. Réalité des miracles du Christ. - Jésus devait opérer des miracles. Le Messie attendu des Juifs avec tant d’ardeur, devait être, d’après les prophéties elles-mêmes, un cire surhumain, possédant le pouvoir d’accomplir des merveilles éclatantes. Cf. Is., xxxv, "i il ; xi. m. 8, etc. Aucun juif n’aurait accepté un Messie qui n’eût pas été thaumaturge. Il fallait donc que silice point, Jésus réalisât les prédictions des prophètes et répondit aux légitimes attentes de ses compatriotes. Mais il devait a la vérité messianique de ne point L189

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DKS MIRACLES

L90

laisser s'égarer l’opinion dos Juifs, qui réclamaient

an Messie politique, conquérant, restaurateur du royaume temporel d’Israël. Les miracles de Jésus ne « levaient pas servir a entretenir le peuple juif dans les illusions et les erreurs qu’il nourrisait depuis longtemps sur le messianisme.

Que Jésus ail opéré île nombreux prodiges, le l’ait n’est pas douteux. Les récits évangéliques sont remplis des faits miraculeux attribués par leurs auteurs au Sauveur, et. d’une façon générale, ils en allument l’existence. Marc. i. 32-34 ; cf. Matth., vin. lf>-17 ; Luc. iv, 10-41 ; Matth.. îv. 20-24 : cf. Marc, ii, 7-12 ; Lui-., vi. 17-19 ; Luc. v, 15 ; vii, 21 ; viii, 2 ; cf. Matth., xi. 4-5 ; Marc. vi. 54-56 ; cf. Matth.. xix, 35-36 ; xv, 1 : cf. Marc. vu. 37 : Matth.. xix. 2 ; xxi. 1 1 ; Joa., il. 23 ; iv. 48 ; vu. 31 ; xi. 47 : xii. 37 : xx. 30, etc. Des formules générales contenues dans ces textes, il apparaît bien que les miracles s'échappaient en grand nombre des mains divines et bienfaisantes du Sauveur. De plus, les écrivains sacrés ont donné aux miracles de Jésus des noms qui marquent bien leur caractère surnaturel. Ce sont des prodiges. TsçotTa : encore que ce nom soit commun aux miracles de Jésus et aux prodiges des faux prophètes, Matth.. xxiv, 21 : Marc, xiii. 22, cependant, pour désigner spécialement les miracles du Sauveur, il est accompagné d’autres qualificatifs qui excluent l’idée d’un pur prodige, uniquement destiné à éblouir les foules. Matth., iv, 24 ; Marc. xui. 12 : cf. Joa.. iv, 48. Ce sont des faits merveilleux, Ozupôoia, Matth., xxi. 15 : des faits étranges, -.xzy.Ù', zy.. Luc. v. 26. Les miracles de Jésus reçoivent aussi le nom de $ovdc(ieiç, forces, parce qu’ils manifestent une puissance supérieure à celle des hommes. Matth.. xi. 2(i. 21. 23 ; xra, 54, 58 ; xiv, 2 : Marc, vi. _. 14 : ix, 39(Vulg., 38) : Luc. x, 13 : xix, 37. Ce sont aussi des signes, a7)|Aeï<x, à cause de leur relation avec la vocation messianique de Jésus, qui se trouve être par eux prouvée et comme contresignée. C’est surtout chez saint Jean qu’on trouve cette expression, ii, 11, 18, 23 ; m. 2 : iv. 48, 54 ; vi, 2, 14. 2tj, 30 ; vii, 31 ; ix, 16 ; x. 41 ; xi. 47 : xii. 18, 37 : xx, 30, bien qu’on la rencontre déjà assez fréquemment chez les synoptiques. t Matth., xii. 3.S. 39 : xvi, 1, 4 ; Marc, viii, 11, 12 ; xvi, 17. 2° ' : Luc. xi. 16. 29. 30 : xxui, 8. Saint Jean eriiploiera une autre expression, qui lui est favorite, spva. les œuvres, expression pleine de profondeur, car elle semble supposer qu’en Jésus-Christ le miracle est la forme naturelle de l’activité. Joa., v, 20, 36 ; vii, 3, 21 ; îx. 3, 4 : x. 25. 32, 37, 38 ; xi. 12 : xv. 24, etc.

Parmi les miracles opérés par Jésus en personne les évangélistes en ont relevé, en particulier, un certain nombre. M. T. IL Wright, dans Hastings, Dicdonary oj Christ and the Gospels, Londres, 1908, t. ii, p. 189, énumère, d’après les évangiles 41 miracles distincts ; M. Fillion, op. cit., p. 25-27, n’en compte que 39. Et la vérité historique de ces miracles apparaît démontrée avec la dernière évidence. — a) Tout d’abord, il ne saurait être question d’interpolation, à une date postérieure, des récits miraculeux dans les évangiles. Bien que l’authenticité de ces récits soit implicitement démontrée dans l’authenticité générale des évangiles, elle apparaît très certainement du fait que deux et même trois évangélistes ont rapporté simultanément les miracles les moins » acceptables » à la raison humaine : la résurrection de la Mlle de Jaïre, les deux multiplications des pains, la guérison des aveugles de Jéricho, par exemple. « La distribution de la matière miraculeuse, dit fort justement le 1*. de draiidniaison, n’est pas celle qu’on attendrait d’une interpolation postérieure. Dans cette hypothèse, en effet, le merveilleux devrait remplir les parties les moins atl< de l’histoire évangélique, introduit là tardivement, moyennant des traditions particulières, accueillies par

l’un ou l’autre des narrateurs. Dans le double et. à plus forte raison, le triple récit, ou ne devrait guère trouver que les miracles plus aisément t « acceptabl< guérisons de paralytiques, exorcismes, etc. Ces prévisions sont celles-là même (nous le verrons) qui guident nos adversaires dans leur étude de l'élément miraculeux impliqué par les documents chrétiens primitifs. Mais les faits déjouent ces calculs aprioristiques : au lieu d’affleurer çà et là. à la façon de blocs erratiques, déposés par une coulée géologique récente à la surface des récits, les prodiges les plus inouïs, les plus « impossibles », saturent également la double, la triple synopse. i Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique, t. n. col, LUS. - />) Ensuite, les récits miraculeux ne laissent rien à désirer au point de vue de la critique ; les néo-critiques ne trouvent aucun argument tiré de l’examen des textes pour nier la vérité historique des miracles du Sauveur : aucun désaccord dans lesmss. ; variantes textuelles insignifiantes ; clarté parfaite de la narration : ils son ! entièrement irréprochables. — c) La comparaison des miracles de Jésus dans les évangiles canoniques et des miracles attribués à Jésus par les apocryphes, est une nouvelle preuve de la vérité historique des premiers. Les apocryphes nous servent du brillant, du clinquant, du merveilleux pur et simple, parfois accompli contrairement aux règles de la convenance, de la justice et de la charité. Dans les miracles authentiques du Sauveur, il règne une convenance, une dignité parfaite : et tous servent à mettre en relief la mission de Jésus. Cette opposition fondamentale est une marque de la réalité et de la crédibilité des miracles évangéUques. Cf. Fillion, op. cit., c. ix, § 2. — d) Mais la preuve décisive, c’est qu’il est impossible d'écarter les récits miraculeux, sans mutiler les évangiles et.ans les transformer d’une manière essentielle. Ils sont inséparables de l’histoire de Jésus ; l’image de Jésus, telle que nous la dépeignent les évangélistes, est comme sa tunique sans couture : il faut la prendre telle qu’elle est, avec les miracles, ou la rejeter tout entière Les miracles sont supposés à chaque instant par les circonstances, les particularités, les enseignements les plus incontestables de l'évangile. C’est par les miracles que s’explique la foi qui entraîna les apôtres vers Jésus : saint Jean le fait remarquer à maintes reprises, ii, 11 : iii, 2 ; vii, 31 ; xii, 9-11 ; mais les synoptiques ont noté eux aussi cette impression « les prodiges de Jésus sur les Douze Marc, iv, 40 ; Matth., xiv, 33. C’est par les miracles que s’explique l’en thousiasme et l'émotion des foules qui suivent Jésus, ou le recherchent, avides d’entendre sa parole et de recevoir ses bienfaits ; voir quelques textes, Marc, i. 28, 45 ; vii, 36-37 ; Matth., ix, , S. 31. 33 ; xii, 23 ; xv, 31 ; Luc, iv, 37, 40, 42 ; v, 15 ; vii, 17 : viii, 39 : xi, 1 1, etc. C’est à cause îles miracles que les ennemis de Jésus sont piqués de curiosité, Matth., xii, 38 : xiv, 1-2, ou dévorés d’envie, Joa.. xi, 47, 48. Et eu liii, souvent Jésus donnait a ses disciples, ou aux foules, ou à ses adversaires, des leçons pratiques en prenant pour occasion quelque prodige qu’il venait d’accomplir. Personne ne révoque en doute la leçon ; pourquoi révoquer en doute le miracle qui en fut l’occasion'.' CI. Matth., xii. lli-l.'i : 22-2 1 ; x. 1-S : Joa.. vi, 26, ete. Le pouvoir de thaumaturge de Jésus' est reconnu formellement par les apôtres qui furent témoins de sa carrière et fait partie intégrante de la tradition chrétienne primitive ; cf. AcL, ii, 22, 23 ; x, 37-39 ; Joa., xxi, 25. Il faut donc conclure avec llarnæk, en étendant toutefois son assertion a Ions les miracles rapportés par l'évangile : i Les miracles ne se laissent pas éliminer des récits évangéliques, sans qu’on détruise ces récits jusqu'à la base. » l.rhrbuih det Dogmengest lue hlr, t. I, p. fi I.

La difliculté soulevée par certains néo-critiques, relativement à l’absence de tel récit miraculeux dans l’un ou l’autre évangile, n’est pas une difliculté sérieuse : aucun évangéllste n’a voulu être complet, et l’absence de tel récit chez l’un ou chez l’autre prouve au contraire l’indépendance, c’est-à-dire la véracité des auteurs inspirés. D’ailleurs sur 39 miracles, treize sont communs à trois évangélistes au moins (un est raconté par les quatre) ; vingt sont particuliers à l’un ou à l’autre et six sont rapportés par deux évangiles. Cette grande variété et ces accords fréquents marquent à la fois la véracité et l’indépendance des auteurs inspirés. Cf. Fillion, op. cit., p. 28-30.

Ajoutons enfin, en descendant dans le détail des miracles du Sauveur, que si, d’une part, le Sauveur s’est constamment refusé à faire des miracles de pure puissance, de ces prodiges qui manifestent une force inconsciente sans frein, ni règle, ni but, cf..Marc, vm. 12 : Joa., iv, -48, si. d’autre part, il a souvent refusé d’accomplir des miracles là où il était accueilli avec incrédulité, Marc, vi, 5, 6 ; Matth., xiii, 58, qu’enfin si Jésus a voulu fréquemment limiter la divulgation des faits merveilleux par lui accomplis, Marc. i. I 1 : v, 43, alin de garder à sa manifestation parmi les hommes la marche progressive et sagement réglée qu’il avait décidé de lui imposer, « cette discrétion, ces limitations, — - non imposées du dehors et aveu de faiblesse, mais imposées du dedans et marque de sagesse : les textes les plus clairs en témoignent : Matth., iv, 3 sq. ; xxvi, 53 confèrent aux miracles du Christ un caractère unique, et aux récits qui les relatent un cachet d’historicité hors ligne. C’est le propre en effet des embellissements postérieurs et des enthousiasmes irréfléchis d’ajouter en ce genre, de surenchérir, de chercher le frappant, l’extraordinaire l’inouï. Les miracles de Jésus, tels que nous les présentent les évangiles, sont au contraire tellement maîtrisés, tellement spirituels, tellement mortifiés, pour ainsi dire, qu’ils interprètent la vie et renseignement du Maître sans les tire ; pour autant île l’histoire, du réel, de tout ce que nous savons par ailleurs-du prédicateur et du saint de Dieu. » L. de Grandmaison, art. aie, col. 1456.

2. La valeur des miracles de Jésus, comme signes de sa mission messianique. - Que les miracles de Jésus aient servi à prédisposer les cu’lirs et les esprits de ses

contemporains à accepter la personne et les enseignements du Sauveur, ou bien, en modifiant quelque peu la formule, qu’ils demeurent aujourd’hui encore de solides et convaincants motifs de crédibilité en faveur de la révélation inaugurée par Jésus. - - ils ont dû. en toute hypothèse, être accomplis en une connexion manifeste, implicite ou explicite’avec la personne. l’enseignement, la mission du Verbe incarné. Implicitement, ici te connexion existe chaque fois que le

miracle’sert à glorifier Jésus (par exemple : la voix du ciel entendue au baptême et a la transfiguration, et surtout, la résurrection), ou encore chaque fois quele miracle est la récompense accordée a la foi ou la confiance en Jésus (par exemple, la guérison du serviteur du centurion, Mat th., viii, "> sep ; la guérison des aveugles de Jéricho, Matth., xx, 29 ; la guérison de la i hananéenne, Matth., xv, 22 sq ; cf. Matth., vii, 2 : vm. 2.". : ix. 18 ; 27 : xiv. 28 ; xx. 30 ; Marc, u. 25 28 ; ix. 16-23 ; Luc, iv, 38 ; Joa., ii, 3 ; i. 16 54). Explicitement, (elle connexion, est proe’laniée par Jésus lui ii, t me : la gu risem élu paralytique est accordée pour confirmer l’existence en Jésus du pouvoir de

ii nu Itu les péchés. Mare’., ii, 9 10 ; les messagiTs de

Jean-Baptiste sont instruits de la mission messianique iiu Sau i m par l’accomplissement de’s prodiges opérés

pai JéSUS, I ne. ii, 18-24 ; Jésus obtient de Dieu la i i ion m I a/aie t alin. dit il. qu’ils croient que

vous m’avez envoyé. » Joa., xi, 11-43. Ht cette dernière formule revient à plusieurs reprises sous la plume du quatrième évangéliste. Joa.. v, 3(î ; x, 25 ; xiv. 12 : xv, 21 : xx. 30. En réalité tous les contemporains de Jésus, amis ou ennemis, sont d’accord sur le fait ele cette connexion : voir les textes. Matth., xii. 13 : xxiv. 54 ; Joa.. m. 2 : iv. 43 : vi. Il ; vu. 31 : ix. 16 33 ; xi. 15 ; xii. 11, etc.

Mais ces prodiges attestent-ils vraiment l’intervention ele la puissance divine’Sont-ils vraiment des prodiges tels que Dieu seul les puisse accomplir ? Et Jésus se montra-t-il, soit comme objet, soit comme instrument, eligne de cette intervention de Dieu ? Les contemporains du Messie ne se sont peut-être pas posés, sous nue forme aussi précise, cette double question, dont la solution achève ele déterminer la valeur des miracles de Jésus comme signes de sa mission. Ils ont simplement subi l’attrait produit sur leur cœur et leur intelligence par les multiples bienfaits du Maître, sans apercevoir tout d’abord clairement le terme auquel Jésus les voulait amener. Voilà pourquoi le théologien qui cherche avant tout à retrouver dans l’Évangile la figure historique du Christ, doit logiquement situer les miracles accomplis par ce dernier — du moins ceux qui ont précédé sa passion — dans le cadre de la manifestation progressive et pleine et’ « économie » ele la mission messianique et de la filiation divine. Toutefois, si nous voulons, avec l’apologiste des temps postérieurs à Jésus-Christ, analyser jusque élans ses derniers éléments cette force attractive, inhérente aux miracles de Jésus, et dont les con temporains de Jésus ont subi l’influence, il nous faut arriver à cette double constatation : que les miracles opérés par Jésus sont tels, que Dieu seul les pouvait accomplir : et épie Jésus, dans l’accomplissement de sa mission, s’est montré constamment digne eh’l’intervention divine dont il était d’ailleurs lui-même le eligne instrument.

a) Circonstances où se produisent les miracles. — Malgré les sages limitations que Jésus apporta dans l’accomplissement ele ses miracles, il y a, parmi les « œuvres » du Sauveur une variété considérable, élans laquelle nous devons admirer les effets de la toute-puissance divine. Quelle que soit la formule eh’elassitication adoptée pour les miracles du Sauveur, il est hors ele doute, que les miracles de création, tels que le changement de l’eau en vin et la multiplication des pains, les miracles de suspension eles lois de la nature, tels que la pêche miraculeuse, l’apaisement soudain de’la tempête, la marche de Jésus sur les eaux. et. à plus forte raison, les miracles de résurrection de morts, niellent en évidence l’intervention de la puissance divine. Le se’iis obvie élu texte, pas plus que le caractère du Sauveur ne supporteraient une’explication tirée’del’emploi de’la supercherie. L’illusion n’est

pas plus admissible, lorsqu’il s’agit de phénomènes naturels incontestables et vus par de nombreux témoins. Voilà, en bref, ce que suggère la lecture impartiale des textes. Nous verrons à la fin ele l’article que’les néo-crit ique’s ont voulu y trouver tout autre

chose. Leurs négations sont plus vives encore, lorsqu’il s’agit des miracles de guéri sons, guérisons psychiques : expulsion des dénions : guérisons corporelles : santé rendue aux malades, tous miracles qu’ils prétendent expliquer par le seul jeu eles forces naturelles. L’apologétique catholique démontre le caractère’vraiment surnaturel des guérisons psychiques et corporelles accomplies par.lesns, sans toutefois se prononcer d’une façon catégorique et absolue’sur la nature de chacun des cas (’nonces, dans l’évangile, comme appartenant

à la catégorie des possessions diaboliques. Le but de

cet article l héologicpie n’est point d’entrer dans le détail de ces discussions et de cette démonstration.

On se reportera, sur ce point, aux ouvrages spéciaux. .T. Smit. De dtemoniacis in historia evangelica, Rome, 1913, p. 146-172 ; de Grandmaison, art. cité, col. 14571400 : L. Cl. l’illion. Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. ii, en entier. Notons simplement quelques conclusions indiscutables.

a. En ce qui concerne les expulsions de démons, il faut reconnaître que les quatre cas de possession nommément désignés dans l’Évangile. Marc., i, 23-28 ; cf. Luc. iv. 33-37 : Matth.. vin. 20-34 : cf. Marc.. 1-20. et Luc vrn, 26-39 ; Matth.. xv. 21-28 ; cf. Marc, vu. 24-30 ; Matth.. xvii. 1 1-21 : cf. Marc, ix, 18-29 et Luc. ix. 37-42, supposent la réalité de l’expulsion du démon. D’ailleurs Jésus délègue le pouvoir de guérir et d’exorciser. Marc. m. 15 ; vi, 7 : et lui-même est venu sur terre détruire les œuvres du diable, I. Joa., m, 9. La lutte entre Jésus et le démon, symbolisée par l’antagonisme de la lumière et des ténèbres, du royaume de Dieu et du royaume du prince de ce monde, des serviteurs du roi (messianique) et des serviteurs de ce monde, ne s’explique que par l’existence très réelle et très personnelle d’esprits, malins ou impurs, exerçant leur activité visible dans le corps et par la voix de certains hommes. Que toutes sortes de maladies psychiques aient pu être, au temps du Christ, rangées parmi les possessions diaboliques, la chose n’est pas impossible. Sous l’influence des superstitions étrangères, les Juifs ont pu exagérer singulièrement l’étendue de ce mal et le nombre des cas qui en relèvent. Toutefois, ce n’est pas une raison pommer a priori les guérisons de possédés. Les exorcismes des démons, à l’aide de procédés superstitieux ou magiques, existaient à coup sûr et Jésus y fait allusion. Matth., xii, 27. Et l’hypothèse d’un démonisme purement apparent est la plupart du temps exclue par les formules employées dans les récits évangéliques, par l’attitude et le langage même du Sauveur. Les unes et les autres ne sauraient se comprendre sans l’action ou la présence des esprits malins et impurs. De plus la simplicité, la rapidité, la stabilité, la durée de ces guérisons psychiques, non moins que leur portée spirituelle et religieuse en démontrent le caractère miraculeux et surnaturel. L. Cl. Fillion, op. cit., t. ii, p. 240-201 : IL Lesêtre, art. Démoniaques, dans le Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1374 sq. ; L. de Grandmaison, art. cité, col. 1460-1464.

b. En ce qui concerne les guérisons corporelles, plusieurs constatations s’imposent à la seule lecture des textes sacrés. — C’est d’abord la multiplicité des guérisons de ce genre, Matth., iv. 23-24 ; viii, 16-17 ; xiv. 35 ; xv, 30-31 ; xxi, 14 ; Marc, i, 32-34 ; v, 10 ; vi, 54-50 ; Luc, iv, 40 ; v, 17 ; ix, 11 ; Joa., vi, 2, etc. C’est ensuite la variété des maladies guéries : les vingt cas spéciaux rapportés par les évangélistes comprennent des infirmités multiples, fièvre, lèpre, paralysie totale et partielle, hémorragie d’un genre particulier, cécité, surdité, mutisme, hydropisie, blessures, etc., quelques-unes réputées incurables ou très difficilement guérissables ou même mettant le patient en péril imminent de mort. — Notons de plus que les procédés employés par Notre-Seigneur pour guérir les malades n’avaient aucune relation directe, aucune analogie naturelle avec les résultats produits. « Souvent, il se contentait d’une parole, qui exprimait son intention d’accomplir la guérison. Matth., viii, 13 ; xii, 13 ; Marc, ii, 11 ; Joa., v, 8, etc. Fréquemment aussi, il imposait les mains aux infirmes, Marc, vi, 5 ; vii, 32 ; Luc, iv, 40 ; xiii, 13 ; ou bien, il les touchait doucement, prenant parfois l’organe malade comme objet de ce contact salutaire. Matth., viii, ’.', . 14, 15 ; i.x, 29 ; xx, 34 ; Marc, i, 41 ; Luc, xiv, 4 ; xxii. 51. Il lui arrivait parfois de lever les yeux au ciel, en signe de prière. Marc, vii, 34. En deux circonstances, il mit un peu de

salive sur la langue d’un muet, Marc, viii, 23, et sur les yeux d’un aveugle. Joa., ix. 0. Kit tous ces procédés, point de remèdes proprement dits. L’onction d’huile, par laquelle les apôtres, au nom du Christ, guérissaient les malades, Marc, vi, 13, n’était pas davantage un remède Tous ces procédés sont des symboles, et rien de plus, physiquement incapables, par eux-mêmes, de produire la saute’-. Ainsi l’imposition des mains, dont usa si souvent le Sauveur, ne faisait qmmanifester la communication du bienfait surnaturel accordé par Jésus aux malades. CI. Marc, v, 23 ; vi. 5 ; vii, 32 ; viii, 22 ; Luc, iv, 30. Le contact de Jésus n’était qu’un symbole de la « vertu » qui s’échappait de lui, Luc, vi, 19 ; viii, 46 ; Marc, v, 30, et les malades y recouraient fréquemment. Marc, iii, 10 ; vi, 56 ; Matth., xiv. 30. Cette vertu, 8’jvx ; i.t, < ;,

force i, n’est pas autre chose que le pouvoir d’opérer des guérisons miraculeuses ; saint Luc, d’ailleurs, emploie volontiers le substantif Hjj%a.iç en ce sens. Luc, v, 17 ; vi, 19 ; viii, 46 ; ix, 1 ; Act., iii, 12 ; iv, 7 ; vi, 8. — Soulignons ensuite le caractère instantané et, en même temps, complet de ces guérisons. Instantanéité. Marc, i, 31, 42 ; Luc, viii, 44 ; xiii, 13 ; Matth., viii, 13 ; Joa., iv, 50-53 ; v, 0 ; ix, 0. « D’une manière régulière, les évangiles représentent comme immédiat, comme réel et point illusoire, l’effet de la parole ou de l’attouchement » de Jésus. Keim, Geschichle Jesu von Nazara, Zurich, 1872, t. ii, p. 153-154. Une seule exception, celle de l’aveugle de Bethsaïda, Marc, viii, 22-26 ; la lenteur et les progrès de cette guérison devant aider au développement de la foi chez ce malade. — Il est inutile d’insister sur le caractère intégral de ces guérisons, qui sont complètes et sans retour de la maladie.

— Rappelons enfin que ces faits sont attestés de manière à satisfa’re toute critique. La simplicité des récits non moins que la publicité des miracles (lesquels eurent tous lieu devant plusieurs témoins et quelquefois devant les foules nombreuses, Matth., iv, 24-25 ; vm, 16-17 ; Marc, ii, 2-4 ; iii, 3 ; ix, 10 ; Luc, v, 18-19 ; vi, 19, etc.) témoignent de leur vérité historique. Et puisque d’autre part, ils nous apparaissent comme humainement inexplicables, il faut en conclure que Jésus les accomplissait par la force de la puissance divine.

c. Les miracles et la foi. — La foi joue un certain rôle dans les guérisons opérées par Jésus-Christ : il importe de préciser, à l’aide du texte évangélique.le sens et la portée de ce rôle, que nous trouverons très dénaturé par les rationalistes et les néo-critiques. Souvent Jésus exige des malades la foi, comme une condition préalable nécessaire à leur guérison, Matth., ix, 28-29 ; ’Marc, v, 30 ; ix, 22 ; Luc, viii, 50 ; Joa., v, 0, ou tout au moins il se propose, en les guérissant, de faire naître la foi dans leur âme. Marc, vii, 32-35 ; vm, 22-26 ; Joa., ix, 5-7. La foi anime les malades ou les personnes qui les amènent a Jésus : le paralytique de Capharnaum, Matth., i, 2 ; Marc, ii, 3-5 ; Luc, v, 18-19 ; le centurion, Matth., viii, 5-10 ; Luc, vii, 1-9 ; l’hémorrhoïssc, Marc, v, 28 ; la Chananéenne, Matth., xv, 22-28 ; Marc, vii, 25-29 ; les foules elles-mêmes qui’i jettent aux pieds » du Sauveur leurs malades. Cf. Matth., iv, 28 ; xv, 30 ; Marc, iii, 10 ; Luc, vi, 18, etc. Et Jésus loue la foi qui les anime. Matth., ix, 22-23 ; cf. Marc, v, 31 ; Luc. viii, 18 ; xvii, 10 ; xviii. 11-42. Réciproquement, l’absence de foi attriste l’âme de Jésus, Matth., xvii, 10-17 ; cf..Marc, ix, 18 et Luc, ix, 41 ; Luc, viii, 25, cf. Matth., viii, 20 et Marc, iv, lu ; Matth., xiv, 31 : Joa., iv, is. ci, précisément, parce que les habitants de Nazareth se montrèrent particulièrement incrédules vis a vis de Jéius, i il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité. » Matth., xiii, 58, cf. Marc, vi, 5-6. Il n’apparaît nullement par là que la foi des malades ou de leurs réponii ! i :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE >E> MIRACLES

1196

dants était une cause de la puissancejmlraculeuse de Jésus : les pouvoirs de Jésus étaient partout les mêmes. car ce sont des pouvoirs divins, totalement indépendants des volontés et des circonstances humaines. Mais les guérisons étant des actes moraux, Jésus exige dans les malades des dispositions morales. Si. par les prodiges, il ne pouvait atteindre le but spirituel et moi al qu’il se proposait, il se refusait à les accomplir. La foi des malades n’est donc pas la cause de leur guérison par Jésus, mais une simple condition morale dont la haute convenance ne saurait échapper à quiconque prend l’Évangile tel qu’il nous est présenté, c’est-à-dire « a considérant Jésus-Christ comme le vrai Fils de Dieu auquel il faut croire pour être sauvé. La cause efficiente des guérisons reste la puissance communiquée par Dieu au Sauveur.

b) Le thaumaturge considéré en lui-même. Dans l’accomplissement de sa mission, Jésus s’est constamment montré digne de l’intervention divine dont il était le digne instrument. a. Jésus est l’instrument de Dieu.c’est lui-même qui l’affirme, en réfutant l’invraisemblable allégation des pharisiens mettant au compte de Beelzebub et des esprits malins certains miracles du Sauveur. Matth., xii, 21 sq. ; cf. Marc, iii, 21 sq. ; LUC, XI, 15 sq. : Joa.. viii. IX. Jésus est l’ennemi né du démon : tout ce qu’il fait est pour l’honneur et la gloire de Dieu, son Père. La théologie aura à préciser la nature des relations qui unissent Jésus à Dieu dans la manifestation extérieure de sa puissance Ihaumaturgique. Nous n’avons ici qu’à relever les traits que nous fournissent les évangiles. Deux séries parallèles de textes s’offrent à nous, ceux où il apparaît que Jésus opère des miracles de sa propre autorité : c’est sa volonté qui est la cause efficiente du prodige. Matth., vm. 2-3 : Marc, i, 40-41 ; Luc, v, 12-13 ; cf. Luc, vu. 11. Les démons comprenaient bien que Jésus agissait d’autorité : les paroles de la tentation le supposent expressément ; Matth., iv, 3, 6 ; Luc, iv. 3, ! » ; et la foule, témoin de guérisons et délivrances merveilleuses ne l’entendait pas autrement : « Quelle parole est celle-ci ? Car il commande avec autorité et avec puissance aux esprits impurs, et ils s’en vont. » Luc, iv, 3(5. Cependant une autre série de textes nous laisse voir que Jésus chassait les démons i par l’esprit », « par le doigt de Dieu, Matth.. xii, 28 ; Luc. xi. 20 ; il lève les veux au ciel avant de rendre l’ouïe et la vue à un sourd-muet, Marc, vii, 34 ; avant de multiplier les pains et le poisson, Matth.. xiv. 19 ; Marc, vi. Il : Luc. ix. l(> : ou bien, avant de ressusciter Lazare, il remercie Dieu d’avoir exaucé la prière qu’il lui avait adressée au sujet de son ami. Joa., xi, 41. Et, suivant l’impulsion donnée par le Sauveur, les foules rendent parfois grâces à Dieu, à l’occasion des miracles accomplis par Jésus. Matth.. XV, .’il : Luc. xviii. 43, etc. Ces deux points de vue ne sont pas contradictoires : le dogme de l’union hypostatique en résout facilement l’antinomie apparente, en distinguant en Jésus la di nilé et l’humanité, la divinité agissant comme cause principale, l’humanité agissant comme instrument. Lorsque Jésus permet que les miracles s’accomplissent au contact de son humanité (imposition des mains. Marc. VI, "> : Luc. xiii. 13 : toucher, Matth.. m. 15 ; ix, 29 ; xiv, 36 ; Marc, iii, ni ; Luc. i. 19, etc. ; simple frôlement du corps. Matth., i. 20-21 ; Marc. v. 27-30 ; Luc, viii, 15-46), c’est pour affirmer ce caractère Instrumental de son humanité dans l’accomplis Sèment « les miracles. Et la foule reconnaissait qu’il sortait de lui une vertu qui guérissait » les malades. Luc. vi. 19.

b. L’action thaumaturgique, telle qu’elle apparaît en Notre-Seigneur, est tout a lait digne de Dieu, soit qu’on la rapporte directement a Dieu, soit qu’on l’attribue à rinstrument qu’était l’humanité du Sauveur.

A plusieurs reprises déjà nous avons eu l’occasion de signaler le caractère « spirituel » et « moral » des miracles du Maître : nul désir d’ostentation, nulle manifestation d’égoïsme n’y apparaît. Dans la presque totalité de ces miracles, la haute sainteté de Jésus resplendit par le but moral et spirituel qui est nettement poursuivi par lui. A peine pourrait-on citer un ou deux ras d’apparence contraire : d’apparence, disons-nous, car, en réalité, le but moral existe. La perte, pour leurs propriétaires, des pourceaux dans le corps desquels s’étaient enfuis les démons expulsés par Jésus, ne soulève pas. au point de vue de la justice, une difficulté telle, qu’on ne puisse y trouver d’excellentes et plausibles solutions. < Il est des cas. dit le protestant Godet, où le pouvoir, par sa nature même, garantit le droit. ► F. Godet. Commentaire sur l’évangile de saint Luc, Xeuchâtel. 1872. 2° édit., t. 1. p. 183. Quant à la prétendue colère de Jésus, inspiratrice du miracle du figuier desséché, Marc, xi, 13 sq. (outre que ce sentiment passionnel a pu exister légitimement en Jésus. voir col. 1330) elle n’enlève rien de la portée morale de l’acte du Sauveur, portée mise en vif relief par Bossuet, Méditations sur l’Évangile, dernière semaine, 20e jour. Lu réalité, les miracles de Jésus sont un enseignement comme sa prédication orale : habent enim (miracula), si intelligantur, linguam suam. Sam quia ipse Christus Verbum Dei est, etiam faclum Ycrbi verbum md>is est. S. Augustin, Tract, in Joannem, tract. XXIV. c. ii, V. /… t.xxxv, col. 1593. I enseignement . contenu dans les faits miraculeux, saint Jean saura le dégager parfois dans son évangile spirituel : la guérison de l’aveugle-né nous fait mieux connaître Jésus, lumière du monde ; la résurrection de Lazare nous montre en Jésus, la résurrection et la vie. Très rarement celle interprétation existe chez les synoptiques, quoiqu’on la puisse déjà trouver dans Luc, . lo. à propos de la pêche miraculeuse : < Désormais lu seras pêcheur d’hommes. » Puissances, 8uvàtxsi.ç, parce qu’ils ne peuvent être accomplis que par Dieu ou au nom de Dieu, les miracles de Jésus sont donc encore signes, ar^zlr., de réalités plus hautes, de vérités plus sublimes, se rattachant à la prédication du Messie. Ils sont le symbole de l’œuvre spirituelle de Jésus ; ils sont déjà le « royaume de Dieu 1 en actes. Cf. L. de Grandinaison, op. cit., col. 1469-1470.

3. Influence des miracles sur ceux qui en lurent témoins, relativement à la révélation du Messie, Fils de Dieu. — Cette analyse nous fait conclure avec Bossuet : « Tout se tient en la personne de Jésus-Christ, sa vie, sa doctrine, ses miracles. La même vérité y reluit partout : tout concourt à y faire voir le Maître du genre humain et le modèle de la perfection. » Discours sur l’histoire universelle, part. 11, c. xix. En soulageant les misères du corps, Not re-Seignenr se propose un but plus élevé, spirituel. Et l’étude de La pensée du Christ dans l’Évangile nous amène à conclure, avec saint Thomas d’Aquin, que Le Verbe incarné est venu 1 afin de faire des miracles, pour l’utilité des hommes, principalement en ce qui regarde le salut des aines. 1 Snm. Iheol., IIP. q. XXXV, a. 1. ad ! ’"". Mais pour découvrir Ici pleinement la pensée du Maître, il nous faudra recourir tout aussi bien au quatrième e angile qu’aux synoptiques,

i l Le but que se propose Jésus est défini à plusieurs reprises. Les. œuvres l que je fais rendent de moi le témoignage cpie c’est le Père qui m’a envoyé. » Joa., v. 36. Le Messie, dans l’idée que s’en faisait les.luils. devait prouver sa mission par des prodiges. Joa.. vii, 31. Jésus se | ropose donc, avant tout, de révéler par ses 1 œuvres » la légitimité de sa mission, c’est-à-dire de se révéler lui-même Comme le Messie. C’est ainsi, nous l’avons déjà vu. cf. col. I 18(>, qu’il se révèle aux disciples de Jean hésitants, et envoyés vers lui par le no :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DE LA PRÉDICATION

1198

précurseur, comme le Messie réalisant par ses miracles les prophéties d’Isale. Luc. mi. 18-22 ; Matth.. xi. 2 8 ; cf. ls., xxxv, ! -."> : li. 1-2. S’il chasse les démons c’est que le royaume de Dieu est déjà venu. Matth.. xii. 28 ; Luc, xi. 20. Aux Juifs qui lui demandent de déclarer nettement s’il est le Christ, .lésus répond par le témoignage de ses œuvres. Joa., x. 24-25 ; cꝟ. 37-38 et v. 36. l.a résurrection de Lazare a pour but île faire glorifier le Fils de Dieu. Joa.. xi. 4. et de provoquer la foi en Jésus, v. 15. 41-42. Les apôtres sont repris par le Maître de ne pas assez croire en lui, malgré les miracles dont ils ont été les témoins. Matth.. xvi, 6-12 : Mare., viii. 11-21. et les Juifs sont sans excuses de leur péché d’incrédulité et de haine, à cause des œuvres accomplies par Jésus. « œuvres que nul autre n’a faites, i Joa.. xv. 22 21.

b) L’effet produit dans les foules et sur les disciples. c’est la foi. c’est-à-dire la confiance en sa personne, sinon la croyance en sa messianité et sa divine filiation. On trouvera les différentes nuances de cette « foi » encore mal définie, dans les textes de l’évangile : Ses disciples crurent en lui. Joa.. n. Il ; < beaucoup crurent en son nom, » ii, 23 ; l’officier royal, après la guérison de son fils. « crut en (Jésus), lui et toute sa famille. iv. 53. Xicodème dit expressément à Jésus : « Maître, nous savons que vous e’tes venu de la part de Dieu comme docteur : car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui. Joa., iii, 2 : cf. Act.. x. 38. A la suite des miracles, les apôtres et les foules estiment qu’il existe entre Dieu et Jésus des relations étroites qui élèvent Jésus à un rang bien supérieur à celui des hommes : c’est un

grand prophète >. un i saint personnage », le « Messie lui-même ». cf. Matth.. iv, 21 ; xiv, 33 : xxvii, 40, 42 ; Marc, i, 28, 40 ; ii, 12 ; Luc, vii, 16 : c’est « le Fils de David >. Matth., xii, 13. Hérode Antipas, apprenant les miracles de Jésus, pense que Jean Baptiste est ressuscité. Marc, vi. 14. Les miracles sont pour le peuple la pierre de touche de la sainteté de Jésus : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Toutes ces remarques des évangélistes nous montrent quelle excellente préparation à la révélation de l’Homme-Dieu furent les miracles du Sauveur.

I ne admiration sincère, mélangée de frayeur à cause de la puissance inconnue qui se manifestait en Jésus, mais irrésistible, entraînait les foules vers Jésus. Cf. Marc. i. 27-28 ; v. 42 : Matth., ix, 8, 26 ; Luc, iv, 36, 37 : vu. 16. 17 : viii, 56 ; ix, 44 ; xi, 14 ; xviii, 43 ; Joa., xii, 17-18.

c) Mais bien plus, les miracles sont déjà, implicitement, la révélation du mystère de l’incarnation, car leur accomplissement, aux esprits non prévenus et réfléchis, devait démontrer en fin de compte la divinité agissant dans et par l’humanité de Jésus dans l’unité d’une seule personne. Cette conclusion sera celle de l’apologétique, qui s’attache a démontrer, par une étude rétrospective, la valeur probante des miracles de Jésus. fin soi, les miracles ne démontrent pas la divinité du thaumaturge ; et i Notre Seigneur n’opère de miracles que pour prouver la divinité de sa mission.

II n’entend pas prouver directement sa divinité personnelle. Sans doute, agissant de sa propre initiative et par sa propre puissance, il pouvait prouver par là qu’il est Dieu. Mais cette initiative et cette puissance indépendante se supposent plus aisément qu’elles ne se démontrent, tant qu’elles restent isolées de l’affirmation du Sauveur sur sa nature divine. Logiquement, le miracle prouve donc seulement que N’otre-Seigneur est l’envoyé de Dieu et que sa parole est digne de foi. La valeur de cette parole une fois établie par le miracle, il ne reste plus qu’à l’écouter et à la croire. > H. Lesétre, art. Miracle, dans le Diction naire de la Bible, t. iv, col. 1121. Indirectement, et a

titre de signes de crédibilité, les miracles on général amènent donc un esprit non prévenu à donner son assentiment a la divinité du Christ. Mais directement quoique implicitement, plusieurs des miracles du Christ aboutissent à ce résultat. Chaque l’ois que Jésus accomplit des prodiges, en son nom propre, de son propre gré. manifestant une volonté toute-puissante (cf. Matth., viii. 5. 7 : Luc. vu. Il : viii. 46) ; ou lorsqu’il communique à ses apôtres le pouvoir de faire des miracles qu’ils doivent exercer en son nom (cf. Luc. x. 17 : Act.. m. 6 : ix. 31 : xvi. 18, etc.), il y a manifestement en ces actes la preuve que Jésus possède la puissance divine dans sa plénitude. De plus, certains miracles sont expressément accomplis par Jésus en signe de sa divinité, affirmée implicitement ou expli cilement par lui. Jésus remet les péchés du paralytique de Capharnaum, et pour montrer qu’il a le pouvoir de remettre les péchés, il guérit le paralytique. Matth.. ix, 1-8 : Marc, ii, 1-12 : Luc, v, 17-26. Noir, d’autres passages plus expressifs encore, dans saint Jean, v, 16-21 : x. 22-38 ; xiv, 11-12. Il ne faut pas nier a priori que quelques esprits, même avant la résurrection du Sauveur, aient pu pénétrer jusqu’à cette extrême logique la valeur probante des miracles du Sauveur. Tout au moins, ils avaient déjà entrevu, dans les miracles accomplis, la manifestation de l’Homme-Dieu ceux qui démons ou hommes, proclamaient Jésus « Fils de Dieu ». Cf. Matth.. iv. 3, 6 ; Luc, iv, 3, 9 ; Matth., viii, 29, et Marc, v, 7 ; Luc, viii, 28 ; Matth., xiv, 33 : xxvii. 54 ; Marc, xv, 39 ; Joa., i, 49.

2° Manifestation de V Homme-Dieu dans la prédication générale du Christ. — 1. Préparation à la révélation du Fils de Dieu fait homme : l’enseignement de Jésus touchant le « Père céleste ». Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, 4° édit., p. 243249. — La doctrine du Fils incarné est corrélative à la notion du « Père céleste ». La prédication de Jésus dans les synoptiques a, peut-on dire, pour objet principal la foi au Père. La paternité de Dieu n’était pas ignorée dans l’Ancien Testament, Cf. Lagrange, La paternité de Dieu dans l’Ancien Testament, Revue biblique, 1908, p. 481-489 ; Dalman, Die Worte Jcsu, t. i, p. 150-152. Dieu est comme un père, Ps., ciii, 13-14, vis à-vis des justes, il est le père d’Israël, ls., lxiv, 7 sq. ; Israël est son fils premier-né, Ex., iv, 22 ; cf. Deut., xiv, 1 ; xxxii, 5-6 ; ls., i, 4 ; xxx, 9 ; xlv, 11 ; lxiii, 16 ; Os., ii, 1 ; xi, 1 : Jer., iii, 4, 14, 19. 22 ; xxxi, 8, 20 ; Mal., ii, 10. Cette notion de paternité qui rapproche Dieu des hommes s’effacera quelque peu dans le judaïsme palestinien ; les traducteurs des targurfis s’efforcent d’en diminuer l’affirmation, afin d’accentuer davantage la transcendance de Dieu. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 156, 157. Cette tendance, existante au temps de Nôtre-Seigneur, montre combien le divin Maître agit sagement, afin de préparer la révélation de l’Emmanuel, en prêchant à nouveau la paternité divine, à laquelle il accorde un sens plus profond que ne l’avaient fait les livres de l’Ancien Testament, (.elle paternité divine suppose en Dieu une sollicitude providentielle de tout instant. Cf. Matth., vi, 25-32 ; Luc. xii. 22-32. Chez Matthieu, le mot « Père » est plus fréquemmeni que chez

Luc, ou Marc, qui y substituent volontiers le mot » Dieu ». Matth., vi-26, cf. Luc, mi, 21 ; Matth., . 2’.). cf. Luc, xii. 6 ; Matth., x, 20, cf. Marc, m. Il et Luc, xii, 11 ; Matth.. xii. 50. cf. Marc, m. 35 et Luc. vm, 21 : Matth., x, 32, cf. Luc. xii, 6. Voir Hainack, Sprilche im<l Reden Jesu, p. 61. Mais Le sens demeure le même. Elle apparaît surtout dans le pardon des fautes, cf. Matth., iii, 14-15 ; Marc, xi. 25, et Jésus par ses actes comme dans ses paraboles, i prêché constamment cette doctrine du pardon. Cf. Matth.. i, 2, Fi : v, 7 : vii, 2 : Luc, vii, 18 ; i, 9 ; et surtoul xv. 1-32

Du côté de l’homme, la paternité divine appelle la ] confiance filiale, Matth., vi, 2.">- : 12 el la prière, Matth., |

vi. 7-’. » : cf. Luc, xi. 2 : mais, alors que dans l’Ancien Testament, si uls les justes pouvaient se glorifier d’avoir Dieu pour père, Sap., ii, 16,.Jésus nous enseigne que le pécheur lui-même, s’il veut se convertir, a Dieu pour père : les publicains, les femmes de mauvaise les Samaritains eux-mêmes ont droit, à notre assistance el à noire amour parce que, s’ils expient eurs fautes, ils ont droit à notre pardon et à celui de Dieu. Lue., xviii. 10-14 ; Matth., xxi. 31-32 ; Luc., xvii, 16 ; Joa., iv. 39. Cet enseignement nous ouvre des perspectives encore inconnues sur l’orientation nouvelle, intérieure et spirituelle, de la vie religieuse nécessaire pour faire partie du royaume de Dieu. La filiation spirituelle des chrétiens par rapport à Dieu, une lois comprise, mène plus facilement à l’intelligence de la filiation divine <le Jésus-Christ dont, en réalité, elle doit dériver. < Tout d’abord, le lien clés deux doctrines est voilé, et la filiation naturelle du Christ reste dans l’ombre : aussi bien les Juifs étaient-ils très mal préparés à l’entendre, tandis qu’ils près ^entaient déjà ce dogme de la paternité divine, et que par lui ils entraient sans résistance dans l’Évangile. Par degrés, le Christ va se révéler à eux. ou plutôt, pour parler le langage de l’Évangile, le Père céleste, dont ils sont devenus les cillants, va leur révéler son Fils..T. Lebreton, op. cit., p. 249.

2. Révélation implicite de V Homme-Dieu. - a).Jésus

vient accomplir les prophéties touchant le Messie et le

urne messianique. - Préparés par le message du

précurseur, les Juifs étaient plus disposés à recevoir,

fésus lui-même, l’affirmation qu’il était le Messie et venait instaurer le royaume messianique. La prédication de Jésus débute comme celle de Jean : < Faites pénitence, car le royaume des cieux approche. » Matth.. îv. 17. Et bientôt, le Sauveur saisira l’occasion d’affirmer, aux disciples mêmes de Jean envoyés vers lui pour l’interroger, qu’il est vraiment celui qu’on attend, el non pas un autre : Allez, leur dit-il, rapportez à Jean ce que vous avez entendu et VU : des

ugles voient, des boiteux marchent, des lépreux sont guéris, îles sourds entendent, des morts ressuscitent, des pauvres sont évangélisés. » C’était la réalisation des prophéties d’K. xxxv, r> sep : i.xi, 1 sq.. concernant le Messie. Un autre jour, discutant dans la synagogue de Nazareth de la prophétie d’K, lxi, 1 sq., il déclare ouvertement : C’est aujourd’hui que cette Écriture que vous venez d’entendre est accomplie. Si Jésus chasse les démons, c’est que le règne de Dieu csi venu parmi les Juifs. Luc, xi, 20 ; cf. Matth..

. 2.x. Ce règne est commencé, il progresse dans la mesure OÙ ses ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. Très clairement encore, il annonce que i la loi et les prophètes <>ni duré jusqu’à Jean, depuis, le royaume des cieux est annoncé, et chacun fait effort pour > entrer. » Luc, xvi. 16 ; cf. Matth., xi, 12-13. Jean appartient à la préparation du royaume dont le membre le plus petit lui est supérieur : l’.lie, que les Juifs at tendaient avant que le Christ paraisse,

déjà venu : Jean est lui-même Elle qui doit venir. Matth., xi, 11-14. Le royaume des cieux, c’est Jésus qui le fonde : i heureux vos yeux, parce qu’ils voient e1 vos oreilles, parce qu’elles entendent. Car. en vérité.

je vous dis que beaucoup de prophètes et de justes

0n1 désiré’voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vii,

entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas enten du. i Matth., mu, Ki-17. Les pharisiens se demandent quand le royaume viendra et déjà il est au milieu d’eux, èVroç û(x<ôv èoriv. Luc, xvii, 20-21. Sur la réa ition effective du royaume par Jésus-Christ, voir d’au ! res textes, Marc, xii, 34 ; Luc, xii, 31 32 ; Matth., xxi.31-32, 13.

Mais le règne de Dieu, annoncé par les prophètes, réalisé par Jésus-Christ, n’est pas un i avènement qui vient tout d’une pièce, comme un décor de féerie. » Lagrange, dans Revue biblique. 1900, p. 477. Le règne, réalisé par Jésus-Christ se prolonge jusque dans l’audelà, en passant par la phase caractéristique du dernier avènement du Messie, le jugement du monde. Le règne de Dieu, dont nous devons chaque jour demander « qu’il arrive », Matth.. vi. 10 ; Luc. xi, 2. doit se développer en ce monde. (Test ce qu’explique Jésus dans toutes Us paraboles oîi l’idée du royaume appelle l’idée de l’Église : parabole du semeur. Matth.. xiii,

1 sq. ; parabole du bon grain et de l’ivraie, id.. xiii,

2 1-30 : parabole du grain de sénevé, id., xiii, 31-32 ; parabole du levain, id., xiii, 33 ; parabole du filet rempli de poissons, id., xiii. 17-50. Mais ce règne terrestre n’est pas encore le règne définitif : le royaume de Dieu ne doit pleinement se réaliser que dans l’autre Vie. Il s’inaugure pour les individus par la mort et le jugement : Jésus le promet au bon larron, Luc, xxiii, 42-43 ; il est promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent persécution pour la justice, Matth.. v, 3, 10, à ceux qui font la volonté du l’ère, Matth., vii, 21, aux enfants et à leurs semblables. Mail h., xix. Il ; xviii, 2-3. Il est la « terre » que les doux recevront en héritage. Matth.. v, 1 ; la * joie du Seigneur » dans laquelle entrent les bons serviteurs, qui ont fait valoir les talents, Matth., xxv, 21. 2.’?. Pour la société humaine, le royaume de Dieu s’inaugurera par la parousie du Fils de l’homme et par le jugement général. Matth.. xxiv. 30 ; xxv. 31-46 ; Marc, xiii, 20 ; Luc, xxi. 27. Mais ces perspectives de développement terrestre et de consommation eschatologique n’empêchent pas que le royaume est toujours réalisé par Jésus-Christ. Jésus n’est le précurseur d’aucun autre roi messianique : du royaume-église, du royaume eschatologique, c’est toujours Jésus qui est le roi. La prédication de Jésus peut avoir pour objet l’établissement d’un royaume qui n’est pas encore complètement réalisé : mais c’est Jésus lui-même cpii inaugurera ce royaume futur. Toujours, et quel que soit l’aspect du royaume annoncé, c’est Jésus qui apparaît connue le roi, oint par le Seigneur. Sur le royaume de Dieu et ses divers aspects dans l’enseignement du Christ, voir J.-B. Frey, Royaume de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 1237 sq.

b) L’autorité des paroles et de lu prédication du Christ décèlent un Dieu. — Les paroles et la doctrine du Christ apparaissaient à tous remplies d’une autorité personnelle qui ne pouvait convenir qu’à Dieu. Marc le note expressément : « Ils (ses premiers disciples) s’étonnaient de sa doctrine, car il les enseignait comme ayant autorité el non comme les scribes, i i. 22. Cf. Matth., vn, 29 ; Luc, iv, 32. Nous avons déjà vu les docteurs admirer dans le temple la sagesse des réponses de l’enfant Jésus, voir col. 1 182 ; mais ici, les synoptiques énoncent le motif de l’admiration causée par l’enseignement de Jésus : c’était un enseignement d’autorité. Celle autorité s’affirmait devant les Juifs, comme celle du Maître souverain interprétant et complétant la Loi par sa propre doctrine. Toutes les promulgations, contenues dans le c v de l’évangile de saint Matthieu, sont empreintes de celle autorité souveraine : i Je ne suis pas venu abolir la loi et les prophètes, mais les accomplir… Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens,

vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Vous

avez entendu qu’il a élé dit aux anciens : Tu ne tueras pas… : mais moi, je vous dis que quiconque, etc. Six lois (le suite, Noire-Seigneur reprend cette formule, où éclate, dans sa plénitude, l’autorité souveraine avec laquelle il enseigne et Impose aux consciences de graves obligations. Les anciens prophètes ne part’201

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TITRE DE

FILS DE I.IIOMM1- :

1202

(aient jamais ainsi : loinformule était : Hæc dieil

Dominas. Suint [renée fait observer cette différence de langage entre les prophètes et le Christ : Filius quidem quasi a Paire renias principali auctorïtate dicebai : Ego autan dieo robis… Servi autan quasi a Domino serriliter : el propter hoc dicebani : Hæc dieit Dominas. Cont. llar.. I. IV. e. xxxvi.n. 1. P. G., t. vu. col. 1090. D’ailleurs, si le Christ parle avec l’autorité du maître et du Seigneur, c’est qu’en effet il est Mailre et Seigneur i. Malih… 24-25 ; XXVI, 18 ; Luc. m. 10 ; xxii, 11 : cf. Joa., m. 13. Jésus se montre le niait re de la loi du jeune dont il dispense ses disciples. Mare., u. 18-20 ; Matth.. i. 1 1-17 ; Lue., v, 33-35. A ee propos, Jésus, reprenant une image employée par Jean-Baptiste, Joa., m. 29, s’attribue le titre d’époux, qui exprime l’attachement et l’amour qu’il a vis-à-vis des siens. Il ajoute : » Des jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront, o Il y a là’me allusion à i mort violente qui l’arrachera aux siens : ce qui démontre que, dès les premiers jours de son ministère, il était pleinement conscient de sa nature, de sa mission et aussi de la mort sanglante qui devait la couronner. Voir plus loin Jésus-Christ et la critique, col. 1388 sq. Jésus se montre le maître du sabbat c’est l’épisode des épis froissés par les apôtres. Marc. n. 23-28 ; Matth., xiii, 1-8 ; Luc, vi, 1-5 ; c’est iaguérison de l’homme à la main desséchée. Marc, iii, 1-0 ; Matth., xii, 9-14 ; Luc. m. 6-11 ; c’est la guérison de la femme courbée Luc. xin. 10-17 ; c’est la guérison de l’hydropique. Luc. xiv, 1-ti. L’évangile de saint Jean complète ces données des synoptiques : à Jérusalem, Jésus guérit un malade le jour du sabbat et lui ordonne d’emporter son grabat. Joa.. v, 8-10, 16. Et à cette occasion, à une double reprise, Joa., v, 17 et vii, 21-24, Jésus explique pourquoi la justice est avec lui : d’ailleurs, il agit en maître : Mon père agit jusqu’à présent et moi aussi j’agis. » Le Fils de l’homme est maître du sabbat. Marc. n. 28 ; Matth., xii, 8 ; Luc, vi, 5. Cette autorité et cette domination du Christ sur les hommes et les institutions ne sont pas l’autorité despotique et la domination matérielle que les Juifs imaginaient devoir appartenir au Christ. Nous verrons tout à l’heure comment le Christ entend fonder un royaume spirituel et surnaturel et « être chez lui dans l’intérieur des autres, i Rousselot. La religion dire-Henné, dans Christus, 2e édit., p. 989. Il nous sullit ici de rappeler les paroles du Maître, qui expliquent si parfaitement quel genre d’autorité et de domination il entend exercer : Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et venez à mon école, parce que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. Matth.. xi, 28-30.

c) Jésus corrige les idées fausses et les illusions des Juifs louchant le royaume messianique. — La révélation progressive de Il lomme-Dieu comportait néces ii renient cette correction. La charte du < royaume des cieux » est promulguée dans le discours sur la montagne. Matth.. v, 1 sq. ; et les autres enseignements du Maître ne sont que le commentaire ou l’écho de cet admirable sermon. Or. la prédication de Jésus était telle, qu’elle devrait en lin de compte corriger les illusions et les erreurs de ses contemporains sur le règne messianique. Les Juifs avaient rêvé d’un royaume temporel. Jésus leur fait comprendre que ce royaume sera avant tout spirituel ; c’est un don divin, qui exige de la part de l’homme une’/encreuse coopération. Les Juifs avaient rêvé d’une restauration d’Israël et de rétablissement de sa domination sur les autres peuples du monde. Jésus leur fait comprendre que, si les Juifs ont certains droits de primauté dans le

royaume, ce royaume doit être cependant accessible a toute l’humanité, sans autre obligation que celle d’observer la loi divine, amenée par le Christ à sa perfection. Sur ces points, dont le développement débor derait le cadre de cet article, voir Royaume de Dieu. dans le Dictionnaire de la Bible, l. v, col. 1217 1251. Remarquons ici simplement que, promulguant les béatitudes. Jésus annonce aux membres du royaume les persécutions : « Vous êtes heureux, lorsque les hommes vous maudissent et vous persécutent, et disent faussement du mal de vous à cause de moi. Matth.. v. 11, et qu’il promet le royaume « aux pauvres en esprit, t. 3.

Jésus doit également corriger les erreurs des Juifs touchant le royaume considéré sous son aspect eschatologique. Par le l’ait qu’il s’attribue le jugement, Jésus se manifeste comme Dieu, voir plus loin, col. 1209 ; mais le jugement des peuples que les Juifs réservait au roi messianique n’est pas celui que Jésus annonce. Le jugement portera sur le bien accompli ou sur le péché commis : « Beaucoup iie diront en ce jour : Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, et en ton nom que nous avons chassé les démons et en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Ht alors, je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, artisans d’iniquité. > Matth., vii, 22-23. Cet enseignement .se retrouve dans tout l’Évangile et notamment dans les paraboles du règne de Dieu expliquées par Jésus à ses apôtres : c’est le Fils de l’homme qui sème le bon grain ; c’est lui qui, au dernier jour, présidera la moisson ; il enverra ses anges ramasser de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l’ini mité, et ils les jetteront dans la fournaise du feu. Matth., iii, 37-12. Cf. Marc, iv, 26-29. La soudaineté avec laquelle devait apparaître le Messie-juge, Jésus l’explique de sa venue inopinée au jour du jugement de chacun des membres de son royaume. Marc, xiii, 34-37 ; cf. Luc, xii, 36-38 ; Matth., xxiv, 48-51 ; cf. Luc, xir. 45-48 ; xxi, 34-36, etc.

d) Le. Fils de l’homme. — Il ne suffit pas à Jésus de révéler le royaume ; il faut qu’il révèle le roi. Mais, dans cette révélation de soi-même, avec quelle prudence et quelle circonspection n’est-il pas obligé de procéder ! A cet effet, il se servira fréquemment de l’expression : Fils de l’homme. On la trouve 14 fois dans Marc, 9 fois dans Matthieu, 8 fois dans Luc, 12 fois dans Jean, 8 fois dans les Logia. Nous avons vu plus haut la signification messianique de cette expression chez Daniel, voir col. 1123, et dans le livre des Paraboles d’Hénoch, col. 1128. Mais à l’époque du Sauveur, elle n’a plus, pour la plupart des Juifs, qu’un sens imprécis, et c’est la prédication de Jésus qui. progressivement, sous cette expression, proposera la révélation du roi messianique. Voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité. 4e édit., p. 277-286. D’après saint Jean c’est dès le début de sa vie publique que Jésus se révèle comme le Messie annoncé par Daniel : Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant au-dessus du Fils de l’homme. Joa., i, 51. On trouve, avec les mêmes souvenirs et les mêmes images, la même révélai ion dans l’entretien avec Nicodème. /L. iii, 12-15. C’est d’ailleurs le Messie céleste de Daniel qu’on aperçoit dans les autre textes johanniques ; cf. VI, 27, 53, til-62 ; et moins clairement, viii. 28 ; i. 35 ; xii, 23, 34 ; xiii, .’il. Mais ce ne sont encore que des entretiens privés, et le Sauveur ne revendique le titre messianique de Fils de l’homme que pies de CeUX qui sont préparés à l’entendre. Il le revendiquera dans la première partie de son apostolat rarement et avec réserve dans quelques discussions arec les pharisiens, à propos du paralytique de Capharnaûm, Mare, ii, 10 ; cf. 1203

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE TITRE DE « FILS DE L’IIOMMI

L204

Matth., ix. 6 ; Luc, v, 24, et à propos du sabbat.

Marc. il. 28 ; cf. Matth.. xii. S ; Luc, vi. 5. puis, plus tard, dans une conversation avec un scribe, Matth. vin. 20 ; Luc, ix, 58, et encore, disputant avec les pharisiens à propos du péché contre le Saint-Esprit et du péché contre le Fils de l’homme. Matth., xii, 32 ; Luc. xii, 10 ; cf. Marc. m. 28-29, et encore, instruisant ses disciples. Matth., xiii. 37. -11 : Luc. vi. 22 ; cf. Matth.. v. Il (moi, au lieu de : Fils de l’homme). Tous ces interlocuteurs étaient capables d’entendre le sens de l’expression : Fils de l’homme, bien que ce sens ne soit pas encore aussi plein et aussi ferme qu’il le sera plus tard. Uhe fois seulement, dans les textes qui appartiennent sûrement à la première période de la I rédication de Jésus, le Sauveur parle à la foule du Fils de [’homme, Matth., xi. 18-19 ; Luc, vii, 33-34, mais c’est à la foule déjà instruite par Jean, dont le nom sur les lèvres de Jésus, appelle nécessairement le nom du Messie D’autres textes. Matth., xii. 40. (f. Luc, xi, 30 ; Luc, xii, 8 et Matth., x, 32, n’appartiennent pas certainement à cette époque. C’est a Césarée de Philippe que le Fils de l’homme commence à paraître en pleine clarté : i Qui dit-on qu’est le Fils de l’homme’, demande Jésus à ses disciples. Depuis longtemps, Jésus est avec eux ; il a multiplié devant eux ses enseignements et ses miracles ; ils ont été témoins des enthousiasmes et des hésitations de la foule, non moins que de l’opposition acharnée des pharisiens. Les disciples ont assez de lumière pour prendre parti ; ils doivent le faire. Aussi, après avoir rappelé les différentes opinions du peuple touchant la personnalité de Jésus, Simon Pierre, répondant au nom des apôtres, confesse que Jésus < est le Christ », Marc, viii, 29 ; t le Christ de Dieu ►, Luc. ix. 20 ; < le Christ, le Fïls du Dieu vivant. » Matth., xvi, 16. Quelle que soit la portée exacte de la confession de Pierre, cf. plus loin, col. 1200. un sens général se dégage manifestement : Pierre reconnaît, au nom des apôtres, le caractère de Messie en Jésus. (Test l’affirmation qu’ont retenue Marc et Luc, et que Jésus, dans Matthieu, souligne en recommandant i aux disciples de ne djre à personne qu’il est le Christ. » Or, le Christ ici, c’est le Fils de l’homme, expressément désigné par Jésus dans la question posée, Matthieu, xvi, 13, ou dans les prédictions qui suivent, Marc. vin. 31 : Luc. ix, 22, et c’est par conséquent Jésus, qui, devant les Juifs, s’était approprié la désignation : Fils del’hoinme. sans en préciser encore le sens. Le sens messianique de cette appellation une lois précisée devant les apôtres, Jésus s’empresse d’ajouter à cette première détermination les prédictions de ce que le i Fils de l’homme > devra souffrir : Il commença en même temps à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrit beaucoup ; qu’il fût rejeté par les anciens, les princes des prêtres et les scribes, qu’il fût mis à mort, et qu’après trois jours il ressuscitât. l’A il en parlait ouvertement. Marc, viii. 31-32. 1 tes lors, Jésus, en parlant du Fils de l’homme attache a cette appellation la signification de Messie souillant, mis à mort et ressuscitant, ou encore la signification de Messie céleste, revenant juger les hommes au Jour de sa parousie. Première signification : Matth., xvii, 12 et Luc, ix. 12 ; Matth., xvii, 21-22. Marc. ix. 3 Ici LUC, ix. Il : Matth.. xx. 18-19, Marc.. 33 et I.uc. wni, 31 ; Matth., xx, 28, Marc.. 15 et I.uc. xxii, 27 ; Matth., XXVI, 2, Marc, xi. 1 et I.uc. xii. 22 : Matth., xwi, 45 et Marc. i. Il : LUC, xxii. 18 ; Luc, xxiv, 7. Deuxième signification, Matth.. wi. 27-28 et Marc, viii, 38 ; Matth.. xvii, 9 et Marc.ix. X ; Matth.. xix, 28 et I.uc. xx in. 29 ; Matth.. xxiv. 27 et Luc, xvii. 21 : Matth.. xi. 30, Marc xiii. 26 et Luc, XXI, 27 et 30 ; Matth.. XXTV, 37-39 et I.uc, XVH, 26 30 J I.uc. n ni. 8 ; Matth.. xxi. 1 I et I.uc. xii. 10 J Matth.,

xxv, 31 ; Matth., xxvi, 63-64, Marc, xiv, 02 et Luc. xxii, 09. Il n’existe qu’un ou deux textes ne rappelant pas les souvenirs de souffrance ou de gloire du « Fils de l’homme : I.uc. xvii, 22 : xix. lu. En réalité les deux aspects des destinées du Fïls de l’homme se complétaient, non seulement parce que ces destinées appartenaient a la même personnalité, celle de Jésuv mais encore parce qu’ « il fallait que le Christ souffrit et entrât ainsi dans sa gloire. » Le Messie céleste, juge de l’univers, est préparé par le Messie souffrant. Luc. xxiv, 26, 16.

Ce développement progressif de la révélation du Fils de l’homme nous permet de mieux comprendre pourquoi Jésus a choisi cette expression pour se désigner lui-même. « Employée une fois ou deux pour représenter le Messie, cette formule pouvait évoquer dans l’esprit des Juifs le souvenir des anciennes prophéties. Ces réminiscences d’ailleurs étaient très faibles et sans doute à demi effacées pur l’usage populaire, qui tendait à faire de l’expression i le Fil l’homme » un simple équivalent de « l’homme » ; elle se prêtait donc à la révélation si discrète, si lentement progressive, que Jésus voulait faire de sa nature et de son rôle. Remarquons enfin qu’elle n’éveillait pas, comme le titre de i Fils de David. les aspirations nationales à l’indépendance et à la domination politique : elle détachait le messianisme du cadre étroit du judaïsme et lui assurait une portée largement, universellement humaine, telle qu’il l’avait chez Daniel. Elle pouvait aussi éveiller dans l’esprit le souvenir d’autres textes bibliques qui, sans avoir un rapport direct au Messie, décrivaient l’humilité et la grandeur de l’homme, du lils de l’homme, par exemple ce Psaume vu que Jésus lui-même aime à citer : « Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? et le fils de l’homme, pour que tu le visites’» On peut donc conclure avec Sanday, dans le Diclionary <>f llw Bible de Hastings, t. u. p. 623 : « Ce titre, d’une signification étendue et profonde, éveillait d’un côté l’attente messianique et eschatologique à cause de l’emploi qui en avait été fait dans certains milieux juifs (le Livre d’Hcnoch). A l’autre extrémité. il s’appuyait largement sur un sens infini de fraternité avec l’humanité travaillante et souffrante, et nul ne pouvait mieux revendiquer ce sentiment que celui qui avait si pleinement accepté ces conditions de vie. Comme Fils de Dieu, Jésus regardait en haut, vers son Père : comme Fils de l’homme, il regardait autour de lui. vers ses frères, les brebis qui n’avaient pas de pasteur. » J. Lebreton, op. cit., p. 284-285.

La signification de i Fils de l’homme » ne rejoint-elle pas par quelque CÔté celle dee Fils de Dieu » ? Appliquées au même sujet, Jésus, elles peuvent ih. revêtues des mêmes attributs. Ft. de fait, parfois, ï côté des perspectives de la passion et de la parou sic. l’expression < Fils de l’homme » laisse entrevoir OU révèle expressément la préexistence du Fils de l’homme au ciel. Saint Jean marque nettement cette préexistence qui se confond avec la préexistence éternelle du Verbe. Joa., m. 13 ; VI, ."’2. Plus obscurément elle se t rouve affirmée chez les synopt iques en quelques

textes discrètement révélateurs c’esl lorsqu’ils

affirment que le Fils de l’homme « est venu » servir, donner sa vie, chercher et sauver, appeler les pé (heurs, etc. Matth., xx, 28 (9jX9e) ; I.uc. xix. 10 id. M ; nc, n. 17 J)X80v ; cf. Matth.. ix. 13 îjXOov et Luc, . 32 zt.i) : My. De même, dans I.uc.iv. 13, Jésus dit qu’il ta été envoyé », à7reo"ràXT)v (comparer le passage parallèle dans Marc. ï, 38, ou Jésus dit seulement : i.le suis sorti », âÇsX^XuOa) expression qui nous fait songer a celles employées par saint Jean, XVI, 27. 28. La « mission dont parle Jésus, ne peut se rapporter qu’à sa mission divine : il est plus probable que Jésus L205

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA RÉVÉLATION DU « FILS DE 1)11. 1

fait ici allusion à sa propre préexistence. Sur ces textes, voir les commentateurs et spécialement le P. Lagrange, sur Mare., i. 38 ; Svrete, sur Mare., 1, 38 ; Ptnmmer, sur Lue., iv, 13, etc.

Sur le Fils do l’homme : Lesêtre, Dictionnaire <I. la Bibk. art. Fils de f homme, t. n. col. 2258-2259 ; J. Lébreton. Les origines du dogme de la Trinité, p. 27 l-i>Stî ; Ami du Clergé il.. Pirot), 1922, p. 390-391 ; Rose. Érude sur les Évangiles, Paris, 1905, p. 157 sq.j Lepin, Jésus. Messie. et Fils de Dieu. Paris. 1910, p. loi sq. : KrawutLcky. dans Theologisehe Quartaisthrift, Tubingùe, 1869, p. 600 sep ; y.eilsehrijt fur kalholisehe Théologie, 1892, p. 567 sq., et surtout l’ouvrage classique de Fritz Tillmaun, J)er Mensehensohn, Jesu Selbstzeugnis fur seine messianische Wûrde, Fribourg-en-B.. 1907. <>n consultera aussi les commentaires catholiques des évangiles. I.e P. Lagrange, est revenu maintes fois sur la question ; voir Revue Biblique : Les prophéties messianiques de Daniel, octobre 1904, p. 494-520 ; recensions de divers ouvrages, avril 1908, p. 280-293.

Friedrich Bard, Der Sohn des Menschen, Wismar, 1908 ; Driver, art. Son <>/ Malt, dans le Dictionarg of the Bible d’Hastings. Edimbourg, 1902 ; t. iv, p. 579-580 ; H. 11. Charles, The book of Enoeh. Oxford, 1893, appendice B ; Lietzmann, Der Menschensohn, Beitrdge : ur neutestamenttiehe Théologie, Fribourg-en-B., 189(i ; Wellhausen. Der Menschensohn, dans les Skizzen und Vorarbeiten, Berlin, t. iii, p. 187-315, et dans ses brefs commentaires sur les Synoptiques. Berlin, 1903-1905 ; Fiebig, Der Menschensohn, Jesu Selbstbezeichnung, Tubingùe, 1901 ; Edwin A. Abbot, The Son of Mon, Contributions to the Sludy of the Thought of Jésus, Londres, 1912 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Théologie, Tubingùe, 1897, t. i, p. 313335.

3. Révélation explicite de l’Homme-Dieu.

a) Jésus, Fils de Dieu. — Dans l’évangile de l’enfance, Jésus déjà avait reçu ou s’était donné le titre de Fils de Dieu. Voir col. 1176, 1182. Au début de sa vie publique, l’attestation solennelle de la filiation divine avait été donnée au baptême, voir col. 1184. Les tentations du démon au désert partent de cette attestation : « Si tu est le Fils de Dieu ! » Mais ni les suggestions du démon au désert, Matth.. iv, 3, 6 ; Luc., iv, 3, 9 ni les protestations des possédés concernant la filiation divine de Jésus, Matth., viii, 29, cf. Marc, v. Il et Luc, viii, 28 : Marc, iii, 11-12 ; cf. Luc.iv, 41 : etc. ne sont recevables comme révélation du mystère de l’Homme-Dieu. Des témoignages plus authentiques nous sont fournis par les apôtres d’abord, et par Jésus ensuite.

u. Le témoignage des apôtres. — Peu à peu, Jésus s’est manifesté à ses apôtres, et en même temps que l’action intime de la grâce les touche, le Père leur révèle son Fils et les attire à lui. Après la pêche miraculeuse, Luc, v, 4-11, Simon Pierre sent davantage la distance qui le sépare de Jésus : Retirez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur. » Pierre sera à même bientôt de mesurer cette distance. Marchant sur les eaux, à l’appel de Jésus, il se laisse relever par celui-ci, au moment où il commençait à enfoncer, et les témoins du miracle se prosternèrent devant le Maître en disant : - Tu es vraiment fils de Dieu. » Matth., xiv, 33. C’est vers le même temps que Pierre rend au Christ un autre témoignage, rapporté par le quatrième évangile. Joa., vi, 67-69. Jésus s’est présenté aux Juifs comme le pain de vie descendu du ciel : beaucoup de disciples se scandalisent et s’éloignent. Jésus se tourne alors vers ceux qui restent et leur flemande tristement : « Voulez-vous partir, vous aussi.’» Et Pierre, au nom de tous, lui répond : i Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ; pour nous, nous avons cru et nous avons connu que tu es le saint de Dieu. (La Vulgate dit : le Christ, Fils de Dieu. La leçon primitive est difficile à établir ;. Fuis vient, dans l’ordre chronologique la confession plus solennelle faite au nom de tous par Pierre, à Césarée de Philippe, et Jésus en consacre,

dans sa réponse, l’origine divine : « Qui, dit-on que Je suis, moi, le Fils de l’homme ? Ceux ci [les disciples | répondirent : i Les uns, Jean-1 laptiste ; d’autres Élie ; d’autres. Jérémie ou quelqu’un des prophètes. » Jésus leur demanda : i Mais vous, qui dites-vous que je suis.’i Prenant la parole. Simon Pierre dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, i Et Jésus répondant lui dii : Tu es heureux. Simon, fils de Jean. -car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon l’ère qui est dans les eieux. t Mat th., xvi. 13-17. Ici l’expression Fils de Dieu, qu’on ne rencontre pas dans les textes parallèles de Maie. viii. 29 i lu es le Christ. ►) et de Luc, ix, 20 ( le Christ de Dieu » ) dépasse certainement la dignité messianique île Jésus, qui seule cependant est directement en cause dans la confession de Pierre. Ou plus exactement c’est la dignité messianique qui est élevée à un degré supérieur à celui que lui accordait l’attente juive ; c’est un messianisme divin que veut proclamer Pierre et, en rendant la pensée du prince des apôtres par l’exclamation « Fils de Dieu », saint Matthieu a retenu le sens véritable, sinon la formule exacte, de la confession de Pierre. Voir Lebreton, op. cit., p. 300 ; Lepin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 282-285. Mgr Batifïol, L’Église naissante et le catholicisme, p. 99-113. La meilleure preuve qu’on puisse apporter de la vérité de cette interprétation, c’est la façon dont les trois synoptiques rattachent la scène de Césarée au récit de la transfiguration, Matth., xvii, 1-8 ; Marc, ix, 1-7 ; Luc, ix, 28-36, cù un nouveau témoignage en faveur de la filiation divine du Christ est apporté par la voix du Père lui-même : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances, écoutez-le. » Matth., xvii, ô : Marc, viii, 6 ; Luc, ix, 35. L’expression « Fils bienaimé » commune aux trois évangiles est significative de la filiation naturelle. Voir plus haut, col. 1184. Est-il besoin de faire remarquer comment, dans les récits de cette double scène, c’est toute la personnalité de Jésus, Fils de Dieu, fait homme pour notre salut, qui est manifestée. Après la confession de Pierre à Césarée, Jésus explique la mission du Christ souffrant ; la transfiguration nous dévoile le Christ glorieux ; l’une et l’autre scène, eu ce Christ souffrant ou glorieux, nous montre le Fils de Dieu et le Christ glorieux ne sera tel qu’après avoir et pour avoir souffert, i mort et ressuscité. Cf. Matth., xvii, 9. On comprend mieux que saint Pierre ait pu, en toute vérité, écrire plus tard : « Ce n’est pas en nous attachant à d’ingénieuses fictions, que nous vous avons l’ait connaître la puissance et l’avènement de Noire-Seigneur Jésus-Christ ; mais c’est après avoir élé les spectateurs de sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père, honneur et gloire, lorsque, descendant de la gloire magnifique, vint à lui cette voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances : écoulez-le. Il Pet., t, 16-17. b. Le témoignage de Jésus. - De multiples témoignages, implicites ou explicites de la filiation divine de Jésus pourraient être recueillis des lèvres mêmes du Sauveur dans les synoptiques. Voir. Fils de Du j. t. v, col. 2391-2392. Nous préférons n’eu retenir ici qu’un, le plus solennel de tous, celui que Jésus rendit,

déjà captif de ses ennemis, eu lace du grand prêtre Caïphe. Matthieu, xxvi, 63-64, et Marc, xiv, > 1-62,

mélangent une double affirmât ion tombée de la bouche du Sauveur, celle de sa messianité et celle de sa libation divine. Luc distingue plus nettement deux questions posées à Jésus amenant les deux réponses faites par Jésus : Les anciens du peuple, les princes des

pleins ci le-, scribes s’assemblèrent, et le firent venir

dans leur conseil, disant : i Si lu es le Christ, dis-le-nous. . Il leur répondit : « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si je vous Interroge, vous ne me répondrez pas, ni ne nurenverrez. Mais désormais le L207

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA REVELATION DU a FILS DE DIEU »

1208

Fils de l’homme sera assis à la droite de Dieu. » Alors ils dirent tous : « Tu es donc le Fils de Dieu’El Jésus répondit : Vous le dites, je le suis. » Et eux repartirent : Qu’avons-nous besoin d’autre témoignage ?

Car nous-mêmes nous l’avons entendu de sa propre bouche. » Matthieu et Marc se contentent de la question posée par Calpbe : i Es-tu le Christ, le Fils du (Dieu | béni ? i Marc, xvi, 61. « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu, m Mat th., xxvi, 63. Sans prétendre préciser la pensée de Caïphe et des Juifs au sujet du sens de ce titre : Fils de Dieu », — lequel, nous l’avons vii, col. 1177, ne relève pas de la tradition juive, niais de la prédication du Nouveau Testament, c’est-à-dire de Jésus, — il apparaît clairement que les ennemis de Jésus y attachaient l’expression d’une relation si intime, si transcendante avec la divinité, qu’un homme ne pouvait y prétendre sans blasphémer. Ce n’est donc pas pour se présenter comme le Messie que Jésus était accusé de blasphème : les Juifs attendaient le Messie, et Jésus, s’aflirmant le Christ, n’avait qu’à prouver sa messianité. Mais Jésus était accusé de blasphème pour s’être fait Fils de Dieu. C’est exactement ce même sentiment quon retrouve chez Jean, plus nettement exprimé : Jésus ayant affirmé son unité avec le Père, les Juifs voulurent le lapider à cause du blasphème, parce que, disaient ils. toi, étant homme, tu te fais Dieu. » Joa., x, 33. lit, devant Pilate, ils accusent derechef : « Nous, nous avons une loi. et selon cette loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » xiv. 7. La signification attachée par les Juifs et par Caïphe au titre de Fils de Dieu, que s’était attribué Jésus, est donc déjà, à elle seule, une indication précieuse louchant la filiation divine de Jésus. Cf. E. Mangenot, Les évangiles synoptiques, Paris, 1911, vne conférence, p. 270-299 ; M. Lepin, op. cit., p. 282290 ; A. Steitz, Das Evangelium von Gollessohn, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 287-295. Mais il nous reste a déterminer le sens de cette expression, dans la prédication même de Jésus.

b) Signification précise du titre i Fils de Dira dans la prédication de Jésus. — On ne relient ici de la prédication de Jésus que ce qui est rapporté dans les synoptiques. Et nous disons que bien qu’aucune affirmation explicite de Jésus n’ait tranché la question des rapports métaphysiques du Fils et du l’ère, il ressort cependant avec suffisamment de clarté, pour éloigner tout doute contraire, que le titre de Fils de Dieu, dans les synoptiques, suppose en Jésus, par rapport à 1 lieu le l’ère, une filiation propre et naturelle. Ici, le Fils de Dieu est le Fils propre et naturel de

I >ieu, par opposition aux fils de simple adoption.

a. Rapports de dépendance, d’infériorité, d’adoration du l’ils vis-à-vis du l’ère : de médiation entre le l’ère et les hommes : explication de ces rapports. — Il convient de commencer par l’affirmation de ces rapports, qui, dans la personne de celui qui se dit le Fils de Dieu, posent un problème en apparence difficile à résoudre. La parole du Dculérononic, vi, 13, qui a servi à Jésus pour repousser la tentation du démon. Mallh., iv, 10, domine toute sa conduite, au cours de sa vie publique.

II formule sa propre règle de vie en rappelant le précepte de l’adoration (le 1 >ieu. Marc, xii, 29 : cf. Mat th., mi, .’.7 : lue, x, 27. il prie et passe les nuits en prière.

Luc, vi, 12. La prière le soutient au moment d’accepter le calice de la passion. Marc, xiv, 36 ; cf. Mallh.. .xxvi, 39 ; Luc. u. 12. Sur la croix, il répète les paroles du I’s. xxi, 1..Marc, xv, 34 ; Matth., xxvii. Mi. Au moment de mourir, Jésus prie encore son l’en de pardonner à ses bourreaux et de recevoir son âme.

Luc, x.xiu. 34, 16. Lon nombre de paroles sont proférées par Jésus, qui semblent le placer en un rang d’infériorité vis-à-vis du Père : « Pourquoi m’appelles

tu bon ? Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul. » Marc, x. 18. Et encore : « N’appelez personne ici-’as père. car vous n’avez qu’un Père, c’est Dieu.. ; et ne vous faites pas appeler « maîtres t, car vous n’avez qu’un maître, c’est le Christ, i Matth., xxiii. 9-10. Et encore, aux deux lils de Zébédée, qui lui demandent de siéger dans son royaume aux deux premières places, Jésus répond : « … D’être assis à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder à vous, mais à ceux à qui mon Père l’a préparé, i Matth.. xx. 23. C’est le Père seul qui a l’initiative des faveurs à accorder. De même c’est le l’ère seul qui connaît le jour du jugement. Le Fils est nommément exclu : i Pour ce qui est du jour et de l’heure nul ne le sait, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais le Père seul. Marc. xiii. 32. Chez saint Jean, Jésus dira expressément : i Le Père est plus grand que moi. » xiv, 28. D’autre part, Jésus nous apparaît comme le médiateur qui aide les disciples à franchir la distance qui les sépare du Père : il est, pour ainsi dire, l’intermédiaire entre son Père et les hommes : « Qui vous reçoit, me revoit : et qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. » Matth., x, 40. « Qui vous méprise, me méprise ; et qui nie méprise, méprise Celui qui m’a envoyé. Luc, x, 16. « Je dispose en votre faveur du royaume, comme mon Père en a disposé en ma laveur. » Luc, xxii, 29. On trouvera le même parallélisme chez saint Jean, vi, 57 ; x, 14-15 ; xv, 9-10 ; xvii, 28, et surtout xx, 21 : i De même que le Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie ; » et chez saint Paul, voir plus loin, col. 1226 sq.

Il serait trop simple d’expliquer ces relations, de dépendance, de prière, d’adoration du Fils par rapport au Père par l’incarnation, la nature humaine du Fils étant par elle-même, dans la personnalité de Jésus, la raison de ces relations d’inférieur à supérieur. Sans doute, comme homme Jésus devait à Dieu l’adoration et la prière. Voir plus loin. Mais ici, nous le verrons bientôt, les textes évangéliques établissent entre le Fils incarné et le Père une communauté de nature et d’attributs qui nous obligent à chercher en la vie divine elle-même la raison dernière des sentiments de dépendance qui animent le Fils par rapport au Père. Et par là nous touchons à l’intime même du mystère de la Trinité : t Les paroles du Seigneur ne sont pas pour nous des objections à écarter : elles sont la lumière qui nous guide, et celles-ci sont des plus précieuses, en nous introduisant au cœur même du mystère chrétien, en nous faisant pénétrer l’humilité du Fils de Dieu incarné. Dès qu’on ouvre l’Évangile, on est frappé par ces sentiments d’humilité, si nouveaux dans le judaïsme, et si puissants chez tous ceux qui approchent le Christ et qui sont conduits par son esprit, … le Précurseur, … la vierge Marie… Mais, si l’on contemple le Christ lui-même, ou aperçoit en lui, vis-à-vis de son l’ère, une dépendance, un anéantissement, dont rien ici-bas ne peut donner l’idée : ni sa doctrine n’est de lui, ni ses aimes, ni sa vie ; le Père lui montre ce qu’il doit dire et faire et, les veux sur cette règle souveraine et très aimée. Jésus-Christ parle, agit et meurt. Cet le dépendance naturelle s’accompagne chez le

Fils d’une infinie complaisance ; de même que le Père s’épanche en lui avec un amour indicible, de même le b’ils prend son bonheur à recevoir et à dépendre. C’est là ce qu’il a de plus intime en Noire-Seigneur ; et plus on pénètre le secret de cette vie. mieux on comprend ces paroles d’humble dépendance qui Invitent les disciples à remonter jusqu’à la source de la vie. de la bonté, de la science. Dieu le l’ère… C’est donc que ce t rail [l’insondable dépendance du l’ils vis-à-vis du l’ère) loin de compromettre la filiation divine, en est au contraire, un élément essentiel : il ne doit point la voiler a nos yeux, mais, au contraire, la révéler. »

J. Lebreton. Les origines du dogme de la Trinité. p. 297-298.

b. En revendiquant pour lui les attributs divins, Jésus, marque qu’il est Dieu comme le Pure. — a) Jésus en premier lieu, s’arroge /<’pouvoir divin de remettre les pèches. Deux fois au moins, explicitement, il absout les pécheurs, le paralytique de Capharnaûm, Matth., i. 2-8 ; Mare., u..">. I2j Lue., v. 20-26 ; la pécheresse publique chez Simon te pharisien. Luc, vii, 36-50. Dans le second cas, le sens du texte sacré est peut-être un peu plus expressif pour marquer que Jésus remet, par un pouvoir qui lui est propre, les péchés. Les scribes, toutefois, ne s’étaient pas trompés sur la portée des paroles de Jésus au paralytique : « Celui-là blasphème ; qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » Marc. u. 7. Il est vrai que dans la Bible, la rémission des péchés est toujours regardée comme une prérogative divine. Cf. Is.. xuu. 25 ; xuv, 22. etc. Aucune formule d’absolution n’existe dans le judaïsme, qui ne reconnaît à aucun homme, si saint et si grand soit-il, le pouvoir de purifier les âmes coupables. Et Jésus, pour prouver qu’il ne s’arrogeait pas mensongèrement le pouvoir sur les péchés, accomplit un miracle de guérison qui marque la véracité de son affirmation.

P) En second lieu, Xotre-Seigneur, qui parle en maître sur la Loi et sur le sabbat, voir col. 1201, à certains moments accentue cette autorité au point de se substituer à Dieu, comme fin dernière et raison suprême de lu moralité humaine. « Chez lui. dans l’intérieur des autres, il réclame tout pour lui, sachant que tout lui est dû : i Quiconque aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. » Matth., x, 37. C’est Jésus qui, au jour du jugement, ne connaît pas ceux qui font l’iniquité. Matth., vii, 23. Cette « substitution s de Jésus à Dieu dans l’ordre de la moralité apparaît surtout dans la scène du pardon accordé à la pécheresse. Luc, vii, 3.’-.")0. Dans le texte évangélique, cette pécheresse, parce qu’elle a péché, se trouve être la débitrice de Jésus et son amour pour lui est le motif et à la fois l’effet de son pardon. Or le péché est essentiellement une dette envers Dieu : les pécheurs sont les débiteurs de Dieu, Matth., vi, 12 ; Luc, xiii, 4, qui n’obtiendront miséricorde que dans la mesure où ils pardonneront eux-mêmes. Matth., xviii, 23-35. Ces habitudes de parole et de pensée rendent plus manifeste le rôle que le Christ prend ici : c’est bien celui que, dans tout l’Évangile, il donne à Dieu : en péchant, on s’est rendu son débiteur ; mais aussi, en l’aimant, on attire son pardon. On reconnaît, dans ce dernier trait, une conception fondamentale de l’Évangile, et qui éclaire puissamment le problème du Christ : C’est de ses relations avec le Christ que dépend la valeur religieuse de tout homme ; c’est par elles que la pécheresse est sauvée ; c’est sur elles…. que tous les hommes seront jugés au dernier jour : « Venez, les bénis de mon Père, … car j’avais faim et vous m’avez donné à manger, i Matth., xviii, 23-35. Les considérants de la sentence de damnation sont exactement parallèles ; de part et d’autre, une seule question est posée : Qu’est-ce que l’homme a fait pour le Christ ? Comme la pécheresse, il était son débiteur ; l’a-t-il aimé comme la pécheresse. » J. Lebreton, op. cit., p. 270. Remarquons le, il n’y a pas ici une simplerègle abstraite de morale comme l’affirment certains exégètes libéraux. Cf. IL J. Iloltzmann, l.ehrbuch der neutestamentlichen Théologie, t. i, p. 320. Ce qui, dans l’enseignement de Jésus, fait l’objet de la vie chrétienne, ce n’est pas i l’idée pure du bien >, c’est sa personne même que l’on doit suivre et servir.

y) fin troisième lieu, Jésus s’attribue la qualité de juge du monde à la fin des temps. Or, ce jugement, dans toute la tradition juive, es1 réservé à Dieu seul. Mais le Christ, dans les évangiles synoptiques, affirme

explicitement qu’il exercera ce jugement, non pas

parce qu’il sera témoin au jugement de Dieu, mais parce qu’il rendra lui-même la sentence en qualité de juge. Marc, xiii, 34-37 ; Matth.. xiii, 37-42 ; xxiv. 18-51 ; Luc, xii, 36-38 ; 45-48 ; xxi. 31-30 et surtout Matth.. vu. 22-23 ; xvi.27 ; XXTV, 30-31, el XXV, 31-46. Cf. C. V. Wotaw, art. Sermon on the Mount, dans le Dictionanj of the Bible de I Listings, t. v, p. 436, n. 3, contre les exégètes qui, s’appuyant sur Marc, viii, 3s. veulent faire de Jésus un simple témoin privilégié. Holtzmann, op. cit., t. i. p. 319 et Das messianische Bewusstsein Jesu, i. 84-85 ; Loisy, Les Évangiles synoptiques, 1. 1, p. 890 ; t. u. p. 26.

Il n’est pas difficile, d’ailleurs, de démontrer que, selon la théologie juive au temps de Notre-Seigueur, le jugement du monde est réservé à Dieu seul. Assumplio Moi/sis, x, 7 : » Il se lève le Dieu suprême, seul éternel, et il se manifestera pour punir les nations. > Cf. Testamentum Levi, v, 2 ; Testamentum Juda, xxii, 2 : Henoch slav., xxxiii, 1 ; lviii, 1. Le jugement est « le jour du Seigneur », dans Baruch sur., XLvm, 17 : « le jour du Tout-Puissant », id., LV, 6 ; « le grand jour du Seigneur », Henoch slav., xviii, 0 ; « le jour de la Visitation du Seigneur », Testamentum Ascr, vii, 3 : Ps. Sal., x, 5 ; xv, 13-11. Dieu se réserve le droit de juger. De même que toutes choses ont été faites par moi et non par un autre : ainsi la fin de toutes choses sera par moi et non par un autre, » IV Esdras, v, 56 ; vi, G ; cf. ix, 2 ; v, 40 ; vii, 33 ; Ps. Sal., xv, 9, 13-14 ; Henoch, i, 3-9 ; xlviii, 3 ; xc, 20 sq. ; xcr, 15 ; c, 4 ; Or. Sibijl., iii, 91 ; iv, 40 sq. ; Baruch stjr., xx, 2-4 ; Lxxxiu, 2 ; Assumptio Moi/sis, x, 7 ; Jubil., v, 13 ; Testamentum Levi, iii, 2 ; iv, 2. Le Messie n’apparaît jamais comme juge, sauf dans le livre des Paraboles d’Henoch, lxi, 5, où encore il n’a pas à exercer seul le jugement universel. Cf. P. Volz, Judische Eschatologie von Daniel bis Akiba, Tubingue, 1903, p. 259, En regard de ces textes qui établissent solidement la vérité de notre première assertion, les textes du Nouveau Testament montrent non moins clairement que le jour du jugement sera le jour du Christ, et que le jugement est réservé à Jésus. Jugement et parousie (advenlus), sont absolument synonymes dans le Nouveau Testament. Cf. I Cor., iv, 3. Or, la parousie est l’avènement du Fils de l’Homme, c’est-à-dire du Christ, Matth., xxiv, 27, 37, 39 ; elle est « le jour du Christ », Luc, xvii, 24 ; le « jour où le Fils de l’Homme sera révélé. » Luc, xvii, 30. On trouve plus fréquemment encore chez saint Paul l’expression jour du Christ : IThess., v, 2 ; II Thés., ii, 2 ; I Cor., i, 8 ; v, 5 ; II Cor., i, 14 ; Phil., i, 6, 10 ; cꝟ. 1 1 Pet., iii, 10 ; ou encore l’expression paroui if (adventus) de Notre-Seigneur Jésus-Christ, I Thess., iii, 13 ; iv, 15 ; v, 23 ; II Thess., ii, 1, 8 ; I Cor., xv, 23 ; cf. Jac, v, 7 ; II Pet., ni, 4. Quelques textes cependant, dans le Nouveau Testament, attribuent la jugement à Dieu, soit que Dieu le Père dans le jugement, joue le rôle de rémunérateur ou de vengeur, Matth., vi, 4, G, 14, 15, 18 ; x, 28-33 ; xviii, 35 Luc, xii, 8-9, tout en laissant au Fils le rôle de juge, cf. Luc, xii, 15-48 ; xxi, 34-36, et rapprocher Joa., v, 22-27 ; soit que Dieu joue lui-même le r /le de juge, Apoc, xx, 11-15, et que le jugement soit le « jour du Seigneur —, dies Domini, sans autre spécification. Apoc, vi, 17 ; XVI, 1 1 ; I Pet., u, 12 ; il Pc t., iii, 13 ; Kom., ii, 5. Mais ces affirmations ne font que corr bôrer notre raisonnement. Dieu est le juge ; mais il a donné au Fils le pouvoir de juger. Joa., v, 26. Et cela, précisément parce que le Fils est Dieu et lient ce pouvoir divin en vertu même di relation d’origine vis-à-vis du l’ère. « Ainsi, pouvons-nous conclure avec le I’. Lebreton, dans la doc t ri ne des fins dernières ou, pour parler plUS exactement, dans loul(s les doctrines du salut.

le Christ a tout transformé, <" revendiquant pour lui12 11

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA RÉVÉLATION DU FILS DE DILU »

L212

même un rôle jusque-là réservé (’/ Dieu -. le péché, la pénitence, la charité, le pardon, le jugement, ces relations morales les plus profondes qui puissent exister entre l’homme il Dieu, apparaissent maintenant comme établies entre l’homme et Jésus-Christ. » Histoire du dogme de la Trinité, p. 27 1.

c. Jésus enfin nous dévoile directement le mystère de sa filiation divine et explique ainsi le sens profond et transcendant du titre de o Fils de Dieu » revendiqué par lui au tribunal de Caîphe. — I)éjà dans le célèbre texte relatif au jour du jugement : Nul ne le sait, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais le l’ère seul ►, il apparaît que le fils se place bien au-dessus des anges et que, par conséquent, il ne peut être que le Fils naturel et propre du Père, Dieu comme le l’ère. L’ignorance du Christ est ici toute économique et ne comporte aucune infériorité dans le Fils par rapport au Père. Cf. Lagrange, Évangile de S. Mure, p, : î27 et Science » r Christ. Mais cette transcendance infinie et divine du Fils nous est encore enseignée par Jésus, dans certaines comparaisons où apparaît toute l’infinité de sa nature : il y a ici plus que Jouas : … il v a ici plus que Salomon, » Matth., xii. 41. -12 : cf. I.uc.xi. 32, 31 ; « < il y a ici quelqu’un de plus grand que le temple. Matth.. xii. 6. De telles façons de parler sont déjà, surtout pour les Juifs, significatives. Mais Jésus se sert, pour démontrer sa divinité, d’un argument bien plus pressant. Il fait appel au prophète David : ’Les pharisiens étant assembles, Jésus les interrogea, disant : Que vous semble du Christ ? de qui est-il fils ? Ils lui répondirent :

De David. Il leur répliqua : « Comment donc David l’appellc-t-il dans l’Esprit, son Seigneur, disant : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite. » Si donc David l’appelle son « Seigneur », comment est-il son fils ? i a al th.. wii. 11-15 ; cf. Marc, xii. 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Jésus n’entend pas ici repousser la libation davidique, mais il veut faire reconnaître en même icmps une filiation plus haute, celle qui convient au » Fils » appelé par David inspiré son <> Seigneur ».

Jésus n’en est pas resté là. dans son enseignement public, touchant la révélation du mystère de l’I loimue-Dieu. Il a fait comprendre clairement que cette filiation, transcendante et distincte de la filiation davidique. n’est pas une simple libation adoptive. si élevée soit-elle en dignité par-dessus les anges et les hommes. Il a prêché maintes fois la paternité de Dieu par rapport aux justes : mais Dieu n’est pas son Père comme il est le père des hommes : Il apprend à ses disciples à dire : < Notre Père t ; mais lui-même ne parle pas ainsi : il dit : « Votre » Père et « Mon i Père. Même lorsqu’il s’adresse à eux, il observe cette distinction :

h vous prépare le royaume, comme mon Père me l’a préparé. » Luc. xxii, 29 Et moi, je vais vous envoyer le don promis de mon l’ère. » xxiv, 49. D’autre part, ne dit-il pas : Votre Père qui est au ciel…. votre Père

céleste. » Matth., vu. il ; m. 32, etc. si précieuse toutefois que soit l’indication contenue en ces formules, elle est encore inférieure à l’enseignement que Jésus formule, quelques jours axant sa mort, dans plusieurs paraboles où sont expliquées les relations du Fils au Père. Il est temps d’ailleurs que Jésus se révèle pleinement. Cf. Cramer, S. Marc, p. 389. La parabole du banquet, Luc, xiv, 16-24, apparaît chez Matthieu XXH, 1-1, avec des traits plus accentués. L’invitation est lancée par un roi à l’occasion des noces de son fils ; le crime des invités paraît plus grand, car non seulement ils se dérobent, mais ils mettent à mort les envoyés du roi. La parabole des vignerons homicides. Marc’., mi. 1’.< : cf. Matth., xxi. 33-41 ; Luc, XX, 9-16, est plus significative encore : c’est le lils bien-aimé.

c’est I’I héritier. c’csl-a-dirc le lils unique, propre, naturel. Saint Marc écrit’: etl vi-j. el/evjîôv àyotrrr.Tov. Jésus est ce lils ; le l’ère est l’homme qui plante la

vigne, le fils sera mis à mort : c’est la passion prédite. (Et ce détail milite en faveur de l’authenticité de La p rabole : cf. F. C. Burkitt, The parable o the wicked

husbandmen, dans Transactions of the third international congress og the history of religions, Oxford, 1908, t. ii, p. 321 sq. ; Van Combrughe, T>c sotcriologiæ christianæ primis foniibus, Louvain, 1905, p. 32-42). Sur la signification de i^-y-r-ôz. cf. col. 1 184, Le mot xXi)pov6(x, o< ;, héritier, n’a pas besoin d’explication : le lils est l’héritier naturel de son père. Jésus est l’héritier naturel du Père : nous sommes, en lui et par lui, des co-héritiers. et à ce titre seulement, des héritiers. Cf. Rom., viii, 17.

Il nous faut, enfui, insister sur un texte commun à Matthieu, xi, 2 ; >-27 et à Luc, x, 21-22 et qui. par les lumières qu’il projette sur les relations intimes du Père et du Fils, est tout à fait digne de la théologie johannique Saint Luc marque expressément que ces paroles de Jésus ont été prononcées sous l’influence de l’Esprit Saint : Jésus dit : Mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, je vous rends gloire de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez révélées aux petits. Oui. mon Père, parce qu’il vous a plu ainsi. Toutes choses m’ont été données par mon Père. Et nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et nul ne connaît le l’ère, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. » Sur l’authenticité de ce texte, attaquée’, dans son ensemble, par A. Loisy, dans un détail par Ilarnack. dans l’originalité de s.i forme, par Ed. Norden, on consultera J. Lebreton, Les Origines du dogme de la Trinité. l l édit., note D, ]i. 545-552 ; H. Schumacher, Die Selbsloffenbarung Jesu bei Mat.. XI, -27 (Luc, . 22), Fribourg-en-Brisgau, 1912 et L. Kopler. Die « johanneische » Stelle bei den Synoplikern, série d’articles dans la Theol.-praktische Quarlalschrift de Linz, 1913-1914. Dans ce texte, le Lils, c’est Jésus-Christ ; mais c’est la libation divine qui est mise uniquement en relief. Cette filiation divine est un mystère inconnu des hommes, connu du Père et du Fils seuls et de ceux à qui il plaît au Fils <r révéler. On ne trouve pas dans saint Jean de texte plus profond et plus Significatif. - Quelques paroles du Seigneur, rappelées ci-dessus pouvaient faire pressentir aux Juifs la préexistence du lils de l’homme près de son Père ; d’autres, plus explicites, le taisaient apparaître dans cette gloire céleste, a la fin des temps : ici. dans la simplicité transparente de cette sentence, c’est l’éternité tout entière qui se révèle et le mystère de la vie divine, où le Père et le 1 ils. insondable à toute créature, se pénètrent totalement l’un l’autre. A cette lumière. 1 Évangile tout entier s’éclaire :

d mires fois le Christ sitait présents lui même, i

mois couverts, comme le terme vers lequel tout Israël tendait : « Beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vii, » Mal th., xiii, 17 : dans cet te circonstance même, il vient de montrer à ses disciples comment la loi et les prophètes n’étaient que la préparation du ministère de Jean-Baptiste, et Jean lui-même, moindre que le plus petit dans le royaume des deux. Matth., xi. 11-15. On comprend désormais ce qui fail la grandeur incomparable de cet ordre nouveau ; c’est que le mystère de Dieu, jusqu’ici inaccessible, est révélé, et par celui-là qui seul pouvait nous y introduire, par le Fils ; c’est ce que saint Jean redira au début de son évangile : Personne n’a jamais vu Dieu ; le Lils unique, qui est dans le Sein du l’ère. celui-là nous l’a fait connaître. » i, 18. Cette parole suffirait, à elle seule, à déterminer le dogme chrétien, à faire reconnaître dans le Lils de I lieu non point un être intermédiaire, tel que ceux qu’avait conçus l’hilon, mais le Lils égal et coiisubstantiel à son Père. Saint Paul et saint Jean compléteront par d’autres traits cette révélation du Christ ;

ils ne la dépasseront pas. >J. Lebreton, op.. eit, p. 292 Bibliographic.

Noir lus de Dieu, col. 2395.

V. LE COURONSBMBST DE 1. I VENT DE

s dajts i viiuBvas. Cette

question peut être envisagée sous plusieurs aspects. L’apologiste, se souvenant de I Cor., xv, 1 1, trouve dans la résurrection du Sauveur le signe évident de la crédibilité de tout l’enseignement de Jésus. L’exégète et l’historien ont surtout à prouver l’historicité des récits et la réalité de la résurrection du Sauveur. Le théologien sans négliger l’un et l’autre de ces deux aspects, et accueillant avant tout les résultats positifs de l’exégèse et de l’histoire doit montrer dans le Christ glorieusement ressuscité la même personnalité que dans le Christ vivant de la vie commune des hommes ou soulïrant les tourments de sa passion. C’est le même Christ, qui s’est humilié jusqu’à revêtir la forme d’esclave, que Dieu a glorifié en le ressuscitant d’entre les morts. Le Christ ressuscité n’est pas une création de la conscience chrétienne à un âge postérieur ; il répond à une réalité certaine qui, prenant corps dans les récits sacrés, y achève la révélation de l’Homme-Dieu. Mais cette réalité manifeste dans le Christ une vie toute nouvelle, très dissemblable de celle que Jésus qui avait pris tout l’extérieur de la vie et de la croissance humaine, habilu invenlus ut homo, menait sur terre avant sa mort ; une vie désormais conforme aux exigences créées dans la nature humaine du Christ par l’union hypostatique.

1° Le Christ ressuscité continue historiquement le Christ qui s’est révélé, dans les synoptiques, homme et Dieu. — 1. Le Christ des synoptiques a eu la connaissance certaine de sa résurrection future. Quatre fois Jésus fait une allusion explicite à sa résurrection après trois jours. Marc, viir. 31. Matth., XVI, 21 et L <c ix, 22 ; — Marc, ix, 8-0. Matth.. xvii, 9 ; -Marc, ix, 30, Matth., xvii. 23 ; — Marc, x. 31. Matth.. xx. 19 et Luc., xviii, 33. Nous savons que ces paroles de Jésus ne furent pas immédiatement comprises de ceux qui les entendirent : ces prédictions ne s’illuminèrent qu’aux clartés de la résurrection. Toutefois, les Juifs s’en souvinrent au moment de la mise au sépulcre. Matth., xxvii, 63-66. En dehors de ces quatre prophéties explicites, on doit également relever deux paroles de Jésus qui désignent d’une façon figurée la résurrection future. La première est relative au si^ne de Jonas i. Matth., xii. 38-42 ; cf. xvi, 1-1 ; Marc, viii, 12-13 ; Luc, xi, 29-33. Les exégètes sont assez incertains du sens exact qu’il faut attribuer au signe de Jonas. La majorité des exégètes libéraux et nombre de catholiques font porter l’application du signe, d’abord sur la prédication, et indirectement sur toute la carrière publique du Maître, miracles et résurrection y compris. Cf. A. Durand, Pourquoi Jésus a parlé en paraboles, dans les Études, 20 juin 1906, p. 764 et note ; A. van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, Paris, 1008, p. 320 Mais le texte de Matth., xii, 10, devient bien difficilement explicable en cette hypothèse. Jésus, en eflet, y déclare expressément : « Car tout a’nsi que Jonas fut dans le ventre du poisson, trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre, trois jours et trois nuits.. La comparaison entre Jonas et Jésus porte sur l’ensemble de la mission de Jonas, histoire et message. Mais le signe » c’est l’épisode miraculeux des trois jours et trois nuits passés dans l’abîme, et la dramatique survie qui en fut la suite, image de la mort et de l’ensevelissement de Jésus, suivis de sa résurrection glorieuse. La différence sera tout entière entre l’attitude des Nfinivite convertissant à la prédication de Jonas, et celle des Juifs que la prédication du Christ aura laissés incré dules., . Tout le passage est donc prophétique et le second Jonas, c’est Jésus ressuscité. > I. de (irandmaison. Jésus Christ, col. 1510. Cf..1. Knabenbauer, Commentarius in Malthssum, 1892, t. i. Taris, p. 501 ; Théodor Zah i, Dos Evangelium îles Mattheeus ausgelegt, 3 r édit., Leipzig*, 1910, p. 173. Les exégètes radicaux rejettent purement et Simplement, a titre d’interpolations, les textes relatifs au signe de Jonas, A. I.oisy Les Évangiles synoptiques, t. i, p. OUI. Vu signe de Jonas. il faut ajouter le signe du « temple réédifié. » Jésus, au cours de ses prédications, avait donné comme signe de la vérité de son enseignement la possibilité de détruire le temple de Dieu et de le réédifier après trois jours. Matth., xxvi, 61, Marc, xiv, 07-59 ; cf. Matth.. xxvii, 39-40, Marc, xv, 30-31 ; Act., vi, 13, il. Mais c’est l’évangile de Jean qui nous rapporte le plus fidèlement (parce qu’il rapporte les paroles du Maître et non celles de ses accusateurs) la prédiction faite par Jésus et le sens qu’il y attachait : « Les Juifs prenant la parole lui dirent : « Par quel signe nous montres-tu que tu peux faire ces choses ? » Jésus répondit et leur dit : « Détruisez ce temple et je le relèverai en trois jours. » Mais les Juifs repartirent : « On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple, et toi tu le relèveras en trois jours ? » Mais Jésus parlait du temple de son corps. Lors donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu’il avait dit cela et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’avait dite Jésus. » ii, 18-23. La prophétie, obscure au moment où le Christ la formule, s’éclaire par les événements. Elle montre du moins que Jésus, connaissait d’avance le fait de sa résurrection future. Cf. J. Knabenbauer, Commentarius in Johanncm, Paris, 1898, p. 132 sq. ; J. E. RJser, Das Epannclium des heil. Joannes, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 85 sq. ; Th. Zahn, Das Evangelium des Joannes ausgelegt, Leipzig, 1908, p. 170.

2. La résurrection de Jésus-Christ est un fait historique certain. — La croyance à la résurrection du Christ, au témoignage de saint Paul, I Cor., xv, 1-20, est un fait notoire dans l’Église de Corinthe, et saint Paul en fait le point de départ de son argumentation pour prouver la résurrection des morts en général. Mais cette croyance, fondamentale dans l’Église, dès l’époque où Paul y fut accueilli (ne dit-il pas qu’il l’a reçue « par tradition » ) repose sur des faits historiques absolument certains. Ces faits, ce sont les apparitions de Jésus ressuscité. Les témoins de ces apparitions sont encore, pour la plupart, vivants au jour où Paul écrit. C’est Pierre, que saint Paul met à part, au premier rang, et dont il fait ainsi ressortir l’autorité. C’est aussi e collège des Douze ; c’est la foule des cinq cents disciples, presque tous encore vivants ; c’est Jacques, dont le témoignage pouvait avoir tant d’importance pour les chrétiens judaïsants ; ce sont enfin, d’une manière générale « tous les apôtres ». Saint Paul, à ces apparitions du Christ ressuscité, joint l’apparition dont il fut personnellement favorisé sur la roule de Damas. L’évidence du fait dont il s’agit de témoigner y fut si grande, que cette apparition, sur ce point, peut être pleinement assimilée aux apparitions antérieures à l’Ascension : ClyJ)r l K7J<pqc… 089O/ ; ’Ixxo)6w… ït/v.-’j’j 8k 7TivTO)v wT-îpîl tm èxTp(à(jta*n &ç6t] xau.ol. Cf. Act., ix, 1-20 ; xxii, 4 17 ; xxvi, 9 19. La liste des témoins dressée par saint Paul n’est pas exhaustive. Les récits évangéliques, qui ignorent l’apparition à Jacques, laquelle est mentionnée dans l’ÉV mgile selon les i [ébreux, cité par saint Jérôme, l> oiris illustribus, c ii, ne foui qu’une allusion rapide a l’apparition a Pierre, Luc, xxiv, 31, mais complètent la liste des témoignages apportés par Paul, par plusieurs récits circonstanciés d’apparitions. C’est tout d’abord, l’apparition de l’ange aux saintes femmes, Matth., J16

xxviii, ."> 7. cf. Marc-., xvi, 5-7 ; Luc. wi. 3 8 ; et, pendant leur fuite vers les apôtres, l’apparition de

Jésus lui-même à ces femmes, Matth., xxviii, ’.), 10 ; c’est l’apparition de Jésus à Marie île Magdala, racontée avec des détails par Joa.. xx, 11-18 et à laquelle se réfère le sec résumé qui constitue la finale deutérocan nique de Marc, xvi, 9 : c’est l’apparition aux deux disciple-, d’Emmaûs, narrée avec une précieuse abondance de faits, de discours et de gestes, par Luc, xxiv, 13’'’). cl. Marc, xvi, 12-13 ; c’est l’apparition aux apôtres, en l’absence de Thomas, Joa., xx, 19-25 ; cf. Luc, xiv, 36-49 et la nouvelle apparition, en pré sence de Thomas, Joa., xx, 26 29 ; c’est l’apparition du Christ aux sept disciples, près de la mer de Tibériade. Joa., xxi, 1 -23 ; c’est, enfin, l’apparition en Galilée, rapportée par saint Matthieu, xxviii, 10-20 ; cf. Marc, xvi, 15-18 ; puis le récit de l’ascension, Luc, xxiv, 50-53, dont on trouve un écho dans la finale de Marc, xvi, 19-20, peut être résumée des Actes, i, 1-9. Parmi les évangiles non canoniques, Y Évangile des Hébreux raconte l’apparition de Jésus à Jacques ; un fragment copte du iie siècle décrit l’apparition aux saintes femmes près du sépulcre ; enfin, l’Évangile de Pierre, v. 29 00 après le fait même de la résurrec tion, narr avec une singulière gaucherie, rapporte, l’apparition à Marie Madeleine et aux saintes femmes. Voir les textes dans E. Preusschen, Antilegomena, 2e édit., Giessen, 1905, p. 7-8 ; 83-84 ; 16-20.

Les narrations évangéliques sont-elles suffisantes pour démontrer historiquement le fait de la résurrection ? Nous ne ferons qu’indiquer brièvement les points qui semblent acquis, de l’inspection et de la discussion des textes sacrés. Pour les détails critiques, on p uira se reporter à l’étude de E. Mangenot, La Résurrection de Jésus. Paris, 1910.

a) Il faut reconnaître qu’e égard à l’importance de la résurrection relativement à la foi et aux espérances chrétiennes que ce miracle contresigne, les récits des apparitions, sauf Luc. xxiv, LÎ-36 et Joa., xx, 19-29 apparaissent assez vagues et dépourvus des précisions historiques qu’on aurait aimé à trouver en une matière aussi fondamentale. Os ne renferment aucune indication sur le point capital de la résurrection elle-même dejnt ils n’offrent aucune description. Cette indigence relative cle nos récits s’explique d’ailleurs naturellement par une double cause : d’une part, la possession tranquille et incontestée de la substance de l’événement, et d’autre part la difficulté d’exprimer nettement les conditions de la nouvelle vie de Jésus, si différentes des conditions habituelles de la vie humaine. Loin toutefois d’exclure la vérité historique du fait de la résurrection, ces constatations semblent la confirmer, car elles dénotent, chez les ailleurs sacrés, l’absence totale de préoccupations qui n’eussent pas manqué d’exister chez des ailleurs désireux d’ajouter, en marge de l’histoire, des récits pleins d’allrails pour la curiosité et la foi des premières général ions chrétiennes. « Rien n’est plus instructif, dit le P. de Grandmaison, que de comparer aux récits les intentions prêtées aux narrateurs par M. Arnold Mcycr, par exemple : Die Auferslehung Christi, Tubingue, 1905, p. 14, sq. D’après ce critique, l’évangile de la résurrection étant le principal, le plus sujet à contestation

ei à fausse Interprétation, il fallut beaucoup ajouter aux traditions primitives, préciser des traits, harmoniser, prévenir des difficultés. Pour satisfaire des

néophytes avides de merveilleux… il fallut… faire une part a la chair du Christ, aux miracles, aux repas

sacrés. De la.de nouvelles additions. Enfin, la tendance apologétique et evhémérlste de la communauté doit entrer en ligne de compte, comme aussi la nécessité

de montrer des prophéties accomplies. On se demande

alors comrrtent tant d’intentions, tant de nécessités,

tant de motifs pour étendre, interpoler, multiplier la matière primitive, ont abouti à nos maigres, brefs el fragmentaires récits. » Jésus-Christ, col. 1488-1489, note. b) Il faut reconnaître, en outre, que les récits évangéliques de la résurrection sont en désaccord, au moins apparent, surtout pour ce qui concerne les apparitions du Sauveur. Celles-ci ne se sont produites, selon les différents récits, ni au même temps, ni au même lieu, ni pour les mêmes personnes, ni dans les mêmes circonstances. Les récits s’inspirent, dit n. de deux traditions différentes, la galiléenne, la hiérosoli/initaine, selon qu’ils rapportent les apparitions de Jésus exclusivement en Galilée ou a Jérusalem. Saint Marc, sauf la finale deutérocanonique, xvi, 9-20 et saint Matthieu, sauf xxviii, 9-10, comme l’Évangile de Pierre, ne parlent que d’apparitions ayant eu lieu en Galilée ; saint Luc, saint Jean, sauf l’appendice du chapitre xxi, ne relatent que celles qui se sont produites ù Jérusalem. L’évangile de saint Luc nous laisse’. même l’impression que ces apparitions se termine-’raient le soir même de la résurrection. Jean xxi et j Marc, xvi, 9-20 combinent les deux traditions. Il | est difficile de dire si Paul s’en tient exclusivement à la tradition galiléenne. ou s’il ne combine pas les i deux prétendues traditions.

Quoi qu’il en soit des objections que ces données I ont fournies à la critique non catholique contre la

résurrection, et à nous c n tenir purement et shn| plement aux textes des évangiles, il faut affirmer

I avec netteté que si nos évangélistes rapportent deux traditions différentes, ils considèrent ces | traditions comme complémentaires et non omme i exclusives. Matth., xxviii, 9-10, rapporte l’appa-I rition aux saintes femmes, apparition judéenne à coup I sûr. La finale de Marc, xvi, 9-20, quelle que soit la i solution apportée au problème de son authenticité (sur ce problème voir E. Mangenot, Marc {Évangile de saint) dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 72 I735, avec la bibliographie ; Belser, Einleilung in das Neue Testament, Fribourg-en-B., 1901, p. 93-103 ; Van Kasteren. Renie Biblique. 1902, p. 240-255 ; Lagrange, Évangile de saint Mare. 1911. p. 126-439), est certainement canonique. Cf. P. Prat, t. a Question synoptique, dans les Études, 5 décembre 1912. p. 598-615. Or, cette finale juxtapose les apparitions t judéennes » à la tradition galiléenne. De même Joa., xxi, cpii a toutes chances d’être du même auteur que le reste de l’évangile, raconte des apparitions d’une tradition différente de celle qui est consignée au c xx, de tradition hiérosolymitaine. Reste saint Luc qui ne parle que des apparitions judéennes. Il est probable que l’auteur du troisième évangile, suit une source spéciale d’origine palestinienne, vraisemblablement aussi ancienne que l’évangile de saint Marc Ladeuze, L" résurrection du Christ (Collection Science et foi, n. 1) Bruxelles, s. d. ( 1908), p. 11. Mais rapproché des Actes, i, 3, le texte de saint Luc (dire un cadre assez étendu pour qu’on y puisse taire rentrer les apparitions galiléennes. Sur les essais de conciliation des deux traditions, voir E. Mangenot, op. cit., p. 263-275 dont voici la conclusion : « Si nous essayons un classe nient des apparitions de Notre-Seigneur ressuscité, raconté dans les Évangiles canoniques, nous aurons un premier groupe, formé des premières apparitions judéennes. Le jour même de Pâques, Jésus au malin se montra d’abord à Marie-Madeleine, puis aux autres femmes (si ces deux apparitions ne sont pas toutefois la même), ensuite, dans la journée, à Pierre, puis le soir, aux disciples d’Lniinaus et enfui aux Onze (sans Thomas). Huit jours plus tard, a Jérusalem encore, il apparut aux Onze (avec Thomas). Pu second groupe comprend toutes les apparitions de Galilée : au sept disciples sur le lac de Tihériade et aux Onze 1217

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA RÉSURRECTION

L2 A

sur une montagne galiléenne. La dernière apparition qui procéda l’ascension eut lieu, quarante jours après l’àques, sur le mont des Oliviers, devant tous les apôtres assemblés, i <>/>. cîf., p. 275-276. Cf. Lesêtre,

Jésus-Christ, dans le Dictionnaire de la Jiible de Vigouroux, t. iii, col. 1478-1489 ; Godet. Commen tain’sur V Évangile de saint Jean, 4e édit., Paris. -. d.. t. n. p. 505 ; I.oofs, Die Auferstehungsberichie und ihr Wert, Tubingue, 1908, p. 38-39.

c) La tradition hiérosolvmitaine est intimement liée à l’histoire de la mise au tombeau de Notre-Seigneur après sa mort. La vérité historique du fait de la résurrection se trouve ainsi mise en un nouveau relief par la vérité historique du fait de la sépulture et du tombeau trouvé vide. La sépulture en un tombeau neuf, taillé dans le roc est affirmée par le récit unanime des évangélistes, Matth., xxvii, 57-61 ; Marc. w. 12-17 : Luc. xxiii, 50-56 ; Joa., xix, 38-42, et ce récit présente toutes les garanties de vérité historique. Cf. Th. Korfï, Die Aujerstehung und Himmelfahrt misères llerrn Jesu Christi, Halle, 1897, p. 166177 ; 1. Orr, The resurreelion of Jésus, Londres, 1908, p. 92-99. La garde du tombeau par les soldats, Matth., xxvii. o2-t>('> : xxviii. 11-15, en est une première confirmation. Le témoignage de saint Paul, ICor., xv, 1-4, en est une autre. Voir le développement de cette confirmation en faveur de la réalité de la sépulture de Jésus, dans Mangenot, i p. cit., p. 35-38, avec la bibliographie, p. 38. note 1. Une troisième confirmation est tirée du livre des Actes, qui nous renseigne sur la sépulture de Jésus dans un tombeau, indirectement dans le discours du saint Pierre, n. 24-32, plus explicitement dans le discours prononcé par saint Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie. Act., xii, 27-3d. Voir Slangenot, op. cit., p. 197-201. Le fait du tombeau trouvé vide ne saurait lui non plus être raisonnablement contesté. Les galiléennes avaient, durant le ministère de Jésus en Galilée, suivi et servi le Maître, Marc, xv, 41 ; rien d’étonnant donc qu’elles aient voulu rendre à Jésus mort un dernier service, celui de lui donner un ensevelissement convenable, à l’aide de parfums et d’aromates. Le corps de Jésus, en effet, n’avait été qu’enveloppé en un linceul neuf, Marc, xv, 46 ; dès le vendredi, les saintes femmes avaient préparé aromates et parfums, Luc. xxiii. 56 ; mais le sabbat leur avait imposé une trêve forcée, id. Elles viennent le dimanche matin, craignant de ne pouvoir entrer dans le tombeau dont la pierre était fort grande, Marc, xv, 46 ; xvi, 5 ; mais le tombeau est ouvert et vide. Un jeune homme vêtu de blanc (un ange) leur annonce que Jésus est ressuscité et que son corps n’est plus là. Entre Marc et Matthieu, pas de différences substantielles : celui-ci ajoute simplement des détails bien propres à confirmer la vérité historique du fait rapporté, notamment le détail de la garde du tombeau par les soldats. Luc et Jean ne font que confirmer le récit de Marc La calomnie des Juifs relativement à l’enlèvement du corps par les apôtres et réfutée par saint Matthieu, xxviu, 11-15, ajoute encore à la démonstration du fait historique de la découverte du tombeau vide deux jours après la passion. D’ailleurs l’hypothèse de l’enlèvement du corps, soit par les apôtres, soit par Joseph d’Arimatbie, soit par les Juifs eux-mêmes ne peut msoutenir. L’hypothèse d’une mort apparente de Jésus est plus invraisemblable encore. La découverte du tombeau vide est donc un fait historique, au sens scientifique du mot, puisqu’il a été constaté et que cette constatation est attestée par documents dignes de foi. Il reste donc - une preuve indirecte il est vrai, mais solide et inattaquable de la résurrection. Le corps, disparu du tombeau, est sorti vivant, puisque les disciples l’ont vu et qu’il s’est

DICT. DE THEOL. CATIIOl..

montré à eux. I.es apparitions de Jésus ressuscité prouvent directement la réalité de la résurrection corporelle, i.Mangenot, op. cit., p. 239. On ne saurait d’ailleurs objecter contre la tradition hiérosolvmitaine le silence de saint Paul relativement au tombeau du Sauveur. Si dans I Cor., xv, I, saint Paul emploie, pour exprimer le fait de la résurrection, le verbe ÈysipsaOoct., l’étroit rapprochement que ce verbe a ici avec z-x^i « a été enseveli > exige le sens que celui qui a été déposé au sépulcre est ressuscité en sortant du tombeau pour revenir à la vie. Saint Paul suppose donc connue de tous la mise au tombeau.

3. Le corps de Jésus ressuscité est bien celui qu’il avait en sa pic terrestre. - Le l’ait historique du tombeau vide démontre la réalité de la résurrection, par là même qu’aucune hypothèse, imaginée en dehors de la résurrection, ne parvient à l’expliquer. Si la résurrection de Jésus a été réelle, le corps ressuscité est donc bien le même corps qui avait été crucifié et enseveli dans le tombeau de Joseph d’Arimathie. Les apparitions aux disciples ne l’ont que confirmer cette vérité. Les textes, en effet, ne supposent, de la part des multiples témoins des apparitions, aucune hallucination. Ils disent bien plutôt tout le contraire : « les’doutes des premiers jours ont été enlevés par les apparitions et ont disparu devant la preuve évidente de la résurrection du Sauveur. Les Onze, qui n’avaient pas cru au témoignage des femmes, ni à celui des disciples d’Emmaùs, Marc, xvi, 11, 13 ; Luc, xxiv, 11, en reçurent des reproches de Jésus leur apparaissant, Marc, xvi, 14 ; leur incrédulité disparaît à la vue du Mailre ressuscité. Si quelques-uns, en face de Jésus, continuent à douter, Matth., xxviii, 18, c’est par suite d’un saisissement bien naturel, produit par la première apparition, et, selon saint Luc, xxiv, 41, en conséquence de l’étonnement que leur procurait la joie de voir Jésus vivant. L’incrédulité de Thomas, Joa., xx, 24-25, est vaincue par la vue de Jésus, sans qu’il soit nécessaire de réaliser les conditions que cet apôtre incrédule avait posées à sa foi, 27-29. Les doutes primitifs n’ont pas survécu à la conviction acquise par le moyen des apparitions réelles et objectives. Celles-ci n’étaient donc pas de pures hallucinations, produits d’une foi préexistante… En demeurant sur notre terrain, nous constatons que les écrits évangéliques attestent la réalité corporelle de la résurrection de Notre-Seigneur, les disciples ayant vu leur Maître dans son corps spiritualisé, l’ayant touché de leurs mains, l’ayant entendu de leurs oreilles. Cette réalité du corps transformé et spiritualisé de Jésus ressuscité est admise sur le témoignage historique de témoins dignes de foi… et aucune théorie de visions purement subjectives ou subjectivo-objectives ne suffit à expliquer les récits évangéliques… Les récits de l’Évangile rapportent que Jésus apparaissait avec ses plaies, se taisant toucher par ses disciples et mangeait avec eux. Ils ne peuvent s’expliquer par des visions intérieures… ; ils parlent si clairement de corps réel, de contact sensible, de paroles dites et entendues, que le fait d’un retour de Jésus à la vie corporelle est à prendre ou a laisser… Mangenot, <>p. cit., p. 291-296. Cf. Stende, Die Aujerstehung Jesu Christi, Gutersloh, 1899, p. 97-112 ; Ed. Riggenbach, Die Aujerstehung Jesu, I ici liii, 19U5, p. 553-554 ; P. Ladeuze, op. cit.. >. 31. Sur les objections tirées de ce cpie Marie-Madeleine et les disciples d’Emmaùs, ne reconnaissent pas Jésus, voir Mangenot, op. cit. p. 330-3U2.

2° Toutefois la vie du corps ressuscite, désormais conforme aux exigences du nouvel état du Sauveur, manifeste en Jésus plus clairement le mystère de l’Homme Dieu. Le retour du corps de Jésus à la vie. n’est pas un retour a la vie terrestre ordinaire, comme

VIII — 39

il en avait été de la Bile de Jalre, <lu fils de la veuv< (h Naïm, de Lazare et peut-être des morts t]ui sorti di’s tombeaux an moment où Jésus rendit l’âme sur la croix. Matth., xxvii, ô’2. 53. Cf. J, Knabenbauer,

Ttentarius in Evangelium secundum Mattheeum, Paris, 1893, t. ii, p. 537-539. Tons ces ressuscites n’étaient rendus à la vie mortelle que pour un temps et devaient subir de nouveau la loi commune de la Jésus, vainqueur de la mort, ne devait plus mourir. Rom., vi. 9. Sa résurrection est parfaite et définitive. Cf. S. Thomas, Sum. theol.. Ml, q. un, a. 3,

nique pour l’humanité du Sauveur le commencement de la vie immortelle. La résurrection de Jésus esi. par identité, son entrée dans la vie glorieuse. Et saint Paul souligne cette vérité, en marquant que la

rrection de Jésus est le premier exemple, l’archétype. 1< s pi ém ces de notre ré urrection. Soulignant l’identité persistante du glorifié, il écrit : i II faut que celle chose corruptible revête l’incorruptible ; cette chose mortelle, l’immortalité. » 1 Cor., xv. 53. D’ailleurs saint Paul applique expressément a la résurrection l’oracle du l’s. n. 7 : i Nous vous annonçons

la promesse qui a été l’aile à nos pères, Dieu l’a tenue a nous leurs fils, ressuscitant Jésus, comme il est écrit dans le psaume deuxième : Tu es mon fils, je ta ! engendré aujourd’hui. » Ad., xiii, 32-33. C’est comme une nouvelle naissance à la vie éternelle, accordée à Jésus. Voir un magnifique développement de cette pensée par Bossuet, dans son Panégyrique de l’apôtre saint.Iran. Œuvres oratoires de Bossuet, Paris, 1914,

t. I !. p.."il.").

1. Doctrine des évangiles.

Des récits évahgéliques,

où la vérité de la résurrection se révèle dans des apparitions intermittentes, on est en droit de déduire avec saint Thomas, Sum. theol.. IIP, q. i.v, a. 1- : i, que le Christ ressuscité n’appartient plus normalement à l’ordre de l’expérience terrestre. Son corps, quoique réel, ne tombe plus s (, us [es sens et n’est plus dans I phénoménal comme avant sa mort : il n’est plus régulièrement objet de perception sensible. Pour qu’il soil perçu par les sens, il faut qu’il apparaisse, se lasse voir et entendre, se rendre visible et palpable. L’étal glorieux est donc manifesté par l’intermittence même des apparitions. Il se manifeste également par les présences subites de Jésus au milieu de ses apôtres, la pénétration de Jésus dans un lieu dont les portes sont closes. Joa., xx, lit. Toutefois ce corps glorieux. spiritualisé, n’est ni un esprit, rtveûu.a, connue le croyaient les apôtres épouvantés, Luc. xxiv. 37. ni un fantôme, çdcVTW p.a, connue ils l’avaient cru un jour OÙ, pendant sa vie mortelle. Jésus marchait sur les eaux du lac de Tibériadc. Matth., xiv, 26. Jésus, en effet, donne (les preuves de la réalité de son corps : il mange, Luc, xxiv, 36 13 ; il offre ses plaies au toucher. Joa.. xx, 24-25, 2(i-27. (.elle démonstration « le

la réalité d’un corps glorieux par un acte relevant de la vie terrestre et physiologique, le manger, ou par le toucher, des plaies de la passion, ne laisse pas toutefois

d’offrir quelques difficultés.

En ce qui concerne la première démonstration paile lait de manger, formulée par l.uc, rien ne sert d’objectei que cet auteur semble matérialiser une donnée

traditionnelle, selon laquelle Jésus aurait distribué, servi et mange lui-même, du pain et du poisson à ses disciples. Joa.. xxi, 5. 13. Nous n’avons aucune raison de révoquer en doute la véracité de Luc., xxiv. 36-43. Toute la question est de savoir si nu corps glorifié,

<’est à-dire n’étant plus a l’état naturel et physiologique, peut en ore recevoir et s’assimiler des aliments,

haut il concéder que Jésus : i pu Simplement paraître manger et boire pour affirmer a Ions les yeux l’objcc tivité de son corps ressuscité ? Cf. Dubois, Revue du

< lergé français, 1905, t. xxiv, p. 629-630. La tradition

catholique admet que Jésus ressuscité a réellement

mange et par là. sans créer aucune illusion aux assistants, leur a donné une preuve de la réalité de son corps, i Néanmoins, ce fait ne prouve rien conln l’état glorieux du corps du Sauveur, s’il a mangi Jésus ressuscité ne l’a pas lait par besoin d’alimentation, car la nécessité de se soutenir par la nourriture prouverait qu’il n’est pas glorifié. Il a mangé réellement, parce qu’il en était capable. Ressuscité a l’état glorieux, il axait cependant un corps réel, un corps humain, un corps en chair et en os. possédant pai conséquent les organes de l’alimentation et de la digestion, et ces opérations physiologiques pouvaient se produire en lui naturellement. Il a donc mange, paue qu il en avait la capaciU et et l’a 1 lit, non pu nécessité, pour se sustenter, mais pour donner à ses apôtres une preuve de la réalité de sou corps ressuscité, cette réalité était conciliable avec son étal glorieux. » ! ’.. Mangenot, op. eit., p. 309-310. Il n’y a pas contradiction entre la notion du corps spiritualisé et glorifie et l’acte passager d’alimentation, produit rarement pour affermir la foi des apôtres en la résurrection corporelle de leur Maître. Saint Lierre affirme, lui aussi, que les apôtres ont mangé et bu avec Jésus ressuscil Acl., x. 11. et. si cette phrase du discours de Pierre est. par impossible, du rédacteur des actes, elle témoigne du moins de la croyance primitive. Sur la solution de celle difficulté, voir S. Thomas, Sum. theol., III », q. i.iv. a. 3, ad 3 Bm, qui se réfère lui-même à saint Augustin, De eivitate Dei. 1. XIII. c. xxii, P. L. t. xi.i. col. 395, et à Lîède le Vénérable, In Lucas vvni, gelium expositio, t. VI, c. xxiv. P. L.. t. xcii, col. 031. Cf. S. Jérôme. Liber contra Joannem Ilierosolymîtanum, n. 17, P. /… t. xxut. col. : ilt ; n. 37. col. 587 : Epist., cviii, ad Euslochium, n.’l’A. PL., t. xxii, col. 901. Parmi les protestants, M. Godet accepte l’explication de la tradition catholique : « On s’est heurté à ce fait que le Seigneur a mangé. On aurait raison, s il avai : mange par faim, mais cet acte n’était pas le résultad’un besoin, il voulait montrer qu’il pouvait manger, c’est-à-dire que son corps était réel, qu’il n’était pas un pur esprit ou un fantôme ». Commentaire sur V Évangile de saint Jean, Neuchâtel. p. 513. M. Dubois reconnaît que notre expérience n’embrasse pas toutes les virtualités de la matière et par là, sans s’y rallier laisse encore la porte ouverte à l’explication traditionnelle. Hernie du Clergé Français, 1905. t. xi.iv. p. 631.

L’autre preuve de la réalité du corps de Jésus, la présentation des marques de la crucifixion n’est pas non plus incompatible avec l’état du corps glorifié. La transformation subie par le corps de Jésus au sortir du tombeau exigeait-elle la disparition des cicatrices de la passion ? En devenant immortel le corps glorifié ne pouvail-il pas porter encore des traces visibles de sa mort alité ? Les considérations a priori sont ici hors de mise : les récits nous disenl ce qui a existé en fait, ce que les premiers chrétiens oui cru réel et véritable. Or. les rédacteurs des livres inspires n’ont pas n d’incompatibilité à la permanence des cicatrices de la passion dans le corps glorifié de Jésus, et Us théologiens en ont donné des raisons de convenances forl admissibles : la confirmation de la réalité de la résurrection, la puissance des supplications de Jésus par la voix de ses plaies ont paru a saint Thomas d’Aquin suffire a l’explication

de cette permanence. Cf. Sum. theol., III, q. i.iv, a. I.

Si Jésus refuse, a peine ressuscité, de se laisser toucher par Marie-Madeleine, Joa.. XX, 17. ce n’est ni parce que le corps ressuscité n’est pas sensible, ni parce qu’il n’est pas encore glorifié. Jésus n’étant pas remonté vers son l’ère ; Jean établit lui-même une équivalence entre la résurrection, ii, 22 et la glori 222

Bcation de Jésus, vu. 39 ; mi. ll>. Cf. Lopin. La valeur historique du quatrième évangile, t. i. p. 599-600. D’autre part. les sainte-- onmirs ne touchaient-elles pas les pieds de Jésus ? Matth., xxviii, 9. La raison

de la défense faite par Jésus à Madeleine est tonte différente et d’ordre moral et mystique. Jésus voulait vraisemblablement lui signifier que les anciennes

relations ont cessé avec la mort et que de nouvelles, tontes spirituelles doivent exister désormais après la résurrection.

2. Doctrine de saint Paul. - La doctrine de saint Paul dans I Cor., xv. confirme renseignement des évangiles sur l’état du corps ressuscité de Jésus. Pour saint Paul la résurrection de Jésus est non seulement le gage, mais encore l’exemplaire et le modèle de la nôtre. Cf. F. Pral. La Théologie de saint Paul, Paris. 1908, 1. 1. p. 186 ; F. Tillmann, Die Wiederkunft Christi nach den paulinischen Prie/en. dans les Biblischc Sludien. Fribourg-en-B., 1909. t. xiv, fasc. 1 et 2. p. 172. 178. Ce que dit saint Paul des corps gloriliés. I Cor., xv. 35-58. peut donc s’appliquer, en quelque mesure, au corps ressuscité de Jésus. « Si la résurrection répond à nos aspirations les plus intimes, le mode dont elle s’accomplira déconcerte notre imagination. Nous n’avons aucune idée d’un corps organique éternellement incorruptible. Nous ne concevons pas la vie sensible sans changement, ni le changement sans altération. Quand la mort a semé aux quatre vents du ciel cette poignée de poussière qui fut notre corps, où retrouver ces atomes épars engagés en mille combinaisons nouvelles et comment les empêcher i e se disperser encore ? Telle est l’objection que Paul prévoit et résout d’avance : « Comment les morts ressuscitent-ils, et dans quel corps viennent-ils ? » I Cor., xv, 35. Il est évident que notre corps doit subir une transformation profonde, il doit revêtir la forme du Christ qui « transfigurera le corps de notre humiliation », notre corps dans l’état de misère et d’épreuve, « pour le rendre conforme au corps de sa gloire ►, Phil., iii, 21, c’est-à-dire à so’n corps glorifié, transfiguration, si l’on considère que la personnalité sera élevée et ennoblie sans être détruite, transformation, eu égard à la nouvelle forme surnaturelle du corps ressuscité. L’Apôtre explique cette transformation ou cette transfiguration par l’exemple du germe. » F. Prat., op. cit., p. 191. Le grain jeté en terre ne pourrit pas et ne se dissout pas tout entier ; de sa dissolution même sort un germe vivant qui, produisant un organisme nouveau, continuera en quelque sorte l’être individuel dont il est issu. Il n’y a pas à proprement parler de création nouvelle dans la résurrection : il y a analogie avec la loi de la reproduction que Dieu a établie pour les plantes au moment de la création. Il y aura identité essentielle entre le corps mis en terre et le corps ressuscité, bien que l’état du corps ressuscité soit nouveau. Cette diversité des états successifs du même corps n’est pas un obstacle a la résurrection ni une difficulté à la toute-puissance divine. Saint Paul, pour le démontrer, indiqueles diversités des organismes qui peuplent l’univers, la terre et le ciel. v. 39-41. Dieu a donc des ressources infinies pour ressusciter les hommes dans un état différent de leur corps terrestre. Le corps semé a l’état de corruption, de déshonneur et de faiblesse, ressuscite incorruptible, glorieux et plein de force, i 42-43. Le corps semé, « ’est le corps non pas mis au tombeau, mais venu en cette vie, et ce corps est corruptible, déshonoré, c’est-à-dire sujet aux misères de la vie, infirme et animal. Cf. Tobac. I problème de la justification dans saint Paul, Louvain, . p. 83. Le corps ressuscité jouira de l’incorruptibilité, de la gloire, de la force. Ces différences des deux corps proviennent d’une première et radicale

différence sur laquelle il faut insister : le corps mortel est Ç’v.’- v psychique : le corps ressuscité est itveu{jumx6v, spirituel. pneumatique ». Le corps. matière organisée, durant cette vie mortelle est psychique, c’est-à-dire i formé par et pour une âme. destine a servir d’organe à ce souffle de vie a pelé V’j/r, qui a préside a son développement. F. Godet, Commentaire sur la première épître aux Corinthiens Neuchâtel, 1887, t. ii, p. 108..Mais, une fois ressuscité, le corps deviendra spirituel t non pas aérien ou éthéré, d’après le sens étymologique d’esprit, ni même sem blable aux esprits célestes dans sa manière d’être et d’agir, … niais dominé par l’Esprit de Dieu qui l’informe dans sa vie surnaturelle, comme l’âme le meut et le pénètre dans sa vie sensible. > F. Prat. op. cit.. p. 1’.1$1-$293.

Toutefois, l’Esprit de Dieu qui anime le corps ressuscite doit être conçu non comme étant Dieu directement, mais comme un élément supérieur émané de Dieu et agissant en vertu de l’Esprit divin. Il y a deux espèces de corps, le psychique et. le pneumatique, tout comme il y a deux Adams (de qui nous tenons la vie). Le premier nomme, Adam, est devenu une âme vivante, Gen., ii, 7, parce qu’il a été créé psychique, animal ; niais le second Adam, Jésus, chef de l’huma nité régénérée est devenu esprit vivifiant, soit à son incarnation, soit plus probablement à sa résurrection. En vertu de la génération naturelle nous tenons du premier Adam un corps terrestre, /oïx.ôv, psychique, qui appesantit l’âme et l’entrave dans ses opérations ; en vertu de la descendance naturelle, nous recevrons du second Adam un corps céleste, sTtoupxviov, spirituel, pareil au sien. I. Cor., xv, 45-49.

Ces allirmations nous permettent de conclure qu’à la résurrection, le corps de Jésus a subi, non pas seulement un réveil ou une réanimation, mais une véritable transformation, la mort n’ayant d’ailleurs accompli en lui aucune œuvre de dissolution. Mais la pensée de saint Paul l’éclairé d’un jour nouveau dans la deuxième épître aux Corinthiens. Il déclare nettement, v. 1-4, que le corps glorifié est une maison nouvelle destinée à remplacer notre maison terrestre, une maison éternelle déjà construite par Dieu et qui existe dans le ciel. Nous la revêtirons comme un vêtement nouveau qui n’est que le corps céleste, préexistant auprès de Dieu et que notre âme nue revêtira au jour de la parousie. Cf. A. Lemonnyer, Les Épîtres de saint Paul. Paris. I" partie, p. 201-203. Notons les deux idées : maison et vêtement. Le terme maison est employé pour marquer la permanence éternelle d’un état qui durera toujours par opposition à la situation transitoire et provisoire d’ici-bas : le terme vêtement sert à caractériser la transformation du corps à la résurrection. Cf. Le Camus. L’Œuvre des apôtres, t. iii, p. 258, note 1. Cette transformation n’est autre que la réception d’une qualité nouvelle, du vêtement de gloire que nous prendrons à la, résurrection générale. Cette interprétation est confirmée par Phil., ni, 20-21, où saint Paul écrit que Jésus reformera le corps de notre humiliation cou formément à son corps de gloire ; le corps de gloire du Christ, n’est pas autre que son corps mortel glorifié. Le corps glorifié manifeste IT’.spnt qui est en Jésus-Christ, qui est Jésus-Christ. II Cor., iii, 17 : qui est en Jésus-Christ comme principe vivifiant el animant, principe d’une vie nouvelle et transcendante, d’une nouvelle Vie déjà réalisée dans les âmes et qui doit s’étendre plus tard a toute la nature La coin munication de l’espril « lu Christ commence au bap

tême, qui résurrection avec le chrisi Rom.

vm. 9-13.

Nous pouvons conclure que la pensée de l’apôtre

sur la nature du corps glorieux de Jésus ressuscité, 1223

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA FOI DE L’EGLISE NAISSANTE

s.ms avoir la précision qu’exigeraient nos habitudes d’esprit…, est suffisamment claire. Ce corps n’est pas le simple cadavre réanimé du Sauveur, tout en demeurant identiquement le même corps, il a subi une transformation qui l’a rendu apte à la nouvelle situation du Sauveur, glorifié au ciel et agissant spirituellement dans l’Église… le corps glorieux de Jésus ressuscité était un corps terrestre vivant, spiritualisé, transie i me et vivifiant ». Mangenot, op. cit., p. 173.

3. Conclusion. — Des évangiles et des épîtres de saint Paul nous devons donc retenir la foi des apôtres en la résurrection corporelle de Jésus. Il est manifeste de plus que cette foi n’est pas le produit de leur activité personnelle : elle repose sur des faits, et des témoignages avérés. Elle suppose le miracle sans doute ; mais le miracle n’est-il pas à la hase même du christianisme ? C’est’le Christ tout entier, corps et âme, qui est revenu à la vie. L’humanité glorifiée du Sauveur <-st toujours son humanité. Mais le revêtement de gloire dont elle jouit après Pâques ne fait que mieux manifester l’esprit divin qui ranime. Cet esprit divin, nous en aurons nous-mêmes une émanation jour de la résurrection. Que dis-je ? dès le baptême nous y participons. Mais cet esprit en Jésus, c’est lui-même, car lui-même est Dieu. Les synoptiques en nous montrant le Christ humain et vivant de notre vie terrestre, nous ont laissé entrevoir sa divinité et nous ont révélé le mystère de l’IIoinmc-Dieu. Ce mystère nous est apparu plus clairement dans le fait de la résurrection. Et l’Église naissante y attachera sa foi ; mais Paul nous ramenant plus particulièrement au Christ glorieux, sans négliger la réalité de la chair de Jésus nous le manifestera plus expressément encore comme le Fils de Dieu, chef de l’Église et Notre-Seigneur.

sur la résurrection : V. Rose, Études sur les Evangiles, Paris, 1902, < via, p. 271-324 ; Mgr Chauvin, Jésus-Christ est-il ressuscité ? (Coll. Science et Religion), Paris, moi ; A. Cellini, Gli ultimi capi del teiramorfo c lu criticu razionalistica cioé l’Armonia dei quattro Evangeli nei racconti délia i>esurrezione, délie apparizioni c deW ascensione di.Y..s. Gesù Crisi ». Rome, 1906 ; J.-B. Ditteldorf, Die Auferstehung Jesu Christi (extrait dû Festschrlft zum Bischof-Jubilaum), Trêves, 1 906, p. 499-592 ; 1 1. Lesëtre, Jésus ressuscité, dans la Revue du Clergé français ; I907, t. iii, p. 241-263 ; P. Ladeuze, La résurrection de Jésus-Christ devant la critique contemporaine (Collection Science et Foi, n. I), Bruxelles, 1908 : E. Dentier,

nie Auferstehung Jesu Christi nach den lierielilen des Neuen

testaments (Biblische Zeitfragen, l" série, fasc. 6), Munster, 1908 ; E. A. Fabozzi, Lu resurrezione di Gesù Cristorivendicata délia critica <li Harnacke di Loisg, Naples, 1908 ; E. Roupain, La résurrection de Jésus-Christ, dans la liante des sciences i < -I le^iusii<iuis et la Science catholique, janvier 1909 ; Case, s..1., The résurrection faith « f ilie first disciples, dans The merican Journal o/ theology, 1909, t. iii, p. 169-192 ; i. Mac Rory, Some théories <>/ our Lord’s résurrection, dans rhe Irish theological Quarterhj, 1909, t. iv, p. 200-215 et surti ut E. Mangenot, .La résurrection de Jésus, Paris, 1910 ; iL. Pirot i. I -n résurection de Jésus-Christ et la critique contemporaine, dans l.’Ami du Clergé, t9211, 6 sept., 1 nov., 6déc. Parmi les protestants qui s’efforcent encore de maintenir la vérité de la résurrection : W. Beysch1ag, .Dfe Auferstehung Jesu Christi und ihre neueste Beslrettuna durch Slraus’s Leben Jesu, Berlin, 1863 ; 11. Gebhardt, Die Auferstehung (Jirisii iiiui ihre neuesten Gegner, Gotha, 1864 ; E. Gtlder, Du Thatsuchlicbkeil <ler Auferstehung Christi und deren Bestreitung, Berne, i.s<ii> ; trad. tr., Toulouse, 1866 ; W. Krûger, Die Auferstehung Jesu in ihrer Bedeutung fur den christlichen Glauben, Brème, 1867 ; F.-L. Steinmeyer, Apologelische Beitràge. III, Auferslehungsgeschichte dis Jlerrn. Berlin, isT.’i ; B.-F. Westrott, The Gospel of Oie résurrection, dans Introduction to Study <>/ Gospels, 1881, p.’.v.i’.141. (.. Schlottmann, Die Osterbotschaft und die Visionsypothese, Halle, ih.si ; -. w. MUllgan, The résurrection u/ ur Lord, Londres, 4e édit., 1894 ; J.-O. wiiiie, The appareances <>/ // » rfsen Lord ta Indlvlduals, dans Exposttor, , B99, i. if. p 69-7 l : Th. Koi il. Hie Auferstehung und Himmeljidiri unseres Hern Jesu Christi unier diiu Gesichtspunkte

einer genuuen Unterscheidung der in Betrachl kommenden ùbersinnltchen Gluubens und empirischen Geschichlstatsachen, Hauptoerhandlung, Halle, 1897 ; Id., même titre, 'ort>crhandlung. Unmittelbar in dus himmlische Parodies. Neulestameniliche Untersuchung ûberden Aufenthaltsori der Gerechlen ulsbald nach dem Tode, Halle, 1897 ; Id., Die Auferstehung Cliristi und die radikale Théologie. Die Feststellung und Deutung der gesehichtlichen Tutsuclwn der Auferstehung des Jlerrn durcit die /ortgeseltrittenc moderne Théologie (Arnold Met/er und II. Iloltzmunn) in krilischer Beleuchluntj, Halle, 1908 ; L. I.oofs, Die Auferstchungsberichle und ihr Wert (lleftc zur Christlichen Welt, n. : i : si, : i i édit., Tubingue, 1908 ; F. Hartlit, Die Iluujprobleine des J.ebens Jesu, 3’édit., GUtersloh, 1907.

Les discussions de ces ouvrages se rapportent en partie aux conclusions de la critique contemporaine, conclusions qu’on ne trouvera signalées qu’à la dernière partie de cet article : mais il fallait les marquer ici, àcausedes explications scripturaires qu’ils renferment se rapportant à la doctrine qui vient d’être étudiée.

17. L’HOMMB-DIEV ET LA FOI DE L’ÉGLISE NAIS-SANTE. — 1° Questions préalables. — l.Les trois aspects de la peYsonnalité du Christ. — Le Christ une fois remonté au ciel, la révélation de sa personnalité est complète : saint Paul et saint Jean n’y ajouteront que des traits secondaires ou relatifs au rôle que Jésus est appelé à jouer en tant que médiateur entre Dieu et les hommes ou fondateur du royaume de Dieu sur (erre. Mais les traits essentiels de Jésus, Messie et Fils de Dieu, glorieusement régnant à la droite du l’ère, sont fixés pour la foi chrétienne. Ces trois aspects de sa personnalité sont marqués et distincts. La foi de l’Église s’attachera désormais de préférence au Christ glorieux, vainqueur de la mort, remonté au ciel pour y gouverner l’Église par l’intermédiaire de l’Esprit Saint ; mais elle sait aussi que ce Christ, de toute éternité a préexisté en Dieu. Fils éternel du Père éternel, et elle n’oublie point que le Fils s’est lait homme et a vécu parmi les hommes sur la terre, qu’il a souffert, qu’il est mort sur la croix, avant de ressusciter glorieux et de remonter au ciel. Au mystère de la filial ion divine qu’on adore déjà dans le Christ préexistant, s’ajoute le mystère de l’incarnation, manifesté dans le Christ terrestre et consommé dans le Christ glorieux. VA. parce que le Fils de Dieu, en s’incarnant n’a pas acquis une personnalité nouvelle, mais s’est simplement uni substantiellement une nature humaine ; parce que son entrée dans le ciel n’a nullement modifié l’individualité du Christ, mais n’a fait que donner à cette individualité un nouvel état, celui dans lequel s’opère suivant la loi commune aux bienheureux, le rejaillissement de la gloire de l’âme sur le corps, instinctivement la loi des premiers chrétiens, en vertu de la loi si naturelle de la communication des idiomes, voir 1. vu. col. 595, attribuera au Christ préexistant les qualités ou les actions du Christ terrestre ou du Christ glorieux e réciproquement au. Christ terrestre ou glorieux celles du Christ préexistant, En cela, la foi n’est pas en défaut : elle rend simplement témoignage à la vérité de l’union hypostatique et de l’unique personnalité du Sauveur. Elle ne créé rien ; elle n’élève pas le Christ terrestre, celui qu’une certaine école appelle le i Christ historique » à un degré de perfection qu’il ne devrait pas avoir. Cf. Décret Lamenlabili, prop. 29, Dciizinger-liannwarl, n. 2029. Tout en attribuant légitimement les propriétés divines au Christ-I lominc, la foi de la primitive Église sait distinguer en Jésus l’humanité et la divinité ; mais elle les unit aussi dans l’unité de la personne même du Fils éternel de Dieu. 2. ha t<>i en Jésus-Christ, sous ce triple aspect. En’ait. la distinction entre le « Christ historique » et le i Christ de la foi » ne repose sur aucun fondement vrai et solide..lésus-ChrisI a toujours été. même pendant sa Vie terrestre, un objet de foi. Nous l’avons cou

staté plus haut, voir col. 1194, Jésus, en accomplissant dos miracles, se proposait d’exciter la fui de ses auditeurs, d’abord on sa mission messianique, ensuite on sa propre personne. Bien que les miracles ne prouvent pas directement la divinité du Sauveur, ils conduisent nécessaire nent à la croyance on cette divinité et c’est la que Jésus voulait amener finalement ses auditeurs. col. 1196. Il n’est pas inutile toutefois do préciser ici comment le Jésus de l’Évangile a pu être tout ensemble, pour ses contemporains, objet de connaissance directe ej sensible et objet de foi. L’objet de la connaissance directe et sensible était, en Jésus-Christ, l’humanité visible, palpable, vivante, susceptible de progrès, telle que nous l’avons décrite plus haut. Mais par de la cette humanité existait, dans le même Christ terrestre, l’objet île la foi chrétienne. Cet objet, c’est le mystère, révélé aux hommes par l’enseignement, les paroles et les actes île Jésus, enseignement qu’appuyaient, pour déterminer la volonté des contemporains de Jésus à l’acte de foi. les miracles, les « signes » accomplis par le Sauveur. Le mystère de Jésus est triple, correspondant aux trois aspects de sa personnalité. C’est d’abord, le mystère du Christ préexistant de toute éternité, et que Jésus a plusieurs fois révélé dans l’évangile : Anlcquam Ahraham /ieret, ego sum. Joa., viii, 58 : mystère que saint Paul et saint Jean mettront en un relief saisissant. C’est ensuite le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus-Christ avec les conséquences dogmatiques qu’il comporte, principalement l’union hypostatique. C’est enfin le mystère du Christ glorieux, ressuscité d’entre les morts : la vision du Christ ressuscité ne pouvait, même chez ceux qui eurent le bonheur d’être témoins des apparitions, être incompatible avec la foi au mystère du Christ glorieux : les témoins de la résurrection, en effet, n’ont jamais pleinement vu et compris l’état dans lequel Jésus se trouvait après sa mort et celui qu’il revêtit en entrant dans la vie glorieuse. Cf. S. Thomas. Sum. theol, III », q. lv, a. 2, ad 2um. Nonobstant la vision du Christ terrestre, il y eut toujours chez les contemporains de Jésus, place pour la foi « en JésusChrist. Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur, qui a été conçu de l’Esprit-Saint, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour et est monté aux cieux ». Même les événements les mieux caractérisés au point de vue historique, comme la naissance, les souffrances, la crucifixion, la mort sont objets de foi, parce que l’aspect visible qu’ils prennent en l’humanité du Sauveur n’épuise pas leur réalité, attendu qu’ils sont la naissance, les souffrances, la crucifixion, la mort non d’un homme ordinaire, mais d’un Homme-Dieu. Et par là est rendue manifeste l’inanité et la fausseté de la distinction introduite entre le Christ historique et le i Christ de la foi », distinction qui n’a de valeur que dans la mesure ou le Christ dit historique ne serait pas Dieu incarné. C’est donc, pour ainsi dire, de plain pied que nous passons de l’histoire du Christ dans l’Évangile à la foi au Christ dans la primitive église aussitôt après l’ascension.

3. Le sens général de la prédication apostolique dans les Actes des Apôtres ou les épltres, autres que celles de Paul et de Jean. - Nous u-streignons à ces documents l’expression de la foi de la primitive église, parce que c’est là qu’elle se manifeste dans sa plus grande simplicité et qu’elle apparaît courue la continuation même de la foi qui s’exhale des récita dos synoptiques. Toutefois, cette croyance de l’Église primitive revêt deux formes assez différentes l’une extérieure, apologétique dans la prédication des apôtres et notamment dans les discours do Pierre, do Paul ot

d’Etienne, l’autre, plus intime et [tour ainsi dire cultuelle, exprimant cett croyance d’une manière plus simple et plus directe La prédication, on effet, ne pouvait, s’adressant à dos gens à convertir, que proposer la vérité d’une façon prudente et réservée : i tout orateur soucieux do convertir ne conduit cpte pai degré les âmes à la vérité ; il ne les jolie pas d’emblée dans l’inconnu et ne leur révèle que les mystères qui leur sont accessibles »..1. Lebrcton, Les Origines du dogme de la Trinité, p. 324.

2° La croyance de l’Église naissante en Jésus-Christ. Fils de Dieu. — Voir Fils de Dieu, t. v. col. 23972399.

3° La croyance de l’Église naissante en Jésus-Christ, homme, est mise en relief par la prédication apologétique de la mîssianité du Sauveur. Aussi bien, le Christ venait à peine de disparaître pour remonter au ciel, et nombreux étaient les témoins qui l’avaient vu ot avaient conversé avec lui. Il suffisait donc, pour affirmer l’humanité du Verbe incarné, de rappeler « le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous. » Act., i, 21-22. Ce temps est celui de la « manifestation » du Christ, I Pet., i, 20, de Jésus de Nazareth « qui a passé en faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le diable. » Act., x, 38. Saint Pierre, Act, il, 30 ; saint Paul, Act., xiii, 23, rappellent la filiation davidique de Jésus. Mais ils reportent surtout la pensée de leurs auditeurs à la passion du Sauveur, prédite par les prophètes, Act., iii, 18 ; xvii, 3 ; xxvi, 23 ; aux souffrances qu’il a endurées pour nous, nous laissant un exemple, I Pet., n 21 ; iv, 1, 13 ; v, 1 ; à la crucifixion, Act., ii, 36 ; iv, 10 ; x, 40 ; à la mort sur le bois de la croix, Act., v, 30 ; x, 39 ; xiii, 28-29, cf. Jac, iv, 11, à cette mort qu’a absorbée le Christ, I Pet., iii, 21, pour nos péchés, qu’il a chargés sur son propre corps, ii, 24. Les Juifs ont tué Jésus, Act., ii, 23 ; iii, 15 ; vii, 52, et son corps fut mis au sépulcre, xiii, 29. Nous sommes arrosés du sang, I Pet. i„ 2, du sang précieux, i, 19, de Jésus, notre Seigneur et Sauveur. II Pet., i, 11 ; iii, 2, 18. Mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Act., ii, 24, 31, 32 ; iii, 15, 26 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, 40 (discours de saint Pierre) ; xui, 30 sq. (de saint Paul) ; cf. iv, 33 ; xvii, 3, xxvi, 23 ; I Pet., i, 21 ; iii, 18, 21. L’insistance des apôtres à souligner la résurrection de Jésus-Christ, outre le but apologétique qu’elle poursuit, marque bien la foi de l’Église naissante au Christ glorifié. Le livre des Actes ne débute-t-il pas d’ailleurs par l’histoire de la glorification du Sauveur dans l’ascension ? i, 9-11. Saint Pierre qui avait été témoin de la gloire de la transformation, II Pet., i, 17 ; revient à plusieurs reprises sur la révélation de la gloire du Sauveur, I Pet., iv, 13 ; v, 2, modèle et cause de notre gloire, v, 10 ; cf. i, 19 ; assis à la droite du Père, Act., ii, 33 ; v, 31 ; I Pet., iii, 22, Jésus voit les puissances et les vertus se soumettre à lui. I Pet., iii, 22. M*is le corps glorifié de Jésus est bien son corps : il a été vu après la résurrection, Act., xiii, 30 ; car Dieu a donné à Jésus ressuscité « de se manifester… aux témoins préordonnés… à nous, qui avons mangé et bu avec lui, après qu’il fut ressuscité des morts, t Act., x, 41.

L’Église naissante connaît aussi la perfection Intérieure, morale et surnaturelle, do cette humanité du Christ Jésus. C’est un homme juste et saint, iii, 14 (discours do Pierre) ; vu. 52 (d’Etienne) ; iii, 30 sq. (de Paul) ; cf. I, Pet. m. 15, véritable agneau sans tache et sans souillure, id., i. 19 ; homme que Dion a autorisé par les miracles et les merveilles accomplies par lui au nom do Dieu. Aol., ii, 22. Il a été « oint par Dieu d’Esprit Saint et do puissance. » x, 38 II a passé’lisant le bien, x, 38. Pierre parie de sa « longanimité.. 1 227

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THEOLOGIE PAULINIENNE

J 228

Il Pet., m. 15. Mais précisément parce qu’il est parfait, il nous faut pratiquer toutes les vertus pour entrer dans la connaissance du Christ. Il Pet., i. 8. lui réalité, connaître le Christ, c’est vivre « le la vie de la grâce, Il Pot., iii, 18, c’est posséder le remède contre les souillures du monde, n. 20.

On le voit, la prédication de l’Église naissante touchant l’humanité du Sauveur, sanctifiée par le contact de la divinité, montre tout le profit que nous-mêmes, suivant les exemples de Jésus, pouvons en retirer. Mais il y a plus, notre sainteté dépend de la sainteté de Jésus, parce que Jésus, pierre angulaire du nouvel ordre de choses, Act., iv, 11. est le médiateur et le sauveur universel, iv, 12 :, 43 (S. Pierre), mu. 39 (S. Paul), l’auteur de la vie. iii, 1 j ; ci. Joa., i. I. Par ses apparitions, Jésus montre qu’il gouverne vraiment les hommes : apparitions a Ananie, Act. ix, 10 sq., à Pierre, x. 9 ; xi, 5 ; à Paul, xxii, 6-18 ; et les fidèles se tournent vers lui instinctivement comme vers leur maître et Seigneur. Cl. vii, 55. 58, 59. Nous louchons de bien près a la théologie paiilinienne.

Voir Fils de Dieu, col. 2399.

Vil. LA THEOLOGIE l’A UUNIESSE DE JÉSUS-CBRIST SOTRE-SEIGNEUR. t° Le cadre de la théologie

paulinienne. — Elle se concentre sur le Christ ; tous les problèmes religieux sont étudiés en fonction de Jésus-Christ. Le Christ est le principe, le milieu et le terme de tout. Le nom de Christ (Xpurrôç avec ou sans l’article) paraît seul 203 fois dans les épîtres, l’épttre aux Hébreux mise à part : le Christ Jésus. 92 lois ; Jésus-Christ, Si lois : le Seigneur (Kupioç avec ou sans l’article) paraît seul 157 lois ; le Seigneur Jésus, 24 fois ; le Seigneur Jésus-Christ, (il fois ; Jésus seul, 10 fois. Cf. Prat, La théologie de suint Paul, t. ii, p. 40. « La doctrine de Paul n’est pas anthropocentrique et n’est point un simple corollaire de sa conception de l’homme ; elle n’est pas davantage théocentrique en ce sens que sa christologie et sa solériologie dériveraient de sa théodicée : elle a pour foyer de convergence le médiateur unique entre Dieu et les hommes, elle esi christocentrique. /<L, p. 18. La thèse de la justification est inspirée chez Paul par la controverse des judaïsants ; mais elle n’est qu’accès soire dans la doctrine de l’apôtre. Ce n’est pas encore comprendre toute la profondeur de cette doctrine que de s’arrêter à la personne de Jésus-Christ au moment de sa mort sur la croix, comme l’ont fait Sabatier. L’Apôtre l’uni. Paris, 1881, p. 233 ; Beyschlag, Neutestamenttiche Théologie, Halle, 1890, 1.11, p. 13-1 ; l’indlay, dans Dictionarg of the Bible, d Ha tings, Cm, p. 723. Sans doute, saint Paul a mis en relief le mystère de la croix. Gal., iii, 1 : I Cor., xv. 3 ; ii, 2 ; mais la mort du Christ en croix n’a de valeur que par la rédemption, laquelle suppose que Jésus a offert son sacrifice pour nous, son Père l’acceptant et nous en bénéli clant. La théologie de Paul, c ! est donc en réalité le Christ, mais le Christ souffrant, mourant, ressuscitant, vivant dans le ciel pour nous qu’il appelle par notre union a ses souffrances et à sa mort, au partage de sa résurrection et de sa vie glorieuse. En étudiant le Christ chez saint Paul, on ne peut donc, en réalité, le séparer de ceux qu’il esi venu rache r et faire ses cohéritiers. Cf. Prat. "P. ut., p. 50-56. Dieu nous a élus et prédestinés dans le Christ ; dans le Christ, il s’est réconcilié le monde, dans le Christ, nous naissons à la grflee ; dans le Christ aussi, nous serons vivifiés, ressuscites et glorifiés. Ce cadre très

spécial dans lequel évolue loule la théologie paulinienne n’apportera en réalité aucun élément étranger i la loi au Chrisi. telle que la professait la primitive Église nous l’avons brièvement constaté tout a l’heure à propos de la prière de saint Etienne ; mais

il servira puissamment à mettre en relief les fonctions, médiatrices et souveraines à la fois, qu’exerce le Christ glorifié par rapport aux membres de son corps mystique. C’est de la doctrine de la mort et de la résurrection en Jésus par le baptême. Col., ii, 12 ; m, I : Il Cor., v, 11-17 : Eph., i. 5-8, doctrine dont l’expression la plus complète est la doctrine du coprs de l’Église, dont les fidèles sont les membres et Jésus le chef. Eph., iv, 4, 11-16 : I Cor., vi. 15 ; xii. 27 ; Col., i, 18 : iii, 15, que l’on part très légitimement, en étudiant la théologie de saint Paul, pour aboutir à la filiation divine de Jésus, principe et modèle de noire filiation adoptive. Cal., iv, 4. Tout l’ordre surnaturel, dont le Chrisi est le centre, se résume pour Paul en quelques mots : « Tout est à vous, vous au Christ. le Christ à Dieu. » I Cor., iii, 222-23. Sur ce développement, voir I. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 352 sq.

lui demeurant dans ce cadre et en suivant la pensée de l’apôtre, nous voyons tout d’abord que Dieu a prédestiné et élu ceux à qui il lait miséricorde, de toute éternité et dans le Christ. Eph., i, 3-14. Si le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, en raison de la désobéissance du premier Adam, la réparation ne pourra venir que du nouvel Adam Jésus-Christ, Rom., v, 12-21 ; I Tim., ii, 5, etc., par qui nous vient toute justice. C’est ce nouvel Adam, Jésus-Christ, chef de l’humanité régénérée, en qui et par qui les pécheurs retrouvent la justice, que nous devons étudier à la suite de Paul, non seulement dans sa personne et sa double nature divine et humaine, mais encore dans ses fonctions de « médiateur ». 1 Tim.. ii, 5, et de i chef ». Eph., i, 22.

2° L’/ personne de Jésus-Christ. — 1. Bien que le regard de saint Paul s’attache surtout au Christ glorifié, la préexistence éternelle du Fils est soulignée à plus d’un endroit : I Tim., I, 15 ; iii, 10 ; II Cor., vin. 9 ; Rom., vin. 3 ; Gal., iv, 4 ; Col., i, 12, le premierné de loule créature signifiant « né avant toute créai me, toutes choses ayant élé créées par lui et pour lui », . 10-17. Elle est explicitement enseignée dans Phil., ii, 0. Cette préexistence du Christ n’est pas la préexistence d’un homme, comme le vomirait

I loltLmann, Xeuteslarnenlliche Théologie, t. ii, p. S2, cf. I.agrange, Revue biblique, 1897, p. 168-474, nonobstant I Cor., xv, 47, ce dernier texte (homo… cœlestis) marquant l’origine céleste et éternelle du Christ, Homme-Dieu, en raison de sa nature divine, de sa personnalité et du droit qu’elle lui donne de posséder la plénitud de l’Esprit Saint pour lui et pour ceux qui lui sont unis. F. Prat, op. cit., t. ii, p. 251. Ce n’est pas non plus la préexistence idéale dans l’intelligence de Dieu, avant la créai ion du monde, comme l’insinuaient les rabbins ; cf. Weber, Judische Théologie, Leipzig, 1897, p. 198, 348, 354, cl supra, col. 1127. C’est la préexistence éternelle du Fils de Dieu. Voir ce mot, col. 2400-2402.

2. Saint Paul n’ignore pas non plus le Christ terrestre.

II nous faut ici insister davantage, car. venu après les autres apodes à la foi au Christ, il n’a vu celui-ci que dans une révélation particulière sur le chemin de Damas. Il n’a pas connu sa figure historique. Les rationalistes n’ont pas manqué de faire ressortir celle Infériorité de Paul. Renan, Saint Paul, Paris, 1869, p. 503. La thèse de Renan n’est d’ailleurs plus admise aujourd’hui : beaucoup de critiques, avec A. Sabatier, L’apôtre Paul, Paris, 1890, p. 01-02, admettent que la « révélation intérieure, In éclairant l’âme de Paul, illumina en même temps la vie historique du crucifié ».

on démontre d’ailleurs facilement quc le texte de

Il Cor., v, 10, derrière lequel se retranchent les derniers partisans de la thèse de Renan, ne prouve rien Contre la connaissance de la figure historique du 122 ! »

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THEOLOGIE PAULINIENNE

Christ par saint Paul : la connaissance du Messie < selon la chair. dont parie id l’apôtre, est la connaissance qu’il a pu en avoir, avec les illusions grossières

et charnelles propres an peuple juif, comme si le Christ attendu eût <lù être un libérateur temporel. Cette connaissance-là. il ne l’a plus. Cf. F. Prat, op. /L. t. u. p. 237, note. Il n’est pas d’ailleurs nécessaire « le recourir à l’explication de Sabatier pour [der à saint Paul unv vraie connaissance de la e historique du Christ : l’apôtre des nations a M connaître par les témoins de la vie de Jésus (tradition qui devait être plus tard fixée dans les synoptiques) les faits importants île l’existence du Sauveur. Cf. V. Rose, Études sur lu théologie de saint l’aul. dans Revue biblique. 1902, p. 321-346 ; l""i. p. 340-342. Et la théologie de saint l’aul touchant l’homme qu’était Jésus-Christ, accuse nettement cette connaissance.

u) Jésus-Christ, hmnme. — L’expression est de saint l’aul. I Tim.. ii, 5 : JtvOptorcoç Kpurroç’IifjaoQç. : elle est formulée à propos de la médiation du Christ et, dans la pensée de l’aul. cette médiation est principalement rédemptrice. C’est qu’en effet, pour nous racheter, il faut que Jésus soit homme : Par un homme. iî’.' xvfioûicou, est venue la mort et par un homme la résurrection des morts. * I Cor., xv, 21 : cf. Rom., v. 15 ; vin. 3. La netteté de ces expressions nous oblige à donner à d’autres expressions moins précises le sens d’une humanité parfaite et entière, consubstantielle à la notre. En parlant d" homme céleste.

I Cor., xv. -17. Paul fait allusion à l’origine éternelle de la personne du Christ ; voir ci-dessus ; il oppose

is a Adam, formé de la terre, et incapable de -mettre à ses descendants une vie autre que la vie « psychique >. En affirmant que celui qui « était dans la forme de Dieu a pris i la forme d’esclave, ivant été fait semblable aux hommes et reconnu pour homme par les dehors >, Phil.. n. C>. saint Paul ne nie pas la réalité de la nature humaine, car si le Christ a été reconnu pour homme, c’est que l’expérience de sa vie entière l’a manifesté i tel. Enfin, si Dieu a envoyé son Fils dans i la ressemblance d’une chair de péché —, le terme ressemblance, similitudo, affecte le péché dont Jésus n’a pas connu la souillure, mais non la chair qui, par sa réalité, était identique à la nôtre : Jésus n’est-il pas venu « condamner le péché dans la chair ? » Rom., viii, 3. Cf. Prat, op. cit., t. ii, p.227228 et 260. Donc, en raison de sa mission parmi nous, il faut que le Christ soit homme, comme nous : il est le nouvel Adam, Rom., xii, 15 : I Cor., xv, 22. 45 ; le premier-né d’entre les morts. Col., i, 18 ; le premierné d’entre les frères. Rom., viii, 29 : le pontife, Heb., ii, 17 : iv. Il : v, 1-10 : toutes ces prérogatives supposent, en effet, que le Christ a une nature absolument identique à la nôtre : il devait venant nous racheter du péché, apparaître dans la chair. I Tim.. m. 1 6, emprunter sa chair à la masse pécheresse, revêtir dans la chair la ressemblance du péché afin de condamner le péché dans la chair. Rom., viii. 3. Sur la signification dn mot chair, voir Incarnation, t. vu. col. 1446-1 150.

II est né (fait) de la femme, Gal., iv, 4, Yevôpxvov ht

L-, -.. de la race d’Abraham, Cal.. iii, 10 ; Rom., ix. 5 ; 4e la descendance de David. Rom., 1, 3 ; II Tim., ii, s. H a un véritable corps de chair. Col., i, 22 ; Eph., n. Il ; Rom., viii, 3. Il a des parents ; des frères, 1 Coi.., ix, 5 : Jacques est son frère, (.al., i, 19. La vie historique de Jésus est aussi connue que sa personne :

lUVem* est apparu comme un esclave. Il Cor.. vin, « J ; Phil., ii, 7 ; s est soumis a la loi de Moïse, Cal., iv, 4 ; a obéi à la volonté de i Heu, son Père jusqu’à la mort sur la croix. Phil., ; i, 8. S’il a été le serviteur des circoncis > (c’est-à-dire s’ji j limité son ministère aux seuls Juifs), c’est qu’il voulait i prouver la véra cité de Dieu en confirmant les promesses faites aux pères, i Rom., xv..S ; cf. i.. !  ; Il Cor., i, 19. Il fut rempli du Saint-Esprit. Rom., i. I. cf. Il Cor., m. 17. Saint Paul connaît et rapporte plusieurs de ses paroles, I Thess.. iv, 15 ; I Cor., vu. 10-25 ; ix. Il ; il connaît les apôtres, 1 Cor., ix.."> ; xv, 5, 7, au collège desquels

il a été agrégé, malgré son indignité, par Jésus lui-même. 1 Cor., xv, 8-10 ; mais dont Pierre ou Cépha ; .si le cheꝟ. 1 Cor., i. 12 : m. 22 ; i, ."> : (lai., 5, 13 ; ii, 7-8. l’aul a connu également les miracles du Sauveur ; il les sous-entend lorsqu’il parle des « signes (le l’apôtre », qu’il a donnés comme les autres, signes accomplis au nom de Jésus et qui sont la continuation et la répétition des siens. Cal., ni, I ; II Cor., xii. 12. i Rose, Revue biblique, 1903, p. 340-341. Cf. Rom., xv. 16 sq. Pourquoi ne trouve-t-on pas dans saint Paul plus d’allusions a la vie historique île Jésus-Christ’.' C’est très vraisemblablement, pour ne pas dire à coup sûr, parce que l’enseignement propre à saint Paul se superpose à une catéchèse apostolique faite aux néophytes, uniformément et obligatoirement, avant la collation du baptême. Cette catéchèse, à la fois historique, dogmatique et liturgique, instruisait les néophytes de ce qui concernait Jésus, ~x r.z-A’Irjpo j. Act-, xviii. 25 ; Cf. xxviii. 31 ; Col., iv., S ; Eph., VI, 22 ; Phil.. n. 19-20 ; F. Prat., op. cit., t. ii, note B, p. 61-66. El c’est sans doute en puisant dans le contenu de cette catéchèse que saint Paul, occasionnellement, rappelle aux Corinthiens la résurrection de Jésus : Irtulitli enira vobis… quod et accepi ; I Cor., xv, 3-8 ; et l’institution de l’eucharistie, xi, 23-26.

Le récit de l’institution de l’eucharistie appartient « l’ailleurs à un ordre de faits sur lesquels saint Paul, en raison d’un intérêt dogmatique visible, devait insister davantage : il s’agit des faits relatifs à la mort du Sauveur, c’est-à-dire à notre rédemption. Saint Paul rapporte la trahison de Judas, I Cor., xi, 23 ; les outrages infligés à Jésus, Rom. xv, 3 ; les souffrances par lui endurées. II Cor., i, 6 ; Phil., iii, 10 : l’amour qui pousse le Sauveur à la mort. Gal., ii, 20 ; Rom., viii, 37, et à la mort de la croix, Gal., iii, 13 : Col., ii, 14 ; mort subie sous le gouvernement de Poncel’ilate. I Tim., vi, 13. Nous avons déjà vu plus haut comment saint Paul ne l’ait que répéter l’histoire evangélique en ce qui concerne la sépulture, la résurrection et la glorification du corps du Sauveur. Voir col. 1214. Maintenant Jésus est monté au ciel où il trône à la droite de Dieu, Rom., viii, 31 ; Eph., I, 20 : on l’attend pour juger les vivants et les morts, IThess., i, 10 ; iv, 16 ; IIThess., 1, 7 ; Phil., ni. 20. Mais, il faut le reconnaître, le Ghrist de l’histoire n’a pas retenu l’attention de saint Paul et ce n’est pas vers lui qu’il va diriger l’humanité, i Il avait contemplé le Christ ressuscité, il l’avait fixé dans son éclat de Fils cle Dieu, il reçut de cette vision une empreinte définitive. Il rejoint le Christ la. où il le trouve et il s’attache à lui non pas dans le moment historique — déjà évanoui — (le son court apostolat, mais dans le moment éternel et supraterrestre où, source de salut et de vie divine, il exerce pleinement son action messianique, où toute puissance lui a clé donnée au ciel, sur la terre et aux enfers. Etre l en Christ-JésUG », c’est adhérer au Christ dans son étal glorieux ; c’est, pour reprendre une comparaison connue, s’envelopper

dans cette atmosphère divine, la seule qui soit, déformait «  « naturelle au chrétien, i V, Pose, Revue hiii, i /-, I’mi :  ;. p. 342.

mu la connaissance qu’a eue Paul de la personne bistoiqne de Jésus, outre les articles de n. Rose, dans la Bévue HWque, citons Prat, La théologie de S. Paul, t. a, p. 239 sq., Mgr Battflol, Orpheus etTÉoanglle, Paris 1910, p. 85-113,

t parmi les protestants, d’après Prat, l’aret, PDaflH uiul

/sus ÇEtntge Bemakungea uIht <in VertotMiiin des Apoaleh

Paulus und seiner Lehre zii der Person, dem Leben und der Lehre des geschichtlichen Christus), dans Jahrbiicher fur ileutsche Théologie, t. iii, p. l-8."> ; Schmoller. Die qeschichtliche Person Jesu nacii den pcuilinischen Sehriften, dans Studieii und Kritik, t. xi.vii (1894), p. 636-705 ; Noesgen, Die apostolische Verkùndiguna und die Gesehiehte Jesu, dans Nette Jahrbûcher fur deutsche Théologie, t. IV, p. 46-94 ; KnowHng, The lestimony of SI Paul to Christ, 1905 ; G. Malheson. The historieal Christ of St Paul d’après les quatre grandes épttres, onze articles parus dans l’Expositor, II* série, 1. 1 et u (18811882) ; Sanday, St PauVs Knowledge o/ Christ, dans Dictioiitinj o/ Christ and the Gospels de Haslings, t. ii, p. 888-889 ; Drescher, Dos Leben Jesu bei ! Paulus, Giesscn. 1900 ; R. Martin Pope, St Paul and the historié Jésus, dans The London quarterlg review, juillet 1920 ; F. Prat, Saint Paul et le IHiulinisme, dans le Dictionnaire apologétique de lu Foi catholique, t. iii, col. 1631-1634 ; L. de Grandmaison, l.c Clirist de l’histoire dans l’œuvre île saint l’uni, dans Recherches </<-.’, Sciences religieuses, décembre 1923.

b) Jésus-Christ Dieu. — Saint Paul ne sépare pas, en Jésus, Dieu de l’homme. Sur la divinité de Jésus-Christ, la nature et la personnalité divines du Fils de Dieu, voir ce mot, col. 2400-2402.

c) l’iiion de Dieu et de l’homme en Jésus-Christ. — Elle est enseignée par saint Paul surtout dans Col., ii, 9 et Phil., ii, 2-6. Sur le sens et la portée de ces textes, voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 447-449. L’union des deux natures en une personne est également supposée par la communication des idiomes, dont saint Paul a fait un si fréquent usage. Ibid., col., 445-446.

3. Saint Paul étudie surtout le Christ glorieux, parce (|iie le Christ, remonté à la droite de Dieu son Père. est le principe de notre vie surnaturelle et de notre gloire future. Voir ci-dessus, col. 1221 sq. L’entrée du Christ dans la gloire par la résurrection est comme une naissance véritable, Act., xiii, 33 ; mais nous avons déjà VU que saint Paul, d’accord avec la tradition qui sera fixée par les évangéhstes, professe l’identité du corps historique et de la personne historique du Sauveur avec le corps glorieux et la personnalité transcendante et divine que la foi confesse en Jésus ; voir col. 1222. Si la théologie paulinienne s’attache <le préférence au Christ glorieux, ce n’est donc pas pour marquer une différence ontologique entre le « Christ de l’histoire » et le « Clirist de la foi », c’est pour déterminer plus explicitement les relations que Jésus, en sa qualité d’envoyé de Dieu et de Sauveur des hommes, a acquises vis-à-vis de nous. Si saint Paul rapporte ces relations au Christ glorieux c’est que c’est du haut du ciel où il siège à la droite de Dieu le Père que Jésus-Christ exerce son influence siliceux qu’il a rachetés jadis sur la croix et que sa gloire

— la gloire qu’il a niérite pour lui-même par son sacrifice — est l’exemplair et la source de celle qu’il nous a méritée à nous-mêmes. Évidemment, ces relations du Christ avec les hommes supposent le mystère de la rédemption ; mais elles présentent des aspects si entièrement unis à la personne même du Christ qu’on ne saurait les en séparer et que la Christologie les réclame connue une matière propre.

u) Jésus, envoyé de Dieu : le médiateur. Le but de la mission rédemptrice <le Jésus est marqué dans Gal., IV, 4 : « racheter ceux qui étaient sous la loi. pour que nous lussions adoptés comme enfants. Avant d’étendre à tous les hommes le privilège de la filiation adoptive, il fallait tout d’abord délivrer les Juifs et les débarrasser de leurs privilèges onéreux, c’est également ce qu’exprime, sous une autre forme, Rom., vin. 3-4 : le Christ vient condamner le péché dans la chair afin de nous donner la justice qu’exigeait la Loi sans la pouvoir conférer. Sur ces deux textes, voir F. Prat. op. cit., f. u. note L, p. 257-261. Celle mission constitue Jésus-Christ mandataire de I >icu et représentant des hommes, c’est-à-dire « média teur ». Le mot médiateur appliqué par saint Paul à Jésus-Christ n’existe que dans I Tim.. n.."> : mais l’idée exprimée par ce mot se retrouve sous plusieurs formules de l’apôtre. Toutefois la médiation qui, onlologiquement. est déjà vérifiée dans les deux natures du Sauveur, unies hypostatiquement dans la personne du Verbe, qui, psychologiquement, se trouve réalisée dans l’état propre au Christ, état intermédiaire entre la voie et le terme, est étudiée par saint Paul surtout au point de vue de notre vie surnaturelle, en tant que le Christ est dispensateur à notre endroit des bienfaits divins dont il est l’unique dépositaire : « Le Christ de saint Paul n’est pas un simple médiateur naturel, comme le Logos de Philon ; c’est un médiateur de grâce et de salut. Par lui, en effet, nous avons la grâce, Rom., i, 5 ; v, 21 ; par lui. le salut, commencé ici-bas, consommé dans le ciel, I Thess., v, 9 ; II Tim., iii, 15 ; par lui la justice et le fruit de la justice, Rom., iii, 27 ; Phil.. 1, 11 ; par lui, la justification, Rom., v, 18 ; Gal., ii, 16 ; par lui. la rédemption, Rom., ni, 24 : Eph., i, 7 ; par lui, la réconciliation, Rom., v, 10-11 ; II Cor., v, 18 ; Eph., ii, 16 ; Col., i, 20-22 ; par lui, la paix, Rom., v, 1 et la pacification générale. Col., i. 20 : par lui, le libre accès auprès de Dieu, Rom., v. 2 : Eph., ii, 18 : par lui un refuge assuré contre la colère divine. Rom., v, 9 ; par lui, la consolation spirituelle. II Cor., i, 5 et la confiance que rien ne trouble, II Cor., iii, 1 ; par lui, le don du Saint-Esprit, Tit., iii, 6 et le filiation adoptive. Eph., i, 5 : par lui, la victoire sur tous nos ennemis et en particulier sur la mort. Rom., viii, 37 ; I Cor., xv, 57 ; par lui. le règne sans fin. Rom., v, 17. C’est par lui seul que nous pouvons nous glorifier en Dieu, Rom., v, Il et que nous devons adresser à Dieu nos actions de grâces, Rom., i, 8 ; vii, 25 ; xvi, 27 ; car, comme toutes les promesses divines ont eu en lui leur oui, c’est-à-dire leur accomplissement, par lui aussi les fidèles prononcent leur amen, dans un acte de foi sincère et reconnaissante, pour faire remonter vers Dieu tout honneur e’. toute gloire. II Cor., i, 20. En un mot, dans l’ordre de la grâce encore plus que dans l’ordre de la nature « tout est par lui (ou pour lui) et nous sommes pour lui ». I Cor., viii, 6 Si’ou : (variante : Si’Ôv) Ta rcâvra xai Y) ! i.eïç Si’aÙToû. F. Prat, op. cit., t. ii, p. 248-249. En toutes ces affirmations se trouve analysé le sens de l’expression si fréquente, chez saint Paul, in Christo Jesu. Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 355 sq. Voir plus loin.

Pourquoi le mot de médiateur est-il si rarement employé par saint Paul ? 1 Tim.. ii, 5 ; cf. Heb., vur, 6 ; ix, 15 ; xii, 24. Dans le sens usuel du mot. fait remarque] le P. Prat, p. 219, o le médiateur est étranger aux deux parties qu’il met en rapport. » Or Jésus n’est pas un médiateur ordinaire : en lui habite corporellenient la plénitude de la divinité, Col., ii, 9, et il est réellement homme comme nous. Aussi saint Paul l’appclle-t-il plus volontiers le < nouvel Adam ». Sur Adam, figure île Jésus-Christ, voir 1. 1, col. 384-386. Le premier Adam, par suite de sa condition naturelle et de sa faute, ne peut transmettre à ses descendants qu’un corps psychique et mortel. « Terrestre », il ne donne naissance qu’à des hommes terrestres. Jésus, le nouvel Adam. est, a tous les titres. < céleste », et par sa préexistence, et par sa gloire présente, et par l’influence vivifiante qu’il exerce sur les hommes. Par sa résurrection glorieuse, en effet, il est devenu esprit vivifiant, capable de communiquer la vie spirituelle dont il est doué. On comprend ainsi la place qu’occupe le nouvel Adam par rapport au premier. Cꝟ. 1 Cor., xv. 21-22 ; Rom., xil, 11-11, 15, 16, 17. 18. 19. 20 21. Sur l’origine du nom : o nouvel Adam », voir F. Prat op. cit., t. ii, Note M, p. 26 1-201. La bibliographie SUT la conception de l’homme céleste opposé à.l’homme terrestre, dans Prat, ibid., 123 :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE

L234

p. 169-171 ; et Koltzmann, N. T. Théologie, t. ii, p. 55.

b) Jésus, chef des hommes et des anges : sa primauté sur toutes choses. a. Parce qu’il est le nouvel Adam. Jésus-Christ est le cliej des hommes, à qui il communique la vie de la grâce. Cette nouvelle donnée de la christologie paulinienne se rapporte au Christ mystique, qui ajoute au Christ naturel. Verbe Incarné, prêtre-victime du Calvaire, le corps mystique de l’Église « complétant son chef et complétée par lui ». Sur la dénomination du Christ, étendue au corps mystique, cf. Gal., m. 1 iï : I Cor., xii. 12. Dans cette qualité de chef du corps mystique. Paul n’attribue pas seulement à Jésus-Christ une prééminence quelconque sur les hommes. Col. n. 10 : si Jésus est la tête du corps, de l’Église ►, Col., i. 18, c’est parce que l’Église, formée des chrétiens, trouve en lui non seulement prééminence et supériorité, mais i influx vital et communauté de nature, principe d’unité et mesure de perfection. » F. Prat. La théologie de S. Paul, t. i, p. 121. C’est le sens exprès qu’on trouve dans Eph., î. 22-23 ; v, 23 éclairés par Col., ii, 19, et Eph., iv, 15-16. Cf. Abbott, Epistles to the Ephesians and to the Colossians. Edimbourg, 1897. p. 271-272 : 123-128. La tête est. aux yeux de Paul, le centre de la personnalité, le lien de l’organisme et le foyer de tout influx vital. Ce rôle de chef ou de tête dans le corps mystique des chrétiens fait mieux comprendre certaines formules pauliniennes : revêtir le Christ, Gal., iii, 27 ; être greffé dans le Christ, Rom., xi, 24 ; être créé dans le Christ, Eph.. n. 10 ; être en participation du Christ, I Cor., i. 9. etc., et plus simplement, être de Jésus-Christ ou dans Jésus-Christ. Sur l’emploi de cette formule, voir Deissmann. Die neutestamentliche Formel < in Christo Jesu », Marbourg, 1892 ; et sur sa signification, voir E. Prat, op. cit., t. i, p. 424-426 ; NoteT, 434-436 ; t. ii, p. 422-424 ; Lebreton, Origines du dogme de la Trinité, p. 355-356. Sur l’enseignement général de saint Paul, touchant l’Église, corps du Christ, voir Église, t. iv, col. 2150-2151.

Précisons cependant avec le P. Lebreton, op. cit., p. 358 que « Jésus n’est pas seulement ni surtout (pour saint Paul) l’homme idéal qu’il s’efforce d’imiter, ni l’ami qu’il est impatient de rejoindre ; c’est la source de vie, c’est le chef dont il est membre. Mais, d’autre part, il faut bien le remarquer, la personne historique de Jésus ne s’évanouit pas dans cette doctrine : pour être « esprit vivifiant » et principe de toute vie, le Christ n’a pas dépouillé sa réalité concrète et n’a pas été réduit à un symbole mystique. Les textes… le disent assez : c’est dans la mort de Jésus que le chrétien a été baptisé, Rom., xiv, 7-9 : et c’est dans sa résurrection qu’il ressuscite, II Cor., v, 14-15. L’épître aux Romains insiste plus encore sur cette vérité et fait mieux entendre la continuité de la vie du Christ sur terre et de sa vie dans les fidèles : tout le genre humain apparaît comme concentré en deux hommes réels, Adam et Jésus-Christ. Il n’y a point seulement en ce monde deux forces abstraites, chair et esprit, mort et vie, mais il y a avant tout deux hommes, deux chefs de l’humanité : de l’un vient la mort, de l’autre la grâce et la justice ; et la source de cette action mortelle et vivifiante, c’est la désobéissance de l’un et l’obéissance de l’autre. - Rom., v, 12-21. Cf. ci-dessus, col. 1228.

b. Le rôle de chef de l’humanité se complète, pour saint Paul, par celui de soutien du monde : l’action du Christ s’étend à toutes créatures. S’il est vrai que le monde a été créé pour l’homme, il n’est pas difficile de concevoir que, du fait de la chute de l’homme, il a été dévié de sa fin et asservi à la vanité et que seul le relèvement de l’homme peut l’en affranchir. J. Lebreton, op. cit., p...71. L’œuvre du Christ incarné

sera donc la restauration et en même temps la consommation de l’œuvre du Christ préexistant : « Tout a été créé par lui et pour lui. » Col., i, 16. Il faut donc absolument allirmer que le Christ possède la primauté sur toutes choses. Eph., i. 21-23 ; Col., i, 18. Ce n’est pas seulement comme Dieu que le Christ possède cette primauté, c’est aussi comme homme, et saint Paul affirme en un parallélisme saisissant la primauté du Christ sous ces deux aspects, l.e P. Prat, op. cit., t. ii, p. 215-216, a bien mis en relief le parallèle intentionnellement sans doute institué par saint Paul :

Primauté du C.hkist selon Primauté ou Cniusr selon

LA NATURE DIVINE DANS LA NATURE HUMAINE DANS

LA CRÉATION : L’ÉGLISE :

-voTOTrjy.o ; rrâo-r, ; xTt<x£i ; npiottStoxo ; ex t<5v vexpûv’tCol., 1, 15). Christ premier- (Col., i, 18), né.

iv a-J : (i> ixTÎ<r8Y) ?à îrdtv7a.., 71 âv’> ; y ; 0|Aev 7r, v àitoX’JTpcoo’tv TcivTa èv aJToi auvéffTïixev (Eph., 1, 7). (Col., r, 16, 17). Ordre de la

cause formelle ou exem plaire.

cà itàvra Si’aûtoû sVccarai ôi’a-Jto-j àitoxaTa).).x : a : (Col., 1, 16). (Col., i, 20).

5 ; ’o-j -i Ttàvxa (I Cor., viii,

6). Ordre de la cause effi ciente.

tx TtàvTOt… eîç aJTÔv sxTitTTat tx-xvtx ï !  ; aOrdv (Col., 1, 20). (Col., i, 16). Ordre de la

cause finale.

D’ailleurs tout en distinguant, et d’après la pensée de saint Paul lui-même, les relations qui conviennent au Christ, comme Dieu, dans sa préexistence, et comme homme ou Verbe incarné, dans sa vie humaine, terrestre et glorieuse, nous savons que la communication des idiomes permet de transférer au Christ-Dieu les rôles et attributions du Christ-homme et réciproquement ; d’ailleurs toutes les relations du Christ sont coordonnées entre elles et orientées vers une même foi, et par suite de cette unité, la primauté du Christ s’affirme purement et simplement ; un mot la résume : Kûpioç’Iy)o-o>jç, Jésus est Seigneur. Act., xvi, 29 ; Rom., x, 9 ; I Cor., xii, 3, etc.

Cette « seigneurie » que l’Église naissante confessait déjà en Jésus-Christ, voir Fils de Dieu, col. 23982399, exprime bien la primauté sur toutes choses du Christ, Dieu sans doute, mais homme aussi. Le Christ est Seigneur, parce qu’il est d’avance le juge de tout et de tous ; il « éclairera ce que les ténèbres cachent et manifestera les secrets des cœurs. » I Cor., iv, 5. Le < jour du Seigneur », I Cor., iv, 5 ; v, 5 ; II Cor., i, 14, I Thess., v, 2 ; II Thess., ii, 2 : la < parousie du Seigneur », I Thess., ii, 19 ; iii, 13 ; v, 23 ; II Thess., ii, 1 ; 1’ « épiphanie du Seigneur ». I Tim., vi, 14 ; cf. II Thess., i, 7, désignent le jour du jugement, qui est aussi le « jour du Christ Jésus », Phil., i, 6, 10 ; ii, 16 ; le « jour de N’otrc-Seigneur Jésus-Christ ». I Cor., i, 8 ; II Cor, I, 14. Mais dès maintenant, le Seigneur est le maître de tout et de tous, « des morts et des vivants ». Rom., xiv, 7-9. Son domaine est absolu : les siens sont ses esclaves. Rom., i, 1 ; I Cor., vii, 22 ; Gal., i, 10 ; Eph., vi, 6 ; Phil., i, 1 ; Col. iv, 12. Les autres ont pour « seigneur » le péché, Rom., vi, 14, 17, 20 ; la mort, Rom.. v, 14 ; 17 ; vi, 9 ; la loi, Rom., vi, 1 ; Gal., iv, 5 ; iii, 23 ; mais de cette servitude le Christ nous a rachetés, comme par un affranchissement sacré, pour nous faire siens. Gal., iv, 4-5 ; cf. iii, 13 : I Cor., vi, 19-20 ; vii, 23. Sur l’expression àrfoppav tiutjç de ces deux derniers textes, voir A. Deissmann, Lichl vom Oslen, Tubingue, 1908 p. 240 sq. L’esclavage du Seigneur est en réalité la liberté ; liberté qu’il ne faut plus perdre pour redevenir les esclaves des hommes. I Cor., vii, 22-21 ; cf. Gal., ii, 4. Tous les chrétiens ont l<- même maître, Rom., x, 12 : Eph., vi, 9 ; Col., iv, 1, et c’est à lui seul 123 :

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE

1230

qu’ils doivent obéissance. Eph., v, 22 ; i. 7-8 ; Col., m, 23-24. i Le chef de tout homme est le Christ.’I Cor., xi. 3.

c. Mais saint Paul, insistant sur la primauté absolue <lu Christ, déclare Jésus chef des anges. A force de compter sur la médiation des anges, les Colossiens risquaient de méconnaître le grand médiateur, Jésus-Christ. Tout en recommandant le respect « les anges, saint Paul ne veut pas que le culte rendu à ces puissances tourne au détriment de celui qui est dû au Christ. Le Christ est supérieur aux anges, Col., i. 16 ; cf. Eph.. i. 21, soit comme Dieu, parce qu’il est leur créateur, soit même comme homme, parce que Dieu l’a fait asseoir à sa droite, au-dessus de toute principauté, et puissance, et vertu, et domination, et de tout (autre) nom prononcé non seulement dans ce siècle, mais dans le siècle à venir, i Eph., i. 21. Comme homme, Jésus-Christ est le chef des anges : è<rov ô xcçocXt] "irr/ç ipy/7, ; xod èÇooaiaç, Col., ii, 10. Par là, Paul veut-il affirmer que la ^ràce des anges dérive du Christ’.' Nous ne le pensons pas. l.a pacification universelle. Col., I, 20, n’implique pas que le Christ, par le sang de la croix, ait racheté les anges ; mais il a réconcilié l’homme à Dieu et par là fait la paix aux cieux et sur la terre. Les anges, soumis à la volonté divine, concourent à l’exécution de la rédemption et par là, le Christ-homme devient en quelque sorte leur chef. Pour plus de développements, voir Lncarna noN, t.

. col. 1 187-1488 ; 1504-15U5.

c) Conséquence : lu plénitude de grâce dans l’âme du Christ. — Le Christ, venu sur terre pour réparer le péché ne pouvait avoir le péché. Lui-même le proclame dans l’Évangile, .loa., viii, 29, 46. Cf. I Pet., i. 1 ! » : n. 22 ; 1 Joa, iii, ."> ; Heb., iv 13 ; vir, 26. Saint Pau] l’affirme expressément : i Celui qui ne connaissait pas le péché. Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devinssions justice de Dieu. » II Cor., v, 21. L’aflirmation de l’absence du péché en Jésus implique celle de sa justice et de sa sainteté : pour l’auteur de l’épître aux Hébreux le pontife « sans tâche et séparé des pécheurs > doit être « saint, innocent », vii, 26 ; pour saint Pierre, le Christ « qui n’a pas commis de pèche, I Pet., ii, 22, est mort pour nos péchés, i le juste pour 1er injustes », iii, 18. Saint Paul rattache la perfection morale et surnaturelle du Christ à son rôle de médiateur ou, plus exactement, de chef des hommes. C’est

i cause de la solidarité qui nous unit au Christ rédempteur que Dieu a fait celui-ci « péché. non pas à notre place, mais pour nous, ’, -’zz Jjuûv, a fin que nous devenions justice i, en lui, èvaùrô. II Cor., v, 21. Sur ce texte, voir Prat, op. cit., t. ii, p. 2(1 1-295..Jésus ne peut vaincre le péché dans la chair que s’il l’a déjà vaincu en lui-même par sa justice. L’influx vivi liant qu’il exerce à l’endroit des hommes, ses membres, suppose en lui, qui est la tête, la plénitude de la grâce, principe de notre justification et des grâces diverses que nous recevons de son Esprit. Rom., v. 1Ô-I7 : xii, I ; I Cor., x, 16 sq. ; xii, Il sq. ; xv, 21 ; Eph., i, 20 sq. ; iv. I sq. ; Col., i. 18 ; n. 10, etc. l.a « plénitude de la divinité dont il est question dans ce dernier texte doit s’entendre, avant tout, du mystère de l’union hypos tatique ; mais c’est aussi la plénitude de grâces qui est la conséquence de l’union hypostatlque en Jésus

et le principe vivifiant de tous ceux qui ont Jésus pour chef. Cf. Col., i, 19 et le commentaire de saint Thomas sur ce dernier texte. Colossiens (Épttre aux), I. iii, col. 384.

C’est surtout à l’occasion de son sacrifice que les vertus et la "race dont était ornée l’âme de Notre Seigneursonl rappelées par saint Paul. Nous pourrions

relever maints traits expressifs : Le Christ nous a aimés et il s’est donné pour nous comme oblation et comme victime à Dieu en odeur de suavité. Eph., v, 2 ;

Il s’humilia en se faisant obéissant usqu’à a mort. et Jusqu’à la mort de la croix. Phil., a, 8 ; cꝟ. 5 : « Par {’obéissance d’un seul la multitude des hommes seront constitués justes ». Rom., v. 19. Mais c’est l’amour le plus ardent qui a pousse Jésus a se livrer à la mort pour nous. Eph., v, 2. 25 ; Cal., n. 20 ; 1, 4 ; 1 Tim., ii, 0 ; lit., n. Ci. Le Christ n’est-il pas par excellence le Fils de l’amour ? Col., i, Ci. Toutefois l’obéissance du Christ à Dieu son Père pour accepter la mort en vue de notre salut. Rom., viii. 32 ; v. S ; cl. Joa., iii, 16 ; x, 1 7 - 1 <s ; xiv, 31 ; I Joa.. iv. 9, pose la question de sa liberté dans l’obéissance, et. par voie de conséquence, la question du mérite du Christ, nettement affirmée dans Phil.. ii, i). Ces questions seront’débattues par les scolastiques. Cf. De Bæts, De libéra Christi obe dientia, Couvain. 1905.

D’autre part, les vertus que L’apôtre exige des chrétiens pour qu’ils vivent et grandissent in Christo Jesu, marquent, elles aussi, la perfection du modèle qu’ils doivent imiter. « Si quelqu’un n’a pas l’esprit du Christ, celui-là n’est point à lui. » Rom., viii, ’.). C’est cet esprit qui « rend témoignage que nous sommes enfants de Dieu. » id., 16. Cet esprit, c’est essentiellement l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus Notre-Seigneùr. i id., 39 ; cf. Gal., v, ii. Tout ce que comporte l’esprit du Christ, constitue la pratique des vertus de la vie chrétienne : eu lire rénumération dans Rom., xii. 9-21 : cf. xiu. 10 ; xv 1-17 : II Cor., m. 1-7 : Cal., v, 22 sq. ; Eph., IV, 1 sq. : Col., m. 12-17 ; I Tim.. vi, 11-12 ; II Tim., iii, 10-12. I.e péché ne peut s’accorder avec l’Esprit. I Cor., m. 18-19. Lu un mot, de même que la justice du Christ est le principe de la nôtre, de même notre vertu ne sera vraie que dans la mesure où elle reproduira celle du Christ. Cf. Phil., in, 7-21 ; Eph., iv, 7, 13, 16.

Voir Fils de Dieu, col. 2101. Y ajout t : J. Labourt, Notes d’exégèse sur Phil., ii, ô- 11. dans Revue biblique. 1898, p. 402-115 ; 553-563 ; C. Van Crombryghe, De soteriologiæ christitmæ primis font i bu s, 1.ou va in. 1905 ; A. Koyet, Étude sur la christologie des Hpilres de saint Paul, l.yon, l’.)07 ; et, parmi les protestants, Ftobiger, De christologiu PauZina, Leipzig, 1852 ; H. Schini<lt, /)ie paulinische Christologie in titrent Zusammenhange mit der Heiliiehre des Apostels, Goettingue, 1870 ; A. Dietzseh, Adam und Chris lus, Rom., I, 12-21, liimu. 1871 ; W. Wciffcubarh, Zur

Auslegung der Stetle Phil., II, 5-lUZugleich etn Beitrag zur paulinischen Christologie, Leipzig, 1884 ; E. II. Ciifford. rhe Incarnation, a Studg o/ l’hit., ii, 5-11, New-York, 1897 ; I>. Sommerville, Saint Paul’s conception « I Cbrist or tbe doctrine of the second Adam, Edimbourg, 18’.). ; M. Uru ckner, DU Entstehung der paulinischen Christologie, Stras bourg, 1903 ; A. A mal, La personne du Cbrist et le rationalisme allemand contemporain, Paris, 1904 ; (anonyme The fi/th Gospel, being the Pauline interprétation o/ the cbrist, Londres, 1007 ;.1. Koegel, Christus der Iterr. Erlàuterungen tu Phil., 11.. ; - ; /, Caterstoh. puis : v. oischewski, Die Wurzeln der paulinischen Christologie, Kœnigsberg, 1909.

La christologie de l’Épitre aux Hébreux.

On

peu ! grouper sous trois chefs principaux la christologie

de l’épître aux Hébreux : la personne du Christ (c. 1-IV), le sacerdoce du Christ (c. v-vin), le sacrifice du Christ (c. viu-xiu). Voir Prat, l.a théologie de saint l’uni, t. i. t. VI, |). 510 ; HÉBREUX (Épttre aux), t. VI, col. 2103-2105. I.e sacrifice du Christ sera étudié à r.i.m MPTION ; on en a déjà noté les idées maitresses à HÉBREUX (L’/' Ire aux), col. 2106.

I La personne du Christ. - I. auteur de l’épître aux Hébreux, reconnaît très certainement les (rois aspects de la vie du Christ, le Christ préexistant, le Christ historique, le Christ glorifié. En vertu de la communication des idiomes, les divers attributs qui

conviennent a Jésus-Christ sous ce triple mode d’existence sont souvent réunis dans la même phrase 123Î

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE

i j :  ; s

et énumérés s.i>is changement « le sujet. Ainsi, c. i, v.2 :

Dieu BOUS a parlé par te Fils

(existence historique)

Qu’il a établi héritier en toutes choses (existence glorifiée)

l’ai cpii il a (ait même les siècles

(préexistence)

Ainsi encore, eu observant l’ordre chronologique, ci, . 3.

Étant la splendeur de sa gloire et [’em prei n te de sa

substance, et soutenant toutes choses par la puissance de sa parole (préexistence di me).

Après avoir opéré la purification des péchés

(existence historique)

(II) est assis à la droite de la Majesté, au plus haut

[des eieux, etc.]

(existence glorifiée).

a) La préexistence divine du Christ. — Elle est marquée par sa filiation divine. Le Christ est le Fils de Dieu. iv. Il : vi. 0 ; vii, 3 : x. 29. Dieu lui dit : mon Fils. i.."> ; v. 5 ; il est le Fils, i, 8 ; il est Fils (sans article) î, 2 (iv uUo, opposé aux prophètes) ; i, 5 (îî ; uîôv, opposé aux anges) ; iii, li (ô> ; oldç, opposé à Moïse) ; v, 8 et vii, 28 (y.y.i~ sp côv uioç et uliç £’. ; tov aîtovx t£T£aî’( vxs-jov coiiuiu’pontife, antitype de Melchisédecli, avec opposition tacite au grand prêtre Aaron). Cette filiation divine est marquée par deux autres expressions : le rayonnement de la gloire du Pèreet l’empreinte de sa substance. Voir, pour l’explication de ces termes, Fils de Dieu, col. 2403. Fils, rayonnement, empreinte, … ces titres sont relatifs, mais d’une relation int ri OSèque, nécessaire, indépendante de l’existence des créatures. Au contraire ceux de créateur et de conservateur. .. sont conditionnés par l’existence des êtres finis. » F. Prat, op. cit., p. 522. Jésus-Christ reçoit ces deux titres dans Heb., i, 2, cꝟ. 10-12 eti, 3 ; « par lui (Dieu) a fait les siècles > c’est-à-dire le monde visible. Cf. xi, 3 : Sap., xiii, 9 : xiv. 0 ; xviii, 4. « Il soutient toutes choses par la puissance de sa parole. Cf. Col., i. 17. Ces deux fonctions supposent que le Christ est Dieu. Plusieurs Pères en ont voulu trouver l’aflirmation dans Heb., iii, 4 ; mais il semble cjue le mot Dieu, ici, ne signifie pas nécessairement le Christ. On le trouve, d’ailleurs, appliqué au Christ, i, 8-9 ; et l’adoration que doivent au Christ les anges eux-mêmes marque bien sa divinité, 1, 6.

b) Jésus-Christ homme. — « Pour être Dieu, Jésus-Christ n’en est pas moins homme. Encore au sein du Père, le Fils demande qu’un corps lui soit préparé, x, 5-9. Il veut participer à la chair et au sang comme les fils adoptifs, ii, 14, et leur devenir semblable en toutes choses hormis le péché, iv, 15 ; v, 7-8. Ainsi l’exige son rôle de prêtre, ii, 17. Il se soumettra donc à l’épreuve et en sortira vainqueur, ii, 18 ; iv, 15. Il possédera au suprême degré toutes les vertus : la confiance en Dieu, ii, 13, la fidélité, ii, 17 ; iii, 2, la miséricorde, iv, 15 surtout l’obéissance qu’il apprendra à l’école de la douleur, vii, 7-8. A part les Kvangiles, aucun écrit inspiré ne prodigue davantage les allusions à la vie mortelle de Jésus : descendance de la tribu de Juda, vii, 11 ; progrès en grâce et en sagesse, u, 10 ; v, 9 ; vii, 28 ; signes et prodiges attestant sa mission divine, ii, 1 ; tribulations et persécutions, agonie et prière au jardin des Oliviers, ii, 4 ; mort volontaire, xii, 2 ; crucifiement hors des portes de la ville, xiii, 12. Peut-être le nom de Jésus est-il choisi de préférence a celui de Christ pour mieux inculquer la vérité de la nature humaine (Jésus seul : 10 fois ; Christ : 9 fois ; Jésus-Christ : 3 fois ; le Christ Jésus, jamais ; dans saint Paul, au ontraire, Jésus seul est rare et le Christ-Jésus très fréquent). Mais nulle part la communication des idiomes n’est plus parfaite ; et le

participaoit earni et sanguini, rapproché de corpus

aplasti mihi. u. 1 1 et x. 5, ne vaut-il pas, comme formule théologique de l’incarnation, le Ycrhuni earo faclum est de saint Jean ou le In ipso inhabital omnis plenitudo dioinitatis corporaliter de l’Épttre auxColossiens.’1-’. Prat, np. cil.. 1. 1. p. 524-525.

c) Jésus-Christ glorifié. — Le mérite du Christ par rapport à sa gloire est à plusieurs reprises affirmé dans l’épître aux Hébreux. C’est parce qu’il a volontairement souffert sur la croix, que Jésus devient à un titre nouveau maître du monde et qu’il acquiert le droit de nous associer comme ses cohéritiers. Jésus s’asseoit à la droite de l’ère parce qu’il a souffert, I, 3 ; viii, 1 ; x, 12 ; xii, 2 ; et il nous associe à sa gloire, comme cohéritiers. iv. 16 ; vi, 20 ; vii, 26 ; i.x, 11, 12. 21. I.e passage de Jésus à la gloire par la résurrection n’es ! mentionné qu’une Fois, xiii, 20. De plus, dans l’épître aux Hébreux, c’est surtout en qualité de prêtre, non de roi ou de juge, que Jésus prend place à la droite de Dieu le Père et y continue son ollice de médiateur.

2. Le sacerdoce du Christ.

La médiation des prophètes, i, 1, des anges, i. 1-0 ; ii, 7-9, de Moïse, iii, 2-3, 5, n’est proposée dans l’épître aux Hébreux qu pour mieux faire comprendre l’excellence et la supériorité de la médiation du i grand pontife qui a pénétré dans les deux, » iv, 14. Jésus prêtre selon l’ordre de Melchisédecb et pontife, comme antitype d’Aaron qu’il supplante : voilà le thème sur lequel l’auteur de l’épître nous parle du sacerdoce du Christ. Jésus est appelé prêtre (Ispe’j ;) selon l’ordre de Melchisédech dans les citations du Ps. cix, 1, Heb., vii, 17, 21 ; cf. vu, 15 ; il est ispî’j ; [i-sya ; ettî tôv oïxov toù 6esû. x, 21. Ailleurs, il est àp/tspôj ; avec divers qualificatifs : pontife miséricordieux et fidèle, ii, 17 ; pontife de notre confession, iii, 1 ; grand pontife, iv, 14 ; pontife pouvant compatir à nos infirmités, etc., iv, 15 ; pontife selon l’ordre de Melchisédech, v, 15 ; cf. vi, 20 ; pontife, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et devenu plus élevé que les cicux, vii, 20 ; pontife des biens futurs, ix, 11. Il est aussi appelé « le ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle », viii, 2. La définition du pontife hébreu pris parmi les hommes, constitué représentant des hommes, appelé de Dieu comme Aaron pour offrir les sacrifices du péché, cf. v, 1-4, quoique ne convenant au Christ que par analogie, exprime bien cependant les quatre caractères essentiels du prêtre.

a) Prêtre médiateur. — Il est « établi pour les hommes dans les choses qui regardent [le culte de] Dieu. » v, 1. Il s’agit du culte social, dû à Dieu dans l’état actuel de la nature déchue et pécheresse. Et Jésus est le médiateur du Nouveau Testament, de l’Alliance plus parfaite, ix, 15 ; viii, 0, précisément parce que, les hommes ayant péché, il leur a acquis par le sacrifice de lui-même, dans son propre sang, une éternelle rédemption, ix, 12, cꝟ. 14, 26, 28 ; ii, 10, 17-18 ; v, 3 ; vu, 2 : x, 5-10, 12-14 ; ’est pourquoi nous pouvons recourir à lui avec confiance, iv, 10 ; il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause de leur salut éternel, v, 9. Il est entré dans le ciel, vii, 20, comme un précurseur, pour nous, vi, 20 ; où il peut sauver perpétuellement ceux qui, par son entremise, s’approchent de I lieu, étant toujours vivant, afin d’intercéder pour nous, vu. 25. C’est parce que le sacerdoce aaronique est insuffisant pour obtenir la rémission des péchés des hommes, viii, 7 ; cf. vii, 1 1, 15 sq., que Jésus est venu offrir son sacrifice ; mais une seule oblation a suffi pour accomplir celle rémission, i, 12, 26, 28 ; x, 10.

b) Prêtre, de même nature que nous. Mandataire des hommes, Jésus doit posséder la nature humaine :

Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous d’un seul [père] (il évo :)… Comme donc les

enfants ont participé à la chair et au sang, il y a lui-même également participé… Nulle part il ne vient au secours des anges, mais c’est la race d’Abraham qu’il vient secourir. D’où il a dû être en tout semblable à ses frères, afin de devenir auprès de Dieu un pontife miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple, il, 11. 1 I, lti-17 : c f. v. 7 : | our devenir médiateur, il a fallu que Jésus s’incarnât : entendons cette nécessité d’une nécessité hypothétique, en raison du plan divin de la rédemption, (".’est pourquoi le Christ, bien qu’élevé au-dessus des anges en raison de la nature divine, i, 13, cꝟ. 7-8, subit, dans sa nature humaine, une phase d’humiliation qui le place au-dessous des anges, ii, 7.

Il faut également insister sur l’expression : « semblable en tout à ses frères i. Cette affirmation est précisée par iv, 15. Au c. ii, v. 10, l’auteur de l’épître avait énonce la convenance des souffrances du Christ : « Il convenait à Celui pour qui et par qui sont toutes choses, et qui conduisait plusieurs enfants à la gloire, de consommer par les souffrances l’auteur de leur salut. » C’est pour nous délivrer de la crainte servile de la mort que Jésus subit librement la mort, ii, 14 : < lui prenant nos misères et nos infirmités, il se met en état de mieux connaître nos besoins et nos faiblesses, de mieux comprendre nos tentations et nos défaillances, d’y compatir enfin dans ce tempérament achevé qui sait éviter à la fois l’excès d’indulgence et l’excès de rigueur (jxsTpi.o7Ta0s : v). » Prat, op. cit., t. i, p. 529.Cf. ii, 18 ; iv, 15 ; v, 2. Une limitation cependant s’impose à cette ressemblance, dont la convenance s’imposait ; le Christ n’a pu, en compatissant à nos infirmités et en éprouvant comme nous toutes sortes de tentations, connaître la souillure du péché, iv, 15. Le pontife ne saurait avoir de péché, lui qui doit Offrir le sacrifice pour les péchés des autres : autrement il aurait besoin, lui aussi, d’autres prêtres pour suppléer à son insuflisance. vii, 26.

c) Prêtre, appelé par Dieu. — Pour supplanter Aaron et sa descendance, régulièrement investi par Dieu du sacerdoce, il fallait un appel spécial de Dieu. Tel fut le cas de Jésus-Christ, v, 4-0 : « Ce n’est pas le Christ qui s’est glorifié lui-même pour devenir pontife, mais c’est celui qui lui a dit : Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui. » Cf. Ps. cix, 3. Par cet appel. Dieu lui a conféré le sacerdoce suprême. Le Fils est Fils de toute éternité ; mais les paroles du psalmiste se rapportent au moment où il prend la nature humaine. Donc, en se faisant homme, il est par le fait même consacré prêtre. Les théologiens traduiront plus tard cette vérité en affirmant que le Christ a reçu l’onction sacerdotale par le fait même de la grâce de l’union hypostatique, par lequel il acquiert toute puissance relativement aux fonctions sacerdotales. Dieu lui-même a sanctionné par un serment le sacerdoce du Christ, ce qu’il n’avait point fait pour les prêtres de l’ancienne loi, vii, 17-22. Ce serment, emprunté au Ps. cix, 4, marque le transfert du sacerdoce aaronique en Jésus-Christ ; mais ce n’est pas une simple substitution de personnes ; il y a vraiment changement du sacerdoce lui-même, vii, 11-12 ; 20-22 ; viii, 0-7 ; 13. J.e nouveau sacerdoce est < selon l’ordre de Melchisédech ».

d) Prêtre i selon l’ordre de Melchisédech ». — Melchisédech est la figure du Christ-prêtre. L’expression

prêtre selon l’ordre de.Melchisédech », appliquée au Messie futur est tirée du Ps. ux, I. On la retrouve dans Heb., , 6, lo ; m. 10 ; vii, il. 17. Sur Melchisédech, figure de Jésus-Christ, voir Hébreux (Épttre aux), I VI, col. 2105-2100. Trois circonstances ont été mises en relie ! par l’auteur de l’épttre : l’élyinologie des noms, la conduite d’Abraham à l’égard du prêtre-roi de Salem et le silence de l’Écriture relativement a son origine, ". Melchisédech signilie < roi de justice » et

roi de Salem, i roi de paix ». Le règne du Messie doit être le règne de la paix et de la justice. Melchisédech est prêtre-roi ; prêtre et roi sera le Christ, dont l’auteur de l’épître associe presque toujours la royauté et le sacerdoce (àpy.spe’jç), cf. col. 1117. — b. Melchisédech bénit Abraham, Gen., xiv, 18-19, et Abraham lui pair la dîme. v. 20. Cf. Heb., vii, 1-2. La bénédiction est accordée par le supérieur, vii, 7 ; le paiement de la dîme est un indice de sujétion. Par le double geste de Melchisédech et d’Abraham s’affirme donc la supériorité île Melchisédech, et, à plus forte raison de celui dont il est le type. Heb., vii, 4-11. — c. Le silence de l’Écriture touchant Melchisédech, qui est « sans père, san^ mère, sans généalogie ; n’ayant ni commencement de jours, ni fin de vie, » Heb., vii, 3, est encore plus significatif. Il marque que le sacerdoce de Jésus est possédé à titre personnel et non par voie d’héritage, et que. par conséquent, sa descendance du sang de Juda ne pourra mettre obstacle à ce sacerdoce, ’toutefois, il faut que la prérogative du sacerdoce aaronique soit abolie pour qu’existe le nouveau sacerdoce, vii, 11-12. JésusChrist est donc exclusivement prêtre selon l’ordre de Melchisédech : S’il était sur la terre (c’est-à-dire s’il était de l’ordre d’Aaron), il ne serait pas même prêtre, d’autres étant déjà chargés d’offrir les dons selon la loi, » viii, 4. Melchisédech est aussi le type du Christ-prêtre par l’éternité du sacerdoce, éternité figurée par l’absence de généalogie dans des jours sans lin ni commencement, qui est un des traits de la figure du roi-prêtre de Salem. Le Christ est prêtre in utcrimm. v, 6 ; vi, 20 ; vii, 17, 21 ; in perpeluum, mi. : î : cf. vii, 25. Entendons toutefois que ce sacerdoce, qui a commencé en Jésus-Christ avec l’incarnat ion, serae éternel » comme l’union hypostatique elle-même, c’est-à-dire ne finira jamais ; et cela, parce que Jésus le possède < non selon la disposition d’une loi charnelle, mais selon la puissance d’une indissoluble vie, » vii, 10. La loi charnelle fait prêtres ceux qui naissent du sang d’Aa ron ; l’union hypostatique indissoluble fait le sacerdoce sans terme de Jésus. Les prêtres selon l’ordre d’Aaron disparaissent, i empêchés qu’ils sont par la mort ; mais [Jésus ] détient un sacerdoce inamovible, pane qu’il demeure à jamais… toujours vivant afin d’interpeller pour nous, » vii, 23-25. Jésus n’a exerce par lui-même qu’une fois son sacerdoce, en s’immolant d’une immolation surabondante pour la rémission des péchés ; mais il est prêtre et demeure prêtre dans l’éternité. Sur l’éternité du sacerdoce du Christ, on trouvera plus loin, col. 1338, les explications des théologiens. Jésus fut prêtre dès le premier instant de sa vie mortelle, bien qu’il n’ait exercé son sacerdoce qu’à la croix. Cette dernière remarque suffit a montrer qu’en représentant Melchisédech comme le type de Jésus-Chr.st, l’auteur de l’épître aux I [ébreux ne pouvait s’arrêter à l’offrande’du pain et du vin. Gen., iv. 18, ( omme type de l’Eucharistie. Il n’exclut pas sans doute l’Eucharistie, a laquelle il fait probablement allusion, xiii, 10, mais, « tout occupé qu’il est à démontrer que le Christ consomme à jamais les élus par un seul sacrifice, que l’offrande pour le péché devient inutile dès que le péché est surabondamment expié, que l’insul Qsance des anciens sacrifices ressort Justement de leur

répétition, il ne pouvait mettre eu relief l’oblalion qui se répèle et la victime qui s’Immole périodiquement sur l’autel, sans s’obliger à expliquer comment le sacrifice eucharistique reproduit, commémore et ne multiplie pas le sacrifice sanglant du Calvaire. » F. Prat, a/), cit., p. 531.

Sur la cbrlstologie de l’Épi tre aux Hébreux, voir Lebreton, Le » origines du Dot/me de la Trinité, Paris, 1919, i>. 109 s(|. : el note G., p. 570 sq. ; F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, 1. 1, p. 197-550 ; V. Thalhofer, Die Opferlehre des Hebràerbrtefs, Dllltngen, is.")0 ; J. Cor

luy, Spicilegium dagmaitco-biblicum, G and, 1884, t. i. Voir aussi 1 1 1 BRI i v (Épttit aux), roi. 2109-2110.

17II. LA THÊOLOaiB JOHASSIQVB DV « VERRE ISCARSÊ ». - 1° Les buts de celle théologie. — En employant le mot théologie. nous n’entendons nullement affirmer que saint Jean, dans ses écrits, ait proposé une christologie particulière du Christ, modifiant les données préalablement reçues dans la révélation. A plusieurs reprises déjà, voir col. 1 151 sq., nous avons trouvé saint Jean pleinement d’accord avec les synoptiques pour nous retracer la physionomie humaine de Jésus. Et ici nous n’insisterons pas sur cette parfaite concordance du quatrième évangile avec les trois premiers. Mais saint Jean, le dernier des apôtres qui ait écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, a vu la foi primitive de l’Église aux prises déjà avec les erreurs naissantes. Écrivant son évangile, il a un but plus précis que les synoptiques, but nettement dogmatique et surtout christologique : « Jésus a fait encore en présence de ses disciples beaucoup d’autres miracles cpii ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-ci oui été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, ô Xpio-àç, ô uîoç toB 0EOÛ, et afin cpie, croyant, vous ayez la vie en son nom. Joa., xx, 30-31. C’est pourquoi, bien que toutes les idées renfermées dans les écrits johanniques. appartiennent au dépôt de la révélation, le but recherché et la méthode employée par l’apôtre accusent nettement un procédé théologique. Plus encore que saint Paul, saint Jean doit être dit « théologien > et la tradition l’a, d’ailleurs, consacré tel. Théologien du Verbe incarné, saint Jean se propose non seulement de compléter les trois évangiles antérieurs, mais encore de réfuter les premières erreurs naissantes. Deux hérésies principalement, à la fin du Ie e siècle déjà, commençaient à se manifester, le gnosticisme et le docétisme. Sur la première de ces hérésies au temps de saint Jean, voir t. vi, col. 1440 et CÉRiNTin, t. îi. col. 2151-2156 ; sur la seconde, voir t. iv, col. 1488. Cérinthe niait la divinité de Jésus, fils de Joseph et de Marie, homme plus parfait que les autres hommes, mais simplement homme comme les autres, sur lequel, au baptême, se reposa l’Esprit saint le consacrant ainsi Fils de Dieu. A l’opposé, les docètes ne regardaient l’incarnation du Verbe que comme une simple apparence sans réalité externe. Le théologien du Christ sera donc, à l’égard de ces hérétiques le théologien du « Verbe incarné. C’est sous cet aspect que le Christ nous est très fidèlement rappelé par saint Jean, soit que l’auteur du quatrième évangile ait choisi parmi les discours de Jésus ceux qui se rapportaient le plus directement au but dogmatique qu’il poursuivait, soit qu’il ait recueilli 1 - récits les plus propres à démontrer sa thèse. Nonobstant ce but dogmatique, le quatrième évangile garde toute son historicité. Voir Jean (Évangile de suint), col. 539, et M. Lepin, Lu valeur historique <lu quatrième évangile, Paris, 1910.

Avant toutefois d’exposer la doctrine du quatrième évangile touchant le Verbe incarné, il est nécessaire de rappeler brièvement la doctrine touchant le Chris ! exposée dans l’Apocalypse.

2’La christologie de l’Apocalypse.— L’Apocalypse, voir t. i, col. 1 177, s’attache au Christ glorieux principalement. Sans doute, on y retrouve plus d’un t rai t messianique : Apoc, ii, 27 : xii, 5 ; xix, 5, comparer l’s., ii, !) et Ps. Sol.,

. 21 : Apoc. i. 1 li : ii, 1 2. 1 6 : xix, 15, comparer Is., xi, l ; xux, 2 ; Sap., xviii, 15 ; — mi ri ou t Apoc, i. 13sq., XIV, l (.comparer Dan., vii, 13 ; X, 5. Mais, prophète chrétien, l’auteur envisage sur tout le Christ triomphateur ; voir surtout Apoc, i, 12-16 ; xiv, M ; xix, lt-16 Ce triomphe du Christ

est le prélude et le gage du triomphe des chrétiens, v, 10 ; vii, 17 ; xiv. I. l ; xix, 9, 1 I. Aussi Jésus est-il appelé Apoc., I, 5, 6 7rpcûTÔTOX0Ç tmv vsxptov, comme dans saint Paul. Col., i, 18. Ce triomphe est à la lois, l’apanage de la nature divine du Christ, voir Fils de Dieu, t. v, col. 2101, et le prix des souffrances du Christ, considéré dans sa nature humaine, m. 21 : v, il ; cf. i, 7 ; i, 18 : de là le nom si fréquemment employé dans l’apocalypse d’Agneau (immolé) qui rappelle les souffrances endurées par Jésushomme avant d’entrer dans sa gloire, v, 12, etc. Dans le Nouveau Testament, l’Apocalypse est le seul livre où ce nom, tÔ àpvîov, soit appliqué au ChiisL (29 fois). Cf. Joa., i, 29, 36 (deu-vôç) ; Act., viii, 32 ;

I Pet., i, 19 (M.). Les noms de Jésus, Apoc, i, 9 ; xii, 17 ; xiv, 12 ; xvii, 6 ; xix, 10 ; xx, 4 ; xxii, 16, de Jésus-Christ, i, 1, 2, 5 ; de Christ, xi, 15 ; xii, 10 ; xx, 4, 6, marquent également l’existence effective de l’humanité en celui qui, par ailleurs, est le Verbe de Dieu, xix, 13, et qui, symboliquement, est appelé le lion de Juda, v, 5, ou la racine de David, ibid., xxii, 16, en souvenir de son origine. L’Apocalypse confesse la résurrection, i, 5, 18 ; ii, 8 et l’ascension, m, 21 : vii, 17. Sur l’œuvre de Jésus Christ dans l’Apocalypse, voir 1. 1, col. 1477.

3’Le Verbe Incarné dans le Prologue (Joa., i, 1-18).

— Au point de vue de la constitution intime de la personne du Verbe incarné, nous n’avons rien à ajouter ici à ce qui a été dit à Fils de Dieu, col. 2105-2106, et Hypostatique (Union), col. 446-447. Mais deux remarques nécessaires sont à ajouter ici.

Le Verbe incarné du prologue, c’est bien Jésus-Christ qui s’est manifesté aux hommes, après avoir été prédit par les Prophètes et annoncé par Jean-Baptiste. Le Verbe de la théologie johannique est le Christ de l’histoire. Tout d’abord le Christ, éternellement préexistant, est nettement désigné dans les premiers versets, i, 1-5. Verbe divin, Dieu lui-même, il a fait toutes choses ; il était vie et lumière, c’est-à-dire puissance d’expansion et de rayonnement. Ainsi nous ne sommes pas étonnés que ce Verbe, vie et lumière, se manifeste aux hommes. Jean-Baptiste est le témoin de cette manifestation : il vint « pour rendre témoignage à la lumière ». Jean n’était que témoin ; Jésus-Christ,

— car c’est de lui qu’a rendu témoignage le Baptiste, cf. i, 15-18 — était la lumière qui éclaire tout homme Bien avant qu’il se manifestât par l’incarnation, le Verbe était dans le monde, i, 10. Le inonde est son œuvre ; il y était habituellement présent, sv t<o x.onito vjv, et malgré cette présence dans son œuvre, « le monde ne l’a pas connu ». Ce que saint Paul, après l’auteur de la Sagesse, cf. Act., xiv, 15-17 ; xvii, 30 ; Bom., i, 18-22 ; Sap., xui, 1 sq., explique de Dieu, saint Jean l’applique au Verbe. Saint Jean fait ensuite allusion aux théophanies de l’Ancien Testament (qui, ailleurs, sont rappelées comme des manifestations du Verbe, xii, 41 ; cf. viii, 56) : il vint chez les : siens et les siens ne l’ont pas reçu, v. 11, tout en visant cependant la manifestation suprême de l’incarnation. Ceux qui toutefois l’ont reçu ont déjà été favorisés du bienfait de la libation adoptive, ꝟ. 12-13. Et enfin l’incarnation a été réalisée : Et Vcrbum caro faclum est.ꝟ. 14. Ce Verbe fait chair, c’est Jésus-Christ, qui i a habité parmi nous », y 14, et dont Jean a rendu témoignage, v. 15.

II y a, dans le prologue, « fusion intime de la théologie du Verbe et de l’histoire « lu Christ. Lebreton, op. cit., p. 162.

tue seconde remarque s’impose, qui témoigne de l’unité de doctrine du prologue et du reste de l’évangile. Dans l’évangile, le nom du Verbe n’est plus prononcé. Mais les concepts île vie, de lumière et d vérité sur lesquels saint Jean insiste dans le prologue, la vit la lumière, la vérité, s’identilianl avec le Verbe, se 1243

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE

IL ! ï I

retrouveront sans cesse dans l’évangile ou la I ri épître ; ils marquent les rapports du Verbe fait chair avec les hommes, rapports qui précisément se sont manifestés par l’incarnation. Jésus est la vie, Joa., xi. 25 ; xiv. 6 ; cꝟ. 1 Joa., i. l. Mais : la vie était la lumière des hommes. Joa., i, 4, et encore Joa., viii, 12 : Je suis la lumière du monde : qui me suit… aura la lumière de vie. Cf. ix. 5 : xii. 46 ; et mi. 35, 36 ; I Joa., ii. 10. I. évangile proclamera aussi que le Christ est vérité, Joa., m. 21 ; xiv. 6 ; cf. I Joa.. i. 8 ; ii, 1 : < lumière véritable, Joa. i. 9 ; « vrai pain », vi, 32 : Mail’vigne. v. 1. C’est parce qu’il est la vérité substantielle que Jésus-Christ est vrai Dieu : « Nous savons que le Ris de Dieu est venu et nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable ; et nous sommes dans le Véritable en son tils Jésus-Christ. »

I Joa., v, 20. Cf. Fils de Dieu, col. 2395.

4° Le Verbe incarné dans le corps de l’Évangile. — Sur’a christologie de saint Jean dans le qua dit me évangile, voir Jean (saint) col. 565-570. 1. Le Verbe incarné, vie des hommes. Dans son enseignement, fidèlement rapporté par saint Jean. Notre-Seigneur Jésus-Christ affirme sa divinité. Il est le Messie préexistant et transcendant ; il est le Fils de Dieu, procédant du l’ère par voie d origine, de gêné ration. Sur la divinitéet les relal ions de Jésus à son l’ère. voir Jean (suint), col. 565 sq. Mais les concepts de vie. de lumière, de vérité qui paraissent nous amener tout droit à la transcendance divine et, par conséquent, à la foi en la divinité de Jésus, ne sont pas, en réalité, immédiatement divins. Ils expriment des rapports mystérieux, mais très réels, de Jésus-Christ vis-avis des hommes. Il est la vie : il est notre vie ; il est la lumière, il est notre lumière : il est la vérité, il est notre vérité. Il est notre vie, car il est le Sauveur, m. 17 : il est la source d’eau jaillissante jusque dans la vie éternelle, iv. 14 ; il est le bon I’asteur qui donne sa vie pour ses brebis., m sq. « Je suis la résurrection et la vie (dil Jésus) : quiconque croit en moi, même s’il est mort, vivra.ct quiconque vil et croit en moi, ne mourra pas éternellement, x. 25-20. i Le 1-ils vivifie qui il veut. v, 21. Si l’on considère la source de vie, au point de vue eschatologique. < est par lui que nous vivons. Joa.. iv, 9. Chez saint Jean, Jésus apparaît comme possédant la plénitude : c’est lui qui ressuscitera les hommes au dernier jour, vi, 39, 40, 44, 5-1 : dans les autres livres du Nouveau Testament, cf. Luc, xx, 38, et chez saint I’aul notamment. Rom., m

II ; II Cor., ï. 9 : iv, 14 ; Heb., xi, 19, les chrétiens seront ressuscites dans l.i Christ, mais par le l’ère ; bien plus, chez saint Jean. Jésus s’est ressuscité lui-même d’entre les morts, u. 19, tandis que dans les textes plus anciens c’est le l’ère qui l’a ressuscité. Act.. iii, 15. 26 : iv. 10 : v, 30 : x, 40 ; xiii. 30 sq., Rom., iv, 24 : viii. Il : x, 9 ; 1 Cor., vi. 14 ; xv. 15 : Il Cor., iv, 11 : Cal., i, 1 : I pli.. ï. 20 : Col., u. 12 ; [ Thes., i, 10 : I Pet., i, 21. Ces deux conceptions ne sont pas contradictoires. car la plénitude de la vie, en Jésus, lui est communiquée par le Père, el dans son épître aux Smyrniens. saint Ignace écrit, ii, àvéa~/)a£v èa’jT.v, el vu. 1, r, v (aâpva’]7)aoû) Tyj ypraTÔT^Ti ô narjjp ifreif ev. Si l’on considère la source de vie au point de vue de la vie présente, la doctrine de saint Jean concorde pleinenu ni, quoique sous des formules différentes, avec celle de saint l’aul déclarant le Christ * chef de l’Église Cf. col. 123.’!. L’allégorie de la vigne, Joa., xv, l sq. a la même signification que l’image paulinienne <u corps humain : le cep et les sarments sont unis comme le chef et les membres. Il y a communication réelle, physique, de la vie iu chef dans les membres, du cep dans les sarments. I. union du chrétien au Christ, condition de la communication de la vie, est marquée pai ces mots : 1 Restez en moi et moi en

vous. » Cf. vi. ôti : xv, 4, 5 : I Joa.. m. 24 : s’il pouvait encore y avoir quelque doute sur la réalité physique de cette communication, la doctrine de la vivifieation par la chair du Christ, Joa., vi, 51-58, suffirait à le démontrer. Il s’agit d’une union si intime que Jésus n’hésite pas a dire : <> De même que je vis par le Père. ainsi celui qui me mange vivra par moi, » vi, 58 : l’union qui est ici décrite est i une véritable union physique, impliquant le mélange des deux vies, ou plutôt la participation du chrétien à la vie même du Christ. 1 Lebreton, op. cit., p. 479. Mais de plus, la perspective eschatologique et la réalité de la vie présente se rejoignent ici : < Quiconque mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, el je le ressusciterai un dernier jour. 1 vi, 55. Cette action vivifiante de la chair même du Christ nous amène nécessairement à la double conclusion qu’envisage avant tout saint Jean et qui explique le mystère du Verbe incarné : d’une part l’humanité réelle et intégrale du Christ, toute pénétrée de son esprit vivi liant, et d’autre part, cet esprit vivifiant lui-même, qui n’est autre que la nature divine.

2. Le Verbe incarné, lumière des hommes. — Nous pouvons faire le même raisonnement sur le concept de lumière, appliqué au Verbe. I.e Verbe est la lumière : car la lumière est l’attribut de la divinité. l’s.. xxxvi, 10 ; Ex., xix. lt> : xiii, 21 ; cf. ls.. xi.ix. 6 : Sap.. vu. 26 ; Luc, n. 32 : Malth.. xvii, 2 : Apoc, 1. 16 ; xxi. 23. Mais il est notre lumière. Tout comme saint l’aul. cf. I-.ph.. v, 8 : I Thess.. v. 5. saint Jean nous rappelle que le Christ est < venu dans le monde comme lumière. xii, 46. « Dès lors, dès sa vie sur terre, il éclaire les hommes bons et mauvais : ceux qui croient a la lumière deviennent enfants de lumière, xii, 36 ; ils ne sont plus dans les ténèbres, ils marchent en toute assurance, sans cr 1 ndre de trébuche] sur la roule, xii. 16 ; xi, 9, 10 ; viii, 12. Jadis l’Israélit. disait à Jahvé : l’a loi est une lumière sur mon chemin. » Ps., cxviii, 105 : le Christ est plus encore pour le chrétiens : c’est une lumière intime qui les environne et les pénètre ; ils marchent dans la lumière et L lumière est en eux. xii, 35 ; I Joa.. 1. 7 : u. 10. Le v méchants, eux aussi, sont atteints par cette lumière : elle les discerne et les juge : < et voici ce jugement : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont plus aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, un, 19-21. 1 Lebreton, op cit., 472-473. Par la lumière du Verbe, les mauvais

sont déjà jugés, iii, 18.

La lumière du Verbe, c’est son enseignement : lés hommes sont dans la lumière, s’ils sont les disciple : du Christ. 1. 8. n. 3. et c’est en les confrontant ave< cet enseignement, que les œuvres des hommes appfl laîtiont bonnes ou mauvaises, m. 20-21. Ce Christ est notre Maître, xiii, 13 : et c’est lui qui, avant reçu par nature le dépôt des secrets divins est chargé de nous les faire connaître. Joa., I, 18 ; ni. 12 ; vii, 28-29 vm. 38 : xiv. 7 : cf.Maltli.. xi. 27. voir col. 1212. Mais la manifestation des secrets divins aux hommes pai le Verbe suppose, de sa part, une communication orale : cette communication, c’est le témoignage que Jésus est venu apporter à Dieu son l’ère. Joa., v. 36, 38 : manifestant son nom aux hommes, xxii. 0, 2(3 ; enseignant en public dans la synagogue ou dans le

temple, xviii, 20. De la vérité de cet enseignement, Jésus a qui le l’ère rend cependant témoignage, se

porte lui-même garant, viii, 11. 18 ; et ses œuvres témoignent de sa véracité x. 25 : xiv. 12. Ici encore renseignement de Jésus manifeste son humanité el l’autorité de cet enseignement décelé sa divinité.

3. Le Verbe incarné, vérité du monde. Lumière des hommes, le Christ est venu rendre témoignage à la Vérité, xviii, 37, a celle vérité qu’il est lui-même. La 1245

JÉS1 S-CH U [ST ET LE DOGME

L246

N’éritô. ce n’est pas seulement, chez saint Jean, la véracité de l’enseignement, wi. 7 : xvii, 17. mais c’est encore et surtout la réalité divine. Avant Jésus, tout était ombre ; en lui est apparu la réalité. Mais cette réalité s’étend a ceux qui acceptent son enseignement et quittent les ténèbres pour venir à la lumière. Dr même que Jésus est la lumière vraie », ses disciples seront de i vrais adorateurs », iv, 23 : ils connaîtront la vérité et la vérité les délivrera, un, 32. Us accomplissent la vérité, m. 21 : I Joa., i. G ; ils viennent de la vérité et lui appartiennent, xvin. 37 ; 1 Ioa., ii, 21 : ni, 1*1. Cette réalite divine, possédée par les hommes, commence par la loi. par laquelle nous connaissons la vérité qui conduit à la vie éternelle, iii, 18. 36 : v, 2-4 : vu. 38 ; x, 25-28 ; et. vi, 69-70 ; xvii, 3 ; c’est là vraiment l’œuvre de Dieu. vi. 29 : mais elle suppose aussi, dans les œuvres et dans l’âme du disciple du Christ, la charité, xv. 7-10, 12. et surtout I Joa., iv. 12 : v. 2t. C’est une pénétration totale de l’âme par Dieu. Cf. Joa.. XTV, 23. Demeurer dans la vérité. demeurer dan » le Christ, demeurer dans la charité. c’est tout un. « Quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu. Dieu demeure en lui et lui en Dieu. Quant à nous, nous avons connu la charité que Dieu a pour nous, et nous y avons cru… Qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. I Joa, iv, 15-16 ; cf. Jca., xv, 7-10. Or, la vérité comme la charité se sont manifestées dans l’incarnation, et Jésus lui-même, pour affirmer la réalité de son incarnation est venu sur terre avec l’eau et le sang, I Joa., v. 6. l’eau de son baptême, le sang de sa passion, et, en même temps, l’effusion de l’eau et du sang, sortant du côté du Christ mort en croix. Et le triple témoignage de l’Esprit, de l’eau et du sang, atteste l’incarnation du Fils de Dieu. v. 8.

4 Conclusion : le rédlisme de saint Jean. — La doctrine, spir tuelle entre toutes, de la vie, de la lumière, de la vérité, aboutissant à la réalité de l’incarnation nous amène à constater dans l’évangile « spirituel » un réalisme intransigeant relativement à la christologie. Dès le prologue, le Verbe qui est en D eu, qui est Dieu, en qui se trouve la lumière et la vie, ce Verbe s’est fait chair (le mot chair marquant ce qu’il y a de plus matériel dans l’humanité) et a habité parmi nous. Dans la promesse de l’Eucharistie, c’est le mépris de la chair et l’estime exclusive de l’esprit qui s’afiirme. « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de ri en. vi, 04 : mais en même temps, Jésus, au scandale des Juifs incrédules et des disciples hésitants, déclare péremptoirement : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous, i vi. 54 ; cꝟ. 55, 56, 57, 59. C’est encore le ouci d’affirmer la réalité de la chair et de la mort du Sauveur qui fait relater à saint Jean la soif ressentie par le Sauveur en croix et le coup de lance du soldat, entrouvrant le côté du Christ et faisant jaillir de la plaie le sang et l’eau, xix, 28-29, 34. Le même souci, dans les récits de la résurrection, oii Jésus apparaît comme dégagé des lois de la matière, xx. 19, pousse l’apôtre Jean à spécifier qu’il montra a ses apôtres ses mains et son côté. » Ce réalisme ne s’explique que par le mystère du Verbe incarné. Jésus unissant en lui la nature divine et la nature humaine, et les unissant dans une seule personne, eu vertu de l’union hypostatique : le première épître johannique contient les plus belles manifestations de la foi primitive en l’incarnation. N’oublions pas que « est un témoin de la vie historique de Jésus qui écril ceci : « Ce qui élait fies le principe, ce que nous avons en tendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce q le nos mains ont touché du Verbe de Vie car la Vie s’est manifestée ti nous avons vu et nous attestons et nous vous annonçons

la vie éternelle, qui était pics du Père et nous est ap|ui rue, ce que nous avons vu et en endu, nous mi l’annonçons ». Il s’agit doue, si l’on veut rester dan la foi véritable qu’insp re l’esprit de Dieu, de ne p détruire ou diviser Jésus-Christ.’Tout esprit qui cou fesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est d Dieu, el tout esprit qui divise Jésus | qui ne confesst pas que Jésus est venu dans la chair | n’est point de Dieu, et celui-là est l’Antéchrist, t iv, 3. Et déjà, malheureusement, dès le ie siècle i beaucoup d’imposteurs se sont introduits dans le monde, lesquels ne confessent pas que Jésus-Christ est venu dans la chair ; ceux-là sont des imposteurs et des antéchrists. II Joa., 7.

Voir Fils de Dieu, i. v, col. 2397, 2406.


III. JÉSUS-CHRIST ET LE DOGME.

Les derniers textes que nous venons de citer vies épîtres I johanniques, surtout I Joa., i, 1, attestent avec une évidence complète que le Christ de la foi est bien celui qui a vécu et s’est manifesté historiquement aux hommes comn12 le Verbe de vie. Paul et Jean ont cer tainemsnt ajouté quelques traits ou du moins accen1 tué certaines lignes de la figure auguste du Sauveur : mais le portrait tracé par les synoptiques n’a pas été modifié. Voici maintenant que le Christ des livres inspirés du Nouveau Testament est livré à la tradition vivante de l’Église. Cette tradition, on le sait, n’est autre que le magistère infaillible : elle gardera donc jalousement dans toute sa pureté le divin portrait. La foi des fidèles, guidée par l’enseignement officiel, se fixera en des formules qui, elles aussi, pour ont acquérir précision et clarté, mais jamais ne se contrediront l’une l’autre. Ces formules traduisent extérieurement le dogme, dont le sens, exprimant l’objet matériel de notre foi, ne saurait varier tout en progressant. Étudier ici la vie du dogme de Jésus Christ serait impossible ; d’une part, on ne saurait la circonscrire dans les limites, — si extensibles soient-elles — d’un article de dictionnaire ; d’autre part on serait obligé de lomqer dans mille redites inutiles. Cette vie, en effet, a déjà été ou sera étudiée d’une , façon fragmentaire sans doute, mais plus immédiatement utilisable, dans les articles concernant les hérésies christologiques ou les conciles ayant trait au dogme de l’incarnation. Nous nous contenterons donc ici de brèves indications, utiles à la fois pour synthétiser l’histoire de ce dogme et pour diriger le lecteur dans se recherches. Nous établirons surtout le progrès des formules qui traduisent le dogme catholique, l. Les deux premiers siècles — II. Le troisième siècle (col. 1251). — III. Le quatrième siècle (col. 1257). — IV. Progrès dogmatiques postérieurs (col. 1266).

I. Le dogme de Jésus-Christ dans lks deux PBJ MlEliS SIÈCLES. — I. LES PREMIÈRES FORMULES DE la FOI. — - 1° La catéchèse primitive. L’existence

d’une catéchèse primitive, contenue dans un forum laire oral rédigé par les apôtres, ne semble pas pouvoir être révoquée en doute. Elle est supp » sée par Luc, i,

Act.. xviii, 25 ; I Cor., iv, 17 ; xiv, 19 ; xv, 1-11 :

Gal., vi. (i ; Rom., vi, 17 : lleb., vi, 1-2 et sans doute I Thess.. iv, 1 ; Il Thess., ii, 15 ; iii, 6 : Rom., xvi, 17 : Act., xviii. 2°). Cl. Prat, L" théologie de suint Paul, t. u. Noie li. 1. Sur le contenu de cette catéchèse, au point de vue historique et dogmatique, voir Prat, ibid., 2. Au point de vue historique, elle devait renfermer îles développements assez considérables touchant la vie de Jésus, ses actions, ses discours. C’étaient les-rà reepl’Iijooû de Act., xviii, 25.

Au point de vue dogmatique, Seeberg a essayé d’en déterminer les éléments constitutifs, d’après saint Paul, I Cor., xv. 3 sq., complété par quelques autres passages de ses épîtres d Tim., iii, 13 ; II l’im.. n.2, 8 ; iv, I.

1247

    1. JÉSUS-CHRIST##


JÉSUS-CHRIST. LE DOGME AUX 1er ET lie SIÈCLES

1248

0eôç ô Çûv, ô x.TÎaaç -rà rrav-ra, àrrÉaTô’.} s tov ulôv aÙToû’Ir ( co’~v XpiaTÔv tôv yev6|iEW>v ex. (î-£p[i.iToç Aa’jsià. 6ç à-É0av£v Û7rèp tô>v àu-ypTitôv ? ; p : wv x.aTà Taç vpaoàç xai ÈTaçr, Ô ; Y | - ; jpOr l Tjj r ( uipa T}j Tpi—r, x.aTa Ta ; YpaÇ&ç xai éo’yO/ ; K ? ( ça xai toîç ScôSexa, Ôç £xâ-O’. tev sv Se^iqi toû 0£'>'"j èv toîç oùpavoïç’J^oTx-ewwv KOT<j> Traaûv tôv àpycov xai i£ououi>v xai Suvàfiecav xai epxeraièTtl tcov veçeXôjv toû o&pavoû (jLeràSuvafJLexûçxal S6£l)ç ttôXXTjÇ. />r Kateehismus der Urcliristentieit, Leipzig, 1903, p. 85. Cf. Das Evangelium Christi, Leipzig, 1905. On peut accorder à Seeberg que ce credo embryonnaire faisait partie de la catéchèse primitive ; mais on doit affirmer que ce credo ne se présentait pas sous une forme invariable et n’était pas limitatif. En ce qui concerne le Christ, il faut admettre que l’article du jugement final par Jésus-Christ devait exister. Cf. Rom., 11, 16 ; XIV, 10 ; II Tim., iv, 1 ; Act., x, 12 ; xvii, 31 ; Heb., vi, 2 ; I Pet., iv, 5 Voir Catéchèse, t. ii, col. 1X79-1880.

Le symbole primitif.

1. En Orient. — Y eut-il

un symbole unique, dès lene siècle, pour les églises orientales ? On a pensé retrouver les traces du symbole des apôtres dans les professions de foi qu’on peut former des textes de plusieurs Pères des 11e et 111e siècles et qui, en ce qui concerne l’incarnation, rappellent en les groupant, les vérités relatives au Fils de Dieu fait homme, né de la vierge Marie, mort sur la croix, ressuscité le troisième jour et monté aux deux.

D’autres pensent que ces formules s’expliquent naturellement et suffisamment par le contenu du Nouveau Testament. Voir Apôtres (Symbole des), t.i, col. 1009-1670. Il s’agit principalement des formules données par Origène, le presbytérium de Smyrne, Aristide, saint Ignace d’Antioche. Cf. Hahn, Bibliotek der Symbole und Glaubensregeln der alten Kirche, Breslau, 1897, §1, 2, 4, 8. La seule formule baptismale dont nous ayons trace certaine, dans la xixe catéchèse de saint < vrille de Jérusalem, peut se ramener aux termes suivants : 1 [loteOcù £i ; … TcxTÉpa. x.v.i si : rôvol6v, xai zlz T0 7rv£ r (i.a tô àyiov, xai EÎç (îârcT’.cjjta uxTavotaç Miv aji.apri.wv.

2. En Occident, la formule baptismale existe très

certainement ; c’est le symbole dit des apôtres. Sur l’histoire et les variations du texte du symbole des apôtres, voir t. 1, col. 1660 sq. Au irsiècle la formule primitive devait être celle-ci, très explicite en ce qui concerne le dogme de l’Ilomme-Dieu : ILoteûm sic É’va 6e6v7tarépa itavTOxpàTa)pa, xal si : ’l7)c>oûvXpiaTOv TÔV olôV -i’jZ’j j tov XOplOV j)U, ÛV, TOV £vv.’OÉvr’/ èx I lap-Oévou, ~.’<ï>zQovriou HiXàTOu erraupcoOévia, ttj Tptffj Tjjjtépa àvaoràvra èx vexpûv", àvoq3àvra si : roùç oopavouç, Ka9^(iEvov èv Seçtqt toû I Ia-rpôç 60ev Ep/sTatzp’ïvai Cùvraçxalvsxpooç xaletçxo rcve ; a-/ ay.ov.I.emot ëw. effacé depuis, est primitif ; il a dû disparaître lorsque se produisit l’hérésie monarchienne qu’il paraissait favoriser. Quant à rocrépa, il faut probablement le considérer comme primitif ainsi que Êva, et affirmant l’universelle paternité de Dieu créateur. Cf. Tixeront, Histoire des Dogmes, 1915, 1. 1, 1°. 168. 3° Les formules de foi chez les Pères Apostoliques. —

1. L< ; Didaché. Sur l’incarnation et Jésus-Christ, voir Apôtres (Doctrine des douze), t. 1, col. 1684.

2. Saint Clément (1"’épître ad Corinlliios). Sur

Christ, voir Clément l, r de Rome, l. m. col. 52.

'.. Saint Ignace d’Antioche. — Sur l’ensemble de

sa christologie, voir Ignace d’Antioche (s<iint). t. vii,

col. 703-704. Nous croyons devoir ici insister sur un

point de vue spécial a saint Ignace, et qui marque

bien comment s’effectue, dans un dogme de croyance

explicite, le passage de la lui simplement exprimée, .1 la ici plus parfaitement expliquée. Pour Ignace, la manifestation humaine de Dieu, 0eo i iv6ptù7ttvoiç çavs i.Xz / ; < : /, - ! -I. constitue l’olxovopia. Eph., xix.

3, xviii. 2 ; xx, 1. Cette « économie » est ruinée par le docétisme qui nie la réalité de l’humanité du Sauveur, sa descendance davidique et la vraie maternité île Marie. Déjà saint Clément avait insisté sur le fait que Jésus-Christ descend d’Abraham xxrà aâpxa. xxii, 2. Saint Ignace appuie davantage encore sur la vérité de la nature humaine du Christ. Son réalisme continue celui de saint Jean : Jésus est de notre race, de descendance davidique, Rom., vii, 3 ; Eph., xix. 3 ; xx, 2. Il est né de Marie et non par Marie, Eph.. vu. 2. et Marie, lui donnant le jour, est restée vierge, Eph., vii, 2 ; xviii. 2. Mais c’est surtout dans l’épître aux Smyrniotes, i-iv, qu’Ignace prêche la réalité de la nature humaine en Jésus. — 4. L’épître de liarnabé, tout en professant la foi en l’incarnation, v, 11, du Fils de Dieu, v, ’.'. NotreSeigneur, v. 1.."> : vu. 2. insiste plus particulièrement sur l’obéissance du Rédempteur, xiv, 6, qui a résolu de souffrir pour nous sur le bois, v, 13. — 5. Lu II* ud Corinlliios faussement attribuée à saint Clément, professe la préexistence du Christ « esprit d’abord, et qui s’est fait chair ►, ix. 5 ; Dieu, 1. 1 ; îx, 7 ; xvii, 7 ; Seigneur, iv. 1 : v. 2 ; vi. 1 ; ix, 5, 11 ; maître du monde, xvii, 5 ; envoyé au monde par le Dieu invisible comme notre sauveur, xx, 5 ; qui a souffert pour nous, 1, 2 : nous a procuré l’immortalité, xx, .">, et est juge des vivants et des morts. 1, 1. Voir t. iii, col. 56. — 6. L’épître de suint Polycarpe confesse que Jésus-Christ est Fils de Dieu, xii, 2. Notre-Seigneur. vi. 2. Mais il est homme aussi : « celui qui ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair est l’antéchrist. » vu. 2. Cf. I Joa., IV, 2-3. Ii est mort pour nos péchés, 1, 2 ; a été exalté à la droite de Dieu et jugera tous les hommes, les vivants et les morts. 11, 1. — 7. Le martyre de saint Polycarpe, met dans la bouche du martyr une profession de foi en Jésus-Christ, bien-aimé et béni du Père, xiv, 1 (qu’elle proclame elle-même fils unique, xx, 2). pontife céleste, 3, glorifié maintenant avec lcPèreet l’Esprit Saint. Id.

— 8. L’épître àDiognète, voir t. iv, col. 1366, témoigne aussi de la nécessité de la foi en l’incarnation, c. vii, vin. ix : pour sauver les hommes, Dieu lui-même est venu sur terre, c’est-à-dire le propre fils de Dieu, prix de notre rachat. 9. Sur la christologie, obscure pour ne pas dire plus, du Pasteur d’Hermas, voir Hermas, t. vi, col. 2278-2281.

II. LES PREMIÈRES HÉRÉSIES CONTRE LE DOQÎIE

de jêsus-cbrist. i" La gnose judalsante se manifeste déjà au temps des apôtres. Saint Paul avait déjà dû combattre ceux qui égaraient les fidèles par la philosophie et par une vaine tromperie. s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde et non sur le Christ », Col., II, 8 ; il s’agissait sans doute, de rabaisser le Christ et de lui préférer les anges. De là. l’insistance de Paul à promulguer la primauté de Jésus Christ. Col. 1, 1517 ; 18-20 ; ii, 9-10 ; Eph., i, 12. Voir col. 1233, .Unie, de son côté, condamne « ceux qui renient notre seul maître et seigneur, Jésus-Christ », Jud., I ; ceux qui méprisent l’autorité, v :) ?.o~r~y., 8. c’est à-dire vraisemblablement le Seigneur 1, cf. II Pet., ii, lu. Pareillement sont rejetés ceux qui nient le jugement et l’avènement du Seigneur. Il Pet., m. 3-7. Les épîtres johanniques discernent déjà un double courant d’erreurs christologiques, celles qui nient que Jésus le Christ, soit le Fils, I Joa.. 11, 22. 23 ; IV, 3, 15 ; celles qui nient qu’il soit venu en chair, c’est-à-dire, se soit réellement incarne. I Joa.. iv, 2. 3 ; II Joa., 7. Voir GNOSTiaSME, t. VI, COl. 1 138-1439. Ces deux courants sont a la source des premières hérésies de l’ébionisme, t. vi, col. 1990, de Cérinthe, voir ce mot, t. 11. col. 2153-2154 ou bien encore du docétisme, voir ce mol. t. i, col. 1 ISI 1501. Sur l’ébionisme naissant se greffa l’elkésaïsme ou elcésalsme, qui nie. en ce qui 1249

5US-CHRIST. II. DOGME MX 1° ET 1 1 « * SIÈCLES

liât)

concerne Jésus-Christ, la divinité du Christ, mais avec cette particularité que la naissance de.Jésus n’aurait été qu’une renaissance, le Sauveur ayant passé auparavant et successivement par plusieurs corps et vécu sous d’autres noms. Voir Elcésait] s. t. iv, col. 2236.

2° Le gnosticisme. avec ses théories nébuleuses sur les éons. devait altérer le dogme de Jésus-Christ. Ris de Dieu et homme, I.’eon Christ ou Jésus est une émanation de la divinité qui descendra sur l’Hommerédempteur pour opérer en lui et par lui la rédemption. Cf. S. [renée, Cont. hær., t. I, c. ii, n. 5, P. G., t. vii, col. 461. Sur le système gnostique en général, voir Gnosticisme, t. vi. col. 1434 sq. « Sur la personne de Jésus-Christ, les systèmes gnostiques présentent trois conceptions distinctes, mais dont deux au moins ne s’excluent pas ou même se rencontrent dans les mêmes auteurs. Carpocrate, t. ii, col. 1800, t. vi, col. 1447 et Justin le gnostique regardent le Sauveur comme un pur homme, supérieur aux autres seulement en justice et en sainteté. Leur sentiment forme exception. Le dualisme constitue l’expression la plus ordinaire et, l’on peut dire, caractéristique de la christologie gnostique. M. Harnack a très bien observé que ce qui caractérise la christologie gnostique ce n’est pas le docétisme, comme on le croit souvent, mais bien le dualisme, c’est-à-dire la distinction énergique de deux natures ou mieux de deux personnes en Jésus-Christ. Lehrbuch der Dogmengeschichte, 1. 1, 4° édit., Fribourgen-Brisgau. 1909. p. 286. note 1. Le Sauveur est composé de deux êtres, l’un terrestre, l’autre divin, céleste, qui s’unit accidentellement au premier pour opérer en lui et squs son couvert la Rédemption. Tel est l’enseignement de l’école valentinienne en général, voir t. vi, col. 1447-1453. A ce dualisme vient s’ajouter souvent le docétisme. Des deux éléments qui composent Jésus-Christ l’élément humain n’est qu’apparent. On trouve là une conséquence de l’opposition entre l’esprit et la matière, du caractère essentiellement mauvais de celle-ci. Puisqu’elle est mauvaise en soi et incapable de salut, la matière ne saurait entrer comme partie intégrante du Rédempteur ni concourir à son œuvre. Le Christ céleste n’en prend que l’apparence, apparence même qu’il abandonne quand il remonte au lieu d’où il est venu. Souvent ce docétisme est absolu comme dans Simon, t. vi, col. 1440-1442, Saturnin, col. 1443-1444, les basilidiens de saint Irénée, t. ii, col. 465-475, t. vi, col. 1444-1447 : d’autres fois, il est partiel seulement et ne nie que l’origine terrestre du corps de Jésus. Ce corps n’a pas été pris de la matière ordinaire, il descend du ciel et n’a fait que passer par Marie, Stà Mocptaç : c’est le système de Marinus et d’Apelles. » Tixeront, op. cit., p. 200-201.

Lemarcionisme.

Le système de Marcion n’offre

rien des spéculations et des rêveries des gnostiques : aussi quels que soient ses points d’attache avec le gnosticisme. voir t. vi, col. 1453-1455. mérite-t-il d’être traité à part. Il y a deux dieux, en relation avec les deux Testaments. L’un, le Dieu de l’Ancien Testament, est créateur du monde, rigoureux, connaissant uniquement la justice et la force, de qui viennent toutes les souffrances humaines ; l’autre, le Dieu du Nouveau Testament, supérieur au premier, bon, miséricordieux, plein de douceur. Cf. S. Irénée, Cont hær. I. I. c. xxvii, n. 2, P. G., t. vii, col. 688 ; Tertullien Adv. Mnrcionem, t. I, c. vi, t. II, c. xx-xxv, P. L. t. ii, col. 253 ; 308-316 ; Adamantius, t. I, c. x-xx., P. G., t. xi, col. 1717 sq. Jésus révèle le Dieu bon et miséricordieux, et, bien que le monde ne regardât pas ce Dieu, il a voulu néanmoins par pitié, le secourir. Le Dieu suprême se manifeste donc en Jésus et par Jésus. Jésus est spirilus sulularis. Tertullien, op. cit.. t. I, c. xix, P. L., t. il. col. 267. Quel est le rapport -us et de Dieu ? Il est difficile de l’établir. Sou Mr.T. DE TRÉOL CATHOL.

vent Marcion identifie l’un et l’autre, cf. Tertullien, op. cit., I. I, C. XI, xiv ; 1. [I, c, wmi ; I. [II, c. IX ; 1. IV. c. vii, col. 258. 262. 317. 333, 369-372, Jésus n’a rien des traits du.Messie donnés par l’Ancien Testament. Tertullien, op. cit., t. III, c. xii-xxiii, col. 336355. Son corps n’a été qu’apparent. Marcion enseigne un strict docétisme, id, . ibid., t. III, c. viii-xi, col. 331336. Le Christ n’a pas même passé par Marie : l’incarnation n’existe pas. Il est apparu brusquement en Judée, la quinzième année du règne de Tibère, sans avoir semblé naître et grandir. Cf. S. Irénée, Cont. hser., t. I, c. xxvii, n. 2, P. G., t. vii, col. 688 ; Tertullien, op. cit., t. I, c. xxix ; I. IV, c. vi. P. L., t. ii, col. 281. 368. La prédication de Jésus a été naturellement en perpétuelle opposition avec la Loi, les Prophètes, l’économie de l’Ancien Testament, qui relèvent tous du Démiurge. Néanmoins, la mort de Jésus rachète les hommes du Démiurge. Cf. Tertullien, Adv. Marcionem, t. V, P. L., t. ii, col. 468 sq. Tixeront, op. cit., p. 207-208. Apelles, voir 1. 1, col. 1456 ramène le dualisme de Marcion au monisme ; mais il demeure docète.

/II. LA FOI EN JÉSUS-CI/Ii/sr AU II » SIÈCLE. La

christologie proprement dite tient peu de place dans les écrits des Pères apologistes du iie siècle. Aussi bien, c’est contre le paganisme qu’ils entendent établir la vérité du christianisme, et, souvent, ils présentent le christianisme dans ses rapports avec la philosophie naturelle. Seul, saint Justin, à cause de son apologie du christianisme contre les Juifs a dû aborder les problèmes christologiques. Parmi les Pères anti gnostiques, saint Irénée formule d’une manière très complète le dogme catholique. Méliton de Sardes, dont on possède quelques fragments, mérite une mention spéciale. Chez les autres Pères, la christologie est fort pauvre. Aristide, t. i, col. 1864, se contente de résumer l’histoire de Jésus-Christ d’après l’évangile, texte syriaque, n. 2 (édit. des Texls and Studics, t. i, fasc. 1, Cambridge, 1893). Tatien parle en pussant du Dieu souffrant, Adv. græcos, n. 13, et désigne Jésus-Christ comme Osôv èv <xvO ?cjte :.u (J.opm’7), n. 21. P. G. t. vi, col. 833, 852. Notons enfin que nous faisons ici complètement abstraction de la doctrine du Verbe chez les apologistes : elle sera étudiée à Verbe. 1° Saint Justin.

Sur la christologie de saint

Justin, voir ce mot, notons simplement ici la profession de foi de saint Justin. I Apol., xiii. Elle marque bien la perfection de la croyance catholique, dés le IIe siècle. Après avoir rappelé que les chrétiens ne sont pas des athées, puisqu’ils rendent un culte au créateur du monde, il ajoute que « celui qui nous a enseigné ces vérités et qui est né à cet effet, c’est Jésus-Christ, lequel, sous Ponce-Pilate, gouverneur de la Judée aux temps de César Tibère, a été crucifié. Les chrétiens le reconnaissent comme le Fils du vrai Dieu et lui adressent avec raison, à lui en second lieu, et à l’Esprit de prophétie en troisième lieu, les honneurs du culte divin, i P. G., t. vi, col. 345. La vérité de l’incarnation qui implique la divinité de Jésus-Christ est prouver’par les prophètes de l’Ancien Testament, xxx-xxxiii, col. 373, sq. ; cf. un, col. 405. Le Fils de Dieu, Jésus Christ était le Verbe, avant l’incarnat ion : il s’es ! manifesté aux prophètes de l’Ancien Testament sous la forme de feu ou d’images incorporelles, mais récemment « né d’une vierge, fait homme selon la volonté du Père, il a bien voulu s’anéantir et souffrir pour le salut de ceux qui croient en lui, a fin que, mort et ressuscité, il vainquit la mort même. lxdi, col. 424. Cf. // A.poL, vi. col. 453 ; xiii, col. t65 ; />P/L. m. vin ; c, col. 580, 7<i’.i. n a voulu partager nos passions, afin <unon i en guérir. // Ai « ii., an

2° Saint Irénée. - Sur la christologie de saint [rénée, voir t. mi. c. » i. 2461 2469. C’esl saint [renée qui

VIII. to

inaugure le mot d’incarnation, oapxoxiiç, voir t. vii, col. 1448, 2466, et, sans en avoir le mot, la doctrine définitive de l’union hypostatique, Ibid.. col. 451-452 ; 2466-2468. Relevons simplement Ici, comme pour saint Justin, la formule de foi que renferme le Contra Htcrcscs, t. I, c. X, n. 1, et qui traduit la croyance « le l’Église « en un seul Dieu, le Père toutpuissant, qui a fait le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment, et en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui s’est fait chair pour notre salut ; et au Saint-Esprit qui a prédit par les prophètes l’économie (incarnation ) du bien-aimé Jésus-Christ Xolre-Seigneur et son double avènement, à savoir sa naissance de la Vierge, sa passion, sa résurrection d’entre les morts, son enlèvement corporel dans les deux et aussi son retour glorieux quand il redescendra du ciel dans la gloire de son pire pour remettre toutes choses en l’état et ressusciter le genre humain tout entier… Alors il rendra sur tous un juste jugement. » P. G., t. vii, col. 549.

.’5° Saint Méliton de Santés mérite une mention spéciale à cause de sa profession de foi sur les deux natures en Jésus-Christ : 0eôç yàp cov ôuoS te xal avdpcOTCOç zéXzi’jç ô aùxoç (Xpia-rôç) ràç S’jo ocjto’j oûoiaç êniaT<ï>aaTo iuXv. Fragm. vii, P. G., t. v, col. 1221.

Conclusion.

Ces formules qui sont si près du

symbole romain et qui cependant, selon toute vraisemblance, n’en dépendent pas, mais relèvent uniquement des écrits du Nouveau Testament, démontrent péremptoirement la continuité de la foi en Jésus-Christ, Dieu et homme. Nous avons trouvé cette foi dans les synoptiques ; elle est apparue dans les discours des Actes des apôtres et dans les épilres canoniques. Les perfectionnements qu’y ont apporté saint Paul et saint Jean n’en modifient pas la substance, et toute l’Église du ii 1’siècle ne fait que reprendre la foi des apôtres : il n’y a pas de solution de continuité. Il en sera de même au siècle suivant, dans la lutte contre les deux erreurs qui, opposées l’une à l’autre, nient ou la divinité du Sauveur ou la réalité de son huma ni té. Nous indiquerons surtout le progrès des formules et des symboles de foi.


II. Le dogme de Jésus-Christ au IIIe siècle. —

I. LES DOCTEVRS ET CES THÉOLOGIENS. 1° l’n

Orient. t. Clément a" Alexandrie. Voir t. iii, col. 161. Sur l’accusation de docétisme portée par Photius, voiT t. iv, col. 1498-1499. - 2. Origène. Sur le résumé de sa christologie, voir l. vii, col. 153 154. Sur l’accusation de docétisme, voir t. iv, col. 14991500. I.a doctrine d’Origène sur la préexistence de l’âme et du corps de Jésus-Christ avant l’incarnation est répréhensibie. L’âme du Christ, dit il. fut créée avec tous les esprits dès le principe et resta seule parfaitement fidèle a 1 Heu : elle s’unit moralement au Verbe par celle longue fidélité. De principiis, t. II, c. vi, n. r>, 6 ; P.’L, t. xi, col. 213. I.e corps du Christ, conformément à la théorie générale d’Origène, fut formé postérieurement a l’âme, beau et parfait, (’.outra Celsum I. I. n. 32, 33, P. G., t. xi, col. 720-725. Avant l’incarnation, le Verbe uni â l’âme se manifeste aux esprits de tous les ordres célestes, se faisant successivement semblable à eux. in Gen., homil., viii, 8, l’. G., t. xii, col. 208 ; In Matth., tpm. xv, n. 7. P. G ;, t. xiii, col. 1272 ; In Joannem, tom. i. c 34, P. G., t. i. cal..si ; In Rom., L I. i, P. G., t. xiv, col. 848 ; Contra Celsum, l. Y il l, n. 59 P. G., t. xi. col. 1605. Cf. Iluci. Origenia na. t. ii, c. n. q. iii, n. 2 ! ’.. Pour nous sauver, nous hommes, le Logos s’unit enfin par l’intermédiaire de

cette âiuc, au corps beau et parfait que l’aine, par sa lé, avait mérité. De principiis, 1, II. c. VI, . n. 3, P. <-, ’., t. xi. col. 211 : Contra Celsum. I. VI, |>. 75-77 ; cf. I. I, n. 32 33, P. <L, I xi, col. 1409 sq., 720 sq. Ainsi, nécessairement logique avec lui-même, Origène

n’est ni docète, ni apollinariste. Voir la condamnât ion de ces doctrines par le synode de Constantinople de 543, dans I-’r. Diekamp, Die origenistischen Slreitigkeiten, Munster, 1899 ; Denzinger-Bannwart. n. 204206. Cf. IV Aies, Origénisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 1236-1213.

3. Sur le dogme de Jésus-Christ dans l’Église d’Orient après Origène, soit à Alexandrie, soit à Antioche. voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 454-455. Voici comment M. Tixeront condense la foi de l’Orient en interrogeant les rares documents qui nous viennent de saint Méthode d’Olympe, de saint Pierre d’Alexandrie, de l’auteur du dialogue De recla in Deum /ïde (Adamantius), de saint Denys d’Alexandrie et de la Didascalie : « Le Verbe s’est fait homme (èvxvOptoTrrjaaç), S. Méthode, Convivium, Orat., I, v ; III, iv :. n. I’. G., t. xviii, col. 15, 68, 193 ; S. Pierre d’Alexandrie, Fragm., P. G., t. xviii, col. 521. II a pris de la vierge.Marie une chair terrestre, la chair d’Adam, une chair semblable à la notre, puisqu’il devait sauver la nôtre et parce qu’il convenait que le démon fût vaincu par le même homme qu’il avait séduit. S. Méthode. Convivium, III. c. vi, P. G., t. xviii, col. 69 ; /)e resurreelione II, viii, 7, édition Bonwetsch, du Corpus de Bci lin.]). 3 I 1 ; Adamantins, t. IV, c. xv ; V, iii, : x, édition V. II..van de Sande Bakhuyzen, du même Corpus, p. 172, 178, 190. Par cette incarnation, le Verbe ne s’est pas transformé en la chair, il ne s’est pas dépouillé de sa divinité. S. Pierre, Fragm., P. G., t. xviii, col. 509 ; Adamantius, t. IV, c. xvi, édit. cit., p. 174. Il s’est seulement uni intimement à une humanité, ouvevwoaç xal aijyLspàaac ;, Convivium, Orat-. III, c. v, P. G., t. xviii, col. 68, d’une union qui laisse subsister les deux natures. 0eoç Tjv çûgsi xal vévovev àvGpw^oç çôrrei.. S. Pierre, P. G., t. xviii, col. 512, 521 ; ôvtcûç Œôv xerrà -v^Oux xal ÔvToiçavOptoTrovxxTà aâpxa ôioXoyi]aav-re ; Xpiarôv. Adamantins, t. V, c. xi, édit. cit. p. 194 ; cf. S. Méthode, Convivium, Orat. III, c. iv, P. G., t. xviii. col. 65. Et ces deux natures ont chacune leurs opérations et leurs volontés. Adamantius, , 1. V. c. viii, édit. citée, p. 190.. Mais du reste l’unité et l’identité de personne avant ci après l’incarnation sont nettement affirmées et le concile d’Éphèse a pu Invoquer ici le témoignage de Pierre d’Alexandrie. C’est le Verbe qui est né dans le sein de Marie, ysvo-U. EVOV èv U/yJTpqi et qui s’y est fait chair par la volonté et la puissance de Dieu. S. Pierre, Fragm.. P. G., t. xviii. col. 512. - Celui qui est descendu est vraiment celui qui est remonté », àXr, 0<ôç yàp ô y.xT-xfiàç ocItôç è^T’. xal 6 àvapàç. Adamantins, t. V, c. vii, édit. cité, p. 188. Son corps est demeuré réel après la résurrection aussi bien que dans la transfiguration. Méthode, De resurrectione, [II, vii, 12 ; xii, 3 sq., édit. cit. p. 100, 108. En prenant ainsi notre nature, en devenant Homme-Dieu, le Verbe incarné, remarque Méthodï récapitulait en lui toute l’humanité. Il est le second Adam, en qui cette humanité a été pétrie à nouveau et, par son union avec le Verbe, restaurée déjà et renouvelée. Convivium, Orat., 111, c. iii, iv, v, viii, P. G., t. xviii, col. 64, 65, 68, 73. Tixeront, op. cit., p. 193- loi.

2° En Occident. 1. Tertullien. Sur sa christologie, voir Tertullien, et d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, c iv. Deux aspects particuliers sont â noter ici touchant la physionomie du Christ. I.e Christ, dans Tertullien, apparaît bien comme le Chris ! des Écritures, né de notre race, vrai Fils de Dieu el vrai Fils de l’homme. Il este le consommateur de l’Ancien Testament et l’initiateur du Nouveau. Loin de venir en ce momie comme un étranger, il y vient comme dans son domaine, pour recueillir l’héritage que son l’ère lui destine, pour révéler le mystère du plan divin, pour émanciper le genre humain, esclave du péché, pour ouvrir le trésor des dons de l’Esprit, pour JÉSUS-CHRIST. LE DOGME AU III SIÈCLE

nous initier à une grande espérance, r.r sa résurrection, type et gage de la nôtre. Il a reçu, dès l’origine

tlu monde, ce plein pouvoir qu’il vient revendiquer en son temps ; il a préludé, par les théophanies de l’Ancien Testament à l’incarnation, point île départ de l’ère nouvelle. Loin d’avoir le caractère d’une révolution violente, sa mission est le but vers lequel le Dieu créa teur acheminait le momie : elle. met le sceau à ce grand dessein qui se déroulait à travers les siècles. Elle marque la transition d’une loi provisoire et imparfaite à une loi meilleure, d’observances mortes à un culte unifié par l’Esprit. On reconnaît, dans la prédication du Christ, l’accent des prophètes, Christian et in noois ml s’écrie Tertullien, Ado. Marcionem, 1 IV. c. xxi. P. L., t. ii, col. HO, eu le voyant rééditer les miracles de l’Ancien Testament. A part le privilège de la conception virginale, il ne s’élève pas. selon la nature, au-dessus de l’humanité ; il est homme dans toute la force du terme, et homme d’un extérieur commun. Selon la « race, non seulement il échappe, en tant que Dieu, à toute comparaison, mais il se distingue, en tant qu’homme, de tous les fils d’Adam par l’immunité de la déchéance commune. Cette chair qui, dans tous les hommes, est chair de péché, en la prenant, il l’a rendue exempte de péché, id., t. V, c. xiv. col. 506 ; et par elle, il a délivré tous ceux que le péché infectait dès l’origine. Le Christ est l’Emmanuel, l’illuminateur des nations, le conquérant des âmes, le prêtre catholique, catholicum Palris sacerdotem, id.. t. IV, c. ix, col. 376, le pontife authentique de Dieu le Père, aulhenticus pontife.v Dei Palris, id., t. IV, c. xxvv, col. 117, 1e médiateur entre l’humanité et Dieu, sequeslcr Dei atque hominum, De resurreciione carnis, c. ii, col. 8C9, le « nouvel Adam », id., c. lui, col. 873 : le principe en qui Dieu récapitule toutes choses, l’Époux de l’Église. » D’Alès. up. cit., p. 199. Il faut noter, en second lieu, le réalisme voulu par Tertullien pour marquer, contre les docètes de toute espèce, et notamment Marcion, Apelles et Valentin, la réalité de la chair, de l’humanité de Jésus-Christ. A ces erreurs, niant la naissance vraie du Rédempteur ex Maria, Tertullien oppose des arguments précis et fait valoir les moindres paroles de l’Écriture. Sur l’examen des textes scripturaires relatifs au Christ et exposés contre Marcion par Tertullien et notamment sur la valeur des premiers chapitres de Luc rejetés par Marcion, voir il. Mes, op. cit., p. 164^185. Pour nous prouver la réalité du corps de Jésus, Tertullien accumule des détails d’un grossier réalisme. De carne Christi, c. xi, P. L., t. ii, col. 774, et nie la virginité de Marie. Et, si virgo concepit, in purin sn<> nupsit, id.. c. xxiii, col. 790. Il est utile de rappeler que Tertullien, le premier, a nettement formulé le dogme de l’union hypostatique, Advenu » Praxean, c. xxvii, P. L., t. ii, col. 190. Voir Hypostatique ( Union), col. lôô. La riijle de foi formulée par Tertullien touchant le Christ doit être signalée, parce qu’elle sert à fixer les termes du symbole romain au nr siècle. La voici ; elle consiste à croire « qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui D’est autre que le créateur (lu monde ; que c’est lui qui a tiré l’univers du néant par son Verbe émis avant toutes choses ; que ce Verbe fut appelé son Fils, qu’au nom de Dieu il apparut sous diverses figures aux patriarches, qu’il se fit entendre de tous temps dans les prophètes, enfin qu’il descendit par l’Esprit et la puissance de Dieu le Père dans la Vierge Marie, qu’il devint chair dans son sein et que né d’elle il revêtit la personne de Jésus-Christ ; qu’il prédit ensuite une loi nouvelle et la nouvelle promesse « lu royaume des cieux, qu’il lit des miracles ; qu’il fut crucifié, qu’il ressuscita le troisième jour, qu’enlevé au ciel il s’assit a la droite de son Père : qu’il envoya à sa place la force du Saint-Esprit pour conduire les croyants ;

qu’il viendra dans une gloire pour prendre les saint I ri leur donner la jouissance de la vie éternelle et des promesses célestes, et pour condamner les profanes au feu éternel, après la résurrection des uns et des autres, et le rétablissement de la chair, i De prsescrip tione, c. xiii, P. L., t. ii, col. 26. 1 lahn, op. cit, s 7.

2. Saint Hippolyte. La doctrine christologique de saint Hippolyte représente la foi commune de l’Église. On trouve dans le Contra Noelum, n. 17, P. G., t. x, col. 825, une profession de foi analogue à celle de Tertullien : Croyons donc, frères bien-aimés, selon la tradition des apôtres, que Dieu le Verbe est descendu des cieux dans la sainte vierge Marie, afin qu’incarné d’elle, s ; -LÙtyj ;, en prenant une âme humaine douée de raison et faisant sien tout ce qu est de l’homme, sauf le péché, il sauvât celui qui était tombé et communiquât l’immortalité à ceux qui croiraient en lui… Il s’est manifesté â nous, nouvel homme, fait de la Vierge et de l’Esprit Saint (unissant) en lui les deux réalités, celle qu’il tient du Père, dans le ciel, comme Verbe, et celle qu’il recueille sur terre, du vieil Adam, en s’incarnant parla Vierge. » Les deux natures restent distinctes en.Jésus : « Étant venu dans le monde, il apparut Dieu et homme. L’homme est reconnaissable à bien des signes : la faim, l’abattement, la soif provoquée par la fatigue, la fuite causée par la crainte, l’affliction dans la prière, le sommeil qu’il prend sur son oreiller, le calice de douleur qu’il repousse, la sueur qu’il répand dans son agonie, le réconfort qu’il reçoit d’un ange, la trahison de Judas, les affronts de Caïphe, le mépris d’IIérode, la flagellation ordonnée par Pilate, la dérision des soldats, la crucifixion par les Juifs, le cri qu’il pousse vers son Père en rendant l’âme, le dernier soupir qu’il rend en inclinant la tête, la blessure faite à son côté par la lance, son ensevelissement et sa mise au tombeau, sa résurrection après trois jours par la puissance de son Père. Mais la divinité à son tour se manifeste par d’autres signes : l’adoration des anges, la visite des bergers, l’attente de Siméon, le témoignage d’Anne, la recherche des mages, l’indication de l’étoile, le changement d’eau en vin dans une noce, l’ordre donné à la mer agitée par les vents, la marche sur la mer, la vue rendue à l’aveugle-né, la résurrection de Lazare après quatre jours, des miracles variés, la rémission des péchés, le pouvoir donné à ses disciples. » Fragm. in Ps. II, 7, dans Théodore !, Eranistes, Dial. ii, P.G., t. lxxxiii, col. 173. Trad. d’Alès, I.a théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 28-29. Voir aussi un beau fragment sur le Cantique de Moïse, Dent., xxxiii, 26, recueilli par Théodoret, loc cit., dans d’Alès, op. cit. p. 181. On peut résumer ainsi selon d’Alès, op. cit., p. 180, la doctrine d’Hippolyte sur Jésus-Christ. « Après avoir préludé à l’incarnai ion par les théophanies de l’Ancien Testament, In Danielem, iii, il : iv, 11. 36, 39, : >7, édit. Bonwetsch, Corpus de Berlin, 1. i</, p. 150, 210, 280-282, 286, 330, théophanies plus ou moins effectives où tantôt il se dissimulait derrière les prophètes, tantôt il se montrait en personne, coi unie dans la vision de Daniel, il a mis le sceau à la prophétie par son avènement selon la chair. /(L. iv, 39, p. 288. Devenu le premier-né de la Vierge, comme il était le premier-né du Père, il restaure en lui-même le type du premier Adam, ibid., iv, il, p. 21 I. irpuTOTOxov èx mxpOévou, ïva tôv 7rp<or6TcXaaTov A^à|j. h) £7’, t( ; j ivxizk&oociv SeiyOfj ; arche incorruptible de la nouvelle alliance, id., iv, 21, p. 216, il rétablit entre Dieu et l’homme l’union que le péché a rompue. id., ii, 28, p.’.M : Adv. Grrncos, . n. PG., t. x, col. 800. Car l’homme, créé Immortel, était par sa désobéissance

livré a la mort : pour lui rendre la ie. il ne fallait rien

moins qu’un tel médiateur. In Balaam (Num., xxiv, I71, ibid., t. b p. X2. lui associant, dans sa personne,

à la divinité incorruptible et immortelle, la chair de l’homme, le Christ a guéri les blessures de l’humanité, De antichristo, n. 4, ibid, p. 6 ; en mourant sur la croix, il a rendu la vie à ceux qui l’avaient perdue ; sa mort est le prix dont il paya la rançon de l’homme, id., n. 26, ibid., p. 19 ; In Danielem, ii, 36 : iv, 57 ; t. i a p. 112, 332, etc. »

3. Saint Cyprien.

Saint Cyprien n’a pas traité ex professo le dogme de Jésus-Christ ; mais ce dogme est supposé dans nombre de ses écrits. En orientant le chrétien vers la connaissance du Christ, Cyprien rappelle ce que fut la carrière du Christ, Testimonia ad Quirinum, 1. II : le Christ est la Sagesse de Dieu, c. i, ii, par qui tout a été fait ; le Verbe de Dieu, c. m ; l’Illuminateur et le Sauveur du genre humain, c. v ; le Médiateur, c. x ; le Juge à venir, c. xxviii, le Roi, xxix, xxx, P.L., t. iv, col. 696, 697, 698, 699-700 ; 704-705 ; 719 ; 720-724 ; il demeure l’Intercesseur (advocatus) des pécheurs auprès du Père. Epist., lv, n. 18, édit., Hartel, t. iii, p. 637. Cf. d’Alès, La théologie de S. Cyprien, Paris, 1922, p. 2-3.

4. Novatien.

Dans le De Trinitate de Novatien, on relève des éléments du symbole romain. Hahn, op. cit., § 11 : « La règle de la vérité exige qu’avant tout nous croyions en Dieu le Père et Seigneur toutpuissant ; la même règle de la vérité nous enseigne, après la foi au Père, à croire aussi au Fils de Dieu, Jésus-Christ, Notre-Scigneur et Dieu… Mais l’ordre de la raison et l’autorité de la foi… nous avertit ensuite, après cela, de croire au Saint-Esprit. » c. ix, P. L., t. iii, col. 900. D’ailleurs la doctrine de Novatien sur le dogme de Jésus-Christ est très ferme ; elle s’appuie sur l’enseignement de l'Église romaine : « La sainte Écriture annonce que Dieu est le Christ, tout aussi bien qu’elle annonce que cet homme lui-même est Dieu ; elle décrit Jésus-Christ homme, tout autant qu’elle décrit le Seigneur Christ Dieu. » Id., C. XI, col. 904. Novatien appuie beaucoup sur la dualité des natures : pour exprimer l’incarnation, il se sert des expressions : assumpsit carnem, suscepil hominem, subslanliiun hominis induit, etc. ; c. xiii, xxi, xxii, xxiii, col. 907908 ; 927-928 ; 930 ; 932. Il précise les formules qui attribuent la mort et les souffrances de Jésus à Dieu. c. xxv, col. 934-936 Combattant les modalistes, il remarque que l’homme en Jésus n’est pas Fils de Dieu, natur aliter, principaliter, mais consequenter, c’està-dire conséquemment à son union avec le Verbe. Celte filiation generala, mutuata, c. xxiv, col. 934, n’est pas la filiation adoptive, mais la filiation naturelle, acquise conséquciiiinent a l’union. Cf. 'fixeront, op. cit., t. i, p. 411-411.

5. Ne voulant ici cataloguer que les témoins autorisés de la foi catholique, nous passerons sous silence Comrnodien, Arnobe et Lactance, voir t. vi, col. 150 ; t. iii, col. 417 ; t. i, col. 1986. Signalons simplement la brève profession de foi de saint Denys pape : « Il faut croire en Dieu le Père tout-puissant et en Jésus Christ son Fils, et au Saint-Esprit ». Denzinger-Bannwart, n. 51, et la déclaration dogmatique attribuée a saint Félix et reçue plus tard, au concile d'Éphèse, comme l’expression de la foi catholique, Voir t. v, col. 2129.

II. LES BÉRÉSlES. l" En Occident. 1. L’adop tianisme romain, relit' à l’adoptianisme d’Antioche par le nom d’Artémon, voir t. i, col. 2022-2023, enseigne à la suite de ébionites que Jésus, fils de la vierge Marie, n’est qu’un homme, élevé par l’adoption divine à la dignité de Fils de Dieu. A son baptême dans le Jourdain, le Christ, c’est à-dire l’Esprit Saint, < escendit sur lui en tonne de colombe et lui communiqua les pui sauces ($uvà(Jt.eiç) dont il avait

besoin pour i emplir sa mission C st seulement après avoir ainsi r eu L’Esprit qu’il put accomplir des miracles. Voir I Iyposi ai n.n i (Union), t. vii, col 164 465. Cette doctrine, soutenue par Théodote le corroyeur, fut reprise par le second Théodote, le banquier. Cf. Tixeront, op. cit., 1. 1, p. 349-352.

2. Le monarchianisme patripassien dont les principaux défenseurs furent Praxéas, Noet, Épigone, Cléomène et enfin Sabellius, est à proprement parler une hérésie trinitaire. Il maintient l’unité, la « monarchie » divine en niant la distinction des personnes. C’est, en réalité, le Père qui est descendu dans le sein de la Vierge, qui est né, et, en naissant, est devenu Fils, son propre Fils à soi, procédant de luimême. Cf. Hippolyte, Philosophumena, t. x, n. 10. 27, P. G., t. xvi, col. 3420, 3440 ; Tertullien. Ado. Praxean, c. x, xi, cf. i, ii, P. L., t. ii, col. 165, 166, 154-157. C’est donc le Père qui a souffert et qui est mort (de là le nom de patripassianisme) : ipsum dicit patrem… passum. id., ibid., c. i, cf. c. xiii, col. 156, 169. Mis en face des textes qui établissent la distinction des personnes, les modalistes essaient de les expliquer en disant qu’en Jésus-Christ, le Fils, c’est la chair, l’homme, Jésus. tandis que le Père est l'élément divin uni à la chair, c’est-à-dire le Christ, ut seque in una persona utrumque distinguant patrem et filium, dicenles filium carnem esse id est hominem, id est Jesum, patrem autem spiritum. id est deum, id est Christum, id., ibid., n. 27, col. 190. Le patripassianisme est la forme primitive du sabcllianisme ; voir ces deux mots.

En Orient.

 1. L’adoptianisme de Paul de Samosate à Antioche. — Voir Hypostatique (Union), t. vii,

col. 465, 466. — 2. Le nestorianisme (avant la lettre) d’Hégémonius, dans les Acta disputationis sancti Archelai canx Mancle. Sur les formules un peu surprenantes qu’on trouve dans ce texte et qui font penser à une première ébauche de la chri tologie antiochienne. l’essentiel a été dit t. vi, col. 2113-2115. Au c. lx. Mani reproche à Archélaiis de faire de Jésus le Fils de Dieu par adoption et non par nature. A quoi Archélaiis répond en distinguant le fils de Marie du Christ de Dieu qui est descendu sur lui : « Il y a celui qui est né fils de Marie… Jésus. Mais c’est le Christ de Dieu qui est descendu sur celui qui est de Marie… Ressuscité des enfers, Jésus fut enlevé là où le Christ, fils de Dieu, régnait. » édit. du Corpus d.- Berl ii, p. 87.

/II. CO.Vd.US/O.V doctrinale. — A la fin du me siècle « des questions relatives à l’incarnation, deux seulement ont été expressément traitées et résolues : celle de la divinité de Jésus-Christ contre les adoptianistes, et celle de la réalité de son humanité contre les docètes. » Tixeront, op. cit., p. 512. Les problèmes soulevés par la question de l’union hypostatique ne seront mis en plein jour que plus tard, et c’est alors seulement qu’ils recevront de l’apollinarisme, du monophysime et du nestorianisme des solutions Incomplètes ou hétérodoxes. Mais il n’est pas nécessaire que ces hérésies se manifestent pour que la foi de l'église en un seul Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme soit implicitement professée par tous. Les expressions et les formules consacrées par les conciles postérieurs ne sont pas encore en usage, mais, nous avons déjà pu le constater, voir Hypostatique (Union), l. vii, col. 453-456, la doctrine de l’unité personnelle el « le la dualité des natures de Jésus-Christ est reconnnuc et acceptée dans sa substance. Déjà, en effet, avec l'Église romaine, les fidèles récitent le symbole de la foi chrétienne : « Credo in Deum, patrem omnipotentem ; et in Jesum Christum filium ejus uniciim Dominum noslrum, qui indus est de. Spiritu sancto ex Maria virgine, cruciftxus sub Pontio Pilato et sepulius, lertia die resurrexit a mariais, ascendii in ccelos, sedet ad dexleram Putris, inde ventants est judicare, vivos et morluos : e In Spiritum sanctum, sanctam Ecclesiam remissionem peccatorum. carnis resui rectioneni. i Voir t. i, col. 1661. 258


III. Le dogue de l’Homme-Dieu au iv° siècle.

I. EX uRIEXT. LA CHR18TOLOOIS ORTHODOXE EX F.iCE DES HÉRÉSIES AR1EXXE ET APOLI./X.IR/STE. —

1° Les erreurs ehristologiques de l’arianisme. Voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 468-469.

L’apollinarisme.

Sur le développement historique

de l’apollinarisme, voir Apollinaire le Ji une et les Apollinaristes, t. i, col. 1505-1507. Sur la doctrine d’Apollinaire et de ses disciples, àL, col. 1506 et Hypostatique (Union), col. 469-471.

3° La doctrine des Pères grecs sur Jésus-Christ au IV’siècle. — 1. Le dogme de l’Homme-Dieu. — Nous laisserons de côté ce qui a trait à l’union des deux natures en Jésus-Christ, cet aspect du dogme ayant été exposé à Hypostatique ( Union), t. vii, col. lôi>461, et, sans nous attarder à étudier la doctrine de chaque Père relativement à Jésus-Christ (voir les article* particuliers à chacun d’entre eux), nous nous contenterons d’une vue d’ensemble sur la croyance de l’église orientale, affirmée à l’occasion des hérésies d’Arius et d’Apollinaire, et des erreurs qu’à tort ou à raison l’on attribuait à ce dernier : origine céleste de la chair de Jésus, théopaschisme et subordinatianisme. Cf. Tixcront, Histoire des dogmes, t. ii, Paris, 1921, p. 101-102. Les Pères affirment donc les points suivants : a) Le Verbe divin, pour nous sauver, est descendu du ciel et s’est fait semblable à nous : aussi est-il appelé Yhomme céleste, I Cor., xv, 47, et encore le premier-né de toute créature, Col. i, 15, et entre ses frères. Rom., viii, 25. S. Athanase, Oralio de incarnatione, n. 8, P. G., t. xxv, col. 109 ; Adversus arianos, orat. i, n. 44 ; orat.n n. 52, 62, P. G., t. xxvi, col. 101, 256, 277 ; De incarnatione Dei Verbi et contra arianos, n. 8, P. G, t. xxvi, col. 996 ; Didyme l’Aveugle, De Trinitate, t. III, c. vin ; In Joannem, P. G., t. xxxix, col. 849, 1796. — b) En prenant notre humanité, le Verbe de Dieu n’a rien perdu de ses attributs et de leur exercice : « Nous adorons le Verbe de Dieu, fait chair. Seigneur de toutes les choses créées… La chair n’a pas apporté d’ignominie au Verbe, à Dieu ne plaise ! elle a été plutôt glorifiée par lui. Le Fils existant dans la forme de Dieu en prenant la forme de serviteur’a pas été diminué dans sa divinité, i S. Athanase Ad Adelphium n. 3, 4, t. xxvi, col. 1073. La chair n’a limité ni son omniprésence, ni sa toute-puissance, Oral, de incarnatione, n. 17, col. 125 ; Adu. arianos, orat. i, n. 42 ; col. 236. S. Amphiloq e, Eragm. XII, P. G., t. xxxix, col. 109 ; Didyme, De Trinitate, t. III, c. xxi, ibid. col. 908-909, 912. Les termes à-z£-To>ç. xa-syPj-t-tz employés par les Cappadociens pour marquer la permanence des propriétés divines témoignent chez eux de la même foi. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 458. D’ailleurs toute la controverse antiarienne, en faveur de la divinité du Verbe, atteste la foi de l’Église en la divinité de Jésus-Christ. — c) L’humanité de Jésus-Christ — et ceci, au point de vue christologique, est le point capital centre l’arianisme et l’apollinarisme — était non seulement réelle, mais consubstantielle à la nôtre et engendrée de la vierge Marie, EX Maria. S. Athanase, Ad Epiclelum, n. 5, 7, P. G., t. xxvi, col. 10 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., Xll, iii, xiii, xv.xxiii.xxiv, xxxi.xxxiii, P. G., t. xxxiii, col. 721, 748, 741, 756, 764, 768 ; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. xi, n 2 : lxiii, n. 1, 2, P. G., t. lix, col. 79, 349-350 ; S. Amphiloque, fragm. X, P. G., t. xxxix, col. 105. Saint Basile expose la raison de cette consubstantialité par un argument sotériologique : Nous qui étions morts en Adam nous n’aurions pas été vivifiés dans le Christ, et ce qui était brisé n’aurait pas été restauré, et ce que le mensonge du serpent avait éloigné de Dieu ne lui aurait pas été réuni. » Epist., cclxi, n. 2, P. G., t. xxxir, col De la même pensée sotériologique, saint Grégoire de

Nysse déduit d’admirables considérations sur la nécessité et les convenances de l’incarnation, soit par rapport à l’homme, suit par rapport a Dieu. Oralio catechetica, c. viii, n. 19-xii, n. 3 ; xv-xx, passim ; xx-xxv, passim. P. G., t. lxv, col. 33-34 ; 48-57 et si|. Cette raison générale vaut pour une partie de l’humanité comme elle vaut pour toute l’humanité ; donc notre humanité étant faite d’âme raisonnable et de corps, l’humanité de Jésus-Christ devait comporter non seulement l’âme, principe de la vie physique, mais l’esprit, principe de la vie intellectuelle. Cela seul est guéri qui est pris par le verbe : tô yàp crov iGepdbrcoTOv. Cela seul est sauvé qui est uni à Dieu : ô 8s ^vcoToct tco Oscô touto xocl acbÇerai. S. Grégoire de Nazianze, Epist.. ci, P. G., t. xxxvii, col. 181. Jésus ne devait pas donner en rançon £ — : ov àvO’érspou mais bien « corps pour corps, âme pour âme, et complète subsistence pour tout l’homme. » Contra Apollinar., t. I, n. 17, P. G., t. xxvi, col. 1124. A cette preuve fondamentale, s’ajoutent d’autres preuves tirées de l’évangile, Mat th., xxvi, 41 ; Luc., xxii, 42 ; Joa., xi, 33 ; xii, 27, que font valoir principalement saint Grégoire de Nysse, Anlirrheticus, n. 32, P. G., t. xlv, col. 1192 et l’auteur du Contra Apollinarium, t. I, n. 15, 16, P. G., t. xxvi, col. 1120, 1121. Saint Grégoire de Nysse fait aussi appel à l’existence de la satisfaction et des mérites de Jésus-Christ : sans liberté, pas de satisfaction ni de mérite ; sans âme raisonnable, pas de liberté. Anlirrheticus, n. 41, P. G., t. xlv, col. 1217. D’ailleurs la formule métaphysique de l’incarnation du Verbe medianle anima, remonte aux controverses antiapollinaristes. Dieu ne peut être l’âme de la chair : la chair ne lui peut devenir substantiellement unie que par le moyen et l’intermédiaire de l’âme intellectuelle. Voir Hypostatique ( Union), col. 520. C’est la doctrine formelle de saint Grégoire de Nazianze, Epist., ci, P. G. t. xxxvii, col. 188 ; de saint Grégoire de Nysse, Ado. Apollinar., n. 41, l. xlv, col. 1217. L’existence de l’âme intellectuelle est explicitement enseignée par Eustathe d’Antioche, fragm., P. G., t. xviii, col. 685, 689, 694 ; par Didyme l’Aveugle, De Trinitate, t. III, c. iv, xxi ; In psalm., P. G., t. xxxix, col. 829, 900-904, 1297, 1353-1356, 1444, 1465 ; par saint Épiphane, Ancoratus, n. 33-35, 76-80. P. G., t. xliii, col. 77-79 ; 179-181 ; et, avant le concile d’Alexandrie de 362, tout au moins implicitement par saint Athanase, qui admet en Jésus-Christ la réalité de toutes les émotions, de tous les sentiments de crainte, de tristesse marqués dans l’évangile, la réalité de sa croissance en grâce et en sagesse, la réalité de son ignorance en tant qu’homme vis-à-vis du jour du jugement, la réalité de sa sanctification par l’Esprit Saint et qui, d’autre part, repousse absolument le système des ariens qui présentaient le Verbe comme le sujet de ces passions, de cette croissance, de cette ignorance, de cette sanctification. Adv. Arianos, Oral, m. n. 38-40, 43, 51-58, P. G., i. xxvi. col. 105 508, U3, 129-445 ; Ad Epictetum, n. 7 ; id., col. 1061. Cf. Tixeront, op. cit., p. 116, note. Voir la discussion de la pensée d’Athanase, 1. 1, col. 2170.

Au ive siècle, en Orient, le dopi us-Christ,

homme-Dieu s’affirme donc aussi nettement qu’il s’était affirmé dans l’Évangile et dans la prédication apostolique. Jésus-Christ, Dieu, est en même temps homme parfait. £v0pi7toç xkl

2. Conséquences du dogme de i HommeDieu. — a) Parce qu’il est homme parfait, Jésus est sujet, fauf le péché, à toutes nos infirmités, a toutes nos faiblesses à tous nos besoins. Il Saint

Cyrille de Jérusalem, Catech., XII, e. xiv, P. G., t. xxxiii. col. 711. Il a gardé, suivant l’expression

de bi. I’;  ;, ’-. tottUi la sin/rs <lr l’i ruiirnnl ion. -~/~, vi TÏJÇ C0

èvav0ptorrr ; ae(o ; àxoXouOtav ç’jÂàtTtov. De Trinitate, t. III, c. xxi.P. G., t. xxxix, col. 901. Saint Athanase a la même doctrine, Oralio de incarnations, n. 8 ; Adv. Arianos, orat. iii, n. 69, ni, n. 34, 56, P. G., t. xxv, col. 109, xxvi, col. 293 ; 396 ; 140 ; ainsi que saint Basile, Epist., cc.i. xi, n. 3, P. G., t. xxxii. col. 972 : saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxx, n. 3, P. G., t. xxxvi, col. 105 ; saint Épiphane, Ancoratus, n. 38, P. G., t. xi.m, col. 85. et saint Jean Chrysostome, In Joannem, homil., xi, n. 2 : i.xiii, n. 1, 2 ; lxvii.h. 1, 2, P. G., t. li.x, col. 79, 350, 370-372.

b) Partageant nos faiblesses, Jésus-Christ partaget-il notre ignorance ? Les anciens l’avaient admis s’appuyant sur Marc, xiii, 32, Matth., xxiv, 36 ; Luc, ii, 52 et les divers passages où Jésus-Christ questionne, s’étonne ou paraît surpris. Les Pères sont en désaccord sur la réponse à donner à cette question. Saint Athanaserejette l’ignorance du Christ, tris réelle d’ailleurs, sur la nature humaine. Adv. arianos, orat., iii, n. 13, P. G., t. xxvi. col. 113-416 : oùSè yàp oùSs to’jto è’Jx-Ti< : y.y. to’j A6yoi> écrlv, àXXà t ?, ? àvOpco7ÛV7)Ç çuætoç, -Jjç èaTiv ÏSiov xal tô àyvoeîv. Cf. Epist. ad Serapionern, ii, n. 9, P. G., t. xxvi, col. 624 De même l’accroissement en sagesse, dont parle saint Luc, doit s’entendre non pas de la sagesse divine, mais de la sagesse humaine du Sauveur. Adv. arianos, orat. iii, n. 52, col. 452. L’explication d’Athanase est adoptée par saint Grégoire de Nysse. Adversus Apollinarem anlirrheticus, n. 24, P. G., t. xi.v. col. 1170. Saint Grégoire de Nazianze y incline, Orat., xxx, n. 15, P. G., t.xxxvi, col. 12 1 : ainsi que saint Cyrille d’Alexandrie, Quod un assit Christus, P. G., t. lxxv, col. 1331 ; Contra Theodoretum, anath., iv, P. G., t. i.xxvi, col. 410. Cependant, même chez les Pères qu’on vient de citer, une autre explication se fait jour : il ne s’agirait que d’une ignorance économique, Jésus-Christ déclarant ignorer ce qu’il ne jugeait pas opportun de nous révéler ou ne manifestant que progressivement et suivant les circonstances, les lumières qui étaient en lui. Cf. S. Athanase, Adv. arianos, orat. iii, n. 52-53, col. 432-433 ; S. Grégoire de Nazianze, Oral., xi.m. n. 38, P. G., t. xxxvi, col. 518 : S. Cyrille d’Alexandrie, Adversus estorium, t. III, c. iv, P. G., t. lxxvi. col. 153 ; Thésaurus, assert, xxviii, P. G., t. LXXV, col. 428. La pensée des Pères grecs sera étudiée d’une façon plus approfondie à Science du Christ. Deux remarques sont ici cependant indispensables. Premièrement, si quelques Pères ont attribué une ignorance réelle à Jésus-Christ homme, sans ajouter de précision à leur affirmation, « ce fut plutôt par mode de conciliation et de concession que ces Pires énoncèrent cet avis ; ils voulurent presser les ariens par une argumentation très vive, beaucoup plus qu’ils n’eurent l’intention d’exposer des vues personnelles. Il leur suffisait, pour le moment, de montrer que les paroles du Sauveur, de quelque manière qu’on les interprétât, n’allaient pas contre sa divinité, ni contre sa génération étemelle. » Petau, De incarnalione, . XI, c. ii, n. 8. Deuxièmement, il n’y a pas de contradiction réelle entre les deux exégèses des textes difficultueux :

I ne explication très simple vient tout concilier. Sans doute le Christ a Ignoré bien des choses, comme homme, c’est-à-dire par ses lumières purement humaines et naturelles. El pointant, ces choses il les savait, comme homme, mais par des lumières surnaturelles, auxquelles participait son humanité, à cause de l’un ion hypOStatique, Selon que l’fige et les cii.

lance, le demandaient, il apprenait de science naturelle ce qu’il savait de science surnaturelle. Ainsi il apprenait ce qu’il avait Ignoré ; il progressait en science

mais d’un progrès d’un caractère spécial, c’est à dire

conforme à sa dignité de Verbe incarné. Telle nous

semble élre la peu l I I Allianase et des l’ci’cs

qui ont parlé comme lui. Ils préludaient aux distinctions que feraient plus tard les scolostiques. » L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. i, Paris, 1911, p. 257. Saint Jean Chrysostome expose très nettement l’explication de l’ignorance < économique ». In Matthœum, homil., lxxvii, n. 1, P. G., t. lviii, col. 703. C’est aussi, à peu de chose près, l’explication de saint Épiphane, Ancoratus, n. 32, 38, 78. P. G., t. XLin, col. 76, 85, 164 ; Adv. hiereses, LXIX, c. xi.m, xlvii. I’. G., t. xlii, col. 269, 276. C’est aussi celle de Didyme d’Alexandrie ; ûp-ïv o5v, <p7)olv, iyvoû, -rfj àXrfizix oûxà-yvoû, De Trinitate, 1. III. c. xxii. P. G., t. xxxix, col. 917, 920. Saint Basile, sans désavouer l’interprétation de saint Athanase sur Marc, xiii, 32, préfère cependant celle-ci : le Père seul connaît, comme premier principe de la Trinité, le jour et l’heure du jugement, le Fils et le Saint-Esprit ne les connaissent que par communication du Père, en raison de leur origine. Epist., ccxxxvi, n. 1, 2, P G., t. xxxii, col. 880. Amphiloque suit cette interprétation : Fragm., xi ; vin : P. G., t. xxxix, col. 104. 105.

Si quelques Pères latins semblent adopter l’explication de saint Athanase, cf. Hilaire, De Trinitate, t. IX, c. xv, P. L., t. x, col. 342 ; S. Fulgence, Ad trbsimundum, t. I, e. vin. P. L., t. lxv, col. 231, d’autres

— et ce sont les plus nombreux — n’acceptent dans le Christ qu’une ignorance « économique. C’est l’opinion de saint Ambroise, De fl.de, t. V, n. 220-222, P. G., t. xvi, col. 694. Saint Augustin, sur ce point, est très explicite, De Trinitate, 1. I. c. xii. P. L. t. xlii, col. 837, De peccalorum meritis, t. II, c. xlviii, P. L., t. xi.iv, col. 180, et réfute, entre autres erreurs du moine Léporius, l’opinion attribuant au Christhomme l’ignorance. La rétractation de Léporius fut approuvée et signée par cinq évêques du nord de l’Afrique ou du sud des Gaules, Liber emendalionis, n. 10, P. L., t. xxxi, col. 1230.

Au xie siècle, les agnoètes, voir ce mot, t. i, col. 856 sq., avec le diacre Thémistius à leur tête, professèrent que le Christ avait entièrement ignoré le jour du jugement. Euloge, patriarche d’Alexandrie, réfuta Thémistius dans un traité, résumé dans Photius, Biblioth., cod. ccxx, P G., t. an, col. 108 sq. et approuvé par saint Grégoire le Grand en deux lettres à Euloge, Epist., t. X, xxxv et xxxix, P. L., t. LXXVH, col. 1091. Reprenant la distinction qu’Euloge. toc. cit., col. 1084, et après lui saint Jean Damascène, De fide orthodoxa. t. III, c. xxi, P. I… t. xuv, col. 108, ont cru trouver dans saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire le Grand formule le principe directeur de renseignement catholique. Le Christ a connu le jour du jugement dans sa nature humaine, in natura quidem humanilatis novit diem et horam judicii, mais non pas par les lumières naturelles, tanu-n hune non ex natura humanilatis novit

c) Une troisième conséquence, mise en relief par l’unanimité des Pères, c’est la sainteté parfaite du Christ. Déjà, dans les siècles précédents, les Pères avaient expressément marqué l’absence de toute faute dans le Christ : voir l’indication des textes principaux a Imii i iahii.itk, t. vii, col. 1278-1279. Mais saint Athanase apporte une précision nouvelle au dogme de la sainteté du Christ. Non seulement le Christ n’a

pas de péché et est impeccable, .
  • . arianos, orat. 1, n. 51. cf. Contra Apollinar., I. I. n. 17 : 11, n. 5. P. G., I XXVI, col. 117. 112 1. 1110 ; mais il a été spécialement sanctifié, oint par le Saint-Esprit, comme le prouvent les textes de I.uc, m. 21. 22. de Jean. vu. 19. d’Isaïc, i ai. 1. du Psaume xiiv. 8. En lant que Dieu. Jésus s’est donné a lui-même, en tant qu’homme, cette sanctification, et il se l’est donnée pour que nous-mêmes tussions sanctifiés : k&tôç êxurôv fcyidcÇei, tv* f){icïç ï’j Tfj iXcŒia dfyiaa8ô>|ASV, Âdo. arianos. oral. I, Util
      1. JÉSUS-CHRIST##
    JÉSUS-CHRIST. LE DOGME AI [V « SIÈCLE L262 a. 46, 47, P. G., t. xxvi, col. 105, 108-109, C’est la thèse théologique que développera plus tard saint Thomas d’Aquin, III’, q. viii, sur l’identité de la grâce habituelle, résultat de l’union hypostatique dans l’ftme du Christ, el de la gratta cupt/is. Voir plus loin. Surl’impeccabilité et la sainteté du Christ, cf. s. Basile. Epist.. Ci l m. n. 3, P. G., t. xxxii. col. 972 ; S. Grégoire de Nazianze. Orat.. xxx. n. 21 ; xxxviii, n. 13, P. G.. i. xwvi.col. 132, 329 ; s. Ëpiphane, Ancoratus, n. 80, P. ( ;., t. xi.iit. col. 168 ; S. Jean Chrysostome, In epist. I ad Corinthios, homl.. xxxviii. n. 2 : P. G., t.LXi.col. 32 1 : In epist. ad Heb., homil. xxviii, n. 2. P. G., t. lxiii, col. 194. 4° Le problème dogmatique non encore résolu au IV’siècle. - C’est le problème de l’union hypostatique, qu’Apollinaire avait résolu par un monophysisme larvé, que Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste allaient résoudre par le dualisme, précurseur du nestorianisme. Les Pères du iv c siècle, pour formuler le dogme catholique, manquent encore de définition nette et de langue arrêtée. Mais déjà ils fournissent tous les éléments de la solution. Voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 456-162. En conséquence, le dogme de la maternité divine est nettement admis par eux : Marie est 0 : otox.o ;. Id., col. 460 et Marie. II. ex occrriE.xr — 1<> Les erreurs christologiques du 1 Ve siècle. — Outre l’arianisme, déjà efficacement combattu avant le concile de Constantinople de 381, par saint Hilaire. Phéhadius, Victorin et Zenon, il faut signaler le Priseillianisme. Quelle qu’ait été la doctrine personnelle de Priscillien, voir ce mot, les erreurs christologiques du priseillianisme, cataloguées par Pastor de Galice dans son Libellus (ve siècle) et par le concile deBraga (563), sont les suivantes : 1. Erreur sabelliennc : pas de distinction entre les trois personnes divines, Libellus, anath.. 2, 3, 4 ; Concile, can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 22, 23, 24 ; 231. —2. Erreur apollinariste : le Fils de Dieu n’a pris que la chair sans l’âme, Libellus, anath. 5, Denzinger-Bannwart, n. 25. — 3. Erreur monarchianiste ; le Fils de Dieu. Xotre-Seigneur, n’existait pas avant de naître de Marie. Concil., can 3, ibid., n. 233 ; ou encore : le Christ n’a pu être engendré, Libellus, anath. 6, ibid., n. 26. — 4. Erreur patripassienne : la divinité du Christ est devenu passible, id., anath. 7, ibid, n. 27. — 5. Erreur docète : Jésus-Christ n’est pas né in vera hominis natura, concile, can. 4, ibid., n. 324. — 6. Erreur marcionite des deux dieux, de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec les conséquences de cette erreur, Libellus, anath. 8, ibid., n. 28. On trouvera à Priscilliaxismk, l’étude détaillée de ces assertions dont quelques-unes font double emploi et sont par ailleurs assez divergentes, sinon contradictoires, mélange de gnosticisme et de manichéisme, où le docétisme se trouve combiné avec le sabellianisme. 2° Le dogme chez les Pères — 1. Saint Hilaire. — Voir t. vi, col. 2426-2438. La christologie d’Hilaire appelle des explications touchant le dépouillement (la kéaose) du Christ, col. 2429-2433 ; la durée de l’union hypostatique, col. 2433-2434 ; la conception active de Jésus-Christ, col. 2131-2138 : la sensibilité et la passibilité du Christ, col. 2438-2449. - 2. Saint Ambroise. — Voir t. i. col. (’!  ! <. A noter, chez saint Ambroise-. contemporain d’Apollinaire, l’affirmation concernant l’existence en Jésus-Christ d’une âme raisonnable, avec la raison classique de sotériologic : le Verbe devait prendre tout l’homme, puisqu’il venait sauver l’homme. De incarnationis dominicæ sacrumento. n. 54, 68 et pass.. P. /… t. xvi, col. 832, 835. Mais la même vérité peut se déduire aussi fies progrès intellectuels constaté en Jésus, Id., n. 71-71. col. 836-837, non moins que des sentiments de crainte et de tristesse éprouvés par le Sauveur. /cL.n. i'>."., col. 834. D’ailleurs en affirmant que le Verbe s’est fait chair, saint Jean a voulu dire qu’il s’est l’ait homme, Id., 0, 59-60, 001.883, et saint Paul a nettement attribué au Sauveur une nature humaine complète dans les Épltres pastorales, sa doctrine sur ce point n’étant nullement obscurcie par le texte christologique de l’épître aux Philippiens. Epist., xi. vi, n. 8, P. /… t. xvi, col. 1118. - 3. Saint Jérôme. — Il affirme nettement, contre Apollinaire, l’existence de l’ftme raisonnable en Jésus-Christ. Apologia adversus libros fin fini, t. II, n. 4, P. L., t. xxui, col, 127 ; In epist.ad Galatas, c. i, | 1. P.L., t. xxvi, col. 312 ; In Jonam., c. iii, y 6, P. L, t. xxv, col. 1142. — 4. Marins Victorinus s’exprime clairement sur l’unité de personne et la dualité de nature en Jésus-Christ, Adversus Arium, t. I, n. 11, 45, P. L., t. viii, col. 101.8, 1075 : In epist, ad PMîp., c.7, t 6-8, col. 1208. Mais, par ailleurs, a côté de la filiation divine en Jésus-Christ, Victorin imagine une certaine filiation adoptive convenant à l’homme : nos enim adoplione filii, ille natura. Etiam quadam adoplione filins el Christus, sed secundum carnem. Il y a là comme un trait précurseur de la doctrine plus tard professée par Hardouin et Berruyer. Hypostatique (Union), t. vii, col. 542. — 5. Phébadius d’Agen tient simplement la profession de foi catholique : en Jésus-Christ, deux natures : l’humaine et la divine, la divine par laquelle Jésus est immortel, l’humaine par laquelle il est mortel ; chaque nature garde ses propriétés, Liber contra arianos, c. v, xviii, xix, P. L., t. xx, col. 16, 26, 27 ; mais il n’y a qu’un Fils, Dieu uni à l’homme, De filii divinitate, n. <8 ; d’où la loi de communication des idiomes, id., ibid., col. 45 sq. — 6. Zenon de Vérone affecte d’user de la communication des idiomes et accentue ainsi l’affirmation de l’unité de personne, Traclatus, t. II, tr. viii, n. 2 ; tr. ix, n. 2 ; tr. vii, n. 4, P.L., t. xi, col. 413-415, 417, 411-412. — 7. Signalons enfin parmi les témoins de la foi catholique, Nicélas de Rémésiana, qui semble, dans le De ratione fldei l n. 6, 7, et dans De sijmbolo, n. 4, préluder à la lettre de saint LéonàFlavien. P. L., t. lii, col. 851-852 ; 868-869. Pour la doctrine du livre fort improprement appelé Traclatus Origenis, voir Hypostatique (Union), col. 456. Dans cette doctrine des Pères latins, remarquons-le, il y a i peu, très peu de philosophie : rien des longues dissertations sur la personne ou la nature où se complaira le génie grée ; mais l’énoncé très ferme de ce qui est la foi de l’Église, foi plus sentie encore qu’intellectuellement analysée >. fixeront, op. cit., p. 293. 3° Les incertitudes de la théologie des Pères nu I Ve siècle. — Il ne s’agit plus ici simplement des problèmes soulevés par Ja théologie de saint Hilaire et dont nous avons signalé tout à l’heure les points sujets à discussion. Il s’agit de la question plus générale et plus grave de l’ignorance du Christ, relativement au jour du jugement. Ignorance économique ou ignorance réelle dans l’âme humaine 7 Comme les Grecs, les Latins répondent en sens divers, Hilaire et Ambroise inclinant vers l’ignorance économique, Jérôme vers l’ignorance réelle. Voir S ai ni i di Christ. La théologie n’est pas encore fixée sur ce point. Nota. En marge des controverses : l<i iloctrine des Pères syriaques, n) Aphraate. Dans ses Démonstrations, Aphraate professe intégralement le dogme de Jésus-Christ, Dieu-I tomme, voir 1. 1, col. 1460 1461. — b) Suint Éphrem est un autre témoin de la foi catholique. Sur sa christologie, voir t. v, col. l l 193. /II. L’BWSBlt DO V i’. l’OR romains du temps de saint Damase. L’enseignement du magistère romain apparatl dans les lettres du pape saint Damase, P. /… t. xiii, col. 347-376, passim. Mais c’est SUrtOUl par les conciles romains, tenus peu dant le pontificat de ce pape, en 369, 376. 377, 380 que se manifeste l’enseign ment officiel. Ces conciles renouvellent les décisions de Nicée, définissent la divinité et la consubstantialité du Saint-Esprit, et condamnent Apollinaire, Sabellius, Arius et Macédonius. Relativement au dogme de Jésus-Christ, voici les canons du concile de 380 : Can. 6. — Anathematizainus eos qui duos Filios asscrunt, unum ante seecula, et allerum post assumptionem carnis ex vfrgine. Can. 7. — Anathentatizamus eos qui pro hominis anima rationali et intclligibili dicunt Dei Verbum in humana carne versatum, cum ipse Filius sit Verbum Dei, et non pro anima rationali et Intelligibili in suo corpore fuerit, sed nostram, id est rationalem et intelligibilem, sine peccato animant suseeperit atque salvaverit. Can. 8. — Anathematizamus eos, qui Verbum Filium Dei cxlensione aut collai ione et a Pâtre separatiun, insubstantivum et finem ltabiturum esse contendunt. Can. 13. — Si quis dixerit quod in carne constitutus Filius Dei, cum esset in terra, in cœlis cum Pâtre non esset, a. s. Can. 14. — Si quis dixerit, quod in passione crucis dolorem sustinebat Filius Dei Deus, et non caro cum anima quia Induerat /ornuun servi, quant sibi acceperat, sicut ait scriptura (Phil., ii, 7), a. s. Nous anathéma tisons ceux qui affirment (l’existence de) deux fils., l’un, avant tous les siècles, l’autre, après l’incarnation (dans le sein) de la Viciée. Nous anathéma tisons ceux qui disent que le Verbe de Dieu descendu dans une chair humaine y a fait fonction d’âme raisonnable et intelligente ; en effet le Fils est proprement le Verbe (l’intelligence) de Dieu et n’a pu tenir lieu dans son corps d’âme raisonnable et intelligente, mais il a pris, hormis le péché (d’ailleurs) et qustement ) pour la sauver notre âme a nous, c’est-à-dire une âme raisonnable et intelligente. Nous anathématisons ceux qui prétendent que le Fils de Dieu n’est le Verbe qu’en raison d’une participation ou d’une distribution ; qu’il est séparé du Père, sans subsistence propre et qu’il aura une fin. Si quelqu’un dit que le Fils de Dieu, vivant dans la chair, lorsqu’il était sur terre, n’était pas avec le Père dans les cieux, qu’il soit analhèine. Si quelqu’un dit, que dans sa passion, le Fils de Dieu, en tant que Dieu, souffrit les douleurs de la croix et non pas sa chair animée, parce qu’il avait revêtu la forme d’esclave qu’il avait prise pour lui, comme l’affirme l’Écriture, qu’il soi ! anathème. Si quelqu’un n’affirme pas que [le Fils de Dieu] siège â la droite du Père, dans la chair même qu’il a prise et dans laquelle il doit venir juger les Ivants et les morts, qu’il suit anathème. Can. 15. — Si quis non dixerit, quod in carne, quant assumpsil, sedet ad dexleram l’atris, in qua venturus est judicare vivos et mortuos, a. s. Denzinger-Bannwart, n. i, l. 65, (ili, 71, 72, 7 ; t. Il faut rapprocher de ces décisions du concile romain la formule de foi attribuée a Damase, formule rédigée probablement au concile de Tarragoné en 380 et approuvée par le pape Damase. Après mie première déclaration relative a la foi en la Trinité, suit une déclaration relative à la foi en Jésus-Christ. Filius uJtimo tempore ad nos salvandos et ad Implendas scripturas descendit a l’aire, qui nunquain dcMil esse cum Pâtre, él conceptus estdeSpiritu.sanctoet natus ex Maria n -giue.eai’item, animant et sensum, boc est pertectum suscepil hominem, aec. nuisit, quod erat, sed Cœpll esse, qUOd non erat ; Ita tamen, ut perfectus In Dans les derniers temps, pour nous sauver et accomplir les Écritures, le Fils est descendu [envoyé] du Père, sans cependant cesseï d’être avec le l’ère. Il lut conçu du Saint-Esprli et est né de la Vierge Marie. Il a pris la Chair, l’anie, la sensibilité, c’est-à-dire l’homme tout entier sans cesser d’être ce qu’il était ; mais il a enin suis sit et venu in nostris. Nam qui Deus erat, homo natus est, et qui homo natus est, operatur ut Deus ; et qui opéra tur ut Deus, ut homo moritur ; et qui, ut homo moritur, ut Deus resurgit. Qui devicto mortis imperio cum ea carne, qua natus ci passus et mortuus fuerat, resurrexit tertia die, ascendit ab Patrent sedetque ad dexteram ejus in gloria, quant semper habuit habetque. In lttijus morte et sanguine credimus enuindatos nos ab eo ressuscitandos die novissima in hac carne, qua nunc vivimus et habemus spem nos consecuturos ab ipso aut vitam seternam præmium boni meriti, aut pœnam pro peccatis aeterni supplicii… Denzinger-Bannwart, n. 16. mencé d’être ce qu’il n’était pas de telle façon cependant qu’il gardât toutes ses perfections tout en prenant vraiment nos qualités. En effet celui-là même qui était Dieu est né homme ; né homme, il opérait comme Dieu ; celui-là qui opère comme Dieu, comme homme meurt ; celui-là qui comme homme meurt, comme Dieu ressuscite. C’est lui qui, brisant l’empire de la mort, avec cette chair dans laquelle il est né, a souffert et est mort, est ressuscité, le troisième jour, est monté vers son Père et est assis à sa droite dans la gloire qu’il a toujours eue et possède encore. Nous qui avons été purifiés dans sa mort et son sang, nous serons, telle est notre foi, ressuscites par lui au dernier jour dans cette même chair dans laquelle nous vivons avec la perspective de recevoir de lui ou la vie éternelle, récompense de nos mérites, ou le supplice éternel, châtiment de nos péchés. 2° Les formules dogmatiques. 1. La formule CLEme. xs TitixiTAS. — Une autre formule de foi, la formule Clemens Trinitas quelque peu postérieure à la précédante et d’origine incertaine, mérite également d’être citée dans sa partie concernant l’Homme-Dieu. Après avoir rappelé le dogme des trois personnes, qu’il ne faut point séparer entre elles, elle conclut : Hoc enim lidei nostraB secundum evangelicam et apostolicam doctrinam principale est, Dominum nostrum Jcsunt Christum et Dei Filium a Pâtre nec honoris confusionc, née virtutis potestate, nec substatttia divinitatis, nec intervallo tentporis separare. Et ideo si quis Filium, qui sicut vere Deus, ita vere homo absque peccato dumtaxat, (un)de humanitate aliquid vel dei tate minus dicit habuisse, profanus et alienus ab Ecclesia cathollca atque apostolica judicandus est. i lenzinger Bannwart, ni s Selop l’enseignement apostolique et évangélique de de notre foi, c’est un dogme fondamental qu’il ne faut pas séparer du Père Jésus-Christ Notre-Seigncur et Fils de Dieu, en distinguant les honneurs qui leur sont dus, en reconnaissant au Fils une puissance moindre, en lui refusant l’être divin ou en le faisant naître dans le temps. Si quelqu’un donc enlève au Fils, qui s’il est vraiment Dieu est aussi vraiment homme, excepté le péché, quelque chose de l’humanité ou de la di mité, celui-là est un hérétique, qu’il faut juger indigned lopartenu tlÊgh se catholique et apostolique. 2. Le symbole « QVIOUMQVB ». - Enfin, s’inspirant des mêmes préoccupations antipriscilllennes, il faut recenser en dernier lieu, bien qu’appartenant déjà au v siècle, le symbole dil d’Athanase, voir t. i, col. 217821 87, lequel apporte quelques précisions relatives à L’unité cle pei sonne en Jésus-Christ. Sed ncccssaiiiun est ad eeternam salutem, ut Incar nationcm quoque Domini Nostrl Jesu Christ ! Qdeliter credat. Est ergo Bdes recta, ut credamus et con&teamur, ipiia Dominus noster Jésus Christus Dei Filius, Deus et homo est. Deus est ex subs Mais il est nécessaire au salut éternel, qu’on croie aussi fidèlement en l’incarnation de Jésus-Christ Notre Seigneur. La vraie foi est donc que nous croyions et confessions que Notre-Seigncur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est [à la fois]. Dieu et IÉSUS-CHRIST. LES PROGRÈS DOGMATIQUES ULTÉRIEURS L266 taiitia Patris ante sa-cula genitus, et homo est ox substantia matris in Steculo natus ; pertectus Deus, perfectus homo, ox anima rationali et humana carne subsistons, asqualis Patri secundum divinitatem, minor Pâtre secundum humanitatem. Qui licet Dons sit et homo, non duo tamen, sed unus est Christus, anus autem non con ersione divinitatis in carnem, sed assumptione humanitatis in Deum, unus omnino, non confusione substantia-, sed unitate persona ? . Nam sicut anima rationalis et caro imus est homo, ita Deus et homo unus est Christus. Qui passus est pro salute nostra, descendit ad inferos, tertia die resurrexit a mortuis, ascendit ad cœlos, sedet ad dcxteram Dei Patris omnipotentis inde venturus [est] judicare vivos et mortuos ; ad cujus adventum omnes homines resurgere habent cum corporibus suis et reddituri sunt de factis propriis rationem : et qui bona egerunt, ibunt in vitam œternam, qui vero inala. in ignem œternum… Denzmger-Bannwart, n.40. homme. Il est Dieu, engendré de la substance du Père avant tous les siècles, et il est homme, né de la substance de sa mère dans le temps ; Dieu parfait et homme parfait, composé d’une âme raisonnable et d’un corps humain, éfial au Père selon la divinité, inférieur au Père selon l’humanité. Dieu et homme à la fois, le Christ n’est pas deux, mais un seul ; non point parce que la divinité se serait transformée en la chair, mais parce que l’humanité a été prise par Dieu ; un seul absolument, non par le mélange des substances, mais par l’unité de la personne. Car, de même que l’âme raisonnable et la chair forment l’homme, de même Dieu et l’homme forment un seul Christ. Lequel a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. A son avènement, tous les hommes ressusciteront dans leurs propres corps et rendront raison de leurs actions personnelles : ceux qui auront fait le bien iront en la vie éternelle ; ceux qui auront fait le mal iront au feu éternel. De ces textes, il convient de rapprocher la profession de foi émise par le prêtre élevé à l’épiscopat, dans les Slatuta Ecclesiæ antiqua, Cavallera, Thésaurus, n. 703. 3. Les divers symboles du /i"e siècle — Ces formules de foi, à cause des controverses antiapollinaristes et antipriscillianistes, qu’elles supposent accusent déjà un progrès dogmatique sur la formule officielle de l’Église, presque contemporaine cependant, nous voulons dire le symbole appelé de Nicée-Constantinople. Voir le texte de Nicée comparé au texte de Césarée, Akiamsmi, 1. 1, col. 1796. Toutefois le symbole de 325, Denzinger-Bannwart, n. 51, Hahn, § 1 12, n’est pas e. ore.il faut le remarquer expressément, la formule définitive de la foi de l’Orient. Le symboleromain avait été à la base du symbole composé par Eusèbe de Césarée et de celui adopté par le concile de Nicée, voir Apôtres (symbole des), col. 1670 ; de multiples autres -ymboles se succéderont au cours des luttes ariennes. Ces formules d’Antioche, 311 ; de Sardique et Philippopoli, 343 ; d’Antioche, 345 ; de Sirmium, 351, 357, 350 ; de Niké, 359 ; de Constantinople, 360, et 380, etc., jusqu’à ce que l’on arrive à la formule dite de Nicée-Ccnstantinople, qui est devenue la norme définitive de la foi de l’Orient. Cf. Hahn, op. cit., > 153167. Les nuances portent exclusivement sur des points intéressant directement le dogme trinitaire. En comparant ces variétés. Mgr Batiflol, après Hahn, a reconstruit ici même un modèle commun, d’où sont éliminées les divergences et qui représente la foi de l’Orient vers le milieu du iv c siècle. Voir t. r, col. 1668. Ce modèle apparaît, lui aussi, en dépendance étroite du symbole romain. En réalité, nous avons une fois de plus la preuve que la croyance de l’Église catholique, où qu’on la prenne, est toujours conforme a celle de^ apôtres et à l’enseignement de l’évangile. IV. Les progrès dogmatiques postérieurs. — Notre tâche est désormais simplifiée. Les progrès dogmatiques réalisés aux v* et vie siècles concernent principalement l’union hypostatique. Voir ce mot, t. vii, col. 464-490, et, en ce qui regarde la théologie latine, col. 505-506. Nous n’avons donc qu’à signaler ici la suite chronologique des documents, avec un bref commentaire lorsqu’un aspect particulier, distinct du dogme de l’union des deux natures, aura été abordé. 1° Controverse nestorienne et concile d’Éphèse. Voir Ni sior.u s ; Ii’hèse (concile d’), t. v, col. 137 sq ; Cyrille d’Alexandrie (Suint), t. iii, col. 2508-2516 ; Hypostatique (Union), t. vii, col. 171-177. 2° Controverse eulycliienne et concile de Chalcédoine. — Voir EuTYCHÈsetEuTYcm MsME, t.v, col. 1582sq. ; Chalcédoine, t. ii, col. 2190 sq. Voir le texte de la lettre dogmatique de saint Léon à llavien, Hypostatique (Union), t. vii, col. 478-482, avec le commentaire qui en est donné, col. 482-483. Sur le formulaire de Chalcédoine, voir Chalcédoine, t. ii, col. 21942195 et Hypostatique (Union), t. vii, col. 483-484. 3° Dans l’affaire des Trois chapitres au IIe concile de Constantinople, en voir les anathématismes, t. iii, col. 1239-1259 et Hypostatique (Union), t. vii. col. 485-487. Notons ici un réel progrès dogmatique dans î’anathématisme 12 : « Si quelqu’un défend l’impie Théodore de Mopsueste qui a osé dire que le Christ… s’est peu à peu éloigné d’un état imparfait et défectueux et qu’il s’est ainsi amélioré par le progrès de ses œuvres, qu’il soit anathème. » Denzinger-Bannwart, n. 224. 4° Sous Jean III (561) le concile de Braga, tenu en 561, contre les priscillianistes, renferme quelques canons intéressant le dogme de Jésus-Christ : Le premier canon condamne le sabellianisme. Le troisième concerne directement l’erreur de Paul de Samosate renouvelée par Priscillien : Si quelqu’un dit que le Fils de Dieu Notre-Seigneur n’a pas existé avant sa naissance de la Vierge, ainsi que l’ont enseigné Paul de Samosate, Photin et Priscillien, qu’il soit anathème. Denzinger-Bannwart, n. 233. Le quatrième, à propos du jeûne pratiqué par les priscillianistes le dimanche et le jour de Noël, formule aussi une vérité dogmatique relative à la nature humaine du Christ. Si quis dicit Filium Dei Dominum nostrum, antequam ex Virgine nasceretur, non fuisse, sicut Paulus Samosatenus et Photinus et Priscillianus dixerunt, a. s. Si quis natalem Christi secundum carnem non vere honorât, sed honorare se simulât, jejunans in eodem die et in Dominico, quia Christum in hominis natura natum esse non crédit, sicut Cerdon, Marcion, Manichœus et Priscillianus, a. s. Id., n. 239. Si quelqu’un n’honore pas le jour de la naissance du Christ, mais ne fait que simuler qu’il l’honore, jeûnant ce jour-là ainsi que le dimanche parce qu’il croit que le Christ n’est pas né avec la véritable nature humaine, ainsi que l’ont enseigné Cerdon, Marcion, Manès et Priscillien, qu’il soit anathème. 5° En G33 et 638, les deux conciles de Tolède, IV* et VI e. Le IVe insista sur la nature intime du Verbe incarné, qui tout en demeurant Dieu s’est fait homme, naissant de la seule Vierge, avec un corps et une âme, n’ayant aucun péch ant en une seule personne les propriétés des deux natures. Le VI* reprenant les mêmes idées y ajoute la notion de rédemption des homines par l’incarnation, rédemption qui a trait aussi bien aux péchés actuels qu’au péché originel. Il montre ensuite qu’établir deux personnes en Jésus-Christ risquerait d’introduire une quaternlté dans la Trinité. Enfin passant à la cause efficiente de l’incarnation, il la montre dans la Trinité tout entière dont L267
      1. JPSUS-CHRIST##
    JPSUS-CHRIST. LES PROGRÈS DOGMATIQUES ULTÉRIEURS 1268 les œuvres sont inséparables, tandis que l’humanité faite par la Trinité a été élevée à la seule personnalité du Verbe. Cavallera, Thésaurus, n. 723-72 1. 6° Honorius ]", à la même époque (634-G38) foumule sa doctrine équivoque sur les deux volontés el les deux opérations dans le Christ. Son successeur Jean IV explique le sens des affirmations d’Honorius. Denzinger-Bannwart, n. 251, 252, 253 ; Cavallera n. 725-728. Voir Honorius I". t. vu. col. 96-123. 7° Saint Martin 1°, au concile de Latran (649) définit les principaux aspects du dogme de l’Homme-Dieu. Les neuf premiers canons sont relatifs à l’union bypostatique. Voir ce mot, t. vii, col. 487-480. Les canons 10-17 abordent sous toutes ses faces le problème de la dualité d’opérations et de volontés dans l’unique sujet qu’est Jésus-Christ. Voir Monothélisme. Les trois derniers canons 18-20, tout en résumant le problème doctrinal du monothélisme, portent condamnation nominative de Théodore, Sergius, Cyrus, Pyrrhus. Paul et rejettent le « type » de l’empereur Constantin. Voir Constaminople (IIIe concile <lc), t. iii, col. 1264 sq. Denzinger-Bannwart, n. 254274 ; Cavallera, n. 720-730. Notons toutefois dans ce concile un progrès dogmatique en ce qui concerne la définition de la nature passible de la chair du Christ, can. 4, Denzinger-Bannwart, n. 257 ; définition qu’on retrouvera dans la formule de foi d’Anastase II, Cavallera, n. 701, dans le IVe concile de Latran, Denzinger-Bannwart, n. 429 ; Cavallera, n. 766, et finalement dans le concile de Vienne, Denzinger-Bannwart, n. 480 ; Cavallera, n. 707, et dans le concile de Florence, Décret, pro Jacobitis. Denzinger-Bannwart, n. 708 : Cavallera. n. 7(50. 8° Le XIe concile de Tolède (déclaré authentique par Innocent III), dans un long exposé de la foi trinitaire, intercale une allusion à l’hérésie de Bonosiens, voir Bonose, t. ii, col. 1020-1031. Ces hérétiques niant la divinité de Jésus-Christ, étaient amenés à nier, en conséquence, la filiation naturelle du Verbe dans la Trinité : ils ne lui reconnaissaient qu’une filiation adoptive. Ce n’est pas encore cependant l’adoptianisme postérieur qui ne reconnaît dans le Christ, considéré dans sa nature humaine, qu’un Fils adoptif de Dieu. De là l’affirmation du concile : Hic cliam Filius Dci naturu est Filius, non adoptione. Denzinger-Bannwart. n. 276 ; Cavallera, n. 575. La foi en Jésus-Christ est longuement exposée : Seule la personne du Fils a pris, pour libérer le genre humain, une humanité véritable et sans péché, dans le sein de la sainte et immaculée vierge Marie, dont il est né par une nouvelle naissance et selon un nouvel ordre de choses. Le nouvel ordre de choses nous montre l’invisible dans sa divinité qui s’est t’ait visible dans son humanité : la naissance nouvelle nous montre Jésus-Christ conçu virginalement par une femme fécondée de l’Esprit Saint. Et cependant l’Esprit Saint n’est pas le l’ère de Jésus qui ne saurait avoir deux Pères. Le Verbe s’est fait chair, mais ne s’est pas converti en chair ; il demeure Dieu, se faisant homme. Il s’est fait chair, c’est-à-dire homme, avec une aine raisonnable. Et ce tout qu’est le Verbe incarné, c’est un Dieu et c’est un homme, c’est Il loiniiie-Dieu Il y a deux natures en Jésus-Christ et une seule personne : l’union des natures est indissoluble ; Dieu parlait, homme parfait, Jésus Christ n’est cependant qu’une personne : admettre en lui deux personnes serait introduire une’quaternité en Dieu. Bien que les trois personnes de la Trinité soient consubstantielles, la vierge Marie n’a engendré que le Fils, Toute La Trinité a opéré l’incarnation, les œuvres de la Trinité étant indivisibles. Seul le Fils a pris la tonne d’esclave ll’hil.. n. 7) non dans l’unité de la nature divine, mais dans la singularité de sa personne, dans ce qui lui est propre et non dans ce qui est commun à la Trinité. Et ainsi dans le Verbe incarné nous pouvons distinguer trois substances, la substance du Verbe, qui se rapporte à la nature divine, et la substance de l’âme et du corps, qui se rapportent à la nature humaine. Sur la formule : dux naturie, 1res substantiel, voir Hvpostatique ( Union), col. 507-508. Jésus-Christ a donc en lui-même la double substance de sa divinité et de notre humanité. En tant qu’il procède de toute éternité du Père, il est né, mais n’a pas été tait, ni prédestiné. En tant qu’il est né de la vierge Marie, il est né, il a été fait, il a été prédestiné. Il y a donc en lui deux générations admirables, l’une par laquelle il est engendré du Père, sans le secours d’une mère, avant tous les siècles, l’autre par laquelle, à la fin des temps, il a été engendré d’une mère, sans le secours d’un père. En tant que Dieu, il a créé Marie ; en tant qu’homme il a été fait par Marie : il est donc à la fois le père et le fils de sa mère. De même, en tant que Dieu, il est l’égal du Père ; en tant qu’homme, il est moindre que le Père. Considéré en lui-même, il est à la fois son supérieur et son inférieur : la divinité en lui l’emporte sur l’humanité, l’humanité est inférieure à la divinité II faut également confesser que le Fils, dans sa divinité est l’égal du Saint-Esprit, et que, dans son humanité, il en est l’inférieur ; car seule, la personne de Fils s’est incarnée et peut-être dite, dans sa chair, inférieure aux deux autres. Le Fils, dans sa personne se distingue, sans pouvoir en être séparé, du Père et du Saint-Esprit ; il se distingue, sans pouvoir en être séparé, de l’homme qui est en lui, dans la seule nature qu’il a prise. Le Fils uni à son humanité constitue une personne : uni au Père et au Saint-Esprit, il ne lait qu’une nature ou substance de la divinité. L’opération de la Trinité étant une et indivisible, le Fils a été envoyé sur terre non seulement par le Père, mais par l’Esprit et par lui-même. Ainsi, celui qui par sa naissance éternelle est appelé le Fils unique, par sa naissance temporelle dans la chair qu’il a prise est dit le Fils premier-né. Jésus-Christ, conçu sans le péché, né sans le péché, est mort sans avoir péché, lui qui pour nous s’est fait péché (II Cor., v. 21), c’est-à-dire s’est fait victime, pour nos péchés. Et cependant il a voulu, sans rien perdre de sa divinité souffrir pour nos fautes, être livré à la mort et subir en croix une mort véritable de sa chair ; niais le troisième jour, par la seule force de sa propre puissance, sorti du sépulcre, il est ressuscité. I.a résurrection du Christ est le modèle de notre résurrection future… Âpres sa résurrection, le même Jésus-Christ Notre-Seigneur est allé reprendre sa place près du Père, dont il ne s’était d’ailleurs, dans sa divinité, jamais éloigné. Et siégeant à la droite du l’ère, il est attendu à la fin des siècles, comme le juge.le tous les Vivants et de tous les morts… Denzinger-Bannwart, n. 282-287 ; Cavallera. n. 731-733. 9° Lettre dogmatique du pape Agathon (680). - Voir le texte, t. i. col. 561-562, et les remarques laites à Ilvi’os i m nu i : (Union), col. 189-490. Autour de cette lettre peuvent être groupées la formule de foi du concile de Milan de 680, P. /… t. xiii. col. ('>"> 1-053 : Cavallera, n. 734, et la formule de foi d’Agathon approuvée dans la xviir session du IV’concile de Constantinople. Cavallera. n. 737-738. Ki" L< /// concile de Constantinople (670-081). I.a décision dogmatique de ce concile, relativement à l’hérésie du monothélisme, décision préparée et Indiquée par Agathon, accuse un progrès dans le dogme de JéSUS-Christ. I.e pape saint l.éon dans sa lettre a Flavlen axait posé les prémisses d’où la solution aux difficultés des monolhéliles devait être tirée : i hacune des deux formes opère avec le concours de l’autre ce (gui lui est propre, le Verbe accomplissant JÉS1 S-CHRIST. LES PROGRÈS DOGMA riQl ES l LTÉRIE1 RS 1270 ce qui relève du Verbe, et la chair ce qui relève de la chair. » A la question posée : Y a-t-il en Jésus-Christ une ou deux opérations, un ou deux vouloirs ? le concile répond : Nous glorifions dans le même Notre-Seigneur Jésus-Christ ] notre vrai Dieu, deux opérations naturelles, sans division, sans changement, sans partage, sans confusion. à savoir : une opération divine et une opération humaine… Nous n’accorderons pas qu’il n’y a qu’une opération naturelle de Dieu et île la créature, ne voulant ni élever la créature a la hauteur de l’essence divine, ni rabaisser la sublimite de la nature ili ine au niveau des créatures. Car nous reconnaissons qu’à un seul et même être appartiennent et les miracles et les souffrances, mais selon l’élément propre a chacune des natures dont il est composé et dans lesquelles
    l a l’être, comme dit l’admirable Cyrille. Maintenant donc,
    absolument l’incontusion et l’indivision, nous proclamons pour résumer le tout, ce qui suit : Croyant que l’un de la sainte Trinité est, après l’incarnation, Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre vrai Dieu, nous disons qu’il y a en lui deux natures irradiant dans son unique hypostase, en laquelle il a manifesté, non pas apparemment, mais véritablement. dans tout le cours de son existence incarnée, et les miracles et les souffrances ; la différence naturelle (de nature) dans cette unique hypostase se reconnaissant a ee fait que l’une et l’autre nature veut et opère ce qui lui est propre avec le concours de l’autre. De cette façon donc, nous proclamons et ileux vouloirs et deux opérations naturelles concourant ensemble au salut du genre humain. Denzinger Bannwart, n. 2D2. Cavallera, n. 7 1 1. Trad. du texte cité à Constantinople [III concile </e>, t. iii, col. 1268-1269. On recourra à l’article Constantinople (III" concile de), t. iii, col. 1260-1273, pour l’exposé du dogme défini en ce concile. Il suffit ici de faire observer comment la conclusion dogmatique : dualité d’opérations suit dualité de nature, nonobstant l’identité de la personne qui maintient la coordination des opérations divine et humaine, devient dogme elle-même par le fait de la proposition authentique de l’Église. On remarquera aussi que le principe rappelé par le concile après saint Cyrille d’Alexandrie relativement aux miracles et aux souffrances du Christ est fécond en conséquences, les théologiens les tireront plus tard pour expliquer la coexistence en Jésus-Christ de sentiments et de passions contraires. Voir plus loin, col. 1330. 11° Le X Ve concile de Tolède (688) reprend, au sujet de la constitution interne du Christ, la formule : duæ naturee, très subslantia avec la défense de saint Julien, l’n siècle plus tard, à propos de l’adoptianisme, le concile de Francfort (794) mettra en garde les évêques espagnols contre une formule susceptible d’interprétation erronée. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 507-508. Denzinger-Bannwarl, n. 294, 312 ; Cavallera, n. 747-7 -lit. 12° Désormais, les formules de foi subséquentes n’apporteront aucun progrès nouveau, aucune précision nouvelle, sauf sur trois points principaux qui vont être incessamment signalés. Cf. profession de foi de Léon III (809), Cavallera, n. 750 ; de saint Léon IX 3), Denzinger-Bannvart, n. 344 ; Cavallera, n. 761 ; définition du IV* concile de Latran (1215), Denzinger, n. 429 ; Cavallera, n. 760 ; profession de foi de Michel Paléologue (1274), Denzinger, n. 402 : Cavallera, n. 761 ; décret pour les Jacobites, concile de Florence (1438-1445), Denzinger. n. 708-710 ; Cavallera, n. 769770 ; profession de foi imposée aux orientaux par Benoit XIV (1743), Denzinger, n. 1462, 1463, 1101 ; Cavallera, n. 715 lin. Voir dans Cavallera, divers autres documents de moindre importance : n 692, Gélase, (402-100), Traité des deux natures ; cf. Denzinger. n. 168 ; n. 700-701, Anastase II à Laurent de Lignido (497) ; n. 704, l’Église orientale au pape Symniaque, sur les formules ex duabut et in ilimbus natnriï (512) ; n. 705, Jean II ad unatore » (534), sur « la formule : l’nus de Trinitnle passus est ; cf. Deq xinger-Bannwart. n. 201 et ici col. 595 ; n. 720 lage I" (557), lettre a Cliildebert ; n. 722, GrégOll Grand ; n. 746, s. Léon il (682), trois lettres : i) a l’empereur Constantin ; 2) aux évêques d’Espagne ; 3) au roi d’Espagne, Ervige ; n. 757-760, profession de foi de Nicéphore, patriarche de Constantinople, a Léon III. 12° Les trois points sur lesquels le dogme de Jésus-Christ accuse un progrès après le vir’siècle sont les suivants : 1. Jésus-Christ, comme homme, n’est pas le Fils adoptif de Dieu. C’est toute la question de l’adoptianisme au viir siècle. Voir ce mot. t. i, col. 403-413. 2. Jésus-Christ, dans l’unité de sa personne divine, forme un tout substantiel : l’union hypostatique n’est donc ni extrinsèque, ni accidentelle. C’est toute la question du néo-adoptianisme du xiie siècle et des erreurs d’Abélard. Vcrir Abélakd (articles condamnés par Innocent II), t. i, col. 43, sq. ; Adoptianisme au xiie siècle, t. i, col. 413-418 ; Hypostatiqui (Union), t. vii, col. 512-517 et les condamnations portées par Alexandre III, t. i, ccl. 416-417. Ici, le progrès dogmatique se continue au xive, xvie et xviie siècles sur un triple objet. On voit s’éliminer et perdre toute probabilité théologique : l’opinion téméraire de Durand de saint Pourçain, selon laquelle Jésus-Christ, comme homme, en vertu des grâces conférées avec l’union hypostatique, serait aussi fils adoptif de Dieu ; l’opinion fausse de Suarez, selon laquelle Jésus aurait, vis-à-vis de Dieu le Père, une double filiation naturelle ; sur ces deux premiers points voir Adoptianisme (Nouvelles controverses depuis le A/I’e siècle), t. i, col 418-421 ; l’opinion erronée de Hardouin et Berruyer, selon laquelle il y a en Jésus-Christ deux filiations naturelles, l’une existant dans la personne du Verbe, par rapport au Père, l’autre réalisée dans l’humanité de Jésus, par rapport à la Trinité tout entière. Sur ce dernier point, voir Hyeostatique (Union), t. vii, col. 549-554. 3. Les décisions antiapollinaristes avaient établi que dans l’humanité de Jésus l’âme prise par le Verbe était non seulement principe vital, mais encore principe raisonnable. Le IVe concile de Constantinople en 870, avait, dans son onzième canon (8e grec), interdit la doctrine de la dipsychie dans l’homme. Voir t. iii, col. 1299-1301. L’unité de l’âme humaine implique deux conséquences : l’information du corps humain par l’âme raisonnable et intellective ; l’identité du principe intelligent et du principe vital dans l’homme. La première conséquence a été authentiquement promulguée par le concile de Vienne (1312) comme une vérité de foi divine et catholique. Nous confessons que le Fils unique de Dieu., a pris dans le temps et dans le sein virginal [de Marie) pour les élever à l’unité de sou hypostase et de sa personne, les parties de notre nature [humaine], unies ensemble, et par lesquelles, lui, existant en soi vrai Dieu, est devenu vrai homme, à savoir le corps passible et l’aine intellective ou rationnelle informant Braiment par elle-même et essentiellement le corps même. Denzinger-Bannwart, n. H$0 ; Cavallera, n. tôt. Cette âme, forme du corps humain, est l’âme immortelle et numériquement nmltipliable et multipliée selon le nombre des corps auxquels elle se trouve unie. L’âme de Jésus-Christ lui appartient donc en propre et singulièrement. Ve concile de Latran, Denzinger-Bannwart, n. 738. Sur tous ces points, voir Forme m corps humain, t. vi, col. r> t * 588. La deuxième conséquence esi déduite, comme une vérité théologiquemenî certaine, de La condamnation, par Pie IX. des erreurs de Gûnther, Baltzer et Knoodt. Voir FORMI l’i CORPS in MAIN, col. 559.>l a dire qu’on ne puisse signaler d’autres précisions dogmatiques : mais elles sont, rela tivement aux précédentes, d’importance moindre. On les a, d’ailleurs, déjà indiquées à l’article Hypostatique (Union), et elles visent des erreurs récentes renouvelées des siècles passés. Ainsi, l’anathème du IIe concile de Nicée contre ceux qui ne reconnaissent pas a l’humanité du Christ une forme déterminée, Denzinger-Bannwart, n. 307, Cavallera, n. 750, est rappelé opportunément à l’occasion de l’ubiquisme des luthériens ; cf. Hypostatique (Union), col. 542543 sq. Ainsi les condamnations du nestorianisme peuvent heureusement s’appliquer aux théories modernes d’union dynamique ou volontaire, conçues comme explication, de l’union hypostatique par Gûnther et Rosmini, id., col. 551-558, a fortiori aux théories, destructives de toute unité substantielle dans le Christ, imaginées par ies protestants libéraux, id., col. 559-564. Sur les critiques radicaux, voir plus loin : Jésus-Christ et la critique. IV. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. — Ce titre, par lui-même trop vague, a besoin d’être précisé. Nous entendons ici la théologie dans son sens strict : il s’agit de la science des conclusions plus ou moins éloignées que la raison peut déduire du dogme. Le dogme est contenu formellement, soit explicitement soit implicitement dans la révélation ; la théologie n’est que virtuellement renfermée dans la révélation. Pour l’en faire sortir, il faut faire appel au secours d’un raisonnement. La théologie de Jésus-Christ s’efforce donc de mettre en relief les traits de la figure du Sauveur laissés dans l’ombre par les écrits inspirés, mais contenus cependant dans d’autres traits plus expressifs qu ont retenus nos auteurs sacrés. Nous considérerons surtout les vérités théologiques les plus étroitement connexes au dogme sous les trois rubriques suivantes :
    I. Conclusions relatives à l’être même de Jésus-Christ. —
    II. Conclusions concernant les relations du Christ et du Père(col. 1332). —
    III. Le Christ considéré dans ses relations avec les hommes (col. 1345). I. Conclusions théologiques relatives a l’être même de Jésus-Christ. — Ces conclusions se rapportent :
    1° ù la personne divine qui s’est incarnée en Jésus-Christ et, sur ce point, elles oui été suffisamment exposées soit à Hypostatique (Union), t. vii, col. 518-519, soit surtout à Incarnation, col. 15111523 ;
    2° à la nature humaine, considérée dans son union au Verbe, voir Hypostatique (Union), col. 519521, ou par rapport aux perfectionnements qui doivent, en suite de l’union, rejaillir sur elle-même ; c’est le point de vue qu’il nous faudra aborder ici ;
    3° à l’union même des deux natures : on n’a rien à ajouter, de ce chef, au long exposé déjà Fait, Hyposi mne (Union >, col. 190-541 ;
    4° aux formules à employer pour attriquer à Jésus-Christ, Dieu et Homme, les propriétés humaines et divines : c’est la communication des idiomes voir ce mot, t. vii, col. 595-602. La sainte Écriture, surtout par la voix de saint Paul et de saint Jean, nous a laissé entrevoir les merveilles de la constitution et de la vie intime de l’Homme-Dieu, l’ius dune fois, les Pères onl rappelé ces enseignements et formulé leur propre doctrine. Mais c’est à la théologie catholique qu’il était réservé de préciser d’une façon définitive d’une part quelles perfections d’ordre naturel et surnaturel l’union hypostatique devait apporter soit au corps soit à l’âme du Sauveur, et, en conséquence, d’autre part, quels défauts, quelles faiblesses de la nature humaine encore, en Jésus-Christ, compatibles avec une perfection (col. 1327). I. PERFECTIONS v VTVRBLLBS i ; r 8VRJ/ATORBLLB8 DU CORPS ET DB V i mi : VI Jl 3UB-CBRI8T, — 1° Le corps du Christ. Le Christ, avant sa résurrection, était à la fois voyageur et i compréhenseur. Par son corps, il demeurait encore dans la voie ; par l’âme, il était déjà au terme. Il ne faut donc pas songer à attribuer au corps du Christ, avant la résurrection, les qualités glorieuses que le rejaillissement naturel de la gloire de l’âme aurait dû y produire. Mais toutes les qualités nécessaires à l’intégrité et à la perfection substantielle de ce corps, Jésus les a très certainement possédées : on ne comprendrait pas que celui qui fut le chef-d’œuvre de l’Esprit Saint ait été privé d’une seule perfection physique possible au corps humain. Tous les théologiens le supposent implicitement, en parlant des défauts naturels compatibles avec la perfection de l’union hypostatique. S. Thomas. Sum. theol., III*, q. xiv, a. 4 ; les sententiaires, t. III, dist. xv, et nommément S. Bonaventure, a. 1, q. i, u ; Richard de Middletown, q. n. m ; Durand de Saint-Pourçain, q. i, cités par Suarez, De incarnatione, disp. XXX II, sert, il, n. 2. De ce principe général, les théologiens déduisent deux conclusions. — 1. Il est certain, et Suarez, toc. cit., n. 7, note l’opinion contraire comme téméraire, que le Christ n’a pu connaître, dans son corps, la maladie ou l’indisposition sous quelque forme que ce soit. On ne saurait, en effet, dans le corps de II tomme-Dieu leur assigner une cause quelconque : malformation congénitale, intempérance, influences nocives de l’atmosphère ou des saisons. Suarez, loc. cit., Slentrup, De Ycrbo incarnalo, thèse lix. — b) Il est plus probable que le corps du Christ et particulièrement son visage ont eu la beauté physique en partage. S’appuyant sur Is., lui, 2, Clément d’Alexandrie, Pœdag., t. III, c. i ; Stromat., t. III, c. xvii, P. G., t. viii, col. 558 sq., 1208 ; Tertullien, De carne Christi, c. ix, P. L., t. ii, col. 779, ont affirmé la laideur du Christ, thèse reprise par Michel Médina, S. J., De recta in Deum ftde, 1. II. c. vu et surtout François Vavasseur, S. J., De forma Christi, Paris, 1649. Petau, De incarnatione, t. X, c. v, n. 22, fait iemarquer l’extrême faiblesse de cette base scripturaire : lsaïe, en effet, ne parle que du Christ souffrant au moment de sa passion et de sa mort. La thèse contraire a pour elle la plupart des Pères et des théologiens : on cite surtout saint Augustin, saint Jérôme, saint Chrysostomc, saint Bernard. Voir la réfutation de Vavasseur dans Stenlrup. op. cit., thèses i.x-i.xi. Cf. Janssens, Summa theologica, t. iv, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, De speciosa forma corporis Christi, appendice, p. 505-520. L’opinion de saint Thomas est nettement formulée dans son commentaire In ps. vL/i, n. 2, Opéra, Parme, t. xiv, [). 32(i. Cf. s. Bonaventure, In IV Sent., 1. III. dist. XV a. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sert. n. n. 2-4 ; Salmanliccnscs, De incarnatione, disp. XXIV, n. Il ; Legrand, De incarnatione Verbi dii>ir)i, t. IX, c. ii, a. 5. concl 3. dans Migne, Cursus tlwologicus, t. i. Cf. Pesch, De Vcrbo incarnalo, n. 233 ; voir ci-dessus, col. 1 153. Au sujet de la formation du corps du Christ, les anciens scolasliques. abandonnant leur théorie de l’animation médiate, voir ANIMATION, t. i, col. 1305 sq. affirment que le corps du Christ a été formé et animé dans le premier instant de sa conception. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxxiii, a. 1, 2. H est difficile, en effet, de ne pas en arriver à cette conclusion, si l’on accepte le dogme : Qui conceptus est de Spiritu sancto. Si Jésus n’avait pas été complet, parfait, comme homme, des le premier instant de sa conception, on ne pourrait, en toute vérité, le dire conçu du Saint-Esprit. Noir les Sententiaircs, I. III, dist. IIP Mais cette dérogation aux lois de la nature s’explique avec beaucoup de difficultés (dans l’hypol liése de l’animation normalement médiate). Cf. Suarez. De mi/steriis vitw Christi, disp. XI. sert, i. u. Dans l’hypothèse de l’animation Immédiate, il n’a aucune difficulté. Voir AlNIM TlnN, col. 1319. 1273 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ Dl CHRIST 1274 2° L’Ame du Christ. Les théologiens n’ont rien pu ajouter aux données de l’évangile relativement aux perfections naturelles de l’ftme du Christ. Noir col. 1156 sq. Ils se sont elTorcés de synthétiser la doctrine catholique relativement à la science et à la sainteté de Jésus-Christ. 1. Science humaine de Jésus-Christ. La question de la Science du Christ devant être traitée dans un article spécial, nous n’en rappellerons ici que les conclusions admises par les théologiens et nécessaires à l’intelligence des termes du problème relatif a la sainteté et à l’obéissance du Christ. La question de la science du Christ avait été agitée par les Pères, contre les ariens, à partir du ive siècle, à cause de Marc, xiii, 32 et de Luc, ii, 52. Voir col. 1259 sq.. Les principes de solution avaient été formulés par saint Jean Chrysostome, saint Augustin et plus tard Euloge, explicitement approuvé par saint Grégoire le Grand. Les scolastiques s’emparent de ces données traditionnelles et les systématisent. Le Verbe de Dieu a dû prendre, en s’incarnant, une humanité qui possédât toutes les perfections convenant à l’humanité, excepté celles qui seraient contraires à la fin de l’incarnation, par exemple la personnalité humaine, l’exemption de la souffrance et de la mort. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. v, a. 1-4. Il faut donc, en conséquence, distinguer en Jésus-Christ deux sciences, l’une qu’il possède comme Dieu et qui est infinie ; l’autre qu’il possède comme homme et qui n’est que la perfection due à son intelligence humaine, q. ix, a. 1. Quelle est donc la perfection due à l’intelligence humaine du Christ ? a) Le Christ homme est à la fois au terme et dans la voie, q. xv, a. 10. Comme compréhenseur, il doit posséder la connaissance de vision intuitive. Il reçut donc la vision béatifique d’une façon plus parfaite que n’importe quelle créature, parce qu’uni plus intimement au Verbe lui-même, q. x, a. 4, et il la reçut dès sa conception, q. xxxiv, a. 4. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXV, sect i, n. 4. L’objet de la science que le Christ a ainsi possédée en raison de la vision intuitive n’est pas infini : l’intelligence humaine du Christ ne peut « comprendre » Dieu, qui est infini, parce qu’elle-même, étant une créature, est nécessairement finie. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. x, a. 1 ; Suarez, op. cit., disp. XXVI. Le concile de Bâle (1435) a d’ailleurs censuré, dans un livre d’Augustin de Rome, la proposition suivante : Anima Christi videt Deum tam clare et intense quantum clare et intense Deus videt seipsum. Cf. Intuitive (Vision), t. vii, col. 2381. Mais la science de Jésus s’étend très certainement, quant à son objet secondaire, voir Intuitive (Vision), col. 2386, à tout ce qui intéresse l’incarnation. Or le Verbe incarné est le chef de tous les hommes et même des anges ; il doit être le juge souverain de toutes les créatures responsables : il faut donc que la science bienheureuse qu’il possède en vertu de la vision intuitive s’étende à tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou même pensé par les créatures raisonnables et dans tous les temps. S. Thomas, Sum. theol., III q. x, a. 2. D’un mot, les théologiens résument l’étendue de cet objet en disant que, par sa science bienheureuse, le Christ connaît tout ce que Dieu lui-même connaît par sa science de vision. Suarez. loc. cit., sect. iv. Sur la science divine de vision, voir Science de Dieu. Ces conclusions, au moins théologiquement certaines, et quant à l’existence et quant à l’étendue de la science bienheureuse de l’âme du Christ, cf. Suarez, De incarnalione, disp. XXIV. ^ect. i, ont été confirmées par le décret du Saint-Office du 7 juin 1018 Cavallera, Thesaur. , n. 778 ; Hugon, Le décret du Saint-Office louchant la science de l’âme du Christ, dans la Revue thomiste, avril-juin 1018, p. 105-110. b) Ln dehors de cette science bienheureuse, en tous points surnaturelle, on doit accorder à l’âme du Christ, parce que cette âme est parvenue à l’état du tenue, même dès le premier Instant tic son existence, la science propre aux âmes arrivées à ce terme. Cette science est la science essentiellement infuse, per se infusa, c’est-à-dire infuse en raison même de l’étal de terme et du mode de connaissance qu’implique cet état. Sur ce mode de connaissance, qui se fait par conversion de l’intelligence aux espèces infuses, voir Anqélolooie d’après les Scolastiques, t. i, col. 1232-1235 et Hugon. l’Etat des âmes séparées, c m-iv, dans Réponses théologiques à quelques questions d’actualité, Paris, 1908, p. 230-253. La plupart des théologiens accordent au Christ cette science infuse per se. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. xi, et ses commentateurs. Il n’est pas même vraisemblable que les rares théologiens Scot, saint Bonaventure, quelques nominalistes, qu’on a coutume d’inscrire en faux contre l’opinion thomiste, aient en realité accusé une vraie divergence avec saint Thomas, quant à la question de l’existence de la science infuse. Voir Ch. Pesch, op. cit., n. 263. Les divergences portent plutôt sur l’objet de cette science et son étendue. Id. n. 265. On trouvera dans Suarez, op. cit., disp. XXVII-XXVIII, un bon exposé de la question. Faut-il aussi accorder au Christ une science infuse accidentellement, per accidens infusa, c’est-à-dire, immédiatement reçue de Dieu, mais se substituant purement et simplement à la science acquise encore inexistante et dont elle emprunte le mode de connaissance ? Saint Thomas ne l’accepte point, Sum. theol, . IIP, q. ix, a. 4, ni les commentateurs thomistes. Voir aussi Vasquez, De incarnalione, disp. XLV, c. n. Suarez estime cette opinion probable, car le Christ n’a pu être inférieur à Adam, op. cit., disp. XXX, sect. ii, n. 1, 2 sq.De Lugo estime que cette connaissance accidentellement infuse a été confiée au Christ non dès le principe.puisqu’elle lui aurait été alors inutile, mais successivement au fur et à mesure des circonstances. De incarnalione, disp. XXI, sect. i. En tout cela, il n’y a rien que des conjectures plus ou moins probables, et l’existence même d’une science infuse dans l’âme de Jésus-Christ, considérée indépendamment de toutes les modalités théologiques, ne peut se déduire avec certitude du dogme de l’union hypostatique. Cf. Suarez, disp. XXV. sect. iii, n. 3. — c) Enfin, le Christ, comme nous, a possédé la science expérimentale ou acquise, susceptible de vrai progrès, et par laquelle le Christ élaborait, selon les lois de l’intelligence humaine à l’état de voie, des données sensibles acquises par l’expérience, les idées représentatives du monde matériel. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. ix, a. 4. Ainsi le Sauveur acquit la connaissance de tout ce qu’un homme de son époque pouvait expérimentalement apprendre, q. xii. a. 1 ; il l’acquit par ses propres efforts, sans le secours des hommes, id., a. 3, ou des anges et très facilement. id., a. 4. Saint Thomas avait nié la nécessité, dans l’âme du Christ, des espèces impresses formées au cours de l’expérience sensible par l’intellect agent, In I’Sent., t. III, dist. XIV, q. i, a. 3, q. v, ad 3 ; il l’admet pleinement dans la Somme théologique, loc. cit., a. 2. D’ailleurs, la science acquise du Christ a toujours été conforme à ce que, vu les circonstances, il était convenable qu’il sût ; nonobstant son développement progressif et continu, elle a donc toujours été. relative ment à cette convenance, parfaite. L’existence de la science expérimentale dans le Christ est tnéologtqac ment certaine. 2. La sainteté du Christ. Ce couii aperçu sur la théologie de la science de l’âme du Christ sera déve loppé a Science do Christ ; mais il (’tait nécessaire de le produire ici afin de nous permettre de mieux comprendre ce que fui la sainteté de lame du Christ avons déjà vu que cette sainteté est attestée |’" 127 :. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L276 les synoptiques, col. 1158, par saint Paul, col. 1235 el par saint Jean, col. 1243 ; qu’elle est proclamée par les Pères de l’Église, col. 1218, 1258. etc. Les théologiens scolastiques n’ignorent pas ces preuves positives et c’est sur elles qu’ils fondent la certitude de quelques-unes de leurs thèses, bien qu’il n’y ait, à leur sujet, aucune déclaration authentique de l’Église. a) Le problème théologique de la sainteté de Jésus-Christ : sainteté substantielle incréée, sainteté accidentelle créée. - La sainteté qui comporte l’union, la conjonction avec Dieu, d’une façon ferme et stable, voir Sum. theol., II « II », q. i.xxxi, a. 8, ne se trouve pas réalisée de la même façon dans les différents êtres qui en sont susceptibles. En Dieu, cette sainteté est essentielle : l’union est réalisée par l’identité, et la stabilité de l’union se confond avec l’acte pur. Dans l’ange ou dans l’homme, la sainteté, tout en affectant la substance de l’esprit, est accidentelle et résulte Formellement de la grâce sanctifiante, principe créé qui les rend participants de la nature divine et capables d’opérer surnaturelleinent. Mais, en Jésus-Christ, en qui l’unité de personne renferme, unies en une conjonction étroite, la divinité et l’humanité, quel est le principe formel de la sainteté ? On le voit, il ne s’agit pas d’expliquer la sainteté essentielle au Verbe comme tel ; ce point est étranger à la présente controverse. Mais on considère uniquement la sainteté humaine en Jésus-Christ, sainteté explicitement affirmée par l’Écriture, Luc, i, 35 ; Joa., x, 36 ; Act., iii, 14, et qu’il faut absolument reconnaître en celui qui, étant le médiateur de Dieu et des hommes, I Tira., n. 5. doit communiquer à tous de la plénitude de sa sainteté. Joa., i, 16. Et on se demande si l’humanité du Christ a été sanctifiée par le seul fait de l’union hypostatique, d’une. sainteté incréée, ou bien si la grâce habituelle, infuse et créée — que cette humanité a d’ailleurs très réellement possédée, a été nécessaire à sa sanctification. La controverse est propiement théologique et bien postérieure a saint Thomas qui ne l’a point envisagée directement. Et, en réalité, une simple remarque suffirait à mettre d’accord entre eux les théologiens. Si la sainteté n’était en Jésus qu’un principe des opérations surnaturelles de l’union à Dieu par la connaissance et par l’amour, on devrait affirmer qu’elle résulte nécessairement et uniquement de la grâce habituelle, infuse et créée. C’est à ce point de vue que certaines scotistes se sont placés pour affirmer une thèse peu acceptée des autres docteurs catholiques. Mais, en Jésus-Christ, la sainteté est, avant tout, un état, l’humanité du Sauveur étant indissolublement et substantiellement unie à la divinité. De même que cette union est substantiellement surnaturelle, voir Hypostatique (Union), col. 532, de même la sainteté qu’elle implique est une sainteté substantielle, logiquement antérieure a la sainteté des opérations surnaturelles issues de la grâce créée et des vertus qui en dérivent. b) Sainteté substantielle incréée. a. Problème principal. L’union hypostatique est le plus parfait des dons que I)ien puisse faire â une créature : elle est une union qui dépasse toute aulie union. HYPOSTATIQUE (Union), col. 532-53 1. Toutefois, nous L’avons déjà fait observer, ce serait s’arrêter â une conception trop étroite que de considérer l’union hypostatique séparément de la vision béatilique, de la grâce sanctifiante, de la gloire qui en est le complément et le couronnement nécessaire. C’est pour s’être arrêté â cette hop subtile distinction que Durand de Saint l’ourçain et les scot istes en général on1 nié la sainteté substantielle Incréée de Noire seigneur. Durand de Saint-Pourçain’arrêtant a l’hypothèse d’une nature humaine., dé pourvue de grâce sanctifiante, mais unie hj postatique ment à la divinité, allirme que cette nature humaine, nonobstant l’union hypostatique, eut été faillible et aurait pu pécher. In IV Sent., t. III, dist. xii, q. n. u. 7. D’autres théologiens, dans la même hypothèse, refusent au Christ la puissance de mériter. Pierre de la Palu, P<L, dist. XIII, q. n ; Didace Alvarez, In ///>" » partem Sum. theol., q. vii, a. 1, disp. XXXI, n. 18. Toute une école, à laquelle on voudrait rattacher saint Bonaventure, prétend que la grâce sanctifiante créée est nécessaire comme condition logiquement préalable â l’union hypostatique. Voir ce mot, col. 529. Toutes ces opinions, sous une forme ou sous une autre, proclament la nécessité de la grâce sanctifiante pour que le Christ puisse agir saintement. Nous avons indiqué tout à l’heure comment l’aspect de l’opération surnaturelle dans la sainteté du Christ justifie ces assertions. Une seconde opinion, qui est à proprement parler celle de l’école scotiste, affirme que l’union hypostatique sanctifie l’humanité du Christ, non formellement, niais fondamentalement, en ce sens qu’elle est la source, la racine de la sainteté en Jésus. Elle n’est pas par elle-même la justice, mais elle produit nécessairement la grâce habituelle créée qui devient la forme même de la sanctification. Cf. Mastrius, De incarnatione, disp. II, q. i, n. 16 ; Ilenno, id., disp. XIV, q. 1. Les thomistes et. en général, la plupart des théologiens catholiques estiment que ce n’est pas assez dire. L’union hypostatique, d’après une troisième opinion, reçue de presque tous, sanctifie formellement, c’est-âdire immédiatement, par elle-même, directement et non seulement par une exigence physique ou morale de la grâce habituelle, l’humanité de Jésus-Christ. Cette explication du terme formellement est ici nécessaire pour éliminer de notre esprit la conception d’une forme inhérente à l’âme de Jésus-Christ (principium quo), par laquelle cette âme serait sanctifiée. Le principe de la sanctification substantielle du Chiist est le Verbe lui-même uni immédiatement à l’humanité (principium quod). Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XII, dub. i, § 3, n. 16 ; Gonet, De incarnatione, disp. XI, a. l, n.8 ; Hugon, /> Verbo incarnalo, Paris, 1920, p. 144. Cette sanctification de l’humanité est comme un sacre, une onction qui fait du Christhonimc. même antérieurement â la possession de la grâce sanctifiante (antériorité purement logique) l’objet des complaisances de Dieu. Voir, dans l’école thomiste, Médina, In III’m p. Sum. S. Thomæ q. vii, a. 1, dub. 2 ; Jean de s. Thomas, De incarnations, disp. VIII, a. 1, concl. 1 et 2 : Godoy, id., disp. XXI, n. 4 ; Gonet, id., disp. XI, a. 1 ; D. Soto, In IV Sent.. t. IV, disp. N1X. q. i, a. 2 ; De mdura et ijratia, t. III, c. vi ; BiUuart, De incarnatione, dissert. VIII, a. l ; en dehors de l’école thomiste, les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, unanimement, Suarez, De incarnatione, disp. XVIII, sect. i, n. 3 : Grégoire de Valencia, id., disp. i, q. vii, punct. l : Vasquez, id., disp. |.|, c. m ; De Lugo, id., dis]). XVI, n. 2 : et de nos jours, llugon. op. cit., q. v, a. 1 : Le nu/stère de l’incarnation, Paris. 1913, [V « partie, c. i : Stentrup, <ip. cit., th. i.x.wir ; Franzélin, DeVerbo incarnalo, th. xi. i ; Ch. Pcsch, De Verbo tncarnato, prop. xxii ; limier, Theologia dogmatica, n. 584 sq.. etc. Ces théologiens ne prétendent pas, pour autant, supprimer la nécessité de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ comme principe des opérations surnaturelles. La sain teté substantielle du Christ regarde l’étal de l’humanité unie â la divinité et non directement ses opéra-I ions. Ces explications données, il n’est point difficile de montrer comment l’opinion communément admise est fondée en autorité el en raison. En autorité tout d’abord. La sainte Écriture atteste que le Christ a reçu 12 ;
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L278 une onction singulière entre toutes, et tellement exceptionnelle qu’il en a pris son nom, yp’.OTÔ-, l’Oint. Il Cor., i. 21, 22 ; I Joa., ii, 20, 27 ; ci. Ps. xliv, 8 ; Is. i.xi. 1 : LUC, iv. 18 ; Act., iv. 27 :. 38 On pourrait à la rigueur entendre cette onction île la grâce sanctifiante, mais où serait alors la pleine signification des textes, qui comporte une différence radicale, essentielle entre l’onction de Jésus-Christ et l’onction des justes ? Les Pires expliquent que telle onction est la divinité elle-même s’unissant à l’humanité, soit qu’il s’agisse de la cause active de l’union hypostatique.par exemple S. Irénee. Cont. Hteres., 1. III. c. xviii. n. 3, P. G.. t. vu. col. 924 ; S. Cyrille d’Alexandrie. In Joa.. 1. XI. c. P. G., t. i.xxiv. col. 542 (on peut aussi entendre l’onction désignée dans ces textes de la grâce habituelle créée, cf. Franzelin, th. xii. g 1, n. 2 ; Pesch, n. 283) ; soit surtout qu’il s’agisse du Verbe s’unissant immédiatement à l’homme, par ex. S.Grégoire île Nazianze, Oral., xxx. n. 21. P. G., I. xxxvi, col. 131 ; S. Jean Damascène, De fuie orthodoxa, t. III, c. m ; Oral. I de imag., tin. P. (, ’.. t. xerv, col. 990. 1249 ; S. Augustin. De Trinitate, t. XV, c. xxvi, P. I… t. xi.u. col. 1093-1094 ; S. Grégoire le Grand, EpisL, t. XI, i.xvii. P. L.. t. i. xxvii. col. 1208 ; etc. Voir les textes dans Pesch. n. 282-283 ; Hugon. Le mystère de l’incarnation, p. 210-211. et surtout Petau, De incarnatione. 1. XI. c. vii-ix. Stentrup. th. lxxvii, part. n. Le concile de Francfort (785) contient également une déclaration expresse : Christus NATUBA unctus. non per gratiam. quia in illo plene fuit divinitas, Epist. ad episc. Hisp.. P. L., t. xcviii, col. 377. « De tous ces témoignages de la tradition se dégage une conclusion doctrinale dont il est utile de faire ressortir l’importance. Le Sauveur est oint par l’union hypostatique, par le don même de la personne du Verbe. Or, dans le langage sacré, i oint » et i christ » désignent celui qui est l’objet des complaisances divines, qui possède la vraie sainteté, cette justice intérieure, seule beauté qui plaît à Dieu. Telle est donc la portée de nos textes : les auties justes sont agréables au Seigneur, saints, par la consécration accidentelle de la grâce créée, le Christ, par la consécration substantielle de la divinité. Pour nos docteurs, en elïct, la sainteté consiste dans l’union avec Dieu : les justes n’ont qu’une sainteté accidentelle, parce que leur union avec la divinité, reste toujours accidentelle et participée ; le Christ, au contraire, parce qu’il est Dieu substantiellement, est saint d’une sainteté substantielle et infinie. » Hugon, op. i it., p. 211-212. L’opinion de S. Thomas, favorable à la thèse communément admise, est bien exposée et discutée par les Salmantieenses, De incarnatione, disp. XII. dub. ii, n. 6-9. On la déduit de Sum. theol., IIP, q. vu. a. 1 ; q. xxii. a. 2 ; Compendium theologiæ, c. ccxiv : In IV Sent.. t. III, dist. XIII, q. i, a. 1, ad 5 UI " : De veritate, q. xxix, a. 1 ; In Joannis evangelium. c. i. lect. viii, etc. La raison théologique, ensuite, nous amène à la même conclusion : Sanctifier une âme, c’est l’unir à Dieu, le lui rendre agréable, la soustraire au péché, lui conférer la filiation divine au moins adoptive ; la grâce sanctifiante fait tout cela, en nous rendant participant de la nature divine. Voir GRACE, t. vi, col. 1612-1615. Mais « l’union hypostatique fait tout cela et plus que tout cela. Elle rive l’humanité a Dieu par une étreinte si forte qu’il en resuite une seule personne, ("est l’être divin que le Christ reçoit et non plus une participation créée. En vertu de ce lien, Jésus mérite le titre d’enfant, bien mieux que tous lesjustes, par la grâce habituelle : il est le Fils propre de Dieu ; la grâce ne fait que des fils adoptifs. Enfin l’union hypostatique exclut et le péché et la puissance même de [lécher, car elle exige que toutes les actions appartiennent à la personne même du Verbe, selon le prin cipe : Aetiones sunt suppositorum. Le péché, dès lors, serait imputable au suppôt divin. Il répugne absolument que l’ombre du mal effleure cette humanité radieuse et Immaculée que le Verbe vient gouverner. Ainsi, la grâce d’union est à elle seule un pouvoir éminent de sanctification, elle atteint toutes les profondeurs de sa nature humaine, les pénètre de cette onction joyeuse qui fait de Jésus le plus beau des enfants des hommes. » Hugon, Marie, pleine de i/râce, Paris, 1921, p. 72-7 :  ;. Cf. Monsabré. Exposition du dogme catholique, 10e conférence ; Sehwalm, O. P., Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, 1910, p. 60-65. b. Problèmes subsidiaires. Sur cette vérité fondamentale et incontestable se sont greffés, grâce à la trop ingénieuse subtilité des théologiens, un certain nombre de problèmes purement scolastiques. Xous les allons énumérer brièvement, en indiquant les solutions diverses qui y ont été apportées. — y.) Les premières discussions ont trait au principe propre de la sanctification substantielle incréée du Christ, ce que les théologiens en appellent la « raison formelle >. Il s’agit ici du principium quo ; voir ci-dessus. La question est posée â l’occasion des théologiens qui, comme Suarez, tout en admettant que l’union hypostatique est une union immédiate, « prétendent que la nature humaine ne peut être unie au Verbe sans y être disposée par un mode substantiel qui lui enlève son indifférence par rapport à l’union et soit le terme de l’action de la Trinité dans l’incarnation. » Voir Hypostatique (Union), col. 530, et Incarnation, col. 1524-1526. — a. Il n’y a pas de doute, disent la plupart des théologiens, que ce mode substantiel créé et fini, ne peut être le principe formel de la sanctification substantielle du Chiist. C’est l’opinion des thomistes en général et particulièrement de Jean de Saint-Thomas, De incarnatione. disp. III, a. 1 ; de Gonet, id., disp. XI, a. 2, n. 25 ; des Salmantieenses, id., disp. XII, club, ii, § 1, n. 26 ; Billuart, loc. cit., § 2, auxquels il faut ajouter Vasquez, id., disp. XLI, c. iv ; De Lugo, id., disp. XVI, sect. ii, n. 18 ; Becanus, id., c. viii, q. 1, contre Suarez, qui semble abandonner disput. LI II, sect. iii, l’opinion commune qu’il avait cependant admise, disp. XVIII, sect. m. — (3. Est-ce la personnalité propre du Verbe considérée comme virtuellement distincte de la divinité, qui serait cette raison formelle de la sanctification substantielle du Christ ? La plupart des thomistes, avec Gonet, loc. cit., n. 28, les Salmantieenses, dub. ut. S 1, n. 34 ; Godoy, De Incarnatione, disp. XXXI, § 5, n. 118, Billuart, loc. cit., répondent négativement, et leur opinion est partagée par Vasquez, op. cit., disp. XLI, c iv. Par contre, Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. VIII, a. 1, concl. 3 ; Grégoire de Valencia, /n ///"" p. Sum. S. Thomse, q. vii, punct. 5 ; De Lugo, op. cit., disp. XVI, sect. ii, concl. 2, considèrent que la personnalité du Verbe, comme tellee ! dans ce qui la distingue de la divinité, est le principe même de la sanctification substantielle de l’humanité du Christ. Toutefois, De LugO assurant que cette sanctification se fait par la divinité que contient la personnalité du Verbe, semble se rapprocher, de l’opinion thomiste qu’on va exposer. — y. ("est, en réalité, la divinité comme telle, virtuellement distincte de la personnalité du Verbe, niais contenue en elle qui est la raison formelle de cette sanctification substantielle. A part Jean de SaintThomas, les grands thomistes soutiennent cet le doctrine, Salmantieenses, ’< « . cit., dub. iv ; ( îonel. P". cit., n. 31 ; Billuart, loc. cit. I)< Lugo, qui sciât tache verbalement a l’opinion précédente, pourrait être compté parmi les partisans de cette opinion, la personnalité du Verbe n’étant pour lui que le moyen par lequel la divinité sanctifie substantiellement 1279 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ DU CHRIST 1280 l’humanité en Jésus-Christ. P) La sanctification substantielle de l’humanité du Christ est-elle d’ordre physique ou moral ? S’est-elle produite par une simple influence morale de la divinité sur l’humanité, ou par une sorte de communication physique, la divinité s’unissant physiquement à l’humanité par mode de terme ? voir Incarnation, col. 1519. L’influence purement morale est défendue par Suarez, disp. LUI, sect. m ; Vasquez, dist. XLI, c. iv ; Godoy, disp. XI, § 10, n. 243 et quelques autres. La communication physique est affirmée avec force par Jean de Saint-Thomas, disp. VIII, a. 1, et la plupart des thomistes ; cf. Gonet, loc. cit., n. 55 sq. Les Salmanticenses adoptent une opinion moyenne, loc. cit., dub. iv, $ 3 : d’une part, certains effets de la sanctification substantielle s’expliquent suffisamment par la simple influence morale ; d’autie part, certains effets supposent absolument la communication physique : c’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer comment l’humanité en Jésus-Christ est l’objet très spécial d’un amour particulier de Dieu, n. 57 sq. Mais l’humanité du Christ n’est pas pour autant aimée de Dieu comme la divinité qui la sanctifie, § 4, n. 67. — y) La sanctification de l’humanité par la divinité doit elle être dite infinie ? Non, répond De Lugo, disp. XVI, sect. iii, qui semble ici contredire saint Thomas, Sum. theol., III’, q. xlviii, a. 2, ad 3. affirmant que l’humanité, « devenant la chair d’un Dieu, en retire une dignité infinie. » Cf. I », q. xxv, a. 6, ad 4. Cf. Pesch, n. 288. Les Salmanticenses, conséquents avec leurs solutions précédentes, admettent que la sanctification du Christ physiquement finie est infinie moralement, § 4, n. 66. On trouve une solution analogue dans Suarez, disp. XXII, sect. i, n. 13. Les thomistes, cependant, admettent généralement que la grâce d’union doit être dite simpliciter infinila. Cf. Hugon, De Verbo incarnato, p. 172. Stentrup, th. i.xxviii, déclare la sainteté substantielle du Christ infinila in génère sunclipcationis participatif, mais elle ne saurait être dite simpliciter infinila. Cf. Pesch, n. 28C. Ce dernier auteur fait une remarque opportune, n. 287 : « bien que la sainteté [substantielle] concerne prochainement l’âme, la chair du Christ est sanctifiée, elle aussi, par l’union hypostatique. La chair du Christ, en effet, est spécialement consacrée à Dieu et en raison de cette union elle est digne d’une souveraine vénération, incapable d’aucune tache morale ; elle a droit à la béatitude ; elle est remplie de vertu sanctificatrice. » Cf. Suarez, disp. XVIII, sect. i, n. 12. Sur tous ces points, pour li partie positive, on consultera Petau, De incainatione, I. XI, c v-ix. c) Sainteté accidentelle créée. - La sainteté accidentelle créée de l’humanité du Christ comprend [a grâce habituelle et son cortège inséparable, les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit. On peut également se demander si Jésus, dans son humanité, a ressenti l’influence de la grâce actuelle et que] était l’objet de cette influence. — a. La grâce habituelle créée. — a) Existence. — Les théologiens appuient leur thèse de l’existence d’une grâce habituelle créée en Jésus-Christ : Sur la sainte Écriture. Is., xi, 2 ; cf. Matth., xii, 18 ; Joa., i, 32-33 : l’inhabilation du Saint-Esprit, la possession des dons de l’Esprit Saint supposent la grâce habituelle. Coloss., i, 18-19 où la plénitude signisignifle la grâce créée. Luc, i, 15 ; ii, 10 : Act., VI, 8 ; ii encore Luc, ii, 52 ; Joa., i, 14-17, où la grâce est attribuée explicitement à Jésus Christ ; — sur lu tradition : non seulement les Pères reconnaissent la sain teté de Jésus-Christ, mais interprétant Joa.. i. M. ils entendent ce texte de la grâce créée. Cf. S. Anibroise, l><- Splriiu sancto, I. I, c. viii, ix, P. /… t. xvx, col. 755 759 ; s. Athanase, Contra arianos, orat. i. n. 46, PG., t. kxvi, col. 107 ; s. Augustin, De Tri nilate, t. XV, c. xxvi, n. 4, P. L., t. XLn, col. 1093 ; S. Jean Chrysostome, In ps. xliv, n. 2, P. G., t. lv, col. 186 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De Trinitate dial., vi, P. G., t. lxxv, col. 1018 ; S. Bernard, Homil. IV super « Missus est », n. 5, P. L., t. cxxxxiii, col. 82. On lira surtout le commentaire de saint Jérôme, In Is., t. IV, c. xr, P. G., t. xxjv, col. 147 sq. ; — sur la raison théologique. Cette raison, d’après saint Thomas, Sum. theol., III », q. vii, a. 1 est triple. — A un double titre personnel, Jésus doit posséder la grâce sanctifiante créée. Tout d’abord la sainteté substantielle de la grâce d’union ne serait pas complète si elle n’impliquait pas, comme son couronnement, la sainteté accidentelle de la grâce habituelle. La grâce d’union ne supprime pas la distinction des deux natures. Or la nature humaine, sans la grâce sanctifiante, n’est pas encore « déiforme » ; il faut qu’elle participe à la nature divine par la grâce habituelle Et à ce sujet, il faut observer, avec le cardinal Billot. loc. cit., ad l" iii, que l’effet formel de la grâce sanctifiante n’est pas de conférer la filiation adoptive, mais de rendre l’âme participante à la nature divine, ce qui implique, dans les êtres qui en sont capables, la filiation adoptive. Or, en Jésus-Christ homme, cette filiation est impossible. Voir t. i, col. 409. - De plus, la nature humaine du Christ doit produire « connaturellement » des actes surnaturels ; or, sans la grâce habituelle, le Christ n’aurait pas possédé le principe « connaturel » des opérations surnaturelles, le deuxième argument se présente, sous la plume des théologiens, sous deux autres aspects. Le Christ a dû mériter de condigno ; voir plus loin, col. 1325. Or le mérite était impossible, tout au moins d’après les lois ordinaires de la providence (de potentia ordinala, disent les théologiens ) sans la grâce sanctifiante. Cf. Gonet, disp. XII. a. 2, § 1, n. 36-37. L’autre aspect est fourni par saint Thomas lui-même, ad 2um : l’homme qu’est Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu et comme tel doit avoir en partage l’héritage divin, c’est-à-dire la jouissance du bien infini qui est Dieu lui-même. Mais pour arriver à cette jouissance, vision béatifique et ses conséquences, la grâce habituelle est nécessaire, comme le dit l’angélique docteur, De verilale, q. xxix. a. 1. Enfin, à un titre qui nous est commun avec lui, Notre Sauveur devait, comme Sauveur, être constitué dans son humanité tel que l’exigeait l’ordre de notre salut. « Jésus est le chef du genre humain, le médiateur nécessaire entre Dieu et les hommes. Comme la tête doit posséder des énergies propres pour imprimer aux membres le mouvement et l’activité, ainsi faut il que le Christ porte en lui-même et au suprême degré cette vie intense du surnaturel qu’il vient donner aux autres : ni vitam habeant et abundantius habeant, Joa., x, 10. » Hugon, Le nujstère de l’Incarnation, p. 217. Seul parmi les théologiens de marque, Vasque/, rejette la première des trois raisons théologiques apportées pour justifier l’existence en Jésus de la grâce habituelle, De incarnationc, disp. XI. I. c. i, rv-v. Voir, pour l’ensemble de la thèse catholique, S. Thomas, Sum, theol., IIP, q. vii, a. 1 et les commentateurs : notamment Gonet, disp. XII, surtout a. 2 ; Salmanti censés, disp. XIII, dub. i ; SuareL. disp. XVI II, sect. i. et, paimi les auteurs plus récents ou contemporains. Stenlrup, De Xerbo incarnato, part. I, th. î.xxx : Franzelln, /<L. th. xli ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxiii : Billot, id., th. xvi ; Hugon, td., q. v, a. 2 : Monsabré, conférence citée. 3) Certitude de l’existence d’une grâce créée dans l’unie île Jésus-Christ. Pierre de la Palu, In 1 V Sent.. t. III, dist. X I 1 1, q. ii, rapporte que certains théologiens de son époque (xrv 6 siècle) estimaient inutile dans l’âme de Jésus-Christ la grâce sanctifiante créée, parce (pula sanctification substantielle y rend superflu 282 cette sanctification accidentelle. Nous avons mi que la raison est mauvaise. Aussi tous les commentateurs de saint Thomas et tons les théologiens en général proposent la doctrine contraire au moins comme une doctrine (heologiquement certaine. Suarez veut qu’elle soit de foi, disp. XV 1 1 1, sect. u. ii, .">..Mais on considère plus communément que la thèse des t néologiens catholiques est théologiquement certaine ou, au plus, proche de la foi. Voir les Sahnanticcnses, disp. XIII, dnb. i. n. S ; Mastrius, De incarnalione, disp. II, q. i, n. 1 ; D. Alvarez. In ///, m p. Sum. S. Thomæ, q. vii, a. 1. n. 3, immédiatement avant la dis]). XXXI. Ces théologiens considèrent la thèse opposée non seulement comme improbable, mais comme erronée. Vasquez, disp. XLI, c. i, n. 1 et De Lugo, disp. XVI, sect. v, n. 91, tout en admettant la certitude de la doctrine communément admise, se refus nt à noter d’erreur l’opinion contraire. Au fond, la note de certitude théologique avec, pour l’opinion contraire, celle d’erreur théologique, représente la véritable norme. La thèse de l’existence d’une grâce créée en Jésus-Christ n’est pas si explicitement contenue dans l’Écriture et la tradition qu’elle n’ait besoin, pour être démontrée, d’un certain raisonnement. Aucune définition de l’Église ne la vient corroborer, et la déduction légitime qu’on peut tirer. > n sa faveur, de la condamnation, par le concile de Sens, de la 11e proposition d’Abélard, ne saurait lui conférer la certitude de la foi. Denzinger-Banmvart. n. 378. y) Connexion entre la grâce d’union et la grâce habituelle créée, dans le Christ. — La grâce habituelle ne saurai ! être conçue, dans l’âme du Christ, comme une disposition à la grâce d’union. Voir Hypostatioii : (Union), col. 529. Elle en est plutôt l’effet et la résultante : cf. S. Thomas, Compendium theologiæ, c. ccxrv. L’union exige la grâce sanctifiante, et, en ce sens, on peut appeler cette dernière une propriété naturelle de l’union hypostatique. Cf. Sum. theol., IIP, q. vii, a. 13, ail 3 : m. Toutefois la presque totalité des théologiens catholiques est d’accord pour affirmer que la grâce sanctifiante suit la grâce d’union, non pas comme une propriété physique qui en découlerait, mais comme une conséquence morale exigée par sa souveraine convenance. » Dieu produit donc, dans l’âme du Christ, la grâce sanctifiante créée par une action que nous pouvons légitimement distinguer de l’action unitive. Quelle proportion physique et nécessaire établir entre l’union hypostatique et la grâce sanctifiante ? Il ne s’agit donc, entre l’une et l’autre grâce, que d’une connexion morale. Voir sur ce point les Sahnanticcnses, disp. XIII, dub. ii, n. 28 sq. ; Jean de S. Thomas, disp. IX. a. 3. n. 7 : Gonet, dis].. XII, a. 1, n. 23 et. en dehors de l’école thomiste, Suarez disp. XV 111. sect. iii, n. 5 : Vasquez, disp. XLI. cap. ult., n. 29 ; De Lugo. disp. XVI. sect. v. n. 100, etc. Remarquons toutefois que la nécessité morale de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ s’entend par rapport à la d’union. Dans le Christ, comme en nous, la grâce sanctifiante est physiquement nécessaire pour les opérations surnaturelles et pour la i déiformité » de l’âme. i) Plénitude de la grâce habituelle dans le Christ. — Cf. S. Thomas, III’. q. vu. a. 9-13. Une remarque préalable est nécessaire qui doit nous mettre en garde contre l’interprétation de Cajétan. Tout ce qui va être affirmé de la plénitude et de l’infinité de la grâce habituelle dans le Christ s’entend de la grâce possible dans l’ordre présent de la divine Providence. Il est évident, en effet, que dans un ordre différent, niais inexistant. la puissance divine pourrait réaliser quelque chose de plus grand et de meilleur que la grâce habituelle du Christ. » S. Thomas, a. 12, ad 2 UI ". L’union trypostat ique est ce qu’il y a de meilleur et de plus parfait. i u DICT. DE THÉOL.’MilOL. égard à tous les ordres possibles ; la grâce habituelle du Christ est, dans l’ordre présent, possédée par le Christ dans une plénitude qui atteint la perfection qu’il était impossible à Dieu, dans cet ordre, de dépas sci. C’est dans ce sens que nous affirmons que : ’I. Le Christ a possédé la grâce habituelle dans une plénitude à la fois d’extension et d’intensité. La pléni tuile de grâce est affirmée dans Joa., i, 14-16 par saint Paul, l-’.ph., i. 13 (reX^ptù’ia toû Xp wtou) ; cf. Col., i, 18-19 ; ii, 9-1(1. L’intensité de la grâce marque sa perfection essentielle ; son extension marque les etïets auxquels elle peut atteindre. Or le Christ a eu la plénitude de la grâce SOUS les deux rapports Sa grâce a été la plus parfaite qu’on puisse concevoir ; elle a produit en lui et en ceux qui devaient « recevoir de sa plénitude ►, tous les effets qu’on était en droit d’en attendre. S. Thomas, Inc. cil., a. 10, parmi les commentateurs Gonet, disp. XIII. a. 2, §1 ; Billuar-t, dissert. VIII. a.."> ; Suarez. disp. XXII, secl. n et, chez les contemporains. Janssens, De Deo-Homine, t. i, p. 361 et llugon, De Verbo incarnate, p. 168 ; Le mystère de l’Incarnation, p. 219 sq. [i. Le Christ seul a possédé de la grâce la plénitude absolue ou jormclle ; les saints, auxquels l’Écriture attribue une plénitude de grâce (la sainte Vierge, Luc, i, 28 ; Etienne, Act., vi, 8 ; Barnabe, Ad., xi, 21). n’ont possédé qu’une plénitude relative ou subjective, celle qui était exigée par leur condition, leur étalon leur vocation, celle à laquelle fait allusion saint Paul, Eph., iv, 7. — yDans son commentaire sur Joa., i, 16, saint Thomas, lect x, n. 1, distingue, sous un autre aspect, une triple plénitude de la grâce. La plénitude de suffisance est celle qui est accordée à tous les justes en vue d’agir surnaturellement et de faire leur salut. La plénitude de rejaillissement (redundanliic) est celle qui se déverse sur les autres : la plénitude de grâce accordée à la sainte Vierge est de ce genre, puisque de Marie, par Jésus, nous est venue la grâce du salut, et que la Mère du Christ peut être en toute vérité saluée comme la Mère de la divine grâce. A plus forte raison ce rejaillissement de la plénitude de la grâce existe dans le Christ par rapport aux membres de son corps mystique et, en général à tous les hommes. La plénitude d’efficience, d’excellence, appartient à Jésus-Christ seul : seul, en effet, il a déversé sur les hommes la grâce qu’il possédait en lui et dont il était l’auteur. s) Infinité de la grâce habituelle dans le Christ. C’est le corollaire de tout ce qui précède. — a. La grâce d’union, étant infinie, communique aux actions et. en général, aux propriétés de la personne de l’Homme-Dieu une dignité et une valeur infinie. A ce titre la grâce habituelle dans le Christ possède une infinité d’ordre moral. Cf. Salmanticenses, disp. XV, dub. unie, n. 2 ; Gonet. disp. XIII. a. I, i ; 1, n. 12 ; Hugon, De Verbo incarnate, p. 172 ; Le mystère de l’Incarnation, p. 222. °j. Si l’on considère la grâce du Christ dans son être physique, elle est finie aussi bien que le sujet qui la reçoit. Cf. S. Thomas, IIP, q. v, a. Il ; Salmanticenses, loc. cit.. n. 0 ; Gonet, loc. cil., n. 1. y. Si enfin on la considère comme grâce, on peut la dire infinie, en ce sens qu’elle n’est pas limitée, possédant « toutes les perfections qui appartiennent â l’essence de la grâce…. la glace ayant été accordée a l’âme du Christ comme au principe universel de toutes les grâces que devait obtenir lanal are humaine ; comme si nous disimis ipie la lumière du soleil est infinie, non selon son être, mais selon la nature de sa lumière, parce qu’il a tout ce qui peut appartenir a ire de la lUl I lOt. rit., cf. (< net, loc. cit., n i qu’il en suit (le l’exemple de la lumière du soleil, ce troisième aspect de l’infinité de la habituelle du On ist mrril i attention, car, à son sujet, le cardinal BUlot, se deman VIII — Il L283
      1. JÉSUS-CHRIST ET I##
    JÉSUS-CHRIST ET I. THÉOLOGIE VERTUS DU CHRIST 1284 dant s’il mconviendrait pas d’abandonner une thèse communément reçue dans l’école thomiste, insinue une explication nouvelle, fort intéressante, de l’infinité de la grâce du Christ. De Verbo incarnato, th. xvii, § 2. On n’avait guère mis en discussion, jusqu’ici, l’identité spécifique de la grâce habituelle concédée au Christ et de la grâce habituelle donnée aux hommes ou aux anges. Cf. Salmanticenses, disp. XIII, dub. I, § 3 ; Suarez, disp. XVIII, sect. ii, n. 8 ; Gonet, disp. XII, a. 1, * 3. n. 27. Kl cette position des théologiens était conséquente à leur thèse plus générale allirmant l’impossibilité de distinguer plusieurs espèces’de grâce sanctifiante. Salmanticenses, tr. XI Y, De gratia, disp. IV, dub. vin ; Jean de S.Thomas, De gratia, disp. XXIV, a. 1 ; Suarez, De gratia, t. VIII, c. iii, n. 10 ; cf. Gonet, De gratia, disp. II, a. 4, §3, coroll. 3 ; Hugon, De Angelis et de gratia, Paris, 1920, p. 327. Cette thèse générale, communément admise, a été cependant révoquée en doute par Granados, S. J., In ///"" p. Sum. S. Thomse, controv. VIII, tr. IV, disp. IV ; Kipalda, De ente supernaturali, t. I, disp. XXIII, sect. xiv. Dans les éditions plus’récentes de son De Verbo incarnato, le cardinal Billot pose la question de la diversité spécifique de la grâce habituelle du Christ, en vue d’expliquer plus pleinement l’infinité de cette grâce, par rapport à celle des hommes et des anges. Si en effet il n’y a qu’une différence’de degré entre la grâce du Christ et la grâce des anges el des hommes, même prise cumulativement, la grâce du Christ n’aura pas, par nature et en droit, la plénitude parfaite qui lui convient ; elle ne la possédera qu’en )ait et pour ainsi dire accidentellement, en suite des décrets de la divine Providence limitant à tel degré déterminé, dans l’ordre actuel des choses, les grâces des hommes et des anges. Supposons, au contraire, que la grâce du Christ soit d’une nature suréminente, elle dominera essentiellement et en droit, la grâce des hommes et des anges. Et le savant théologien en appelle à l’autorité de saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. vii, a. 11, ad 3um et De veritale, q. xxix, a. 3, ad 5um. Sur la plénitude de la grâce du Christ par rapport à la grâce des anges et des hommes pris collectivement, voir Gonet, De incarnatione. disp. XIII, a. 2. ç) Deux corollaires. — a. La grâce habituelle a clé in/usée au Christ dès le premier instant de sa conception, et elle est inamissible. — Cette vérité est supposée dans Luc., i, 35 (quod nascetur ex te sanctum). Puisque l’union hypostalique exige moralement comme conquence la présence de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ, cette grâce existera en Jésus-Christ comme la grâce d’union, c’est-à-dire, dès le premier instant de sa conception, et partagera la condition d’inamissibilité propre â l’union hypostalique. Voir t. vii, coi. 534, 536. Cette vérité est admise communément ; voir S. Thomas, Sum. theol, III 1, q. vii, a. 1 el 13 ; q. xxxiv. a. 1 et 1 ; In I Y Sent.t. III, disl. xiii, q. i. a. 2 ; soi. 3 ; De veritale, q. xxi. a. 8, el les commentateurs : Salmanticenses, disp. XIII. dub. r, § 4 ; Gonet, disp. XII. a. 1, § :  !, n. 20-22 : Suarez. disp. XVIII. sect. in. n. I 2. el les manuels i écents déjà cités. Sur cette question fondamentale, quelques théologiens
    41 client un problème accessoire
    dès le premier Instant
    de sa conception, le Christ, s’esi-il disposé par un acte libre de sa volonté à l’infusion de la grâce ? On sail que ce mouvement de la volonté est requis chez les adultes a qui la grâce sanctifiante esi Infusée et ne se distingue de l’infusion même de la grâce que d’une priorité logique ; bien plus il est produit par la grâce sanctifiante elle-même, considérée comme grâce rnic. Voir Grâce, t. vx, col. 1631-1633. On sait que les anges ont été sanctifiés de celle manière dans le premier In8tant de leur voie. Pourquoi n’accepterait -on pas la même psychologie surnaturelle dans l’âme du Christ ? Saint Thomas l’accepte explicitement, IIP, q. xxxiv. a. : > et les meilleurs commentateurs se rallient à cette opinion : Gonet, disp. XII, a. 1, n. 26 ; Salmanticenses, disp. XIII, n. 43. L’opinion contraire est cependant défendue par Bafiez, In I "" /). Sum. S : Thom.. q. i.u, a. 3. dub. ii, ad 4, et quelques auli es. P La grâce habituelle du Christ n’est pas susceptible d’accroissement. — La question ne se pose pas pour la grâce d’union, qui est immuable comme la divinité. Il ne s’agit ici que de la réalité de la grâce créée. Nous avons fait observer plus haut, voir col, 1281, que la plénitude de la grâce du Christ s’entendait dans Yordrc actuel de la divine Providence. Il est donc facile de comprendre le sens de notre affirmation. Ajoutons que, dès le premier instant de sa conception, le Christ fut, dans son âme, « compréhenseur » parfait. Or, l’âme ainsi parvenue à son terme par la vision intuitive n’est plus susceptible de progrès et de perfectionnement dans la grâce qu’elle possède et les opérations qui en dérivent. Voir Intuitive (Vision), t. vii, col. 2389-2391 et Gloire t. vi, col. 1415. Cf. S. Thomas, IIP, q. vii, a. 12. Cette conclusion, ainsi formulée, est théologiquement certaine Sur cette conclusion ferme se greffe une controverse d’école. Dans une hypothèse différente de l’ordre actuel, mais que Dieu pourrait réaliser, s’il voulait faire appel à sa puissance absolue, une grâce supérieure à celle qu’a possédée le Christ serait-elle possible’? Non, répondent de grands théologiens, tels que Richard de Saint-Victor, saint Bonaventure, Duns Scot, Durand de Saint-Pourcain et quelques thomistes, dont le plus connu est Cajétan. Mais la plupart des théologiens de l’école de saint Thomas et de la Compagnie de Jésus affirment que si une grâce habituelle plus parfaite que celle du Christ est impossible dans l’ordre actuel, c’est-à-dire de potentia Dei ordinala, elle reste absolument et métaphysiquement possible de potentia absoluta. Voir dans les Salmanticenses, disp. XV. dub. unie, § 3, n. 11, les références, et pour l’exposé de la controverse, Schwalm, Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, p. 90-98. La position adoptée par les scolastiques les oblige à expliquer, en conformité avec leurs principes, le texte de Luc, ii, 51 : Et Jésus profîciebat supientia et œlale et OliATiA apud Deum et homincs. Les théologiens du moyen âge et des siècles postérieurs expliquent qu’il ne peut s’agir d’un progrès réel dans la sagesse ci dans la grâce, mais d’un simple progrès dans leur manifestation extérieure. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. II, part. I. c. vi, P. L. t. clxxvi, col. 384 ; cf. Summa Sententiarum, tract. I, c. xvi, col. 73 ; Pierre Lombard, /// Sententiarum, disl. XIII ; S.Thomas Sum. theol., III », q. vii, a. 12 : Suarez, In /// » m p. Sum. S. Thomæ, q. xii, a. 12, n. I. b. Les vertus surnaturelles dans l’âme du Christ. a ) Doctrine générale. — La grâce est inséparable des vertus et des dons du Saint-Esprit cpii en sont le ccrlège nécessaire. Le Christ a donc tout naturellement possédé les vertus et il les a possédé S dans Un degré héroïque. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III", q. vu. a. 2 et ad 2°"i ; cf. a. 3 et 1. L’évangile l’atteste cxplicitement. Voir ci-dessus, col. 1158. Aupoint de vue strictement théologique, la doctrine générale touchant les vertus du Christ, peut se résumei en trois affirmations. — a. Le Christ a certainement possédé, des l’instant de sa conception, et dans un degré éminent, les vertus surnaturelles infuses. Leur héroiclté toutefols s’est manifestée spécialement ♦ dans les actes suprêmes de la passion rédemptrice, qui comblèrent la mesure des mérites et des satisfactions. » llugpn, op. cit., p. 231. Cf. Gonet, disp. XII, a. 3, § 1 ; Salmanticenses, disp. XIV, dub. n. — p. Le Christ a possédé JÉSl S-CHRIST ET l. THÉOLOGIE. ER l l S Dl CHRIST également les vertus morales naturelles que les hommes doivent acquérir par la répétition des actes vertueux. Quelques théologiens, comme Lorca, In ///"" p Sum. S. Thomx, disp. XXXVIII, n. 19 et plusieurs autres q ue cite Vasquez, disp. XI. ii, c. ii, ont nié l’existence de vertus naturelles en Jésus, mais leur négation n’est pas probable. Cf. Gonet, disp. XII, a. H. > 1. n. 63 sq. ; Salmanticenses, disp. XIV, dub. i, 1. Le parallélisme de la science acquise et des sciences infuses dans l’âme du Christ, voir ci-dessus, col. 1273. suggère la coexistence des vertus surnaturelles infuses et des vertus naturelles qui, chez les hommes, sont normalement acquises. La seule controverse possible porte sur ce point : le Cluïst a-t-il dû vraiment acquérir les vertus naturelles, où lui ont-elles été accidentellement infuses, comme la science en Adam ? Les thomistes, et les théologiens en général sont partagés sur ce point. D’excellents thomistes et de grands théologiens soutiennent la thèse de l’infusion per aecidens : Jésus-Christ a reçu de Dieu, dès sa conception, ces vertus naturelles parfaites, comme s’il les avait acquises par ses propres actes ; il les exerça ensuite selon les circonstances : Médina, In III*™ p. Sum. S. Thomx, q. vii, a. 2 ; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, disp. VII. a. 3 ; D. Alvarez, O. P., irf., disp.XXXII ; Gonet, disp. XII. a. 4, § 1 (qui qualifie son opinion de verior et mullo probabilior) ; Billuart, dissert. VIII, a. 3 ; Suarez, id., disp. XIX, sect. n. Vasquez, id.’, disp. XL II, etc. Mais des théologiens d’aussi grande autorité prolongent le parallélisme entre la science acquise et les vertus morales naturelles jusqu’à dire que celles-ci, même dans le Christ, furent acquises par la répétition des actes. Les thomistes N T azario, Araujo, Cippullus, Cabrera, et surtout les Salmanticenses, De mcarnatione, disp. XIV, dub. i, § 2 ; Grégoire de Valencia, In III"" p. Sum. S. Thomx, q. vii, a. 2, punct. 3 ; De Lugo, De incarnatione, disp. XVI, sect’▼n, n. 119, cf. disp. XXI, sect. i, etc. se rallient à cette deuxième opinion qui semble plus conforme à la réalité des choses. Parmi les auteurs récents, peu ont touché à cette controverse ; Stentrup, op. cit., th. lxxxi, part. 2, se rallie à la première opinion, en’invoquant l’autorité de Suarez ; Hugon, De Verbo incarnalo, q. v, a. 3, n. 2 et Le mystère de l’Incarnation, p. 231, est du même avis ; Pesch ne fait qu’une brève allusion auvertus morales infuses per aecidens, n. 295. — Le Christ a possédé les vertus surnaturelles et naturelles compatibles avec la perfection exigée par l’union hypostatique, et il les a possédées selon le mode de perfection exigée par l’état de compréhenseur. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Illa, q. vii, a. 2-4 ; In IV Sent., 1. III. dist. xiii, q. i, a. 1 ; Salmanticenses, disp XIV dub. ii, n. 29. Gonet, disp. XII, a. 3. hoctrines particulières. — - y.. La foi n’a pu exister dans l’âme de Jésus-Christ. L’objet de la foi est l’invisible : donc la foi n’est pas possible pour un esprit qui, des le premier instant, a connu, dans la vision intuitive, tout l’objet de la science de vision divine. Et cependant, sans avoir la foi, Jésus en gardait tout le mérite, à cause de sa libre obéissance. Voir plus loin, col. 1295 sq. S. Thomas, Sum. theol., III », q. vii, a. 3-1 Gonet, loc. cil., n. 59 ; Salmanticenses, loc. cit., ii. 31 ; Billot, De Verbo incarnalo. th. xvi, § 2 ; Ch. Pesch’De Verbo incarnalo, n. 250 ; Hugon, De Vrrbo incarnalo, q. v, a. 3, n. 3. — p I), - même’espérance n’a pu exister en l’âme de Jésus-Christ. Son objet est la béatitude dans l’avenir, ni possédée, ni vue ; car c-t-on ce que l’on voit 7 Quod videt quis’quid tperail Rom., viii. 21. Or, pour le Christ la béatitude n’est pas dans l’avenir, elle ne reste pas invisible : elle est vue, elle est possédée, inamissible, en Celui qui a joui, à son aurore, de la vision et de l’amour ! fiques. » Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p IJSG oir les auteurs déjà cités. Toutefois le Christ ne possc’da, t P as la gloire future « te s, , , , corps II est vrai que cette gloire est simplement accidentelle VoirGLoiRE, t. vi, col. 1401 sq. Il pouvait donc attendre’désirer cette gloire du corps, bien qu’il ne l’ignorai pas. Mais ces actes n’étaient pas des actes « le la vertu Uieologique d’espérance, pas plus que l’attente, 1e la résurrection ne constitue chez les élus un acte de cette vertu Cf. S. Thomas, IL-IK <, . « viii, a ! 2 ad 4 Toutefois, le Christ devait mériter cette gloire et par conséquent son attente de la gloire accidentelle comporte une nuance particulière étrangère au désir des âmes bienheureuses. Désir des élus, attente du Christ procèdent, non de l’espérance, mais de la charité la vertu, principe de la jouissance béatiflque, faisant vouloir, aimer, attendre ce qui manque encore au bonheur consommé. Cf. S. Thomas, IMI » q xxv a. 4 ; Gonet, loc. cit., n. 62, et De bealiludinc, disp iv’a. 2 ; De virtutibus theologicis, disp. IX, a. 4- Salmanticenses, loc cit., „. 33-34 ; Hugo, , , De Verbo incarnalo, loc. cit., n S. — y. En vertu des principes généraux exposes ci-dessus, il semble bien qu’on doive éliminer de Jésus, dans la vertu cardinale de justice, la vertu de pénitence : «  « Le Christ n’a pu pécher. Donc la matière de la vertu de pénitence fait défaut en lui a " SS’b ! e "e " acte c l u’en Puissance. » S. Thomas, In IV Sent., t. II, dist. xiv, q., , a. 3, qu. 1. C’est là l’opinion communément reçue chez les thomistes, voir GoneU disp XII, a 3, § 1, n. 58 ; Salmanticenses, disp XIV dub. ii, n. 36 ; Jean de Saint-Thomas, disp VIII, a. 4, n. 15 ; et même ailleurs, voir Vasauez In III*n p. sum. S. Thomæ, q. vii, a. 4. Suarez alarmé que le Christ, sans avoir jamais pu effectivement faire un acte de pénitence, a possédé la vertu de pénitence parce qu il eût été prêt à détester le péché si par impossible, il eût pu le commettre Disp XIX sect. i n. 2 Les scotistes pensent généralement que’lé Christ, capable de satisfaire pour les péchés des autres a été aussi capable de pénitence à leur endroit et qu en conséquence, à ce point de vue, il a possédé la vertu de pénitence, et cela d’une manière très élevée et sureminente. Cf. Janssens, De Deo-Homine, t., , p. 344-345. Il faut noter que l’Église a proscrit l’invocation autour de Jésus pénitent. Cœur sacré de Jésus (Dévotion au), t. iii, col. 345. Voir Hugon Le mystère de l’incarnation, p. 234-234. — 8 Quant aux autres vertus cardinales, aucune ne doit être exclue aucune, dans toute l’étendue de son objet, ne s’opposant à la perfection souveraine du Christ. Si l’une ou l’autre d’entre elles suppose ou implique un défaut une imperfection incompatible avec la sainteté parfaite, ce n’est que parce que cette vertu est considérée dans un état encore imparfait ou par rapport à un de ses actes particuliers. Ainsi la tempérance, la continence, considérée dans le commun « les hommes suppose les appétits désordonnés les rébellions honteuses de la chair. En Jésus, jamais n’exista le foyer de conçu piscence : il est l’idéale chasti par conséquenl la continence en Jésus ne pul exister que comme elle dans les corps glorifiés avant un tout autre objet que dans cette vie. On … sur ce sujet les auteurs relativement à la permanence des vertus dans l’autre vie. Voir Vertus. D’une mani raie, l’assertion suivante « le S. Thomas. /„ / r "s’en/ 1. III. dist. XIX. q. i, a. 2, ad 2’" ». exprime bien la’vente qu’il importe « ! « retenir présentement « l es vertl1 ne conviennent pas au Christ quant à certains usages qui existent en.mus, par exemple lors.pi, 1 s’agit de dompter par elles les passions « ! < la concupiscence de la chair contre l’esprit, passions oui n existaient pas dans le Christ. Quant aux autres . appropriés a l’eiat des élus, .es vertus exis tèrent pleinement dans le Christ, elles existèrent aussi J 287
      1. JÉSUS-CHRIST ET I##
    JÉSUS-CHRIST ET I. THÉOLOGIE. VERTUS m CHRIST >S quant a certains usages de l’état présent, ceux qui ne dérogeaient pas a sa dignité, le Christ étant à la fois « voyageur » et « compréhenseur ». c. Les dons du Saint-Esprit dans l’âme de Jésus-Christ. — Cf. S. Thomas, Sum. theol., III’, q. vii, a. 5. Sur les dons du Saint-Esprit, voir t. IV, col. 1728 sq.— y.) Existence. — L’existence des dons du Saint-Esprit dans l’âme de Jésus-Christ, abstraction faite de la théorie de leur distinction entre eux et de leurs rapports avec les vertus, est une vérité de foi, tant elle est explicitement affirmée dans l’Écriture sainte et proposée pr renseignement ordinaire de l’Église. Isaïe, xi, 2, 3 nous montre les dons de l’Esprit reposant sur le juste et Luc, iv, 1 nous déclare Jésus plein de l’Esprit Saint. Cf. Marc, i, 1 ; Matth., iv, 1 ; Luc., x. 21 ; Joa., i, 14, etc. l.a raison théologique démontre facilement l’existence des dons du Saint-Iîspril dans l’âme du Christ. On conçoit en effet les dons du Saint-Esprit comme des dispositions surnaturelles à recevoir docilement les suggestions et les mouvement s du Saint-Esprit. Par eux, le juste est conduit plus qu’il ne se conduit lui-même. Et c’est pour ce motif que les dons sont requis pour les actes sublimes et héroïques qui dépassent les perfections où peut arriver, la simple énergie humaine. Cf. S. Thomas. In IV Sent., t. III, dist. xxxiv, q. î, a. 1 ; Sum. theol., III’-, q. lxviii, a. 1. Or c’est précisément cette touche instinctive de l’Esprit, ces actes héroïques et sublimes qu’on remarque en Jésus, et d’une façon suréminente. Cf. Sahnanlicenses, De incarnatione, ad q. vii, a. 5, n. 2 ; Gonet, disp. XII, a. 5, n. 103-104. [}) Les actes des dons du Saint-Esprit en Jésus-Christ. — Durand de Saint-Pourçain, tout en confessant l’existence des dons eux-mêmes, nie que ces dons aient pu produire dans le Christ les actes qui leur correspondent, pas plus qu’il n’accepte que ces actes soient produits dans les âmes bienheureuses. In IV Sent., t. III, dist. xxxiv, q. m. Cette thèse est rejetée par l’ensemble des théologiens comme téméraire et proche de l’erreur. Salmanticenses, loc. cit., n. 3. Elle comporte, en effet, une véritable négation de la perfection du Christ, et une réelle conlradition. Si le Christ a eu les dons, il a dû en produire les actes. « Par le don de sagesse, il a pu formuler des jugements certains sur les choses divines connues dans leurs raisons les plus profondes ; par le don de science, il a formulé des jugements certains sur les choses d’expérience quotidienne, connues dans leurs raisons immédiates ; par le don d’intelligence, il a très parfaitement pénétré les révélations divines ; le don de conseil lui a dicté sa conduite en toutes espèces de circonstances et sans hésitation possible ; le don de force a permis au Christ encore dans l’état de voir de braver la mort et de parfaire l’œuvre de noire rédemption ; cl, après la mort lui a donné la sécurité la plus absolue à l’endroit de tout danger. Par le don de piété, Jésus a eu un vrai sentiment d’amour, filial vis-à-vis de Dieu le l’ère, fraternel vis-à-vis des autres saints devenus les fils adoptifs de Dieu. Enfin, par le don de crainte, il a eu, vis-à-vis de Dieu, une souveraine révérence, ainsi qu’on va le déclarer. » Salmanticenses, loc. cit., n. 3. Cf. (Mgr) FI. de la Villerabel, l.es dons du Saint-Esprit Ions l’âme de Jésus, Saint Hricuc. 1916, p. 16-39. — i Le don, ic crainte dons l’âme du Christ. — Cf. S. Tho-Suni. theol., III, q. vu. a. (’.. l.a question spéciale de l’existence (u don de crainte en Jésus Christ s’est po ée a l’occasion de la il 1, proposition d’Abélard, voir Abélard (Articles condamnés), t. i, col. 15, > ondamnée par le concile de Sens (1 MO) et par Innocenl II comme hérétique. Cf. Denzinger-Bannwart, H, .", 7D. I.e don de crainte existe en Jésus-Christ, « mais >é des imperfections qui l’accompagnent chez I.a crainte comporte deux actes : trembler de ant le châtiment que le souverain législateur inllige tôt ou tard pour le péché, et vénérer la suprême excellence de Dieu, cette force invincible devant laquelle s’inclinent les célestes Puissances, treinunt potestates. Jésus, même selyn l’humanité, n’a pas à redouter la vengeance divine, parce qu’il est impeccable et ne peut jamais être séparé de Dieu ; mais il est toujours dans un saint respect devant cette auguste majesté qui a pour se faire révérer un pouvoir infini. Et cela nous explique pourquoi Celui qui ne pouvait avoir la vertu de pénitence a pu posséder excellemment le don de crainte. Dans la pénitence l’acte principal est la détestation du péché personnel, la satisfaction n’est que l’acte accessoire et accidentel ; dans la crainte, l’acte principal est de révéler le Dieu terrible, redouter le châtiment pour la faute n’est que secondaire. Pas d’accessoire sans le principal et donc, pas de vertu de pénitence où manque le repentir pour le péché personnel ; mais le principal peut se réaliser sans l’accessoire et ainsi le don de crainte subsiste encore dans l’âme qui est à l’abri du châtiment. » llugon. Le mystère de l’incarnation, p. 238. Parmi les thomistes, Godoy, disp. XXV, $ 3, Gonet. disp, X 1 1, a..">. n. 110, admettent dans le Christ un acte de crainte véritable devant le péché et le châtiment possibles pour la nature humaine considérée en soi. Cette conception est vivement combattue par les Salmanticenses. tract. VIII, disp. IV, dub. îv. n. ">6. Suarez fait consister l’acte de crainte en Notre-Seigneur en un acte d’humilité devant Dieu joint à une certaine crainte révérentielle en lace de l’infinie majesté. Par cette admixtion de crainte révérentielle, il semble se rapprocher de Godov et de Gonet. Disp. XX. sect. n. n. 7-10. d. La grâce actuelle dans l’âme du Christ. — S’il faut admet lie. avec beaucoup de théologiens, que la grâce actuelle est nécessaire pour chaque acte surnaturel et méritoire, même dans l’âme déjà sanctifiée par la grâce habituelle et les vertus infuses, on doit conclure que l’âme de Jésus-Christ a reçu, elle aussi, d’une façon absolument constante et sans cesse renouvelée. ces grâces actuelles qui devaient mettre en activité ses énergies surnaturelles, vertus et dons, e l.’union hypo-Statique, écrit le 1’. Ilugon, garantissait ces secours a l’humanité assumée. Si notre contact accidentel avec le Christ nous vaut une influence continuelle du Rédempteur, une sève toujours renaissante, comme celle que les sarments reçoivent de la vigne, cf. Conc. Trident.. Sess. vi, c. XVI, que devait donc réaliser en cette âme l’union substantielle et indissoluble avec le Verbe, principe de toute vie ? Notre union par la grâce sanctifiante ne nous garantit avec certitude que grâces suffisantes ; la personne divine dans le Christ assurait à la volonté créée des secours toujours efficaces. Cette volonté sans doute, gardait le pouvoir radical de résister et demeurait entièrement libre sous l’action du Verbe ; mais, en fait, la motion divine ne demeurait jamais vaine et la volonté, toujours pai laite, consentait infailliblement, quoique non nécessairement, a la grâce actuelle. » I.e mystère <le l’incarnation, p. 235. Suarez étudie avec un soin extrême le rôle de la grâce actuelle en Jésus-Christ. Disp. XVIII, sect. IV. lui premier lieu, il affirme que la grâce actuelle adjuvante a été nécessaire au Christ comme à nous pour produire des actes surnaturels. n. 2. lai second lieu, la grâce excitante a été nécessaire au Christ, considéré en l’état de voie, pour produire des actes surnaturels : l’union hyposlatique excluant ces sortes de grâces du Christ, considéré comme comprehenseur, ne saurait empêcher, dans l’âme de Jésus, une perfection connaturelle à l’état de voie, n. 3. Enfin, en troisième lieu, l’âme du Christ a eu besoin d’une grâce excitante et JESLS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. [MPECCABILITÉ 1)1 CHRIST L290 adjuvante pour observer les commandements et éviter le mal. Bien que le Christ soit Impeccable par suite de l’union hypostatique, c’est-à-dire ah intrinseco. il a du également être rendu impeccable ah exiïinseco par le moyen de grâces actuelles efficaces, qui sont, en vertu du premier aspect de l’impeccabilité, rendues pour ainsi dire nécessaire ah intrinseco. c’est -à-dire
    s par l’union hypostatique, a. 4-6.
    Il semble plus simple de proposer, avec les théolo S qui n’acceptent pas la nécessité d’une grâce surnaturelle pour chaque acte méritoire de l’âme juste, une solution totalement différente. Ne comparons pas le Christ, compréhenseur, avec les hommes encore à l’état de voie, mais bien plutôt avec les élus. La communication de Dieu aux âmes dis dus ne se fera pas seulement par la vision et par la jouissance béatifiques : il y aura des communications actuelles et renouvelées de l’esprit divin dans les âmes glorifiées. Voir Gloiiu :, t. vi, col. 1421. L’âme de Jésus-Christ, parce qu’elle était plus intimement unie à la divinité, que ne le peuvent être les âmes saintes du paradis, devait recevoir de ces communications divines abondamment et d’une façon pour ainsi dire ininterrompue. C’est ainsi que le Christ « était conduit par l’Esprit. Mat th., iv. 1 ; qu’il « tressaillait dans l’Esprit Saint >, Luc, . 21, etc. La grâce actuelle compatible avec la pertection du Christ est donc le mouvement surnaturel reçu dans les dons du Saint-Esprit et auquel ces dons nous disposent. Cf. Billot, De Verbo Incarnalo, th. xvi, De virtutibus infusis, th. vu. dj Conséquence de la sainteté substantielle et accidentelle du Christ : l’impeccabilité. La sainteté comporte l’absence de péché, que les théologiens appellent I’i impeccance », c’est-à-dire le fait de ne point commettre de faute : dans l’état actuel de l’humanité appelée à une fin surnaturelle, et, à plus forte raison, dans l’âme du Christ, sanctifiée de la façon que nous avons dite, la sainteté est la cause de l’impeccance. Mais, dans le Christ, il semble qu’on doive affirmer plus encore : la sainteté substantielle a été cause non seulement d’impeccance, mais encore d’impeccabilité : le Christ non seulement n’a pas péché, mais n’a pas pu pécher ; bien plus, à aucun titre, il n’a pu, dans son humanité sainte, subir la moindre souillure du péché. L impeccance du Christ est une vérité de foi ; l’impeccabilité est une conclusion théologiquement certaine admettant certaines variétés d’interprétation théologique. Certains auteurs appellent l’impeccance et l’impeccabilité du Christ sa « sainteté négative ». Cet aspect négatif de la sainteté de Jésus-Christ repose en réalité sur ce qu’il y a de plus positif dans cette sainteté, la sainteté substantielle de l’union hypostatique. a. L’impeccance du Christ. — a) Le (ait de l’impeccance du Christ. — La sainte Écriture l’affirme explicitement, soit par la bouche de Jésus lui-même, soit par les déclarations des auteurs inspirés. Joa., viii, 46 ; II Cor., v, 21 ; Heb., iv, 15 ; v, 20 ; I Pet., ii, 22 ; I Joa., iii, 5. Cf. Luc, i, 35. Voir col. 1158, 1229. Nous avons entendu pareillement les Pères proclamer d’un commun accord la sainteté parfaite de.Jésus ; voir col. 1260 sq. On trouvera les textes des Pères en abondance dans Petau. De incarnalione, t. XI, c. u : cf. Ch. Pesch, De Verbo incarnalo, n. 305. De telles affirmations excluent de l’âme de Jésus la souillure de tout péché, actuel ou originel. Déjà le 10’- anatli< tisme de saint Cyrille, lu au concile d’Éphèse, s’exprimait ainsi : « Il n’avait pas besoin d’oblation pour lui-même, notre Pontife, qui a ignoré totalement le péché. Denzinger-Bannwart. n. 122. Le concile de Florence est plus explicite encore, decr. pro Jæobitis : > Le médiateur de Dieu et des hommes, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a été conçu sans le péché, est né s ; ms ], péché, est mort sans péché. tint peccate concept us, natus et mortaus. lit., n. 711. La même formule se lisait dans le symbole du XI’concile de Tolède (675), Denzmger-Bannwart, n. 286. — P) Les raisons de l’impeccance absolue. - a. En ee qui concerne le péché originel, une double cause explique l’impeccance du Christ. Conçu par l’opération du Saint-Esprit, il n’a pu contracter la souillure originelle, celle première raison, s’en ajoute une seconde, tirée de l’union hypostatique. Comme toutes les actions sont attribuées à la personne et qu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une personne, la souillure originelle dans l’âme de Jésus rejaillirait sur la personne même du Fils de Dieu. Or la sainteté essentielle du Fils de Dieu, la sainteté substantielle du Verbe incarné s’opposent a ce qu’il en soit ainsi. p. Cette dernière raison, tirée du fait de l’union hypostatique, vaut évidemment pour le péché actuel. Mais, de plus, saint Thomas ajoute une autre raison, tirée du triple but pour lequel le Christ a pris certains défauts de notre humanité. Su m. f/ieoZ., III a, qi xv, a. 1. Le Christ a pris nos défauts en vue de satisfaire pour nos péchés, de prouver ainsi la vérité de sa nature humaine, enfin de nous laisser l’exemple de ses vertus. Voir plus loin, col. 1327 sq. Or, le péché actuel, en Jésus-Christ, se serait opposé à cette triple fin ; il eût empêché la satisfaction ; il eût affaibli la preuve de la vérité de la nature humaine en Jésus ; il eût défiguré notre modèle. — y) Une objection contre l’impeccance du Christ. — Les anciens auteurs réfutent longuement certaines objections, que le sens littéral des textes suffit seul à résoudre : II Cor., v, 21 ; Ps., xxi, 1 ; cf. Matth., xxvii, 46 ; ou encore notent certaines difficultés tirées de la circoncision ou du baptême de Jésus, lesquelles, en réalité, sont de nulle portée. La seule objection que retiennent aujourd’hui les adversaires de la thèse catholique est tirée de Matth., xix, 17 ; Marc, x, 18 ; Luc, xviii, 19. A un Israélite qui lui dit : « Bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? », Jésus répond : « Pourquoi m’appelles-tu bon. » Il n’y a que Dieu seul qui soit bon ». « Dans la pensée du Juif Jésus est un docteur de la Loi comme un autre. Il l’appelle « bon maître », ainsi qu’il l’eût fait, s’il se fût trouvé devant un docteur quelconque ; car tant est grand son optimisme qu’il ne doute pas de l’excellence morale de ceux qui parlent ou agissent au nom de Dieu. Cette illusion qu’il a dans l’appréciation qu’il porte sur les autres hommes est encore celle qu’il a dans le jugement qu’il pot te sur lui-même… Il semble bien que ce fut uniquement pour le faire réfléchir et pour le tirer de son illusion que Jésus lui dit équivalemment : « Tu me donnes le nom de bon : mais sais-tu bien ce que tu dis ; ignores-tu que Dieu seul a le droit de réclamer ce titre’? « Jésus ne veut pas dire qu’il ne mérite pas le titre qui lui est décerné, il veut seulement amener son interlocuteur à apprécier la dignité de ce titre, afin de l’attribuer avec un plus grand discernement ». L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. i. p. 210-241. Sur l’impeccance du Christ, voir S. Thomas, Sian. tiieol., 1 1 1*, q. xv, a. 1 ; (Jouet, De incarnalione, dis]). XX, a. 1, S 1 ; Salmanticenses, / « L, disp. XXV. dub. 1, §1 ; liilluart. Id., dissert. XV. a. 1 ; Suarez, LL, disp. XXXIII, sect. I, n. 1-2 ; ci. parmi les auteurs récents, Janssens, / » Deo-Homtne, t. i, q. xv. a. 1. p 522-525 ; I binon, De Vcrbn Incarnalo, q. ix, a. 1-3 ; Tanquerey, lie Verbo Incarnalo, e. iii, a. 2. n. 1081 ;  !.. Labauche, Leçons de théologie dogmatique : le r<r/><- incarné, e. ii, s 2. b. L’impeccabilité du Christ. fous les auteurs catholiques admettent l’impeccance du Christ. Mais, en cherchant le fondement ontologique et psychologique de cette prérogative, les mêmes auteurs affirment unanimement que l’impeccance en JéSUS-Chrlsi ne peut être expliquée complètement si l’on n’admet pas l’impeccabilité du Sauveur. El celle affirmation J 291
      1. JÉSUS-CHRIST ET I##
    JÉSUS-CHRIST ET I.A THÉOLOGIE. IMl’ECCABILITÉ DU CHRIST 1292 est considérée, dans l’enseignement catholique, comme une vérité théologiquement certaine Toutefois cette impeccabilité du Sauveur n’esl affirmée comme une thèse certaine que par rapporl à l’ordre présent, de potentia ordinàta Dei : « la controverse théologique reprend ses droits lorsqu’il s’agit de résoudre le problème purement scolastique si. de puissance absolue de Dieu, le Christ aurait pu pécher. » — a) Conclusion théologiquement certaine : le Christ, dans l’ordre présent, possède l’impeccabililé. — Sur l’impeccabilité, voir ce nmt. t. vii, col. 1265 sq. — y.. Une première explication de l’impeccance du Christ, renouvelée d’anciennes erreurs, refuse d’en chercher la cause plus liant que dans la liberté du Christ se déterminant, chaque fois qu’il l’a fallu, dans le sens du bien moral. C’est la thèse de Gùnther, Vorschule : ur spcculativen Théologie des positiven Christenlhums, Vienne, 1829, t. ii, p. 441 sq. ; de Farrar, The Life of Christ, Londres, 1874. c. ix, et de quelques autres. Le Christ a été impeccable en ce sens que Dieu a prévu qu’il ne pécherait point ; mais à cause du libre arbitre, il a fallu que le Christ, comme le premier Adam, fût sujet à la tentation et ait eu la possibilité de commettre le mal, bien qu’il ne l’ait jamais commis. Cette thèse est, à bon droit, réprouvée par l’ensemble des théologiens, comme téméraire et même erronée. En effet, même en apportant à la thèse de Gunther, le secours des explications scolastiques touchant le concours divin et l’efficacité de la grâce, il n’en reste pas moins vrai que le fait de ne pas pécher, la confirmation en grâce, dus à ce concours et à cette grâce efficace (lesquels, on le sait, sauvegardent pleinement la liberté humaine) ne donnent point l’impeccabilité, parce qu’il n’enlèvent pas la puissance radicale de pécher. De là, si en Noire-Seigneur Jésus-Christ nous ne devons trouver, comme raison dernière de son impeccance, que le concours efficace de Dieu agissant sur la volonté libre, le Christ aurait encore possédé la liberté du bien et du mal, quoiqu’il n’en eût jamais usé. Il n’eût pas été impeccable. Or, l’impeccabilité lui est due, car, en vertu de la loi de communication des idiomes, il faudrait dire que Dieu lui-même peut, dans le Christ, commet Ire le péché. De plus combattant l’hérésie d’Arius et d’Apollinaire et, plus tard, celle des nionothélites, les Pères, rejetant les assertions de tous ces hétérodoxes, affirment absolument que l’humanité du Christ, complète et parfaite, est néanmoins, en vertu de son union avec le Verbe, totalement impeccable. C’est donc parce qu’en réalité elle s’oppose à la doctrine commune des Pères que l’opinion deGûnlher et de Farrar est répréhensible. Voir les textes des Pères sur l’impeccabilité de Jésus-Christ dans les Salmanticenscs, disp. XXV. dub. ii, n. 9 12 ; Suarez, disp. XXXIII, sect. ii, n. 4, et surtout Petau, De incarnatione, t. XI, c. x-xi. — p. Tous les catholiques admet Uni donc que non seulement le Christ n’a pas pèche mais qu’il n’a pas pu pécher. Toutefois, de cette affirmation unanimement approuvée, deux explications divergentes sont apportées. — Pour Scot et son école, l’impeccabilité du Christ provient non pas de l’union hypostatique, niais simplement et à l’exclusion de l’union hypostatique, de la vision béatiflque, laquelle, dans le Christ comme dans les élus, iMPKCCAniLn r., col, 1277. exclut la possibilité du péché. Scot. In I Y Seul., I. 111, disp m. q. i, ad 2 ; Mastrlus, De incarnatione, disp. II, q, ii, n. 33 ; Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, disp. xii, q. i, el, en général, les scotistes et les nominalistes. cf. Gabriel Biel, In IV Sent., t. III, dist. xii, q. i. Cette opinion, examinée sous le pontifical de Paul V, a été dcVlaréc exempte de toute censure théo-Ique, Cf. Vlva, De trtnttate, disp. V, q. vi. n. : i lie conserve. en effet, la doctrine catholique de l’im peccabilité du Christ et en donne une explication. de soi. suffisante. Elle admet pleinement que selon les lois ordinaires de la Providence, la plénitude des giâces en Notre-Seigneur exige que soit supprimée en son âme jusqu’à la possibilité du mal. Elle admet que la vision intuitive fixe la volonté dans le bien et supprime la liberté de contrariété : « lorsque l’intelligence est toujours ouverte sur l’infini, la volonté est ravie infailliblement dans un amour béatifique qu’elle ne peut interrompre et elle est rivée pour toujours à Dieu et au bonheur. Puis donc qu’il jouissait sans cesse de la vue de Dieu, le Christ était nécessairement à l’abri de tout péché. » Hugon, Le mystère de V Incarnation. p. 292 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxix. Voir Intuitivk (Vision), t. vii, col. 2291. — Les autres théologiens suivant l’opinion du Maître des Sentences, t. III, dist. XII, admettent que non seulement la plénitude des grâces, qui implique la suppression du f ornes peccati, et la vision béatifique, mais encore et surtout l’union hypostatique expliquent l’impeccabilité du Christ ; bien plus, l’union hypostatique dans le Christ serait, par elle seule, une cause d’impeccabilité absolue. C’est l’opinion de saint Bouaventure, dans son commentaire sur le Maître des Sentences, de sai.it Thomas, Sum. theol., IIP, q. xv, a. 1, de tous les thomistes dont on trouvera les références dans les Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXV, dub. ii, § 1, n. 8, de tous les théologiens de la Compagnie de Jésus, et notamment de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIII, sect. n ; de Vasquez, Id.. disp. LXI, c. m ; de De Luge, Id., disp, XXVI, sect. i. n. I. ainsi que le signale Pesch, De Vcrbo incarnato, n. 303. Cette impeccabilité absolue, issue de l’union hypostatique, concerne aussi bien le péché véniel que le péché mortel, Salmanticenses, loc. cit., n. 39 et doit s’étendre, par analogie, aux simples imperfections. Voir, sur ce point, la longue dissertation des Salmanticenses, disp. XX V. dub. v, La raison apportée est tirée de l’unité de personne en Jésus-Christ. « C’est un principe métaphysiquement certain que toutes les actions, toutes les puissances, toutes les facultés relèvent de la personne : c’est une vérité de foi qu’il y a une seule personne en Jésus-Christ, celle du Verbe. Dès lors, l’humanité el tout ce qu’elle possède est la propriété du Verbe, tous les mouvements qui jaillissent en elle doivent revenir au Verbe ; et donc, dans l’hypothèse où la nature humaine faillirait, c’est au Verbe qu’il faudrait imputer la faute, au point qu’on pourrait dire : le Verbe a failli, le Verbe a péché ! Cette seule supposition froisse et révolte le sens chrétien, i Hugon, op. cit., p. 293. Cet argument est vivement critiqué par quelques théologiens, même en dehors de l’école scotislc. De LugO, disp. XXVI, sect. i. n. 9 ; Vasquez, disp. LXI, c. vi ; Becanus, De incarnatione. c. xii. q. v ; Bernai, De incarnatione, disp. XI.l 1 1. sect. t, n. 9 ; P. Ilnrlado. De incarnatione, disp. I.1X. sect. v. §50. el quelques autres : car. disent-ils. l’union hypostatique n’influe pas sur les opérations, mais simplement sur l’être de la nature humaine, Mais ces théologiens oublient que l’union hypostatique ne saurait être considérée comme la cause physique et immédiate de l’impeccabilité. l.’union hypostatique pose dans la personne du Christ une exigence morale de l’impeccabilité : même si le Christ n’avait pas joui de la vision intuitive, il faudrait de (ouïe nécessité et le contraire exprime une répugnance métaphysique que la divinité en Jésus régît l’humanité de telle sorte que la volonté humaine du Christ fût déterminée librement au bien. Dans cette situation le Christ n’eût pas été simplement confirmé en grâce, il eût été réellement Impeccable, parce que, si fions considérons sa personne. la libre détermination de la volonté au bien sous l’influence de la divinité eûl procédé d’un principe intérieur et n’aurait pas pu ne pas exister. Cf. Suarez, De incanuitione, disp. XXXVII, sect. ii, n 5 et sect. m. n. 23. « Comme Jésus était Dieu, écrit à ce propos saint Thomas, son âme et son corps furent en quelque sorte les organes de la divinité, en tant que la divinité régissait l’âme et l’Ame, le corps : d’où il suit que le péché ne pouvait pas plus atteindre son âme qu’il n’est possible à Dieu de pécher. » In IV Sent., t. III, ilist. XII, q. ii. a. 1. En tout cas, les théologiens précités acceptent unanimement que les allirmations des Pères ne peuvent s’expliquer que dans L’hypothèse où l’union hypostatique est conçue comme expliquant l’impeccabilité du Christ. Salmanticenses, loc. cit., § 2. n. 1°) sq. Comme raison théologique, De Lugo recourt à la sainteté substantielle du Christ qui ne peut se concilier avec la moindre tache en Jésus-Christ, disp. XXVI, sect. i, n. 19 ; cf. Vasquez. loc. cit., Hurtado fait appel au concours divin, disp. I.IX, sect. v, § 72. Cf. Pesch, op. cit., n. 311. P) Controverses scolastiques. — De leur opinion, les scotistes et les nominalistes déduisent, avec assez peu de logique d’ailleurs, que, de puissance absolue île Dieu, le Christ aurait pu, dans sa nature humaine, posséder la puissance de pécher. Xous ne nous attarderons pas à résumer ici les arguments de la controverse. On les trouvera, tout au long exposés, soit dans Suarez, disp. XXXIII. sect. ii, soit dans Gonet, disp. XX, a. 1. 5 1-8, soit dans les Salmanticenses, disp. XXV. dub. ii. Les mêmes controverses se renouvellent au sujet du péché habituel ; Suarez, disp. XXXIV, sect. n ; Jean de S. Thomas, disp. XVI, a. 1. ; Goret, disp. XX,
    1., § 9 ; Salmanticenses, disp. XXV, dub. m. Ces
    discussions purement scolastiques ne présentent d’ailleurs aucun intérêt et il suffit de les signaler ici. On cons altéra, sur l’impeccabilité du Christ, outre les auteurs déjà cités au cours de l’article, Petau, De incarnatione t. XI, c. x ; Franzelin. De Verbo incarnate, th. xlui ; Stentrup, De Verbo Incarnato, t. ii, th. i.xxrv ; Janssens, De Deo-Homine, t. I, p. 666, sq. e) Conséquence de l’impeccabilité : l’absence de tout foyer de la concupiscence. — Le foyer de la concupiscence, fomes concupiscenliæ, fomes peccati, n’est pas autre chose que l’appétit sensible désordonné. Il est en nous, le résultat du déséquilibre introduit par le péché d’Adam dans la nature humaine. Les mouvements désordonnés de l’appétit sensible constituent ce que les théologiens scolastiques appellent le foyer de la concupiscence in aclu secundo ; la puissance à de tels actes introduite dans l’appétit sensible constitue le foyer de la concupiscence in aclu primo. A aucun titre, l’appétit sensible ne constitue, pris en lui-même, ce foyer qui implique, outre l’appétit, le désordre introduit dans l’appétit par le péché d’Adam. Au sujet du foyer de la concupiscence en Jésus-Christ, la théologie catholique procède par un certain nombre d’affirmations de plus en plus précises, comportant par voie de réciprocité, des certitudes décroissantes. — a. Contre Vhérésie de Théodose de Mopsueste, la foi catholique affirme que la sainteté de Jésus-Christ exige en son humanité l’absence /le tout mouvement désordonné de concupiscence, c’est-à-dire l’absence du foyer « le la concupiscence in aclu secundo. Lois de l’affaire ls Trois Chapitres, le IIe concile de Constantinople a signalé et condamne une proposition de l’évêque de meste suivant laquelle le Christ, distinct d’ailleurs du Dieu-Verbe, aurait été molesté par les passions de lame et les concupiscences de la chair. Can. 12, Denzinger-Bannwarl. n. 221. La même condamnation fut renouvelée au III’concile de Constantinople, danla lettre de saint Sophronius, insérée à la session xi’. Cf. Mansi, Concil.. I. sa, col. 196. La doctrine des l est absolument ferme sur ce point et ne laisse prise a aucune équivoque. Voir les textes dans les Salmanti censes, disp. XXV, dub. iv, n. 51 et surtout dans l’et au. De incarnatione, l. V, c. xii ; t. XI, c x. La raison théo logique vient également affirmer ce qu’enseigne la foi : « e’est cpie. en effet, le foyer maudit est la suite du péché originel et qu’il devient en nous la source de ces lamentables désordres qui aboutissent ou inclinent au péché actuel : dès lors, être exempt du péché originel et du péché actuel, c’est être à l’abri de la concupis cence. Et puis, la grâce est si abondante dans le San veui qu’elle rend impossible toute rébellion des facultés inférieures. A plus forte raison, la vision béat i fi que, possession de l’Infini, est-elle l’exclusion absolue et pour toujours de la concupiscence et de ses suites honteuses. Enfin l’union hypostatique, s’oppose à ce que le foyer atteigne l’humanité du Sauveur, parce que, nous venons de le montrer, voir col. 1290, il serait imputable à la personne même du Verbe, à laquelle il faut rapporter œuvres, puissances et propriétés. » Hugon, op. cit. p. 294. Cf. Gonet disp. XX, a. 2, n. 09-70 ; Salmanticences, disp. XXV, dub. iv, n. 51. — b. Il est théologiquement certain que le Christ, n’ayant éprouvé en fait aucun mouvement de la concupiscence, ne pouvait pas marne les éprouver, n’ayant pas le foyer in actu primo. Durand de Saint-Pourçain semble avoir soutenu l’opinion contraire, In IV Sent., t. III, dist. III, q. ni ; niais il faut se souvenir que cet auteur entend par foyer de la concupiscence l’appétit sensible lui-même. Or, il est constant que Jésus-Christ a possédé une humanité parfaite, douée de sensibilité ; mais les puissances et les mouvements de cette sensibilité fuient toujours selon l’ordre de la droite raison. Sa faim, sa soif, son besoin de sommeil, n’impliquent donc pas de concupiscence en son appétit sensible. Cf. Si/m. Iheol., III’, q. xv, a. 2. ad 2 e. L’angélique docteur, dans le corps de cet article, fait valoir deux raisons en faveur de l’absence de tout foyer de concupiscence en Jésus-Christ. Possédant les vertus morales au suprême degré, le Christ ne pouvait avoir de concupiscence ; car cette concupiscence eût ramené à un degré inférieur la vertu du Chi ist. Déplus, Jésus-Christ n’a pris que les défauts de la nature humaine utilisables pour la fin de l’incarnation, le rachat de l’humanité. Or la concupiscence aurait plutôt un effet contraire. Suarez, disp. XXXIV, sect. ii, n. 1-7 ; Salmanticenses, loc. cit., n. 52. Cf. Gonet, loc. cit.. n 71-72. Ce dernier auteur apporte un troisième argument, n. 73 : le foyer de la concupiscence n’a existé ni en Adam dans l’état d’innocence, ni dans la bienheureuse Vierge, ni dans les bienheureux après la résurrection. Donc, a fortiori, le Christ a dû en être exempt, puisque la concupiscence ne pouvait lui servir pour la rédemption des hommes. Ajoutons enfin un argument proprement théologique, tiré du concile de Trente. Ce concile déclare, sess. v, can. 5, Denzinger-Bannwart, n. 792, que la concupiscence ou le « foyer > demeurent chez les baptisés et sont appelés par l’apôtre « péché », nonpas qu’elle soit dans les baptises un véritable péché mais parce qu’elle vient du péché et conduit au péché. Donc le foyer de la concupiscence vient du péché. Jésus n’ayant jamais contracté la souillure originelle ne peut avoir contracté le foyer de la concupiscence. Hugon, /V V<rbo incarnato, q. ix. a. 1. n. 8. lue conclus ! , y i >’impose immédiatement, relative aux tentations de Jésus dans le désert. Ces tentai ions furent purement externes, et n’éveillèrent en Jésus aucune concupiscence. Le démon n’hésita pas a tenter Jésus. afin d’éprouver s’il était vraiment Fils de Dieu. Jésus repoussa la tentation, non en lai. an ! appel a sa puissance, mais en rappelant simplement au démon les lois de la justice. Il permit, ces tentations pour notre instruction, afin que nous ne nous croyions jamais à l’abri d’une telle épreuve, pour notre édification, non laissant mi exemple admirable de victoire ; enfin 1 : 15
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ 1)1 CHRIST L296 pour notre réconfort, nous rappelant que la grâce de Dieu ne nous fera jamais défaut pour vaincre. S. Thomas. Suni. theol., III’, q. xii, a. 1. Cf. Heb., iv. 15 ; mi. 12. c. C’est une opinion de beaucoup la » lus probable, que même de puissance absolue de Dieu le Christ n’a pu avoir le foyer de la concupiscence. Quelques théologiens, en effet, soutiennent que dans un ordre différent des choses, Dieu absolument parlant, aurait pu s’unir une humanité douée de ce foyer de la concupiscence. Ainsi opinent Vasquez, disp. LXI, c. viii, n. 17 ; De Lugo, disp. XXVI, sert, iv, n. 52 : Becanus, c. xii, q. v. Ragusa, De incarnalione, disp. CLV, introduit dans cette opinion une distinction : le Verbe n’aurait pas pu s’unir une humanité douée d’un foyer non éteint et non lié : niais, de puissance absolue de Dieu, il eût pu s’unir une humanité douée d’un foyci non éteint, mais lié. Contre ces opinions, si peu probables qu’on les doit déclarer improbables, les thomistes, et beaucoup d’autres théologiens, avec eux. cf. Suarez, disp. XXXIV, sert, il, n. 8, enseignent que, de toute façon, et en n’importe quelle hypothèse, il répugne métaphysiquement que le foyer de la concupiscence se trouve dans le Christ, parce qu’une telle coexistence répugne métaphysiquement a la sainteté substantielle de Jésus. Voir, pour la discussion de ce point controversé. Suarez, toc. cit. ; Sa Iman licences, loc. cit., n. 55 : Gonet, loc. cit., n. 75 sq. Ces deux derniers ailleurs résolvent longuement les objections des adversaires dans un paragraphe spécial. 3. La liberté du Christ. La sainteté et l’impeccabilité qui en est la conséquence ne suppriment -pas, en Jésus-Christ, la liberté. Libre de toute contrainte extérieure dans les déterminations de sa volonté, l’âme du Christ fut également libre de toute nécessité interne, l’obligeant à se déterminer dans un sens plutôt que dans un autre. Toutefois une distinction est ici nécessaire : cette liberté excluant toute nécessité interne, liberté que les théologiens appelle liberté d’indifférence, se subdivise en trois espèces différentes : liberté de contradiction, par laquelle nous pouvons agir ou ne pas agir : liberté de spécification par laquelle nous pouvons choisir entre tel ou tel acte ; libelle de contrariété, par laquelle nous pouvons choisir entre le bien et le mal. Le Christ, impeccable et par là même incapable de commettre le péché, ne pouvait jouir de la libellé de faire le bien ou le mal ; mais cette liberté. que Dieu lui-même ne connaît point, n’appartient pis à la perfection de la liberté ; elle en est plutôt en défaut. CI. Billot, De Deo Uno. th. xxvi, !  ; 2 : De Verbo incarnate, th. xxx. Mais le Christ, comme homme, a possédé très certainement la liberté de choisir entre des biens différents, et la liberté d’agir ou de ne pas agir. La liberté d’indifférence SUl ces deux points est absolument nécessaire pour mériter, cf. Denzinger-Bannwart, il. 1091, et le mérite acquis par le Christ soit pour lui-même, soit pour nous, ne peut pas Être mis en doute. Toutefois une grave difficulté surgit à propos de la liberté du Christ. Il est au moins un cas OÙ, d’après la sainte Écriture, Dieu paraît avoir imposé au Christ un précepte formel, celui de mourir pour les hommes. Dans ce cas précis, Jésus ne pouvait se dérober a ce précepte sans péché : il ne pouvait donc ni éluder ce précepte en choisissant un autre mode de satisfaction, ni se dispenser d’obéir ; car, de toule laçoli il eûl offensé Dieu. Or le Christ n’avait point la liberté d’offenser Dieu. Serait-il donc mort sans avoir accepté librement sa mort ? 1.1 alors, que devient le mérite de la Rédemption, c’est-à-dire la Rédemption clic un nie. Telle est la question, que les théologiens ont coutume d’agiter autour du problème de la liberté du Christ, et qu’ils ont, peut-êti e, compliquée à plaisir. ") Existence de la liberté humaine du Christ. La volonté humaine de Jésus Chris ! même régie ci.lu par la volonté divine, a possédé la liberté d’Indifférence nécessaire au mérite. Cette thèse, dans sa teneur générale, el dégagée des explications apportées par la théologie à la liberté humaine du Christ, est de foi divine et catholique : en l’absence de définition expresse de l’Église sur ce point. nous avons la proposition authentique et très certaine du magistère ordinaire de l’Église, laquelle suffil amplement. Cf. Conc. Vatic, sess. m. c. iii, DenLinger-Uaniiwail. n. 17’, » 2. il. Lu sainte Écrirure est sur ce point très affirmative.] a Christ a eu, en plusieurs occasions, la liberté de choisir entre différentes déterminations :.Joa. vu. 1 : Matth.. xxvii, 3 1, viii, 3. i II ne roulait pas aller en Judée ; il ne voulut pas boire : je le veu v. dit-il, sois gué] i. lui second lieu, le Christ a possédé cette liberté qui est requise pour les œuvres louables et méritoires. Il exalte l’obéissa. ice qu’il témoigne à l’égard de son Père : < « Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Joa., v. 30. Et c’est pour cette obéissance qu’il attend de Dieu sa propre glorification. Joa., xvii. 1. 5. Et il a élé vraiment glorifié à cause d’elle, Phil. ii, JS- !). Aussi l’auteur de l’épître aux Hébreux nous le propose comme exemple, en une formule qui atteste derechef sa liberté, quel que soit le sens à lui donner, Heb., xii. 2. On lit. en effet, de Jésus : ôç ixvtî Tr, : Tcpoxeuxévqç aùrcô "/apiç ûjréufiivsv trraupov, qui proposito sibi qaudio sustinuit crucem. La glorification lui fut-elle proposée comme récompense de la croix, ou bien Jésus a-t-il choisi la croix de préférence à la gloire -.’peu importe, la liberté du Christ reste explicirement attestée. Lu troisième lieu, enfin, l’Écriture nous atteste que le Christ, en subissant la mort, a été libre ; il a eu le pouvoir de donner sa vie, et ce pouvoir appartenait certainement à sa volonté humaine, seule capable de recevoir un commandement de Dieu : c Le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre de nouveau. Sut ne me Vête, mais je la donne de moi-même ; et j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu ce commandemeiU de mon Père, i Joa.. x, 17-18. Cet le liberté du Messie mourant avut de] i ; t : affirmée par Isa e, un, 7, sq cf. Art., vin. 32. / ». Les Pères ne sont pas moins allumai ifs, très spécialement en ce qui concerne la libellé du sacrifice de la croix. Rappelons simplement quelques textes, en renvoyant pour l’ensemble des Pères a Pelau. De incarnatione, I. IX. c. vin. et à Stentrup, op. cit., th. i.xxv. < Ce n’est pas par nécessité, mais volontairement, écrit saint Jérôme, que le Christ a subi la croix : n’a-t-il pas dit dans l’Évangile : < Xe boirai-je pas le calice que m’a donné mon Père, i In. Is., c. un, " i. 7, P. L.. t. xxiv, col. 508 ; cf., c vii, . 15, col. 1 10. < Il lui était loisible, dit a son tour saint Jean Chrysostonie.de ne ri en souffrir, s’il l’avait voulu ; il pouvait, s’il l’avait voulu, ne pas subir la croi In Heb., c. xii, i. 2. P. G., t. txiii, col. 193. El enco « Il lui élaii permis de ne point subir les opprobres ; il lui était permis de ne pas souffrir ce qu’il a souffert, s’il n’avait considéré que son intérêt personnel. Il ne voulut pas cependant agir ainsi, ni ai s, considérant ce qui nous était avantageux, il négligea ce qui pouvait le concerner. » In Rom., c xv. -.. 3, P. <'>.. t. i.x.col. 16 11 est mort, ajoute saint Augustin, parce qu’il l’a voulu, quand il l’a voulu et comme il l’a voulu. tDe trinilate, l. IV, c. xiii, n. t (i, P./… t. xi.ii. col. 898 ; cf. InJoannem, tract, c.xix, n. (i. P. /… t. xxxv, col. 1952. A l’unanimité des Pères, s’ajoute, comme argument d’autorité, l’unanimité des théologiens. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Il I’.q. xviu.a. I ; Suarez. disp. XXXV] l.secl.ii.n. 1. c. Une première preuve de raison théoloqique s’appuie sur une double prémisse de foi. Tout d’abord, il est de foi que Jésus nous a mérité le salut et le concile (le Treiili’ne cesse d’exalter la valeur de ces mérites Immenses et d’une efficacité universelle. Conc lïid. VI"-, JÉSUS-CHRIST ET LA I I !  ; ’() !.()(, 1 1 LIBERTÉ DU CHRIST TJ ! >S sess, v, eau. : > : sess. i. c. iii, xvi : can. 10, 32 : 1 >enzin lannwart n. 790, 799, 800, 809, 810, 820, 842. Ensuite, il est également de foi, contre Jansénius, que /< mérite requiert la liberté, l’exemption non seulement de toute violence et de toute contrainte extérieures, mais encore de toute nécessité intérieure. Denzinger Bannwart, n. 1094, Donc, -et cette conclusion immédiate de deux prémisses qui sont de foit ne peut cire qu’une vérité de foi — le Christ, comme homme, est libre, puisque, comme tel, il nous a mérité le salut. — L’nc seconde preuve de raison théologique s’appuie sur les décisions dogmatiques des conciles affirmant que Jésus-Christ a pris une nature humaine complète, et très particulièrement sur les décisions du III* concile de Coastantinople contre le monothélisme. Voir îTANTiNOPLi (III* concile de), t. iii, col. 1268. s’il va en Jésus-Christ deux natures, le divine et l’humaine, d u volontés naturelles, celle de Dieu, celle de l’homme, il y a également deux libertés qui sont lapropriété de la volonté divine etdela volonté humaine, la liberté de Dieu et la liberté de l’homme. De ces deux libertés, il faut répéter ce que le concile affirme des deux volontés : e elles sont sans division, sans confusans opposition, car il n’y a pas de contrariété en elles : mais elles sont. X’a-t-il pas fallu, pour reprendre l’argument sotériologique proposé par les Pères contre Apollinaire, que le Christ prît notre liberté, afin de la guérir, afin de le sauver ? Cf. S. Jean Damascène. De fide orthodoxa, t. III, n. 14, P. G, , t. xciv, col. 1012. Voir Legrand, op. cit., dissert. IX, a. 3, eoncl. 1 : Pranzelin, De Yerbo incarnalo, th. xuv, S 1 ; Pesch, op. cit., prop. xxv. et surtout Janssens, De Deo-Homine, t.i, p 670-675, b) Conciliation de la liberté du Christ avec le précepte de mourir imposé par Dieu. — Xous avons exposé tout à l’heure la difficulté. Il nous reste à préciser ici le point précis où semble se concentrer cette dilliculté, avant d’aborder l’énoncé des diverses solutions proposées. <i. Point précis de la difficulté. — Xous avons énuméré plus haut. col. 1290, trois causes de l’impeccabilité du Christ. la plénitude de la grâce, la vision intuitive, l’union hypostatique. Or ni la première, ni la troisième de ces causes ne peuvent apporter de sérieuse difficulté dans le problème présent. La plénitude de grâces, en premier lieu, ne supprime pas le jeu normal des facultés naturelles, car la grâce ne supprime pas la nature : elle ne fait, lorsqu’elle est possédée dans sa plénitude comme par l’âme du Christ, que corriger les défauts et les imperfections de la nature ; or la liberté d’indifférence, quant a l’exercice et à la spécification de l’acte, est, au contraire, une véritable perfection de la nature. La grâce ne peut donc que respecter et accroître cette perfection. En second lieu L’union hypostatique : soumettant a l’emprise de la divinité l’humanité sainte du Sauveur, a rendu celle-ci impeccable sans lui enlever sa liberté. L’humanité du Sauveur était impeccable, de ce chef, parce que la motion divine efficace itait toujours sa volonté libre dans le sens du bien ; mais cette motion efficace respecte, on le sait, la liberté humaine. Jésus-Christ était, eu vertu de sa sainteté substantielle couronnée par la sainteté accidentelle, semblable a un homme confirmé en grâce, a qui Dieu aurait décrété, tout en le laissant libre, de lui faire toujours éviter le péché, en lui donnant ton jours le concours convenable pour que le péché fui effectivement évité. In tel homme serait impeccable et cependant libre. La différence entre un saint confirmé en grâce et Notre Seigneur.lésiis Christ, au point ue qui nous occupe consisterait uniquement en ce que, pour le juste confirmé eu grâce, cette confirma tion est un pur effet de la bonté toute gratuite de Dieu, tandis que l’âme de Jésus-Christ, a caus de union hypostatique avec le Verbe, avait un droit rigoureux a cette confirmation. L’homme Juste, con firme en grâce, n’est Impeccable qu’cxtriiisèquemenl. c’est-à-dire par suite de la grâce efficace que Dieu veut bien miséricordieusement lui accorder d’une façon continuelle ! Jésus Christ, est Impeccable intrinsèquement, c’est-à-dire, en vertu même des exigences de.sa personne, dans laquelle la divinité ne peut être unie à une humanité pécheresse. Voir sur L’impeccabilité antécédente extrinsèque ci Intrinsèque, Impeccabi i.ité, col. 126"), sq. Les justes con firmes en grâce, considérés en eux-mêmes, et abstraction faite du secours efficace que leur donne Dieu, - - sensu diuisu restent toujours absolument parlant faillibles, quoique considérés sous l’influence du secours elficace, ils ne puissent pécher, le Christ, comme tel, doit posséder dans sa divinité cette direction infaillible qui lui est connaturelle et, par rapport à sa personne, intrinsèque : on ne peut, dès lors qu’on parle du Christ, concevoir le sens divisé, dont nous parlions à propos des confirmations en grâce, et donc, purement et simplement le Christ est impeccable. Suarez, disp. XXXV IL sect. 3, n. 23. Cf. Billot, De Verbo incarnalo, th. xxix. Qu’on explique la motion efficace dans le sens du concours simultané, de la prémotion physique dirigée par la science moyenne, de la prédétermination physique, peu importe : l’impeccabilité qu’elle entraîne en Jésus-Christ implique la liberté de la volonté humaine du Sauveur, bien loin qu’elle la détruise. La vraie difficulté vient de la vision intuitive, laquelle, à un double titre, lie la volonté créée et béatifiée au bien suprême qui est Dieu et a tout bien créé qui est en relation nécessaire avec ce bien incréé. Voir Impeccabiuté, col. 1275-1277.’fout d’abord, en effet, la volonté béatifiée s’attache comme à sa fin dernière et se fixe d’une manière irrévocable au bien suprême que la vision intuitive lui fait connaître et saisir en lui-même ; et ce bien suprême ainsi irrévocablement possédé devient la règle de tous les choix et de toutes les déterminations de la volonté. Si donc un bien créé est présenté à la volonté béatifiée comme en relation nécessaire avec le bien suprême, soit parce que cette relation est dans la nature même des choses, soit parce que la volonté divine établit cette relation, la volonté béatifiée sera nécessitée à ce bien, tout comme elle est nécessitée au bien suprême. Ensuite, la volonté béatifiée s’attache au bien suprême, un acte toujours présent, et dont l’éternité participée est la mesure. Cet acte est, par là même, irrévocable et définitif. Et tout bien créé qui est en relation nécessaire avec la loi suprême tombe également sous le choix définitif et irrévocable de la volonté. Voit Intuitive (vision), col. 2390. Donc, si Jésus a vraiment reçu de Dieu son Père le commandement formel de mourir, et de mourir sur la croix, ce sacrifice semble bien être, de par la volonté de Dieu, en relation nécessaire avec le bien suprême auquel la volonté béatifiée du Christ était irrévocablement et définitivement lixée. Donc la vision intuitive nécessitait sa volonté à L’accomplissement de ce sacrifice. Tel est le point précis de lu difficulté. Comment le résoudre’.' b. Principes certains d’après lesquels doivent être exclues les explications très certainement fausses. — Remarquons tout d’abord que si nous ne voyions pas comment concilier la liberté et l’impeccabilité dans le Christ, nous devrions cependanl admettre deux vérités indubitables. De plus, l’existence de la vision Intuitive dans L’âme de Jésus doit être, pour le même motif, fortement affirmée ; cette vérité ne supporte aucune négation, aucune diminution, Enfin, c’est la volonté humaine de Jésus Christ qui a Libre ment accepté la moi t ci pai la posé un acte méritoire du salut des hommes. Ces quatre vérités Indubitable nous permettent d’éliminer, sans même les discuter, 1-299
      1. JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE##
    JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST L300 un certain nombre de théories, les unes simplement fausses et Insuffisantes, les autres confinant à la témérité et à l’erreur, ou même à l’hérésie. at) Fausse et insuffisante l’explication de saint Anselme rapportant à la volonté divine la liberté et le mérite du sacriflee de la croix : « Dieu, par un libre choix, s’est fait homme et a voulu mourir, et parce qu’en Jésus-Christ le même suppôt est Dieu et homme, cette personne (qui est le Christ) a voulu librement mourir. > Cur Deus homo, 1. 11, c. xvii, P. L., t. (xviii, col. 419 sq. — (3) Erronée et proche de l’hérésie, l’explication des Jansénistes, selon laquelle le Christ aurait subi la mort volontairement mais nécessairement, la nécessité n’excluant pas le mérite. Cf. Platel, Traclatus de incarnalione, n. 317. — y) Fausse et erronée, l’explication d’un certain nombre de théologiens du siècle dernier, niant purement et simplement l’existence de la vision intuitive de Jésus-Christ. Gunther, Vorschule der speculativen Théologie, t. ii, p. 295 et les gunthériens, auxquels il convient d’ajouter Klee, Laurent, Mgr Bougaud, Knittel, Hernlann Schell. Cf. Ch. Pesch., op. cit., n. 242. — 8) Téméraire et proche de l’erreur, l’explication qui a séduit jadis d’excellents théologiens comme, M, Cano, De locis theologicis, t. XII, c. xiii, in fine ; Grégoire de Valencia, De incarnalione, disp. I, q. ix, punct. 2 ; Salmeron, Commentar. X, tract, xi ; Maldonat, In Mallh., c. xxvi, ꝟ. 37. Cette explication donnée pour concilier les souffrances de la passion avec la béatitude qu’entraîne la vision intuitive, consiste à affirmer qu’au moment de la passion la vision béatilique a subi comme un ralentissement ou une suspension dans l’âme du Christ, ou que du moins son effet ne s’y est plus fait sentir. Cf. Janssens, De Deo-Homine, t. ii, p. 700. Par une semblable suspension de la vision intuitive, on pense expliquer la liberté du Christ. Sur l’impossibilité absolue d’une telle suspension soit de la vision, soit de ses elïets, voir Intuitive (vision), col. 2391. De cette explication doit être rapprochée celle qui n’admet, dans le Christ, à la toiscomprehensor et viator, qu’une vision intuitive atténuée, en raison de l’état de voie drns lequel se trouve le Christ. Mais qu’est-ce que cette vision intuitive atténuée ? — En bref, il faut admettre dans le Christ et l’impeccabilité et la vision intuitive, complète et sans atténuation, et la liberté d’indifférence, capable de mérite. Toutes les divergences d’opinion portent donc ou sur l’existence du précepte ou sur l’objet de la liberté du Christ. c. Les solutions probables. — Il serait difficile de trouver dans les grands théologiens du xiii c siècle une indication ferme. Chaque système prétend y trouver ses précurseurs et ses patrons. On cite les noms d’Albert le Grand, de saint Thomas, de saint Bonaventure. et d’autres encore. Saint Thomas se contente d’affirmer la liberté du Christ et son obéissance aux inspirations, au précepte du Père. Cf. Sum. theol., IIP, q. xi.vn. a. 3, ad 3um ;  ; „ IV Sent., I. 111, disl XVIII, q. i, a. 5 ; In epist. ad Rom., v, vi, lect. viii. D’autres passages sont plus difficiles à interpréter, par exemple, In IV Senl., 1. Ill.dist. XVIII, q i, a.2, ad5 « w> ; Sum. theol., 1 1 1 q. xviii, a. 1, ad 3 1 " 11 : De veritatt. q. i. a. 6. Sur l’opinion de saint Thomas, voir Pesch, "P. cit., n. 319, note. Saint Bonaventure affirme — ce que tout le monde accepte. que la détermination de la volonté du Christ, en raison de son impeccabilité, n’empêchail pas sa liberté, et Indique la solution de la difficulté en rappelanl que le Christ a mérité par les actes, non du compréhenseur, mais de l’homme encore dans l’état de voie. In l sent., I. Ml. dist. XVIII, < l, q. ". ad 1’"". ad 2° u >. ad.V" 1. Les systèmes bien accusés postérieurs. ix) Première solution Jésus Christ « reçu </ Dieu un précepte véritable relativement à lu mort sur lu croix ; il a obéi et, nonobstant lu vision intuitive, son obéissance a été par/ailement libre. — a. Exposé. — Cette solution a le grand avantage de conserver intégralement tous les éléments du problème. Elle admet, d’une part la réalité du précepte, et d’autre part, la liberté et l’obéissance du Christ. Elle est la solution de tous les thomistes de la famille dominicaine, cf. Gonet, disp. XXI, a. 3, § 3, n. 83, des théologiens de Salamanque, disp. XXVII ; et de nombre de molinistes, en premier lieu de Molina lui-même, Concordia, disp. LUI. memb. iv, ad linem ; In I, m p. Sum. S. Thomæ, q. c.xiv, a, 3. disp. VIII ; de Lessius./n III * m p. Sum. S. Thom « r q. xviii, a. 4 ; deBecanus, Theologiascholastica, part. IL tract, iv, De gralia, c. v, q. i ; du B. Bellarmin.De justifleatione, t. V, c. n. Elle est bien exposée de nos jours, du côté thomiste, par le P. Hugon.De Verbo inmrnalo, q. xi, a. 3, et, du côté moliniste, par le P. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxvi. Nous avons déjà rappelé plus haut que l’union hypostatique, . considérée comme source de l’impeccabilité, n’était pas un obstacle à la liberté, soit qu’on explique celle-ci par les décrets prédéterminants des thomistes, soit qu’on lui donne comme explication dernière la science des conditionnels de Molina. Au « sens composé » de la motion efficace, le Christ n’a pu pécher ; mais ♦ au sens divisé » de cette inotion.il a pu pécher, possédant la nature humaine qui, considérée dans ses facultés naturelles, peut défaillir. Partant, il est demeuré libre. On conçoit donc, que, se plaçant à ce point de vue, un excellent thomiste écrive : La difficulté n’est pas autre ici que la difficulté générale de concilier la liberté créée avec la prescience éternelle et avec le concours divin. De même que le décret prédéterminant porté de toute éternité ne nuit en rien à la contingence de l’acte qui se produira dans le temps, de même que la liberté demeure intacte sous l’influence de la motion divine ; ainsi le précepte du Père ne rend point fatale l’obéissance du Christ et la grâce, toujouis efficace en lui, bien loin de gêner la volonté, assure et produit les actes parfaitement libres et méritoires. L’union hypostalique entraîne pour l’âme cette plénitude de grâce habituelle ou actuelle qui se soumet toutes les puissances et exclut le péché ; elle garantit pour chacun des actes humains une motion infaillible qui les rend parfaits… Ainsi donc, en Jésus-Christ, le pouvoir radical de ne pas mourir ou de ne pas poser un tel acte existait véritablement, c’est seulement le fait de ne pas mourir ou de ne pas opérer qui ne s’est pas réalisé et qui, vu le plan divin, ne devait pas se réaliser. La liberté est donc demeurée intacte dans le Sauveur, comme j’avais l’entière faculté de m’asseoir à tel moment, bien que le fait n’ait pu avoir lieu que parce que je me suis trouvé en marche à ce même instant. La prédestination et la grâce efficace, tout en laissant la puissance entière, assuraient infailliblement que le fait ne se produirait pas, comme il es1 arrivé infailliblement que je n’ai pas été assis à cette heure de ma journée ». Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 300-301. Les molinistes diffèrent d’expressions avec les thomistes : ils rejettent l’explication du < sens divisé i et du < sens composé », et lui substituent la prescience des futuribles ; mais la solution reste substantiellement la même, et revient â dire que le problème de la liberté du Christ n’est qu’un aspect particulier du problème plus général « le la liberté humaine, sous la motion divine efficace. Cf. Pesch, op. cit., n. 329 et 342. Pour le détail des explications thomistes on consulte ! a Gonet, disp XXI, a. 3. 5 i : Billuart, dissert. XVIII, § 2 ; et Salmanlicences. loc. cit. — p. Critique. — La vraie difficulté n’est pas ou veulent la voir les thomistes, cf. Gonet, loc. cil., n. 93, dans la conciliation du régime d’inipeccabilile imposé pai l’union hypostatique à la volonté humaine avec ! la liberté du Christ ; d’excellents théologiens, qui ont L304
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA rHÉOLOGlE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA rHÉOLOGlE. LIBERTÉ Kl CHRIST [302 combattu la solution thomiste, concèdent que cette conciliation n’a rien de bien ardu, non milu videtur, expeditu ardua, écrit Théophile Raynaud, C.hristus Deus-Homa, 1. IV. sect. ii, c. vi. n. 388. Kl Suarez est pleinement d’accord sur ce point avec les thomistes et Molina. Disp. XXXVII, sect. ii, n. 23. La difficulté proprement dite vient de la vision intuitive ; les grands thomistes affectent de la résoudre en quelques mots. Gonet. loc. cit., n. 106 ; Billuart, loc. cit., § 3 ; Salmanticenses, loc. cit., n. 53. Le P. Hugon, soit dans son De Verbo incarnato, soit dans Le mystère de l’Incarnation, ne la mentionne même pas. Et pourtant c’est là tout le noeud de la question : Et « en effet, écrit le cardinal Billot, l’impeccabilité du Christ n’avait pas sa cause uniquement dans l’union hypostatique et — ce qui en est la conséquence — le gouvernement de la volonté humaine par la divinité : elle avait également sa source dans la condition d.’ « compréhenseur », dont la volonté est physiquement déterminée à l’amour du souverain bien et, par conséquent, physiquement incapable de produire un acte quelconque répugnant à cet amour. La volonté de celui qui voit Dieu en lui-même aime en effet nécessairement tout bien nécessairement ordonné vers Dieu, exactement comme la volonté de celui qui ne voit pas Dieu dans son essence, aime nécessairement tout ce qu’elle aime, sous la raison commune du bien en général, la seule qu’elle atteigne… Ainsi, supposé que Dieu ait porté un précepte formel, le compréhenseur voudra nécessairement l’objet de ce précepte en tant précisément qu’il est imposé par Dieu : par le fait de ce commandement, tout bien opposé n’est plus capable d’être rapporté à Dieu et. s’il s’agit d’un précepte grave, tout bien opposé revêt un caractère nettement contraire et devient en réalité un mal Billot, De Verbo incarnato, th. xxix. A cette objection, plusieurs réponses ont été tentées. Dans le camp thomiste, les opinions sont partagées. Los uns, avec Capréolus. Silvestre de Ferrare, Médina. D. Soto, Jean de Saint-Thomas, Contenson, distinguent en Jésus-Christ deux amours de Dieu, l’un et l’autre ayant pour objet labonté divine considérée en soi et recherchée pour elle-même, l’un, réglé par la vision béatifique et par conséquent nécessaire, l’autre, réglé par la science infuse, et par conséquent libre. Dans son Manuel thomiste, Gonet indique cette solution comme probable. A cette première réponse, le cardinal Billot réplique par une fin de nonrecevoir. « Cette distinction dit-il, est vaine, car en réalité qu’un homme soit attaché avec un seul lien, il ne pourra être réputé libre, bien qu’il ne soit pas attaché avec deux ou trois autres liens ; il n’est, en effet, besoin pour l’attacher que d’un seul lien, si ce seul lien exerce toujours son action. Or la science bienheureuse exerce toujours son action sur l’âme du compréhenseur et fixe la volonté divine d’une façon nécessaire dans l’amour divin, avec lequel n’est compatible aucun péché ». La réplique de l’éminent théologien semble, au premier abord, irréfutable. On peut toutefois se demander si elle tient suffisamment compte de l’état exceptionnel dans lequel se trouvait, en Jésus-Christ, l’homme ù la /ois voyageur et compréhenseur. Nous sommes évidemment en face du mystère — le mystère de Jésus-Christ — mais, bien que Jésus ait joui, dès le premier instant de son existence, de la vision intuitive, on peut se demander si l’état de voie, dans lequel il se trouvait également, ne s’étendait pas aux opérations par lesquelles il devait mériter notre salut. Et à cette question la réponse ne saurait être douteuse. On la trouvera chez le cardinal Billot lui-même, th. xxiv. note, édit. de 1012, p. 285-286. Expliquant que le Christ doit être dit t voyageur » quant au corps et compréhenseur i quant a l’âme, le cardinal ajoute : i (tic affirmation peut être com prise dans un sens taux et comprise dan-, un sens vrai. Ce serait une erreur de croire que seul le corps et non pas l’âme a été le sujet des privations et <les opérations propres au Christ voyageur, lui effet, la passibilité appartenait au Christ voyageur, et cependant le sujet de cette passibilité n’était pas seulement lecorps ; et pareillement les opérations par lesquelles le Christ a mérite et satisfait étaient, sans aucun doute, les opérations de l’état de voie, puisque cet état est requis pour le mérite et la satisfaction. Et cependant, — c’est l’évidence même, — ces opérations appartenaient plus encore à l’âme qu’au corps l.a vérité consiste doue â dire que tous les défauts, toutes les conditions appartenant à l’état de voie, avaient leur racine, leur cause non pas précisément dans l’âme, mais dans le corps, c’est-à-dire dans cette chair mortelle et passible par lequelle le Christ a pleinement participé à notre nature. » Il ne faut donc pas raisonner comme si l’âme tout entière et dans toutes ses opérations était, en Jésus-Christ, réglée par les lois propres aux compréhenseurs. Le Christ a une psychologie spéciale et unique. Nous n’en pouvons découvrir les lois profondes et cachées, mais nous les pouvons soupçonner et peut-être la vérité se trouve-t-elle dans la formule thomiste, suffisamment indiquée par saint Thomas lui-même : « Le Christ n’a pas mérité par la charité qu’il avait en tant que compréhenseur, mais par celle qu’il avait, comme voyageur. Car il fut à la fois voyageur et compréhenseur. Mais maintenant qu’il n’est plus dans l’état de voie.il ne peut plus mériter. » Sum. theol., III’, q. xix, a. 3, ad l nn ». Une deuxième solution thomiste distingue dans le même acte d’amour deux objets, l’un, la divine bonté considérée en soi et en tant qu’elle est la raison d’aimer Dieu et ses perfections nécessaires ; l’autre, la divine bonté considérée comme raison d’aimer les créatures, avec lesquelles cette divine bonté n’estpas en connexion nécessaire. Envisagé sous le premier aspect, l’acte d’amour est nécessaire ; sous le second, il est libre. C’est ainsi que l’amour que Dieu a de lui-même est nécessaire, et que l’amour qu’il a pour les créatures reste libre, quoique ce soit le même amour. C’est la solution de Nazario, Alvarès, Araujo, et, parmi les grands thomistes, de Gonet, dans le Clypeus, de Jean de Saint-Thomas et des Salmanticenses. Il semble bien que cette réponse soit insuffisante car quelle comparaison établir entre l’amour que Dieu a de lui-même et des créatures et dont la liberté relativement aux créatures trouve une raison d’être dans la transcendance infinie de tout ce qui est Dieu ou appartient à Dieu, et l’amour humain du Christ, nécessairement fini et soumis aux lois qui régissent les opérations des créatures ? Voir la discussion dans Gonet, loc. cit., n. 100 ; dans Billuart, dissert. XVIII, a. 4, § 3 ; Jean de S. Thomas, De incarnalione, c. xix, disp. XVII, a. 3, n. 10-19 ; Salmanticenses, disp. XXVII, n. 53. I.a réponse des scotistes est plus simple. En principe, ils admettent la réponse thomiste de la double condition du Christ voyageur et compréhenseur. Scot, 7/i IV Sent., I. III. dist. XVIII, q. 7, n. 9. Mais, à la difficulté tirée de la vision intuitive, ils répondent purement et simplement que l’amour béatifique est sans doute nécessaire, paice que la Providence divine agit de telle façon que les bienheureux persévèrent en cet amour ; mais il respecte la liberté de la volonté dont il procède. Et la raison de celle assertion, c’est que le principe de l’impeccabilité des élus est extrinsèque et non intrinsèque à la volonté béatifiée. Voir Impeccabiuté, col. 1276. Mais cette théorie semble bien dénuée de toute probabilité. De plus, il faudrait dire, dan cette opinion, que le Christ a mérité d’une manière différente des autres hommes, car les actes tutres homme ! parvenus : < la béatitude me sont I)lus méritoires. Il audrait dire que par un privilège spécial — quelle que soit « railleurs la nature de ce privilège — les œuvres du Christ ont été méritoires. Cl. Faber (Le Fèvre), In IV Seul.. 1. 111. dist. XY1II, disp. XLIY. n. 8, 26. Les molinistes reprennent, en général, la première solution thomiste, en la précisant quclque peu. Ils partent de ce principe que l’âme du Christ était éclairée d’une double connaissance, la connaissance propre au compréhenseur, vision intuitive et la connaissance propre au voyageur connaissance infuse (per accidens) et surtout expérimentale. A cette double source de connaissances, devait correspond ! e une double série d’actes de volonté. Par la connaissance propre au voyageur, le Christ avait conscience du bien consistant dans l’obéissance due à Dieu, et cette obéissance ne lui apparaissait pas comme un bien absolu sans mélange du mal. Le précepte de souffrir et de mourir ne lui laissait-il pas entrevoir les maux très graves qu’il devait subir ? Il n’y a donc pas de doute que la volonté humaine du Christ, considérée en dehors de l’influence de la vision intuitive, fût libre de remplir le précepte imposé par Dieu. Or, la vision intuitive n’est pas une perfection constituant ou affectant intrinsèquement l’acte de la volonté du Christ voyageui : sur le Christ ainsi considéré, elle n’agit qu’extrinsèquement et par voie cle répercussion. Ne pouri ait-on pas admettre que l’influence de la vision intuitive, quoique excluant connaturellement tout acte opposé à la béatitude, pourrait cependant, pour tel effet déterminé, être tempérée de telle sorte que tout son effet connaturel ne se produisit pas ? Cf. Pesch, op. cit., n. 334, citant Suarez, disp. XXXIY, sect. iv, n. 7 ; De gralia, t. XII, c. xv, n. 18 ; / ; i Sum. S. Thomas, Molina, Concordia, q. xiv, 1. 13, disp. LUI, menib. 4 ; Tolet, IIP, q. xix, a. 4, concl. 5 ; Platel, De incarnalionc, n. 335. Comme confirmation de cette hypothèse on peut apporter la coexistence, dans l’âme bienheureuse du Christ, de la souveraine jouissance et de la tristesse causée par l’appréhension des souffiances, et par la souffrance elle-même. On pourrait également invoquer l’opinion admise par bon nombre d’auteurs que, chez les bienheureux, Dieu pourrait, s’il le voulait, unir â la vision intuitive la liberté. Toutefois cette opinion de Ripalda, De ente su.pernatu.rali, t. IV, dis]). I.XXYII, sect. iii, n. 23, cf. n. 41 est trop discutée et discutable pour fournir un point d’appui vraiment sérieux. (3) Deuxième solution : il n’y a pas eu de précepte formel imposé au Christ par Dieu son Père. — y.. Exposé. — Le Père n’a pas imposé au Christ un précepte rigoureux, mais.simplement manifesté un désir, auquel Jésus s’est soumis de lui-même et qu’il aurait pu, sans aucune faute, ne pas accepter, Le précepte dont parle Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas être un précepte rigoureux, car le Clu is| ne sciait plus alors libre d’obéir : il s’agit donc uniquement d’une complaisance divine, d’un bon plaisir divin proposé au Christ, de telle sorte qu’un autre mode de Rédemption eût été, lui aussi, infiniment agréable a Dieu si le Christ l’eût préférée. Parce que ce précepte s’adressait a la volonté libre du Sauveur, il ne pouvait êlie un précepte rigoureux, porté sons peine de péché. La loi porté- par Dieu le Père relativement â la mort de son Fils doil respecter les conditions de la moralité. Or nulle moralité n’est possible là OÙ la volonté est déterminée naturellement ad tinum. En réalité, les partisans du précepte rigoureux détruisent, relativemenl à l’obéissance du Christ, la vraie notion de la loi qui paraît être police par le Père. Celle thèse générale revêt divers aspects particuliers. En premier lieu, il faut signaler la thèse de Petau, reprise par Franzelin. Celle thèse se contente de l’affirmation générale qu’on vient de reproduire. Toutefois il faut en préciser les points principaux. Il n’y a pas en Dieu de volonté absolue antécédente relativement â la mort du Christ. C’est parce que le Christ, connaissant le désir du Père, choisit librement, comme mode de rédemption, la mort sur la croix, que conséquemment à ce libre choix, prévu par Dieu de toute éternité, la volonté conditionnelle antécédente de Dieu se transforme en volonté absolue conséquente. Franzelin, De Yerbo incarnato, Rome, 1874. p. 1 13. Mais, même dans cette volonté absolue conséquente, il n’y a pas.de précepte proprement dit : il n’y a que l’acte par lequel Dieu veut que le Christ rachète le genre humain par cette manifestation très particulière de son amour pour Lui et pour les hommes. — On rapproche ordinairement de la thèse de Petau et de Franzelin celle du cardinal Billot, De Yerbo incarnato, th. xxx. Pourtant le cardinal se défend d’avoir repris l’opinion de Franzelin, op. cit., édit. de 1912, p. 320-321, note. Il commence par rappeler que Dieu peut vouloir, d’une volonté absolue et antécédente de bon plaisir. qu’une créature agisse en tel sens, sans cependant lui imposer cette détermination par un précepte formel. Le précepte, en effet, se rattache à la volonté dite de signe et n’implique par lui-même qu’une chose, c’est que la créature est moralement obligée d’accomplir la chose imposée par le précepte : ce qui ne signifie pas que cette chose arrivera, car la créature peut désobéir. Or Dieu, d’une volonté de bon plaisir absolue, voulait la rédemption du genre humain par In mort satisfactoire du Christ en croix, ainsi que l’attestent les textes de l’Écriture. Aussi le bon plaisir de Dieu, était que non seulement le Christ souffrît, mais qu’il souffrit d’une façon méritoire, donc en pleine liberté et dégagé de toute contrainte et de toute nécessité naturelle. Il était donc impossible que la volonté de bon plaisir de Dieu fût manifestée comme un précepte imposant au Christ l’obligation de la croix. Car ainsi le Christ aurait été, sinon contraint, du moins soumis à la nécessité physique de subir la mort sur la croix : or, cela répugne à sa liberté. C’est pourquoi la volonté de bon plaisir relative à la mort sur la croix devait exclure la volonté d’obliger le Christ à cette immolation, de même qu’elle excluait la volonté de déterminer les Juifs au déicide qu’ils commirent (et tout le monde accepte ce dernier point) ; mais Dieu, dans sa Providence éternelle, a disposé et voulu ldrdre dans lequel d’avance il savait que les Juifs, poussés par leur propre malice, mettraient â mort le Christ, el que le Christ, connaissant la volonté du bon plaisir de Dieu, s’y conformerait librement. Et dans ce but. â la passion du Sauveur, laquelle devait infailliblement se produire, furent disposées par Dieu des causes contingentes, absolument libres, sans qu’aucun précepte formel vînt soumettre la volonté du Christ compréhenseur â la nécessité d’obéir. Billot, loc. cit. On le voit : il serait absolument injuste d’identifier la position de Billot et celle de Franzelin. Celte dernière n’a rien de commun avec la position t liomisl « ; celle-là, tout en niant le précepte formel, admet en Dieu, antérieurement â l’acceptation du Christ, une Volonté absolue de Dieu relativement â la mort en croix du Sauveur : tout le problème se trouve ainsi réduit â l’accord de la volonté divine et de la liberté humaine, ce qui est tout à fait le point de vue thomiste. p. Critique. A-t-on bien le droit de nier l’existence d’un précepte formel porté par Dieu le Père relativement au salut du genre humain par la mort du Sauveur sur la Croix’.' I.a grosse difficulté, l’unique difficulté réelle, dans l’opinion de Franzelin et dans celle de Billot, c’est l’autorité de l’Écriture. Les mots èvréXXto, tvroXf), dont Jésus se sert pour affirmer le précepte 105 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST 1306 porto par le Père. Joa., iv. 31, doivent être détournés « le leur sens propre Ces ternies sont toujours dans le Nouveau Testament les ternies techniques pour désigner les commandements divins proprement dits Cf. Matth., v. 19 ; xxii. 36, etc. ; or c’est un commandement de ce genre que Jésus a reçu relativement à la mort qu’il doit subir. Joa.. x, 18 ; xiv. 31. En obéissant à ee commandement, le Christ cherche, non sa volonté, mais la volonté de celui qui l’a envoyé, Joa.. v. 30 ; xvii. 4 ; Matth., xxvi. 30. Joa.. xv. 10. Au contraire, dans l’Écriture, jamais le mot b/-jXr t n’est pris en un sens impropre. Les textes de Matth., xix. 7 et Marc, x. 3. à propos du libellas repudii, que Moïse a commandé » de donner à la femme adultère, n’infirment en rien la portée île la remarque précédente ; le contexte suffit a rétablir le sens de ces textes : le commandement de Moïse consiste à ne renvoyer les femmes que par le libellus repudii ; mais le libellas lui-même est le résultat d’une simple tolérance qu’il ne faut pas confondre avec le commandement. Cf. Pesch, op. cit.. n. 338-339. Franzelin invoque également d’autres textes, mais dont le sens est très incertain, II Reg., xvi, 10. 1 1 ; Ps. lxvii, 20 ; Marc, vii, 36. Petau trouve facilement parmi les autorités patristiques qu’il invoque de solides arguments pour étayer sa thèse. De incanuitione, t. IX, c viii, n. 6, sq. Cf. Stentrup, op. cit., p. 1204 sq. Il cite notamment saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie. Théodoret, Théophylacte, Œcuménius, et on peut ajouter saint Anselme Meditalioncs, xi. De redemplore, P.L., t. CLviu. col. 704. Mais les partisans du pi écepte rigoureux font observer que les autorités alléguées n’ont pas le sens et la portée qu’on leur prête. Les Pères nient simplement, contre les ariens qui veulent rendre le Fils inférieur au Père, que le Christ comme Dieu ait a recevoir des préceptes du Père, et ils affirment en conséquence que nul pi écepte n’a été imposé contre sa volonté et surtout avec menace de châtiment. Il ne s’agit pas, dans la pensée des Pères, de concilier la liberté du Christ et son impeccabilité, mais de réfuter l’arianisme. Nous serions donc, en invoquant l’autorité des Pères en l’espèce, hors de la question. Quoi qu’il en soit, l’autorité des Pères est cependant ante pour prouver que le sens du terme èvroXT] n’est pas tellement certain et absolu qu’on ne puisse adopter l’opinion qui conteste l’existence d’un précepte rigoureux. On fait une dernière objection à l’opinion de Petau.de Franzelin, de Billot : c’est qu’elle est. en théologie, d’invention assez récente. A son époque, le cardinal de Lugo l’appelle une opinion singulière », De incarnutione, disp. XXVI, sect. viii, n. 100. Et, de fait, cette opinion ne semble avoir rallié de très nombreux partisans que postérieurement : au temps du P. Antoine Mayr. elle ne méritait plus la qualification donnée par De Lugo ; Mayr, Cursus theologicus. Ingolstat. 1732, tract. IN. p. 501. Cependant Gonet, loc. cil., n. 57. lui donne comme pj entiers défenseurs Albert le Grand, Pierre de la Palu, Denys le Chartreux. Franzelin invoque l’autorité de Lorca, de Vitoria, au témoignage de Médina, de Salmeron, de Ribera, de Velasquez. Mais ce qui a fait sa fortune, c’est, sans contredit, le patronage de Petau, loc. cit., de Pallavicini, Cursus theologicus, De incarnalione, c. vin ; d’Esparza, id., q. xxxii ; de Platel, id., c vii, n. 330 et plus près de nous d’Holzclau (Theologia Wirceburgensium). de Franzelin et de Stentrup, De Verbo incarnatn, I, th. i.xxvi. p. 1201 sq. Pour maintenir au Christ le mérite d’une vraie obéissance, ces lis ne manquent pas d’en appeler a saint Thomas, Sum theol.. Ha H », q. <iv. a. 2 : - l’obéissance est d’autant plus prompte qu’elle prévient le commandenu nt exprès du supérieur, en obéissant a la simple lligence de ce commandement non encore exprimé. Cf. a. 5, ail 3>' : ". Sous la forme que lui a donne le cardinal Billot, cette théorie peut se réclamer du patronage de Su. ire/, disp. XXXVII, sect. i, n. 0. L’opinion de Suarez semble être méconnue de nombre d’auteurs qui ont écrit sur la question. Tantôt on la rattache à l’opinion thomiste ; cf. L. Grimai, Jésus Clirist étudié et médité, Paris, 1010, p. 100 ; Tanqucrcv. De Verbo incarnalo, n. 1008 ; tantôt on fait de Suarez un précurseur de Tournély : cf. L. l.abauche. Leçons de théologie dogmatique, t. i, Paris, 191 1. p. 246. Aucune de ces assimilât ions ne nous semble exacte. Suarez. fidèle à son éclectisme, a pris différents traits dans différents systèmes, mais son opinion définitive, qu’il appelle responsio ultima, précisément dans ce n. sur lequel on prétend s’appuyer, est bien celle cpie le cardinal Billot a plus longuement et plus explicitement proposée. Sur les différents aspects de la doctrine de Suarez ou lira Stentrup, op. cit., th. i.xxv, p. 11921198. y) Troisième solution : il g a eu précepte, réel mais conditionnel et subordonné à l’acceptation du Clirist. C’est seulement après cette acceptation que le précepte est devenu rigoureux. Cette solution ingénieuse se présente sous trois formes que des nuances minimes séparent. -’L. La première forme est celle de quelques théologiens dont les noms sont presque oubliés aujourd’hui et dont le plus connu est Cabrera. C’est le Christ lui-même qui a demandé au Père de lui imposer le précepte de mourir : il fut libre en faisant cette demande, et cette liberté est le fondement du mérite qui accompagna son sacrifice. Cf. Gonet, loc cit., n. 02. Mais dans cette hypothèse, l’intention de sauvegarder le sens littéral des textes relativement au mot svt/ay ;. on arrive, en réalité, à méconnaître totalement les assertions les plus claires de l’Écriture ou à en fausser le sens évident. Nulle part nous ne lisons que le Christ ait fait cette demande au Père ; mais nous savons expressément par saint Paul. Rom., vin. 32. que Dieu le Père n’a pas épargné son propre /ils et qu’il l’a livre pour nous tous. Si l’hypothèse proposée était vraie, il faudrait dire que c’est le Fils lui-même qui ne s’est pas épargné et s’est livré. De plus, la volonté humaine du Christ, et non la volonté divine serait ainsi à la source première de notre salut. Enfin, pour que la solution proposée soit valable, il faudrait qu’on la puisse étendre aux préceptes de la loi naturelle, (voir plus loin) ; le Christ, en effet, dut les observer et librement. Or, on ne saurait dire que la liberté du Christ, relativement à ces préceptes, ait consisté à demander au Père de les lui imposer. Gonet, id., n. 6-1-66. — $. La deuxième forme est celle qu’a rendue célèbre le cardinal De Lugo. Ce théologien attaque vivement l’opinion de ceux qui tiennent pour le précepte improprement dit. Le Christ a donc reçu de son Père un véritable commandement de mourir ; mais comme l’obligation de subir la mort n’existait pour le Christ. en fait, qu’après un certain laps de temps, tout en concédant que dans le sens composé l’lu précepte, le Christ ne pouvait pas ne pas mourir, cependant le Christ pouvait détruire ce sens composé en demandant a Dieu son Père de le dispenser de la mort ou de lui imposer un autre moyen de satisfaction. N’a I il pas déclaré dans Mal th.. XXVI, 53 : Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père et qu’il ne m’enverrait pas sur l’heure plus de douze légions d’anges’.' c est donc parce qu’il n’a pas voulu demander la dispense du précepte déjà porté, que le Christ a été libre. nonobstant le commandement divin, De incarnat disp. XXVI, sect. VIII, 11. 102. - - Celte solution. élégante au premier abord, présente en réalité plus de difficultés encore que la précédente. Appliquée aux préceptes naturels, elle est purement contradicto car oi iil demander dlspen précepte 1307
      1. JÉSUS-CHRIST l##
    JÉSUS-CHRIST l.T LA THÉOLOGIE. L1HLRTK DU CHRIST 1308 Ensuite, le Christ connaissant par la science de vision la volonté du Père relativement à sa mort, ne pouvait pas ne pas s’y conformer : il ne pouvait donc d’une manière absolue et efficace lui demander une dispense sur ce point. Enfin, en supposant même que le Christ ail pu demander cette dispense, une telle requête de sa part aût été une véritable imperfection, et l’imperfection est impossible en Jésus-Christ. Gonet, loc. cil., n. 08-69. D’ailleurs quel motif raisonnable de demander dispense d’un précepte imposé au Christ personnellement et par Celui dont la volonté, très juste, ne saurait imposer à quelqu’un ce qui ne lui conviendrait pas. Billot, op. cit., p. 323. La théorie de De Lugo est donc de tous points insoutenable, Elle a été reprise par Legrand, De incarnatione Verbi divini. dissert. IX, a. 3, concl. m. Sur cette opinion, on lira Mcntrup, loc. cit., p. 1198-1200. — y Une troisième forme a été proposée par Tournélv, De incarnatione, corrigeant quelque peu la thèse de la « dispense », inacceptable en Jésus-Christ (Tournélv ne rejette d’ailleurs pas cette thèse et ne fait que la compléter) : le commandement divin était conditionnel, dépendant du consentement du Christ. Quelques auteurs précisent que ce consentement du Christ fut donné par sa volonté humaine, éclairée par la science infuse, in sirjno priore ad visionem beatificam. Cf. Amicus, De incarnatione, disp. XXV, sect. iii, iv. En réalité, une simple nuance sépare cette dernière forme de la première qui représente le commandement divin comme porté à la demande du Christ. C’est toujours, en définitive, delà volonté humaine du Christ que dépendrait notre salut : on diminue la force du précepte et l’on ne tient pas suffisamment compte des affirmations de l’Écriture, qui « fait toujours remonter à la volonté divine, à Dieu lui-même, le bienfait du salut : « Dieu a tant aimé le monde cju’il lui a donné son Fils unique, » Joa., ni, 10. Ce n’est point parce que la liberté humaine a choisi la première que Jésus est livré, c’est parce que Dieu aime le monde et veut le sauver. » Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 299-300. Enfin, il faut dire ici encore que, vis-à-vis des préceptes naturels, le Christ n’avait pas à les accepter pour leur conférer la force obligatoire. 8) Quatrième solution : le Clirisl, lié quant à lu substance du précepte, a été libre en ce qui concerne les circonstances de la passion, lesquelles n’étaient pas contenues dans le précepte. — Voici comment le cardinal De I.ugo rapporte cette opinion qu’il qualifie de communior, sans l’adopter lui-même. « Le Christ a été libre en accomplissant les œuvres commandées parce que, même en supposant qu’il ne fût pas libre (le ne pas accepter la mort qui lui était imposée par un commandement formel, il restait libre d’accepter la mort pour tel ou tel motif, en ce temps ou en un autre temps, par un acte d’amour plus ou moins parlait. Quand donc en fait il l’accepta par un acte de charité intense, pour Ici motif et à tel moment déterminés, etc., il l’accepta en réalité librement, parce cju’il aurait pu ne pas l’accepter ainsi : par conséquent son acceptation fut méritoire. Les circonstances de ce genre appartenant à la substance même de son acte, l’acte, indivisible, lut libre fout entier et fout entier méritoire. » Disp. XXVI, sect. vii, n. 82. C’est l’opinion de Grégoire de Valencia, De incarnatione, disp. 1, q. xix, punct. ii, fine ; et VasqueL, disp. l. IV, c. 5 ; île Lessius, De summo bono, t. II, n. 185 ; de Théophile Raynaud, Christus Homo-Deus, t. IV, sect. ii, c. vi, Ysambert l’a exposée et défendue avec beaucoup de clarté, In Sum, S. Thomte, I1L, q. xviii, disp. ii, a. 6, I)c I.ugo, lue. cil., a bien saisi la difficulté principale le cet le explication. « S’il y a, pour le Christ, nécessité quanl a la substance du précepte et liberté seulemenl quant aux circonstances, on ne voit pas, en consé quence, qu’on puisse attribuer au Christ, comme acte louable, d’être mort purement et simplement ; <m ne lui doit pour cela aucune action de grâces ; il n’a point par là mérité et, finalement il n’a pas racheté les hommes parce qu’il est mort, mais parce qu’il est mort plus volontiers ou pour tel motif. Et toutes ces affirmations sont contre l’Écriture qui ne parle que de la mort du Christ considérée dans sa substance et non dans ses circonstances et qui allirme que louanges et remerciements sont dus au Christ pour elle. « Elles sont également contraires à l’affirmation du concile de Trente, qui professe que c’est par cette mort très sainte, par sa passion sur l’arbre de la croix, que Jésus nous a mérité la justification et tous les biens du salut. Scss. vi, c vii, Denzinger-Bannwart, n. 799. Toutefois il semble cpie cette argumentation ne soit pas pleinement efficace ; car si le précepte de Dieu ne porte que sur la mort considérée en général, l’élection libre du Christ acceptant telle mort en particulier semble bien concrètement se porter non seulement sur les circonstances de la mort mais encore sur la mort elle-même considérée toutefois dans sa réalisation individuelle et spécifique. En sorte que, sous cet espe » ct spécifique et individuel, la mort ne tombe plus sous le commandement divin. On reviendrait ainsi au système de Petau et de Franzelin, et c’est bien ainsi que ce dernier auteur et le P. Stentrup, expliquent l’opinion de Vasquez et d’Ysambert. Il n’en reste pas moins vrai que les données scripturaires contredisent cette explication : les circonstances du drame rédempteur étaient prédites d’avance, Ps., xxi, Is., lu et lui, voir col. Il 18 et Dieu a voulu que son Fils s’y soumît, les Écritures devaient s’accomplir, sic oporlet fieri, Matth., xxvi, 54. L’heure de quitter ce monde et d’aller au Père était fixée par Dieu : venit hora ejus ut transeal ex hoc mundo ad Patrem. Joa., xiii, 1. Il est donc bien probable que le précepte divin concernait non seulement la mort, mais les circonstances de cette mort. Suarez, disp. XXXVII, sect. iv, n. 9. De plus, ici encore, on ne voit pas bien comment la liberté de Jésus existe quant aux préceptes naturels. Conclusion. — Tous ces systèmes témoignent des efforts laborieux de l’esprit théologique pour arriver à l’intelligence des dogmes. Mais on ne saurait dire, en les rapprochant des données scripturaires, que tous jouissent d’une égale probabilité théologique. Tous sont admissibles puisqu’ils peuvent tous se réclamer du patronage d’un ou de plusieurs théologiens de renom. Mais leur plus ou moins de probabilité dépend de leur connexion logique avec la révélation. Or, le premier système est seul à tenir intégralement compte de tontes les affirmations de la sainte Écriture. Toutefois comme le sens du mot præceplum n’est pas absolument certain, le système du cardinal Billot cl la « solution ultime » de Suarez qui conservent, rclativemenl à la mort du Christ sur la croix, une volonté de Dieu absolu et antécédente, présente également une grande probabilité spéculative et une sûreté de doctrine incontestable. Le système de Franzelin et de Petau semble trop diminuer la valeur et l’efficacité de la volonté divine relativement à noire salut : quanl aux autres systèmes, il paraissent la supprimer complètement : leur probabilité en est, en conséquence, diminuée d’autant. Nota. La libellé du Christ et les préceptes naturels. (.elle question plus générale est résolue par les mêmes principes qu’on adopte pour donner une réponse à la question plus particulière de la liberté du Christ en lace du précepte de mourir sur la croix. Les thomiste ! de plus ou moins stricte observance n’éprouvent aucune difficulté à concilier la liberté du Christ avec l’obligation d’observer les préceptes naturels soit positifs, soit même négatifs. Il n’est pas nécessaire, eu effet, pour expliquer l’obéissance méritoire du Christ aux préceptes négatifs d’admettre, de la part du Christ, la liberté do contrariété dans le sons du bien ou du mal, et do la part de Dieu un concours susceptible d’amener la volonté créée au mal comme au bien. Môme sous la motion efficace, entraînant infailliblement la détermination moralement bonne, la liberté — quel que soit le système qu’on adopte pour l’expliquer — subsiste. Le Christ a été libre, non do mentir, mais en disant la vérité. Los autours qui admettent que lo précepte est inconciliable avec la liberté du Christ n’hésitent pas à affirmer qu’on face dos préceptes naturels, positifs ou négatifs, Jésus n’a pas été libre et n’a pas mérité. En cola, disent-ils, il n’y a aucune imperfection, bien au contraire, par là est démontrée la perfection du Christ. D’autres affirment que leChrist est demeuré libre sur les circonstances des précoptes positifs, et que la spontanéité, la liberté avec lesquelles la volonté du Christ choisissait ces circonstances avait une répercussion réelle sur la substance môme de l’acte. Voir sur ces différents points Franzelin, op. cit., p. 452 sq. ; Pesch, op. cit., n. 343 ; Billuart, dissert. XVIII, a. 4, fine ; Suarez, disp. XXXYI1, sect. n et iv : Legrand, dissert. IX, a. 3 ; Stentrup, op. cit., p. 1211. Généralement les auteurs passent sous silence cet aspect du problème de la liberté du Christ : le dogme n’y est pas intéressé spécialement. 4. La perfection morale de la volonté humaine dirigée par la volonté divine. — Xous n’avons pas à étudier ici le problème historique et dogmatique du monoihélisme et du dyothélisme. Voir Monothélisme et Constantinople (IIIe concile de), t. iii, col. 1260. Nous supposons comme un principe accepté la définition de saint Martin I er au concile de Rome en 649, can. 16, affirmant en Jésus deux volontés et deux opérations, la divine et l’humaine, mais rejettant toute opposition et tout dissentiment entre l’une et l’autre. Denzinger-Bannwart, n. 269. Ce principe a été renouvelé expressément par le IIIe concile de Constantinople, confessant en Jésus deux vouloirs « non pas, il s’en faut, deux vouloirs naturels opposés l’un à l’autre, mais un vouloir humain subordonné et qui, loin de lui résister et d’entrer en lutte avec lui, se soumet bien plutôt à son divin et tout-puissant vouloir, car il faut que le vouloir de la chair soit mû et qu’il soit soumis au vouloir divin ; car de même que sa chair « st dite la chair du DieuVerbe et l’est, de même le vouloir naturel de sa chair est dit le vouloir propre du Dieu-Verbe et l’est, etc. Denzinger Bannwart, n. 291. Cette conformité constante de sa volonté humaine à la volonté divine est attestée par l’Écriture, Joa.. v, 30 ; iv, 31 ; viii, 29 ; Heb., x, 9, et est un dogme de la foi : « la volonté humaine dans lo Christ lut tout à fait ordonnée sous l’influence de la volonté divine, de telle sorte que le Christ n’a rien voulu par su volonté humaine si ce n’est en conformité pleine et entière avec le divin vouloir, selon la parole rapportée par Jean, viii, 29 : Ce qui plaît au Père, je lo fais toujours. » S. Thomas. Contra Génies, t. IV, c. xxxvi. a) Le problème théologique. — Le problème théologique de la perfection morale de la volonté humaine dirigée en Jésus-Christ par la volonté divine se rapporte
    i doux points précis : premièrement, comment concilier
    avec la liberté du Christ cette conformité parde la volonté humaine avec la volonté divine ; deuxièmement, comment la concilier avec certaines aflirmations de l’Écriture, où il semble qu’il y ait eu lutte entre les deux volontés. Le premier point est résolu par les considérations proposées à l’occasion de l’impeccabilité du Christ, voir col. 1289 sq. C’est le second point qui nous occupe présentement : la question se pose, au point de vue de l’explication théologique, à cause du texte de Mat th., xxvi. 39 ; cf. Marc, xiv, 36, Luc, xxii, 42. Au jardin de l’agonie, .losus demande a son Père, si la chose est possible. d’éloigner de lui lo calice do la passion. Il se reprend aussitôt et ajoute : qu’il soit fait, non selon ma volonté, mais selon la vôtre. Ces textes laissent à coup sûr entrevoir, sinon une opposition, du moins une divei gence dans les volontés du Christ. Comment concilier cette divergence avec l’affirmation de la foi relative a la conformité pleine et entière do la volonté humaine avec la volonté divine on Jésus-Christ. La théologie, pour résoudre cette difficulté, fait appel à certains principes tirés de la psychologie naturelle et en fait l’application à l’âme du Christ. b) Les principes de solution. — La diversité des vouloirs ne suffit pas à établir une véritable opposition entre les vouloirs. Il faut que cette diversité soit dans le. même sujet et par rapport au même objet. S. Thomas, III’, q. xviii, a. 6. Or la psychologie humaine nous atteste l’existence, dans l’homme, animal raisonnable, de deux appétits différents, l’un proportionné à la vie animale, l’appétit sonsitif que l’on peut appeler volonté par participation, ou encoie volonté de sensualité, voluntas sensualitalis ; l’autre, en rapport avec l’élément spirituel de l’humanité, l’appétit rationnel, ou la volonté de raison, voluntas rationis. S. Thomas, id., a. 2. L’appétit rationnel, à son tour, peut être considéré ou bien comme puissance — et sous ce rapport, il n’y a qu’une faculté de vouloir dans l’homme — ou bien dans les actes produits par cette puissance. Ces actes sont de deux sortes. Les uns se rapportent à l’objet proposé à la volonté tel qu’il s’offre en lui-même, satisfaisant ou contrariant la tendance naturelle de la volonté. L’objet qui convient à la volonté excite ainsi naturellement le désir ; l’objet qui afflige la volonté provoque naturellement la répulsion. Les actes de cette sorte nous font considérer la volonté dans son développement naturel, voluntas ut natura, disent les scolastiques, GéXr^atç, disait saint Jean Damascène, De fïde orlhodoxa, t. II, o. xxii ; cꝟ. t. III, c. xiv, xyiu, P. G., t. xciv, col. 944, 1036, 1072. Mais d’autres actes de la même faculté se rapportent à l’objet s’offrant à l’appétit rationnel, non plus en lui-même, mais dans l’ordre qui le relie ou non à une fin, dernière ou particulière. Cet ordre est celui que la raison, naturelle ou surnaturelle, impose à la volonté. Ces mouvements sont libres, alors que les autres sont indélibérés ; ils dénotent une volonté éclairée par l’intelligence, voluntas ut ratio, disent les scolastiques, ^oûXeuaiç, disait saint Jean Damascène, loc.cil. S. Thomas, id., a. 3. Pour apporter des exemples concrets de cette double série d’actes volontaires, il suffit de prendre ceux qu’on retrouvera à propos de Jésus Christ. Instinctivement, la volonté humaine éprouve une vive répulsion pour les injures, les souffrances, la mort. Cependant si l’intelligence et la foi luimontrenl ces injures, ces souffran te mort en relation aire avec un bien supérieur qu’il faut obtenir, la volonté éclairée par la raison n’hésitera plus a les accepter. Mais ce n’est pas tout. Il existe une double manière de conformer sa propre volonté a la volonté divine. La première conformité existe quant > l’objet voulu, Ce que Dieu veut, je le veux aussi. Dieu exj l’adore ; eu l’adorant, je conforme ma volonté ; i la sienne quant a l’objet même voulu par lui Mai, il y a une autre conformité de la volonté humaine a la ité divine, celle qui est. IlOtl <|U ; ml ; i l’objet voulu, mais quant au vouloir lui-même. Un supérieur peut iser a son Inférieur un acte, qui, sans ode péché, cependant pas ce que Dieu eûl voulu. Dieu ne veul pas cet acte ; mais il veul lies certainement que l’inférieur obéisse a son supérieur. L’obéissance de l’inférieur conformera sa volonté i celle de Dieu, non 13Il JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHIUST 1312 quant à [’objet voulu par Dieu, niais quant au vouloir. Cf. Billot, op. cit., p. 310. ej Applications. Parce que Jésus-Christ a pris intégralement la nature humaine, nous devons reconnaître en lui à côté de la volonté divine dans le Ycibe la volonté humaine, et l’appétit sensitif ou volonté de sensualité. Nous devons également, dans la volonté humaine, introduire, quant aux aetes, la distinction îles théologiens de la volonté ut naturel et de la volonté ul ratio. Toutefois l’âme de Jésus a reçu de la divinité une puissance absolue sur son corps et sur les moindi es mouvements de ses puissances. Voir plus loin. Aucun mouvement de la volonté ou de l’appétit sensitif ne pouvant, en Jésus, échapper à l’emprise de la raison, il ne convient pas de parler, dans la volonté humaine ou dans la sensibilité du Chiisl de mouvements instinctïfs ou indeliberes. Ces épilhétes mai (nieraient, en effet, que ces mouvements échappaient à la direction qu’aurait pu ou dû leur imposer la raison. Il faut donc parler des mouvements naturels de la volonté ou des sens, mouvements d’attraction ou de répulsion à l’endroit des biens ou des maux considérés en eux-mêmes, mouvements que la volonté, éclairée par la raison, soutenue par la puissance divine, aurait pu soumettre à sa direction, mais qu’elle laissa, pour des motifs de haute sagesse, se produire selon les lois de la psychologie humaine. Nous n’avons à envisager ici que le problème de la divergence des volontés divine et humaine en Jésus-Christ, divergence attestée dans Matth., xxvi, 39. Sur les sentiments et les passions dans le Sauveur, voir plus loin. Or, la volonté humaine dont il s’agit ici ne saurait être que le mouvement naturel de la volonté, mise en présence d’un mal pour lequel elle éprouve une répulsion naturelle. Transeal a nie calix isle ! I.c calice de la passion est un mal pour lequel, considéré en lui-même, la volonté n’éprouve naturellement que répulsion. Naturellement, dis-je : c’est-à-dire, non par opposition a la grâce, mais en raison de sa tendance innée. Mais d’autre part ce calice, considéré par rapport a la fin de la rédemption des hommes, fin voulue par Dieu le l’ère, était désirable poui la volonté humaine du Christ éclairée par la science bienheureuse et infuse. Et, sous cet aspect, le mal qui tout à l’heure faisait horreur au mouvement naturel de la volonté humaine du Chlist, s’offre a elle comme un véritable bien qu’elle désiie et qu’elle recherche : verumtamen non mea ueluntas, se< ! tua fiât. Entre, la volonté divine et la volonté humaine, ut ratio, aucune divergence n’existe, c’est la conformité absolue quant à l’objet voulu lui-même. Toute la difficulté est donc ramenée a la conformité de la volonté humaine. ut na.lu.ra, à la volonté divine. Il y a divei site d’objet entre la volonté humaine ut natura, « l’une paît - transeal a mr calix isle el. d’autre part, la volonté humaine, ut ratio, et la volonté divine mm mea VOluntOS, sed tua liât !.Mais celle i///v ; s/7é n’implique pas la conlrariélé, c’est-à-diitl’oppo sition des volontés. L’opposition n’existe, avons-nous dit, que si la diversité concerne le même objet. Or le même objet peut se présenter sous des aspects très différents qui constituent, dans le même objet, pris matériellement, plusieurs objets formellement différents. I.e juge, qui a condamné un criminel à la peine capitale, veut ce châtiment à cause de l’intérêt général dont il a la garde ; l’ami du condamné, qui cherche a soustraire son ami a la mort, est pousse par l’affection. I.e souci de l’iuléiel général chez le juge el l’affection chez l’ami ne sont cependant pas en réelle it ion. du moins tant que le sentiment d’affection n’ira pas jusqu’à vouloir positivement compromettre l’intérêt public. Dans le Christ, la volonté divine el la volonté humaine ut rotin voulaient des fermement ission, considérée comme moyen de racheter le genre humain. Mais la volonté humaine, ut natura, éprouvait un sentiment de répugnance à l’égard de la passion considérée simplement en elle-même, c’est-à-dire comme un mal réel et affligeant pour l’appétit rationnel et sensitif : et c’était là. d’ailleurs, le seul aspect de la passion qui lui fût accessible. Il y a donc eu, à ce moment, diversité, mais non contrariété de volontés. La psychologie du Christ exige que nous approfondissions encore cette solution. Sans impliquer de véritable opposition, la diversité des volontés pourrait, en effet, entraîner dans l’âme, par la violence même du mouvement naturel et instinctif, un empêchement total ou partiel, un retard du mouvement raisonné. Le phénomène se piodint assez fréquemment pour que les moralistes aient dû en faiie la psychologie et tracer des règles à son endroit. Mais n’oublions pas qu’en Jésus-Christ aucun mouvement naturel n’était purement instinctif et indélibéré. Tous, au contraire, étaient soumis à la volonté libre el à la laison dans un parfait équilibre de la nature humaine pei sonnellement unie au Verbe. Quelle que soit donc la foi ce du mouvement naturel que Jésus a bien voulu laisser se produire soit dans sa volonté soit dans sa sensibilité, il n’en a jamais éprouvé la moindre difficulté pour conformer pleinement sa volonté de raison à la volonté de son l’ère et pour agir en conséquence. Xequc volunlas divina, neque voluntas rationis in Christo impediebatur aut relardabatur per voluntatem naturalem aut per appelitum sensuulitatis S. Thomas. loc. cit., a. C. L’agonie de Jé>us n’implique donc pas une lutte dans la volonté’lu Christ, mais simplement dans la partie inférieure de lui-même. /<L, ibid., ad3um. Voir plus loin. Mais ce n est pas encore tout : il faut encore confesser que la volonté humaine du Christ. ut natura. c’est-à-dire dans ses mouvements naturels de répulsion à l’égard du calice de la passion a été conforme à la volonté divine, non pas certes quart à l’objet voulu, mais quant lui vouloir lui-même, l’aile fait que le Verbe prenait la nature humaine. I l pour des motifs de haute sagesse concernant notre foi en l’incarnation et les exemples de vie surnaturelle que nous devait laisser Jésus, voulait que la volonté créée de Jésus se développât aussi selon les lois naturelles de l’appétit humain, en tout ce qui est bon et honnête : ainsi, bien quc l’objet désiré ou repoussé par la volonté humaine du Christ, considérée ut natura. ne fut pas nécessairement celui que Dieu voulait et avec lui la volonté humaine du Christ, considérée ul ratio ; cependant le vouloir naturel en Jésus était conforme à la divine volonté : beneplacito divins voluntatis permiltebatur carni pâli et operari quæ propria. Cf. S. Thomas, 1IL, q. xiv. a. 1. ad 2°’" ; a. 2 : Suarez.disp. XNNY 1 1 1. sect. m. n. 3 ; Billot, th. xxvin. 5. La puissance de l’dnic du Christ. Dans ce dernier problème relatif aux perfections naturelles et surnaturelles issues de l’union hypostaliquc dans l’être même de Jésus-Christ, il s’agit de la puissance active pour produire des œuvres extérieures potentia activa ad extra. Or, L’âme de Jésus Christ. h ypostaliquement unie au Verbe de Dieu, peut être, au point de vue des œuvres extérieures, considérée sous un double aspect, celui qu’elle revêt comme principe d’opération dans l’ordre nature] el dans l’ordre surnaturel, celui qu’elle re et comme instrument du Yei be. 1)ans le premier cas, elle est cause principale, dans le second, cause instrumentale proprement dite. Certains effets trouvent dans la cause seconde dont ils procèdent leur principe adéquat et permanent, soit naturellement, en raison de la vertu propre de cette cause, soit surnaturellemenl . en raison de la grâce et des vertus infuses par lesquelles la vertu naturelle se trouve élevée à un ordre supérieur, On suppose par ailleurs que ces elTels L313 JÉSUS-CHRIST Kl’LA THÉOLOGIE. PUISSANCE OU CHRIST l.il’, ne peuvent se produire qu’à l’aide « lu concours divin sans lequel aucune cause seconde ne peut passer a l’acte quant à son opération, voir CONCOURS DIVIN, t. m. col. 78I. et en raison duquel la cause seconde, pur rapport à la cause première qui la meut, peut être dite, en un sens large et impropre, cause instrumentale, id., col. 786. D’autres effets, au contraire, n’ont dans leur cause immédiat e. même considérée comme mue par Dieu selon le mode ordinaire de la Providence. aucun principe proportionné, ni dans l’ordre de la nature, ni dans celui de la grâce. Ils nécessitent une interention particuhut extraordinaire de la puissance infinie agissant comme telle : comme effets de ce genre, on peut citer : la création, les miracles d*ordrc intellectuel (prophétie) ou physique (guérisons naturellement impossibles), la justification de l’âme pécheresse, l’accroissement de la grâce et des vertus infuses, etc. Dieu peut opérer ces effets extraordinaires directement ; mais, excepté pour la création, voir ce mot, t. iii, col. 2110, il peut également se servir, pour les produire, des causes secondes qu’il meut alors en leur communiquant sa puissance divine par mode de vertu instrumentale proprement dite. Lors donc que nous parlons de la puissance active du Christ ad extra, il faut distinguer tout d’abord ce qui, dans cette puissance, appartient en propre à l’humanité du Christ, soit dans l’ordre de la nature, soit dans l’ordre de la grâce, et ce qui lui appartient comme organe ou instrument de la divinité. a) La puissance propre à l’humanité du Christ. — « Comme cause principale, l’âme du Sauveur avait la puissance de produire tous les effets qui peuvent convenir à une âme humaine soit naturellement, soit surnaturellement… Cette âme pouvait donc, comme cause principale, gouverner son corps, produire les actes humains, mériter la grâce aux hommes, satisfaire pour leurs péchés, exercer les opérations de se> trois sciences : vision béatifique, connaissance infuse, connaissance acquise. » Hugon, Le mystère de l’incarnation, p. 310-311. Cf. S. Thomas, Sum., theol., III 1, q. xiii, a. 2. Sur ce point la théologie n’a eu, au cours des siècles, qu’une discussion, d’ordre négatif, à engager. Cette discussion est relative à l’attribution à l’humanité de Jésus-Christ, comme cause principale, de la toute-puissance divine. En un certain sens on peut concéder, en vertu de la loi de la communication des idiomes, que cet homme qui est Jésus-Christ est tout-puissant. Il n’y a. dans cet « homme qu’est Jésus-Christ i qu’une personne, la personne du Fils de Dieu et par conséquent la toute-puissance divine doit être attribuée à la personne du Fils de Dieu, même considérée comme subsistant dans la nature humaine. Cf. S. Thomas, toc. cit. a. 1, ad lum. Mais autre chose est que la toute-puissance soit dite appartenir personnellement I â l’homme qu’est Jésus-Christ : autre chose est qu’elle | appartienne réellement et essentiellement â la nature humaine qui est en la personne de Jésus-Christ. Attrij huer réellement et essentiellement un attribut divin | à l’humanité du Christ, c’est, en vérité, renouveler j l’hérésie du monophysisme. Voir ce mot. Cette hérésie a été renouvelée au xvie siècle par les ubiquitaires. Attribuant à l’humanité de Jésus les propriétés de la nature divine, ils en vinrent à dire que cette huma nité a reçu l’immensité et la toute-puissance. La droite du Père, exposent-ils, est partout : Jésus-Christ. même selon son humanité, est a la droite du Père, donc, même selon son humanité, il est présent partout. Et c’est ainsi, ajoutaient-ils, que doit s’expliquer la présence du Christ sons de multiples hosties sans recourir a la transsubstantiation. Voir l’exposé et la réfutation de cette doctrine hérétique a HYPOSTA-Tifjvt : Union), col. 541-549. En ce qui concerne spé r>K.r DE THÉOL. <- r HOL. cialeniont la toute-puissance, on doit affirmer qu’elle n’appartient pas â l’humanité du Christ : il est hnpos sible que l’infini soit renfermé dans le fini ; de plus, l’être tout-puissant doit nécessairement être indépendant de tout autre agent ; la divinité seule peut Être toute-puissante. Gonet, disp, XIX, a. 1, n.8-11. Quant au texte de Malth., x.xviii, IX : Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre, on ne saurait y trouver une réelle difficulté ; il faut l’entendre ou du Verbe, Fils du Père, ou de Jésus-Christ en raison de sa personnalité divine, ou, si on l’étend â l’humanité, de la puissance d’excellence accordée à Jésus pour opérer des miracles, conférer la grâce, instituer les sacrements. Gonet, id., n. 12-14, L’omniscience qui est dite avoir été communiquée par Dieu à l’humanité du Christ n’est en réalité qu’une omniscience îelative, dont l’objet est l’objet même de la science divine de vision : donc cette omniscience est en réalité finie et son existence en l’âme de Jésus ne saurait être un argument en faveur de la communication de la toute-puissance. S. Thomas, IIP, q. xiii, a. 1, ad 2° m ; cf. Suarez, Comm. in h. I. On pourrait d’ailleurs parler, d’une façon tout aussi relative, de la toute-puissance de Jésus-Christ, qui, en effet, a pu réaliser tout ce qu’il voulait, d’une façon efficace et absolue. Ce que Jésus n’a voulu que d’une volonté efficace conditionnelle (par rapport aux libres initiatives des autres causes secondes qu’il entendait respecter), n’a pas toujours été réalisé. Sur la volonté inefficace ou conditionnelle en Jésus-Christ, problème plus scolastique que théologique, soulevé à propos de Marc, vii, 24 et d’autres textes similaires indiquant que la volonté ou le commandement de Jésus ne furent pas suivis d’effet, voir les subtiles dissertations de Suarez, disp. XXXVIII, sect. v et des Salmanti censés, disp. XXIII, dub. vii, n. 88-94, commentant S. Thomas, id., a. 4, ad l » m (deuxième explication : vel potest dici, etc.). Ainsi donc, en vertu de sa puissance propre, l’âme du Christ n’avait pas de pouvoir spécial soit pour modifier l’ordre des êtres extérieurs, soit pour apporter un changement aux dispositions naturelles de son propre corps. S. Thomas, id., a. 2, 3 et les commentateurs, notamment Suarez. disp. XXXI, sect. i et les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. i. Tout ce qu’il a fait, dans cet ordre de choses, relève de la puissance divine communiquée instrumentalement à son âme. b) La puissance instrumentale du Christ. Les théologiens envisagent tout d’abord un aspect négatif de la question. Même comme instrument nul par la divinité, l’humanité de Jésus-Christ n’a pu produire cerlains effets lesquels, cependant, n’échappent pas à l’infinie puissance de Dieu, à savoir la création et l’annihilation des êtres. La cause instrumentale en effet, outre son effet instrumental, produit son effet propre, lequel suppose un sujet préexistant qui le reçoit. Aucune cause seconde, si parfaite qu’on la conçoive, ne peut donc concourir â l’acte de la création. Voir Création, t. iii, col. 2110. L’annihilation répond à la création : le « rien > qui serait le terme le cette opération destructive ne peut être le sujet récepteur de l’action propre de la cause instrumentale, Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xiii. a. 2. — L’aspect positif de la question théologique touchant la puissance instrumentale du Christ peut se ramener à trois points principaux : existence, objet, nature de cet le puissance insl rumentalc. a. Existence d’une puissance instrumentale en l’huma nité de Jésus Christ. Les miracles accomplis par Notre Seigneur, la grâce qu’il a accordée aux pécheurs repentants et qu’il confère encore aujourd’hui aux hommes dans et par l’Église catholique sont des faits VIII — 42 1315 JESUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1316 qu’on ne saurait révoquer en doute sans pécher directement contre la foi. Or, ce sont là des œuvres préternaturelles et surnaturelles qui supposent l’âme de Jésus ornée d’un charisme spécial, lequel lui est nécessaire pour produire de telles œuvres. L’existence de ce charisme est donc de foi, tout comme l’existence des œuvres dont il est, en Jésus, le piincipe. L’Écriture est explicite sur ce point. Cf. Matth., ix, 4, sq. ; Luc, vi. 19 ; viii, 43. De cette puissance, Jésus pouvait user comme il le voulait. Matth., viii, 2-3. Et les arguments de haute convenance, disons plus, de nécessité morale, abondent en faveur de l’existence, en Jésus, d’une telle puissance : La dignité de la personne du Sauveur exige que les différentes prérogatives, surnaturelles et prêter/naturelles, accordées parfois par Dieu aux autres hommes, Jésus-Christ, l’homme uni substantiellement au Verbe, les ait possédées d’une façon suréminente. Voir plus loin. De plus, la dignité messianique exigeait que Jésus-Christ fit connaître la vérité de sa mission par des œuvres attestant que Dieu était avec lui. Parmi les grâces gratuitement données par lesquelles le Sauveur se ferait connaître comme le.Messie annoncé, le don des miracles, signes de sa destinée messianique, figurait en toute première ligne. Joa., v, 36 ; x, 38 ; Matth., xrr, 2, sq., etc. Et ce pouvoir divin des miracles devait s’étendre sur toute la création, sur la nature, sur les hommes et même sur les anges. S. Thomas, III », q. i.xiii-xuv. Est-il besoin d’ajouter qu’on ne saurait attribuer à l’âme de Jésus la puissance de cause principale physique relativement à ces effets prétei naturels ou surnaturels. Dieu seul est la cause efficiente principale de la grâce. Voir Grâce, t. vi.col. 1633. Cf. S. Thomas, I 1, q. ex, a. 1 ; I" II*, q. cxii, a. 1, Suarez De incarna(ionc, disp. XXXI, sect.iv, et Salmantieenses./Je ineewnatione, disp, XX 111, ùub. iii, n. 16-17. Peut-être cependant pourrait-on concéder que le Christ, dans son humanité, a été cause morale principale des effets prêter naturels et surnaturels, miracles et infusion de la grâce, par son mérite surabondant. Salmanticenses, loc. cit., n. 18. b. Objet de lu puissance instrumentale de l’humanité du Sauveur. — Nous pouvons le considérer sous un double aspect : le charisme des > grâces gratuitement données conféré à l’âme de Jésus-Christ en vue de lui faciliter l’accomplissement de sa mission messianique ; le pouvoir d’excellence concédé à l’humanité de Jésus relativement à la sanctification des hommes. -. i Grâces gratuitement données. — Sur le rôle extérieur des grâces gratuitement données, voir Grâce, col. 1558. Saint Paul, cꝟ. 1 Cor., xii, 8-11, en énumère quelques-unes : < lui premier lieu, celles qui ont trait à la connaissance et à renseignement des choses divines : la sagesse est le don éminent d’expliquer les mystères de la religion par leurs sommets, c’est-à-dire par les raisons les plus hautes : la scienee s’attache aux vérités plus faciles et les présente avec des preuves mieux adaptées à l’intelligence naturelle. Vient ensuite la foi, non point la vertu théologale, mais une excellence et une fermeté particulière, de cette vertu, ou encore cette foi qui provoque les miracles , i transporte les montagnes. Puis, il tant convaincre les âmes par des arguments irrécusables qui soienl comme la voix ouïe sceau du Toiit-l’uissant ; faire ce que Dieu seul peut faiie, c’est la grâce des guérisons il le pouvoir des miracles ; ou manifester ce que Dieu seul connaît, c’est la prophétie et le discernement des esprits. » P. Hugon, Mire de grâce, p. 193-194. Dans toutes ces grâces gratuitement données, nous reconnaissons une vertu instrumentale émanée de la sagesse ou de la | ni sauce divine, car aucune d’elle ne saurait trouver dans l’âme humaine, même élevée a la vie surnaturelle, un principe proportionné ci perma nent. En X’otre-Seigneur toutes ces grâces gratuitement données existaient à coup sûr d’une manière éminente, c’est-à-dire que Jésus les possédait dans leur plénitude et toutes réunies à la fois. Comment le docteur du surnaturel n’aurait-il pas possédé la science et la sagesse ? Ne se manifestaient-elles pas dès le temple de Jérusalem, lorsque Jésus y fut retiouvé discourant au milieu des docteurs ? Ne se manifesteront-elles pas de nouveau dans sa prédication de l’Évangile ? Comment le sanctificateur des âmes n’aurait-il pas possédé le don du discernement des esprits ? Jésus lit dans le fond des consciences. Joa., n, 25 ; Luc, vi, 8. Comment n’eut-il pas eu le don de prophétie, lui qui devait être le Prophète par excellence, annoncé par Moïse" ? Cf. Marc, vi, 15 ; Luc, vii, 16, 39 ; Joa., iv, 19 ; vi, 14 ; xii, 40. Il en a eu d’ailleurs la fonction, lui qui a prédit toutes les circonstances de sa passion et de sa résurrection, Marc, x, 33 ; Matth., xx, 17, la fuite des disciples, Matth., xxvi, 31, le reniement de saint Pierre et la trahison de Judas, Matth., xxvi, 21-25, 34 ; la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 5-28 ; Marc. xiii. 5-2 1 ; Luc, xxi, 8-2 1 et les destinées de l’Église. Matth., xvi, 18, xxviii. 1H-20 Toutefois, en Jésus, les grâces gratuitement données se rapport an l à la connaissance et à renseignement des mystères, au discernement des esprits, à la prédiction des faits à venir existaient d’une manière bien supérieure à la manière dont les possèdent les âmes des hommes ordinaires : elles étaient, en effet, contenues dans la perfection de la science soit bienheureuse, soit infuse dont était ornée l’âme du Christ, et nous les devons donc éliminer de la puissance purement instrumentale dont était douée l’âme de Jésus ; elles lui appartenaient en propre et trouvaient en elle un principe adéquat et permanent. Envisagée sous l’angle des grâces gratuitement données, la puissance instrumentale de l’âme du Sauveur comporte donc surtout le don des guérisons et le pouvoir des miracles. Et ce pouvoir sur le monde extérieur eut raine comme corollaire le pouvoir de l’âme de Jésus sur son propre corps. a. Pouvoir de Jésus sur le monde extérieur : le pouvoir des miracles. — L’existence de ce pouvoir étant hors de cause, voir ci-dessus, il ne s’agit ici que d’en déterminer l’étendue. Comme instrument de la divinité, l’humanité de Notre-Seigneur devait précisément pouvoir opérer tous les miracles utiles à la fin de l’incarnation. Cf. Cajétan, In ///"" p. Sum. S. Thomte, q. xiii, a. 2. Et parce que la fin de ce mystère est la restitution de toutes choses dans l’ordre, le pouvoir d’opérer des miracles devait s’étendre à tout ce qui peut favoriser cette restitution. Sur l’étendue de cet objet, esprits purs, hommes, créatures irrationnelles voir ci-dessus, col. 1233, et S. Thomas, Sum. t licol., III*, q. xliii, a. 1-1, commentés par les auteurs. — {ii. Pouvoir de Jésus sur son propre corps. — Si Jésus avait un véritable pouvoir sur le monde extérieur, à plus forte îaison le devait-il posséder à l’endroit de son propre corps. Il le fallait pour la fin de l’incarnation qui exigeai ! que le Christ, en tant qu’homme, eûl le pouvoir d’offrir sa vie ; cf. Joa., x, 17-18. Sans cela, en effet, le Christ n’aurait pu offrir un véritable sacrifice, faute d’avoir pu faire l’acte proprement sacerdotal de l’offrande de la victime. <>i. il semble a beaucoup de théologiens que l’offrande faite par le prêtre exige un acte positif, et non une simple permission ; il ne siilïisail’1 hic pas que le Christ se laissai immoler par les Juifs, il fallait qu’il s’immolât lui-même, faisant acte de puissance personnelle eu donnant sa vie. Lire S. Thomas. Coinpendium theologitc.e. CCXXX. Et comme, l’âme n’avait pas naturellement ce pouvoir sur son corps, il dut lui être donné, comme un pouvoir divin, instrumentalement communiqué. Cf. Hillot, 1317 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE Dl CHRIST L318 De Verbo incarnate th. xxii, s J : Salmanticenses, disp. XX 111. (luh. vu. $) Puissance instrumentale du Christ relative à la production de la aràce. - Ce nouvel objet de la puissance instrumentale conféré à rame du Christ ne saurait être mis en doide. Noir plus haut. Il suffit, ici encore, d’en déterminer l’extension. Or, il est de foi, que les hommes, même depuis le commencement du monde, n’ont pu être sauvés que par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et ce n’est pas assez dire que le Sauveur a été cause de la grâce qui nous sauva, parce qu’il l’a méritée pour nous, parce qu’il s’est olïert en sacrifice expiatoire de nos fautes, en un mot, parce qu’ils nous a rachetés, il est également nécessaire d’affirmer qu’il est la cause de notre grâce, parce qu’il l’a produite effectivement en notre âme, non certes comme cause eiliciente principale, mais comme cause efficiente instrumentale. Toutefois, il est nécessaire d’introduire ici une distinction entre les hommes qui ont vécu avant et ceux qui ont vécu après la venue du Sauveur. L’humanité de Jésus-Christ, à l’égard de la grâce conférée aux premiers en vue des mérites du Sauveur à venir, n’a pu agir que par mode de mérite, c’est-à-dire moralement. C’est uniquement à l’égard de la grâce conférée aux seconds qu’elle a pu agir comme cause efficiente instrumentale. Il serait difficile, sur ce point, de soutenir l’opinion singulière que 15. Médina, sans oser la proposer absolument, déclare cependant non dénuée de probabilité, et qui attribue à l’humanité du Christ, à l’égard des effets surnaturels qui ont précédé, dans le monde, la venue du Sauveur, une véritable causalité eiliciente. Cf. Médina, In III xiii p. Sum. S. Thomæ q, xiii, a. 1. Elle se heurte, en effet, à l’évidence du principe formulé par saint Thomas : Causa e/ficiens non potest esse poslerior in esse ordine durationis, sicut causa finalis. Sum. theol., III’, q lxii, a. G. Xous affirmons donc simplement que toute justification de l’âme, se produisant ex opère operato ou ex opère operantis, non seulement au temps où vivait Xotre-Seigneur, mais encore postérieurement et jusqu’à la fin du monde, a pour cause efficiente instrumentale l’humanité de Jésus. Et, en dehors de toute controverse d’école, un argument d’ordre dogmatique suffit à démontrer la vérité de cette assertion : « La grâce de la justification ne nous arrive que par les sacrements reçus en réalité ou en désir… Par là, il est clair que la grâce nous est conférée non seulement en vue des mérites du Christ (comme elle l’était aux justes de l’Ancien Testament), mais encore par le Christ lui-même souffrant pour nous, c’est-à-dire par ses ministres et par les moyens institués par lui pour nous appliquer les fruits de la rédemption. Et cette ellicacité de la passion du Christ est bien marquée par le sang et l’eau qui s’échappèrent de son côté entr’ouvert. » Billot, De Verbo incarnalo, th. l. Sans doute, eu égard à la puissance absolue de Dieu, il aurait pu se faire que le Christ comme homme nous eût simplement mérité la grâce, Dieu se réscivant de nous la communiquer par lui-même, en dehors de tout ministère de l’humanité prise par le Verbe. Mais une telle disposition eût été contraire au bon ordre : car l’humanité, devenue l’organe de la divinité, doit participer à la distribution des biens spirituels qu’elles nous a mérités. De même que dans le Christ souffrant nous trouvons la source du mérite, de même de lui doit découler toute dispensation, toute production des grâces qu’il nous a méritées en souffrant poui nous. En résumé, l’humanité du Christ est cause méritoire et satisfactoire principale de la grâce, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament ; mais à l’égard de ceux qui sont venus après l’incarnation, elle est, en plus, cause efficiente instrumentale de cette même grâce. Cf. s. Thomas, III q. ci. iii, a. 6, ad 3um. e. Nature de la puissance instrumentale de l’humanité du Christ. tous les théologiens s’accoident sur l’existence et l’objet de la puissance Instrumentale de l’humanité du Christ : les divergences s’affirment relativement à la nature de cette puissance instrumentale. Xous noierons brièvement et par ordre les différentes opinions, le problème devant être repris sous une autre forme et plus complètement à propos de la causalité des sacrements. Tout le monde est d’accord pour al trlbuer à l’humanité du Christ une causalité morale de m élite par rapport aux miracles et à la grâce. Et l’on peut affirmer que cette causalité est une causalité principale. La controverse concerne la causalité eiliciente instrumentale. a) Causalité morale. « La causalité efficiente morale réside en ce que, posée une certaine chose, une volonté différente (soit formellement soit virtuellement ) est mue pour produire un certain effet. L’humanité du Christ opérait donc moralement les miracles, si à cause des contacts, des paroles, de la simple volonté humaine du Christ, la puissance divine se manifestait infailliblement pour produire ce que le Christ, comme homme, avait décidé. » Pesch, De Verbo incarnato, n. 348. C’est la théorie de la causalité morale des sacrements appliquée à l’humanité de Jésus-Christ. En faveur de cette opinion, on cite parmi les anciens théologiens Albert le Grand, Alexandre de Halès, Summa, III a, q. iii, memb. 3, a. 3 ; saint Bonaventure (au moins pour la grâce), In IV Sent., t. III, dist. XIII, a. 2, q. m ; Duns Scot, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i et iv ; Durand de Saint-Pouiçain, In IV sent., I. III, dist. XIV, q. v, a. 2 ; parmi les auteurs plus récents, Vasquez, In 1 1 I xiii p. sum. S. Thomas, disp. LI, c. v ; in D m p. disp. CLXXVI, c. m ; Becanus, De incarnalione, c. x, q. îx, et bon nombre de théologiens de la Compagnie de Jésus : recenliores communissime, écrit avec quelque exagération Platel, De incarnalione, n. 259. On trouvera un bon exposé de l’opinion dans Pesch, De Verbo incarnato, n. 148, qui l’adopte, et dans Stentiup, th. lxxxv, qui la considère, au point de vue philosophique, comme plus probable. Les partisans de cette opinion s’appuient : sur l’Écriture qui représente Notre-Seigneur, au moment d’opérer un miracle, comme demandant à son Père d’exaucer sa prière, Joa., xi, 41-42 ; — sur les Pères qui n’attribuent à l’humanité de Jésus qu’une puissance morale relativement aux miracles ; cf.S.Athanase, Oral. III contra arianos, n. 32, P. G., t. xxxvi, col. 391 ; S. Augustin, In Joannis evang., tiact. viii, n. 9, P. L., t. xxxv, col. 1455 ; S. Jean Damascène, De fide orlh., t. III, c. xv, P. G., t. xciv, col. 1046 sq. ; S. Sophrone, Epist. si/nod., P. G., t. lxxxvii, 3, col. 3175 : — sur l’autorité de l’Église, notamment du tome de saint Léon : unum horum coruscat miraculis ; aliud succumbit injuriis, I enzinger-Bannwart, n. 144 ; et surtout du concile de Trente, énumérant les causes de notre justification, sess. vi. De justificatione, c. vu : hujus justificadonis causa sunt, finalis guident gloria Dei et Christi ac vita alterna ; BFFICIBSB uero miscricors Deus.. ; UBRi toria autem dileclissimus unigenilus sans I)..V..I. (.’…, TNSTRUMENTALis sacramentum baptismi, etc. Demum unira fut mal is causa fusil tia Dei… Denzinger-Bannwart, n. 799.— -Sur les raisons qu’on a coutume de développer à l’occasion de la causalité morale des sacrements, voir ce mol On a prétendu abriter cet te opinion soule patronage de saint Thomas. Il dil, en effet In IV Sent., I. III. dist. XVI, q. I, i..’!, que li-s miracles du Christ ont été accomplis par lui per modum orationi » et intercesslonis. Sur le sens de ce texte, expliqué différemment par les thomistes, voir Gonet, dis]). XIX, a. 2. s 2, n. 26-29. 131 ! » JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1320 P) Causalité physique. - Les meilleurs commentateurs de saint Thomas, c’est-à-dire toute l’école thomiste, sauf Melchior C.ano qui adhère a l’opinion de la causalité morale. Relect. de Sacramentis, p, iv, q. 1. post cbnclus. 6, et bon nombre d’autres théologiens, dont les plus connus sont Grégoire de Valencia De incarnation ! ’, q. xiii. punet. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXI. sect. m : Tanner, ici., q. v, duh. i, dubit. 2, et, de nos jours, dans leurs traités de l’incarnation. Janssens, Hugon, Van N’oort, etc., admettent avec saint Thomas, que la causalité morale ne saurait suffire poui expliquer la part prise par l’humanité du Christ dans la production (les miracles ou de la grâce. Cette causalité moi aie ( qu’on l’explique par le mérite ou par la prière, peu importe) requiert en outre une véritable causalité efficiente. Sans doute, les adversaires affirment. bien que la causalité morale est en réalité efficiente, et ils parlent de causalité instiumentale morale, mais leui thèse est difficile à expliquer et surtout leuis affirmations doivent tomber devant les textes précis de saint Thomas, lequel reconnaît, en Jésus, â l’égard des miracles et de la grâce, une double causalité per meritum et per efficientiam, meritorie et efficienler sed instrumentaliter. Sum. theol., IIP, q. viii, a. 1, ad lum ; q. xlviii, a. 6 et ad 3um ; q. i.xiv, a. 3. Or, cette causalité elliciente instrumentale ne saurait être purement morale : car elle vise les effets miraculeux â produiie dans les êtres, sauf la création. q. xiii, a. 2 ; cette restriction ne serait pas intelligible, s’il ne s’agissait d’une causalité instrumentale physique, au sens où l’entendent les thomistes, c’est-à-dire comportant deux effets réels subordonnés, l’un propre à, l’humanité du Christ, l’autre produit par cette humanité mue par la divinité, le premier appelait nécessairement le second dont il est comme une disposition préalable. En effet, dans l’hypothèse d’une causalit’instrumentale morale, rien n’empêcherait le Christ de demander à Dieu de créer un être. D’ailleurs, de l’aveu même des théologiens favorables à la causalité morale, la causalité instrumentale physique i est plus conforme à certains témoignages de l’Écriture et (les Pères ». Slentrup, op. cit.. p, 1294, Nous avons, en effet, remarqué déjà, voir col. 1193, que le Christ opérait le plus souvent ses miracles en accomplissant certains gestes, certaines actions où le contact physique tient la plus large part ; cf. Mat th., vin. 2-3 ; 11-15 ; Marc, viii, 22-20 ; Joa., ix, (i ; vii, 32-35 I i miracle s’accomplissait, car, est-il dit plusieurs lois, une < vertu » sortait de Jésus et guérissait les malades Luc, vi, 1’.) ; cf. viii, 46. On comprend la causalité moi aie par l’invocation la prière, le mérite ; on ne conçoit plus le rôle de ces gestes sensibles du Sauveur dans l’hypothèse d’une causalité morale ; et comment expliquer cette vertu i qui sortait de lui’? D’autres fois la causalité de l’humanité du Christ — et c’est toujours le cas lorsqu’il s’agil de la rémission des péchés et de l’infusion de la grâce dans l’âme d’un pécheur — s’exprime d’une manière impérative, commandement, menaces ci simple volonté extéi ieurement exprimée, Marc, ix, 25 ; iv, 39 : v. 11-12 : Luc, ii, 14-15, 48 ; vi, 2() ; Joa., xi, 43. Lorsqu’il s’agil de Communiquer l’Esprit Saint aux apôtres, Jésus joint au commandement le rite sensible de llinsuffiation, Luc, xx, 22. Expliqués par la causalité morale, ces signes impératifs ne se justifient plus que par un occa sionalisme Insoutenable. Il faut donc leur accorder une causalité propre et parlant physique. Le concile d’Kphèsc fournit de plus, en ce qui concerne particulièrement l’humanité du Christ, un liment qui semble décisif. Le onzième anathé matlsme, parle de la chair vivificatrice oàpï Çiootccioç du Seigneur. Mais la chair du Christ ne saurait’lie vivificatrice selon la causalité morale, qui appartient en piopre à l’âme ; cf. Gonet, n. 10. Et c’est bien un réalisme physique que piofessent certains Pères, notamment saint Cyrille d’Alexandrie, In Joannem, C n. iv, P. (’., t. i.xxiii, col. 565, 578 ; Exegesis ad Valerianum, P. G., t. lxxvii, col. 261-263 ; Quod unus sit Christus, P. G., t. î.xxv, col. 1360 ; Eusèbe de Césarée. Demonslr. evang., t. IV, c. xiii, 1>. G., t. xxii, col. 286-287 ; saint Jean Damascène, De fuie orthod., t. III, c. xvi, P. G., t. xciv, col. 107 !). On trouvera d’autres témoignages dans Suarez, disp. XXXI. sect. iii, et Petau, De incarnatione, t. X, c. n ; cf.Stentrup, loc. cit. Les thomistes insistent particulièrement sur ce fait que les Pères gtecs, surtout Eusèbe et le Damascène, appellent l’humanité du Christ organe du Verbe ou de la divinité. Or, cet organe ne saurait être conçu dans l’hypothèse de la causalité morale. Enfin la raison paraît exiger la causalité physique ; l’humanité du Christ, physiquement unie à la divinité dans l’être même du Verbe, doit aussi lui demeurer physiquement unie dans l’opération. Or cette union physique dans l’opération suppose la causalité physique instrumentale, comme on l’explique d’ordinahe. Ces principes généraux sont admis par les thomistes et autres partisans de la causalité physique ; mais dès qu’il s’agit d’analyser plus profondément la nature de la causalité physique instrumentale de l’humanité du Chiist, de nouvelles divergences commencent â s’affirmer : a. La première opinion à citer — parce qu’elle doit être immédiatement éliminée — est celle du frère mineur André Vega, dans son ouvrage sur les décrets du concile de Trente, De justificationc doctrina universa, I. VII, c. xiv. Tant que l’humanité du Christ a vécu de sa vie terrestre, elle a été l’instrument physique, non seulement des miracles, mais de la grâce en ceux que Jésus a justifié immédiatement. Mais, montée au ciel, cette humanité ne peut plus concourir physiquement aux effets surnaturels qui se produisent dans l’Église militante. A rencontre de cette opinion, l’unanimité morale des thomistes enseigne que L’humanité du Christ jouissait, même ù distance, et aujourd’hui encore du haut du ciel, de la causalité elliciente physique instrumentale par rapport aux miracles et à la grâce. L’assertion du 11e’anathématisme d’Éphèseest universelle et ne pose pas de restriction ; les textes rapportés plus haut du docteur angélique supposent ou affirment d’une manière explicite, lorsqu’il s’agit des sacrements, cette action physique instrumentale de l’humanité du Christ. Pourquoi appellerait-on l’humanité du Christ l’organe ou l’instrument de la divinité (et non du Fils simplement), si son action après l’ascension du Sauveur, ne devait être quc morale ? Enfin, il est de toute convenance que l’humanité glorifiée conserve au ciel les mêmes prérogatives dont elle jouissait ici-bas. s’il n’y a pas de contradiction â les lui reconnaître. Or, même au ciel, cette humanité peut conserver les caractères de cause instrumentale physique : comme cette humanité est un instrument nul par la divinité elle-même, sa vertu instrumentale n’est limitée ni par le temps, ni par l’espace. Aussi la passion, la résurrection de Noire-Seigneur sont dites par saint Thomas les causes instrumentales de noire salul et de noire propre résurrection, parce que l’humanité souffrante du Sauveur a été et reste encore, parce que l’humanité glorieuse de Jésus est toujours, par la vertu divine qui l’anime, cause Instrumentale de noire salut et de nolie gloire lutine. Cf. Gonet, loc. cit.. n. 35, 15. Et nul COntacl physique n’est requis pour l’instrument, là où. a cause même de l’infinie puissance de Dieu, le « COntacl virtuel ou spirituel i suffit. Cf. s. Thomas, Sum theol., J321 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PI [SSANCE Dl CHRIST L322 III », q. xlviii. a.d. ad 2<>ni ; q. lxi, a. 1, ad 3um. Cette doctrine n’est, en somme que la traduction en formule BCOlastique de la doctrine de saint Jean, sur le Christ, vie des chrétiens, ou de saint Paul, sur le Christ, chef du corps mystique de l’Église. 3. Une deuxième opinion, dont on retrouve trace dans Cajétan et Silvestre de Ferrare, pour le premier dans son Commentaire in III"". q. xiii. a. 4 ; q. lxii. a. 1 : Ia-IIæ. q. cxii, a. 1. pour le second, dans le Commentaire in Sum. c. Genfea, t. III, c. lvi, a été pioposée par le cardinal Billot. Elle comporte deux assertions principales. — La première assertion est relative à la nature de l’action instrumentale, la seconde concerne l’instrument lui-même. S’appuyant sur un texte de saint Thomas, De potentia, q. vi. a. 4. ces auteurs disent que Dieu opérant les miracles par le seul commandement, l’action instrumentale de l’humanité de Jésus doit uniquement consister dans la présentation de ce commandement aux créatures. Qu’est, au juste, cette présentation" ? Le commandement divin réalise immédiatement les effets voulus par D*ïeu ; mais comment le concevoir physiquement passant par un instrument pour atteindre physiquement l’effet voulu’? Cette présentation du commandement divin consiste donc simplement dans la désignation des créatures sur lesquelles doit opérer le divin commandement. Dans cette désignation se trouve une marque efficace qui entraîne nécessairement, infailliblement le miracle. Mais l’homme, par lui-même, n’a pas ce pouvoir ; il faut donc qu’il désigne les créatures par l’autorité et comme instrument de Dieu. Ainsi le prêtre opère instrumentalement pour obtenir la transsubstantiation, en prononçant les paroles de la consécration, commandement divin, en vertu duquel le pain devient le corps, le vin devient le sang du Christ. Cette action instrumentale, conclut le cardinal Billot « ne provient pas d’une vertu physique, mais elle appartient bien plutôt à l’ordre intentionel de l’esprit qui dirige, avec le secours de la volonté. Et quoique dans des directions de cette sorte les forces naturelles de l’âme agissent (l’instrument doit toujours mettre dans son action quelque chose de lui-même), cependant ces forces n’auraient aucune efficacité par elle-même, si elles n’agissaient pas en vertu du souverain domaine que Dieu possède sur tout l’univers. Par là nous pouvons résumer en deux points l’analogie qui existe entre les instruments de Dieu dans l’accomplissement des miracles et les instruments physiques dont nous nous servons dans les arts humains. Premièrement, à l’opération propre de l’instrument physique correspond, chez l’instrument d’ordre rationel, la conversion vers la chose naturelle marquée ainsi par lui pour le miracle (cette conversion se manifeste par des paroles, des gestes, des contacts, ou même par un simple acte de volonté). Deuxièmement, au mouvement physique que l’agent principal communique à l’instrument physiquement, répond l’efficacité de la désignation, efficacité qui découle de la volonté de Dieu qui choisit lui-même les hommes et les anges qu’il veut pour devenir les instruments des merveilles à accomplir. » — Le second point de la présente opinion se rattache plus exclusivement à la question de la puissance instrumentale de l’humanité du Christ. L’instrument physique n’est pas instrument simplement lorsqu’il est mis en action par l’agent principal ; il possède auparavant déjà la forme qui le rend apte à agir comme instrument. Sans doute la hache ne coupe que lorsqu’elle est actionnée par la main de l’artisan : mais auparavant déjà, elle possède la forme qui la rend apte à recevoir cette impulsion : l’instrument acquiert sa vertu instrumentale, dit. saint Thomas, doublement, tout d’abord quand il reçoit la forme qui le fait instrument ; ensuite quand il reçoit, de l’agent principal, l’impulsion qui lui fait produire un effet. » Sum. theol., [II », q. î.xxii. a. 3, ad 2, lm. Il faut eu dire autant, toute proportion gardée, des Instiuments d’ordre rationnel, que Dieu choisit pour accomplir des œuvres surnaturelles. Chez le prêtre qui consacre, la i foi me instrumentale n’est autre que le caractère sacramentel, dont le prêtre use comme il l’entend, en vue d’accomplir ce miracle déterminé qu’est la transubstantiation. Sur la nature du caractère sacramentel, voit Caractère, t. ii, col. 1702 sq. Dans le Christ la > l’orme » instrumentale n’a pas été une qualité, puissance possédée par mode d’habilus permanent : mais c’est par l’union hypostalique elle-même, par la grâce d’union, que, d’une façon habituelle, l’humanité du Sauveur a été constituée l’instrument de la divinité pour les opérations dépassant les forces de la nature. Billot, th. xxii, a. 1. Remarquons immédiatement combien les deux points délimités si nettement par le cardinal Billot précisent le problème si embrouillé chez les auteurs et surtout chez Suarez, disp. XXXI, sect. v-vi, de la nature de la puissance instrumentale en Jésus-Christ. L’instrument, pour être, c’est-à-dire pour avoir sa forme d’instrument, n’a besoin, en Jésus-Christ, d’aucune addition intrinsèque ; par le fait de son union avec le Verbe, l’humanité est l’instrument de la divinité. Mais, pour agir, l’instrument doit recevoir de l’agent principal, en Jésus-Christ comme dans les causes physiques ordinaires, une impulsion, un mouvement de l’agent principal, et devient par là capable de produire instrumentalement l’effet auquel naturellement il ne peut atteindre. Ainsi, en Jésus-Christ, ♦ l’humanité doit recevoir de la divinité une impulsion, un mouvement, une « vertu instrumentale ». Qu’est-ce que cette vertu ? Le cardinal Billot répond à cette question précise dans le premier point exposé ci-dessus. C’est une intention, une direction de l’esprit, manifestée, dans les miracles de Jésus, par la désignation des créatures sujets des miracles, au moyen de signes extérieurs sensibles ou d’actes intérieurs de la volonté. On sait toutes les critiques auxquelles cette causalité intentionnelle, qui ne veut être ni physique ni morale, a donné lieu. Voir Sacrements. Il semble bien, en tenant compte de tous les éléments de la controverse que pour échapper à la contradiction, il faille la ramener à l’une ou l’autre causalité : nous l’avons maintenue parmi les opinions se réclamant de la causalité physique, parce que c’est par la causalité physique qu’il faut expliquer le texte du De potentia sur laquelle elle s’appuie. y) Suarez admet pleinement la causalité physique instrumentale ; mais ne pouvant rejeter les principes posés par lui au sujet du concours simultané, il est contraint, pour expliquer l’action instrumentale de l’humanité de Jésus-Christ, d’abandonner les explications proprement thomistes et de s’engager dans une voie singulière. I.a vertu instrumentale communiquée au Christ par la divinité pour l’accomplissement des miracles, n’est ni une qualité surajoutée, ni un mouvement inspiré à l’humanité hypostatiquement unie a ce Verbe, mais c’es ! une vertu active obédienlielle existant en cette humanité, vertu par laquelle l’humanité sainte du Christ peut produire les œuvres surnaturelles, comme instiument de Dieu, Dieu concourant avec l’humanité par un secours ou un concours proportionné a l’effet voulu, secours ou concours excédant celui qui cùl été dû à l’activité naturelle île ht créature. I >isp, XXXI, sect. V, n. 7. Dans la partie négative de sa thèse, loc. cit., sect. vi, n. l-l". Suarez combat efficacement la thèse trop radicale, soutenue par quelques auteurs, dont Contenson, et d’après laquelle, même pour l’action Instrumentale, rien, absolument rien ne serait requis en l’humanité du Christ, en plus de l’union 1323 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLpGIE. L’OPÉRATION THÉANDRIQUE 1324 hypostatiquc : il ne s’agirait que d’une élévation purement extrinsèque, Id nobis probari vix potest, dit de son côté avec raison Billuart, diss. XIII. a. 2 : l’union, en effet, n’ajoute rien aux puissances intrinsèques à l’humanité : ces puissances demeureront donc impuissantes relativement aux effets surnaturels. Voir également Salmanticenses, disp. XXI II, duo. v, $ 3. Mais la solution positive imaginée par Suarez soulève bien des critiques. Qu’est-ce que cette « puissance obédientielle active » ? N’est-ce pas un simple mot’.' Cf. Salmanticenses, disp. XXIII, dub. v, S 2 et 4. Nous n’insisterons pas davantage sur un système aujourd’hui abandonné de tous, S) Il semble donc que logiquement on doive arriver à la solution thomiste, sans toutefois qu’on en puisse dissimuler les imprécisions et les difficultés. Cette solution allirme que Yaction instrumentale de l’humanité du Christ a son explication dans un principe spirituel intrinsèque à l’humanité du Sauveur, principe dérivé de la divinité et qui élève l’action de l’humanité à un ordre supérieur, tout comme la vertu instrumentale dérivée de l’impulsion donnée par la main de l’artiste élève l’action de l’instrument physique. Mais dès qu’il s’agit d’expliquer la nature exacte de ce principe intrinsèque, l’école thomiste se partage en deux camps, où nous rencontrons des noms également illustres. D’un côté, Capréolus, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i, a. 3, ad 4°’", Sylvestre de Feirare, In Sum. c. Gent., t. IV, c. lvi, les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. vi. S 1, Gonet, disp. XIX, § 3, n. 48 sq., enseignent que le don des miracles et de la justification des pécheurs en Jésus-Christ, sous le rapport de la vertu instrumentale dont était doté l’humanité du Sauveur, était une QUALITÉ incomplète, de sa nature transitoire et passagère, mais possédée, en raison de la dignité du sujet, d’une manière habituelle. D’un autre côté, D. Soto, Cajétan, Cabrera, que cite et suit Jean de Saint-Thomas, De incarnationc, disp. XV, a, 3, concl. 3, estiment que ce don n’était qu’un mouvement divin, non seulement appliquant l’humanité du Christ à l’action, mais lui conférant simultanément la puissance pour agir sous l’impulsion de l’agent divin. Dans cette opinion, le Christ pouvait opérer des miracles lorsqu’il le voulait, cf. Mat th., vin, 2, non parce que la volonté divine était à la disposition et sous la direction de la volonté humaine, mais parce que la volonté humaine était au contraire tellement soumise à la volonté divine qu’elle agissait chaque fois que celle-ci le décrétait et comme elle le décrétait : l’unité de personne explique le si vis, potes me mundare. Les diflicultés de la thèse thomiste sont exactement celles qu’on objecte à la causalité physique des sacrements. Nous renvoyons à ce mot. Suarez, De incarnations disp. XXXI ; Salmanticenses, id., disp. XXIII : Gonet, id., dis] ». XIX. Ou trouvera un bon résumé dans Billuart, diss. XIII, a. 2. Voir également Stentrup, De Verbo incarnato, th. i.xxxv ; Janssens, Dr Deo-llominr, t. i, p. 479-491 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxii-xxiii ; Hugon, De Verbo incarnato, q- vii, a. 1-2 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, pmp. xxvii, ri surtout Hugon, Du causante instrumentale en théologie, Paris, 1907. c. m. 6. Conclusions. a) L’opération (l’activité) du Clirisl est nécessairement théandrique, a. Le mot i Ihéan drigue ». — Pour Justifier leur erreur, les monothélites se réclamaient du ici me i opération théandrique » dont s’était servi le pseudo-Denys poux désigner l’opération du Verbe incarné. Du reste, le Christ n’accomplissait pas les œuvres divines uniquement connue Dieu, OU les crimes humaines uniquement comme homme, mais parce que Dieu s’éiaii fait homme, il exerçait à notre endroit une sorte d’activité nouvelle, l’activité théandrique, BexvS èvécyetav. De eccles. hierarch., ciii, ii, 4. P. G., t. irr, col. 429. b. Le sens de cette expression. — Quoi qu’il en soit du sens plus ou moins orthodoxe de l’expression originale, les Pères l’ont interprétée en ce sens que dans le Christ les opérations divines et humaines appartenant au même sujet, et ce sujet étant à la fois Dieu et homme, OiavSpoç. ŒâvOpcoTîoç ou encore àvSpcoQdç 6sôç, pour reprendre les expressions du pseudo-Denys lui-même, toute opération du Christ, comme tel. peut être appelé théandrique. Évidemment les opérations du Verbe, comme Verbe, ne sauraient recevoir cette qualification. Le sens de l’expression « théandrique » a été précisé, en 619, par le concile romain tenu sous Martin I er, canon 15 : « Si quelqu’un, suivant en cela de criminels hérétiques, comprend d’une façon insensée l’opération divino-humaine (dcivirilem operationem ) que les Grecs appellent théandrique, et ne confesse pas en Jésus-Christ une double opération, la divine et l’humaine, mais prétend que cette expression : deivirilis, qu’on vient de rapporter, ne désigne qu’une opération unique, et ne marque pas simplement l’admirable et glorieuse union des deux natures, qu’il, soit co.idamné. » Denzinger-Banmvai t. n. 268. Dans cette union admirable et glorieuse, déclare le VIe concile, ulraque natura indivise et inconfuse propria operatur cum alterius communione. La » communion » des deux natures dans la dualité d’opération s’allirme sous un triple aspect. D’abord dans l’ordre de la perfection morale, l’opération humaine du Christ est tellement soumise à la direction de la divinité, que Jésus est le modèle par excellence de toute sainteté, de toute perfection ; voir ci-dessus, col. 1274 sq. ; à vrai dire il n’y a en Jésus, même dans l’ordre des opérations inférieures, que des actes humains, sagement réglés : cf. S. Thomas, IIP, q. xix, a. 2. En second lieu, dans l’ordre de la causalité instrumentale, par rapport aux miracles et à la justification des pécheurs : l’humanité est l’instrument proprement dit de la divinité, et ici la communion des deux natures dans la dualité d’opération devient plus stricte et s’affirme dans la subordination des causalités. Enfin dans l’ordre du mérite et de la salis/action, et ici ce n’est plus par une simple direction, par la communication d’une vertu instrumentale, c’est par la communication de l’être divin dans l’union hypostatiquc, laquelle donne a toutes les actions de l’humanité du Verbe incarné, une valeur et un mérite infinis. Cf. S. Jean Damascène, De fuie arthod., . III, c. xv. nix, P. G., t. xçiv, col. 1045, 1080. Ainsi donc, à l’exclusion des opérations propres au Verbe comme tel (soit ad intra. soit ad extra), toutes les opérations du Christ doivent être dites théandriques. Cf. Hugon, Le mystère de V incarnation, p. 288-289 ; Le mystère de la Rédemption, Paiis, 1910. p, 89-90. La causalité instrumentale en théologie, Paris, 1907, p. 78 sq. c. L’opération (l’activité) théandrique s’affirme surtout dans les ouvres méritoires et satisfactoires du Christ. -Dans l’ordre de la perfection morale, Dieu, en faisant appel à sa toute-puissance absolue aurait pu communiquer à un simple homme tant de glace et tant de perfection, que cet homme, dominant tous les autres par sa sainteté suréminente, aurait pu être leur modèle. Dans l’ordre de la causalité instrumentale, Dieu, par sa puissance absolue, aurait pu faire accomplir par un simple homme les miracles accomplis par le Christ : on ne nie pas pour autant qu’en fait, ces miracles accomplis par l’humanité du Christ sous l’impulsion de la divinité, n’aient affirmé d’une façon plus stricte la communion des deux natures dans l’opération, Mais l’ordre de la satisfaction et du mi exigeait impérieusement l’union hypostatique, et, en ce sens, c’est dans cet ordre que s’affirme davantage I l’opération théandrique. Sur la nécessité or l’incarna ; JÉSUS-CHRIST Il LA THÉOLOGIE. LE MÉRITE DU CHRIST L326 lion pour satisfaire Dieu, voir INCARNATION, t. vu. col. 1473. Que l’incarnation ait été également nécessaire pour nous mériter la grâce, dans l’ordre présent, cola est évident pour un double motif : premièrement, le mérite de cette grftce dépendait, dans l’ordre présent, de la réparation offerte pour les péchés ; deuxièmement, les individus humains étant indéfiniment multipliables, il fallait un mérite inépuisable, le mérite de l’Homme-Dieu. Cf. s. Thomas. [II », q. i. a. 2, ad 1°’». Sur l’opération théandrique chez les Pèr-s. voir Petau, De incarnations, I. VIII, c. vu-xin. Voir l’exposé theologi<pje de la question dans Stentrup. th. u-uu ; llurter. De ri>o incarnaio, a. 534-558 ; Billot, De Verbo incarnate, th. xxxi ; Janssem, De Deo-Homine, t. i, p. 667-682, avec un bon choix de textes patristiques : I lu-’on, /). Verbo ine<irn(i(o, q. xi. a. I. n. l-t>. b) Le mérite du Christ. — En raison de l’union hypostatique qui donne à Jésus la sainteté substantielle, toutes les opérations du Christ sont d’une dignité infinie, et par conséquent d’une valeur infinie quant à la satisfaction et au mérite. Faisons remarquer, toutefois, que cette valeur infinie ne leur vient pas du principe d’opération, la nature humaine, mais du principe d’être qui élève hypostatiquement cette nature le Verbe divin lui-même. Ce principe général une fois rappelé, nous renvoyons à l’article Rédemption tout ce qui concerne le fait de la satisfaction infinie donnée par le Christ à Dieu, conformément aux exigences exposées à Incarnation, t. vii, col. 1173 sq. Quant au mérite nous n’avons à envisager ici que le mérite du Christ par rapport à lui-même, conformément au titre général du paragraphe. Cf. S. Thomas, III », q. xix, a. 3. a. L’existence du mérite en Jésus-Christ, considérée d’une manière générale est affirmée explicitement par l’Écriture : Foetus obediens usque ad mortem… PROPTER QOOD et Deus exaltavit illum, Phil., ii, 8, ou encore, dans la bouche de Jésus lui-même, Xonne hœc oporluit pâli Christum et ita intrare in g oriam suaml Luc, xxiv, 26. Le concile de Trente, à propos de notre justification, dit que le Christ en est la cause méritoire, sess. vi. De juslificatione, a. vii, Denzinger-Bannwart, n. 799. La raison théologique enfin montre que, toutes choses égales d’ailleurs, il est plus parfait de posséder une perfection due au mérite que de l’avoir sans la mériter. On doit donc accorder au Christ toutes les perfections qu’il a pu mériter. Certes, il n’a pu mériter ni la grâce qui est le principe du mérite, ni la gloire essentielle de son âme, car l’absence de cette gloire en son âme eût été une imperfection incompatible avec l’union hypostatique. On délimitera plus loin l’objet du mérite personnel du Christ. Enfin toutes les conditions requises pour le mérite se trouvent réalisées dans le Christ ; il a été libre, voir ci-dessus, col.1295, ses actions étaient et quant à leur objet et quant à leurs circonstances moralement bonnes ; il a toujours fait la volonté du Père, voir ci-dessus, col. 1297 ; il était orné de la sainteté substantielle et de la grâce habituelle, possédée dans toute sa plénitude, voir ci-dessus, col. 1275 sq. ; enfin ses actions méritoires étaient accomplies dans l’état de voie, voir ci-dessus, col. 1309. Donc, l’existence du mérite en Jésus-Christ, conclusion certaine de tout ce qui précède, ne peut être mise en doute : c’est une vérité de foi. b. L’objet du mérite acquis par Jésus relativement à lui-même peut se résumer en ceci : Jésus a mérité tout ce qui a pu contribuer a la gloire de son corps : transfiguration, résurrection, ascension et à l’exaltation de son nom. Cf. Apoc, v, 12. Saint Thomas attribue au Christ une triple exaltation méritée par une triple humiliation : la gloire qui a suivi la résurrection, méritée par < ements de la passion : la manifestation de sa divinité, méritée par la déchéance de l’incarnation, où le Christ a pris la forme d’esclave ; l’hommage enfin de toutes les créatures mérité par l’humiliation de l’obéissance jusqu’à la mort. In Kf>ist. ad. Phil.. c. ii, lect..’!. On . lira également les belles considérations du même auteur relatives a la résurrection, III- 1, q. un ; à l’ascension, q. un ; à la session à la droite du l’ère, q. l.vill. Scot n’admet à l’égard de la gloire du corps, qu’un mérite indirect. In I Y Sent., Præf. I. 1. VoirDuNS Scot, t. iv, col. 1896 c. Quant au emps du mérite, les théologiens catholiques ont émis quatre opinions différentes qu’il suffit d’ailleurs de signale], la dernière seule étant reçue dans l’enseignement commun. - La première opinion n’accorde au Christ le mérite qu’après sa conception : il lui a fallu, pour ainsi dire, un instant de réflexion, pour agir délibérément. Ainsi opinent Alexandre de I [aies, Summa, part. III, q. xviii, memb. 2, a. 1 : saint Bonaventure, In IV Sent.. I. Ill.dist. KVIII.a. l, q. i. Durand de Saint -l’ourcain, In. IV Sent., t. III, dist. XV 1 1 1, q. ii, "Mais cette opinion se heurte à l’autorité de Heb., x, 6-9, et ne tient pas compte de la possibilité, pour le Christ, d’un acte, libre de volonté dès le premier instant de la conception. Cf. S. Thomas. III’. cj. xxxiv, a. 2-3. A plus forte raison donc, le Christ a-t-il mérité dès s i tendre enfance : les l’êtes, dans leurs serinons sur la naissance, la circoncision et l’enfance du Sauveur insistent sur les persécutions qu’eut à subir l’enfant Jésus et qui lui furent méritoires. La deuxième opinion, à laquelle il serait difficile de rattacher le nom d’un grand théologien, mais qu’on trouve relatée dans les auteurs, affirme que le Christ a pu mériter, même après sa mort, et qu’il mérite encore au sacrifice de la messe et dans l’administration des sacrements. L’état de voie est la condition du mérite. De ce seul chef, cette opinion manque totalement de probabilité. Vasquez, disp. LXXVI, c. i, n. 3 pense que le Christ, absolument parlant peut mériter pour nous, non pour lui, après sa mort et dans le ciel. L’intercession du Christ dans le ciel, Rom. viii, 31 : Heb., vii, 25 ; I Joa.u, 1. vaut par les mérites précédemment acquis (en tant que méritoire). Cf. Vasquez, loc. cit., De Lugo, De incarnalione, disp. XXVII, sect. IV, n. 54 ; Suarcz, id., disp. XXXIX, sect. m. n. 9. Quand les l’ères nous disent que les sacrements sortirent du côté entr’ouvert du Christ, ils ne disent pas que le Christ a mérité par son côté entr’ouvert : l’eau et le sang qui symbolisent les sacrements sont sortis du côté du Christ ; mais ce symbole n’implique pas un mérite en Jésus-Christ déjà mort. Suarez, disp. XXXIX, sect. iii, n. 10. — La troisième opinion, professée par Cajétan, In ///"" />. Sam. S. Thomæ, q. i.vi, a. 6, ad L « », /n II"" //æ q. cxxiv. a. 4, ad 2 et par Hurtado, De incarnalione, disp. LXIII, sect. x, enseigne que le Christ a mérité dès le premier instant de sa conception et jusque dans l’instant qui a terminé sa vie terrestre et qui a vu se consommer sa mort. La quatrième opinion exclut avec vraisemblance cet instant ultime. Cf. s. Thomas, III-’, q.u, I ium. <l. Une quatrième question est relative à la charité qui fut en Jésus le principe du mérite. Cette question a beaucoup d’affinité avec celle de la liberté du Christ examinée plus haut. En effet, l’acte de charité, par lequel le Christ aimait Dieu, était, eu raison de la vision intuitive, non pas libre, mai e, et tout ce qui se rattache nécessairement a Dieu, devait être aimé nécessairement.La solution de cette difficulté a exercé la sagacité des théologii ; ans, avec n/, disp. I.WIV, c. iii, nient que le Christ ait mérité par la charité qu’il avail pour Dieu. D’autres distinguent en Jésus-Christ deux charités, ré| l’une par la vision intuitive, l’amie par ! JÉS1 S-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIH1LITÉ Dl CHRIST 1328 infuse, et rapportent la liberté, nécessaire au mérite, à cette deuxième charité. C’est l’opinion de D. Soto, De natura et gratia, t. III, c. vii, de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIX, sect. m. et on peut en rapprocher l’opinion de Tolet qui dans son commentaire ht Sum. S. Thomæ, III 3, q. xix, a. 3, concl. 3, admet que le Christ a mérité par la charité de l’état de voie et non par celle de l’étal de terme. D’autres, ne reconnaissant en Jésus qu’une charité, distinguent deux actes réglés l’un et l’autre par la vision Intuitive, mais le premier est nécessaire, parce qu’il se rapporte aux biens intrinsèques à la divinité, le second reste libre, parce qu’il se rapporte aux biens extrinsèques que procurent les créatures à Dieu, gloire, honneur, louange, obéissance, etc. On trouve cette explication chez Grégoire de Valencia, In IID™ p. Sum. S. Thoma-, q. xix, punct.2 et chezde Lugo, De incarnalione, disp. XXVII, sect. i, n. 4. La plupart des thomistes adoptent soit l’une soit l’autre des explications données plus haut à la liberté du Christ en face du précepte de mourir. Xombre de molinisles sont également, sur ce point, fidèles à la logique des principes posés par eux à cette occasion. II. LES DÉFAUTS ET FAIBLESSES DE LA SATURE HUAI AI. E COMPATIBLES AVEC L’UNION HY POSTA-TIQUE. — 1° Principe théologique dominant le problème. — L’union hypostatique apporte nécessairement à l’humanité du Christ une incomparable perfection de science et de sainteté. Un en conclut que l’humanité de Jésus ne pourra revêtir les défauts et les faiblesses qui seraient incompatibles avec cette plénitude de science et de sainteté. C’est à la lumière de ce principe que nous devons analyser la compatibilité ou l’incompatibilité des dits défauts. Or, on peut ramener les défauts de la nature humaine à trois catégories. 1. Certains défauts n’appartiennent pas nécessairement à la nature humaine comme telle, mais ils surviennent accidentellement à tel ou tel individu, en raison d’une cause particulière à cet individu, faute personnelle, hérédité, maladie, vice de conformation congénital, etc. Le Christ, à coup sûr, n’a pu être assujetti à des défauts de ce genre qui impliqueraient une certaine infériorité personnelle, incompatible avec la dignité du.Messie. On ne voit pas d’ailleurs pour quel motif le Christ y eût été assujetti. 2. Certains défauts appartiennent à la nature humaine comme telle et lui sont, après la chute d’Adam, pour ainsi dire inhérents. En principe, Noire-Seigneur qui est venu sauver, sans acception de personne, tous ceux qui possèdent la nature humaine, devait se soumettre à ces défauts. Toutefois, il n’a pu s’assujettir à ceux qui répugnent à la science et à la sainteté parfaite : il n’a donc pu ni être sujet à l’ignorance, ni éprouver la difficulté à faire le bien, ni ressentir les atteintes de la concupiscence. 3. Restent donc, parmi les défauts inhérents à la natuie humaine, ceux qui se rapportent à la possibilité de souffrir et de mourir : la faim, la soif, la fatigue la douleur, la tristesse, l’angoisse, la crainte, etc. Nous avons vu que l’évangile attribue à Jésus-Christ tous ces sentiments, toutes ces liassions. Voir col. Il 16. Ce sont, dit saini Jean Damascène « toutes les passions naturelles à l’homme et nullement répréhensibles i, qu’il fuit attribuer au Christ, rcàvra -i cpuaixà y.’/X àoVapXy ; t « 7r<£8ï] tou 7.v<) : (’, >-’, -.. De /i<le orthod., t. III, c. xx, P.’L, t. m iv, col. 1071. Saint Thomas, résumant la penser des pries indique trois raisons de convenance en faveur de l’existence de ces défauts naturels en Jésus-Christ : il fallait que Jésus pût satisfaire (en souffrant) pour le genre humain : qu’il manifestât plus parfaitement la vérité de l’incarnation ; qu’il fût enfin pour nous un modèle dans la façon de les supporter. Sumtheol., III’. q. xiv, a. l, cf. In IV Sent., t. III, dist. V, q. i, a. 1 ; dist. XXII, q. ii, a. l, qu. 1 ; C. Génies, 1. 1V, c.lv ; Compendium theologia-, c. ccxxvi. On peut encore ajouter une quatrième raison, indiquée par Heb., ii, 17 : clebuit per onviia /ratribus assimilari, ut misericors fieret et fidelis pontifex ; connaissant mieux nos infirmités, Jésus y pouvait compatir plus miséricordieusement. Et, par là, nous retombons dans l’argument général des convenances de l’incarnation. Voir Incarnation, t. vu. col. 1469-1470. Bien plus, le Sauveur a dû prendre ces défauts naturels nécessairement, c’est-à-dire non par suite d’une contrainte extérieure, mais parce que ces défauts étant inhérents à la nature humaine comme telle, il était nécessaire, d’une nécessité de nature, que le Christ les prît en prenant la nature elle-même. Cf. Sum. theol., III a, q. xiv, a. 2. En fait, le Christ a subi des contraintes extérieures, mais il les a subies parce qu’il le voulait délibérément et de sa volonté divine et de sa volonté humaine, éclairée par la raison et la science surnaturelle des desseins de Dieu. Id., ibid. Toutefois, il faut encore affirmer que le Christ a pris ces défauts sans, à proprement parler, les contracter. Il les eût contractés, s’il avait été pécheur comme les autres hommes, lesquels sont soumis à ces faiblesses physiques, à raison du péché. De Jésus-Christ, on ne peut affirmer qu’il ait « contracté » les suites du péché : prenant la nature humaine sans le péché, il aurait pu la prendre dans la pureté même qu’elle avait dans l’état d’innocence, il aurait pu la prendre sans les défauts, que corrigeait précisément l’état de justice originelle. Si ces défauts se trouvent en lui, c’est qu’il les a, non contractés, mais « volontairement pris ». Ibid., a. 3. C’est ce que les théologiens expriment en disant de ces défauts qu’ils étaient, en Jésus-Christ, à la fois nécessaires et volontaires. Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sect. m. 2° Première conclusion relative au corps « passible » du Christ. — Le corps de Jésus a souffert, non parce que Jésus, par un miracle, a voulu que son corps, incorruptible par nature, subît néanmoins en fait la souffrance et la mort, mais parce que ce corps est naturellement passible. Voir Gaianite (Controverse), t. vi, col. 1102 sq. et, au sujet des aphtartodocètes, .Monophysites. Sur la controverse soulevée au xiie siècle, entre Philippe de Harveng et le moine Jean, voir aussi Hulaire (saint), t. vi. col. 2139 sq. La i passibilité t du corps du Christ, est un dogme défini, voir col. 1263 sq. I.a théologie se contente ici de démontrer qu’il n’y a pas contradiction à ce qu’une âme glorifiée soit unie substantiellement à un corps passible. C’est le cas de NotreSeigneur qui ne fut « compréhenseur » que quant à une partie de son âme, voir col. 1273 sq. Ce n’est pas, en effet, en tant que forme du corps que l’âme est glorifiée. Et c’est pourquoi, lorsqu’on affirme qu’il y aura, chez les élus après le résurrection, rejaillissement (redundantià) de la gloire de l’âme sur le corps, on ne saurait concevoir ce rejaillissement comme le résultai d’une loi physique et nécessaire de la nature humaine. I.a grâce sanctifiante qui, dès celle vie, existe en l’âme comme principe de la gloire future et est inhérenfe à son essence, n’a aucun rejaillissement sur le corps et ne l’affecte en rien physiquement. Donc, la gloire elle-même de l’âme ne rejaillit sur le corps de l’élu ressuscité en vertu d’aucune loi physique et nécessaire, mais simplement parce qu’il est foui à lait convenable et conforme à l’étal de béatitude que la condition du corps suive celui de l’âme ef y participe. C’est une nécessité » connaturelle ». Donc, qu’une.’une glorifiée ail élé. en Jésus, unie à un corps naturellement passible cela ne constitue pas en soi. et à proprement parler, un étal strictement JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIBILITÉ Dl CHRIST 1330 miraculeux, contraire aux lois physiques de la nature humaine. Mais une telle union serait contraire a toute convenance si. en Jésus-Christ, la convenance ne devait pas exceptionnellement être réglée par les conditions tout à fait particulières et extraordinaires dans lesquelles le Sauveur a dû vivre sur terre. Ces conditions exigeaient que l’âme glorifiée, admise a l’immobilité substantielle île la vision béatiflque, fût unie, pendant son séjour ici-bas. à un corps passible et soumis à toutes les conditions propres à l’état de voie. En tout cela, par rapport à Jésus-Christ et à lui seulement, il n’y a pas de miracle, sinon en un sens très impropre, puisque cet état est exigé par les conditions spéciales dans lesquelles vécut le Christ sur la terre. Billot, thèse xxiv. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III 1. q. xi v. a. 1 et les commentateurs. 3° Deuxième conclusion relative aux « passions » du Christ. {.Définition. — Il faut tout d’abord préciser le M-ndu mot < passio 1 v l.a philosophie moderne emploie ce terme pour désigner non seulement un phénomène affectif intense, mais encore et surtout un phénomène affectif dont l’orientation est contraire à la loi morale. La théologie et la philosophie scolastiques réservent le nom de concupiscence au dérèglement de la passion et nous savons que Jésus a été pleinement exempt de la concupiscence : Le terme « passion », selon les philosophes scolastiques peut être pris en un sens strict ou en un sens large. Dans son sens strict, la passion désigne une altération d’où résulte, en celui qui en est le sujet, un déséquilibre plus ou moins violent de l’organisme. Entendue en ce sens, la passion n’existe donc que chez les êtres vivants et corporels. Chez les êtres doués de la vie sensitive, cette altération peut se produire de deux façons. Elle peut consister tout d’abord dans une lésion des membres, une irritation des organes corporels ; sans doute ces troubles ont leur répercussion dans la sensibilité douloureuse, mais parce que le corps est d’abord altéré, on les appelle plus spécialement passions du corps. L’altération peut être aussi un mouvement violent de l’âme, accompagné sans doute d’un certain changement dans les organes du corps, le cœur ne se dilate-t-il pas sous l’influence de l’amour, de la joie, de la tristesse ? cf. S. Thomas, De veritate, q. xxvi. a. 8 ; mais sans lésion ou irritation’de ces organes, et parce que ce mouvement se rapporte plutôt à l’âme, on l’appelle une passion de l’âme. Voir le commentaire de Cajétan. In /""> II »  », q. xxii, a. 1. Passions du corps en Jésus-Christ, la soif, la fatigue du voyage, les souffrances de la flagellation, de la crucifixion ; passions de l’âme, la crainte, l’ennui, la tristesse du jardin de Gethsémani. Certains auteurs modernes nomment, pour plus de clarté, les passions du premier genre, des sensations ou des passions, celles du second genre des sentiments. Cf. Labauche, op. cit.. p. 280 ; Hugon, Le mystère de i Incarnation, p. 304-303. Mais il y a plus : l’âme peut être contrariée, dans les opérations qui relèvent exclusivement de la vie intellectuelle, l’ar la connaissance et l’appréhension d’un mal qui la menace, l’âme, dans sa partie supérieure, éprouve de la tristesse, de la crainte, de la souffrance purement spirituelles, lesquelles ne sont pas la tiis. la crainte, la souffrance sensibles, bien que fréquemment unies à elles dans l’homme, en raison même de l’union de l’âme et (lu corps. La passion entendue en un sens large, peut donc être définie : l’affliction spirituelle de lame. En Jésus, cette passion spirituelle de l’âme existait certainement, lorsi|u il s’écriail : Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? wenant t dis passions en Jésus-Christ. - a) Les itis proprement corporelles, lésions ou irrita tions des organes, ne sont pas incompatibles avec la sainteté du Christ. Le Sauveur, ayant pris un corps passible, devait effectivement ressentir les passions. corporelles. — b) L’affliction spirituelle n’est pas non plus une imperfection ; elle est donc compatible a vicia sainteté absolue, l.a seule difficulté théologique qu’on puisse soulever à son sujet concerne sa coexis tence. dans lame bienheureuse du Sauveui, avec la joie parfaite de la vision intuitive. Voir plus loin. c) Mais les passions de l’ordre sensible, ire sont-elles pas une imperfection ? N’échappent-elles pas, en effet, au domaine de la volonté et de la raison ? Ne nous retardent-elles pas dans la voie du bien ? En un mot. le sage, le parfait, ire doit-il pas être sans passions de ce genre ? La réponse à ces objections découle des vérités rappelées plus haut, voir col. 1293 sq.. touchant la puissance de l’âme de Jésus sur les mouvements de sa sensibilité. Il faut, avec sairrt Thomas, distinguer, dans les passions de l’appétit sensible, le côté physiologique — modification de l’organisme — qui en est comme l’élément matériel, et le côté psychologique mouvement de l’appétit sensilif — qui en est comme l’élément formel. Sum. theol.. [ » II*, q. xxxvii, a, 4. Or le mouvement physiologique considéré err soi. n’implique aucune imperfection morale et répond au caractère passible du corps de Jésus. Le mouvement psychologique peut être désordonné et dénoter une imperfection mais ce désordre et cette imperfection ne lui appartiennent pas essentiellement : ils ne sont provoqués qu’accidentellement soit en raison de l’objet vers lequel il tend, ou de la violence avec laquelle il se manifeste et qui prévient le jugement de la raison, ou lui fait excéder la juste mesure, empêchant la raison de demeurer dans les limites convenables. Or, ce mouvement psychologique désordonné ne pouvait, nous l’avons vii, exister en Jésus. Nos passions, conclut donc à bon droit, le P. Hugon o se portent souvent vers l’objet mauvais qui nous séduit par ses perfides amorces, ou vers l’objet frivole, qui nous fait gaspiller nos énergies : celles de Jésus sont toujours orientées vers l’honnête, vers l’utile, vers la fin de la rédemption. Les nôtres préviennent plus d’une fois la raison et troublent la sérénité de ses décisions ; celles de Jésus, commandées par la partie supérieure, n’agissent que sur ses ordres. Les nôtres aboutissent parfois à des effets désastreux : au lieu de se tenir dans leur domaine propre, elles empiètent sur celui de la raison et entraînent avec elle la faculté maîtresse qui aurait dû les gouverner et les dompter ; celles de Jésus, toujours harmonieuses, ne sortent jamais de leur rayon et servent toujours l’esprit. C’est pourquoi de grands docteurs, à la suite de saint Jérôme, In Matth., c. v, v 28, P. L., t. xxvi, col. 38. disent que les émotions en Noire-Seigneur sorrt plutôt îles />ropassions que des passions. Elles sont bien des passions véritables au sens philosophique, c’est-à-dire des mouvements réels de l’appétit sensitif, mais elles restent entièrement affranchies des désordres qui trop BOUVent accompagnent ces mouvements chez les autres humains. L’mystère de l’incarnation, p. 300. Cf. s. Thomas, Sum. theol, III’. q. xv, a. H0 : Salmanticenses, De incarnations, disp. XXV, dub. viii, n. 104 sq. . ;. Comment concilier lu tristesse et lu douleur en Jésus-Christ avec la joie béatiflque. Il n’y a pas de miracle nouveau (c’est la simple conséquence des principes exposés plus haut), à ce que dans une.nue glorifiée unie a un corps passible, coexistent, d’une paît, la Vision bienheureuse et, d’autre part, la Iris tesse et la douleur, soi ! dans l’appétit sensible soit même dans la partie supérieure de l’âme intellect ive. a) Pour que se produise la coexistence de la tris1331 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SUJÉTION DU CHRIST 1332 lesse et de la douleur sensibles avec la joie béatifique, il suflit que chacune des puissances de l’âme soit laissée à son exercice normal. Ce n’est pas, en effet du côté de l’objet que la vision intuitive exclurait les mouvements inférieurs, car les objets sont différents : l’objet de la joie béatifique est le bien divin possédé par l’âme : l’objet de la passion sensible, tristesse ou douleur, est un dommage que l’on redoute pour soi ou pour autrui. Ce n’est pas non plus du côté du mouvement que s’exclui aient la joie de la vision divine et la passion de la tristesse ou de la douleur sensibles. La vision intuitive exclut tout mouvement organique et laisse donc, à l’égard d’un objet sensible, la possibilité, dans une faculté sensible, d’un mouvement organique qu’aucun mouvement contraire du même genre ne vient contredire. Enfin, ce n’est pas l’influence naturelle de l’opération d’une puissance sur une autre qui pourrait empêcher ici cette coexistence. Dans la vie présente, par exemple, nous ne pouvons exercer notre intelligence qu’en exerçant notre imagination, car physiquement l’idée est solidaire de l’image et réciproquement. Mais en celui qui, comme le Christ, serait à la fois « voyageur » et « cornpréhenseur », les conditions deviendraient toutes différentes et échapperaient aux lois psychologiques connues de nous. La vision intuitive est totalement transcendante par rapport à nos facultés sensibles ; avec ces dernières elle n’a aucun point de contact possible. Et donc, ici encore, l’influence de la vision intuitive sur l’exercice d’une faculté sensible doit être conçue à la façon dont se produit l’influence de la gloire de l’âme sur le corps ; cette influence se produit parce que moralement exigée par l’état des élus. Mais, en Jésus-Christ, parce que les conditions psychologiques sont différentes, cette influence ne doit pas « connaturellement » se produire. Dans l’âme du Christ, " Dieu permet aux puissances inférieures leur exercice normal à l’égard de leur objet propre, et ainsi le Christ était à la fois ravi du ravissement des bienheureux dans la partie supérieure de son âme et livré aux mouvements de crainte et de douleur dans ses facultés inférieures. — b) Ce n’est pas tout. Ce n’est pas encore assez, pour expliquer l’Evangile, de montrer qu’il n’y a pas contradiction à admettre, dans l’âme de Jésus, la joie et la vision intuitive dans l’intelligence, les passions de douleur et de crainte dans les facultés sensibles ; il faut encore admettre que cette douleur, cette crainte, ce sentiment d’abandon, cet ennui, cette tristesse ont pu avoir et ont eu en fait une répercussion dans l’intelligence même et dans la volonté de Jésus. Voir prop. 13 condamnée par Innocent XII, Denzinger Bannwart, n. 1339. Son intelligence n’a-t-elle pas compris toute l’amertume du calice qu’il fallait boire ? Et sa volonté ne répugnait-elle pas tout d’abord à consommer le sacrifice ? Ici encore, il n’est pas contradictoire d’affirmer que, dans la partie supérieure de l’âme, du Sauveur, joie et tristesse, ravissement et crainte, vision béat iflante et sentiment de l’abandon de Dieu ont pu simultanément coexister. Sans doute, la vision intuitive n’a pu, même en taisant connaître au Christ les maux qu’il devait endurer, être pour lui un principe de crainte et de douleur ; car cet te science de vision ne fait pas connaître les maux en cm mêmes, mais en tant qu’ils sont contenus dans les raisons éternelles de la divine sagesse, et c’est parce qu’ils les connaissent sous « et angle que les élus ne ressentiront aucun chagrin, aucune peine des maux de ceux qui leur sont chers. Voir Intuitive (1 ision), roi. 2392. Mais, nuire la science de vision, le Christ possédait la science infuse et la science acquise : et, par Cette double (ii née. il connaissait les maux de toute sorte, d’abord en eux mêmes, puis en tant </ii’ils pouvaient l’atteindre personnellement. Il connaissait ainsi tes souffrances de la passion qui devaient être son mal personnel ; il connaissait ainsi tous les péchés des hommes, qui l’écrasaient de leur poids, parce qu’il s’en était volontairement chargé et qu’il s’était substitué, victime volontaire, aux pécheurs. Et la volonté du Christ, sa volonté humaine, ne pouvait naturellement qu’éprouver de la répulsion pour ces maux qui l’accablaient : de là, la tristesse, la douleur morale, le sentiment de l’abandon. La vision intuitive ne pouvait exclure ces sentiments ni être exclus par eux. L’objet formel de la vision intuitive et de la science expérimentale ou infuse est bien différent, donc on objet n’excluait pas l’autre. L’intensité de la vision intuitive est d’ordre purement spirituel et son intensité laisse intacte la puissance spirituelle d’opération dans un ordre inférieur. Enfin les conditions psychologiques du Christ « voyageur » et « compréhenseur » excluaient la répercussion, connaturelle à l’état de terme, de la vision intuitive sur l’exercice naturel des facultés de l’âme. Cf. S. Thomas, 111’. q. xv, q. xlvi. a. 7. Cî.InlV Sent., t. III, dist. XV, q. ii, a. 3 ; Salmanticenses, disp. XXV, dub. viii, et les commentateurs. Parmi les auteuis récents, voir Stentrup, th. lxv : Franzelin, th. xvii, sch. 2 ; Billot, th. xxui-xxiv ; Pesch, n. 257-261. Sur la solution proposée par Melchior Cano et quelques autres théologiens, d’une suspension des effets de la vision intuitive, voir col. 1299. Sur la solution singulière de De Lugo, disp. XXII, sect. ii, n. 26 sq., imaginant que la tri tesse, dans l’âme du Christ, a pu coexister avec la joie béatifique en raison d’une priorité de nature, voir Stentrup, loc. cit. II. Conclusions théologiques concernant les RELATIONS DU CHRIST ET DU PÈRE. NOUS n’avons pas à revenir ici sur la filiation divine et unique du Christ par rapport au Père ; il est le Fils de Dieu, voir ce mot, t. v, col. 2388 sq., et il en est le Fils naturel qui, à aucun titre ne peut être dit fils adoptif de Dieu, voir Adoptianisme, t. i, col. 408-413, et Hypostatique (Union), t. vu. col. 461-168 : 511-512. Quatre points subsidiaires doivent être élucidés ici ; ils sont relatiꝟ. 1° à la sujétion du Christ comme homme au Père ; 2° à la prière que le Christ devait adresser au Père comme homme ; 3° au sacerdoce du Christ et 4° à sa prédestination. I. SUJÉTION ai : père. — Les droits comme les devoirs sont attribués à la personne en raison de la nature. Là où, comme dans la Trinité, trois personnes ne possèdent qu’une seule nature, il n’existe qu’un droit. Mais dans le Christ, où la nature divine et la nature humaine existent dans l’unité de la personne du Fils de Dieu, des droits comme des devoirs peuvent cl re at tribués au Christ en raison de sa induré humaine. Comme la nature humaine a le devoir en tant que créature de Dieu, de lui être soumise et de lui rendre les hommages divins, la question théologique se pose de la sujétion du Christ selon /" nature humaine, à Dieu le père. s. Thomas. Sum. Iheol. III* q. xx, a. l. Il faut écarter immédiatement deux sens hérétiques de la formule : < Le Christ est soumis au l’ère » ; le sens arien i le Christ comme ïils est soumis au Père », et le sens nestnrien ou tout au moins adopl ianisle : < le Chris ! comme personne humaine, ou comme suppôt humain, est soumis au l’ère. Pour éviter toute équivoque il faut, toul en parlan I de la sujétion du Christ, ajouter le correctif : selon la nature humaine. En ce sens la doctrine catholique de la sujétion du Christ n’esi que l’écho des prophéties messianiques relatives au » Serviteur de Jabvé ». Voir col. 1121. Cl. Is.. xi. ii, 1 : xi.ix, 5 ; Zach., m. S. Voir le sens adop-I ianisle de. l’expression « serviteur », condamné par Adrien I". Dcnzinger-Bannwart. il. 310. C’est aussi la doctrine expresse de saint Paul dans l’épître aux 1333
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PRIÈRE D1 CHRIST l ;  ::; ’. Philippiens : formant servi accipiens. A vrai dire l’article’de saint Thomas sur la sujétion du Christ selon la nature humaine est un admirable résumé de toute la doctrine scrip tin aire et traditionnelle sur ce sujet, et on ne saurait trop mettre en relief les formules expressives du doc leur angelique. Dans saint Jean, Jésus déclare expressément : i Le Père est plus grand que moi ». Joa., xiv. 28 : mais il n’est pas moins vrai que le Fils est l’égal du Père. La sainte Écriture affirme l’un et l’autre et l’égalité du l’ère et du Fils et l’infériorité du Fils par rapport au Père, celle-là a cause de la divinité : celle-là parce que le Fils a revêtu la forme d’esclave. il ne saurait donc y avoir de confusion. C’est comme homme, selon « la forme d’esclave
    que le Christ doit être dit soumis au Père. Et
    quelle sujétion ! Par sa condition naturelle, l’humanité a une triple sujétion vis-à-vis de Dieu. File est tout d’abord, dans son être même, une participation de la divine bonté et par là elle est constamment soumise à cette bonté qui s’irradie en elle. A cet égard, le Christ est soumis au Père ; en comparaison de la bonté essentielle qu’est Dieu, son humanité si parfaite soit-elle, n’atteint pas à cette bonté, mais en dépend totalement. C’est ainsi que les Pères et notamment saint Jérôme et saint Augustin interprètent la réponse de Jésus au jeune homme : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? Dieu seul est bon. » Matth., xiv, 18. Cette dépendance dans l’être s’affirme et par l’union hypostatique elle-même et par la sainteté substantielle qui en est l’effet immédiat dans l’âme de Jésus, f.a sujétion de l’humanité vis-à-vis de Dieu s’affirme ensuite dans ses opérations ; tout ce que nous pouvons faire est soumis à l’influence et au pouvoir de la providence divine. En JésTis, il en a été de même : tout ce qui a été fait dans son humanité n’est arrivé que conformément aux décrets de Dieu. Le Christ, dans son humanité, a réalisé à la lettre la parole du livre de la Sagesse : creatura tibi factori deserviens, xvi, 24. Enfin, il est une troisième sujétion dans l’ordre moral, de la créature au créateur. Celui-ci pose des préceptes, la créature doit obéir. Et ici, le Christ, dans son humanité, a été un modèle parfait de sujétion : non seulement il a pris la forme d’esclave, Phil., ii, 7, mais il a été obéissant au Père jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, id., 8 ; sa vie d’obéissance parfaite a été résumée par lui-même : « Quæ placita sunt ei, facio semper. » Joa., viii, 29. Mais, à son tour le Christ doit tenir en sa sujétion toutes choses et principalement les hommes qu’il est venu racheter. C’est en lui et par lui que tout doit être restauré. Cette vérité qui a été exposée tout au long, voir Incarnation, t. vii, col. 1488, est fondamentale dans la doctrine catholique de la sujétion du Christ au Père. Elle explique que cette sujétion, parfaite si l’on ne considère que la nature humaine du Christ, ne deviendra complète et définitive, si l’on considère le corps mystique de Jésus et l’univers tout entier, que lorsque la consommation des choses sera arrivée : Cum aiilem subjecta juerinl Mi omnia, lune ipse Filius subjectus erit Mi, qui subjecit sibi omnia. I Cor., xv, 28. Ainsi Dieu « sera tout en tous ». C’est le meilleur commentaire qu’on puisse donner de cette autre parole de saint Paul : Vos Christi. Christus autem Dei, I Cor., m. 23. Voir col. 1233 sq. ; 1237 sq. Un corollaire important se tire de la doctrine qu’on vient d’exposer : parce que le Christ comme homme ne participe pas au droit divin qui est offensé par le péché, il lui est possible d’offrir à Dieu une véritable satisfaction, encore que la condignité de cette satisfaction ait sa raison d être dans la divinité de Jésus. Cf. Suarez, disp. XL 1 1 1 et XLIV ; Gonet, disp. XXfl.a. 1, II. la PtilÊ&EDV CHB/8T. — 1° Doctrine générale. Le fait de la prière de Jésus ne peut être révoqué en doute : toutes les pages de l’évangile attestent que Jésus priait. Cf. Luc, m. 21 ; vi. 12 ; i. 29 ; xi, 1 : Matth.. xiv. 23, etc. Voir ci-dessus, eol. 1207. Et la convenance, la nécessité de la prière adressée par Jésus à Dieu son l’ère n’est qu’un corrolairc de ce qu’on a dit touchant la sujétion du Christ à I)ieu, selon la nature humaine, l.a puissance humaine de Jésus est bornée ; sa volonté ne peut pas tout ; il lui faut le secours de Dieu pour l’aider à obtenir les biens qu’elle désire ; il lui faut donc les demander à Dieu. El la prière de Jésus sera d’autant plus humble que son humanité, connaissant l’infinie perfection de Dieu par la science bienheureuse, apprécie exactement son impuissance en regard de la toute-puissance divine. S. Thomas. Sum. theol., III’, q. xxi, a. 1, et surtout ad lum. Jésus a prié pour lui, id., a. 3, soit pour rendre grâces à Dieu des biens qu’il en avait déjà reçus, Matth., xxvi-27 ; Joa.. xi, 41, soif pour lui demander ceux qui lui manquaient encore. Heb., v-7. Remarquons que Jésus, dans sa prière, a pu demander à Dieu de lui accorder un bien répondant à l’appétit sensilif ou au désir naturel de la volonté. Ce n’était pas la sensibilité ou l’instinct qui parlait alors — aucune prière n’est possible de ce côté — et la raison n’était nullement dominée par les facultés inférieures. Mais Jésus a voulu prier ainsi afin de nous mieux manifester la réalité de sa nature humaine, et de nous rappeler que ces mouvements naturels de l’instinct ne sont pas un péché. Toutefois par la suite qui fut donnée à ces sorte# de prièies, il nous a enseigné à soumettre notre propre volonté à la volonté divine. S. Thomas, ibid., art. 2. C’est qu’en effet si la prière de Jésus, faite par lui, par un acte de volonté éclairée par la raison et les lumières de sa science surnaturelle (voluntatis ul ralio) fut toujours exaucée — ego sciebam quia sempei me audis, Joa., xi, 42 — précisément parce que cette volonté ne pouvait rechercher que ce que Dieu lui-même voulait, il n’en est pas de même des prières adressées par Jésus, laissant se manifester en elles le mouvement naturel et instinctif de la volonté (voluntatis ut natura). Une telle volonté en lui n’était que conditionnelle et inefficace, et pour ainsi dire antécédente. Voir col. 130’rt. C’est ainsi qu’il demanda, au jardin de Gethsémani, l’éloignement du calice de la passion. Mais, voulant nous apprendre à conformer nos désirs à la volonté de Dieu, il s’empressa d’ajouter : non mea voluntas sed tua fiât. Jésus pria surtout pour les autres, c’est-à-dire pour ses disciples et en général pour tous les hommes. La prière de la Cène en est une admirable preuve. Cf. Joa., xvii en entier. II semble bien plus probable que la prière de Notre-Seigneur pour nous se continue au ciel, et que l’opinion de Médina, Vasquez, Becanus. De Lugo affirmant que la prière actuelle du Christ glorieux n’est que la prière, les souffrances, les mérites de la vie mortelle du Christ, sans cesse présentés aux regards du Père, est une opinion peu recevable. Elle violente le sens obvie de Rom., viii, 34 ; Heb., vii, 25 ; I Joa., ii, 1. Les Pères de l’Église affirment que Jésus prie encore pour nous à la droite de Père. Cf. Gonet, disp. XXII, a. 2, n. 35 et Suarez, disp. XL V, sect. in. s’appuyant sur S.Thomas. In IVSent., dist. XV, q. iv, a. 6, sol. ii, ad lum. 2° L’oraison dominicale. Bien plus. Jésus nous a laissé lui-même le type le plus excellent de la prière que nous puissions adresser à Dieu. Ce type, c’est l’oraison dominicale, qui représente pour nous la façon la plus parfaite dont nous puissions nous adresser à Notre Père des cieux : La raison est en quelque sorte notre Interprète auprès de Dieu, écrit saint Thomas, Sum. lheol., U II’. q. lxxxdx, a. 9. En conséquence nous ne pouvons légitimement demander que ce que légitimement nous pouvons désirer.’» r, dans l’oraison d’iminicale, *non L335.JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE DU CHRIST 1336 seulement nous demandons tout ce que légitimement nous pouvons désirer, mais encore nous le demandons dans l’ordre où il convient que nous le défilions. Ainsi, cette prière nous instruit de ce qu’il faut demander à Dieu, et, de plus, elle ordonne et diiige nos affections. Il est de toute évidence que nous devons désirer tout d’abord notre fin dernière et ensuite par rapport, à cette liii, les moyens qui y conduisent. Or, notie fin suprême est Dieu, Dieu veis qui notre amour doit tendre de deux manières. Une première manièie, c’est de vouloir sa gloire : une seconde manière, c’esl d’en vouloir jouir. La piemière manière se 1 al tache à la charité par laquelle nous aimons Dieu en lui-même ; la seconde implique l’amour dont nous nous aimons nous-mêmes en Dieu. Aussi nous disons dans la première demande : Que voire nom soit sanctifié, c’est là demander la gloire de Dieu. Dans la seconde, nous prions : Que vitre règne arrive ; c’est là demander, pour nousmême, de parvenir à la gloire de son royaume. Quant aux moyens qui peuve nt nous conduire à une fin, les uns y tendent essentiellement, les autres accidentellement. Essentiellement nous conduit à la fin le bien qui est utile pour atteindre cette fin. Or, pour atteindre la fin de la béatitude, le bien peut se présenter avec une utilité double. La première utilité est directe : c’est principalement le bien qui, si nous le pratiquons, fious fait mériter notre béatitude, par notre obéissance à Dieu, et c’est pourquoi nous disons : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. L’autre utilité est indirecte : c’est celle de l’instrument qui nous aide simplement à mériter ; aussi ajoutons-nous : donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, soit qu’on entende par ce pain quotidien la communion sacramentelle dont l’usage quotidien est si utile à l’homme (et ce pain quotidien renferme également tous les autres sacrements), soit qu’on l’entende du pain matériel, et ce pain quotidien signifie tout ce qui est nécessaire à la vie. Accidentellement, quelque chose nous conduit à notre fin, en écartant de nous les obstacles qui nous empêcheraient d’atteindre cette fin. Or, il y a surtout trois obstacles à notre béatitude. Le premier, c’est le péché qui nous évince directement du royaume de Dieu, aussi poursuivons-nous pardonnez-nous nos offenses. Le second, c’est la tentation qui nous dissuade d’obéir à la divine volonté ; et nous disons donc à ce sujet : ne nous induisez pas en tentation, ce qui ne signifie nullement que nous demandions à Dieu d’être exempt de tentations ; nous souhaitons simplement de n’être pas vaincus par elle, et c’est là exactement ce que signifie : être induits en tentation. Enfin, le dernier obstacle est la tribulation de la vie présente qui nous ôterait les moyens nécessaires à la vie : et nous terminons en disant : Délivrez-nous du mal ». En lisant cette admirable explication de l’oraison dominicale, on comprend < pourquoi la prière du Pater esl dite et est vraiment la prière du Seigneur. (Miel homme aurait pu, en si peu de mots et en des termes si simples, que peuvent Immédiatement comprendre savants et Ignorants, renfermer tant de sublimités si profondesl « Billot, th. xxxiii, nota. Voir égalemeni de s. Thomas, Opusculum v (édit. de l’arme). In oratio nem Dominicain expositio. tll, LE SACERDOCE VI CHRIST, Le sacerdoce du Christ se trouve explicitement affirmé, nous l’avons VU, dans la révélai ion et dans les prophéties « le l’ancien Testament, voir col. U18 el par l’auteur de l’épttre aux Hébreux. Voir col. 1238. Cf. Matth., xxii, 43, el l’s. t.ix. Aussi tous les théologiens sontif. unanimes à affirmer que le sacerdoce du Christ B’ImpOSe a nous comme une vérité de foi divine, cl catholique. Cf. Suarez, Disp. XI. VI. sect. i, n. 1. Elle est supposée dans le 10e anathématisme de saint Cyrille au concile d’Éphèse et par le concile de Trente, sess.xxin, c. i, Denzinger-Bannwart, n. 938. D’ailleurs le magistère ordinaire de l’Église, lequel s’exprime dans toutela liturgie ecclésiastique, dans les rites de l’ordination, dans la célébration de la messe, dans la récitation de l’office divin, proclame avec force et éloquence que le Christ est le prêtre de notre religion et notre pontife pour l’éternité. Les Pères de l’Église ne font que répéter ou expliquent la doctrine de l’épître aux Hébreux. Les Pères apostoliques appellent le Christ le « pontife éternel », Ep. Poli/c, xii, 2 ; cf. i, 2 ; vi, 2 ; le i pontife de nos offrandes », S. Clément, / Cor., xxxvi, 1 ; xlix, (i ; cf. xxii, liv, Cf. S. Ignace, Philadelph., ix, 1 ; Magnes, x, 3. Plus tard, saint Justin l’appelle « prêtre éternel », Dial., n. 32-33, P. (i.. t. vi, col. 546, 547 ; « notre prêtre et Dieu », n. 115, < ol. 713 ; S. Ambroise écrit : idem ergo sacerdos el hoslia. De fide, 1. III c. xi, n. KO. P. L., t. xvi, col. 607. Le mot « pontife » se retrouve également chez saint Athanase, Contra arianos, Orat., ii, n. 7, P. G., t. xxvi, col. 169 ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, Contra Nestorium, t. III, c. I, P. G., t. lxxvi, col. 119 sq. ; chez saint Léon le Grand, Serm., liv, n..’!. P. L., t. liv, col. 359-360 ; chez saint Fulgence, De fuie ad Petrum, t. II, n. 22, P. L., t. xlv, col. 682. Saint Augustin, très théologiquement, écrit : Secundum hominem Cliristus et rex et sacerdos effeclus est, ut esset ad interpellandum pro nobis medialor Dei et hominum, homo Christus Jésus. De cons. evangel., t. I, c. iii, n. 6, P. L., t. xxxiv, col. 1045. Nous n’avons pas à définir ici le sacerdoce et le sacrifice* corrélatif au sacerdoce. Voir ces mots. Le sacrifice, par lequel le Christ exerce son sacerdoce est le sacrifice de la croix et celui de l’Eucharistie. Voir Bédemption et Messe. Par son sacerdoce, le Christ est non seulement mis en rapport avec Dieu, mais il est placé comme médiateur entre Dieu et les hommes. Sur ce rôle de médiateur, voir plus loin. Nous n’avons à aborder ici que la théologie du sacerdoce du Christ, envisagé par rapport à Dieu. Le dogme mis à part, on peut ramener cette théologie à trois points principaux : l’existence du sacerdoce en Jésus considéré comme homme ; la consécration substantielle du Christ prêtre ; l’éternité du sacerdoce de Jésus-Christ, Homme Dieu. 1° Le sacerdoce est en Jésus considéré dans son humanité. — Le piètre est celui qui est député par l’autorité légitime pour offrir à Dieu le sacrifice et dispenser au> hommes les choses sacrées. La fonction de prêtre est une fonction publique : le prêtre est délégué pou représenter la société dans ses rapports avec Dieu. pro hominibus consliluitur in lus qute suni ad Deum. Ileb., v, 1. Bien plus, le prêtre qu’est Jésus Christ est un pontife « qui peut compatir à nos Infirmités lleb., iv, 15. L’auteur de l’épttre aux Hébreux suppose donc explicitement que Jésus-Christ est prêtre comme homme. < La raison théologique confirme celle vérité. Offrir à Dieu une victime, prier, intercéder, demander pardon, obéir et autres actes du sacerdoce supposent évidemment une Infériorité vis-à vis de Dieu. Cette infériorité dans le Christ existe seulement en raison de la nature humaine, l.1. Grima], Jésus-Christ étudié el médité, Paris, 1910, I. I, p. 454. Cf. Hugon, Le mystère de t<i Rédemption, p. 161-166. N’oublions pas cependant que la nature humaine, en Jésus Christ, n’est que le principe d’opération, et non le sujet auquel est rapportée l’opération. Le sujet. c’esl la personne du Verbe incarné, Dieu et homme tout ensemble. El c’esl à cause de cette unité de personne dans le Christ que ses moindres actions, plus forte raison, ses actions sacerdotales, sont d’un mérite infini. Cf. COl. 1323. D’ailleurs le sacerdoce du 133Î
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE Dl CHRIST 1338 Christ n’est éminent au-dessus de tous les autres sacerdoces, il n’est éternel que précisément parce que son fondement dernier est la divine dignité de Jésus-Christ : la nature humaine n’est que le principe prochain d’action, par lequel s’exerce ce sacerdoce. Cf. Pesch, De Yerbo inearnato n. 534, et, en ce qui concerne les autorités patristiques sur ce point de vue théologique, l’etau. De inearnatione, 1. XII. c. u. n. "> et c. xi. Les théologiens se demandent comment.lesus a pu être prêtre comme homme, alors que c’est comme homme aussi qu’il a été victime. Cf. S. Thomas, III’q. xxii. a. 2. ad l « m ». Ils répondent unanimement qu’il n’y a nulle impossibilité à ce que le Christ soit à la fois prêtre et victime. Il ne s’est pas immolé, sans doute, mais il a accepté et reçu la mort volontairement et a offert cette mort en sacrifice à Dieu pour nos péchés, les Juifs n’étant pour lui que les instruments choisis par Dieu pour la réalisation de ses desseins. La chose n’est possible qu’au Christ, qui, à cause de sa puissance sur lui-même a pu, non seulement accepter la mort, comme les martyrs le font, mais encore l’offrir à Dieu.Cajétan, Jenlacula, m ; Suarez, Disp. XLVI, sect. i, n. 3. On ne saurait donc admettre, pour résoudre la difficulté, que le Christ a été prêtre selon la divinité et victime selon son humanité, comme l’ont soutenu certains hérétiques des temps anciens et modernes. Suarez, id., sect. ii, n. 1, sq. Cf. Hugon, op. cit., p. 163. 2° Consécration substantielle de l’humanité en Jésus. — Sur la doctrine révélée du sacerdoce de Jésus-Christ selon l’ordre de Melchisédeeh, voir col. 1238 sq., les théologiens font le rapprochement entre le sacerdoce de Jésus et les autres sacerdoces : le sacerdoce primitif de la loi de la nature, conféré aux chefs de famille ; le sacerdoce aaronique de la loi mosaïque, et enfin le sacerdoce chrétien de la loi nouvelle, sacerdoce inst itué par Jésus-Chiist lui-même. Et ils n’ont aucune peine à démontrer que par i apport à ce triple sacerdoce, celui de Jésus occupe une place suréminente. Le sacerdoce de la loi de nature et celui de la loi mosaïque n’étaient que des figures et la préparation du sacerdoce du Christ. Le sacerdoce de la loi nouvelle dérive de celui du Christ dont il est une participation. Voir Ordre (Sacrement de i). En sorte que le sacerdoce des prêtres de la nouvelle Loi est en réalité un sacerdoce-vicaire de celui du Christ et, à cause même de cela, il est conféré par un rite extérieur sacramentel, qui imprime dans l’âme une qualité réelle, mais accidentelle : le caractère sacerdotal. Voir Carai TÈre sacramentel, t. ri, col. 1698. Sur tous ces points, cf. Suarez, disp. XLVI, sect. m. En conséquence tous les théologiens, dans leurs commentaires. In IV Sent.. 1. IV. dist. IV, et InSum. iheol. S. Thomse, III. q. i.xmi. a. 5, enseignent, après le docteur angélique « que le sacerdoce du Christ ne pose pas en son humanité une qualité réelle, c’est-à-dire le caractère, mais simplement la dignité et le pouvoir qui convient au Christ-prêtre en raisoir de l’union hypostatique elle-même. Par cette union, err effet, l’humanité ou plutôt cet homme qu’est le Christ, d’une façon très élevée et très parfaite, est pour ainsi dire désigné et séparé des autres hommes, et reçoit le pouvoir d’intercéder pour eux. d’ollrir pour eux un digne sacrifice, île les sanctifier. Cette dignité et ce pouvoir supposent en celui qui les possède et la dignité de chef des hommes, et le pouvoir de mériter et de satisfaire pleinement pour les autres hommes, et la puissance productrice de la grâce, et enfin, requiert de la part « le Dieu, une disposition spéciale en vertu de laquelle le Christ est constitué médiateur entre Dieu et les hommes >. Suarez, (oc. cit., n. 3. Sur la dignité de chef des hommes et le rôle de médiateur, vr.ir plus 1cm. Sur le imnl ; ’du ( hrist par rapport «  nous et la satisfaction qu’il a offerte pour nous, voir Hi.in MiTinN. Le Christ est donc substantiellement piètre, comme il est substantiellement 1’i oirrt » et le » sairrt > de Dieu, err vertu de l’union hypostatique. Cf. Doin Columba Marmion, Le Christ dans ses mystères, Maredsous, 1922, p. 88-92 ; Hugon, op. cit., p. 172 175.
    >° L’éternité du sacerdoce du Christ. — l. L’éternité
    dont il s’agit n’est pas L’éternité sans commencement ni fin. C’est l’éternité improprement dite, qui corrrpoi le un commencement, mais suppose une durée sans lin : le sacerdoce drr Christ résultant de l’union hypostatique possède exactement la même durée que l’union elle-même. Voir Éternité, l. v, col. 921. Hypostatique (Union), t. vii, col. 536-539. Nous avons déjà tait remarquer cependant, voir col 1253, que les Pères justifient parfois l’éternité du sacerdoce du Christ par la divinité éternelle qui est en Jésus-Chiist. Mais cette interprétation du texte : lu es sacerdos in setemum, l’s. cix. 1, appliqué au Christ par l’auteur de l’épître aux Hébreux, Heb., v, 4-6, est accommodât ice. Le véritable sens est que dès le premier instant de l’incarnation, le Christ, en vertu même de l’union hypostatique, a été appelé et consacré par Dieu prêtre pour l’éternité, c’est-à-dire, pour une durée sans fin Cf. Thomassin, De inearnatione, t. X, c. vrir, rx. 2. Le sacerdoce du Christ peut être encore dit éternel, err ce sens que les effets de ce sacerdoce se manifesteront dans l’éternité, c’est-à-dire dans cette durée sans fin qui suivra la consommation des siècles. Le Christ « par son immolation, est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel. » Heb., v, 9. Mais la /onction principale du sacerdoce du Christ, à savoir l’offrande du sacrifice, ne saurait se perpétuer dans l’éternité ; le Christ l’a exercée pour lui-même une seule fois, sur la croix ; et son sacrifice a pleinement suffi à ceux qui doivent être sanctifiés, Heb., x, 14 ; il l’exerce toutefois, aujourd’hui encore, et l’exercera jusqu’à la fin du monde, par l’insti muent de ses ministres, darrs le sacrifice de l’eucharistie, lequel renouvelle et continue le sacrifice de la croix. Celte fonction sacerdotale du Christ remonté au ciel rre s’exerce pas seulement par l’intermédiaire de ses_^ ministres sur terre et par L’offrande du sacrifiede la messe : le sacerdoce éternel du Christ contient « les profondeurs sublimes que saint Jean nous laisse entrevoir en nous décrivant i l’agneau qui se tient au milieu du trône, comme immolé », dans le ciel. Apoc, v, (i. Il y a donc, pour ainsi dire, une continuation du sacrifice drr Calvaire. Comment comprendre ce sacrifice continué de Jésus glorifié à la droite de son Père ? a) Éliminons tout d’abord l’explication erronée des sociniens. D’après eux, le Christ n’aurait offert son sacrifice qu’au ciel, après l’Ascension : admis en la présence de soir l’ère, il lui aurait, alors seulement, offert sa mort. Cette offrande, faite au ciel, serait Le vrai sacrifice ; la mort subie en croix n’aurait été qu’une condition préalablement requise : sicut non prias sacerdotium vere adeptus est quarn cum post mortem in cozlum, ut pro nobis coramDeo appareret, (nlroductus est ; sic non prias perfecle se Deo obiulit, quam cum se illi in m In prtBsentewit. Relativa enim suni sacerdos </ "M" tio. I toque ubi verus sacerdos nondum est, nec vera obla im esse potest. Socin, De Jesu Christo Servalore, pari.II, c. xv. Sur les relations de cel te docl i ine avec la néga tiorr socinienne de la satisfaction, voir.1. Rivière, L Dogme de In Rédemption, étude historique, Paris, 19 (5, ]i 16 17 ; Le dogme di ta Rédemption, étude théolog Paris. 191 I. p. 410 sq. La fausseté de cette thèse est démontrée par la réalité même du sacrifice offert sur la croix par Jésus. Voir Rédemption. Socin prétend appuyer son opinion sur L’autorité de l’épître aux 1339 JÉS1 S-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE Dl CHRIST 1340 Hébreux, et il apporte quatie arguments — Dans l’épître aux Hébreux, le Christ offrant son sacrifice, est conipai é au prêtre de l’Ancien Testament ; de même que ce prêtre offiait son sacrifice en entrant dans le Saint des saints, de même le Christ offre le sien en entrant dans le ciel. — Le Christ a commencé d’être prêtre, lorsqu’il lui a été dit : Tu es mon Fils, cf. Heb., v, 5. Or, cette parole lui a été dite, au témoignage de saint Paul lui-même, Act., xiii, 33, à la résurrection ; c’est donc, à partir de la résurrection seulement que le Christ a commencé d’être prêtre. — L’épître aux Hébreux, viii, 4, enseigne formellement que le Christ c^t prêtre, non sur tene, mais dans le ciel. — Enfin, l’épître affirme de manière explicite le sacrifice purement céleste de Jésus : « Jésus n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme…, mais dans le ciel même, afin d’apparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu ; non pour s’offrir lui-même plusieurs fois… » Heb., ix, 24-25. — De tels arguments sont bien fragiles : le contexte de Heb., ix, 24-28 indique clairement que le sacrifice, offert une seule fois par le Christ, est antérieur à son entrée dans le ciel : l’offrande du Christ fut sa propre mort, ꝟ. 27, précédée des souffrances de la passion, v. 26. Le sacerdoce terrestre, que l’auteur de l’épître refuse au Christ, n’est autre que le sacerdoce aaroniqué, le sacerdoce de la loi mosaïque. Voir les commentateurs. Quant ù la filiation divine, promulguée lors de la résurrection, elle existe dès le premier instant de la conception du Christ et cette promulgation plus solennelle ne marque nullement le début du sacerdoce de Jésus. Voir ci-dessus, col. 1337 Enfin, l’entrée de Jésus au ciel, figurée par l’entrée du grand prêtre dans le Saint des saints, suppose déjà faite l’offrande à Dieu, la présentation du sang versé sur la croix. Cf. Franzelin, De Verbo incarnato, th. i.i, S 1 ; Stentrup, Soteriologia, th. lxxx. De la thèse socinienne se rapproche beaucoup l’opinion d’un grand nombre de protestants orthodoxes, qui tiennent sans doute que la mort du Chi ist sur la croix fut un véritable sacrifice, mais enseignent en même temps qu’elle ne fut qu’une partie, et la inoins importante du sacrifice, et qu’en conséquence la partie principale de ce sacrifice est l’olîrande que Jésus fait au ciel de lui-même. Cf. E. K. A. Riehm, Der l.ehrbegrifj des Hebrucrbriejes, Halle, 1867, p. 527 sq. On ne saurait, au point de vue catholique, admettre que le sacrifice de la croix n’a pas été complet et parfait. Voir Rédemption. b) Certains auteurs catholiques, tout en professant la vérité et la perfection du sacrifice de la croix, pour expliquer le sacrifice et le sacerdoce célestes, de Jésus crucifié admet lent un nouveau sacrifice du Christ dans le ciel : la présentation faite par Jésus à son Père de ses œuvres et de sa mort. Ce sacrifice ne consisterait essentiellement que dans un acte d’obéissance, continuant devant Dieu, jusqu’au jugement derniei, celui par lequel le Christ a offert sa vie pour les hommes au Calvaire. Cet acte d’obéissance est perpétuellement manifesté, sans doute par les cicatrices de la passion toujours marquées sur le corps glorifié du Sauveur. Thalhofer, Dos Opjer des Allen und Neuen Blindes…, Ratisbonne, 1870, p, 201 sq. et Handbuch der katholischen Liturgik, t. i, Fribourg-en-B., L883, p. 195 sq. (cette théorie du sacrifice céleste étant éliminée de la nouvelle édition publiée par Kisciiholcr. l’.M’J) : dans le même sens, j. T. Franz, Die eucharistische Wandlung und die Epiklese der griechischen und orientalien Liturgien, 2e édit., p. 61-63, Wurzbourg, l880 ; Pell, Nach ein Lôsungsversuch : ur Messopferfrage dans la Theologisch-praklische Monats-Schrift, t. xviii, p. 655-057, et Max Ten Hompel, D<u Opferal » Selbsthingabe und seine idéale Verwircklichung im Opfer Christt, Fribourg< h i !., 1920, p. i 17 i 19, Les théologiens qui tiennent à la notion classique du sacrifice n’acceptent pas cette explication du sacrifice céleste du Christ, le sacrifice consistant, d’après eux, dans l’offrande d’une victime, immolée en quelque manière, afin d’affirmer par là le domaine absolu de Dieu sur toutes les créatures. Ce symbole ne peut exister dans le ciel par rapport au Christ glorieux : il n’y a plus, à son sujet, aucune Immolation, aucun changement possible, donc, aucun sacrifice possible. D’ailleurs, l’épître aux Hébreux, in. 24, cꝟ. 7, ne fournit aucun fondement solide a cette théorie, bien que quelques auteurs aient fait appel à son autorité en ce sens. Cf. Zill, Der Bric/ mi die Hebrær, Mayence, 1870, p. 430 sq., 150 sq., 48.’! sq. L’auteur de l’épître, en effet, n’enseigne pas, en ce passage, que le Christ a offert au Père, dans le ciel, le sacrifice qu’il avait consommé sur la terre. Voir Pesch, De Verbo incarnato, n. 550. Sur les textes patrisliques sollicités par Thalhofer dans le sens de son opirrion, voir Stentrup, Soteriologia, th. lxxxii. c) Une théorie très voisine de celle de Thalhofer, avait été mise en avant par certains auteurs mystiques du xvii c siècle : le P. de Condren, Idée du sacerdoce cl du sacrifice de Jésus-Christ. Paris, 1(>77. P » part. §3, n. 5, p. 37-38, n. 8, p. 43, n. 9, p. 45-46 ; cf. H p., n. 26 p. 110 ; IIP part., n. 27 ; p. 231-235 ; M. Olier, Explication des cérémonies de la grand’messe de paroisse, Paris, 1858, p. 11-14 ; cf. Traité des Saints Ordres, IIP part., c.v.Paris, 1856, p. 420-421 ; Vie intérieure de la sainte Vierge, t. ir, p. 118-119, et plus récemment. M. Lepin, L’idée du sacrifice dans la religion chrétienne, Paris. 1897, p. 187, cꝟ. 158-159. Cette théorie s’appuie sur une idée du sacrifice, longuement exposée par Thomassin, De incarnatione Verbi, t. X, c. xr, n. S-13 ; c. xu-xrv : le sacrifice est essentiellement constitué de cinq éléments, la consécration, l’oblation, l’immolation, la consommation et la communion. Voir Sacrifie. La consécration de la victime avait été faite dès le premier instant de l’incarnation ; l’oblation, commencée dès cet instant a été manifestée extérieurement dans l’immolation sanglante du calvaire. Le mystère de la résurrection parlait la consommation du sacrifice, « consommant ce qui, en Jésus-Christ, était de son état infime, lui donnant, dans les entrailles du tombeau, une vie de gloire ù la place de la vie d’infirmité et de souffrance qu’il avait reçue de David ; enfin le faisant passer de l’état d’hostie pour le péché en celui d’hostie de louange par une clarification de la chair et de l’âme de Jésus-Christ, qui fut solide, véritable, réelle et substantielle. » Olier, Vie intérieure, t. ri, p. 119. Ce point de vue est approuvé par Benoît Xl, Dcsacri/icio misses, t. II, c. xr, n. 5. L’ascension est le complément de la résurrection : dans ce mystère s’accomplit la communion éternelle du Christ au Père dans le ciel, pendant que sur la terre le mystère eucharistique achève la communion du Christ-victime aux membres de son corps mystique. Au fond, cet le théorie, dégagée de l’opinion assez singulière des cinq parties essentielles, constitutives du sacrifice, reproduit la doctrine traditionnelle du sacerdoce du Christ s’exerçanl pour nous et en union avec les êtres du Ciel. Mais il faut en exclure l’idée d’un « sacrifice céleste », d’une « Immolation du ciel », idées si souvent émises par le P. de Condren et M. Olier, au xviie siècle, et reprises de nos jours par M. Sauvé, Jésus uitinie, 2 1’édit., t. iii, p. 203-215 passim, l.a formule plus adoucie de Thoniassin, enseignant que « le Christ, après sa résurrection, demeure prêtre et perpétue en quelque sorte le sacrifice, de la croix dans le ciel ia besoin elle-même de quelques éclaircissements. Car il faut expressément maintenir, avec la tradition catholique, appuyée sur l’épître aux Hébreux, que la mort sur la croix fut, pour Jésus, le sacrifice unique et définitif. L’épître aux Hébreux oppose constam1341 JÉSUS-CHRIST El I A THÉOLOGIE. PRÉDESTINATION 1)1 CHRIST 1342 ment la multiplicité îles offrandes impuissantes de la Loi a l’unité de notre oblation parfaite. L’entrée et faction sacerdotale de notre pontife dans le ciel se rattachent à ce saciifice unique : Jésus pénètre dans le sanctuaire par son sang, il y paraît et intercède pour nous par les mérites de sa mort : et s’il offre les adorations de son humanité sainte, dans l’état île gloire, cette vie d’hostie ne constitue pas une oblation à part, un sacrifice proprement dit, indépendant de la croix. car elle n’est que la suite naturelle, le complément nécessaire du sacrifice de la croix. » J. Grimai, Le sacerdoce et le sacrifice de Notre-Seignew Jésus-Christ, Paris, 1908, p. 200 ; P. de la Taille. Mysterium fidei, Paris, 1921, p. 178-179 ; cf. Heb., îx. 22, 25, 26 ; x, 11-14. d) En quoi donc consiste la consommation céleste du sacrifice de la croix et, par voie de réciprocité, la fonction sacerdotale du Christ dans le ciel ? Avec l’auteur qu’on vient de citer, on peut distinguer deux aspects de cette consommation céleste du sacrifice du Christ, l’aspect temporel et l’aspect éternel. L’aspect temporel nous permet de déterminer la fonction sacerdotale exercée par le Christ dans le ciel jusqu’à la fin du monde. L’aspect éternel nous manifeste quelle sera cette fonction même après l’entrée au paradis du dernier des élus, à la consommation des siècles. — a. Aspect temporel. — Au ciel, Jésus constamment « présente pour nous au Père les mérites de son sang répandu à la croix, demandant, opérant notre sanctification ; il nous introduit en la possession de l’héritage divin. Dans ce rôle céleste de Jésus, saint Thomas voit un acte vraiment sacerdotal et une réelle consommation du sacrifice de la croix. Le saint docteur distingue et rattache à la fois, d’une manière très précise, l’oblation, le sacrifice proprement dit, et la consommation, conséquence du sacrifice, qui consiste dans notre introduction au ciel, dans notre participation aux fruits éternels de la croix. In officio sacerdotis duo possunt considerari : ipsa OBLA.TIO sacrificii, secundo ipsa cossvitiiATiO sacrificii, quæ quidem consista in hoc quod illi pro quibus sacrificium ofjertur, finem sacrificii consequantur ; finis autem sacrificii quod Christus oblulit fuerunl… bona seterna quæ per ejus morlem adipiscentur, unde dicitur ad Hebrseos, quod Christus est assislens futurorum bonorum, ralione cujus Christi sacerdotium dicitur esse œternum. Et hsec quidem consummatio sacrificii Christi pncfigurabatur in hoc quod ponlijex legalis semel in anno cum sanguine hirci et vituli intrabat in Sancla Sanctorum, cum tamen hircum et vitulum non immolaret in Sanctis Sanctorum, sed extra. Et simililer Christus in Sancta Sanctorum, id est, in ipsum cœlum intrauit, et nobis viam paravit inlrandi per virtutem sanguinis sui quem pro nobis in terra ef]udil. Sum. theol., III », q. xxii, a. 5. Cf. Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXXII, dist. i, n. 4445, où l’on trouve.Médina, Suarez, Sylvius cités dans le même sens. Saint Thomas traduit fidèlement la pensée de l’épître aux Hébreux quand il voit dans le rôle céleste que Jésus remplit en notre faveur un exercice formel de son sacerdoce et une réelle consommation du sacrifice de la croix. L’épître, en effet, a toujours soin de rattacher au sacerdoce et à la croix l’œuvre de salut que Jésus accomplit pour nous au ciel, i Grimai, op. cit., p. 211-212. Dans le rôle du Christ, faut-il ne voir qu’un rôle d’adorateur, unissant nos adorations aux siennes, comme semble l’affirmer M. Grimai, op. cit., p. 225-220, 230, 248, et, après lui, le P. Colomba Marion, op. cit., p. 102. Hien que ces auteurs affirment que ce « sacrifice est en perpétuelle continuité avec l’immolation de Jésus sur la croix, il semble qu’on doive aller plus loin et déclarer que le « sacrifice céleste » de Jésus-Christ est la continuation virtuelle de l’offrande de la croix ; l’offrande temporelle une fois accomplie au calvaire demeure valable pour l’éternité ; car l’offrande et l’acceptation ont été faites irrévocablement. Et donc le Christ est ainsi prêtre éternellement. P. de la Taille, Mysterium fldei, Paris. 1921, p. 17’.' : cf. Scheeben, Handbuch der katholischen Dogmatik, t. iii, Fribourg-en-B., 1882, n. 1490, p. 144 I 15 ; Zill. op. cit., p. 184-486. — b. Aspect éternel. — Cette fonction demeure même après la constitution définitive de l’Eglise triomphante, soit qu’on l’entende au sens de M. Grimai, soit qu’on l’envisage, avec Scheeben et le P. de la Taille, connue la continuation virtuelle de la fonction exercée au Calvaire. C’est l’aspect éternel du sacerdoce du Christ qu’expose Thomassin, De incarnatione, t. X, c. xiv, litre : Christus post resurrectionem suam sacerdos tum maxime est, cujus holocaustum est ipsa bealorum Ecclesia ex mortuis suscilata. On doit appuyer cette théologie du sacerdoce éternel du Christ sur la doctrine paulinienne du sacrifice de la croix, vainqueur du péché, et de la mort et se terminant en conséquence dans la résurrection et la gloire éternelle de Jésus et dans notre propie résurrection et notre propre glorification éternelles, se rattachant intimement et nécessairement au sacrifice de la croix. Ainsi, à la suite de son entrée dans le sanctuaire céleste, Jésus Pontife y introduit son coips mystique pour réaliser pleinement l’efficacité du sacrifice vainqueur du péché et de la mort, et pour parfaire l’histoire glorieuse de l’éternelle adoration en laquelle se consomme sans finie sacrifice unique de la croix. Voir surtout I Cor., xv, 17-57, cf. Rom., vi, 0, 9 ; Col., ii, 14, 15. Cf. Olier, Explications des cérémonies de la grand’messe, t. VIII, c. v, viii ; Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes, c. i, n ; Lettres ix, ccclxxx ; Thomassin, op. cit., t. X, c. xiv, et Bossuet, Sermon pour la Fête de tous les saints, 1 er et 2° points, édition Lebarcq, t. i, p. 47 sq. ; et surtout Sermon pour la /ête de l’Ascension, id., p. 523 sq. e) Conclusion. — Le Christ restera donc prêtre dans l’éternité. Vasquez, De incarnatione, disp. LXXXV, c. n. Son sacerdoce découle de l’union hypostatique et durera autant qu’elle. C’est une discussion verbale que de nier le sacerdoce éternel du Christ ou de concevoir cette éternité d’une façon purement relative et négative (en ce sens que le Christ exerce ses fonctions jusqu’à la fin du monde et n’aura pas de successeur dans le sacerdoce), ainsi que le voudrait De Lugo, De mysterio incarnalionis, disp. XXIX, sect. m. II ne s’agit pas, en effet, pour le Christ — -nous l’avons rappelé plus haut — d’offrir dans le ciel un sacrifice nouveau ou d’y perpétuer formellement l’oblation de la croix ; le Christ continuera son sacrifice dans l’éternité en le consommant dans les fruits qui doivent nous en être appliqués jusqu’à la fin du monde et t après la fin du monde, en offrant au Père, par lui-même uni à son corps mystique, l’adoration parfaite dont le principe fut posé au Calvaire. Sur le sacerdoce éternel du Christ, voir : S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxii, a. 5 et les commentateurs, notamment Suarez, in lame locum ; Vasquez, De incarnatione, disp. LXXXV ; De Lugo, De mysterio incarnalionis, disp. XXIX, sert. 1 1 r ; Salinanticeiiscs, De incarnatione, dis]). XXXI, diib. iv. Voir aussi Petau, De Incarnatione V erbi, t. XII, c. xi, et surtout Thomassin, De Incarnatione Verbi Dei, I. X, c. x-xiv. Parmi les modernes : I’ranzelin, De Verbo Incarnato, thèse u ; Stentrup, Soteriologta, thèses lxxxi-i.xx.mii ; Pesch, De Verbo incarnato, n. 549-550 et très spécialement ! < P. de la Taille, Mysterium Fidei, Paris, 1921, l. I, c.v. ci. auteurs tes de langue française, cités au cours de l’article, et le P. Monsabré, Exposition ila Dogme catholique, carême 1879, 42’conférence. IV. l.A PRÊDB8TI NATION DS JÊ8U8 0HBI8T. — 1° L’origine de cette question. C’est à propos de Rom., i, I, que la question dogmatique (le la prédestination fie Jésus-Christ, I’ils de Dieu, fut posée et discutée par les théologiens. Paul, parlant du Fils 1343 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PRÉDESTINATION 01 CHRIST 1344 [de Dieu ], qui lui est né de la race de David selon la chair, ajoute (texte de la Yulgate) : qui prædestinatus est Filins Dei m virtute, secundum spiritum sanctificationis, ex rcsurrectione morluorum Jesu Christi Domini nostri. L’exégèse latine, du moins chez un grand nombre de Pères, acceptant une interprétation de saint Augustin, entend littéralement prædeslinatus dans le sens d’une véritable prédéfinition, prédestination, faite par Dieu de toute éternité. On verra tout à l’heure quelle difficulté dogmatique est inhérente à cette Interprétation. Il est certain que prædeslinatus n’a pas ici ce sens. L’original grec porte simplement ôpiaOévTOç et non ^pooptaOé^Toç, qu’on lit cependant chez Épiphane, p. (, ’., t. xli, col. 969. Le sens de manifesté, déclaré, jugé tel, reconnu par tout le monde, adopté par saint Jean Chrysostome (cf. II Cor., iv, 1 ; vn, 9 ; Col., i, 15-19 ; Phil., ii, 9) et, à sa suite, par Théodoret et les interprètes grecs qui donnent pour équivalent Seix^svtoç, à7109av6Évxoç, xpiGévTOç, ÔU.0X0yv, 6évT0ç, cf. Cornely, Epist. ad Romanos, Paris, 1896, p. 38 sq., Toussaint, Épîtres de saint Paul, Paris, 1913, t. ii. p. 38, ne paraît pas répondre suffisamment au sens primitif ; qui. dans Rom., i, 4, rapproché de Act., x, 42 ; xvii, 31 ; cf. ii, 23 et Luc, xxii, 22, paraît être : « constitué ». Au jugement du dernier interprète, M. J. Lagrange, Épilre aux Romains, Paris, 1916, p. 6, le sens littéral de ce verset, d’ailleurs fort difficile, pourrait être restitué comme suit : « qui a été constitué Fils de Dieu exerçant sa puissance, en raison même de sa divinité, et cela à la suite de sa résurrection d’entre les morts. » En tout cela, rien qui se rapporte à la prédestination, telle que l’entendent les théologiens. Sur les différentes interprétations de ce texte, voir, après Saint Thomas, dans son commentaire et en dehors de Cornély et de l.agrangc, loc. cit., Beelen, Commentarius in epistolam S. Pauli ad Romanos, Louvain, 185 1, et Janssens, De Deo-Homine, t. i, p. 766-769. Néanmoins l’exégèse latine, accordant à prædeslinatus le sens de prédestiné fournissait aux adoptianistes, un argument en faveur de leur erreur. Si Jésus, comme homme, est prédestiné à être le Fils de Dieu, il ne peut être, comme homme, qu’un fils adoptif. Aussi, prévenant cet abus du texte de saint Paul (encore que son sens littéral ne fournisse aucun fondement et aucun prétexte à l’erreur), les I’ères du XIe concile de Tolède (675) crurent devoir donner de Rom., i, 4, une interprétation dogmatique satisfaisante : Ilabet igitur in se gemi luiin substantiam dlvinitatis suse et humanitatis nostra-. Hic tamen per 1 1 oc quod de Deo t’atre sine initio prodlit, natus tantum, nain neque tactus, neque pwedestinatus accipitur ; per hoc tamen quod de Maria vtrgtne nul us est, et natus et factus et prsedestinatus esse creden dus est. Denzinger-Bann wart, n. 285. (Jésus) possède donc en lui la double substance de sa divinité et de notre huma nité. Toutefois, en tant qu’il procède du l’ère sans com mencement, il en est simple ment né, ne pouvant être dit ni fait, ni prédestiné ; mais en tant qu’il est né de la viorne Mario, il faut croire qu’il est non seulement né, mais fait et prédestiné. Par le lait de cetie définition, la question dogmatique et théologique de la prédestination du Christ était posée. 2° fin quel sens Jésus-Christ peut-il être dit : prédeslitli ? Les théologiens du moyen âge et des xvr cl xvii’siècles s’étendent longuement sur cet le question. On trouvera dans Suarez, In l II"" p. Sum.S. Thomee, disp. l., d’abondantes références et de trop copieux développements. Voir également De Lugo, De nuis ici in incarnationis, disp. XXXII ; Salmanticenses, op. cit., disp. XXXIV, el généralement les commentateurs de saint Thomas, in ///"". q. xxiv. En réalité la question est assez simple, et les théologiens contemporains l’exposent d’ordinaire avec une grande brièveté. Reprenant la distinction proposée par le concile de Tolède, ils affirment que la prédestination à être Fils de Dieu concerne la personne du Verbe incarné, considéré dans sa nature humaine. Sans doute, c’est la personne même du Fils de Dieu, mais lorsque nous parlons de prédestination divine relativement a cette personne, nous n’envisageons cette personne que comme le sujet « vague et indéterminé de la nature humaine qui subsiste en elle, faisant pour ainsi dire abstraction de sa personnalité divine. Cf. Suarez, disp. L, sect. ii, n. 11. Voici comment s’exprime, à ce sujet, le cardinal Billot : i Il faut remarquer que ce prédicat « prédestiné » n’est pas imposé au sujet en raison d’une perfection qui existe dans le sujet lui-même, mais en raison de l’acte qui est dans l’intelligence de celui qui prédestine. La prédestination, en effet, n’existe que dans le prédestinant, non dans le prédestiné. Voir I q. xxiii, a. 2. Il n’est donc pas nécessaire qu’elle convienne au sujet considéré dans toute la détermination qu’il possède actuellement dans la réalité des choses ; il suffit qu’elle lui convienne sous un certain aspect que peut envisager en lui notre intelligence. Or, notre esprit peut tout d’abord eu considérant la personne du Christ comme homme, l’envisager d’une façon « vague », comme le sujet de l’humanité qui appartient au Christ, sujet qui, dans l’ordre naturel, abstraction faite (par pure hypothèse) de l’incarnation, aurait dû être un sujet créé et purement humain. Et parce que, par une grâce toul a fait singulière, Dieu a décrété que ce sujet ne serait autre que la personne même de son Fils, à laquelle l’humanité serait unie selon la subsistence, il n’est pas inconvenant d’affirmer que ce sujet de l’humanité, c’est-à-dire le Christ en tant qu’homme, a été prédestiné à être le Fils de Dieu. » De Ycrbo incarnato, 1912, p. 355. Ne pourrait-on pas exprimer la même vérité sous une autre forme, en disant que le Christ -Jésus, prédestiné à être le Fils de Dieu, est ici considéré comme l’œuvre même de l’incarnation, laquelle voulue de Dieu de toute éternité, a été réalisée dans le temps ? Celte formule, que nous empruntons au P. Ch. Pesch, De Verbo incarnato, n. 180, a le grand mérite de poser le piincipe d’où dérivent les solutions à toutes les questions scolastiques agitées par les théologiens relativement à la prédestination du Christ quant à la giâce et quant à la gloire. Cf. Suarez, loc. cil., sect. m. Le sujet de la prédestination est sans doute le Christ en tant qu’homme, mais le Christ-homme est ce sujet précisément parce que le terme de la prédestination est l’union hypostatique, et, en suite de l’union hypostatique, toutes les grâces, tous les dons, toutes lis œuvres surnaturelles qui en dépendent. C’est dans ce sens qu’on doit dire que l’incarnation elle-même a été prédestinée ; prédestinée, la nature humaine à son union avec le Verbe : cf. Suarez, loc. cil., sect. i ; prédestiné, le Chiisl à son rôle de Rédempteur, « le chef de L’Église ; à sa gloire dans le ciel. Cf. Franzelin, De Verbo incarnato. th. xxxviii, schol, 3. 3° La prédestination du Chris/ es/ la cause et le modèle de noire prédestination, non pas dans l’acte divin, par lequel le Christ a été prédestiné, mais en raison de l’intention par laquelle celle prédestination a été voulue par Dieu. Dieu a prédestiné, en effet, le Christ à être Fils de Dieu afin que, nous conformant à l’image du Christ dans notre vie surnaturelle, nous parvenions par ses mérites a la vie bienheureuse. C’est en ce sens que les théologiens affirment que la prédestination du Christ est la cause et le modèle de notre propre pré destination. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol.. IIP, q. xi. a., ’i et I et les commentateurs. Voir PRÉDESTINATION. JÉSl S-CHRIST sul ERA IN M KM TI 1346 Mais est-elle la cause et le modèle de la prédestination îles ailles î Voir plus loin. III. Le Christ considéré dans ses relations kVBC lks hommks. Ces relations peuvent être considérées soit du côté du Christ, soit du côté des hommes. Du côté des hommes, il s’agit principalement et pour ainsi dire uniquement du culte dû a Xotre-Seigneur Jésus-Christ Verbe incarné et îles conséquences de ce culte par rapport à la croix et aux images représentant le Sauveur. Toutes ces questions ont déjà été traitées : Culte de Jésus-Christ, t. iii, col. 2415-2419 ; Cœur sacré de Jésus (Dévotion au), t. m. col. 271-351 ; Croix (Adoration de la), t. iii, col. 2339-2363 ; Images (Culte des), t. vii, principalement col. 807-824 ; 833-836. Voir aussi Constantinople (II’concile de), t. iii, col. 1243-1245 ; 1250-1251 ; 1252 ; Constantinople (IVe concile de), col. 12961299 ; et Cyrille d’Alexandrie (saint) (anath., viii), col. 2510. Du côté de Jésus-Christ, ces relations ont leur point de départ dans la qualité de médiateur, inhérente au sacerdoce de Jésus-Christ. Constitué premier et souverain médiateur des hommes près de Dieu, le Sauveur devient, par l’enseignement de la vérité qu’il distribue aux hommes, le prophète par excellence et par l’action sanctifiante qu’il exerce comme souverain prêtre, le chef de tous ceux qui participent à la vie surnaturelle. De plus, par l’autorité souveraine que lui communique sur toutes choses l’union hypostatique, il est constitué roi de tout l’univers. C’est sous ces quatre aspects qu’il convient d’étudier les relations du Christ avec les hommes. I. Jésus SOUVERAIN MÉDIATEUR. La médiation du Christ, comme homme, entre Dieu et les hommes, est promulguée en toutes lettres dans l’Écriture : EIç .ai u.zo’.Tr, ç 6soj xai àv6pa>-cov_ av0pa>-oç Xjwjtôç’Iï)<to’ç. I. Tim., ii, 5. Voir ci-dessus, col. 1231. C’est donc une vérité de foi, rappelée d’ailleurs par saint Léon le Grand, dans sa lettre dogmatique à Flavien, Denzinger-Bannwart, n. 143 ; cf. Hypostatique (Union), t. vu. col. 479 ; par le concile de Florence, Decr. pro Jacobilis, Denzinger-Bannwart, n. 711 ; par le concile de Trente, sess. v, can. 3 : id., n. 790. La théologie catholique ne fait qu’apporter quelques explications concernant l’existence, la nature, le caractère unique et universel de cette médiation. 1° Existence de cette médiation. Le médiateur n’est pas nécessairement, entre deux êtres distants, un trait d’union physique ; il est avant tout un lien moral entre des êtres qui se trouvent en désaccord. Son rôle est de tenter la réconciliation des volontés adverses et de rétablir l’union et l’accord. Toutefois Jésus-Christ vérifie pleinement en lui ces caractères du médiateur. Dans l’ordre physique, il relie, par les deux natures unies hypostatiquement, la divinité à l’humanité ; mais cette union n’existe qu’en vue de réconcilier efficacement l’homme pécheur avec Dieu offensé. Cf. In rnation, t. vii, col. 1485-1488. Saint Léon a donc pu écrire en toute vérité : « Pour payer notre dette, la nature impassible s’est unie à la nature passible, pour qu’il y eût. suiuanl l’exigence de notre salut, entre Dieu et les hommes, un médiateur qui, d’une part, pût mourir, et, de l’autre, fût immortel. » loc. cil. L’existence de cette médiation dans le Christ comporte Jcs remarques suivantes : 1. C’est comme homme que le Christ est médiateur, car, dans l’ordre physique et dans l’ordre moral, le médiateur est un intermédiaire ; or Jésus-Christ comme Dieu, n’est pas un intermédiaire entre Dieu et les hommes. Comme homme, la plénitude de grâces qu’il a reçue en suite de l’union hypostatique le place bien au-dessus des hommes et des anges. S. Thomas, Sum. theol., III’. q. xxvi, a. 2. — 2. Lu vertu de la loi de la communie :. DICT 1 DE I m I L. la rHOl. tion des idiomes, on peut, on doit concéder Ja vérité de cette assertion : le Verbe, ou encore Dieu est médiateur entre Dieu et les hommes. SuareL, Comment, in luire L, n. 3 ; mais on ne saurait dire que le Verbe, comme Dieu, est médiateur. Id., ibid., n. 6. — 3. Dans les œuvres de médiation, le sujet qui opère (principium quod) est le Verbe incarne, Dieu et homme à la fois ; mais le principe prochain d’opération (principium quo) est l’humanité. Voir les commentateurs In IV Sent., l. Il l.dist. XIX, sub fine, et notamment S.Bonaventure,
    ' ; i luinc loc, a. 2, q. n et conclusion. C’est
    appuyé sur ce principe que Bellarmin réfute les erreurs extrêmes des protestants relativement à la médiation du Christ. L’une, celle de François Stancaro, semble ne pas réclamer, pour l’œuvre médiatrice, la personne divine, même comme principe qui (principium quod) opère ; c’est la tendance nestorienne. L’autre est celle de Calvin et de plusieurs luthériens qui admettent « que l’office de rédempteur, propitiateur, médiateur, appartient à la personne du Christ selon les deux natures et non une seule, soit divine, soit humaine » ; c’est la tendance monophysite. De Christo, t. V, c. nvm. Voir J. de la Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 69-71 ; Suarez, loc. cit., n. 1. 2° Nature de celle médiation. La médiation du Christ est, comme toute médiation, d’ordre moral. Il s’agissait, en effet, de réconcilier Dieu et l’homme pécheur, et de rétablir entre eux les liens de l’amitié, * détruits par le péché. Ainsi l’office de médiateur se confond, en Jésus-Christ, selon la remarque de Suarez, avec l’office de rédempteur. Comment, in III* m p., q. xxvi, a. 1, n. 5. Et donc, tout ce qui se rapporte à l’œuvre de notre rédemption appartient à la médiation du Christ. On voit par là que la nature de la médiation de Jésus est extrêmement variée ; de cette médiation, en effet, relèvent non seulement la mort et les mérites du Sauveur, mais encore la prédication de la vérité révélée dans le Nouveau Testament (vérité que les apôtres ont reçu de Jésus ou de l’Esprit Saint envoyé par Jésus) ; mais encore la mission de l’Esprit Saint sur la terre, l’assistance accordée à l’Église jusqu’à la consommation des siècles ; mais encore la fondation de l’Église elle-même, l’institution des sacrements et surtout l’exercice du sacerdoce étemel du Christ. Cf. Franzelin, De Verbo incarnalo, th. xlvi ; Petau, De incarnalione, t. XII, c. vi-vm. Nous avons groupé ces fonctions médiatrices sous le triple rôle de prophète, de chef et de roi qui convient à Jésus. Voir plus loin. Toutefois cet aspect « extensif » de la médiation du Christ n’épuise pas la question. Dans les autres médiateurs, la médiation — - parce qu’elle est formellement d’ordre moral — ne suppose pas nécessairement une union physique entre le médiateur et les extrêmes opposés qu’il rapproche..Mais ici, la médiation morale requérait dans la personne de Jésus l’union physique des deux extrêmes — Dieu et l’homme — qu’il s’agissait de réconcilier. La médiation apportée par le Christ, c’est, nous l’avons dit, la rédemption. Or, pour que la rédemption fut faite selon les lois de la justice, pour une léparation de con dignité, il fallait que Dieu s’incarnât, voir Incarnation, t. vii, col. 1478, et qu’ainsi le médiateur, en sa personne, réunit physiquement la divinité et l’humanité. Il est médiateur par son humanité ; mais, sans la divinité, il ne pourrait efficacement exercer sa médiation. Mediator Dei et hominum, quia Deus cum Paire, quia homo cum hominibus. S’on mediator homo præter deitatem, non mediator hais præter humanitatem. Ecce mediator : divinltai sine humant taie non est mediatrix ; humanitas sine divinitate non est mediatrix, sed inter divinilatrm solam et humanitatem solam mediatrix est humana /intitulas et dioina humanitas Christt. S. Augustin, Serm., xi.vu v 1 1 1. t :: 1347 JÉSUS-CHRIST SOUVERAIN MÉDIATEUR 1348 n. 21, P. L., t. xxxviii. col. 310. Voir d’autres citations patristlques dans Petau, De incarnations, t. XII, c. i-ii. 3° Caractère unique et universel de cette médiation. La médiation du Christ est universelle, parce qu’ « en tout, il tient lui-même la primauté, parce qu’il a plu [au Père | de faire habiter en lui toute plénitude, et par lui de réconcilier en lui toutes choses, pacifiant par le sang de sa croix soit ce qui est sur terre, soit ce qui est dans les cicux. » Col., i, 15-20. Pour le développement scripluraire de cette idée d’une médiation universelle, coïncidant avec la primauté du Christ, voir Incaunation’, t. vii, col. 1483-1488. Sur les deux concepts théologiques, l’un scotiste l’autre thomiste, de la médiation universelle du Christ dans le plan de la rédemption, voir Incaunation, col. 1495-1506, et les auteurs cités dans la bibliographie. Cette médiation est unique, tout d’abord parce qu’elle est universelle ; et ensuite, parce qu’elle est d’une efficacité si parfaite, en ce qui concerne la réconciliation de l’homme pécheur avec Dieu, qu’elle ne peut convenir qu’à l’Homme-Dieu, qui, lui-même, est unique. Toutefois cette médiation parfaite et unique, loin d’exclure, inclut, d ?ns le plan actuel de la Providence, des médiations imparfaites et multiples qui concourent à la réconciliation de l’homme avec Dieu, celle des prophètes et des prêtres de l’Ancien Testament qui annonçaient et préfiguraient le véritable et parfait médiateur de Dieu et des hommes ; celle des prêtres de la Nouvelle Alliance, ministres du médiateur véritable, et administrant aux hommes, en son nom et lieu, les sacrements qui sanctifient. Cf. S. Thomas, III’, q. xxvi, a. 1 et ad lu’», et les commentateurs. II. JÉSU8, prophète. — Les évangiles nous attestent explicitement que Jésus, le prophète annoncé par Moïse, Deut., xviii, 18, fut vraiment favorisé du don de prophétie. Il prophétisa, en eflet, sa passion et sa mort, sa résurrection, et l’établissement sur la terre du royaume de Dieu, c’est-à-dire de l’Église catholique ; voir Église, t. iv, col. 2115-2117. D’ailleurs, il est appelé « prophète », et par les foules, Marc, vi, 15 ; Luc, vii, 16, 39 ; Joa., iv, 19 ; vi, 11 ; vii, 40, et par ses disciples, Luc, xxiv, 19, et par lui-même ; id., iv, 24. Sur la doctrine des Pères, voir Petau, De incarnatione, i. II, c. x. C’est donc a bon droit que nous avons i minière le don de prophétie parmi les grâces gratuitement accordées à l’âme du Christ. Voir plus haut, col. 1316. D’autre part, en prenant le mot « prophète » dans son sens le plus vrai on peut appeler Jésus le prophète par excellence, en tant qu’il nous a communiqué la doctrine surnaturelle qu’il enseigna soit par ses discours soit par les i ;  ; liti"iis « Il spnt Saint envoyé par lui. C’est sous ces deux aspects généraux que Ks théologiens étudient, en Jésus, la fonction prophétique. 1° Le don de prophétie ou de prédiction en Jésus-Christ. — Saint Thomas, Sum. theol., III’, q. vii, a. 8. Le problème théologique agité par les docteurs au sujet de la prophétie en Jésus-Christ roule tout entier sur la nature de ce don de prophétie. S’agil-il d’une prophétie véritable, telle qu’on a coutume de la définir : i une connaissance surnaturelle, possédée par inspiration divine, des choses distantes et ignorées » ? Ne serait-ce pas plutôt, eu égard â la science bienheureuse du Christ et à son oniniscience divine, une qualité supérieure à la prophétie proprement dite et qui n’aurait de la prophétie que l’apparence extérieure ? i -ite dernière opinion, proposée par Alphonse Tostat, dans son Commentaire sur le livre des Nombres, c i. « I i , et c. w r, (|. iv. a fourni aux théologiens l’ocra sion de s’expliquer sur l’existence et la nature du don de prophétie en Jésus-Christ. Cf. Suarez, De incar nalione, disp. XXI, sect. i ; Salmanticenses, Cursus, In III"" p., q. vu. a. 7. n. 3-7 : Gonet, Clypeus, De incarnatione, disp. Xll. a. 5, n. 121 sq. - 1. On ne peut arguer de I Cor., xui, 8-10, pour affirmer que le Christ, étant compréhenseur, ne saurait posséder le don de la véritable prophétie. A la fois compréhenseur et » voyageur « c’est en tant que voyageur que le Christ est prophète, et Jésus partageait pleinement les conditions de notre vie Intellectuelle dans sa science expérimentale. Quelque parfaite qu’aient donc été sa science infuse et sa science bienheureuse, il a pu être véritablement prophète par rapport aux hommes. — 2. Rien ne sert d’insister en disant que la connaissance prophétique est de soi obscure et énigmatique ; l’obscurité et le caractère énigmatique n’est pas de l’essence de la connaissance prophétique ; c’est l’imperfection du sujet à qui est communiquée cette connaissance qui les cause accidentellement. En Jésus. dont l’intelligence était éclairée par les lumières des sciences surnaturelles, cette imperfection devait nécessairement disparaître. — 3. Enfin l’explication théologique communément donnée de l’illumination prophétique, motion actuelle et essentiellement transitoire, n’est pas en opposition avec la dignité du Christ ni avec le caractère permanent et habituel de la prophétie eu Jésus. On peut, en effet, affirmer simplement avec les théologiens de Salainanquc que le Christ eut à sa disposition, les lumières surnaturelles chaque fois qu’il voulut prophétiser, absolument comme i ! avait à sa disposition la puissance instrumentale d’accomplir des miracles, loc. cit., n. 6 ; voir col. 131 i. On peut encore avec Gonet, loc. cit., n. 129, et Suarez, toc. cit., n. 6, expliquer la permanence du don de prophétie en Jésus par la science bienheureuse et la science infuse, possédées par l’Homme-Dieu. 2° L’enseignement doctrinal de Jésus-Clirisl. Les théologiens en étudient l’excellence et le mode. — 1. Excellence. Nous avons déjà reconnu, en parcourant les textes c angéliques, que « l’autorité des paroles et de la prédication du Christ décèlent un Dieu », voir col. 1200. Mais l’ensemble de ses enseignements sur Dieu, le monde, l’homme et nos destinées éternelles projette une lumière si vive que l’apologétique chrétienne en reçoit un argument singulièrement efficace et, comme le dit Bossuet, après saint Augustin, le Christ nous apparaît par là comme tenant « sur la terre la place de la vérité et nous la lait voir personnellement résidente au’milieu de nous. » Discours sur l’Histoire universelle, part. II, c. xix. Saint Thomas. Sum. theol., IIP, q. xlii, a. 1, ad 2° » ’, souligne la puissance de l’enseignement du Christ, et quantum ad miracula, per quæ doclrinam suam confirmai, et quantum ad efficaciam persuadendi, et quantum ad auctorilalem loquentis, … et eliam quantum ad virtutem rcclitudinis, quam in sua conversatione monslrabal. sine peccato vivendo. Cajétan, à ce propos, fait ressortir les propriétés de l’enseignement de Jésus, l’excellence de la doctrine, son utilité, sa rectitude, son intégrité, sa souveraine perfection en tout ce qui touche à la morale. Cf. Suarez, De mysteriis vitæ Christi, disp. XXX, sect. i, n. 4. C’est autour de ces deux points de vue que les apologistes groupent leurs arguments, tirés de la doctrine de Jésus, en vue de parfaire la « démonstration chic tienne ». Voir Apologétique, 1. 1, col. 15271528. On aboutit, en eiTet, à la conclusion déjà formulée par les serviteurs des pharisiens : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme. » Joa., vii, 16. E1 il n’a qu’une manière d’expliquer ce fait unique, déclare le l’. Monsabré, c’est que cet homme est Dieu Voir Carême 1880, 45e conférence : le Docteur. 2. Mode. - Les modalités de l’enseignement du Christ sont exposées par saint Thomas, Sum. theol., IIP. q. mil Voir les commentateurs de celle question. a) Il fut convenable que Jésus et ses apôtres coinJÉSUS-CRRIST CHEF DE SON CORPS MYSTIQUE 1350 agençassent la prédication de leur doctrine d’abord cliez les Juifs seuls, cf. M.itth., xv, 24 ;. 5. Ne fallait-il pas montrer d’abord l’accomplissement des prophéties données autrefois auxVIuifs, non aux Gentils’.' Cf. Rom., xv. 8. Ne convenait-il pas que la doctrine du Christ, Fils de Dieu, fût proposée d’abord à ceux qui, par la foi et le culte monothéistes, étaient plus près de Dieu, et devaient être les intermédiaires naturels pour porter ensuite la révélation aux Gentils ? Cf. Is., lxvi, 19. Cependant l’exclusion des infidèles au début ne fut pas tellement absolue qu’elle ne souffrît aucune exception. Cf. Joa.. iv. 7 sq. ; Matth., xv. 22 sq., pour bien montrer que la voie du salut était ouverte à tous ; S. Thomas, loc. cit., a. 1, et ad 3um. — b)La prédication de la doctrine du Christ fut faite en toutes conve-Dances, nonobstant le scandale des Juifs. Ce scandale, provenant de leur malignité, devait concourir au bien général. Id., a. 2 ; Suarez, De mysteriis vilæ Christi, disp. XXX. sect. n ; cf. Billot, De Yerbo incarnalo, 1912, p. -157. —ci L’enseignement de Jésus dut être public, à cause du but de rédemption universelle poursuivi par le Christ ; mais dans la forme, il comportait des tempéraments et des figures, exigés par la prudence ou les exigences du milieu. S. Thomas, a. 3. Voir dans les opuscules attribués à saint Thomas, l’opuscule De humanilate C.hristi, a. 1 1 ; Suarez, Comment, in III* iii, q. xui, n. 3. — d) Enfin, Jésus, qui fit si souvent appel à la sainte Écriture en transmettant son enseignement à ses auditeurs, a proposé sa doctrine verbalement, sans nous laisser le moindre écrit, soit composé, soit dicté par lui-même. Il recommande ainsi la meilleure méthode d’évangélisation, qui use surtout de la prédication et subsidiairement des écrits : de plus, n’était-ce pas une sage précaution pour conserver au magistère vivant de l’Église toute son autorité’.' S. Thomas, a. 4 ; cf. Van Noort, Tractalus de Deo Redemplore. Amsterdam, 1910, n. 111 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnalo, n. 557. /II. JÉSUS CUEF DE SO.V COUPS MYSTIQUE. — Cette propriété du Christ si fortement affirmée par saint Paul, voir col. 1233 et par saint Jean, voir col. 1242 est rattachée, par la nature même des choses, à l’exercice du sacerdoce de Jésus par rapport aux hommes. L’effet propre de ce sacerdoce est l’expiation de nos péchés et quant à la coulpe et quant à la peine ; quant à la coulpe, par l’infusion de la grâce ; quant à la peine. par la satisfaction. S. Thomas, III’, q. xxii, a. 3. Et cet effet, Jésus n’a pu le réaliser en lui-même, parce qu’il était la sainteté parfaite et substantielle, n’ayant rien de commun, avec le péché. /(L, a. 4. Or, précisément Jésus est le chef de l’Église, qui est son corps mystique, parce que, supérieur à tous par la grâce qu’il possède en toute plénitude, il communique cette vie de la grâce, à des degrés divers, à tous ceux qui font partie a un titre quelconque de ce corps mystique. Sur cette vérité de foi, la théologie catholique apporte nécessairement quelques éclaircissements et quelques précisions aux données de l’Écriture. 1° Comment Jésus est-il le chef de son corps mystique ? — « En raison de sa proximité a l’égard de Diei e est la plus élevée et elle est la première, bien qu’elle ne le soit pas dans l’ordre des temps : tous les autres hommes, en effet, ont reçu la grâce en raison de la sienne ; cf. Rom., viii, 29 ; de plus, Jésus possède la plénitude de toutes les grâces ; cf. Joa., i, 14, et il a la vertu de communiquer sa grâce a tous les membres « le l’Église, ainsi que l’affirme saint Jean : nous arons tous reçu de sa plénitude, i, 16, Il est donc évident que Jésus doit et re dit le chef de l’Église, v Thomas, III-, q. viii, a. 1. C’est a la fois comme Dieu et comme homme que Jésus est le chef du corps mystique : cette vérité, précision de la doctrine de loi. doit être tenue au moins comme théologtquement cer taine. Comme Dieu, il est cause principale de la grâce. Comme homme il produit physiquement en nous la grflee, comme cause efficiente Instrumentale ; mais comme cause méritoire, il intervient, dans la production de la grâce en nos âmes, à titre de cause principale. Voir ci-dessus, col. 1317, 1318, et Grâce, t. vi, col, 1633-1636. On voit par là que l’analogie de la tète, mieux que celle du cœur, convient au Christ, par rapport à l’Église : l’influence du cœur est simplement occulte ; il vaut mieux en réserver l’analogie à l’action du Saint-Esprit. S. Thomas, loc. cit.. ad 3’"". Toutefois, certains théologiens ne refusent pas d’appeler le Christ, cœur de l’Eglise. Suarez, disp. XXIII. sect. i ; Salmanticenscs, disp. XVI, dub. I, n. G. 2° Jésus, dans toute son humanité, âme et corps, es le chef des hommes, non seulement quant à l’âme, mais aussi quant au corps. — 1. L’analogie de la tête par rapport au corps vaut non seulement pour l’âme, mais encore pour le corps du Christ, qui est l’instrument de l’âme dans les actes méritoires de la grâce (influence morale), et qui est d’ailleurs nécessaire à l’âme du Christ pour constituer avec elle l’humanité du Sauveur. Voir les commentateurs de l’a. 2 de saint Thomas et notamment Suarez, in h. L, et les Salmanticenses, De Verbo incarnalo, disp. XVI, dub. i, n. 3, qui font à ce sujet deux remarques importantes relatives a l’influence physique du corps du Christ quant a la communication de, s grâces : premièrement, dans l’eucharistie, le corps du Christ est la cause instrumentale de la grâce ; deuxièmement, dans le ciel, il est pour les élus un principe de gloire accidentelle. Toutefois cette influence du corps ne peut s’exercer séparément de l’âme. — 2. L’action de la tête, dans le corps mystique du Christ, s’exerce sur les membres considérés dans leur intégrité. Par conséquent l’action du Christ s’exerce sur les hommes non seulement du côté de leurs âmes, mais encore du côté de leurs corps :
    • L’humanité entière du Christ influe sur les hommes…
    principalement quant à l’âme, et secondairement quant au corps. Elle y influe premièrement en ce que les membres du corps sont les armes de la justice que le Christ a conférées à notre âme, Rom., vi, 13 ; secondement, en ce que la vie de la gloire rejailli ! de l’âme sur le corps ; cf. Rom., viii, 2. t> S. Thomas, loc. cit.. a. 2. Mais de là, il ne faudrait pas inférer, comme l’ont fait à tort Galatinus (Pierre (.(donna). De arçanis, t. II, c. n et Catharin, De eximia Christi prædeslinatione, que le Christ peut être dit le chef des corps purement animaux ou même inanimés. C’est à cause de l’âme, à laquelle il est substantiellement uni, que notre corps peut recevoir l’influence de la vie divine qui a son origine dans le Christ ; il n’y a donc pas parité. S. Thomas, loc. cit., ad 2° »  » ; Salmanticen es, n. ~>. Voir une thèse analogue à celle de Catharin, dans Suarez, disp. XXIII, sect. i. n. 10. 3° Jésus est, après la chute d’Adam, le chef de tous les hommes sans exception, mais à des degrés et des titres divers. — Cf. S. Thomas, III. q. viii, a..’! et les commentateurs. — 1. Deux remarques. — Le cardinal Billot, op. cit., p. 216, fait justement observer que l’appellation métaphysique de chef donnée au Christ nous laisse une assez grande latitude pour apprécier les rapports qui unissent le Christ aux hommes quant à l’influx de la vie surnaturelle : aussi nous ne devons pas nous étonner que les théologiens affirment que le Christ est le chef des hommes soit] en simple puissance, SOil en acte, mais a des degi i I’ne aut re observation concerne l’identification qu’on sérail par lois tente de faire entre la question des membres du (.hrist et celle des meinbi es du corps de l’Église. NOUS us, en effet, qui est le corps mystique de
    deux éléments constitu irps mystique
    l’âme, qui est la ie mii naturelle sanctifiant les 1351 M -US-CHRIST CHEF D h’SON CORPS MYSTIQUE L352 hommes, laquelle nous vient fin Christ par l’Église et dans l’Église ; le corps, qui est l’organisme visible auquel nous appartenons par le baptême, tant que nous ne brisons pas les liens extérieurs de la foi et de la communion catholiques. Voir Église, t. iv, col. 2150 sq. Or, pour recevoir la vie de la grâce communiquée par Jésus-Christ, en d’autres termes, pour être membre vivifié par la tête dans le corps mystique du Christ, il suffit d’appartenir à l’âme de l’Église. Ces remarques faites, passons aux conclusions théologiques. 2. De quels hommes Jésus-Christ est-il le chef en acte, quant à la communication de la vie surnaturelle ? — Voici la réponse de saint Thomas : « Le Christ est le chef, d’abord et principalement de ceux qui lui sont unis en acte par la gloire ; deuxièmement de ceux qui lui sont unis en acte par la charité ; enfin de ceux qui lui sont unis en acte par la foi » (sans la charité), loc. cil. — a) La première considération se justifie pour un double motif : l’union des élus au Christ dans la gloire est immobile et définitive ; de plus, elle exclut l’influx extérieur qui existe ici-bas, dans le gouvernement de l’Église visible, de la part îles chefs établis par le Christ, pape et évêques, sur les simples fidèles : dans le ciel, l’Église triomphante sera régie par le seul Christ, son unique chef. Cf. S. Thomas, loc. cil., a. 6. — b) Si tous les hommes, unis au Christ par la charité, sont les membres du Christ, il s’ensuit immédiatement que tous les justes, sans exception, doivent être réputés tels. Cf. Conc. Trid., sess. vi, ean. 32, Denzinger-Bannwart, n. 842. Et, par conséquent, il faut compter dans ce nombre tous les hérétiques et schismatiques de bonne foi qui, vivant de la vie de la grâce, appartiennent à l’âme de l’Église. S’ils sont hérétiques notoires, ils ne font plus réellement partie du corps de l’Église ; mais ils appartiennent toujours au corps mystique du Christ, puisqu’ils sont de l’âme de l’Église et, par le fait même, ont le désir de faire partie de son corps. Bien plus, il faut, en vertu du même principe, considérer comme membres actuels du Christ tous les justes non baptisés, catéchumènes ou non. Cette dernière assertion n’est pas suffisamment mise en relief par les théologiens, qui ont tendance à confondre le corps du Christ et le corps de l’Église ; mais elle s’impose. Elle n’est point contredite par le concile de Florence, déclarant dans le décret pro Armenis que « par le baptême, nous devenons membres du Christ et cillions dans le corps de l’Église. L’affirmation, quant au premier elïet signalé, n’est pas exclusive. Dcnzingcr-Bannwarl. n. 696. Ces conclusions demeurent valables qu’il s’agisse des hommes qui oui vécu avanl le Christ depuis le commencement du monde ou des justes qui, actuellement placés sous l’influence vivifiante du Christ ne persévéreront pas, et seront finalement damnés. c) Bien que ne vivanl pas de la vie surnaturelle de la (/nier, tous ceux qui possèdent la vertu surnaturelle de /< ; i, sans la charité, participent déjà, d’une certaine manière, à la vie surnaturelle. Voir Foi, t. vi. col. 84-88. D’ailleurs les définitions du concile du Vatican ne nous laissent aucun doute à ce sujet. Sess. m. e. m. De fuie et ean.. r >, Denzinger.-Bannwart, n. 1791 ; 1814. Cf. Conc Trid., sess. vi, c.vifibid., n. 798. Ces i fidèles » sont donc déjà, en acte, quoiqu’en un degré inférieur (puisque pai hypothèse, ils ne vivent pas encore de la vie de la grâce) les membres du Christ. Ce principe nous pei met d’affirmer un certain nombre de déductions théologiques communément admises. ot.Le Christ est, en . le chef des fidèles catholiques pécheurs. I.’opinion conl raire a été attribuée, à tort semble-t-il au cardinal Torquémada, lequel, dans ta Summa de Ecclesia et de ejus auctorilate, I. 1, c. vui, n. 7 ; e. xi, n. (i, déclare simplement les pécheurs fidèles des membres Impai faits du Christ : elle est plutôt de Melchior Cano, De locis, t. IV, cap. ultimo, ad 9’U", s’appuvant sur saint Thomas, In IV Sent., t. III, dist. XIII, q. ii, a. 2, qu. ii, pour distinguer entre « membres » et « parties » de l’Église : les fidèles pécheurs seraient des parties, non des membres de l’Église. Voir la discussion dans Gonet, disp. XIV, a. 2, §1 et dans les Salinanlicenses, disp. XVI, dub. iii, § 3. — b. Le Christ est le chef, en acte, des schismatiques formels non hérétiques (si tant est que cette hypothèse puisse se réaliser concrètement ) : bien que séparés de l’Église quant au lien de la charité, ces schismatiques gardent encore le lien de la foi. — c. Le Christ est le chef, en acte, des fidèles excommuniés qui, quoique pécheurs, gardent la foi théologique : a fortiori serait-il le chef, en acte, des fidèles excommuniés qui, dans leur for interne, vivent de la vie de la grâce et sont justes devant Dieu. — d. Le Christ est le chef, en acte, des hérétiques purement matériels, qui n’ayant jamais commis volontairement et sciemment de faute formelle contre la foi, peuvent retenir en leur âme la vertu surnaturelle de foi sans la charité… Voir Hérésie, Hérétique, t. vi, col. 2219-2220. — e. Il faut en dire autant à l’égard des catéchumènes qui ont pu, justifiés avant le baptême par la charité parfaite, posséder la vertu de foi et perdre ensuite par le péché mortel, la vie de la grâce. Faut-il affirmer que le Christ est, en acte, le chef des non-baplisés qui, tout en demeurant pécheurs, n’ont jamais possédé la vertu de foi mais produisent, sous l’influence de la grâce actuelle, des actes de véritable foi surnaturelle ? Bien cpie les théologiens n’aient pas envisagé spécialement ce cas particulier, nous n’hésitons pas, en vertu des principes posés par les conciles de Trente et du Vatican, à répondre affirmativement. Mais par contre, faut-il refuser à tous les hommes vivant dans l’infidélité, le droit d’appartenir en acte, à un degré si infime que ce soit, au corps du Christ ? La réponse affirmative est donnée, sans aucun tempérament, par les théologiens qui, connue Gonet et les Salinanlicenses, admettent que tout péché formel d’infidélité, soit notoire, soit simplement occulte, retranche de l’âme et du corps de l’Église ceux qui s’en sont rendus coupables. Gonet, loc. cit., n. 14-17 ; Salmanticenses, loc. cit., n. 43 sq. Mais selon l’opinion plus probable de Bcllarmin, Controversiarum, De conciliis, t. III, De Ecclesia militante, c. x, les hérétiques occultes, quoique formels, demeurent encore membres du corps de l’Église. Voir Église, t. iv, col. 2102-2163. La conclusion semble donc s’imposer, pour eux du moins, que le Christ est encore, en acte, quoique dans un degré très infime, leur chef. Bellarmin, loc. cit., fait observer avec justesse que la forme du corps visible de L’Église n’est pas la foi théologique pure et simple, mais la profession extérieure de la foi reçue au baptême. Or, tant que les infidèles occultes gardent celle profession extérieure de la foi, on ne peut pas dire qu’ils sont totalement soustraits à l’action vivifiante du Christ. Quant aux autres hérétiques formels (et il faut en dire autant pratiquement fies schismatiques formels), aux apostats et aux infidèles proprement dit, ils ne peuvent, à aucun titre, revendiquer le titre de membres du Christ en acte. .’t. De quels hommes Jésus-Christ est-il en puissance, /c chef, quant à lu communication de lu nie surnaturelle ? la réponse est simple, el n’est que la conclusion de ce qui précède. Jésus est, en puissance seulement, le chef de tous les hommes, encore dans l’état de voie, mais qui ne sont pas vivifiés.surnaturellenient tout au moins par la foi. connue il vient d’elle expliqué. Et nous rejetons par là l’affirmation trop absolue de quelques théologiens et canonistes, qui, comme Castro Palao, De justa hæreticorum punitione, c. xxiv, soutiennent qu’il suffit d’avoir été baptisé pour demeurer. 1353 JÉSUS-CHRIST CHEF DE SON CORPS MYSTIQUE i :  ;.v. perpétuellement membre du corps de l’Église. Cf. Salmanticenses, loc. cit., a. 43 sq. : Gonet, loc. cit.. n. 14 sq. Toutefois, à la suite de saint Thomas, il convient de distinguer, parmi ceux dont Jésus-Christ n’est le chef qu’en puissance, deux catégories : il j a, en effet « ceux qui… doivent lui être unis en acte d’après la prédestination divine », et i ceux qui… ne doivent jamais lui être unis en acte ». Tant qu’ils sont en vie, ces derniers, quoique destines a la damnation éternelle, sont cependant encore, en puissance, sous l’influence bienfaisante du Christ : car la vertu rédemptrice de la mort du Sauveur est universelle, et la volonté de l’homme, toujours libre, peut se déterminer, sous l’influence de la grâce, dans les voies de la conversion. Mais, une fois la mort survenue, les réprouvés ne peuvent plus, même en puissance, être les membres du Christ. Sum. Iheol., III », q. viii, a. 3, et ad lom. Le Christ est simplement leur roi. Un problème spécial se pose à l’égard des petits enfants non baptises et des adultes qu’il faut leur assimiler. Ceux qui meurent sans baptême et qui sont, par là même, destinés aux limbes, ne sont, une fois décèdes, membres du Christ ni en acte ni même en simple puissance. Ils ne peuvent, en effet, à aucun titre, recevoir l’influence bienfaisante de la vie surnaturelle. On ne saurait donc souscrire à l’opinion de Granado, In IID m p. Sum. S. Thomæ, tract, vii, disp. VI, affirmant que le Christ peut être dit le chef des enfants morts sans baptême, quatenus sunt sibi subditi, ila quod potest Mis vel inviiis aliquid præcipere, et eis dominaiur. Quant aux enfants non baptisés qui sont encore dans le sein de leur mère, on peut dire que le Christ est déjà leur chef en puissance, car ils sont appelés à la vie et, partant, au salut. Cf. Salmanticenses, loc. cit., n. 38, sub fine. 4° Jésus-Christ comme homme, est-il le chef de l’homme duns l’état d’innocence ? — Le motif de cette question particulière, se trouve en ce que l’influx vital que le Rédempteur exerce à l’endroit de. notre salut, est dans l’ordre présent réparateur du péché. Mais ava.it que l’homme eût péché, le Christ pouvait-il exercer, en raison de la foi en l’incarnation future, une véritable influence sur la vie surnaturelle d’Adam innocent. En d’autres termes, le Christ est-il le chef de l’homme innocent’? — Cette question pose avant tout sous un autre aspect, le problème, tant discuté entre théologiens, du motif de l’incarnation. Voir Incarnation, t. vii, col. 1495-1506. Elle doit donc être résolue, conformément aux principes posés par les deux écoles en présence, d’une façon négative pour les thomistes, tout au moins en ce qui concerne la substance même de la vie surnaturelle en Adam ; d’une façon affirmative et sans restriction, pour les scotistes et ceux qui suivent l’opinion, dite moyenne, de Suarez. Toutefois, parmi les thomistes, il faut noter des nuances. Alors que les plus absolus d’entre eux refusent au Christ toute influence d’ordre surnaturel sur l’homme dans l’état d’innocence, voir Salmanticenses, op. cit., dub.iv, n. 48 sq., d’autres — tels, Gonet, que suit de nos jours hP. Hugon, De Yerbo incarnalo, p. 189-190, — tout en admettant que le Christ-homme n’a pu exercer d’influence sur la grâce essentielle d’Adam innocent, déclarent que la foi à l’incarnation, foi possédée par Adam innocent, concourait accidentellement à la vie surnaturelle du premier homme et par là le reliait, autant que la condition d’innocence le comportait, comme membre à son chef, le Christ. Gonet, disp. XIV. a. 3, 5 3, n. 62. Il est difficile de dirimer la controverse d’aprts saint Thomas : si l’angélique docteur affirme, d’une part, qu « avant le péché, l’homme a eu la foi explicite en l’incarnation du Christ, et cela dans l’ordre de la consommation de sa gloire », Sum. Iheol., Il’II’. q. n. a. 7. il n’en est pas moins vrni. d’antre part, qu’il déclare ailleurs expressément que < le Christ, avant le péché, n’aurait été le chef de l’Église que selon sa divinité : après le péché, l’incarnation étant décrétée pour la réparation du genre humain, il devint le chef île l’Église, même dans sa nature humaine. » De veritate, q, xxix, a. 1, ad 3° » >. 5° Jésus-Christ, comme homme, est-il le chef des anges ? — Cette question présente une très grande affinité avec la précédente. Elle en est cependant distincte, tant a cause des affirmations plus explicites de la sainte Écriture qu’en raison des déclarations expresses et unanimes des théologiens. — 1. Tout d’abord les théologiens admettent unanimement que, comme Dieu, Jésus-Christ est le chef des anges. Ils s’appuient sur des textes comme Eph., i, 20-23 ; Col. ii, 9-10 ; cf. i, 16-20. Mais le sens littéral de ces textes n’implique pas, de la part du Christ, un influx vital de la grâce aux anges. Voir Incarnation, col. 1487-1488. — 2. Toutefois, la plupart des théologiens admettent que le Christ même comme homme, doit être dit le chef des anges quant à un certain influx de la grâce. L’opinion opposée qui fait du Christ, comme homme, le chef des anges d’une manière improprement dite, sans influx vital de la grâce, a été défendue par saint Bonaventure, In IV sent., t. III, dist. XIII, 1. 2, q. m ; par Gabriel Biel, ibid., q. unie, a. 3, *dub. n ; par Guillaume d’Auxerre, Summa, t. XIII, tract, i, c. iv, par Driedo, De captivate et redemptione generis humani, tract, ii, c. ii, part. III, a. 6, concl. 4. Mais saint Thomas, dans ses commentaires sur les épîtres de saint Paul, loc. cit., et dans le De veritate, q. xxix, a. 1. ad 5° " », déclare que le Christ est le chef des anges, non seulement en tant que Dieu, mais en tant qu’homme ; son humanité, en effet, illumine les esprits bienheureux… et c’est en ce sens que l’apôtre, Col., ii, déclare que Jésus-Christ est le chef de toute principauté et de toute puissance ». Cf. Sum. Iheol., III, q. viii, a. 1. Toute la question est donc d’expliquer l’influx vital de la grâce, du Christ sur les anges. — a) Dans l’opinion scotiste du motif de l’incarnation, nulle difficulté : la primauté absolue du Christ sur toutes créatures explique l’influence surnaturelle du Verbe incarné sur la grâce et la gloire essentielles des anges bienheureux. Le Christ est voulu pour lui-même et avant toute autre créature ; il est, de par le vouloir divin, lé* médiateur universel par lequel passe toute grâce avant de parvenir à la créature. Le Christ est constitué par Dieu fin de toute la création ; c’est pour glorifier son Fils fait homme que Dieu crée les anges et les hommes lesquels reçoivent la grâce et la gloire par les mérites du Christ. Sur le développement de ces doctrines, voir Frassen, Scolus academicus. De incarnatione, disp. I, a. 2, sect. iii, q. i, et le P. Chrysoslome, Le motif de l’incarnation, Tours, 1921, p. 56100. — b) Dans l’opinion thomiste, l’incarnation étant subordonnée a la rédemption des hommes, on ne voit pas comment la grâce et la gloire substantielles des anges dépendraient, à quelque titre que ce soit, du Verbe incarné. Cependant, un certain nombre d’auteurs ont tenté de démontrer cette dépendance, en s’appuyant sur l’Écriture, Rom., v, 15 : in plores abundavit ; Heb., ii, 10 : oui multos filios adduxcral ; Eph., i, 10 : inslaurare omnia in Christo quæ in colis… sunt., etc. ; sur les Pères, sur saint Thomas lui-même, De veritate, q. xxix, a. 1, ad 5°m et In Joannis evangelium, c. iv, lect. x. Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXVIII, dul). x, n. 136-112. Les principaux défenseuis de cette opinion sont Catharin, dans ses livres De eximia Christi prædeslinalione, et De gloriu angelorum ; Suarez, l><- incarnatione, disp. XI. IL sect. ii : Grégoire de Valencia, De incarnatione, q. viii, punct. 3, et, ce qui est plus étonnant, Godoi, Dr Incarnatione, disp. I.VII, § 2. La plupart des thomistes, et. chez les jésuites, Vas135 : JÉSUS-CHRIST SA ROYAUTÉ SPIRITUELLE 1356 quez, disp. XI. IX, c. n ; Molina, In lump. Sum. S. Thomas, q. i.xiii. a. 3, memb. v, 7° concl. ; Lessius, De prsedestinatione, sect. i, n. 4 ; Bec-anus, /> incarnations, C. xiv, q. ix : Do Lugo, De mysterio incarnalionis, disp. XXVII, sect. iii, n. 25, sq., etc., enseignent, conforménieiil à leur opinion du motif de l’incarnation, que l’influence vitale du Christ sur les anges ne concerne que leur grâce et leur gloire accidentelles. Saint Thomas nie expressément que le Christ ait eu, à l’égard de la grâce substantielle des anges, une influence quelconque, 7/i I Y sent., t. III, dist. XIII. q. ii, a. 2, qu. 1 ; qu’il ait pu mériter pour eux la récompense essentielle, De veritate, q. x.xix, a. 7, ad 5um. Son mérite à l’égard des anges, ne dépasse pas la récompense accidentelle irf., ibid., et son pouvoir judiciaire n’atteindra les anges que relativement aux récompenses et aux punitions accidentelles. Sum. theol., III’, q. i.xi. a. 6. Cf. Salmanticenses, disp. XXVIII, dub. x, § 1 ; Gonet, dis], , xiv, a. 4, n. 73. A quoi donc se réduirait l’influence vitale surnaturelle du Christ sur les anges ? Saint Thomas nous le dit. In IY Sent., loc. cit., < le Christ, en tant qu’homme est le chef des anges, mais non d’une manière aussi stricte et de la même façon qu’il est le chef des hommes ; et cela, pour deux raisons. Tout d’abord, il manque au Christ, che des anges, la communauté de nature ; il est de la même espèce que les hommes ; mais avec les anges il n’a de commun que le genre par l’intelligence. En second lieu l’influence n’est pas la même ; le Christ n’agit pas sur les anges en éloignant l’obstacle du péché, ou en leur méritant la grâce, ou en priant pour eux. Ne sontils pus. m effet, déjà bienheureux ? son influence se réduit à tout ce qui touche les « actes hiérarchiques », par lesquels range supérieur éclaire l’inférieur, le corrige, lui donne plus de perfection. Cette influence, le Christ la possède d’une façon suréminente ». Le Christ, en effet, commande aux anges et les charge d’un véritable ministère de salut près de nous. Il doit donc les éclairer, les diriger ; il est donc cause, tout au moins morale, de cette illumination et de cette direction, de l’œuvre de coopération au salut des hommes qui en résulte, et de la récompense attachée a cette coopération. Il peut également satisfaire leurs désirs touchant la connaissance des mystères divins et concourir ainsi a un accroissement de grâce et de gloire accidentelles en ces esprits bienheureux. A tous ces titres, il est le chef des anges. IV. la ROI m il m : JÉSV8-CSRTST. — Le pouvoir royal ajoute, en Jésus-Christ, quelque chose au pouvoir de chef qu’il suppose et qu’il inclut. Mais tandis que l’influence exercée par le chef est limitée à ses membres, le pouvoir exercé par le roi ne connaît pas les mêmes limites. Ce pouvoir, en effet, s’étend jusqu’aux sujets rebelles qui sont cependant soumis aux jugements prononcés et aux châtiments infligés par leur roi. De plus, l’influence du chef s’exerce sur les membres qui partagent avec lui la même nature, tout au moins générique, le pouvoir de roi s’étend sur tous le - rires qui lui sont soumis. Que la royauté soit l’apanage de J< : sus-( ; iirisl, non seulement comme Dieu, mais encore comme homme, on n’en peut douter, car cette vérité est expressément affirmée dans les prophéties de l’Ancien Testament, relatives au règne et au roi messianique. Voir col. Il 13 sq. L’ange de l’incarnation l’affirme d’ailleurs : era grand et sei a appelé le Fils du Très-Haut, et hSeigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. o Luc, i, 32-33. Lt Jésus lui même s’affirme roi, tout en expliquant la nature spirituelle de sa royauté. Joa., xviii, 36-37, Les théologiens, sur ces affirmations de l’Écriture, élaborent une doctrine de la royauté de Jésus-Christ, en envisageant cette royauté au point de vue temporel, et au point de vue spirituel. 1° La royauté temporelle de Jésus-Christ. 1. Sur lu nation juive. Jésus, bien que Fils de David et de race royale, n’a ieçu aucun droit héréditaire, ni aucun titre spécial ù régner sur le peuple juif. Sur ce point, on consultera Suarez. disp. XLY11I, sect. i et les Salmanticenses, disp. XXX II, dub. i. L’expression « roi des Juifs », que Jésus, répondant à Pilate, semble accepter pour lui ; cf. Matth., xxvii, 11 ; Marc, xv, 2 : Luc, xxiii, 3, ne prouve rien. Car Jésus explique suffisamment le caractère spirituel de son royaume, cf. Joa., xvii, 34-37, auxquels sont conviés, d’abord les Juifs, ensuite tous les hommes. 2. Sur l’univers entier, Jésus-Christ, homme, a reçu un véritable pouvoir royal, bien qu’il ne l’ait jamais exercé. Pour soutenir cette thèse, les thomistes s’appuient sur la Sum. theol.. III. q. iix. a. 3, ad a. I, ad loin, et surtout sur le De regimine principum. I. IILc.xm-xv.Ce pouvoir est donc resté d’ordre général et transcendant ; il ne pouvait en rien contrecarrer le pouvoir royal effectif, exercé par les monarques et les princes ; mais il explique bien certaines expressions scripturaires qui attribuent au Christ le pouvoir royal temporel, la suprématie universelle sur les rois, et le déclarent regem regum et dominum dominantium. L’opinion négative a eu ses défenseurs, François Vitoria, Médina. Bellarmin, Sylvius, Becanus, Tanner, et quelques autres, qui n’attribuent au Christ qu’une royauté purement spirituelle. CI. Gonet, disp. XXII, a. 4 ; Salmanticenses, disp. XXXII. du b. n : Suarez, disp. XLVIII, sect. ii, concl. 2 ; De Lugo, disp. XXX, sect. i, n. 4 ; Vasquez, disp. LXXXVII, c. ii, etc. cette royauté d’ordre temporel se rattache le domaine absolu et direct que possédait Jésus par rapport aux choses d’ici-bas, sans cependant en user toujours. Cette thèse théologique est défendue non seulement pour corroborer certaines assertions générales de l’Écriture, par exemple, lleb.. n. 8, ou encore le Data est mihi omnis potestas in cœlo et in terra, Matth., xxviii, 18 ; mais encore pour justifier certains actes de Jésus : cf. Matth.. mi, 1 ; xxi, 2-3, 19 et surtout viii, 31-32. Voir ci-dessus, col. 1196. Elle est contredite par tous ceux qui refusent au Christ une royauté temporelle sur l’univers entier, et par quelques autres, notamment Vasquez, dis]). t. XXXVI, v. vi. Pour la discussion. voir les Salmanticenses, loc. cil., dub. m. 2° l.a royauté spirituelle de Jésus-Christ. - La théologie de la royauté spirituelle du Christ a été mise en pleine lumière par Léon XI II, dans son encyclique Annurn sacrum, du 25 mai 1899. Mais on en trouve déjà de précieux éléments dans Bossuet, Premier et Deuxième sermon pour la circoncision, édit. Lebarcq, t. i, i). 250, t. ii, ]). 100. L’existence de cette royauté spirituelle est affirmée par l’Fcriture, attestant la royauté du Christ, voir col. 1122 ; carie royaume du Sauveur est avant tout spirituel. Voir col. 1199. Avec ces données de la révélation, la théologie étudiera la nal ure. l’origine, l’universalité, l’exercice de cette royauté, et les devoirs qu’elle nous impose, 1. Nature de la royauté spirituelle de Jésus. C’est, dans son entretien avec Pilate, tel que le rapporte saint Jean, que Jésus nous dévoile le vraie, nature de sa royauté spirituelle : n Mon royaume n’est pas de ce inonde… ». Il ne nie point qu’il soit roi ; mais il ne veut pas régner ici-bas à la façon des monarques terrestres ; il ne veut ici-bas que régner sur les esprits et sur les cœurs, afin de les sanctifier et de les conduire au ciel, où sa royauté se manifestera éternellement. « Oui. je suis roi », ajoute Jésus et, caractérisant sa royauté il continue : > Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ». — La diffusion de la vérité sous sa forme la plus relevée, la plus parJESUS-CHRIST SA KOÏW I I-. SPIRITUELLE faite, spécialement sous la forme religieuse, tel est donc le but de son règne, ou. comme il l’insinue, de son incarnation, désignée ici par les mots ; Je suis venu dansée monde ». Cl. Fillion, Vie de N.-S. Jésussl, t. m. p. 448. On sait d’ailleurs que cet empire de la vérité sur les âmes. — qui est le règne de Jésus — doit y amener la foi et par la foi le salut qu’a mérité à tous Jésus par sa mort. Kn sorte que Jésus devient notre roi, par là même qu’il exerce effectivement en nos âmes son rôle de médiateur et de sauveur. Bossuet arrive à eette conclusion en partant de la définition de la vraie royauté, qui est « la puissance universelle de faire le bien ». Et par là. c’est le propre des rois de sauver ! (’.'est pourquoi le prince Jésus, en venant au monde, considérant que les prophéties lui promettent l’empire de tout l’univers, il ne demande point à son Père une maison riche et magnifique, ni des armées grandes et victorieuses, ni enfin tout ce pompeux appareil dont la majesté royale est environrée. Ce n’est pas ce que je demande, ù mon l’ère ! Je demande la qualité de sauveur, et l’honneur de délivrer mes sujets de la misère, de la servitude, de la damnation éternelle. Que je sauve seulement, et je serai roi. O aimable royauté du Sauveur des âmes ! Édition Lebarcq, t. ii, p. 108. 2. Origine de cette royauté. « L’autorité du Chiist ne vient pas seulement d’un droit de naissance, comme Fils unique de Dieu, mais encore en vertu d’un droit acquis. Lui-même, en effet, nous a arrachés à la puissance des ténèbres. Col. i, 13. Lui-même s’est livré pour la rédemption de tous, ITim.. n. 6. Léon XI II, encyclique citée, dans Lettres apostoliques, édit. de la Bonne Presse, t. vi. p. 29. Jésus aurait pu, exerçant sa royauté de Sauveur, nous racheter différemment ; mais il a voulu nous sauver en mourant pour nous et par là nous faire régner avec lui. Il est donc à la fois « notre roi par naissance, et… par amour et par bienfaits ». Bossuet, 1° sermon, édit. citée, 1. 1, p. 277-278. En d’autres termes, Jésus-Christ a deux royautés, dont l’une lui convient comme Dieu et l’autre lui appartient en qualité d’homme. Comme Dieu, il est le roi et le souverain de toutes les créatures qui ont été faites par lui : Omnia per ipsum fada sunt. Joa., i, 3, et outre cela, en qualité d’homme, il est roi en particulier de tout le peuple qu’il a racheté, sur lequel il s’est acquis un droit absolu par le prix qu’il a donné de sa délivrance. Voila donc deux.rox autés dans le Fils de Dieu : la première lui est naturelle, et lui appartient par sa naissance : la seconde est acquise, et il l’a méritée par ses travaux. Bossuet, Sermon pour une pro/ession, le jour de la Sainte-Croix, édition Lebarcq, t. iii, p. 531532. 3. Universalité de la royauté spirituelle du Christ. — Parce que sa royauté a les limites de la rédemption, elle est universelle, le Christ s’étant offerl pour tous. « Non seulement les catholiques, non seulement ceux qui ont reçu le baptême chrétien, mais tous les hommes sans exception deviennent pour lui, « un peuple conquis !
    I Pet., ii, 9. Aussi., , ce sujet, saint Augustin dit
    avec raison : « Vous cherchez ce qu’il a acheté ? Voyez le prix qu’il a donné et vous saurez ce qu’il a acheté. Le prix, c’est le sang du Christ. Qu’est-ce qui peut avoir pareille valeur ? Quoi ? si ce n’est le monde entier, si ce n’est tous les peuples ? C’est pour tout l’univers que le Christ donna une telle rançon. » Enarmt in Ps.. XCF, "j, P. L., t. xxxviii, col. 1231 Les infidèle mêmes tombent sous la puissance et la domination de Jésus-Christ. « Tout est soumis au Christ, quant a la puissance, bien que tout ne lui soit pas encore soumis, quant à l’exercice de cette puissance. » S. Thomas. Sum. theol., IIP q. l., a. 4. La royauté du Christ atteint les hommes, non seule ment connue individus ; mais encore comme membres de la société familiale ou civile, L’homme doit opérer son salut dans la famille et dans la cité : famille et cité sont instituées par la nature. c’est a-dire par Dieu, cl puisque Jésus-Christ est venu tout récapituler en lui-même, la famille et la cité, comme telles, doivent reconnaître son pouvoir royal. I. Exerctee de cette royauté. La puissance, bien que marquant le règne de Dieu sur ses créatures, n’est point l’attribut particulier de la royauté spirituelle du Christ sur les hommes, car la puissance s’applique à toutes les créatures -.ans distinction et ne caractérise pas la domination plus particulière de Dieu sur les natures Intelligentes, Cf. Bossuet, 2’sermon, loc. cit.. p. 11>2-P>3. L’autorité du Christ sur les hommes s’exerce donc spécialement par la vérité, la justice et surtout la charité ». Léon XIII, op. cit., p. 29. Le règne par la vérité, voir col. 1386, est le règne par la foi. Mais l’acte de foi est essentiellement libre. L’autorité du Christ s’exerçant par la vérité suppose donc déjà 1 1 volonté de l’homm i soumise à Jésus. Le règne par la justice n’est pas le règne de Jésus en ce monde, mais dans l’autre : il n’est pas venu i pour juger le monde ». Joa., xii, 47. C’est à ce règne par la justice que se rapportent les fonctions terribles de juge qu’exercera Jésus au dernier jour. Mais il ne les exercera qu’après avoir épuisé sur nous les ressources de son’amour. Ce règne par la justice s’exercera sur les ennemis de Jésus ; » car enfin, il est nécessaire qu’il règne sur nous. L’empire des nations lui est promis par les prophéties. S’il ne règne sur nos âmes par la miséricorde, il y régnera par la justice ; s’il n’y règne par amour et par grâce, il y rognera par la sévérité de ses jugements et par la rigueur de ses ordonnances. » Bossuet, 1 er sermon pour la circoncision, op. cit.. p. 280281. Jésus sera donc le roi des réprouvés qu’il atteindra par sa justice. Ici-bas, et pendant notre vie, c’est « surtout par la charité » que s’exerce l’autorité du Christ. Jésus, « combat par bie.ifaits, par des attraits tout-puissants, par des charmes invincibles. » Le Fils de Dieu « surmontant le monde, devait principalement surmonter les cœurs » ; « Nous sommes acquis au Sauveur des âmes par le sang qu’il a versé pour l’amour de nous. Nous ne sommes pas seulement au prince Jésus comme un peuple qu’il a gagné par amour, mais comme un peuple cpi’il a acheté d’un prix infini. » Bossuet, ’! Sermon, op. cit., p. 115. Mais afin de pouvoir, jusqu’à la fin des siècles, atteindre le cœur des hommes, il a fallu que Jésus-Christ se perpétuât pour ainsi dire par une institution visible, continuatrice de son œuvre. Cette institution, c’est l’Église catholique, à laquelle il faut appartenir si l’on veut appartenir à Jésus-Christ et participer aux fruits de la rédemption. C’est par sa puissance royale que Jésus nous a délivrés de I ? loi mosaïque pour nous imposer le joug suave et léger de la loi de l’amour. Sur le Christ-Roi, législateur, voir Conc. Irid., sess. vi, can. 21, cꝟ. 19-20, Den/inger-Baniiwart, n. 829-831. 5. Devoirs que nous impose la royauté spirituelle de Jésus-Christ. — A l’amour de Jésus, il faut répondre par notre amour. Il nous a achetés par son sang, par sa chair, par sa vie. « Donc, conclut Bossuet, nous lui tenons lieu de sa vie ; nous ne sommes pas moins à lui que sou propre corps et que le sang qu’il a donné pour nous acheter ; et c’est pourquoi nous sommes ses membres. i On lira la belle péroraison du 2° sermon de Bossuet pour la circoncision, dans laquelle le grand orateur montre que la royauté du Christ nous impose le devoir de l’amour dont lu pénitence. Par là, nous rejoignons exactement la fin qui se propose le culte du u. Le Sacré-Cœur est le bote le plus parfaii de la royauté spirituelle du Christ, mi et centre de U n. La dévotion au 1350 IÉSUS-CHRIST CONTINUÉ PAR L’ÉGLISE L360 Sacré-Cœur, par laquelle nous rendons au Christ un culte d’amour et de pénitence, est l’aspect moderne du culte qui a toujours été rendu à la royauté spirituelle de Jésus-Christ. Elle est donc dans un rapport très étroit avec le fond même du christianisme en tant que le christianisme est la religion de Jésus et la religion de l’amour. Pour le développement de cette pensée fondamentale, voir Cœur sacré de jésus (Dévotion au), t. iii, col. 301-303. IV. Conclusion^ : l’Église, continuation visible di Verbe incarné. — Arrivés au terme de notre étude théologique sur Jésus-Christ, il convient de jeter un regard en arrière et de marquer en quelques mots l’unité profonde qui règne entre tous les points de la doctrine du Verbe incarné. Cette unité, le symbole l’exprime clairement, en nous donnant le sens exact des miséricordieuses voies de la Providence : Credo… in unum Dominum Jesum Christum, Filium Dei…. qui propler nos homines et salulem nostrum descendit de cœlis, et incarnatus est de Spiritu sancto ex Maria Virgine et humanalus est. Denzinger-Bannwart, n. « stj. En Jésus, nous reconnaissons le Fils de Dieu, Vei be selon sa divinité, égal au Père et au Saint-Esprit mais qui, pour nous et pour notre salut, est descendu des cieux et s’est fait homme par l’opération du Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie. L’étude du Verbe incarné n’est exacte, n’est complète que si elle est orientée vers l’œuvre pour laquelle précisément le Verbe s’est incarné : œuvre de rédemption et de salut du genre humain. Et c’est bien sous cet aspect que, la révélation nous a montré le Christ, prévu et annoncé par les prophètes, manifesté clairement par les écrivains du Nouveau Testament. C’est notre Christ, iXtilre-Seiyneur, qui nous est apparu sur terre, dans sa bonté et son humanité. L’humanité et les faiblesses qui lui sont inhérentes prises par le Verbe dans l’unité de sa personne divine, ne sont que le moyen nécessaire au Fils de Dieu pour parvenir efficacement jusqu’à nous, pour ofïrir au Père un sacrifice parfait de réconciliation pour nos âmes. Mais ce n’est pas encore suffisant : nous ayant rachetés, Jésus nous communique individuellement les fruits du salut. Lumière, il devient notre lumière ; Vie, il devient, notre vie ; Vérité, il devient notre vérité. Il est, par droit de naissance, l’héritier de Dieu ; il nous fera, par droit d’adoption, ses cohéritiers. Et de même qu’il est un avec son Père, il <>udra que nous ne fassions qu’un avec lui. Il faut donc que son esprit devienne notre esprit, et que nous grandissions tous les jours dans le Christ-Jésus. Nous ne le pourrons qu’à la condition de participer à la même vie divine que lui-même : aussi l’unité entre lui et nous ne se réalisera que dans un même corps mystique dont il est la tête et dont nous sommes les membres. Il faut donc que Jésus-Christ, après son sacrilice el sa résurrection glorieuse, qui en est comme les contre partie nécessaire, remonte au ciel, préfigurant par là notre future résurrection et notre future gloire. Son corps naturel ne pourra plus demeurer parmi nous : et c’est nous qui devrons, en réalité, prendre sa place. Nous serons son corps mystique, et si Jésus nous laisse encore d’une façon miraculeuse, dans l’eucharistie, son coi ps naturel, ce ne sera que pour perpétuer son sacriflee jusqu’à la fin du monde et faire circuler dans les membres de son corps mystique la vie de la grâce dont Il acrificeesl la source Inépuisable. loin donner à ce corps mystique sa consistance, lui assurer nue vie qu’aucun obstacle ne parvi < i drail a tarir, Jésus l’a doté d’un organisme extérieui qu’il soutient et vivifie d’une manière invisible ei qu’il dirige visiblement par les pasteurs établis à sa place. Ce corps mystique, <>n les hommes rachetés ne loiii qu’un avec lui dans la même vérité, dans in même lumière, dans la même vie, c’est l’Église qui continue, non seulement l’œuvre de l’Incarnation, mais l’Incarnation elle-même. 1° L’Église continue l’incarnation dans sa constitution même. — Elle a été faite à l’image et à la ressemblance de Jésus. Il y a, dans le Verbe incarné, du visible et de l’invisible, la chair vivante qui se manifeste à nos sens et nous révèle, par ses actes, le principe qui l’anime. Ainsi dans l’Église : l’invisible, c’est son âme. l’esprit qui l’anime, l’esprit de Jésus ; le visible, c’est son corps, dont les membres sont les membres de Jésus. Il y a, dans le Verbe incarné, une magnifique ordonnance de tous les éléments qu’il renferme, une parfaite subordination du visible à l’invisible, du corps à l’âme, de l’âme à la divinité. Ainsi dans l’Église : société hiérarchique, « tout s’y tient dans une complète dépendance du Christ invisible, et cette dépendance se manifeste par l’harmonieux mouvement d’aller et de retour qui, du sommet de la hiérarchie, fait descendre le commandement jusqu’au dernier des fidèles et, du dernier des fidèles, fait monter l’obéissance jusqu’au sommet de la hiérarchie. » Monsabré, Exposition du dogme calliolique, 51e conférence. Il y a, dans le Verbe incarné, une pénétration constante de l’humain par le divin : son âme est inondée des splendeurs de la divinité, dont la plénitude habite en Jésus corporellement ; sa chair est l’instrument des opérations de la toute-puissance divine ; ses œuvres sont d’un mérite infini. Ainsi dans l’Église : corps mystique du Christ, humaine en ses éléments, elle est constamment pénétrée de la vertu divine qui l’anime. Le Christ lui reste uni connue la tête l’est au membre. Tête de l’Église, le Christ est le conservateur de son corps : Christus capul Ecclesiæ et ipse saluator corporis ejus. Eph., v, 23. 2° L’Église continue l’incarnation dans sa fécondité. — Jésus, nouvel Adam, est venu sur terre pour engendrer les hommes à la vie, comme Adam le premier homme les avait entraînés à la mort. L’Église est le corps mystique de Jésus, mais en même temps, elle en est l’épouse féconde. « L’Église, comme corps, est subordonnée à son chef ; l’Église, comme épouse participe à sa majesté, exerce son autorité, honore sa fécondité. Ainsi le titre d’épouse était nécessaire pour faire regarder l’Église comme la compagne fidèle de Jésus-Christ, la dispensatrice de ses grâces, la directrice de sa famille, la mère toujours féconde et la nourrice toujours charitable de tous ses enfants. Mais comment est-elle mère des fidèles, si elle n’est que l’union de tous les fidèles ? Nous l’avons déjà dit : tout se fait par l’Église ; c’est-à-dire tout se fait par l’unité. L’Église, dans son unité, et par son esprit d’unité catholique et universelle, est la mère de tous les particuliers qui composent le corps de l’Église ; elle les engendre à Jésus-Christ, non en la façon des autres mères, en les produisant de ses entrailles, mais en les tirant du dehors pour les recevoir dans ses entrailles, en se les incorporant à elle-même, et en elle au Saint-Esprit qui l’anime et par le Saint-Esprit au Fils qui nous l’a donné par son souille, el par le Fils au Père qui l’a envoyé. Bossuet, Lettres de piété et de direction, lettre i, Œuvres. Besançon, 1886, t. nu. p. 9 , ’i° L’Église continue l’incarnation dans la prédication de la vérité. « Quand le Christ est venu en ce monde, le seul moyen d’aller au Père était de se soumettre tout entier à son Ris Jésus… Dans le début de la vie publique du Sauveur, le Père éternel présentait son Fils aux Juifs, et il leur disait : « Écoutez-le parce qu’il est mon Fils unique ; je vous l’envoie pour vous révéler les secrets de ma vie divine et mes volontés. » Mais depuis son ascension, le Christ a laissé sur la terre son Église, et cette ÉgUse est comme la continuation de l’Incarnation parmi nous Elle nous parle, ce ! te Église, c’est-à-dire, le souverain pontife et les évêques, avec les pasteurs qui leur sont soumis, elle nous parle avec toute l’infaillible autorité du Christ Jésus lui-même. Pendant qu’il était sur la terre, le Christ renfermait en lui l’infaillibilité : « Je suis la vérité, je suis la lumière celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais parvient à la lumière éternelle. » Joa., xiv, (5 ; cf. viii, 12. Avant de nous quitter, il a confié ses pouvoirs à son Église. Sicut misit me Pater, et ego millo vos : Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie, Joa., xx, 21 : qui vous écoute m’écoute ; qui vous méprise, me méprise, et méprise celui qui m’a envoyé. » Luc, x, 16. De même que je tiens ma doctrine de mon Père, ainsi la doctrine que vous distribuerez vous la tenez de moi ; qui reçoit cette doctrine, reçoit ma doctrine, qui est celle de mon Père ; qui la méprise, à quelque degré ou dans quelque mesure que ce soit, méprise ma doctrine, me méprise, méprise mon Père. » — Voyez donc cette Église, possédant tout le pouvoir, toute l’autorité infaillible du Christ, et comprenez que la soumission absolue de tout votre être, intelligence, volonté, énergie, à cette Église, est le seul moyen d’aller au Père… Cette voie est sûre, car Notre-Seigneur est « avec les apôtres jusqu’à la consommation des siècles » et il a « prié pour Pierre et ses successeurs, afin que leur foi ne défaille point. Luc, xxii, 32. » Dom Columba Marmion, Le Christ vie de l’Ame, p. 106-107. 4° L’Église continue l’incarnation dans la communication de la vie. — Jésus est la vie, il est notre vie ; il est venu pour que nous ayons cette vie en abondance et en surabondance. Pour nous distribuer cette vie, il a laissé, en son lieu et place, l’Église par qui nous vient toute la grâce. Pour être sauvé, il faut être incorporé au Christ, c’est-à-dire à l’Église, par le baptême, porte des sacrements. A l’Église Jésus a dit, avant de remonter au ciel : « Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » Matth., xxviii, 19. A l’Église, Jésus communique le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés. Joa., xx, 23 ; Luc, xii, 39. Ce n’est pas ailleurs qu’il faut aller chercher la voie du salut : Hors de l’Église, il n’y a pas de salut possible. C’est, du reste, l’Église qui demeure chargée par Jésus d’oflrir le sacrifice de la nouvelle alliance, par lequel nous est perpétuée, sur terre, la possession du corps naturel du Sauveur dans l’eucharistie. Or, l’eucharistie est la source de vie par excellence, et l’Église est la régulatrice et la dispensatrice de cet aliment divin. 5° Enfin, l’Église continue l’incarnation dans la divine médiation de la prière et du sacrifice — La prière, l’adoration que Jésus adressait à son Père et qu’il renouvelle sans cesse dans le ciel, le sacrifice qu’il a une fois pour toutes consommé au Calvaire, mais qu’il perpétue dans sa gloire, l’Église en est l’héritière sur la terre. Au nom de Jésus-Christ, à qui elle est unie, elle prie, elle adore, elle offre le sacrifice agréable à la divine majesté. Concluons donc : « Tous les fidèles (sont) un en Jésus-Christ, et par Jésus-Christ un entre eux ; et cette unité, c’est la gloire de Dieu par Jésus-Christ, et le fruit de son sacrifice. « Jésus-Christ est un avec l’Église, portant ses péchés, l’Église est une avec Jésus-Christ, portant sa croix. « Jésus-Christ est en son Église faisant tout par son Église : l’Église est en Jésus-Christ, faisant tout avec Jésus-Christ. « Vous me demandez ce que c’est que l’Église : l’Église, c’est Jésus-Christ répandu et communiqué ; c’est Jésus-Christ tout entier ; c’est Jésus-Christ homme parlait, Jésus-Christ dans su plénitude ». Bossuet, loc. cit. V. JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. ne peut démontrer les vérités de loi : mais ou peut détruire les objections qu’on leur oppose Puisque la foi repose sur la vérité infaillible, il est impossible qu’on arrive a démontrer la vérité d’une doctrine contraire à cette foi. Les arguments apportés contre la foi ne sauraient évidemment constituer des démonstrations : ils ne sont que de simples objections qu’on doit résoudre. s. Thomas, Sum. theol., I », q. r, a. 8. Cette formule du docteur angélique situe exactement la position de l’apologétique chrétienne à l’endroit de la critique rationaliste. Exposer par quels arguments cet le critique prétend déti aire le dogme et la théologie de Jésus-Christ et, dans la mesure du nécessaire, montrer comment ces arguments portent à faux : telle est la tâche du théologien apologiste. La critique rationaliste, depuis le xvii c siècle jusqu’à nos jours, mais surtout la critique contemporaine, n’a pour ainsi dire rien laissé subsister de l’auguste figure du Sauveur. Ce n’est pas une simple déformation du dogme, c’est une négation totale de ce que nous croyons être la vérité qu’on trouve au bout des arguments rationalistes, si on les réunit en un seul faisceau. Depuis l’existence historique de Jésus jusqu’à sa mort et sa résurrection, tout a été révoqué en doute : l’œuvre surnaturelle et divine de notre rédemption, de notre incorporation au Christ, a été minimisée, sinon complètement niée. Il faudrait des volumes pour reprendre un à un les arguments fournis par la critique incrédule contre l’édifice de notre foi On se contentera ici de préciser les positions des adversaires en les groupant autour de quelques points essentiels :
    I. L’existence historique de Jésus. —
    II. Le caractère surnaturel de la venue de Jésus en ce monde (col. 1364). —
    III. La personnalité divine de Jésus (col. 1370). —
    IV. La conscience messianique du Christ (col. 1386). —
    V. Les miracles du Sauveur et leur valeur démonstrative (col. 1398). —
    VI. La résurrection de Jésus (col. 1406). I. Existence historique de Jésus. Cette existence repose sur des preuves irréfutables. Jésus est apparu sur terre à une époque bien déterminée. Les personnages mêlés à sa vie ont une réalité historique que nul ne conteste. C’est dans un cadre bien connu qu’évolue le Sauveur. En comparant les évangiles aux sources historiques profanes, on ne relève en eux aucune contradiction touchant le milieu palestinien, les influences et les courants d’idées qui s’y manifestaient, les coutumes, les croyances, les vicissitudes du peuple juif. En bonne logique, on ne saurait donc contester, dans tout cet ensemble, la réalité historique du seul Jésus. A elles seules, les lettres de saint Paul suflisent à mettre hors de doute l’existence de Notre-Seigneur. Enfin, nous l’avons vii, col. 1132, quelques documents profanes viennent corroborer l’assertion évangélique de tout le poids de leur témoignage incontesté. Certains auteurs ont cependant, sous des formes différentes, soutenu le paradoxe de la non existence historique, sinon de la personne même du Christ, du moins de son rôle dans le monde. On peut citer, parmi les plus connus, P. Jensen, Das Gilgamesh-Epos in der Weltlitteratur, Strasbourg, 1906, p. 102’. » 1030 ; Drews, Die Christusmylhe, Iéna, 1909 ; I laupt, The Aryan Anceslry o Jésus, articles publiés dans Open Court de Chicago, 1909, et surtout W.-Ii Smith, Der vorchristliche Jésus, Giessen, 1906 et Ecce Dais, Iéna, 1911. L’argumentation de ces auteurs se ronde tout d’abord sur un petit nombre de faits secondaires, d’indices plus ou moins vagues, pour en déduire toute une histoire nouvelle, en contradiction avec le gros des témoignages et la masse des i alsemblancei Parmi les « indices., les plus mai quis (in | tindes rappro chements que certains assyriologues ont faits entre k’s récits mythologiques des religions anciennes et les narrations évangéliques. C’est l’argument principal <le P. Jensen, qui trouve Gilgamës reconnaissable non seulement en Jésus, mais en trente antres personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Marotte de spécialiste : Sans pousser le paradoxe aussi loin que Jensen, d’autres auteurs rapprochent Jésus de Mardouk : cf. II. Zimmern, dans la 3’édition refondue de l’ouvrage de Schrader, Die Keilinschriften und dus Aile Testament, Berlin, 1902 ; Jérémias, Babt/lonisclies im Xeuen Testament, Leipzig, 1905. Des rapprochements analogues sont faits entre Jésus et Bouddha ; cf. R. Seydel. Die Budda-Legende und das Leben Jesu, 2’édit.. YVeimar, 1907 ; R. Steck. Dcr lun/luss des Luddhismus au/ das Christentum, Zurich, 1908 ; on tiouve ces rapprochements chez Smith et Ilaupl. I « ’autres parlenfde Mithra, et concluent a une influence des religions orientales en général et du culte de Mithra en particulier sur la figure du Christ tracée parles évangiles et saint Paul. F. Cumont, Les mystères de Mithra, 2e édit. Paris, 1903 ; J. Cyrill, Die persisrhe Mi/sterienreligion im rômischen Reich und das Christrntum, Tubingue, 2e édit., 1907, etc. Voir, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, les articles Mithra (la Religion de), et Mystères païens (les) et saint Paul, t. iii, col. 578 sq. ; 961 sq. Sur l’origine et le développement de ces systèmes, voir L. Cl. Fïllion, Les étapes du rationalisme, p. 296-319 ; A. Valensin. Jésus-Christ et l’histoire comparée des Religions, Paris, 1912, p. 56-84. On trouvera dans l’ouvrage de M. Fillion une abondante documentation bibliographique. Tous ces rapprochements sont sans fondement solide, basés sur des ressemblances superficielles, purement extérieures, matérielles ou même simplement verbales. Ces traits d’érudition de mauvais aloi ne sauraient domrer la raison dernière d’une histoire qui est le point de départ d’un mouvement prodigieux comme celui du christianisme : Quels sont donc les rêveurs anonymes capables d’avoir donné corps à des fables inconsistantes ? Faudrait-il admettre l’hypothèse absurde d’un mythe éclos spontanément ? La thèse de W.-B. Smith supprime le rôle historique de Jésus, sans contester toutefois l’existence du personnage ; aux preuves tirées des comparaisons avec les religions orientales, elle en ajoute d’autres tirées du christianisme lui-même. Au siècle qui a précédé l’ère chrétienne, il y aurait donc eu, chez les Juifs et surtout dans le monde grec, une religion aussi secrète que répandue, du dieu Jésus le Nazaréen, c’est-à-dire le « protecteur », ou le « sauveur ». Nazareth n’a jamais existé. Pour la réfutation de ce sophisme extravagant, voir Lagrange, Évangile, selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 37-39. C’est surtout le livre des Actes qui est exploité en faveur du Jésus préchrétien ». (ni cite le cas d’Apollos. Act., xviii, 24-28, qui était instruit dans les voies du Seigneur » et « enseignait exactement les choses de Jésus », tout eir « ne connaissant que le baptême de Jean ». Pour expliquer ce cas, il n’est pourtant pas nécessaire de supposer un culte piéchrétien de Jésus. Quelles que soient d’ailleurs l’origine et le caractère de la secte des Nazaréens dont parle saint Épiphane et que ce Père distingue des judéo-chrétiens (Nazoréens), en la déclarant antérieure au christianisme il n’en résulte pas que l’appellation « Jésus de Nazareth o soit un contre-sens. Les « meilleurs .aiguinent s de M. Smith sont, on le voit, bien fragiles. Faut-il enfin rappeler que ces négations radicales n’ont pas même Plntérêl de la nouveauté ? Elles ne sont cpie des rééditions des extravagances de Bruno Bauer, Krilik der evangeltschen Geschtchte des Johannes, Berlin, 18-10 ; Krilik der evangeltschen Geschichte, icr Synopttker, Berlin, 1841-1842 el surtout Krilik der Evangclien und Geschichie ihres Ursprungs, Berlin, 1850-1851, et Christus und die Câsaren, Berlin, 1877 : ou encore d’Arnold Ruge († 1880), dans les Halliselie Jahrbucher Jûr Kunsl und Wissensehafl, années 1838-1842, passiin. Aux auteurs ayant ni. ; l’existence historique de Jésus, il faut ajouter Albert Kalthoff, dont le radicalisme absolu traite d’allégories et de légendes tout le Nouveau Testament, Dos Christus Problem, Leipzig, 1902 : Die Hnlslehumj des Christentums, Leipzig, 1904 ; Was ivissen wir von Jésus ? Berlin, 1904. L. Cl. Flllion, L’existence historique de Jésus et le rationalisme contemporain, Paris, 1909 ; Les étapes du rationalisme dans ses attaques contre la Vie de Jésus-Christ, Paris. 1911 ; A. Valensin, Jisus-Christ et l’élude comparée des religions, Paris, 1912 ; J. Case, The Historicitg of Jésus, Chicago, 1U12 ; G. Esser, dans la Theologische Revue, Munster, 1911, p. 1-16 ; 11-17 ; A. Knœpller, Das Christusbild und die Wissensehafl, Munich. 1911 ; I.. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, t. rt, col. 1310 sq. — Parmi les non catholiques, citons : II. Welnel, Ist das « libérale » Jesusbild widerlegt ? Tubingue, 1910 ; A. JûUcher, Hat Jésus gcleht ? Marbour ;  ;, 1910 ; 1$. W. Bacon, The mgthical collapse / historical christianitg, dans Hibbert Journal, juillet 1910, p. 731-753 ; Th.-J. ïhomburn, Jésus the Christ : historical or mythical ? Londres, 1912 ; F. Loofs, What is the Truth about Jésus Christ, dans Lectures, Edimbourg, 1913, p. 1-10 ; A. Loisy, A propos d’histoire des religions, Paris, 1912, e. v. Le mythe du Christ ; C.h. Guignebert, Le problème du Christ. Paris, lï)14 ; Hans Windlsch, art. Jesus-Christus, dans Realencuklopàdie fiir protestantische Théologie und Kirehe, supplément i, Leipzig, 1913, p. 674-684. Voir aussi Btblische Zcitschrift, 1910, p. 415-417, emmurant les brochures.m articles en langue allemande sur le sujet. II. Caratëre surnaturel de la venue du Chris r en ce monde. — Sous ce titre, à dessein très général, se groupent un certain nombre de controverses, dont quelques-unes doivent avoir ailleurs leur exposé et leur solution. 1° La conception et la naissance surnaturelle de Jésus, niées par tous les rationalistes contemporains après tant d’hérétiques des siècles passés, sont les deux faits saillants où éclate davantage le caractère surnaturel de la venue du Christ en ce monde. Mais les controverses soulevées à propos de ces deux fails ont leur place indiquée à la question de la virginité perpétuelle de la sainte Vierge. Voir Marie. 2° Les /ails merveilleux qui précèdent, accompagnent ou suivent la naissance du Sauveur, sont pareillement révoqués en doute. — l. Un argument de portée générale prétend ruiner l’autorité des récits de l’enfance de Jésus. On nie purement et simplement V authenticité des quatre chapitres de saint Matthieu et de saint Luc, où sont consignés ces récits. La n tion remonte à la fin du xviii 8 siècle, époque où Williams publia A jree Inquiry into the authenlicity of the first and the second chaplers of S. Matlhciv’s Gospi. Londres, 1771. Les raisons invoquées ne manquent pas, a) On note tout d’abord l’absence des récits de l’enfance dans saint Marc, qui regarde la prédicat i m de Jean-Bapl iste comme « le commencement de l’évangile de Jésus Chiisi », Marc., i, 1-1 ; et dans la catéchèse apostolique, qui néglige les faits préliminaires de la te du Sauveur pour placer en première ligne ceux qui se rai tachent au ministère du précurseur. Act.. i, 21 ; x, 37 ; xiii, 23-25. On souligne le silence de saint Jean, de saint Paul, de tous les autres écrivains du Nouveau Testament et même, dans l’évangile, de Jésus et de Marie. Karl Hase, Geschichie Jesu, 2° édit., Leip 1891, j>. 223 : Albert Héville, Jésus de Nazareth. Paris. 1X97, t. i. p. 389 ; A. Sabatier, art. Jésus, dans l’Encyclopédie îles sciences religieuses de Llchtenberger, l. vu. p. 362-363 ; Harnack, Dus Wesen des Clirislentums, Berlin, 1903, p. 20. Vucune de ces raisons JESl S-CHRIST ET I A CR] I lui I I S RÉCITS Dl.
    ni m
    i :
    L366 valable. Saint Mare a suivi le plan qu’il s’était lii : saint Matthieu et saint Luc ont suivi le leur. La catéchèse apostolique s’atlachant aux faits plus importants et plus caractéristiques, laissait dans l’ombre les événements de l’enfance de Jésus Christ, lesquels n’avaient pas eu un caractère public ; voir col. 1175 sq ; mais l’enseignement complet devait satisfaire, sur ce point, la légitime curiosité îles fidèles. C’est également en ce sens qu’il faut expliquer le silence relatif des autres auteurs du Nouveau Testament : leurs écrits sont des compositions de circonstances, quelles traitent exclusivement de ce qui intéresse la situation actuelle de leurs destinataires. Devons-nous en conclure que ces auteurs ignorent des faits dont ils n’ont pas à parler î D’ailleurs saint Jean et saint Paul dépassent singulièrement saint Matthieu et saint Luc. Le premier, dans son prologue, proclame la précxK tence divine du Verbe qui s’est fait chair et affirme peut-être explicitement la génération miraculeuse de celui « qui est né non du sang ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. Joa.. î. 13, suivant une leçon qui n’est pas sans probabilité. Le second, dans ses épîtres, attribue à Jésus la primante sur toutes choses et lui accorde par là une place bien supérieure à celle que lui assignent les synoptiques. b) On fait valoir ensuite la faible adhérence de ces chapitres au reste de l’évangile, dont ils sont facilement séparables. Contre cette assertion, il suffirait de rappeler que « tous les anciens manuscrits grecs et toutes les versions anciennes contiennent les récits de l’enfance, tels que nous les lisons aujourd’hui. Les Pères et les Docteurs du second et troisième siècles en citent des passages. Le païen Celse montre qu’il les connaît. » Cf. Origène, Contra Celsum, t. I, c. xxviii ; t. II, e. xxxii, P. G., t. xi, col. 713 ; 852. L’absence des récits de l’enfance dans l’évangile de Marcion s’explique par le docétisme de cet hérésiarque ; voir col. 1249. Cf. S. Irénée, Ado. hær., t. I, c. xxvii, n. 2 ; t. III, c. xii. n. 1 : P. C. t. vu. col. 688, 900 ; S. Épiphane, liserés., I. xlii. 11. P. G., t. xii. col. 709 ; Tertullien, Adv. Marcionem, I. 1. n. 1 : IV, n. 2. P. /… t. ii, col. 248 ; 363. On explique, pour des raisons analogues, la suppression faite par Tatien, dans son Diaïesseron, de la généalogie de Jésus et des récits de l’enfance. Mais contre le critère externe de la tradition unanime, les rationalistes apportent des raisons tirées du texte évangélique lui-même et qui, d’après eux, démontrent que les premiers chapitres ne seraient que des pièces rapportées. Lu ce qui concerne saint.Matthieu, on prétend trouvci des différences de style telles que les premiers chapitres seraient vraisemblablement d’une autre main..1. S. Clemens, dans le Dictionarg o Christ und the Gospels de Hastings, t. i. p. 823. Mais ces différences sont plus imaginaires que réelles : la diction, le genre, la méthode, la pensée dominante sont identiques dans lis deux premiers chapitres et dans les chapitres m-xxviii. Les récits de l’enfance préparent la vie publique du Sauveur, en montrant, par une sorte d’apologétique, la réalisation des prophéties messianiques ; cf. î, 22 : ii, 5-6, 15, 17, 18. Des auteurs non catholiques le reconnaissent expressément et affirment qu’on ne pourrait sans inconvénient détacher ces récits de leur place actuelle pour en faire un petit livre à part, complet par lui-même. Cf. A. Resch, K indheilsevangelium nach Lucas und Matthâus… qu’tlenkritisch untersucht, flans Texte urul Untersuchungen, 1897. t. x, fase. : ’, , p. 461, et, pour la question littéraire interne, Burkitt, Evangelien da Mepharcshe, Edimbourg, 1900, t. ii, p. 259 et Hawkins, Iloræ si/noplicæ, Contributions to the Sludy o the synoplic’m, ( oxford. 1899, p. 1-7. En ce qui concerne saint Luc, les critiques se font plus iolentes encore. On reproche tout d’abord aux premiers chapitred’avoir un coloris trop juif pour le pa en converti qu’était Luc ; cf. i, 6, 8-22 ; ii, 22 38 ; 1 1 -"<>. etc. Mais ne pourrait-on pas cependant répondre que saint Luc, selon son habitude d’ailleurs, se montre ici historien consciencieux et fidèle, racontant, sans v rien modifier. ce que ses sources lui ont appris ? fuis, avant d’adop ter la foi chrétienne, ne s’était il pas fait affilier au judaïsme, comme prosélyte’.' CI. S. Jérôme. Qusest. in Genesim, c. i.vi. P. /… t. xxiii. col. 1002. En Ions cas les pensées dominantes (de Lue., i, u) ne diffèrent pas de celles du troisième évangile envisagé dans sa totalité i. P. Wernle, Quellen des Lebens Jesu, Halle, 1904, p. 76. Le second reproche porte sur le style, rempli d’aramaïsmes, à la différence des autres écrits de saint Luc. Voir surtout, pour la construction de la phrase î, 12-17 ; 21-23 ; 30-33 ; pour l’emploi du mot t-évz-o, « il arriva t>, i. ô, 23, 41 ; ii, 1, 6, 15, 16 ; pour celui du mot pîju.a, parole (heb. dâbar), i, 37. 65 ; ir, 15, 19, 51, etc. Toutefois on reconnaît à maints endroits la diction de Luc. Cf. Harnack, Lukas der Arzl, Leipzig, 1906, p. 69 sq., 150-152. Ne faudrait-il pas conclure, non pas à la faible adhérence des récits de l’enfance au corps de l’évangile, mais à l’insertion par saint Luc, dans son texte, de documents araméens qu’il eut sous les yeux, et dont la traduction grecque fut faite avec le souci assez naturel d’en faiie ressortir les particularités ? c) La multiplicité des laits merveilleux et miraculeux fait songer, ajoute-t-on, aux légendes qui entourent l’origine des hommes illustres. Strauss, Vie de Jésus, trad. Littré, 1. 1, p. 264, déclare que « le surnaturel y est poussé jusqu’à l’extravagance et l’invraisemblance jusqu’à l’impossible ». Cf. p. 239. On trouve les même réflexions chez Keim, J. Weiss, Bousset, Loisy. A propos de Jean-Bapliste, M. Martin Dibelius s’efforce, avec plus d’acharnement peut-être encore, à éliminer de l’histoire les traits merveilleux des quatre chapitres en question, traits qui ne sont pour lui que des légendes. Die urchristliche Ucbcrlirferung von Johannes dern Taujer, Gœttingue, 1911. Les récits de saint Luc, postérieurs a ceux de saint Matthieu accusent, ainsi qu’il arrive dans les légendes, un développement graduel de l’élément miraculeux et de la « christologie ». J. H. Holtzmann, Lehrbuch der neuleslamentlichen Théologie, 2e édit., Fribourgen-B. , 1897, 1. 1, p. 447 ; R. Otto, Dus Leben und Wirken Jesu nach historisch-kritischen Auffassung, Gœttingue, I 1’édit., 1905, p. 22-23 ; Neumann, Jcsus wer er geschichtlich war, Fribourg-en-B., 1904, p. 61-62. D’ailleurs, l’origine des » grands rois et des grands généraux, des grands sages et des fondateurs de religions » a été constamment entourée d’une couronne exubérante de légendes ; la vérité sublime du christianisme n’a pas échappé longtemps à ces appendices ». Keim, Geschichte Jesu. I. î, p. 336-337 ; Neumann, op. cit., p. 61 -(12 : Pfleiderer, Dots Urchristentum, Berlin, 1902, t. î. p. 555. C’est la chrétienté primitive qui a idéalisé rétrospectivement la figure de Jésus des son berceau, sous l’impression très vive qu’elle a eue de lui, de son vivant même et plus encore après sa mort. Les « pieuses légendes de l’enfance du Sauveur sont donc des « produits de la dévotion de l’ancienne Église », c’est une * idéalisation sentimentale » Comme il fallait faire de Jésus le Sauveur promis, on organisa les événements de son enfance de façon a justifier l’accomplissement des prophéties ; on le divini a ; on lui accorda une naissance virginale, et on se plut a entourer son entrée dans le monde de toute sorte de prodiges, c’est la crédulité depremiers chrétiens qui a créé peu à peu toute cet hflcl ion. dont il ne reste presque I ien lorsqu’on la lail pa ser par le creuset de fi critique. H. L Holtzmann, Die Synoptiker, I 67
      1. JÉSUS-CHRIST l##
    JÉSUS-CHRIST l.T LA CRITIQUE. LES RÉCITS DE L’ENFÀISCE -’édit., ]). 53 ; A. Neumann, op. cit., p. 61-62 ; Giran, Jésus de Nazareth, Paris, 1904, p. 37 : A. RéviUe, Jésm de Nazareth, t. i, p. 103 ; A. Bruce, art. Jésus dans VEncytlopedia biblica de Cheyne, t. ii, p. 1436 ; Crooker. Supremacy o christ. Boston, 1904, p. <><i-70 ; (’.arpenter. The first three (i(spcls. 3e édit., Londres, 1904, p. 1 15 1 16 ; Loisy, Les Évangiles synoptiques, 1. 1, p. 168-169 ; Dibelius, op. cit., p. 69-75. Au fond, toutes ces objections procèdent de la négation du sui naturel : A epui admet la possibilité d’interventions surnaturelles, il n’est pas difficile de croire que ces interventions se soient produites autour de la venue de Jésus en ce monde. Des arguments positifs nous montrent d’ailleurs que les récits de Fenfance sont, non le produit de l’imagination de l’Eglise naissante, mais l’expression même de la vérité historique. — Le premier se déduit des sources auxquelles l’évangéiiste a puisé ses renseignements. Ces sources ne sont constituées ni par un recueil très ancien, comme le prétend M. A. Resch, Das Kindheilsevangelium, Leipzig, 1897 ni, à plus forte raison, par l’apocryphe connu sous le nom du Protévangile de Jacques, comme l’assure cependant, avec une truculence qui dispense de preuves, M. L. Conrady, Die Quelle der kanonischen Kindheitsgeschiehle Jesu. ein wissenscha/tliclies Versuch, Gccttingue, 1900. Ce n’est pas non plus de la seule renommée que saint Matthieu et saint Luc tenaient ces récits. Ces événements n’avaient eu qu’un nombre très restreint de témoins. Il semble bien que le principal, sinon l’unique témoin que purent interroger soit directement soit indirectement saint Luc et saint Matthieu, fui la vierge Marie. Cf. Plummer, Crilical and czegelical Commentary on (lie Gospel according lo S. LuUc, Edimbourg, 1910, p. xxiii ; Lambei t..1 Dictionary oj Christ…, art. John the Baplisl p. 862 ; I. agi ange. Évangile selon saint Luc, Paris, 1921, p. lxxxix. L’autorité d’un tel témoignage est d’un giand poids et nous rassure pleinement. — Le second argument est tiré « des faits qui ne s’inventent pas, pane qu’ils sont du domaine public et qu’ils sont garantis par le contrôle éventuel de tous les lecteurs. Tels étaient, à coup sûr, le mutisme de Zacharie <l sa guérison instantanée, la conception tardive de Jean-Baptiste et sa retraite prématurée, les faits avaient eu des témoins… ils avaient dû se conserver religieusement dans < les montagnes de Judée ». Loisque saint Luc les insérail à la première page de son évangile, ils pouvaient encore être attestés par leurs témoins diiects… Pouvant s’enquérir, l’évangéiiste a dû le faire. S’il eût naïvement ajouté foi à des légendes, il eût sur le champ contrevenu à la profession de probité historique qu’il affichait dans son prologue t l se fût exposé à quelque démenti de la pari des lémoins survivants. On conçoit malaisément un Uteur, écrit le P. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, Paris. 1908, p. 164-105, affichant la prétention de raconter plus exactement que ses devanciers les origines chrétiennes, et qui -m début même de son récit, se pei met de pareilles libertés avec l’histoire. » D. Buzy, Saint Jean-Baptiste, Paris, 1922, p. 114-115. Rien ne sert d’alléguer contre ces faits le parallélisme étroit qui règne entre l’histoire du Précurseur et celle du Messie, comme si les deux histoires avaient été ima>inécs par la crédulité populaire ; rien ne sert de rechercher dans les mythes orientaux les traits plus ou moins lointains de ressemblance entre les légendes qui entourent Je berceau des dieux et l’histoire de ance de Jésus-Christ. Toutes les hypothèses que la critique rationaliste peut échafauder, s’écroulenl ml les assertions des évangélistes et notamment int Lue : « est-on en droit d’objecter a l’hislorien l’harmonie naturelle des événements ou l’art avec lequel il nous’es présente 7 })u/, loc. ni. D’ailleurs 1368 le parallélisme entre Jean-Baptiste et Jésus n’est pas si étroit que tout se corresponde dans le merveilleux tableau que saint Luc a tracé de la naissance du Précurseur et de celle du Sauveur. On trouve sans doute des deux côtés une annonclation angélique, un lécil de la naissance, une circoncision et une imposition de nom, les élans prophétiques d’un personnage éminent (Zacharie et Siméon) à l’aurore de ces destinées mcrvei]leuses ; enfîn, les mêmes raccourcis d’histoire et les mêmes prescriptions » Mais d’autre part, « la naissance de Jésus est racontée avec détails, celle de Jean est à peine indiquée d’un mot… Si l’évangéiiste insiste sur le tressaillement du Précurseur, il est surprenant qu’il ne prête pas au Messie un h anspoil analogue, ne fût-ce que pour répondie à la salutation du fils d’Elisabeth et préluder aux divins abaissements du Jourdain. Si la présentation au temple est imaginée à plaisir, pourquoi n’y pas amener aussi le fils du prêtre Zacharie ?… Pourquoi ne pas esquisser en faveur de Jean un doublet de la manifestation de Jésus adolescent au milieu des docteius, en nous représentant quelque part, dans les solitudes judéennes, l’éclosion de la conscience du Piécurseur’?… Si l’évangéiiste a su s’abstenir de telles amplifications, même au détriment de l’harmonie de ses récits, n’est-ce pas qu’au-dessus de l’art, il plaçait encore la vérité de l’histoire ? » Buzy, op. cit., p. 114110, passim. — Le surnaturel qui éclate dans les récils de l’enfance, loin d’être une marque d’inauthenticité. doit nous faire conclure, au contraire, à cause de sa sobriété même, en faveur de l’historicité de ces récits. Dieu conduit suinaturellement tous ces événements, mais il ne s’y manifeste que d’une manièie discrète et suave », ce qui différe.rcie grandement les premiers chapitres de Matthieu et de Luc des apocrphes si piodigues de surnaturel puéril et extravagant. Et puis, si le merveilleux arbitraire devait faiie le fond des récits de l’enfance, comment expliquer que l’imagination populaire se soit contentée pour le Verbe, soiti du sein de Dieu et s’incarnant sur terre, d’une étable pour demeure, d’une crèche pour berceau, d’un atelier de travail comme séjour habituel ? Cf. M. Lepin Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 53. — Enfin une dernière preuve d’historicité se tire du caractère avec lequel se présente le messianisme de ces premières pages, et dont les cantiques Benedictus et Magnificat sont des spécimens précieux : k L’espérance messianique qui a inspiré Zacharie et Marie n’est pas celle des temps apostoliques. L’idylle galiléenne que leurs cantiques icllètent ne s’est réalisée qu’une fois dans le cadic historique et dans le temps que s ; int Luc nous indique La nièie du Messie, qui chante sa gloire avec sérénité et bonheur, n’a pas encore ressenti la pointe du glaive qui, plus tard, dès le début du ministère de son fils, devait meurtrir son cceur… Le Précurseur n’a pas encore succombé dans la prison de Machérous ; le père qui tient dans ses bras le petit enfant n’entrevoil pas une destinée sanglante. Ceux qui ont chanté l’avenir de Jean-Baptiste et du Sauveur ont lu les prophètes et les psaumes : ils n’ont pas lu les évangiles, ils sont étrangers à la révélation que Jésus a faite du royaume de Dieu. Ils n’ont pas été informés des jours sommes de la Judée. Leur âme n’a pas été tourmentée liai les espérances que nous surprenons chez les premiers chrétiens au lendemain de l’Ascension. C’est d’ailleurs qu’est parti le souffle qui les anime, et le milieu dans lequel il s’est formé, dès l’an 30, était évanoui. » V. Rose, Évangile selon saint Luc, 7e édit., p. 18-19. d) On attaque encore l’historicité des récits de l’enfance en insistant sur les divergences et plus encore sur les « contradictions » que présentent entre eux les deux évangiles de Matthieu et Je Luc. Strauss parle de l’incompatibilité réciproque des deux narrations et en conclut qu’elles sont « des tictions composées ou accumulées par les premiers chrétiens. S’ouvelle vie de Jésus, trad. franc. Paris, 1839, t. i, I ». S6. Cf. A. Sabatier, art. Jésus, dans V Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. vii, p. 383 ; I.oisy. Évangiles synoptiques, t. î, p. 1 70 ; Bousset, Jésus, Tubingue, 1007, p. 1 ; et, parmi d’autres plus modérés d’ordinaire, mais tout aussi tranchants sur ce point, Beyschlag, I.eben Jesu.Bei lin. 1e édit., 1901, t. i.p.151 ; Spitta, Die synoptische Grundschrtft, p. 1 ; Keim, Geschichle Jesu, 1. 1, p. 354 ; Ed. Reuss, H isloirc évangélique, synopse des trois pre-niers évangiles, Paris, 1876, p. 17, etc. — Nous avons déjà reconnu, voir col. 1175, qu’entre les récits des deux évangélistes, à côté des points de contact assez nombreux, ii y a des divergences accentuées. Mais « divergence » ne signifie pas contradiction » : les narrations sont indépendantes lune de l’autre : et, loin de s’exclure, elles se complètent et se confirment réciproquement. On seul point, et simplement en apparence, soulève quelque difficulté. Saint Luc, ii, 39, semble dire que la sainte Famille revint directement de Jérusalem à Nazareth, aussitôt après la présentation de Jésus et la purification de Marie dans le temple, tandis que d’après saint Matthieu, ii, 1-23, il faut insérer, avant ce retour, la visite des Mages, la fuite et le séjour en Egypte. Mais c’est là simplement, de la part de saint Luc, un procédé littéraire fréquemment employé par les historiens les plus sérieux, lorsqu’il leur convient, conformément à leur plan, de passer tels ou tels faits sous silence. C’est par un artifice de ce genre que le même saint Luc semble fixer au jour de la résurrection du Sauveur le mystère de l’ascension, qu il savait fort bien (il nous le dit au livre des Actes, i, 3), n’avoir eu lieu que quarante jours plus tard, i xxiv, 44-53… Au reste. du langage même de l’evangéliste : i après qu’ils euient tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville, il résulte nettement que l’essentiel pour lui n’était pas de déterminer l’époque précise du retour à Nazareth, mais l’accomplissement fidèle, par M ; irie et Joseph, de toutes les prescriptions légales qui concernaient le divin Fnfant et sa mère. « F illion. Vie Je X.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 4^0. On n’a pas manqué non plus de soulever des difficultés sur la naissance à Bethléem et le recensement ordonné par Quirinius, lequel ne viendrait là que pour justifier le voyage de la sainte famille. Cette question de Quirinius est d’ailleurs assez compliquée. Luc est seul à parler de ce dénombrement qu’ignorent les anciens historiens et Josèphe lui-même ; on affirme d’autre part que, d’après la méthode romaine, Joseph et Marie n’étaient pas tenus de se rendre à Bethléem. Loisy, Évangiles synoptiques, t. r, p. 311 : cf. Maurenbrechei, W’eihnachlsgeschichten, p. 31. D’ailleurs la Palestine, royaume indépendant, ve pouvait être soumise à l’obligation du recensement. Puis, du vivant d’Hérode le Grand, Quirinius n’a certainement administré la province de Syrie en qualité de légal impérial : d’où il suivrait qu’aucun recensement pu avoir lieu en Palestine sous sa direction à l’épo de la naissance du Christ, puisque l’evangéliste place ce fait « aux jours d’Hérode t. Luc, ii, 1-5, cf. Mat th., n, 1. Telles sont, en raccourci, les principales objections relatives au dénombrement de Quirinius, objections qu’on retrouve chez C. Hase, Geschichle Jesu, 2’édit., p. 22 : i-228 : Keim, Geschichle Jesu, 1. 1, p. 398105 ; II..1. Holtzmann, Die Synopliker, 3° cit.. p. 316-317 ; Oskar Holtzmann, I.eben Jesu, p. 61 o. Pfleiderer, Die Entslehung des Christentums, p. ! " 197 ; A. Réville, Jésus de Xazarelh, t. i, p. 391-394 ; A. Loisy, Les évangiles synoptiques, t. i, p. 343-344 ; l’seiier. dans V Encyclopedia Biblica de Clievne, I. iii, p. 3345-3346 ;.1. Weiss, Die Schriften des X. T., t. i, p. 393-394. et surtout Sehurer, Geschichle des judischen Volkes. 4e édit., t. i. p. 508-54 I. Les "auteurs catholiques ont répondu de façon plus ou moins (pertinente à ces difficultés d’ordre divers. Il n’est point dejl’objet propre de ce dictionnaire de discuter objections ou réponses. On trouvera l’essentiel dans un article du P. Lagrange, Où en est la question du recensement de Quirinius, dans Repue biblique, 1911, , i. 60-81, et dans le commentaire du même auteur sur l’Évangile de saint [.ne, Paris, 1023, p. 65-68, e) On renouvelle enfin, à l’égard des récits de l’Enfance, ’es assertions hasardées Formulées touchant l’existence même de Jésus, voir ci-dessus. Les principaux éléments des récits de l’Enfance seraient empruntes aux religions païennes. Les uns rapprochent les légendes bouddhistes les narrations évangéliques. Cf. R. Seydel, R. Steck, op. supra cil Les autres interrogent la mythologie grecque. Cf. O. Pfleiderer, VorbereitungdesG. hristentums in der griechisrhen Philosophie. Halle, 1901 ; Dis Ghristusbild des urchristlichen Glaubens in religionsgeschientlicher Beleuchtung, Berlin, L903 ; P. Wendland, Die hcllenistisch-rômische Kutiur in ihren Beziehungen zu Judentum und Christentwn, Tubingue, 1907, etc. D’autres encore se réfèrent aux mystères de Mithra. Cf. F. Cumont, J. Grill, op. supra cit. D’autres pensent retrouver ces éléments dans les religions babyloniennes. Cf. Schrader ; Jeremias, op. supra cil. Usener, dans l’article Jésus, déjà cité de l’Encyclopedia biblica de Cheyne ne craint pas d’affirmer qu’à chaque détail de Matthieu et peut-être de Luc, il est possible de trouver un substratum païen, t. iii, p. 3352-3353. Cf. J. Weiss, Die Schriften des N. T.. 1. 1, p. 47, et Soltau, Das Fortleben des Heidentnms in der alichristlichen Kirche, Berlin, 1906. Ces alTlrmations se réfutent par les remarques mêmes que nous avons déjà faites à propos de l’existence ou du rôle historique de Jésus. Voir ci-dessus. Ajoutons, avec M. Fillion, que « les critiques sont souvent en complet désaccord sur ces divers points. Ce qui, pour l’un, provient da mithraïsme, dériverait, d’après d’autre, de la mythologie, grecque, ou du babylonisme, à moins donc, selon les autres, que l’origine ne soit judaïque. A eux seuls, ce décousu, ces contradictions montrent à quel point tout est arbitraire et même (le mot est de C. Clemen dans son intéressant ouvrage sur la théorie évolutionniste : Religions. jeschichtliche Erkliirung des N. T.. Giessen, 1909), « extravagant » dans ce système ». Op. cit., p. 183. III. La personnalité divine de Jésus. — Les critiques, protestants libéraux ou rationalistes purs, s’efforcent de mettre en relief les traits de la figure humaine du Christ. Nous avons montré, au cours de " cet article, voir col. 1141-1171, qu’on peut, qu’on doit fortement accuser ces traits qui répondent à la réalité des choses. Mais la prétention des adversaires de la foi chrétienne a un but très différent du nôtre : en affirmant l’humanité de Jésus-Christ, nous entendons pleinement respecter sa divinité. Les rationalistes ni"ttent en un puissant relief les traits humains de Jésus, mais c’est afin de nier sa personnalité divine. Les protestants libéraux, tout en reconnaissant en Jésus une certaine transcendance par rapport aux autres hommes, ne veulent point y trouver une ti cendance, proprement divine. Ainsi, dans leur négation commune de la personnalité divine, les ration i listes et les libéraux se séparent par cette nuance, impie : premier chef, puisqu’elle contredit La thèse des premiers et montre L’Insuffisance de Il I ronds De i rat loyalistes se rap i 1er , auxquels nous consacrerons un parauraph ° Le protestantisme libéral. - Nous avons indiqué le sens général de la thèse libérale chez les protestants : .lésu-- n’est qu’un homme, et cependant dans sa conscience personnelle, il y a quelque chose de surhumain ; dam ses prétentions, quelque chose d’extraordinaire. 1. Cette thèse perce déjà dans les faibles ripostes adressées aux négations absolues de Reimarus par .’.-J. Hess. Geschichte eter elrei lelzten Lebensjahre Jesu, 3 vol., Leipzig, 7° édit., 1822 ; par Franz Volkmar 1 teinhaid, Versæh ùber den Plan welchen der Slifter eler Christlichen Religion zum Btsttn der Menschen entwarf, V édit., Dresde 1830 ; par J.-A. Jakobi, Dit Geschichte Jesu fur denkende und gemùlhvolle léser, 1806 ; et surtout J.-G. Herder, dans ses deux descriptions du Christ si dissemblables l’une de l’autre, la premièie élaborée d’après les synoptiques, <>m Erlôser der Menschen nach unsertr drei erslen Evangelien, Riga, 1796 ; la seconde, d’après saint Jean, om Gotles Snlui. der Weli Deiland, nach Joannes Evangtlium, Riga, 1797. A mesure que le rationalisme s’affirme dans l’exégèse et la théologie d’outre-Rhin, le libéralisme se fpit de plus en plus éclectique et devient de moins en moins croyant. Parfois on le peut à peine distinguer du pur rationalisme. Cependant la thèse fondamentale de la transcendance de Jésus subsiste, encore qu’on l’enveloppe de formules naturalistes. Dans la longue théorie des auteurs présentés par M. Fillion, dans Les étapes du rationalisme, nous détacherons quelques figures, plus représentatives de ce mouvement d’abandon croissant des positions traditionnelles. — Karl Hase adopte souvent la thèse nettement rationaliste, et cependant il veut faire un choix. Ln ce qui concerne le Messie, sa doctrine est, par rapport aux prédécesseurs, assez nouvelle : de l’ignorance et des préjugés qu’il partagea d’abord avec ses concitoyens sur le rôle du Messie, Jésus passa progressivement à la conscience de sa mission toute spirituelle. Saint Jean, seul parmi les disciples, a bien saisi l’enseignement du Maître dans la dernière péi iode de sa vie ; les préoccupations eschatologiques qui transparaissent dans les synoptiques, sont totalemenl absent., s de son évangile. Das I.eben Jesu. tunâchsl lui akademische Studien, 5e édit., Leipzig, 1865, devenue Geschichte Jesu nach akademischen Vorlesungtn, Leipzig, 1891. L’idée dv ce piogrès dans la conscience messianique du Christ sera reprise par J. H. Holtzmann et’1 h. Keim. Voir plus loin. - Avec Schleiermacher, nous trouvons, appliquée à Jésus. la théologie du sentiment : cet auteur se l’orme un Christ idéal et pour le retrouver dans l’Évangile, il ne relient des textes que ceux qui cadrent avec son idée préconçue. D’ailleurs, son Christ n’est pas Dieu ; il a été simplement uni à Dieu d’une manière extraordinaire, cette union ne différant que par le degré de l’union que l’Esprit Saint produit chez les autres fidèles. « Le problème [du Christ) n’a pas été résolu et la solution |en] est seulement approximative », écrit-il. J)eis I.eben Jesu, X’orlesunycn (publiées par Rtlterlck), Berlin, 1864. — Parmi les réfutations de la Vit de Jésus de Strauss, imbues de l’esprit libéral, il faut citer la vie de Jésus composée par A.-’W. Néander, Das Lebtn Jesu, 7e édit., Hambourg, 1873 ; ti. fr. Paris, 1852. Jésus est encore appelé le fils de Dieu, mais o en ce sens que l’humanité s’est parfaitement i éalisée en lui ». — Avec Henri Auguste Ewald apparaît, dans la théologie libérale protestante, érigé en principe, l’éclectisme auquel elle étail fatalement vouée par ses concessions au rationalisme Pour Ewald, « jamais Jésus ne s’est égalé léméi ahcinent au Lue, de soi te que le traiter comme Dieu, c’est faire de lui une idole, c’est consentir à perdre ce qu’il y a di meilleur et de plus histoi Iqne dans sa vie ; d’autre i ii. Jésus est i une apparition unique en son genre et incommensiuablement sublime ». Dit Geschichte Christus und seiner Zeil, Gœttingue, 2e édit., 1868, t. i, p. xji, 129. Cf. Die drei erslen Evangelien ùbersetzl und erklàrt, Gœttingue, 1850 : Des Aposlels Johannes Evangtlium und drei Sendschreiben, Gœttingue, 1861. Lorsque la Vie de Jésus de Renan parut, elle suscita, même parmi les protestants, des répliques. Le Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre de M. de Pressensé, Paris, 1865, est à la Vie de Jésus de Renan, ce nue la Vit de Jésus-Christ de Xéander est à la Vil ele Jésus de Stiauss. Le Christ de Piessensé, dit Hase, plane entre teirc et ciel. Surnaturel quant à son origine, humain dans son développement, c’est un Dieu qui s’est décidé à lutter, à éprouver, des besoins, a souffrir pendant trente-trois ans, pour ressusciter comme Dieu après sa mort, dans un corps humain. Geschichte Jesu, 2e édit., p. 200. — C’est à peine si l’on peut ranger parmi les libéraux, accordant quelque transcendance au Chiist. Schenkel, qui n’admet la divinité du Chiist que parce qu’il n’en parle pas. Das Charakterbild Jesu, ein biblischer Versuch, Wiesbaden. 1’édit., 1873 ; cf. Zur Orientirung ùber meine Schrift…, Ileidelberg, 1861 et Die protestant ische Freiheit, Heidelberg, 1865 ; Das Christusbild der Aposlel und apostolischen Zeil. aus den Quellen dargestellt, Leipzig, 1879 ; ou encore Seeley, qui affecte de ne parler que du Christ -homme, Ecce homo, a Surveu of the Lift and Work of Jésus Christ, Londres, 1866. Th. Keim est encore un parlait spécimen de l’éclectisme libéral, mais avec une tendance très nette vers le rationalisme : d’un côté il ne veut pas dépasser les limites de la nature ; d’un autre, il est obligé de reconnaître que son héros, Jésus, va bien au delà de ces limites. 11 s’attache surtout à décrire le développement intérieur de Jésus, sa conscience messianique grandissant sous l’impression du succès comme sous celle de l’épi cuve cl de la contradiction. Voir surtout Geschichte Jesu van Nazara, 3 vol., Zurich. 1867-1872. — Beyschlag se) attache tant soit peu à l’école de Schleiermacher. Dans soii opuscule Ueber das Leben Jesu non Renan, Berlin, 1864, il paraît nettement rationaliste, mais sa pensée se modifie dans sa Christologie des Xcuen Testaments, Beilin, 1866, et surtout dans les deux volumes : Bas Leben Jesu, 4e édit.. Berlin, 1901. Beyschlag nie la préexistence éternelle du Logos ; le Sauveur est subordonné à Lieu le Père et cependant il faut reconnaître qu’aucun des écrivains du Nouveau Testament n’assimile Jésus aux créatures. — M. B. WeiSS a des prétentions a l’orthodoxie ; mais il ne croit pas strictement à la divinité du Christ : « les tentatives pour introduire dans le titre de Fils de Dieu… l’idée dogmatique d’une génération divine… sont simplement non fondées en histoire. » Lchrbuch dei biblisehtn Thtologit des y. T.. 7° édit., Leipzig, 1907, p. 61. Toutefois « la disposition moi aie de la filialité divine en Jésus doit avoir son fondement premier dans une relation oiiginelle que ci ée l’amour du Dieu Père à son égard. Id.. p. 61, note 3. M. Fairbairn, dans son étude érudite sur 771c Place of Christ in modtrn Thtology, 10e édit.. Londres, 1902. déclare de MM. Beyschlag et Bernhard Weiss que > tout en prenant des libertés a l’égard de la littérature (évangélique), ils regardent néanmoins Jésus comme appartenant, par le choit imprescriptible de son être Intérieur ou de son caractère, a un ordre qui dépasse celui de la nature », p. 285. Mais ils nient sa divinité ! On trouve encore des affirmations analogues chez M. Ilawiack pour qui Jésus est convaincu et conscient de sa haute mission, connaissant sa vocal ion, se sachant l’Élu de Dieu, le juge des hommes, le chemin qui conduit au Père : Qui accepte l’Évangile et s’efforce de connaître Celui qui l’a apporté, témoignera qu’ici le Divin est apparu, aussi pur qu’il peut apparaître sur la terre et il sentira que Jésus lui-même l’ut pour siens la puissance de cet Évangile. » Essence du christianisme, tr. tr., Paris, 1907, p. 176. Et pourtant proclamer Jésus Fils de Dieu, au sens objectif et réel du mot, serait i ajouter quelque chose à l’Évangile. »
    <L, ibid. Avec une tendance à tout ramener aux prédictions
    eschatologiques, M. Joli. Weiss admet aussi volontiers la transcendance messianique du Christ, tout au moins dans la conscience qu’avait Jésus de sa mission : il s’est personnellement considéré comme l’Élu par excellence, qui était plus qu’un prophète. Die Predigt Jesu vom Reiciie Gotles, 2’édit., Gœttingue, 1900, p. 64. On trouve la même note.au point de vue île la transcendance messianique du Christ, chez M. P. YYernle : Jésus de Nazareth s’est présenté avec la conscience d’être plus qu’un prophète… Jésus a la conscience d’être plus que simplement un homme.. L’étonnant en Jésus est qu’il ait conscience d’être au-dessus de l’humanité, tout en ayant la plus profonde humilité devant Dieu. » £> ! < Aniânge unserer Religion. Tubingue, 1901, p. 23-2). Citons encore M. II. Wendt : Nos sources synoptiques attestent que Jésus, en certaines occasions, quoique non fréquemment, s’est désigné comme le Fils de Dieu par excellence, dans un sens qui le place à part de tous les autres hommes… Mais elles ne donnent aucunement le droit d’attribuer à la relation filiale que Jésus déchu ait avoir avec son Père, un caractère différent en principe de celle qui. selon ses propres paroles, doit unir ses disciples à Dieu. » Die Lchre Jesu, 2e édit.. Gœttingue, 1901, t. i. p. 117. On remarquera que ces derniers auteurs placent tous la transcendance de Jésus dans sa conscience, dans sa conviction d’être supérieur aux autres hommes. C’est que, de plus en plus l’éclectisme libéral tend au rationalisme pur. Après le travail souterrain » de la critique (comme dit M. Sanday, The Life oj Christ in récent Research, Oxford. 1907, p. 166), il n’est presque rien resté des narrations évangéliques, sauf quelques rares éléments où semble encore s’affirmer une vague transcendance dans le Christ M. II. J. Holtzmann i éprenant la thèse chère à Hase et à Keim, établit a priori un progrès constant dans la conscience messianique de Jésus. Son plan de la vie de Jésus est rédigé d’api es saint Marc et dégagé de tout caractère surnaturel. « Il partage le ministère galiléen de Jésus en sept petites périodes, dons lesquelles il découvre un progrès constant : Marc. i. 1-45 ; n, 1-ni, 6 ; iii, 7-19 ; m. 20-rv, 34 ; iy, 36-vi, 6 ; vi, 7-vn, 37 : viii, 1-ix, 50. Le progrès en question concernerait spécialement, soit dînant le ministère galiléen, soit pendant les dernières semaines de la vie de Notre-Seigneur, le développement de la conscience messianique de Jésus. Son caractère de Messie aurait été .successivement reconnu : 1. par lui-même, au moment où il fut baptisé. Marc, i, 10-11 ; 2. par les démons, qui le proclamèrent malgré lui, Marc, i, 24-26 ; m. 11-12 : v. 6-8 ; 3. par hdisciples, à Césarée de Philippe, Maie iii, i, 27-30 ; 1. par le peuple, au moment de l’entrée tiiomphale à Jérusalem, Marc, ix, 1-11 : 5. de nouveau, par Jésus lui-même, et cette fois d’une manière publique, officielle, en face du grand prêtre Caïphe, qui le condamna a mort pour ce motif. Fillion, Les étapes…, p. 194. On a également distingué deux phases dans la vie du Christ, la phase des succès croissants qui va jusqu’à la discussion avec lis pharisiens, vii, 1-10, et la phase des revers et des échecs qui se termine par la catastrophe. Exagérations, sMèmes a priori ne tenant pas compte de 1’nomie » providentielle qui préside a la manifestation progressive de l’Homme-Dieu, cf. col. 1172-117 cependant, c’est sur ce plan que sont construites toutes les vies. libéralede N.-S. Jésus-Christ, qui oui été publiées en Allemagne au début decesiècle. Nou i citons d’après M. Fillion, op. cit., p. 195sq : MM.Oicar Holtzmann, Leben Jesu, Tubingue, 1909 ; P.-W. Schmidt, lu Geschichle Jesu erzâhlt, Tubingue, 1899 ; Oie Gesehichte Jesu erlûutert, Tubingue, 1904 ; H. Otto, n und Wirken Jesu nach hislorisch-kritischer Auffassung, Gôttingue, 4° édit., 1905 ; W. Bousset, Jésus, Tubingue, 1904 ; Was wissen voir von Jésus ? ! laile. 1904 ; Konrad Furrer, Dos Leben Jesu Christi, Zuiich, 2e édit., 1905 ; Armo Neumann, Jésus mer er ùchtlich war, Fribourg-en-B., 1904 : i dans le cadre de ce qui est purement humain, nous gardons un héros de la religion », p. lit I ; YY. I Iess, Jésus von S’aznreth im Worllaute eines kritiseh bearbeilelen Einheitsevangeliums et Jésus von Nazareth in seiner geschichtlichen Lebens-Entwicklung dargeslellt, Tubingue, lyOG ; E. Hùhn, Geschichle Jesu und der ûllesien C.hristenheit bis zur Mille des ztveilen Jahrhunderts, Tubingue, 190"> (simple essai de vulgarisation) : Otto Pfleiderer, Das Urchristentum, seine Schriften und I.ehren in geschichtlichem Zusammenhang beschrieben, Berlin, 2 édit., 1902 ; Die Enlslehung des Urchristentums, Munich, 1903 ; Das Christusbild des urchristUchen Glaubens in religionsgeschichtlicher Beleuchtung, I ici liii, 1907 ; P. Mehlhorn, "Wahrheit und Dichlung in den Evangelien, Leipzig, 1906. On retrouve les mêmes idées exposées dans les simples esquisses des auteurs suivants, que nous citons surtout d’après M. Fillion, MM. A. Harnack. surtout dans Das Wesen des Christentums, Berlin, L900 ; A. Jûlicher, Die Religion Jesu. dans le recueil Die Kultur der Gegenwart. t. i, fasc. 4, Leipzig, 1906 ; H. Weinel, Jésus, dans la collection Die Klassiker der Religion, Berlin, 1912 : Otto Schmiedel, Die lluuplprobleme der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, 2e édit.. 1906 ; Paul-Y. Schmiedel, Die Person Jesu im Slreile der Meinungen, Zurich, 190’. » ; II. von Soden, Die wichtigsien Fragen im Leben Jesu. Berlin, 1904 ; Fritz Resa, Jésus der Christ us, Bericht und Bostchaft in erster Gestalt, Leipzig, 1907 ; Friedrich Daab, Jésus von Nazareth, mie mir ihn heule sehen, Dusseldorꝟ. 1907 ; G. Pfanmùller, Jésus, im Urleil der Jahrhunderten Leipzig, 1908 (résumé de toute la littérature relative a N.-S. jusqu’à notre époque) ; A. Hausratb, Jésus und die neuleslamenllielien Schriflsleller. Berlin, 1909, résumé de Die Zeit Jesu, 3e édit., 1879 ; W. Ileitinuller, Jésus von Nazareth, dans Die Religion in Geschichle und Gegenivarl, Tubingue, 1913 : A. Schweitzer, Geschichle der LebenJesu-Forschuna, Tubingue, 1913. Toutes ces vies ou esquisses peuvent se résumer en deux idées, mises en relief par M. A. Meyer, dans sou opuscule : Was uns Jésus heule ist ? Tubingue, 1907 : « Aujourd’hui, nous renonçons sciemment au dogme de la divinité de Jésus ; cela, en nous appuyant sur des preuves convaincantes, empruntées à la vérité et à la religion » ; d’ailleurs « Jésus ne s’est jamais présenté comme un Dieu, pas même comme un thaumaturge et un personnage surhumain, t p. 21 ; mais s’il n’est pas Dieu, Jésus a du moins établi entre nous et la divinité des relations très étroites, et c’est de cela surtout que nous avions besoin ; c’est en ce sens qu’il nous a apporté une rédemption complète. C’est là sa transcendance. Et voici, pour en finir avec les protestants libéraux d’Allemagne, le dernier mol d’un autre maître de la théologie libérale, M. Rudolf von Delius, Jésus, srin Kampf, seine Perso nllchkeit und seine Légende, Munich, s. d. (19*)’)) : « l’impression principale que produit Jésus est celle-ci : c’était une ligure humaine forte, claire, mûre… Jésus était un me supérieur, et pour ainsi dire mis a pari auus de tout il pourquoi il ne pouvait’aire autrement que d’employer Uion du maître, impératifs souverains… Ce genre majestueux L375 JÉS1 S-CHRIST ET LA CRITIQUE RATIONALISTE « levait faciliter plus tard sa divinisation. » P. 124. 2. Le protestantisme libéral a son siège surtout en Allemagne. Toutefois, la France a fourni quelques ouvrages sur Jésus-Christ dans le sens des critiques libéraux d’outre-Rhin. Ou pour mieux dire, ces ouvrages sont de pures transpositions des théories écloses en Allemagne. Signalons rapidement les travaux de M. Auguste Sabatier, Les Religions d’autorité et la religion de l’Esprit, Paris, 1903 et surtout l’article Jésus-Christ, écrit pour V Encyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger, Paris, 1880, t. vii.p. 341401 : « Jésus a été un homme ». Il a pourtant une marque distinctive : * c’est d’avoir apporté dans le monde et conservé jusqu’à la fin. une conscience pleine de Dieu et qui ne s’en est jamais sentie séparée. » p. 342 : 367. M. Edmond Stapfer a publié : Jésus de Nazareth et le développement de sa pensée sur lui-même, Paris, 1872 et surtout, Jésus-Christ ; sa personne, son autorité, son œuvre, 3 vol., Paris, 1896, 1897, 1898. Jésus dit M. Stapfer, a avait, la conscience très nette… d’une union avec Dieu que rien n’avait jamais troublée dans le passé et que rien ne troublait dans le présent… Plus Dieu est avec lui et en lui. plus aussi s’accuse sa personnalité et se fortifie l’assurance que c’est lui qui est l’homme te’qu’il doit être, l’homme vrai, le Fils de Dieu. » 1. 1, p. 187. M. Fillion estime ces trois volumes « souvent très faibles et superficiels, malgré leurs prétentions psychologiques. » Op. cit., p. 211, Le Jésus de Nazareth de M. Albert Réville, 2 vol., Paris. 2e édit., 1903, sent « la fadeur et le convenu ». Les étapes, p. 213. Pour nier la divinité du Christ, M. Réville démolit pièce par pièce l’édifice évangélique ; toute la transcendance de Jésus consiste en ce qu’ « il repose en paix sur le sein du Père infini, laissant derrière lui la traînée lumineuse qui marque sa route, et attirant à lui les âmes de pieuse et bonne volonté. > Pour M. E. Giran, Jésus de Nazareth, Paris, 1901. l’âme de Jésus. - ce que l’apôtre appelle son être spirituel — vit dans le monde, pénétrant dans les cœurs de tous ceux qui le cherchent, jetant un frisson dans leur âme liée au péché, éclairant leur conscience. redressant leur volonté. » P. 154. Pour M. Gulgnebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, 1rs origines, Paris. 1906, nous ne savons avec certitude du Christ, que ce que nous en apprennent les Actes, ii, 22-23 ; x, 38-39 : Jésus de Nazareth a été un homme approuvé de Dieu et plein de ses dons ; il a vécu allant de lieu en lieu, faisant le bien, guérissant les malades que le démon opprimait et il es ! mort sur la croix par les mains des méchants. Plus orthodoxe, mais libéral encore est M, ] [enri Monnier, La mission historique du Christ, Paris. 1906. Jésus < n’a pas été le Fils de Dieu au sens strict, > p. 45. Même note chez MM..1. Réville Goguel, et d’i uires. 3. On trouve moins d’originalité encore chez, les protestants libéraux d’Angleterre et d’Amérique, qui soni allés puiser chez les Allemands les éléments de Uni connaissance du Christ. Alex. Robinson, A Sludy on ihe Saviour in the nieivrr Light, or a Present-Day Sludy o/ Jesus-Christ, 2e édit., 1898, déclare s’appuyer sur 11..1. Holtzmann, Keim, Pfleiderer, Weizsâcker, Hausrath, etc. Le même démarquage de la pensée aile mande se trouve chez M..I. Estlin Carpenter, Les tvan giles d’après la critique moderne, tr. fr., Paris, 1904. Des deux dictionnaires bibliques publiés en Anglelei i e, celui de Hastings, A Dictionary of the Bible, 5 vol., Edimbourg, 1898-1904, el -on supplément, ^ Dictio nary of Christ and the <, <>spels, 2 vol., Edimbourg, 1906 1908, est a coup sùi bien plus pics de nos idées touchant Jésus-Christ, nonobstant les nombreuses conce ioni au rationalisme, que celui de Chcyne, Encijclopedia biblica, I vol., Londres. L’article Jésus Christ de M. Bruce, dans cette dernière encj 1376 clopédie, t. n. col. 2435-2454, est plein de sous-entendus, relativement à la divinité du Christ à laquelle l’auteur ne semble plus croire. C’est encore le portrait du Christ libéral d’outre-Rhin qu’on retrouve chez M. J. A. Crooker, The Supremacy of Jésus, Boston. 1904, dans les ouvrages de Ch. Aug. Briggs, Messianie Prophecy, 1886 ; The Messiah of the Gospels, Edimbourg, 1894 ; The Messiah of the Aposlles, Edimbourg. 1895 : New Light on the Life of Jésus, 1904, et dans les commentaires de M. Gould, Crilical and exegelical Commentarij on the Gospel according to SI Mark. Edimbouig, 1897, et de M. W. C. Allen, Crilical and exegetical Commentarij on the Gospel accordinq to SI Matthew, Edimbourg, 1907. Un radicalisme plus absolu envahit l’IIistorical New Testament du pi ofesseur James MolTatt, tandis qu’un éclectisme déconcertant se rencontre chez M. E. C. Rurkitt. The Gospel Hislory and ils transmission, Edimbourg, 1906. Voir Fillion, Les étapes du rationalisme, p. 100. 4. Il est temps de conclure : la conception, vague et sans consistance, d’une transcendance dont il est impossible de définir le caractère, montre bien l’insuffisance de la position libérale. Il faut donc — et les textes sacrés nous y invitent avec une force de logique irrésistible, — aller au delà de cette tianscendance imprécise et mal définie, reconnaître avec le protestantisme orthodoxe et le catholicisme, Jésus-Christ pour le vrai fils de Dieu et contester le mystère de l’incarnation. M. E. Stapfer a entrevu la logique de cette conclusion, lorsqu’il écrivait : « Le Christ du quatrième évangile ne dépasse en rien celui que les synoptiques nous font deviner. Il nous aide à l’apercevoir. » Jésus-Christ pendant son ministère, p. 325. Avec M. Lepin nous formulons donc cette conclusion : « Ce qu’on relève de l’humanité réelle et vivante du Christ concorde avec le.sentiment tiès net de l’Église primitive comme de l’Église de nos jours et ne prejudicie. a priori, en rien, à ce que cette m Kglise enseigne de l’union substantielle de l’humanité du Christ avec la divinité. Par ailleurs, quand on voit placer ainsi Jésus sur un rang à part, au-dessus des I’i ophètes, quand on le voit déclarer le Médiateur suprême, le Fils de Dieu dans un sens incompaiable et unique, quand des critiques, se tenanl exclusivement sur le terrain des faits, parlent comme font M. Wernle et M. Ilarnack. du « surhumain > et du « divin » en Jésus, on a le droit de soupçonner que le dogme de la consubstantialité du Christ avec son Père n’est pas aussi indépendant qu’on veut le dire des données de l’histoire et que M. SlapTer pourrait lui-même avoir raison, lorsqu’il déclare, op. cit., p. 327, que les faits sont « Inexplicables si Jésus n’a pas été un être à part, au-dessus et en dehors de l’humanité, telle que nous la connaissons. » Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 237. C’est à cette conclusion consolante qu’arrivent d’ailleurs, nonobstant certaines concessions regrettables faites à l’esprit libéral, un petil nombre d’auteurs piotestants. Citons M. 1’. Godet, dans ses Commentaires sur sai/d Lue et sur saint Jean. Neuchâtel, 1872 et 1876 ; II. P. l.iddon, The Divinitu of our Lord and Saviour Jesus-Christ, Londres, 1866. c. l ; Stevens, The Theology of the N. T., Edimbourg, 1901 ; The Teaching of Jésus. Edimbourg, IJ902 ; C. Gore, Dissertations on suhiects connectai with the Incarnation, Oxford, 1895 ; R. L.Ottley, ait. Incarnation, dans A Diclionnrq of the Bible de Hastings, et, dans la même encyclopédie. W. Sandav, art. Jesus-Christ ci San <>i Cad ; J. gar Beet, art. Christologg. 2° Le rationalisme pur. Il est souvent difficile de distinguer le rationalisme pur du protestantisme libéral, tant ces deux tendances ont de principes communs et de conclusions identiques. Cependant la critique rationaliste a comme caractéristique, louchant 1’* 61
      1. JÉSUS-CHRIST II l##
    JÉSUS-CHRIST II l. CRITIQUE RATIONALISTE L378 la personne historique <UJésus-Christ, de l’envisager sans aucune transcendance : Jésus non seulement n’est pas Dieu mais c’esl un homme comme les autres hommes, sujel comme le sont tous les hommes, aux erreurs, aux illusions de toutes sortes. Reste à expliquer cette assertion en face des évangiles, en regard du fait chrétien « letemps apostoliques et, plus généi alement encore, de toute l’histoire de l’Église. C’est dans eette explication que se manifeste l’apriorisme absolu îles solutions rationalistes. Ces suintions. écrit excellemment M. de Grandmaison, impliqueni deux défauts radicaux qui vicient l’effort, souvent considérable, des auteurs. Leurs opinions philosophiques forcent en etïet ceux-ci : premièrement, a simplifier indûment les textes évangéliques et les données historiques du christianisme ; deuxièmement, à multiplier parallèlement les conjectures les moins plausibles : infiltrations païennes, pastiches littéraires, rédactions compliquées, états d’âme chimériques des acteurs du grand draine.’Ici écrivain ne veut d’aucun miracle : tel autre laisse subsister celles des guérisons qu’il estime possibles. Celui-ci recourt a la mythologie babylonnienne ; celui-là, à l’eschatologie iranienne. 1.’étude des documents sous-jacents > aux évangiles permet à la virtuosité des exégètes de multiplier les versets contestés, les artifices rédactionnels, les interpolations, i Ait. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, t. n. col. 1373. 1. Le père du rationalisme théologique est Reimarus i - ; 1768), qui. poui établir sa thèse préconçue, ne tient aucun compte des textes. Si Jésus prêche la pénitence, la conversion, l’amendement, c’est en vue de fonder l’empire qu’il lève d’établir sur terre, en restaurant en sa faveur l’ancienne royauté juive. Mais ses menées révolutionnaires manquent d’habileté, et les chefs d’Israël, indignés, l’arrêtent et le font mourir sur la croix. Les apôtres ont écrit des évangiles volontairement faussés, dans le but d’entretenir dans l’âme candide des premiers chrétiens l’attente du second avènement de Jésus. C’est donc sur la double imposture de Jésus et des apôtres que se fonde le christianisme. L’œuvre de Reimarus. Apologie oder Schulzschri /l fur die rerniïn/ligen Verehrer Golfes, publiée seulement en partie dans les Beitrûge (Documents) de Lessing, Berlin. 4e édit., 1835 est une œuvre de haine vivante et ouverte contre Jésus-Christ. L’appréciation est de Hase. Die Geschichle Jesu, 1e édit., p. 147. — Karl Friedrich Bahrdt (+ 1702) en un énorme ouvrage de onze volumes, Ausfùhrung des Plans und Zwerks Jesu. Berlin, 1781-1793, ravale pareillement Jésus au niveau d’un vulgaire ambitieux, formé par Nicodème et Joseph d’Arimathie pour réaliser le seins secrets de la secte des Bsséniens. Tout s’explique dans la vie de Jésus, par l’influence occulte ou voilée des Esséniens. Mais rien n’est surnaturel : le miracle n’y existe pas. A peine différentes des théories de Bahrdt sont celles de Karl Ileinrich Yenturini (’1801), dans sa Natùrliche Geschichle’des grossen l’rojtheten’on Nazareth, I vol., Copenhague, 2 édit., 1806, avec cependant certains détails d’une trivialité choquante. Il est difficile de trouver, en ces premiers auteurs ratio Batistes, quelque chose à admirer, bien nue M. Schwcitzer ne leur refuse point son admiration. Cf. l’on Iteimarus ; u Wrede, eine Geschichle der f.eben-Jesu-Forschung, ’I ubincue, 1906, p. 22-24 ; 17. 1 eurs livres sont bien plutôt dictés par l’esprit de la basse invective. Cf. Weinel, Jésus im neunzehnten Jahrhundert, p. 17. 2. Le nom de Paulus († 1851) t marque une étape » dans le progrés du rationalisme. Il déclare que le merveilleux en Jésus, c’est lui-même : c’est soi] âme pure et joyeusement sainte, … quoique toute humaine. i Dos Leben Jesu als Grundlage einer r* hichte DICT. DE THÉOL. CATHOL. des Urchristentums, 2 vol.. Eieidelberg, 1828. Cf. les commentaires sur les Évangiles, 1800 1805. Mais c’est l’âme toute humaine i, qui l’attire exclusivement. Cl parce que les récits miraculeux de l’Évangile sont un démenti à son assertion, il s’efforcera tic les expliquer naturellement. On verra plus loin ce que valent ses explications, rejetées même parles rationalistes comme Strauss et Renan. .’i. On sait comment Strauss (-f 187I) dans sa Vie de Jésus-Christ. Dus Leben Jesu kritisch bearbettet, Tubingue, l- édit., 1840, tr. lï. d’E. Littré, Paris, 1840, rejetant les explications trop naturelles i de Paulus, tentait d’expliquer tout le surnaturel de la vie de Xotre-Seigneur. et par conséquent la croyance en sa divinité, par la théorie du mythe. Voir, dans le Dictionnaire de la Bible tic M. Vigouroux, l’art. Mythique (Sens), t. iv. col. 1386. Plus tard, il ne conservera du mythe que le nom : le mythe n’est plus une création inconsciente ; c’est une invention plus ou moins réflé chic. C’est ainsi que les disciples de Jésus, racontant la vie du Maître, ont créé, d’après leur propre conception, le Chiist idéal, et le Christ idéal, c’est l’Humanité personnifiée. Leben Jesu fur das deutsche Voit bearbeitet, Leipzig, 1864. Plus tard encore, il adaptera à ses thèses la doctrine de Tévolulionnisme ; qui veut tout expliquer sans Dieu et sans miracle. Der aile und der neue (daube, Leipzig, 1872. 4. Les mêmes idées - deuxième et troisième manière de Strauss, - se retrouvent chez Baur († 1860), le chef de l’école dite de Tubingue. Les explications de Baur touchant l’origine du christianisme reposent, en effet, sur les deux théories du « Christ idéal el de 1’ « universel devenir. Voir principalement : Si/mbolismus und Mythologie, Tubingue, 1825, et Y Histoire de l’Église, parue en 1853 sous le titre : Dos Christenlhum und die christliche Kirche in den drei ersten Jahrhunderten, Tubingue. 2° édit., 1860. Au dire de Baur, le christianisme ne représenterait qu’une phase transitoire du devenir religieux de l’humanité. L’idée religieuse s’épanouit et se développe par une évolution régulière et nécessaire (process), dans la succession des âges et dans toute l’humanité. Jésus de Nazareth a recueilli cette idée, élaborée et préparée par ses devanciers durant de longs siècles ; son seul mérite est de l’avoir vivifiée et rendue capable de conquérir le monde en la jetant dans le moule juif du messianisme. Quant aux évangiles, ils ne sont ni authentiques, ni très anciens sous leur forme actuelle : ils n’ont pas de valeur historique et représentent les « tendances » opposées du « pétrinisme » et du « paulinisnie i au cours du second siècle, reprises toutefois avec un évident esprit de conciliation. Le vrai fondateur du christianisme sous sa forme actuelle, c’est Paul beaucoup plus que Jésus. Cf. Ueber die Christus Partei : u Korinth, dans la Tùbinger Zeitschrift, 1831 ; Ueber die sogenannten Pastoralbriefe des Apostels Paulus, ’Tubingue, 1835 ; Paulus der Apostel Jesu Christi, 2’édit. 1866 ; Kritische Vnlersuchungen ùber die canonischen Evangelien, ihr Verhâltniss : u elntmder, ihr Ursprung und ihr Charakter, 1847. Quant a l’évangile de saint Jean, c’est moins une histoire du Christ qu’un résumé de la théologie chrétienne du premier âge. Voir l’ouvrage précédemment cité et Dos Markusevange Hum nach seinem Ursprung und Charakter, 1851. Parmi les disciples de Baur, qui se firent les champions des idées du maître parfois en les exagérant, souvent en les modifiant et en les corrigeant, citons Albert Schwegler, Das næhapostoliche L’Huiler in dm Haupt momenien seiner Enlwicklung, 2 vol., Tubingue, 1846 ; — Edouard Zeller, Die Apostelgeschichte nu<h ihrem Inhall und Ursprung kristlsch untersuchl, Stuttgard, 1854, ii, sur Baur et son école, Die Tùbinger historische Schule, dans ses VortrOge ami Abhandlungen, 2’édit.. VIII M 13741 JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE RATIONALISTE 1380 1875 ; - Gustave Volkmar (dans un sens ultra-radical), Die Religion Jesu und ihre erste geschiclitliche Entwicklung, Leipzig, 1857 : Der Ursprung unserer Evangelien nach den Urkunden, Zurich, 1866 ; Das Evangelium îles Markus und die Synopse, Leipzig, 1869 et surtout Jésus Nazarenus und die ersle christliche Zcit… Zurich, 1882, — Kar’.-Reinhold Kôsllin (dans un -eus plus conservateur), Ueberden Ursprung und Composition drr synoplischen Evangelien, Tubingue, 1853 : Der johannische Lehrbegrifꝟ. 1857 : — Adolphe Hilgenfeld, Das Evangelium und die Briefe Johannis nach ihrem Lehrbegriff, Halle, 18-19 ; Das Markusevangelium, Leipzig, 1850 ; Die Evangelien nach ihrer Enlstehung und geschichtlichen Bcdculung, Halle, 1854 (fait une part plus large à la critique externe) ; — Henri Jules Holtzmann, qui par sa modération relative, ne mérite pas le nom de rationaliste pur, voir col. 1373 : Die synoplischen Evangelien, ihr Ursprung und ihr geschichtlicher Charakter, Tubingue, 1863 ; Lchrbuch der hislorisch-krilischen Einleiiung in das N. T., Fribourgen-Brisgau, 3e édit., 1892 ; Synoptiker, dans le Hand-Commentar xum N. T., Fribourg-cn-Brisgau., 2e édit., 1892 ; Evangelium… des Johannes, dans la même collection, 3e édit.. 1901 ; Lchrbuch der neutestamentlichen Théologie, 2e édit., 1896-1897 ; — Cari Weizsâcker (la même modération relative que Holtzmann et atténuant considérablement dans le sens orthodoxe les théories de Baur), Untersuchungen ùber die evangelische Geschichte, ihre Quellen und den Gang ihrer Entwicklung, Gotha, 1864 ; Die apostolische Zeitalter drr christlichen Kirche, ’.V édit., 1901. Si nous avons cité tous ces ouvrages de l’école de Tubingue, c’est que dans tous, et souvent en des sens divers sont agitées et résolues les questions concernant l’apparition tardive et la priorité réciproque des évangiles. C’est parce que les évangiles sont des œuvres du iie siècle que Baur et ses disciples peuvent échafauder leur système. Et voici que la critique historique a renversé impitoyablement ce prétendu fondement de Baur. 5. Il faut donc que les rationalistes eux-mêmes acceptent l’historicité essentielle des évangiles et les considèrent comme des documents transmis par la première génération chrétienne elle-même. Ce nonobstant, plutôt que de reconnaître le caractère surnaturel de la vie et de la personne de Jésus, ils maintiendront les deux thèses fondamentales de l’incrédulité savante ébauchées par Strauss : le Christ idéal doit être opposé au Christ historique et l’évolution religieuse expliquer le caractère surnaturel île certains récits. Mais comment concilier le double Christ -et l’évolution avec l’Evangile ? Est-ce Jésus qui par autosuggestion s’est abusé lui-même sur son caractère et sa mission ? Ne serait-ce pas au contraire la première génération chrétienne qui aurait donné au problème du Christ une réponse sans appui dans la réalité, la solution de la foi, diamétralement opposée à celle qu’aurait dû fournir l’histoire. Le rationalisme hésite entre ces deux attitudes, toutes les deux inconsistantes en regard des lexles sacrés étudiés sans parti pris. a) l.a première a élé celle de Renan († 1892), « huis sa Vie de Jésus, dont la 1e édit.on parut en 1863. Le point de dépari de tout le travail psychologique accompli en Jésus a été la conviction profonde de son union intime avec Dieu. Jésus est persuadé que les prophètes n’ont écrit qu’en vue de lui ; il se croit avec Dieu dans les relations d’un (ils avec son père, et, partant, il s’estime incomparablement au-desssus des autres hommes, Celle conviction profonde tient aux nés mêmes de l’être de Jésus. Convaincu de sa filiation divine, il voudra y faire participer les autres hommes : c’est l’origine du i royaume de Dieu », que Jésus voulait fonder sur terre. Soutenu et encouragé par l’enthousiasme de ses disciples, Jésus crée lui-même sa légende et, sans qu’on puisse pour cela l’accuser d’infatuation ou de démence, il y croit lui-même. Cette croyance l’amenait à prêcher avec plus de force ses idées sur le royaume futur qu’il doit établir ; les oppositions des pharisiens surgissent, menaçantes. Jésus entrevoit alors sa mort comme possible, comme prochaine : c’est donc lui vraiment le Sauveur des hommes, puisque, par sa mort, il devra sauver le monde. Ainsi, à force de vouloir expliquer le problème du Christ à l’aide de la seule psychologie humaine, Renan arrive à faire de Jésus un exalté, un véritable halluciné. Nous dirons plus loin comment il explique les miracles. b) Vaut-il mieux, avec d’autres rationalistes, chercher l’explication du problème du Christ dans l’illusion de la première génération chrétienne, idéalisant par la foi le Christ historique ? C’est l’idée qu’a émise M. Loisy, assez timidement d’abord dans Le quatrième Évangile, Paris, 1903 ; plus nettement dans Les évangiles synoptiques, Cef fonds, 1907, 1908, et en la généralisant dans Jésus et la tradition evangélique, Paris, 1910. A dire vrai, cette conception est celle de tous les libéraux et rationalistes allemands qui distinguent, après Strauss (deuxième façon) le Christ de l’histoire et le Christ idéal, ou plus simplement Jésus et le Christ. Mais par son analyse et sa critique outrancières, M. Loisy arrive à rejeter sur des conceptions postérieures, successivement accueillies et interpolées dans le texte sacré, tous les éléments qui constituent le caractère surnaturel et divin de Jésus. Du Christ historique, nous ne savons rien ou bien peu de chose. Seul, le Christ de la foi nous apparaît dans les récits évangéliques lesquels, dans leur teneur actuelle, sont le résultat de mille additions et interpolations faites au texte du récit primitif. Un texte est-il embarrassant ? qu’importe s’il existe dans tous les manuscrits et s’il porte en soi toutes les marques possibles d’authenticité. Le Christ « historique » n’a pu agir, n’a pu parler ainsi : donc, le texte n’existe pas. Ainsi, on déclare inauthentiques Matth., xxvi, 63-65, Marc, xiv. 61-64. Jésus y affirmant trop nettement sa divinité : ainsi sera déclaré interpolé Matth., xi, 25-27. Le même sort sera réservé à Matth., xxiv, 36, où Jésus parle du < Père » ; à Luc, xx, 9-19, où la parabole des vignerons indique si clairement la filiation divine du Christ ; a la confession de saint Pierre à Philippe de Césarée, Matth., xvi, 16, Marc, viii, 29, Luc, rx, 20 ; à la déclaration de Jésus touchant sa filiation davidique, et à la leçon qu’il en tire, Marc, xii, 35 sq., Matth., xxii, 12 sq., Luc, xx, 41 sq. Le texte trinitaire de Matth., xxviii, 19 n’a ni la portée doctrinale qu’on lui attribue, ni vraisemblablement l’authenticité voulue quant à la formule baptismale qui est sans doute d’introduction postérieure. Cf. Évangiles synoptiques, loc. cit. Faut-il ajouter que Jésus ne s’est jamais attribué les pouvoirs divins ? il n’a prétendu ni remettre les péchés, ni conférer ce pouvoir à d’autres. Le récit de la guérison du paralytique de Capharnaum, Marc, ii, 1-2, Matth., ix, 1-8. Luc, v, 17-26, est vraisemblablement « une surcharge rédactionnelle, tendant à transformer une guérison extraordinaire en preuve théologique i. Il faut en dire autant de Luc, vii, 36-50 et aussi de Matth., wi. 19 ; wni. 18. Jésus ne s’est ni « placé au-dessus du Temple », figure introduite par Matth.. XU, 5-6, ni déclaré « le Maille du sabbat », réflexion surajoutée dans Marc, il, 28 ; Matth., xii, 8 ; Luc. VI, 5. Il n’a jamais déclaré que « ses paroles ne passeraient pas » ; celle assertion devait sans doute être mise primitivement dans la bouche de Dieu lui-même Il n’a jamais émis la prétention de juger un jour les - vivants et les morts ; la description du jugement dernier, telle qu’elle se Irouve dans Matth., xxv, 31-46, doit avoir JÉSl S-CHR IS I III A CRITIQ1 E MODERN ISTE i onçue par l’évangéliste lui-même. On voit par là combien le procédé est systématique et absolu. C’est par un procédé analogue que M. Jean Réville, Le quatrième évangile, son origine et sa râleur historique. Paris 1900, refuse à cet écrit toute valeur historique. Il faut choisir ou saint Jean ou les synoptiques, attendu qu’un abîme infranchissable les sépare. A aucun point de vue, le Christ du quatrième évangile n’est historique ; c’est déjà le Christ de la foi, du dogme. Sur cette question spéciale, voir M. Lepin, La valeur historique du quatrième évangile, 2 vol., Paris, 1910. En Angleterre M. F. C. Conybeare va plus loin encore et enseigne que le Nouveau Testament s’occupe de deux personnes distinctes, l’une fictive, l’autre réelle : celle-là est le Christ et celle-ci est Jésus. Paul de Tarse a inventé le Christ Actif, le Christ des évangiles, le Christ de l’Église et du dogme. Myth. Magic and Morab, Londres, 1908. Quant aux hypothèses par lesquelles les « critiques » émettent et réduisent les synoptiques à un petit nombre de morceaux authentiques dont le surnaturel est évidemment exclu, il n’entre point dans le cadre de cet article de les retracer. Nous avons, relativement aux textes qui concernent la personnalité de Jésus, rappelé tout à l’heure les procédés de M. Loisy. Ceux des critiques d’outre-Rhin sont du même genre. Voir L. Cl. Fillion. Les étapes du rationalisme, p. 137-180. Sur les théories chronologiques de M. Loisy, on lira tout spécialement les ouvrages de M. Lepin, Les théories de M. Loisy, Paris, 1908 ; Christologie. Paris, 1907 ; Jésus, M’ssie et Fils de Dieu, d’apris Us évangiles synoptiques, Paiis. 1910, principalement p. 238-267 et l’appendice p. 425-480. Dans ce dernier volume on trouvera aussi signalés les rapprochements et les dépendances à établir entre M. Loisy et les principaux rationalistes allemands. 6. Avant de clore ce paragraphe sur les négations du rationalisme, faut-il brièvement rappeler les excès positifs auxquels se sont portés quelques esprits aveuglés par leur ultra-radicalisme ? Les uns ont, nous l’avons vii, nié l’existence historique de Jésus, cf. col. 1362. D’autres ont traité le divin Maître, non seulement comme un « extatique, c’est-à-dire une sorte d’illuminé, faisant tomber les autres dans l’erreur où il se fourvoyait lui-même (cf. A. Julicher, Die Gleichnisreden Jesu, Tubingue, 1899, t. ii, p. 8-9 ; O. Holtzmann. War Jésus Ekstaliker ? Tubingue, 1903 ; J. Bauman, Die Gemùlsarl Jesu. nach fetziger wissenschaftlicher, insbesondere jetziger psi/chologischer Méthode erkennbar gemacht, Leipzig, 1908) ; mais encore comme un insensé, un fou vulgaire auquel il aurait fallu appliquer le traitement des aliénés. D r de Loosten (Georges Lomer), Jésus Clvristus vom Standpunkt des Psychialers, eine krilische Studie fur Fachleute und gebildete Laien, Bamberg, 1905 ; Emile Basmussen, Jésus, eine vergleichende psychopathologische Studie, Leipzig, 1905. De bonnes réponses ont été faites à cr-s absurdités sacrilèges. Signalons Philippe Kneib (catholique), Moderne Leben-Jesu, Forschung unter dem Einflusse der Psychiatrie, Mayence, 1908 ; Hermann Werner (protestant), Die psychische Gesundheil Jesu, Berlin, 1909. En France, M. Jules Soury, Jésus et les évangiles, Paris, 1878, avait osé affirmer, lui aussi, que Jésus, comme la plupart des grands hommes, n’est qu’un « problème de psychologie morbide ». La dignité morale de Jésus, mise en doute par Beimarus d’une façon hardie, plus timidement par Strauss et Benan, a été violemment attaquée par certains critiques libres penseurs allemands, Tsehirn, Der Mensch Jesu ; Moritz von Lgidy, Jésus fin Mensch, nicht Goltessohn ; ein Fedhebrief gegen das falsche Kirchenchristentum ; Wolfgang Kirchbach, cité par IL Weinel, Jésus im ncunzehnlen Jahrhundert, p. 1 12 i lot, et dans de hideux pamphlets répandus par quelques - démocrates-sociaux : cf. Weinel, op. cit.. p. 179 et H. Kohler. Soztaltstlsehe lrrlrhrcr ilber die Fntstchung des Christentums, Leipzig, 1885. Des blasphèmes analogues si’rencontrent chez M. von Hartmann, Das Christentum <les S. T., Sachsa, 1905 ; cf. Schweitzer, Von Reimarus…, p. : ’.1T 318 ; Weinel. op. cit., p. 297* t dans l’anonyme pamphlet Finsternisse : die Le lire Jesu in Lichle der Kritik, Zurich, 1899. Sans aller aussi loin M. E. Ilact témoigne à l’égard du Christ et de sa haute ver tu un dé ain et une incrédulité méprisante, dans soir grand ouvrage : Le christianisme et ses origines, t vol., Paris, 1871-1884. Mais arrêtons là cette recension : les ouvrages que nous avons signalés ont si peu d’intérêt et de valeur qu’ils mériteraient plutôt d’être passés sous silence. F. VitÇouroux, Les livres saints et la critique rationaliste, Paris, 1901, spécialement t. i et n ; L. Cl. Fillion, Les étapes du rationalisme, dans ses attaques contre les évangiles et la vie de J.-C, Paris, 1910, La guerre sans trêve à l’Evangile et « Jésus-Christ, Paris, 1913 ; M. Lepin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, d’après les évangiles synoptiques, Paris, 1910 ; Jakob Muller, Der historische Jesu der protestant isclwn freisinnlgen LebenJesu-Forschung, dans la Zeitschrift fur kath. Théologie 1912, p. 425-464 ; 665-715 ; Albert Ehrhard, Das Christusproblem der Gegemvart, Mayence, 1914 ; A. M. Fuirbaim, The Place of Christ in modem Theology. Londres, ÎO" édit., 1902, spécialement p. 191-297 ; William Sanday, The Life of Christ in récent research, Oxford, 1907, spécialement p. 35-200 ; A. S. Martin, Christ in modem Thougi, dans le Dictionary of Christ and the Gospels, t. ii, p. 867 ; Karl August von Hase, Geschichte Jesu nach akademischen Vortesungen, 2’édit., Leipzig, 1891, spécialement p. 137-204 ; II. Weinel, Jésus im neunzehnten Jahrhundert, 2° édit., Tubingue, 1907 ; A. Schweitzer, Geschichte der Leben Jesu Forschung, Tubingue, 1913 (2e édit., de l’ouvrage : Von Reimarus zu Wrede, 1906) ; Otto Schmiedel, Die llauptprobleme der Leben Jesu Forschung, Tubingue, 1907 ; H.J. Holtzmann, Das messianische Beujusstsein Jesu, Tubingue, 1907. Cf. L. Cl. Fillion, Ce que les rationalistes daignent nous laisser de la vie de Jésus, Revue du clergé français, 1908, 1 er juillet, 1° août, 15 septembre ; L. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t.n, spécialement, col. 13611374. 3° Le modernisme. Le modernisme est un rationalisme déguisé. On le retrouve sous les formules ondoyantes et hésitantes de MM. Loisy, J. Réville, Sabatier et de la plupart des « libéraux i allemands. Nous nous contenterons de rapporter ici les textes de l’encyclique Pascendi qui proposent la synthèse du modernisme touchant la personne du Christ et les propositions condamnées dans le décret Lamentabili. 1. L’encyclique PASCENDI. a) f.cs règles de la critique moderniste appliquées à la personne historique de Jésus. — Il ne faut pas croire que l’inconnaissable (qui est l’objet de la foi) s’offre à la foi, isolé et nu ; il est au contraire relié étroitement à un phénomène qrri, pour appartenir au domaine de la science et de l’histoire, ne laisse pas de le déborder par quelque endroit ; ce sera un fait de la nature enveloppant quelque mystère ; ce sera erreorc un homme, dont le caractère, les actes, les paroles paraissent déconcerter les communes lois de l’histoire. Or, voici ce qui arrive : l’inconnaissable dans sa liaison avec le phénomène, venant a amorcer la foi, celle-ci s’étend au phénomène lui même et le i n quelque sorte de sa propre vie. D( équences en dérivent. Il se produit, en premier lieu, une espèce de transfiguration du phi , que la foi hausse au-dessus de lui-même et de sa vraie réalite, comme pour le mieux adapter, ainsi qu’une matière, à la forme divine qu’elle veut lui donner. Il s’opère, en second lieu, unee pèce de défiguralion du phénomène, s’il est permis d’employei ce mot, en ce sens que la toi, l’ayant soustrait aux conditions de l’e du temps, en n Ien1 à lui al 1 1 Ibuei 1.183 JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE MODERNISTE 1384 choses qui. selon la réalité, ne lui conviennent point. Ce qui arrive surtout, quand il s’agit d’un phénomène du passé, et d’autant plus aisément que ce passe est plus lointain. De cet le double opération les modernistes tirent deux Uns qui, ajoutées a une troisième, déjà fournie par l’agnosticisme, forment comme les l.ases de leur critique historique. Un exemple éclaireira la chose, et Jésus-Christ va nous le fournir. Dans la personne du Christ, disent-ils, la science ni l’histoire ne trouvent autre chose qu’un homme. De son histoire donc, au nom de la première loi, basée sur l’agnosticisme, il faut effacer tout ce qui a caractère de divin. I.a personne historique du Christ a été Iransfigurée par la foi : il faut donc retrancher.encore de son histoire, de par la seconde loi, tout ce qui l’élève au-dessus des conditions historiques. Enfin, la même personne du Christ a été défigurée par la foi : il faut donc, en vertu de la troisième loi, écarter en outre de son histoire les paroles, les actes, en un mot, tout ce qui ne répond point à son caractère, à sa condition, à son éducation, au lieu et au temps où il vécut ». Condamnation du modernisme, Tournai-Paris, 1907, î. Kncyclique Pascendi, texte latin et français, p. 13-15. />) Le savant et le croyant en /ace de Jésus-Christ. — « (L’objet) de la foi est justement ce que la science déclare lui être à elle-même inconnaissable : … la science est toute aux phénomènes, la foi n’a rien à y voir ; la foi est toute au divin, cela est au-dessus de la science… Kntre la science et la foi, il n’y a point de conflit possible : qu’elles restent chacune chez elle, et elles ne pourront jamais se rencontrer, ni partant se contredire. Que si l’on objecte à cela qu’il est certaines choses de la nature visible qui relèvent aussi de la foi, par exemple, la vie humaine de Jésus-Christ : ils le nieront. Il est bien vrai, diront-ils, que ces choses là appartiennent par leur nature au monde des phénomènes ; mais, en tant qu’elles sont pénétrées de la vie de la foi, et que, en la manière qui a été dite, elles sont transfigurées et défigurées par la foi, sous cet aspect précis les voilà soustraites au monde sensible et transportées, en guise de matière, dans l’ordre divin. Ainsi, à la demande : si Jésus-Christ a fait de Mais miracles et de véritables prophéties, s’il est ressuscité et monté au ciel : non, répondra la science agnostique ; oui, répondra la foi. Où il faudra bien se garder pourtant de trouver une contradiction : la négation est du philosophe parlant à des philosophes, et qui n’envisage Jésus-Christ que selon la réalité historique ; l’affirmation est du croyant s’adressant à des croyants, et qui considère la vie de Jésus-Christ, comme vécue â nouveau par la foi et dans la foi >. Id.. p. 25-27… « Tout est pesé, tout est voulu chez (les modernistes), niais à la lumière de ce principe que la foi et la science sont l’une à l’autre étrangères… Kcrivciit-ils l’histoire ? nulle mention de la divinité de Jésus Christ ; montent-ils dans la chaire sacrée ? ils la proclament hautement. » Id., p. 29. c) Les progrès de lu jui dans l’intelligence du rôle de Jésus. (Les modernistes) posent ce principe général que, dans une religion vivante, il n’est rien qui ne soit variable, rien qui ne doive varier. D’où ils passent à ce que l’on peut regarder comme le point capital de leur système, savoir l’évolution. Des lois de l’évolution, dogme. Église, culte, livres saints, foi même, lout est tributaire… Commune a tous les hommes et obscure fut la forme primitive de la loi. parce que précisément elle prit naissance dans la nature même et dans la vie de l’homme. Ensuite, elle progressa et ce fui par évo lui ion Vitale, c’est a dire… par pénétration croissante du sentiment religieux dans la conscience… Pour explique] ce progrès de la toi, il n’y a pas à recourir à d’autres causes qu’à celles la mêmes qui lui donnèrent ne, si ce n’est qu’il faut y ajouter l’action de cri tains hommes extraordinaires, ceux quc nous appelons prophètes, et dont le plus illustre a été Jésus-Christ. Ces personnages concourent au progrès de la foi. soit parce qu’ils Offrent, dans leur vie et dans leurs discours, quelque chose de mystérieux dont la foi s’empare et qu’elle Huit par attribuer à la divinité, soit parce qu’ils sont favorisés d’expériences originales, en harmonie avec les besoins des temps où ils vivent, i Id., p. -15. </) Lu formation du dogme de Jésus-Christ, Dieu et homme ? Le progrès du dogme est dû surtout aux obstacles que la foi sait surmonter, aux ennemis qu’elle doit vaincre, aux contradictions qu’elle doit écarter. Ajoutez-y un effort perpétuel pour pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères. Ainsi est-il arrivé… que ce quelque chose de divin que la foi reconnaissait en Jésus-Christ, elle est allée l’élevant, l’élargissant peu à peu et par degrés, jusqu’à ce que de lui finalement elle a fait un Dieu. Id.. p. 15-17. e) Irréalité du Christ de la fia. En vertu des principes exposés en premier lieu et que l’encyclique rappelle encore à propos du moderniste historien, op. eil., ], . 51, les modernistes i dénient au Christ de l’histoire réelle la divinité, comme à ses actes, tout caractère divin ! quant à l’homme, il n’a fait, ni dit quèce qu’ils lui permettent, eux-mêmes, en se reportant flux temps où il a vécu, de faire ou de dire. Or, de même que l’histoire reçoit de la philosophie ses conclusions toutes faites, ainsi de l’histoire, la critique. En effet, sur les données fournies par l’historien, la crit ique fait deux parts dans les documents. Ceux qui répondent à la triple élimination (cf. supra, col. 1382) vont à l’histoire de la toi ou à l’histoire intérieure : le résidu reste à l’histoire réelle. Car ils distinguent soigneusement cette double histoire ; et ce qui est à noter, c’est que l’histoire de la foi. ils l’opposent à l’histoire réelle, précisément en tant que réelle : d’où il suit quc des deux Christs.pic nous avons mentionnés, l’un est réel, l’autre celui de la foi. n’a jamais existé dans la réalité ; l’un a vécu en un poinl du temps et de l’espace, l’autre n’a jamais vécu que dans les pieuses méditations du croyant. Tel par exemple le Christ que nous offre l’évangile de saint Jean : cet évangile n’est d’un bout à l’autre qu’une pure contemplation. » Id.. p. 52-53. On le voit : le modernisme n’est qu’un démarquage à peine déguisé du rationalisme allemand : naturalisme, agnosticisme, évolutionnisme. Christ idéal, illusion des générations chrétiennes, tout ce qu’avait inventé, contre la divinité de Jésus et le surnaturel de ses œuvres, les génies destructeurs de Strauss et de liaur, tout s’y retrouve sous des formules équivalentes. 2. Les propositions christologiques du modernisme, condamnées par le décret LAMENTABILI. a) Sur les documents d’origine chrétienne relatifs à Jésus-Christ : prop. xm-xviii. xiii. Parabolas evanCe sont les évangélistes gelicas Ipsimet evangelistac eux-mêmes et les chrétiens ae Christian ! secundæ et terde la seconde et de la troi tise generationis artiflciose sième génération qui ont arti digesserunt, atque ita ratioflciellement élaboré les para » ne.ni dedenml exigui fructus boles évangéliques.etquiont prœdicationis Christi apud ainsi rendu raison du pende Judeeos. fruit de la prédication du Christ auprès des Juifs. iv. - In pluribus narraEn beaucoup de récits, les tionibus non tam quai vera évangélistes ont rapporté sunt evangelistæ retulerunt, non pas tant la réalité que ca quam quæ lectoribus, ctsi qu’ils ont estimé, quoique falsa, censuerunt manis profaux, plus profitable a leurs licua. lecteurs. w. Evangelia usque ad Les évangiles se sont enrl de fini I uni constitutumque chis d’additions et de correc canonem continuis additiolions continuelles jusqu’à la nibus et correctionibus aucta fixation el à la constitution tuerunt ; in ipsis proinde du canon : par suite, il n’y JÉS1 S-CHR18T 1.1 l.A CRITIQUE MODERNISTE L386 doctrine Chri>ti non rciuans-it nisi tenue et incertain vestigium. xvi. — Narrationes Joannis non sunt proprie historia, sed mystica Evangelii contemplât io ; sermones, in ejus awangelio contenu, sunt medttationes theologicae circa mysteriuin salutis liistorica veritate destitutte. xmi. — Quartum evangelium miracula exaggeravit non lantum ut extraordinana inagis apparerent, sed « tiam ut aptiora lièrent ad slgnificandum opus et gloriam Verbi incarnati. xviii. — Joannes sibi vindicat quidem rationem testis de Christo ; re tamen vera non est nisi eximius testis vitachristiana ?, seu ita-Christi in Ecclesia, exeunte primo saculo. subsiste de la doctrine du Christ que des estiges ténus et incertains. 1 es récits de Jean ne sont pas proprement de l’histoire mais une contemplation mystique « le l’Évangile ; les diseours contenus dans sou évangile sont îles méditations théologiques dénuées de vérité historique sur le mystère du salut. Le quatrième évangile B exagéré les miracles non seulement afin de les taire paraître plus extraordinaires] mais encore pour les rendre plus aptes à signifier l’oeut re et la gloire du Verbe incarné. Jean revendique, il est vrai, pour lui-même, le caractère de témoin du Christ ; il n’est cependant en réalite qu’un témoin de la vie du Christ dans l’Église, à la fin du premier sièele. b) Christologic moderniste, prop. xxvii-xxxv. La divinité de Jésus-Christ xxvii. — Divinitas Jesu Christi ex evangeliis non probatur : sed est dogma quod conscientia christiana a notione Messiae deduxit. m. — Jésus, cum mijsterium suum exercebat, non in eum finem loquebatur ut doceret se esse Messiam, neque ejus miracula ea spectabant. ut id demonstraret. xxix. — Concedere licet Christum quem exhibet historia multo inferiorem esse Christo qui est objectum fidei. xxx. — In omnibus textibus evangelicis nomen Filins Dei îequivalet taiitum Bomini ^lessias, minime vero tignificat Christum esse veruin et naturalem Dei Filium. xxxi. — Doctrina de Christo quam tradunt Paulus, Joannes et Concilia Xic.enum, Ephesinum, Chalcedonense, non est ea quant Jésus docuit, sed quant de Jesu concepit conscientia christiana. xxxii. — Conciliari nequit sentis naturalis textuum evangelicorum cum eo quod nostri theologi docent de il ntia et scientia infallibiii Jesu Christi. xxxv. — Christus non semper habuit conscientiam suae dignitatis messianicae. ne se prouve pas par les évangiles ; mais c’est un dogme que la conscience chrétienne a déduit de la notion du Messie. Pendant qu’il exerçait son ministère, Jésus n’avait pas en vue dans ses di-cours d’enseigner qu’il était lui-même le Messie, et ses miracles ne tendaient pasàle démontrer. On peut accorder que le Christ que l’histoire présent" est bien intérieur au Christ qui est l’objet de la foi. Le nom de Fils de Dieu, dans tous les texics évangéliques, équivaut seulement au nom de Messie ; il ne signifie point du tout que le Christ soit le vrai et naturel FUs de Dieu. La doctrine christologique de Paul, de Jean et des conciles de Nicée, d’Éphèse, de Chalcédoine. n’est pas celle que Jésus a enseignée, mais celle que la conscience chrétienne a conçu au sujet de Jésus. Le sens naturel des textes
    _ m^ihques est inconciliable
    avec l’enseignement de nos théologiens touchant la conscience de Jésus et sa science infaillible. Le ( îinst n’a pas eu toujours conscience de sa dignité messianique. Nous avons laissé de côté les prop. xxxm-xxxiv, que complète la proposition lu : on les étudiera à propos de la science du Christ et, en ce qui concerne la pensée de Jésus relative à l’Église telle qu’elle a subsisté au cours des siècles et subsiste encore, on > a fait une allusion suffisante a Église, t. iv, col. 2113. retrouve, la thèse moderniste du « Christ historique opposé aux Christ de la foi, auquel se SUpCT le Christ de la théologie, thèse esqui les propositions xxxi-xxxii. On complétera par la proposition i.x ainsi conçue : lx. - Doctrina christiana La doctrine chrétienne fut in suis exordiis luit judaica, en, f, origines judaïque, sed racta est per successives mais elle est devenue, par evolutiones pi manu paulina. évolutions successives, d’à tmn johannica.denunuhellebord pauliuienne. puis Jo olca et universaiis. hannique, enfin hellénique et universelle. Si l’on essaye de synthétiser cette doctrine modei nlste on aboutit aux résultats suivants. a) Lc christ historique. Jésus de Nazareth « ne parlait pas en vue d’enseigner qu’il était le.Messie et ses miracles ne tendaient pas a le prouver (xxviii). Sa science, comme celle des autres hommes, était limitée (xxxrv), et il a enseigné l’erreur au sujet de la proximité de la parousie (xxxm). Il n’a même pas eu conscience, dès le début, de sa dignité messianique (x i, et n’a pas pu avoir l’intention d’instituer formellement et immédiatement l’Église (ni). b) Le Christ de la foi. - Sa divinité ne peut être prouvée : elle est un dogme déduit par la conscience chrétienne de la notion de Messie (xxvii). C’est par voie d’évolution que le dogme du Christ s’esl développé car Fils de Dieu équivaut, dans l’Évangile, à Messie et rien de plus (xxx). Le Christ de la foi est donc bien supérieur à celui de l’histoire (xxix). La grande preuve apologétique de la divinité du Christ, sa résurrection, échappe elle-même à l’histoire : elle est un fait d’ordre surnaturel que la conscience chrétienne a tiré insensiblement des autres faits de la vie de Jésus (xxxvi). e) Le Christ de la théologie — La théologie identifie le Christ historique et celui de la foi ; mais c’est à fort : car elle doit, pour établir cette identité, forcer le sens des lextes qui, entendu au sens naturel, est inconciliable avec ce que la théologie enseigne touchant la conscience et la science infaillible du Christ (xxxii). La théologie a construit successivement et par étapes, un Christ, bien différent du Christ historique, d’abord avec Paul, puis avec Jean, enfin avec les conciles (xxxi), qui ont adapté au problème du Christ les données de la philosophie hellénique (lx). Ce bref résumé du système moderniste justifierait à lui seu lie plan de cet article et la méthode qu’on y a suivie pour démontrer que la théologie de Jésus-Christ succède logiquement au dogme pour le compléter, et que le dogme de Jésus-Christ a ses racines profondes dans les textes sacrés, johanniques, pauliniens et synoptiques, dont l’enseignement plus parfaiL et plus explicite dans les écrits d’inspiration plus récente, est cependant, de tous points, substantiellement identique, Voir les ouvrages de M. Lepin, précédemment cités, notamment Christologie, Paris, 1907, commentaire des prop. xxvii-xxxviii du décret Lamentabili ; V. Rose, Étude sur lis évangiles, 1e édit., Paris, 1905 ;.1. Mailhet, Jésus, Fils île Dieu, d’après les évangiles, Paris, 1906. On consultera aussi du 1’. de drandinaison les art. Jésus-Christ et Modernisme dans le Dictionnaire apologétique île lo loi catholique, t. ii, n. 154-159 ; t. m. col. 603-606, et la Zeitschrift fur kath. Théologie, 1904, p. 545 sep [V. LA CONSCIENCE MESSIANIQl l DE JÉSUS. Pour la critique contemporaine, cette question est intimement unie a la question de la divinité’de Jésus-Christ. lie lois qu’on en vient a nier la divinité du Sauveur, la quesi ion de sa messjunii é se pose immédiatement. i ii Messie authentique, véritablement envoyédeDieu pour lui servir de représentant auprès des hommes el établir le royaume de Dieu sur terre représente une manifestation surnaturelle aussi difficile à accepter pour le critique que la manifestation du propre Fils di Dieu, El pourtant Jésus s’est proclamé le Messie, tout comme il s’esl dit le Fils de Dieu, si l’on peut discuter sur le sens du mol Fils de Dieu qui, pour les rationalistes, n’a pas et ne peut pas avoir le sens pro] que la théologie catholique, d’accord n oi> hde texte. lui at t ribue, .m l’époque où 1387 JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA CONSCIENCE MESSIANIQUE 1383 parut Jésus, les piophéties de l’Ancien Testament l’avait très nettement déterminé. Les critiques rationalistes et lihéiaux ne peuvent donc éviter le problème de la messianité de Jésus. Si Jésus s’est donné pour le Messie, l’envoyé de Dieu promis et annoncé, d’où lui vient la conviction, la conscience de sa messianité? Et puisqu’on repousse d priori le caractère iéel de cette messianité surnaturelle, le problème devient au plus haut point déconcertant pour la critique incroyante. 1° La thèse catholique. , 1 est nécessaire, afin de poser un terme, certain de comparaison, de la rappeler en quelques mots, en la déduisant des vérités rappelées au cours de cet article. L’union bypostatique réclame, sinon comme absolument indispensable, du moins comme moralement nécessaire, en l’humanité du Christ la connaissance parfaite de son rapport avec Dieu — conscience filiale — et, de sa mission vis-à-vis des hommes — conscience messianique. — Aussi faut-il admettre que dès le début de son existence, Jésus a perçu nettement, en son âme humaine, et son union substantielle avec la divinité, et sa destinée de Messie et de rédempteur des hommes. Si donc, il y a eu progrès dans la conscience filiale et dans la conscience messianique de Jésus, ce ne peut être que du côté expérimental et inférieur de la connaissance. L’existence en Jésus d’une science proprement humaine et acquise, subordonnée à la science bienheureuse et infuse, mais gardant son exercice naturel, permet de supposer que, à mesure qu’il a grandi en âge, que ses organes se sont développés, que ses réflexions sont devenues plus profondes et plus étendues, voir col. 1144 sq., Jésus a pris une conscience humaine plus parfaite, plus complète, de l’union transcendante qu’il avait avec Dieu et de la mission unique qu’il devait remplir près des hommes. C’est dans ce sens seulement que peutêtre on pourrait dire que des événements comme le baptême, la tentation au désert, la persécution des pharisiens, ont influé sur la conscience du Sauveur relativement à sa mission messianique, ses souffrances futures, et la nature même de sa mission rédemptrice. Peut-être, dis-je, car il n’apparaît point, dans les textes sacrés, que ces événements avaient eu, en réalité, une influence quelconque sur la conscience filiale et messianique de Jésus. Le baptême, par exemple, nous est apparu dans les textes sacrés comme la consécration officielle de la mission messianique de Jésus, voir col. 1183, mais rien de plus. Au contraire « l’existence, en l’humanité sainte de Jésus, d’une conscience supérieure très parfaite, indépendante de ses connaissances acquises, est incontestable au point de vue de la critique évangélique, comme au point de vue de la théologie. C’est un fait que L'Évangile le montre longtemps à l’avance, et sans qu’on puisse attiibuer à cette connaissance une origine humaine, conscient de l'époque précise et des circonstances exactes de sa mise à mort, voir col. 1203. C’est encore un fait que, dès le début de son ministère, le Christ se présente avec pleine conscience de sa dignité messianique et du caractère spirituel de sa mission. Enfin, le Sauveur nous apparaît suniaturellement éclairé, dès l'âge de douze ans, sur sa filiation et sa vocation divines ; voir col. 1182. N’est-on pas dès lors logiquement amené à donner créance à l’auteur de l'Ëpitre aux Hébreux, lorsqu’il nous représente le Christ, dès son entrée en ce inonde, solfiant corps et âme à son Père (Ileb., x, 5-9), pour remplacer les hosties anciennes et racheter les hommes ? i M. I.epin. Jésus. Messie et Fils de Dieu, p. 121 122. Ajoutons que la révélation progressive que l’on constate dans l'Évangile, relativement à la messianité elle même de Jésus, soir col. 1186 sq., n’est pas un indice d’un progrès intérieur # dans la conscience que Jésus avait de cette messianité. Le progrès extérieur s’explique, nous l’avons constaté, par de tout autres raisons. 2° Les hypothèses rationalistes. 1. La messianité simulée. — Cette solution est celle des critiques ultra-radicaux. Elle affecte deux formes, que nous avons déjà rencontrées dans l’exposé précédent des théories rationalistes concernant la personnalité divine de Jésus. — a) Les uns se contentent d' affirmer que Jésus n’a jamais cru qu’il était le Messie. La messianité de Jésus dérive de la croyance vraie ou simulée de ses disciples à la résurrection : ce sont en réalité les premiers chrétiens qui lui ont décerné le titre de Messie. Nous avons rencontré déjà cette thèse, qui est au fond de la distinction entre le Christ de la foi et le Jésus de l’histoire. On la trouve toutefois directement exposée par Colani, Jésus et les croyances messianiques de son temps, Strasbourg, 2e édit., 186 1 ; par M. Vernes, qui renchérit encore, en affirmant « qu’il n’est point sûr que Jésus ait cru à la venue d’un Messie personnel », Histoire des idées messianiques, depuis Alexandre le Grand jusqu'à l’empereur Hadrien, Paris, 1874, p. 174. C’est, plus récemment encore, la thèse défendue par Wellhausen, Einleitung in die drei erslen Evangelien, Berlin, 1905 ; J. Martineau. Seat of aulhorily in Religion, Londres, 1890 ; Volkmar, Jésus Nazarenus und die erste christliche Zeit, Zurich, 1882, p. 194 ; V. Wrede, Bas Mes&iasgeheimniss in den Evangelien, Gœttingue, 1901, p. 221, 222 ; 226-227 ; E. Havet, Le christianisme et ses origines, Paris, 1881, t. iv, p. 15-16, 75 ; R. Steck, dans les Protestantische Monatschriflen, 1903, p. 91 ; P. Wernle, Die Anjange unscrer Religion, 3e édit., p. 32, etc. — Cette thèse est tellement outrée, si visiblement fausse, que la plupart des théologiens libéraux l’ont îépudiée. On ne peut réussir à la démontrer « qu’en appliquant aux textes évangéliques une critique par trop subjective, o A. Sabatier, art. Jésus-Christ, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. vu. « Le baptême, l’histoire de la tentation, la confession de Pierre…, les prophéties relatives à la passion et à la résurrection, la demande des fils de Zébédée, l’entrée messianique (à Jérusalem), la parole des vignerons perfides, le procès devant le sanhédrin et devant Pilate, l'écriteau sur lequel était marqué le motif de la mort, tout cela, avec beaucoup d’autres détails encore, devrait être éliminé de la vie de Jésus, si l’on prétend qu’il n’avait pas la conscience d'être le Messie. » O. Holtzmann, Das Mcssiasbeivustein Jesu und seine neueste Bestreitung, Giessen, 1902, p. 11-12. b) Les autres vont plus loin encore, et supposent que Jésus, sans se regarder comme le Christ, aurait cependant, sous la pression des circonstances, laissé faire ses adhérents qui croyaient voir en lui le Messie attendu. Il se serait accommode au rôle de Messie. Voir plus haut la théorie de Reiinarus, de Bahrdt, etc. Mais cette hypothèse se heurte au caractère noble et loyal du Sauveur, si opposé à tout ce qui peut paraître mensonge ou duplicité. Aussi celle hypothèse, fausse historiquement, louche, au point de vue moral, à l’absurde aillant qu’au sacrilège. 2. La messianité illusoire. - Jésus sans doute n'était pas plus Messie qu’il n'était Fils de Dieu ; mais il s’est fait, très sincèrement d’ailleurs, illusion à luimême. : sous la poussée d’une évolution lente et progressive qui s’est produite en ses pensées en raison du milieu où il vécut, des idées courantes à son époque, de son tempérament personnel, il a fini par acquérir la conviction qu’il était le Messie, Fils de Dieu. C’est l’hypothèse que Renan a mise en relief avec tout le talent littéraire qu’on lui sait, et avec l’apparence de critique dont il a su entourer sa Vie de Jésus. Le point de départ de loul le travail psychologique accompli JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA CONSCIENCE MESSIANIQUE en Jésus aurait été la conviction profonde de son union intime avec Dieu : cette pensée étail en Jésus si profonde et si intime qu’elle tenait aux racines mêmes de son être. C’est de cette conscience filiale i, qu’est sortie la conscience messianique -.Convaincu qu’il était le lils de Dieu. Jésus voulut faire participer tous les hommes à sa filiation divine ; s’élevant hardiment au-dessus des préjugés de sa nation, il établira l’universelle paternité de Dieu… Il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur. Le nom de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel » fut le terme favori de Jésus pour exprimer la révolution qu’il inaugurerait dans le monde. » Vie de Jésus, 13e édit.. 1867, p. 81. C’est parce qu’il est « obsédé i de cette - idée impérieuse » que Jésus j marchera désormais avec une sorte d’impassibilité fatale dans la voie que lui avaient tracée son étonnant génie et les circonstances extraordinaires où il vivait, i Id., p. 134. Il annonçait le royaume de Dieu, et c’était lui, Jésus, ce « Fils de l’homme » que Daniel en sa vision avait aperçu comme l’appariteur divin de la dernière et suprême révélation. « En s’appliquant à lui-même ce terme de c Fils de l’homme v, Jésus proclamait sa messianité et l’affirmation de la prochaine catastrophe où il devait figurer en juge, revêtu des pleins pouvoirs que lui aurait conféré l’Ancien des jours. » Id., p. 130. On voit par là, le sens de la thèse de Renan et la psychologie qu’il attribue au Christ. Un processus analogue se retrouve chez O. Schmiedel, Die Hauplprobleme der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, 2e édit., 1906, d’après lequel Jésus aurait commencé par se croire le prophète du royaume, puis aurait été amené à se croire le Messie. L’ne telle illusion en Jésus est inconcevable : elle en fait une sorte d’halluciné et de dément partiel. Car enfin les affirmations de Jésus sont nettes il proteste, devant le grand prêtre, qu’il est le Messie, Fils de Dieu, qui reviendra à la fin des temps sur les nuées du ciel, escorté des saints anges, présider les assises solennelles du genre humain et prononcer sur les bons comme sur les méchants la sentence du jugement final. Ou bien il est vraiment le Messie, ou bien c’est un fou. Les procédés par lesquels Renan tente d’esquiver les assertions des textes sacrés n’infirment en rien cette conclusion qu’il ne peut éviter. D’ailleurs rien ne sert de faire de Jésus, au lieu d’un fou, un simple halluciné, un auto-suggestionné : folie ou simple exaltation d’halluciné, sont également en contradiction avec la physionomie morale que nous tracent de Jésus les évangiles, physionomie faite de sincérité, de loyauté, d’humilité, avec sa physionomie intellectuelle, où resplendit une profondeur et une lucidité de l’intelligence, une droiture de sens et une élévation d’esprit incomparables, avec les habitudes de sagesse, de pondération, de mesure qui apparaissent dans toutes les démarches et dans toute la conduite du Sauveur. Comment accorder 1’ « hallucination de Jésus avec l’influence qu’il a exercée sur la première génération chrétienne et qu’il exerce encore, en général, sur l’Église et l’avenir du inonde ? Renan lui-même est obligé de faire des aveux significatifs touchant l’influence du Chris ! sur le genre humain. Il faut donc conclure que l’hypol hèse émise par Renan est radicalement inconciliable avec les caractères les plus certains de la personne de Jésus et les plus incontestables réalités di toire. Noir, pour plus de développement, M. Lepin, Jésus, Messie et Fils ilr Dieu, >. 15 i 3. La messianité, /ondée en réalité, mais progressivement consciente. — Rationalistes et libéraux reo naissent assez volontiers le tempérament équilibré, t perspicace, la vertu in ble de Jésus pour proclamer inadmissible la thèse de la si. mite illusoire, Jésus était vrairænl un bomme < ordinaire, ei s ( s qualités mêmes lui conféraient pour ainsi dire une véritable mission parmi les ttommes. C’est pourquoi il pouvait s’appeler en toute vérlt Messie, le Fils de Dieu, tout en gardant une profonde humilité devant Dieu. Cf. Uarnæk. Dos Wesen Christentums, p 82 ; Dos Christentum mut die (îeschichic. .")- édit., Tubingue, 1904, p. 10 ; Wernle, Die Anfânge unserer Religion, p, 25 ; Bruce, art. Jésus dans [’Encyclopédie, biblica île Cheyne, ? 33, col. 2151 ; ( i I toltzmann, Dos Le6en Jesu.p. 106, etc. — M.Stapfer pose nettement le problème au point de vue rationaliste ; Jésus s’est dit le Messie. Cela est prouvé, cela est certain. Comment en est-il arrivé la 7 Y a-t-il eu folie, oui ou non ? Telle est. semble-t-il, la seule alternative qui se pose désormais entre les croyants et les non croyants. » Jésus-Christ avant son ministère, > édit., 1896, p. xi. Ft M. Stapfer ne peut admettre la thèse de l’illusion, si contraire à la possession pleine que Jésus a de lui-même et à sa clairvoyance. Id., p. 207. Mais si la messianité de Jésus doit être fondée en réalité, que sera cette réalité ? Pour qui nie la divinité du Sauveur, révoque en doute son rôle surnaturel parmi les hommes, que sera donc le Messie ? Comment justifiera-t-on la conscience que Jésus a de sa messianité ? Quel sera le point de départ, dans la vie de Jésus, de cette conscience messianique’.' A-t-elle. eu sa préparation dans la conscience filiale ? Faut-il la faire remonter à l’origine même de la vie de Jésus ? Autant de questions auxquelles se heurte l’hypothèse d’une conscience messianique purement humaine, telle que la conçoivent les rationalistes et dont les solutions, apportées en dehors des lumières de la foi, ne peuvent être qu’hésitantes, contradictoires et fausses. Nous allons donner un bref aperçu des réponses proposées : a) Strauss, comme Renan, fait dériver la conscience messianique de Jésus de sa conscience filiale : « Le sentiment intime qu’il a Dieu pour père et qu’il est avec lui dans une communication intérieure d’esprit et de cœur est le germe le plus naturel d’où, plus tard et avec plus de développement devait sortir en Jésus la conscience de sa position messianique. » Vie de Jésus, h -. Littré, p. 403. L’origine de cette conscience ne peut être déterminée avec précision : déjà dans son développement « le récit de la première visite de Jésus au temple s’encadre merveilleusement ». Le baptême de Jean n’a été que l’onction que Jésus, en sa qualité de Messie, devait recevoir pour être introduit de cette façon au milieu de son peuple. Nouvelle vie de Jésus, tr. NelTIzer et Dollfus, t. i. p. 261. - M. Stapfer admet, lui aussi, que c’est le développement intime de sa conscience morale qui a amené Jésus à se déclarer le sauveur du monde ». Le passage de la conscience filiale à la conscience messianique dut se faire par mie évolution lente et progressive. Jusqu’au baptême de Jean, il n’y a encore qu’un pressentiment de plus en plus précis : n au baptême que la (lise se dénoue et que, dans m -lire, Jésus entend la voix de Dieu qui lui dit clairement : Tu es mon l-’iK bien-ahné partir de ce moment onviction est inébranlable. Mais une deuxième question se pose < Jésus : quelle œuvre va i il accomplir ? I a tentation au d question noir i triomphi Ion, i dire de ld< i nol ions erronées itemporain fout l’il avait lui-mên le peuple tout ent 1er. il compi spirituel, m. n p h uel et moral, il lui fallait inouï 1. 91
      1. JESLS-CHRIST ET LA CRITIQUE##
    JESLS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA CONSCIENCE MESSIANIQUE L392 pharisiens qui l’amena à prendre conscience de cet le douloureuse destinée. Cf. Jésus-Christ avant son ministère, p. 89-92 ; 152-153 ; 162-176 ; Jésus-Christ pendant son ministère, p. 222-223. — Cette dernière épuration dans la conscience messianique de Jésus, précédée de la o rupture de Jésus avec tout ce qu’il y a de fantastique et de dangereux, au point de vue politique, dans le concept du Messie, rupture figurée par l’histoire de la tentation, » c’est encore le développement progressif qu’admet, dans la conscience messianique de Jésus. M. p. Wernle, Die An/ange unserer Religion, p. 29-31. — M. H. Monnier reconnaît également que la conscience filiale de Jésus remonte certainement plus haut que sa conscience messianique. L’épisode de Jésus au milieu des docteurs du temple témoigne qu 1 < il se sent fils de la façon la plus immédiate ; mais il n’a pas encore conscience d’être Messie (. La mission historique de Jésus, Paris, 1906, p. 29. — M. Wendt fait également dériver la conscience messianique de la conscience filiale. Mais il trouve l’origine de cette conscience d’une filialité divine dans L’étude des Écritures, où Jésus apprit à connaître Dieu connue Père, dirigé en cela par la piété de ses parents et surtout « par le pouvoir spirituel particulier dont il se sentait miraculeusement investi par Dieu…, et par la vive impulsion intérieure qui le contraignait à une obéissance d’enfant envers la divine volonté. » Die I.ehre Jesu, 2e édit., p. 93. Il est impossible d’ailleurs d’assigner un commencement précis à cette conscience filiale, qui sans doute a grandi et s’est élargie graduellement en Jésus, mais a toujours existé en lui : en tout cas c’est au baptême que Jésus reçut la révélation qui éveilla en lui la conscience messianique. Id., p. 93-98. — M. Bernard Weiss admet, lui aussi que la conscience messianique a pour origine la conscience filiale antérieure ; il professe pleinement le développement progressif de cette conscience ; mais elle existait déjà, affirme-t-il, et dans sa plénitude au moment de la rencontre de Jésus avec le Précurseur. Le baptême ne fut que le signe par lequel le Père lui signifiait que le moment était venu d’entrer dans la carrière messianique ». — C’est également, à peu de choses près, l’opinion de M. Ilamack : « Jamais, dit-il, nous ne pénétrerons les phases intérieures que Jésus a traversées pour passer de la certitude qu’il était le FïlS de Dieu à celle qu’il était le Messie annoncé… I.a plus ancienne tradition avait acquis la conviction, par une expérience intérieure que Jésus, à son baptême, savait qu’il était le Messie. Nous ne pouvons cont rôler cet te ci oyance et nous ne sommes pas davantage en étal de la nier, il est très vraisemblable qu’au début de sa vie publique, son opinion étail fixée en lui… Le récit ( de la tentation) suppose qu’il se regardait déjà comme le Fils de Dieu, comme celui à qui était confiée la mission d’accomplir ce que Mien avait promis ; i son peuple… i L’essence du christianisme p. 138. On le voit par ces lapides aperçus : parmi les théologiens libéraux qui admettent en Jésus le développement progressif d’une conscience messianique issue de s ; i conscience filiale, beaucoup précisent que la conscience messianique daterait du baptême et de la révélation, piiiement subjective d’ailleurs, qui accompagna cel acte. C’est l’opinion de plusieurs parmi les auteurs déjà Cités, et de O. I loll /niann. I.eben Jesu, 1901, p. 106 107 ; cf. War Jésus Ekstatiker, p. 35 36 « le Th. Keini. Dus messianiselie BeWUSStsein.lésa. I ; de Bousset, .lésas, p., s."> ; de von Soden, Die wichtigsten Fragen in Lettre.lésa.’! édit., p. T.". 7 l ; 99 100. D’autres, en plus petit nombre, reculent plus OU moins l’époque a laquelle Jésus eut eut ièrenieiil’"h cience <]< posséder la dignité messianique. < I. Guignebért, Manuel d’histoire antienne du (lais tianisme. Paris, 1907, p. 173 ; Jésus wer er geschichtlich war. p. 78 ; P.-YV. Schinidt. Dos I.eben Jesu ausgelegt, p. 165-166 ; A. Réville, Jésus de Nazareth, p. 188-190, 201, etc. Sur ce point, .1. Weiss a une théorie à part : pendant sa vie publique Jésus aurait seulement supposé qu’il était destiné à devenir plus tard le Messie, lorsque sa gloire éclaterait au grand jour, mais non qu’il l’était déjà. Sur l’évolution que M. Stapfer marque de la conscience messianique de Jésus, au moment de la tentation au désert, et relativement au rôle spirituel du Messie, les critiques allemands, tout en admettant cpie la tentation a contribué, pour une certaine part, à former les idées du Sauveur concernant sa mission, n’osent cependant pas parler de rupture avec les conceptions erronées du milieu juif, que Jésus aurait partagées. Ce contre quoi Jésus se défend et lutte, ce sont bien plutôt des idées ou des images qui lui sont demeurées étrangères. B. Weiss, op. cit., p. 315-316 : cl. Wendt, op. cit., p. 98-102. O. Holtzmann affirme simplement, à l’occasion de la tentation, une plus grande pression » des réflexions du Christ relativement à son rôle. Op. cit., p. 107 note, 111-118. Harnack déclare plus simplement encore que le récit de la tentation suppose que Jésus se regarde déjà « comme le Fils de Dieu, comme celui à qui était confiée la mission d’accomplir ce que Dieu avait promis à son peuple. » Op. cit., p. 138. Ils se montrent plus réservés encore à retracer la prétendue évolution qui se.serait produite dans les idées du Sauveur, au sujet de sa destinée souffrante et de sa mort. Leurs hypothèses se font plus circonspectes. H. Wendt suppose que Jésus a été. dès l’abord, convaincu, qu’il faudrait donner sa vie pour le royaume : mais il aurait appris des circonstances, au fur et à mesure des événements, quand et de quelle manière devait s’accomplir son sacrifice. Die Lehre .lésa. p. 189-491. Voir un avis analogue chez B. Weiss, Das I.eben Jesu. t. ii, p. 259-262 et, avec plus d’hésitation encore, chez O. Holtzmann, Lcben Jesu, p. 139. Hamack est nettement hostile à l’h pot hèse d’une vie de Jésus « passée au milieu de contrastes intérieurs, encore que les émotions, les tentations, les doutes mlui aient pas manqué. » Op. cit., p. 36. b) La thèse de M. Loisy est presque complètement calquée sur celle des théologiens libéraux d’Allemagne. malgré certaines assertions qui semblent y apporter une noie contradictoire. M. Loisy a paru approuver, au nom de la critique, l’hypothèse (le la dérivation de la conscience messianique par rapport à la conscience filiale. « On pourrait dire, écrit il. que Jésus, dans l’humble maison de Nazareth, avait grandi en lils de Dieu, par la piété, par l’épanouissement de son âme pure sous le regard du Père céleste, sans que la préoccupation du grand rôle que Le Fils de Dieu, le Messie devait jouer dans le monde, entrai d’abord dans le commerce intime de cette âme avec Dieu : celle préoccupation se serait fait jour plus tard, soit par la seule Influence du messianisme commun, soit par le contre coup de la prédication de Jean annonçant. L’avènement prochain du royaume de Dieu : quoi qu’il en soit la rencontre avec Jean est une circonstance tout a lait appropriée a la révélai ion divine : c’est là, auprès du prophète qui se donnait lui-même comme le précurseur du Messie ou tout au moins comme le héraut (u royaume céleste, que Jésus, déjà fils de Dieu par la conscience intime de son union avec le Père céleste, eu1 l’intuition suprême de sa mission providentielle cl qu’il se sentit le Lils de 1 Heu, le Messie promis a Israël.’Les évangiles synoptiques, t. i, p. L08, De plus, tout en se prononçant contre les exégètes qui pi étendent dater du baptême la conscience messianique de Jésus, Revue d’histoire et de littérature relii gieuses, 1903, p. 301j M. Lois) estime que c’est à ce moment-là seulement que le Sauveur arriva à la plénitude de cette conscience : la circonstance du baptême i peut avoir eu une influence décisive Mille développement de sa conscience messianique ». Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1904, p. 91, Il rejette d’ailleurs la réalité objective de la vision céleste i qui a été conçue d’abord comme le sacre du Messie. et dont le récit est déjà une interprétation théologique et apologétique du fait qui a pu se passer. /<L, ibid. Eu troisième lieu, M. Loisy laisse entendre que. si le Sauveur a eu pleinement conscience de sa qualité de.Messie, dès le début de sa vie publique, cependant la forme spéciale de son rôle messianique ne s’est précisée dans sa pensée qu’au cours de son ministère : - I.a lecture îles synoptiques laisse entrevoir que Jésus ne s’est pas d’abord présenté ouvertement comme le Messie et qu’il ne s’est même pas déclaré tel à ses disciples : il a laissé leur foi se former lentement. On dirait même que la conscience qu’il a de sa mission s’est développée en lui et que sa conduite à l’égard de la foule et de son entourage a été en rapport avec le progrès intérieur de sa pensée et de ses desseins. » Le quatrième évangile, p, 252. Avant la confession de Pierre. Jésus a eu. certes, conscience de sa vocation messianique : mais la forme spéciale de son rôle s’est précisée en ce temps-là. » /(L, p. G ; >. Enfin M. Loisy semble admettre que le Sauveur a pris, au cours de son ministère, et sous l’influence des événements, conscience de sa destinée souffrante : i il obéit |alors] à la loi de sa destinée ». Autour d’un petit livre. Aussi le critique doit-il éliminer les textes qui accusent de bonne heure, eu Jésus, la prescience de sa mort. Cf. Lepin, op. cit., p. 152-189. c) Un aspect très particulier de la conscience messianique du Christ a été relevé par certains théologiens et critiques libéraux : c’est l’aspect eschatologique ». Jésus, conscient de sa messianilé, aurait partagé l’illusion de ses contemporains touchant les catastrophes pi oebaines, prélude du second avènement messianique. De là les « prophéties » de Jésus touchant la consommation des choses. Matth.. x, 21-24 ; xvi. 26-28, cf. Marc, viii, 38-42, Luc, i, 26-28 ; Matth., xxvi, 63-65, cf. Marc, xiv, 61-63 et Luc, xxii.66-71 ; et surtout Matth., xxiv, 1-43, cf. Marc, xiii et Luc, xxi, 5-7. En donnant à cette annonce d’un retour qu’on pourrait croire piochain une place < ; a elle n’a certainement, ni dans les récits de l’évangile, ni dans la pensée de Notre-Seigneur, certains critiques sont parvenus a élaborer une interprétation toute nouvelle des origines chrétiennes. L’Église n’aurait dû son existence, qu’à l’attente frustrée des premiers chrétiens : faute du retour du Messie, on aurait dû fonder le groupement religieux. Esquissée il y a plus d’un demisiècle par T. Colani, Jésus-Christ et les croyances messianiques de son temps. Strasbourg. 1864 ; ’.. Volkmar, Jésus Naztwenus und die erste christliche Zeil…, Zurich, 1884 : W. Wciffenbach, Die Wiederkunflsgedanke Jesu, Leipzig, 187.’î. cette thèse a été- mise en relief W. Baldensperger, lias Selbslbewusstsein Jesu im Lichte der messianischen Ilofjnungen seiner Zeil, Strasbourg, 1888, et surtout.1. Weiss. Die Predigi Jesu vom Reiche Gottes, Gœttingue, 1892. Cf. V Schwe) tzer. Eine Ski ::/ des Lebens Jesu, Tubingue, 1901 et surtout Von Reimarus zu Wrede, Tubingue, 1906, c. xv. xvi, xix. fin France, les ouvrages de M. Loisy grandement contribué a répandre cette doctrine ; les commentaires sur les synoptiques, publiés par cet auteur, sont un écho fidèle et amplifié de l’on de.]. Weiss. L’élément eschatologique obtient une part prépondérante dans la conscience et i nient du Christ, el l’Évangile n’est plus qu’on enseignement essentiellement eschatologique, enthousiaste et mystique, i Jésus et la tradition évangélique, Paris, 1910, p, 144 ; 190. 3° Critique de ces hypothèses. Nous laisserons de côté l’aspect eschatologique (comme nous l’avons fait déjà au cours de l’exposé théologique, la matière devant être traitée ailleurs, voir Scu nce di Christ), et nous nous attacherons simplement a marquer les points par ou pèchent toutes les hypothèses rationalistes louchant la t conscience messianique du Christ ». Nous ne ferons, dans ce bref exposé, que résumer l’excellente mise au point de M. Lepin, Jésus, Messie et Fils de Dieu. p. 190-217. 1. i Tout d’abord, les déclarations de Jésus, telles qu’elles sirencontrent dans les Évangiles, ne paraissent présenter aucune trace d’une évolution qui se serait produite dans les idées du Sauveur, soil touchant sa qualité de Messie, soit concernant la destinée qui l’attendait comme Messie ►. Dans la dernière année du ministère île Jésus, on ne constate aucune évolution dans sa pensée ; ses déclarations sont parfaitement uniformes. Dans les deux années antérieures, il est vrai, Jésus observe une discrétion, étonnante au premier abord ; discrétion qui impressionne certains critiques, au point qu’ils y découvrent un véritable « secret messianique ». Cf. Wrede. Das Messiusgclieimniss in den Lvangelien. Mais à sa réserve toute « économique » nous avons trouvé des motifs tout autres qu’une ignorance dans son esprit ou une incertitude dans ses pensées. Voir col. 1172 sq. Dès le début de son ministère, Jésus avait donc, une pleine conscience de sa dignité et de son rôle messianiques. Mais quelle idée se faisait-il de ce rôle ? Sa o conscience » a-t-clle été modifiée sous la pression des circonstances ? I.a < tentation » est-elle le symbole de cette lutte intérieure que M. Stapfer pense découvrir dans l’âme de Jésus contre les préjugés de son éducation touchant la royauté temporelle du Messie’? Mais tout d’abord, l’hypothèse d’une lutte intérieure dans l’âme de Jésus est une pure fantaisie. La tentation est décrite comme purement extérieure au Christ et son âme n’en est nullement troublée. Voir col. 1116. Wendt et H. Weiss le reconnaissent explicitement. Aucune ambition humaine ne tortura le cœur de Jésus. Cf. W. Sanday, art. Jésus-Christ, dans le Diclionary oj the Bible, de Hastings, p. 612. D’ailleurs l’hypothèse de Stapfer est en contradiction avec tout ce qui nous est rapporté de la prédication et du ministère de Jean-Baptiste, antérieurement à la tentation et au baptême. Le Messie annoncé n’est nullement un roi temporel : c’est avant tout le Messie, juge du monde i, O. IloltLmann, I.eben Jesu, p. 94. C’est aussi tout à fait gratuitement qu’on i apporte a l’hosi Hit é des pharisiens pour Jésus le sentiment que le Sauveur aurait eu de sa passion et de sa mort. Si Jésus ne parle de son supplice futur et des circonstances qui l’entoureront, qu’à partir de, la confession de saint Pierre, c’est que les apôtres n’étaient pas encore suffisamment préparés a cette perspective ; il fallait que leur loi fût affermie, il y a d’ailleurs, même dans cette dernière période de la vie de Jésus, une gradation croissante dans la révélation de la passion lutine. Au début du ministère, Maie, u 2H. el pai ail., simple annonce de la dispai il ion ioli-nle ; .née de Philippe ci en Galilée, annonce plus détaillée de la réprobation par les autorités religieuses, de la illise a moi I et de la n’-Mii i cet ion au troisième jour : an Ici me du suprcin prédiction 1res cir . de la i |USque dans se détails. loui voulu par. lé-sus et proportionné à la fol de apôl r< : toul c-ia Indiquerait plutôt en la conscience du sauveur une pleine connaissance de l’avenir, avec la volonté arrêtée de î t paraître 1395 JÉS1 S-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA CONSCIENCE MESSIANIQUE 1396 à l’extérieur que dans la mesure où l’exige le bien <k’la mission rédemptrice. D’autre part, les synoptiques, dès le début du ministère de Jésus, placent une allusion discrète, mais suffisamment précise, à la passion future. Marc, ii, 19-20 ; cf. Matth., ix, 15 ; Luc. v. 34-35. Évidemment, les critiques tentent d’en modifier la signification, cf. Jiilicher, Die Gleichnisreden Jesu, t. ii, p. 188 ; Loisy, Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1903, p. 519, ou en révoquent en doute l’authenticité, cf. N. Schmidt, art. Son of mari, §46, dans YEnajclopedia biblica de Cheyne, col. 4739. L’hypothèse d’une « interprétation théologique » postérieure aux discours de Jésus et introduite après coup dans les récits évangéliques, en tout ce qui concerne les prophéties de Jésus relatives à sa passion et à sa mort, sourit d’ailleurs beaucoup aux partisans de la thèse eschatologique. En vertu de cette hypothèse, M. Loisy conteste la pleine authenticité de ces passages évangéliques. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1903, p. 297. Mais cette hypothèse est fantaisiste et contredite par les observations prises sur le vif — intelligence incomplète de la part des apôtres, monitions réitérées du Christ, pressentiment du malheur futur — qui attestent dans les récits évangéliques, beaucoup plus l’état d’âme du Christ et des disciples, que les préoccupations subséquentes de la chrétienté primitive. Marc, viii, 31-33 ; cf. Matth., xvi, 23 ; Marc, ix, 9, 31 ; Matth., xvii, 22 ; Luc, ix, 45 ; xviii, 34. « En résumé, conclut M. Lepin, rien n’appuie sur le terrain de la critique exégétique, l’idée d’une évolution quelconque, produite dans la conscience messianique de Jésus, au cours de son ministère. Les hypothèses proposées relèvent de la philosophie, beaucoup plus que de l’exégèse. Mises en face des documents elles peuvent être regardées comme d’ingénieux essais de restitution psychologique, tendant à reproduire conjecturalement la manière dont le phénomène de conscience se serait passé, s’il s’était passé selon les lois ordinaires de la conscience humaine : elles ne sont pas autrement établies sur les faits. » Op cit., p. 199. 2. « Les hypothèses qui ont pour but d’expliquer les origines de cette conscience n’ont pas un plus solide fondement. » — Pourquoi préciser la date du baptême comme point de dépai t de la conscience messianique ? u) Avant le baptême, Jésus se serait-il estimé au rang des autres hommes, simple pécheurs, ayant besoin eux-mêmes de pénitence’? Mais tout proteste contre cette hypothèse, mise en avant par O. Holtzmann : el l’union liés étroite que Jésus avait depuis toujours avec Dieu et qui est reconnue par la plupart des critiques eux-mêmes, cf. E. Stapfer, Jésus-Christ avant son ministère, p. 186, 189, 191 ; A. Harnack, Dos Wesen des Christentums, p. 21, tr.fr., p. 36 ; et l’idée rédemptrice qui a toujours dirigé Jésus, Marc, , 15 ; cf. Matth., xxvi, 28 ; Luc, xxii, 19-20, et qu’on ne coinprendrait pas si Jésus avait pu jamais se sentir dans l’obligation d’être lui-même racheté. Le baptême peut avoir une autre explication et marquer simplement i le commencement d’une vie nouvelle. » B. Weiss, up. cit., t. i, p. 298, « l’inauguration d’une phase nouvelle dans l’accomplissement de sa mission. » W. Sanday, art. cil., p. 611. Jésus se présente au baptême pour « accomplir toute justice, » c’est-â-dirc prépare]’pal là, clou la volonté de Dieu, la réalisai ion du royaume messianique, l’.t Matthieu est ici en pleine concordance avec Jean, car dans le quatrième évangile Jésus ni au baptême, comme agneau de Dieu » qui se eh péchés du monde, afin de les expier pai i a pénitence et par sa mort. b) Mais il ne faudrait poinl cependant considérer le baptême comme ayant influé sur les idées de Jésus. relativement à sa mission. La manifestation miraculeuse de la parole tombée du ciel sur Jésus, même dans le cas où il n’y aurait eu aucun témoin de l’événement, voir col. 1184, n’est pas moins utile pour marquer extérieurement la volonté du Père, invitant Jésus à entrer dans la carrière messianique. On peut y voir comme une consécration officielle, mais tout extérieure, du Sauveur pour son œuvre, son investissement solennel et tout particulier par l’Esprit de Dieu, en vue de la mission qu’il doit entreprendre. Nous avons reconnu une action spéciale de l’Esprit Saint dans l’humanité du Christ, voir col. 1287 sq. Le baptême est un de ces moments, où, dans la vie du Sauveur, cette action s’est fait sentir plus particulièrement. « Il est donc légitime de dire qu’une vie nouvelle commence pour le Christ, au point de vue de l’accomplissement de sa mission ; le baptême figure comme « le point de départ » du ministère public ; en ce sens, on peut l’appeler « un moment important », si l’on veut même « un moment décisif » dans la carrière de Jésus. Mais aller plus loin et supposer que la circonstance du baptême a marqué une date importante dans le « développement intérieur du Sauveur, qu’elle peut avoir eu une inlluence décisive sur « le développement messianique », cf. Loisy, Le quatrième évangile, p. 169233, c’est dépasser la portée de nos textes et sortir des données strictes de l’histoire. Dès avant le baptême, en effet, le Précurseur est conscient de la venue imminente du Messie, Marc, i, 7 ; cf. Matth., iii, 11 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 26 et l’évangile de S. Matthieu atteste la réalité de cette conscience messianique chez le Sauveur, dès sa première entrevue avec Jean. Matth., iii, 15. « Il semble donc bien résulter, d’une critique attentive de nos documents synoptiques, qu’au baptême il se fit une déclaration solennelle de la filiation divine de Jésus, du même coup une manifestation publique de sa dignité messianique, sa consécration officielle, si l’on veut, comme Messie du Seigneur, et son investissement spécial par l’Esprit Saint, en vue de l’accomplissement de sa mission ; mais rien n’indique qu’il ne fût pas déjà auparavant, privément et dans le secret, le Messie, Fils de Dieu, et qu’il ne se connût pas déjà comme tel. Il y a tout lieu, au contraire, de s’en tenir au témoignage du premier évangile qui, d’accord avec le quatrième, nous présente Jésus en pleine connaissance de sa messianité, des sa rencontre avec le Précurseur. « I.epin, on. cit., p. 208. 3. « Si l’on n’est pas autorisé à dater du baptême l’épanouissement de la conscience messianique, fest-on encore à en placer la préparation dans la conscience filiale ? » — Au point de vue exégétique, rien, absolument rien, ne nous autorise à supposer que la conscience filiale ait précédé la conscience messianique. Jésus est proclamé tout d’abord Fils de Pieu » avant de se proclamer « Messie i. Mais le premier litre renferme le second. Jésus est proclamé, il se proclame lui-même, tout à la lois et dans une même vue le Fils de Dieu et le Messie. La conscience messianique est tout aussi ancienne que la conscience filiale. Or, touchant la conscience filiale, bon nombre de critiques estiment que Jésus croyait que dès sa naissance il étail Fils de Dieu ; il avait l’intime persuasion d’avoir été choisi de Dieu île toute éternité. Cf. Eiarnack, Dos Wesen tics Christentums, p. si. tr. Ir., p. 138, a propos de Joa., vii. 21 : I !. Weiss. op. cit., t. i. ]>. 281 : (’.. Dalman, Die Wotie Jesu, p. 234 ; II. YVendt, op. cit., p. 97. Pourquoi ne pas attribuer la même ancienneté a la conscience messianique ? I.a déclaration de Jésus à ses parents h : retrouvant dans le lemple : i Ne saviez-vous pas qu’il me faut Un aUX affaires (le mon l’ire ? » se rapporte tout JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LES MIRACLES L398 autant à la conscience messianique qu’à la conscience filiale. Ce fait est si important que nombre de critiques qui admettent l’authenticité du récit (Stapfer, 0. I loi t /manu. B. Weiss, II. W’endt. etc.) sont obligés, pour en tenir eompte.de placer bien avant le baptême, et dès l’enfance du Sauveur, la première élaboration de la conscience messianique. Cꝟ. 0. Holtzmann, op. eiL, p. 104, note l : H. Wemlt, op. cit., p. 85. — B. Weiss se laisse toutefois arrêter par le préjugé rationaliste qu’une telle conscience ne saurait se trouver en un enfant de douze ans. op. cit.. t. i. p. 256. D’autres confessent leur ignorance en face du mystère. Cf. P. Wernle, op. cit., p. 27-28. Tous néanmoins sont obligés plus ou moins de reconnaître que la conscience messianique est comme innée en Jésus : propriété naturelle de sa personne (Dalman) ; résultat de l’impulsion d’une force intérieure (Wernle) ; simple et profonde (Loisy) ; tenant aux racines même de son être (Renan). En Jésus, écrit de son côté M. Harnæk, « tout se passe aussi naturellement que s’il ne pouvait pas en être autrement : la source jaillit des profondeurs de la terre, claire et ininterrompue. > Op cil., p. 21, tr. fr., p. 36. « En résumé, rien, dans nos récits évangéliques loyalement interprétés, ne permet de fixer le point de départ de la conscience messianique et fdiale à tel ou tel moment, au cours de la vie du Sauveur. D’autre part, tout semble bien attester que Jésus tient de son origine même, et de la transcendance de sa nature, sa qualité de Messie et de Fils de Dieu. » Lepin, op. cit., p. 216. 4° Conclusion. Nous avons dit, en commençant, quelles concessions la foi catholique pouvait faire à la thèse du développement progressif de la conscicence messianique en Jésus. Il semble bien d’ailleurs que les hypothèses rationalistes et critiques émises à ce sujet courent grand risque d’être abandonnées par les rationalistes et les libéraux eux-mêmes. M. W. Sanday, The Life of Christ in récent research, Oxford, 1909, p. 94, avec sa propre appréciation qui est sévère pour les excès commis par la critique outrancière rapporte, dans le même sens, les jugements de M. A. Schweitzer, Von Reimarus : u Wrede, p. 322-330 ; de Wellhausen lui-même, Einleilung in die drei ersten Evangelien. p. 94 ; de Burkitt, Gospel Historu, p. 77. Rappelant cette heureuse évolution de la critique contemporaine, M. J. Lebreton, s’exprime ainsi (et ses paroles nous serviront de conclusion) : « L’histoire de la révélation du Fils de Dieu a été étudiée d’un double point de vue. Un bon nombre d’exégètes libéraux ont prétendu retracer le développement psychologique du Christ, décrire l’éveil et l’épanouissement progressif de sa conscience messianique… [Cette] méthode, telle du moins qu’elle a été pratiquée, est clairement en contradiction avec les données du dogme ; on constate d’ailleurs qu’elle n’a pa* porté les fruits qu’elle promettait, et elle provoque aujourd’hui, dans les milieux les plus divers, la défiance et la satiété. Manifestement on est las de ces prétendues études psychologiques sur la « conscience de Jésus » qui n’aboutissent qu’à travestir l’Évangile et à en faire un roman. On reconnaît que l’histoirien du Nouveau Testament ne peut se désintéresser de la psychologie, et qu’il doit à sa lumière éclairer soit l’enseignement du Christ, soit même quelques de sa vie intime ; mais on n’espère plus découvrir par ces observations tous les secrets dela cou Jésus iii, en particulier, le premier éveil et le progrès de la révélation divine en lui. Les Origines’lu Dogn la Trinité, Paris, i « édit., 191 >, p. 2°.’» -^ :, 1. M. Lepin, Jésus, M< u de Dieu, p. 78, i 52 s’j ; 208-21.", ; 420-432 ; 461-464 ; Ide M. I Paris, 1908, p. 168-176 ; 198-199 et surtout 283 sq. ; L.-Cl. Fil lion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. ii, p. I 631 ; Mgr Batlffol, L’enseignement de Jésus, Paris, 191 On trouvera une bonne thèse théologique dons Gan Lagrange, De révélation. Paris, 1918, t. n. p. 160 sq. V. Les miracles de Jésus-Christ ; réalité bt valeur apologétique. La négation de la divinité du Christ par les rationalistes et le^ protestants libéraux, la conception moderniste, du fait surnaturel historiquement indémontrable et Irrecevable, posent la question des miracles du Christ, de leur réalité et de leur valeur apologétique. Afin de demeurer dans les limites que nous nous sommes tracées et pour ne pas revenir sur les précisions déjà apportées en ce qui concerne la théologie catholique et son apologétique, voir col. 1312sq., il nous suffira de déterminer la position prise par les adversaires de la révélation chrétienne à L’endroit des prodiges opérés par Jésus. Les Juifs des premiers siècles de notre ère n’hésitaient pas à reconnaître la réalité des miracles du Sauveur, mais ils les attribuaient à un pouvoir magique. Cf. H. Laible, Jésus Christus im Talmud, Leipzig, 1900, p. 44-48 ; S. Jérôme, Epist., xi.v, Ad Asellam, P. L., t. xxii, col. 483. Ils ne leur accordaient en conséquence aucune valeur démonstrative dé la vérité. Sur l’opinion des Juifs anciens, voir : Origène, Contra Celsum, I. I, c. xxviii-xxxviii, P. G., t. xi, col. 713-733 ; Arnobe, Aduersus Gentes, t. I, c. xi.m, P. L., t. vi, col. 773 ; Eusèbe, Demonstratio evangelica, t. III, c. vi, P. G., t. xxii, col. 224-236 ; S. Augustin, De consensu evangelistarum, t. I, c. ix-xt. P. L., t. xxxiv, col. 1048-1050. Cf. Schôttgen, Horm hebraiae et talmudicss in universum N. T., Dresde, 1733, t. i, passim ; Eisenmenger. Entdecktes judenthum, Kônigsberg, 1700, t. i, p. 148-149, 16B ; S. Krauss, n « s Leben Jesu tuich iiidischen Qællen, Berlin, 1902, p. 40-41 ; 53-51 ; 68-69 ; 93-94 ; 118-119 ; 123-121 ; J. Salvador, Jésus-Christ et sa doctrine, Histoire île la naissance de l’Église et de ses progrès pendant le premier siècle, 2’édit., Paris, 1864, t. î, p. 390-105 Quant aux païens, les prodiges attribués à leurs dieux et héros les prédisposaient à admettre les miracles de Jésus-Christ, sans en tirer, pour autant, quelque conséquence en faveur de la mission divine du Sauveur. Ou bien encore, ils dénaturaient purement et simplement le caractère des miracles de Jésus, pour être libérés des conclusions logiques qui s’imposent. Cf. Eusèbe, Conlru Hieroctem ; Demonstratio evangelica, t. III, c. iv-vi, P. G., t. xxii, col. 795-868 ; 198221 ; Origène, Contra Celsum, t. I, c. vi, xxxvi, i.xvii, i.xviii ; t. II, c. xlviii, P. G., t. xi, col. 665, 729, 786, 788. Arnobe représente les païens comme accusant Jésus de magie, Aduersus Génies. I. I, e. xi.iu, P. L., t. vi, col. 773. Voir !.. Coudai. La provenance des Évangiles, Paris, 1898, p. 84-93. Voir également les « miracles » antiques, juifs ou païens, recueillis par P. Fiebig, Jûdische Wundergeschichlen des ncutestamentlichen Zeitalters, Bonn, 1911. Il faut arriver jusqu’aux xvir et xviii "inr trouver des attaques précises ou directes contre les miracles, soit chez les déistes, soit chez les panthéistes anglais ou hollandais de l’époque. Hobbes, Spinoza, et, un peu plus tard, Tiudal, el surtout T. WoolstOH († 1731), lequel publia contre la réalité des miracles de JéSUS plusieurs ouvrages, ModéTOtor, 1725 ; Six discours on the Miracles <d Our Saviour, Mil 1729 ; Defence >J UnDiscourses, 1729-1730. Cf. Vigouroux, Les Livres saints et lu critique rationaliste, ">" édit.. ! 9(ii, t. u. P. 88-122 C est à partit de cette époque que les attaques dira oduisent dans le camp rationaliste. Noua aou contenterons de résumer, à l’aide de l’ouvrage de M. FUI ion, Miracles’/< N.-S. Jésus-Christ, Pari, 1909, l’hisl des attaques ration I d’esqul de Justification pi ésentés par la critique. 1399 JÉSl S-CHRIST ET LA CRITIQl ; K. LES MIRACLES 1400 1° Histoire des (iliaques rationalistes. - — 1. Les premiers théologiens rationalistes. --Reimaïus accuse ouvertement les disciples d’avoir inventé d’une manière frauduleuse et de connivence avec Jésus les miracles relatés dans l’Évangile. Jésus se sérail mis d’accord avec quelques-uns de ses compatriotes qui se firent passer pour sourds, muets, estropiés ou fous, alin de lui fournir l’occasion de les guérir en apparence. Sa résurrection même n’aurait été qu’une feinte, après l’enlèvement de son cadavre par les apôtres. Paulus .i recours à la théorie des explications purement naturelles. Les prodiges de l’Évangile, d’après lui, peuvent et doivent tous être ramenés â des causes physiques et humaines. Jésus n’a voulu accomplir aucun miracle propienient dit : les évangélistes ne se sont pas proposés de raconter un seul fait vraiment prodigieux : la marche sur les eaux n’a été qu’une promenade au bord du lac ; le changement de l’eau en viii, une aimable mystification ; les résurrections ne furent que le retour normal à la vie de malades tombés en syn cope ; les maladies guéries par le Christ furent imaginaires, etc.— Schleiermacher n’ose faire de pareilles violences aux textes sacrés. Les prodiges furent réels. Mais, grâce à des dons spéciaux et à des connaissances très vastes, inexplicables pour ceux qui étaient témoins des résultats obtenus, Jésus pouvait accomplir des actes qui paraissaient être des prodiges. quoiqu’en réalité ils n’aient jamais dépassé les limites du domaine naturel. — D. Schenkel rattache, lui aussi, les miracles de Jésus, et surtout les miracles de guérison, â un pouvoir extraordinaire, mais naturel. Toutefois avec cet auteur commence déjà la distinction entre miracles de simple guérison et miracles sur les forces physiques les seconds étant la plupart du temps le fruit de la légende et leur récit ne s’expliquant que par des interpolations. — Strauss inaugure une ère nouvelle. Repoussant le système de Reimaïus comme contraire à la logique et celui de Paulus comme contraire à la méthode historique, il fait intervenir son système personnel des < mythes » pour expliquer les prétendus miracles du Sauveur qui, en réalité, sont « les créations légendaires formées dans l’Église primitive au sujet de Jésus sous la double influence des oracles de l’Ancien Testament et du désir d’exalter les plus possible Notre-Seigneur, envisagé connue le Messie promis. Tantôt les miracles relatés dansl’Évan-Liilc n’ont aucune base historique : ce sont simplement des incarnations de l’idée messianique ou d’autres concepts chrétiens, tantôt ils ont pour origine un l’ail historique réel, mais faussement interprété : le Seigneur avait dit de ses disciples qu’il i les Ici ail pêcheurs d’hommes : cette parole transformée a donné naisami’au miracle de la pêche miraculeuse ; Isae avait annoncé que les aveugles venaient, les muets parleraient, etc., cet li" pi uphél ie 1 1 ansposéc en aile a donné lieu aux miracles de guérison, etc. Plus tard, comme mi l’a « lit plus haut. col. 1378, Strauss modifia quelque peu son système général ; l’explication des miracles s’en trouva, elle aussi, modifiée. Les miiacles du quatrième évangile appartenant au Christ Idéal ont été intentionnellement fabriqués de toutes pièces ; les autres possèdent peut-être quelque tond de vérité, us ayant pu être doué d’ « une vertu cm ative phy iique, Joui nous pouvons nous taire quelque idée par l’analogie de la toi ce magnétique. Streitschriften zut Verlheidigung meiner Schrijt ùber dus Leben Jesu, . ;. Tubingue, 1838, p. 153. Baur et ses dis ciples <’e l’école de Tubingue appliquent aux miracles de l’évangile leur sj steme des tendances >. Ainsi, les (liges racontés dans le quatrième évangile sont entièrement Actifs ; ceux que relatent les synoptiques ont parfois une base réelle, mais mal comprise et mal interprétée ; très souvent aussi, ils sont sans aucun fondement dans la réalité et ne doivent leur existence supposée qu’au désir de glorifier Jésus. 2. La critique éclectique. — La critique relative aux miracles de Jésus suit la même courbe que la critique relative ;  ! sa divinité. Les premiers rationalistes etleurs successem s immédiats ont épuisé la série des systèmes plus ou moins a priori ; les néo-ci itiques de l’école libérale se feront éclectiques empruntant aux nus et aux autres quelques traits et les amalgamant ensemble. Ils ont recours tout à la fois aux interprétations naturelles de Paulus, aux mythes de Stiauss, aux tendances de Baur. aux influences morales ou psychiques de Schleiermacher et de Schenkel, et même, quoique avec une certaine réserve, à la supercherie dont Reimaïus n’a pas craint d’accuser Jésus et ses disciples Généralement, ils rejettent dans le domaine du mythe ou de la légende les miracles opérés par Notre-Seigneur dans le monde de la nature [c’est-à-dire, les modifications apportées par Jésus aux lois physiques qui régissent le monde), les résurrections des morts et certains cas [tout à lait extraordinaires] de guérison : ils consentent à regarder comme authentiques un nombre limité de cures merveilleuses, à condition de les expliquer par l’influence que le Sauveur exerçait sur les malades, grâce â sa volonté énergique, à sa miséricordieuse bonté, â son art de suggestionner, etc. » L.-Cl. Fillion, op. cit., t. i, p. 81. Cf. du même auteur, Ce que les rationalistes daignent nous laisser de la vie de Jésus, dans la Revue du Clergé français, 1 er juillet, P r août. 1 er septembre 1908. Dans cette interprétation des miracles, chacun apporte sa note particulière. - C. Hermann Wcisse rejette comme apocryphes un certain nombre de guérisons plus difficiles, les résurrections de morts, les miracles sur les forces de la nature et les considère comme une < enveloppe » dont le dogme et la tradition avaient entouré l’histoire de Jésus, Die evangelisehe Geschichlc kritiscli und philosophisch bearbeilet, Leipzig, 1838. — Aux grandes lignes du système éclectique, Renan ajoute ses interprétations personnelles, si fragiles et si superficielles qu’il est impossible de les prendre au sérieux. Les guérisons qu’opéraient Jésus furent souvent dues i au contact d’une personne exquise » qui valait « les ressources d’une pharmacie. Pour la résurrection de Lazare, il insinue que Jésus se rendit complice d’une supercherie : d’ailleurs Jésus i subissait les miracles que l’opinion exigeait, bien plus qu’il iules taisait « : c’est équivaleminent affirmer que les miracles sont le produit île l’imagination et de la suggestion, mais qu’ils n’ont pas existé en réalité. D’ailleurs l’auteur les nie a priori : « C’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis : Les évangiles sont des légendes : ils peuvent contenir de l’histoire : niais certainement tout n’y est pas historique. Vie de Jésus. _> édit., p. 270 ; 372-375 ; 21’-> : I3e édit., p. vi. — Il est à peine utile de citer ici le nom de M. Loisy, qui marche pleinement sur les traces de Renan, jus qu’à parfois reproduire les expressions de l’auteur de la Vie des Jésus. Cf. Jésus et la tradition éoangélique, Paris, pipi. La négation du surnaturel, principe éminemment rationaliste, a été posée comme base de imite critique par Ernest Havet : La première obligation que nous fait le principe rationaliste, qui est le fondement de toute critique, est d’écarter de la vie de Jésus le siu naturel… Il n’a pas de surnaturel dans la vie de Jésus : il a pu avoir quelquefois l’illusion du surnaturel i. Revue des Deux Mondes. | » « avril 1881, p. 587, 589. Th. Keiin se rattache à Schleiermacher. Les miracles autres que les miiacles de guérison sont ou bien des légendes, fondées sur des faits typiques de l’Ancien Testament (apaisement de la tempête, résurrection de morts), ou des paraboles transformées en acte (pêches miraculeuses, figuier maudit) : les 1401
      1. IÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE##
    IÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LES MIRACLES o. miracles de guérison seraient l’effet de la rorce spirituelle, compatissante et sympathique de Jésus. — On trouve la même distinction chez Karl von Hase. 11. -.1. Holtzmann. O. Holtzmann, J, Weiss, 11. Weinel, W. Bousset, A. Harnack, I 1. Wernle : il n’a pas d’autres miracles que les guérisons, qui s’expliquent d’ailleurs naturellement par Y impression extraor dinaire que produisait sa personnalité imposante, cf. o. Holtzmann, Leben Jesu, p. 150, par la suggestion, par l’hypnose, par l’hystérie. M. Harnack est un type réussi de l’éclectisme libéral. Il groupe ainsi les récits évangéliques relatifs aux miracles : récits provenant d’exagérations portant sur des faits naturels impressionnants ; récits provenant île paroles ou de paraboles de Jésus, ou d’accidents internes transportés dans le monde extérieur : récits tirant leur origine du désir de voir se reproduire certains faits narrés dans l’Ancien Testament ; récits de guérisons surprenantes, dues à la puissance spirituelle de.lesus ; récits de faits « qui demeurent impénétrables. c’est-à-dire inexplicables. En somme. M. Harnack ne reconnaît de valeur qu’aux guérisons accomplies par Jésus, lesquelles, d’ailleurs, n’ont jamais dépassé les limites du domaine naturel. Dos Wesen des Christentums, p. 1 ! » : tr. fr., p. -12. Jésus n’a donc pas été un thaumaturge au sens propre du mot. mais un docteur merveilleux, Yunderdoktor. Cf. Wrede. Die An lange unserer Religion, p. 00 : P. "W. Schmidt, Die Geschichte Jesu erklârl, p. 68-72. En réalité, la chrétienté croyante a peint sur le fond doré du merveilleux l’image humaine, si simple de Jésus : ses miracles sont une couronne ctincelante que la foi poétique des premiers chrétiens a placée sur son front ». W. Bousset, Jésus, p. 15. — Un assemblage curieux de toutes les négations et de toutes les hypothèses rationalistes à l’endroit des miracles évangéliques a été fait par M. W. Soltau, Hat Jésus’Wunder gethan ?… Leipzig, 1903. Voir une analyse île cet ouvrage dans I’illion. Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. i. 88-90. Sur l’attitude des rationalistes contemporains relativement aux miracles de l’Évangile, voir A. Seitz, Das Evangelium des Gotlessohns, Fribonrg-en-B., 1908, p. 134-136 ; 111 : 150 ; 170-194 : 349-350. 3. Attitude hésitante des protestants orthodoxes. — Attitude hésitante est assez peu dire : nombre de protestants orthodoxes et de critiques anglicans. théologiens modérés et se rapprochant de nous sur beaucoup de points, semblent craindre d’accepter les miracles de Jésus-Christ. Lorsqu’ils les admettent, c’est avec une grande répugnance, ou bien en faisant d’étranges concessions aux adversaires du surnaturel. Ils travaillent, semble-t-il, a réduire le plus possible. au double point de vue de la quantité et de la qualité, les miracles évangéliques. Ainsi agissent, à l’aile droite des protestants libéraux confinant au protestantisme orthodoxe, MM. B. Weiss. Beyschlag, Konrad Furrer, chez les orthodoxes, MM.F. Barth, Die Hauplprobleme des Lebens Jesu. 2’édit., Gûtersloh, 1 1)’Beth, Die Wunder Jesu. dans la collection Bi blische Zeit und Streitfragen du l> r Kropatscheck, Berlin, 1905 ; chez les anglicans. MM. I. liel hune I îaker. The Miracle ofChristianilg, Cambridge 191 I ; W. San day, The criticism o/ thefourih Gospel. Oxford, 1905, et, dans sa réponse a l’évêque anglican d’Oxford, Bishop Gore’s Challenge lo Criticism, Oxford, 191 1. 2° Essais de justification de la négation des miracles en regard des textes évangéliques. — Nous avons déjà entendu les vagues assertions des rationalistes : transposition de mythes, incarnation de concepts dogmatiques, idéalisation du Christ, etc. Mais encore faut-il expliquer la présence dans les textes évangéliques de narrations relatant des miracles accomplis par Jésus. Car, ces récits ne sont point simplement juxtaposés a la trame de la narration évangélique ; ils font pi de la substance même de nos documents, voir col. 1 190 et les pins acharnés adversaires du surnaturel sont obliges.l’en convenir. On peut, celles, opposer a cette constatation des difficultés d’ordre philosophique ; mais cela ne suffit pas pour justifier, en regard des textes, les négations rationalistes. Il faut donc, pailles motifs de critique et d’histoire, légitimer ces assertions. l. Justification par la méthode comparative. — On nous assure qu’en règle générale, les récils relatifs a l’origine des religions attribuent quantité de prodiges aux fondateurs de ces cultes, cf. Heitmûller, Jésus Christus, p. 61. Personne ne prétendra qu’ils soient des miracles véritables, les prodiges attribués à certains empereurs païens, à Esculape, à Apollonius de Tyane, au Bouddha, à Mahomet En raisonnant par voie d’analogie, il convient donc, axant d’admettre les miracles (le Jésus-Christ, de montrer une extrême circonspection et de chercher une explication plus conforme aux lois ordinaires de la nature de cette auréole merveilleuse dont on veut nimber le front du Christ. On cite un t miracle i opéré par Yespasien : cf. Tacite. Annal., IV. St et Suétone, De Yita Ctesa mm, l. VIII, Yita Vespasiani, vu. Vespasien aurait guéri deux infirmes, l’un aveugle, l’autre estropié, en lavant avec sa salive les joues et l’orbite des yeux du premier, en donnant un coup de pied au second. D’après Tacite, les médecins consultés par l’empereur, avaient répondu que ces infirmes étaient humainement curables. Les miracles attribués à Esculape ne supportent pas la critique : les malades, du reste, ne recouvraient la santé qu’en usant des remèdes que le dieu était censé leur avoir révélés en songe. Cf. Origène, Contra Celsum, t. III, c. ni. xxiv-xxv. P. G., t. xi. col. 924, 948, 9 19 : A. Harnack. Die Mission und Ausbreilung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderlen, Leipzig, 19(12. p. 7(i-79. Ces prétendus miracles d’Apollonius de Tyane, dont la vie a été écrite plus de cent ans après sa mort par Philostrate de Lemnos, tr. fr. par Chassang, Paris, 1804, sont considérés comme apocryphes : « Personne, écrit Renan, n’accorde de créance à la vie d’Apollonius de Tyane i. Yie de Jésus, Paris, 1803, p. 15. Voir Apollonius de Tyane, Ci, col. 1508-1511 ; cf. E. del’resscnsé. Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, 1865, p. 379 ; A. Réville, Le Christ païen du ///e siècle, dans la Revue des Deux Mondes, 1 er octobre 1805, p. 620654. Ces miracles du Bouddha sont innombrables : du commencement à la fin, sa légende n’est qu’une accumulation singulière de prodiges ridicules, excès sifs, à tel point qu’on a pu les rapprocher des prodiges des évangiles apocryphes du Nouveau Testament. Cf. E. Kuhn, Buddhislisches in den apocryphen Eoangelien, dans Guruptyâkaumadt, 1896, p. 110-119. Voir, dans le Dictionnaire apologétique île la Foi catholiqiu. I. il, col. 692-095 la discussion de ce rapprochement. Quant aux miracles de Mahomet, ils lui sont très cer tainement attribués par ses disciples, et longtemps après i mort : mais ils sont conl i ouvés. Cf. Marracci. Prodromus adrefutat. Alcorani, 1698, 2’part., c.v, vii i Quoi qu’il en soit des miracles et des lliaumahi dans les religions païennes ou chez les Infidèles en général, nous refusons absolument d’accepter la comparaison qu’on veut établir entre les récits évangéliques et les histoires plus ou moins controuvées, i il a tives aux origines de ces religions. Abstraction I des différences essentielles qui apparaissent entre les 1rs de Notre s. ceux du paganisme par rapport a la personne même du thaumaturge, il exi un abîme entre des prodiges dont le récit D’offre aucune garantie d’authenticité <-i de véracité el miracles dont li offrent à nous avec 1< ties de l’authenticité la plus parfaite et de la véracité la plus absolue-. Aucune méthode comparative ne peut nous obliger à révoquer en doute les certitudes qu’offrent les récits évangéliques à cause des incertitudes que présentent les origines des religions autres que le catholicisme. 2. On entreprend encore de justifier la négation des miracles évangéliques en faisant étal de l’universelle diffusion de la croyance aux prodiges, diffusion aussi grande chez les Juifs que chez les païens de l’époque. Heitmûller, toc. cit. Il ne s’agissait pas, en réalité, de rais miracles, mais de guérisons d’infirmités de toute sorte, infirmité^ (jiie l’ignorance ou la superstition attribuaient aux esprits malins. Ce sont donc ici, très particulièrement, les miracles relatifs à la délivrance des possédés qui sont visés. Assurément on ne peut nier qu’à l’époque où parut Jésus, les Juifs n’aient eu la tendance d’attribuer aux esprits malins l’origine de bien des maux ; cette idée se reflétait dans les expressions et les façons de parler. Mais nous avons déjà dit, voir col. 1193, pourquoi il est impossible de révoquer en doute les cas particuliers de possession diabolique dont il est fait mention dans l’Évangile. Dans les textes qui leur sont relatifs, Jésus y parle trop nettement de son antagonisme personnel avec le démon pour que nous soyons autorisés à voir dans son attitude et ses paroles « une accommodation volontaire, pédagogique, à des erreurs inofîensives, répandues de son temps. » Quant aux cas plus nombreux, signalés in qlobu et sans spécification aucune, il est possible que les Évangélistes, usant de la terminologie du temps, ait langé parmi les démoniaques de simples malades qui offraient avec ceux-ci des symptômes extérieurs semblables. Datu hoc, non concesso, il ne s’ensuit pas encore que les miracles de Jésus à l’endroit de ces malades puissent être niés comme miracles : L’interprétation rationaliste qui réduit les divers cas de possession à des formes variées de maladies mentales ou nerveuses, à l’épilepsie, à l’hystérie, à la manie, à la grande névrose, ne diminue aucunement la difficulté de l’explication naturelle des cures opérées par Jésus. On reconnaît en effet de plus en plus la lenteur, l’extrême rareté, l’instabilité des guérisons obtenues en pareille matière. Mais pour tous ceux qu’un parti pris philosophique Injustifiable n’empêche pas d’admettre l’existence d’esprits séparés, les miracles ne sont pas moins évidents. Aux lieu et place des méthodes alors approuvées, souvent très contestables, toujours lentes, compliquées et précaires, Jésus use de procédés sommaires et souverains… Par la simplicité, par l’efficace, par l’empire, qu’ils attestent dans ce domaine trouble et mystérieux, où une force intelligente tient en échec les efforts humains, les procédés du Maître ne diffèrent pas moins des exorcismes alors usités que sa façon de guérir les autres maux, ne différait de la thérapeutique habituelle. » !.. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, n. 332. 3. Mais l’étude des textes évangéliques eux-mêmes fournit, dit-on, un troisième argument justificatif en faveur de la thèse rationaliste. Il y a, dans nos i écits, une tendance à l’amplification, à l’idéalisation. On en trouve le point culminant dans le quatrième évangile. Mais cette tendance existe déjà chez les synoptiques. N’est-ce pas là un argument très fort en faveur de l’hypothèse, si souvent émise par les 1 1 il iques, d’une Idéalisation du (’.lu isi par les premiers chrétiens dans un but dogmatique ou apologétique ? Strauss apporte à l’appui de ces assertions les histoires de l’expulsion des démons à Ciérasa, Marc, v, 1-20 ; Matth., viii, 28-34 ; Luc, viii, 26-39 ; la guérison du lunatique, Marc, tx, 13-28 ; Matth., xvii, 14-20 ; Luc, i. 37 14 ; la guérison du paralytique, Marc, ii, 1-12 : Matth., i. 1-8 ; Luc, v, 17-26. L’argument de Strauss porte sur le progrès et l’amplification qu’on trouve chez saint Luc sur saint Matthieu, chez saint Marc sur saint Luc : cet argument ne vaudrait (si tant est qu’existent le progrès et l’amplification qu’afiiime Strauss) que dans l’hypothèse de la priorité de Matthieu sur Luc, et de Luc sur Marc C’était la thèse de Strauss : mais on sait que cette thèse n’est plus acceptée de personne aujourd’hui. La critique a i envcrsé la critique. Nous avons déjà dit ailleurs, voir col. 1191, pourquoi les divergences des évangiles entre eux, loin d’être un argument en faveur des interpolations ou des additions possibles, attestaient au contraire leur sincérité et leur véracité. D’ailleurs comment admettre que la première génération chrétienne ait fait à Jésus-Christ une auréole des miracles qu’il n’aurait point accomplis ? Parmi tous les arguments qu’on a coutume d’apporter contre l’assertion rationaliste, il convient d’en relever ici deux particulièrement satisfaisantes : « Entre la mort de Jésus-Christ et la date indiquée (comme date de composition des évangiles), sous le regard de plusieurs apôtres qui vivaient encore et d’autres nombreux témoins oculaires de la vie de Jésus, une tradition légendaire n’aurait pas eu le temps de se former. D’ailleurs l’école néo-critique est obligée de reconnaître que l’œuvre de saint Marc, sous sa forme actuelle, ou sous la forme primitive que lui donnent quelques-uns de ses membres, est redevable de nombreux enseignements à saint Pierre, même dans les narrations où il est question de miracles. Il suit de la que l’élément miraculeux, dans les évangiles, n’est pas le produit de la foi des chrétiens, mais une partie essentielle et primitive des récits sacrés. Fïllion, I-cs miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 112. D’ailleurs les apôtres étaient attentifs à ce qu’aucune erreur ne se glissât dans l’Église ; cf. Act., xx. 30 : Gal., i, (i-7 ; I Tim., iv. 1-3 ; vi, 3-5, 20-21 ; II fini., m. 1-9, 14 ; II PeL.u, 1-19 ; I Joa"., iv. 1-li : II Joa., 9-11 ; Jud., 19 ; Apoc, ii, 14-15, 20, etc. ; ils n’auraient toléré aucune addition légendaire à la vie du Seigneur… à moins que nous ne les accusions de duplicité ou d’illusion ; mais alors ce serait revenir aux plus anciennes positions rationalistes de Reimarus ou de Renan, positions condamnées aujourd’hui par la critique elle-même. Un deuxième argument convaincant a été formulé par J. H. Bernard, dans le Diclionary of the Bible de Ilastings, t. iii, p. 391 : « Si les preuves de la réalité des miracles de Notre-Seigneur n’avaient point paru entièrement satisfaisantes à ceux qui avaient les meilleurs moyens d’en juger, l’Église catholique n’aurait pas vécu pendant une seule année après le crucifiement de Jésus. » Loin d’avoir créé les miracles, c’est aux miracles qu’elle doit en partie son existence. Quant à la vérité des miracles du quatrième évangile, elle est démontrée par le fait même de l’historicité de cet écrit. 4. Les textes évangéliques et Jésus lui-même fournissent aux rationalistes un nouveau moyen de tenter leur justification. Jésus nous est montré refusant un signe du ciel aux pharisiens qui le demandent, Marc, vm, Il sq., cf. Matth., xvi, 1, sq. ; Matth., xii, 38-10, cf. Luc, xi, 29-30, et impuissant à accomplir des miracles, à cause de l’incrédulité de ses auditeurs, Marc, vi, 5-6, cf. Matth., xiii, 58. « Ces deux traits de la plus ancienne tradition nous fournissent deux normes historiques inattaquables : non seulement nous pouvons, mais nous devons traiter avec défiance tout ce qui porte le caractère de miracles extraordinaires, et nous ne devons admettre dans le domaine du possible que ceux des événements merveilleux dans lesquels la confiance personnelle pouvait jouer un rôle. » Heitmûller, op. cit., p <>. r >. Et n’est-ce pas comme malgré lui que Jésus accomplissait des miracles puisqu’il recommandait à ceux qui en étaient bénéficiaires la 1405
      1. JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE##
    JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA RÉSURRECTION L406 plus entière discrétion et imposait le silence absolu aux démons expulsés. Cf. Marc, t. 25, 34 ; iii, 12 ; v, 43 : vu. 36 ; viii, 28 ; Mat th., viii. 4 ; rx, 30 ; mi. 15 ; Luc, iv. 35, 41 ; v, 14 ; viii A vrai dire cet te difficulté est résolue par tout ce que nous avons dit du caractère économique i de la révélation de Notre-Seigneui Jésus-Christ et plusspé cialement de la limitation, que Jésus imposa, volontairement et par mesure île sagesse, à la manifestation de sa puissance. « Admettons dans leur ampleur les faits qu’on nous oppose. Oui. Jésus a refusé constamment d’accomplir un certain genre de miracles ; oui. dans ceux-là même qu’il accomplit, nous devons relever une double restriction ou, si l’on veut, une double limitation. Limitation relative aux conditions du sujet. A Nazareth, il fait peu de miracles, à cause de l’incrédulité de ses compatriotes ; il « ne peut faire que peu de miræles. » Marc, vi, 5, 6 ; Matth., xiii, 58. Mot admirable de l’évangéllste, et qui fait voir jusqu’au fond la valeur, la portée, la qualité spirituelle et religieuse de la puissance thaumaturgique du Maître I Ce n’est pas une force inconsciente, une puissance d’expansion sans frein, sans règle et sans but. Jésus n’impose pas plus la force bienfaisante qui guérit que la lumière qui sauve. — Limitation par rapport à la divulgation des faits merveilleux, qui sont soumis comme le reste et au même litre que l’enseignement et les paraboles à la mai che progressive et volontairement dosée, de la manifestation totale. !.. de Grandmaison, art. cit., n. 317. 5. Il ne reste plus comme dernier îefuge aux critiques rationalistes que d’invoquer la puissance des /crées inconnues de la nature et autres banalités de ce genre, dont nous n’avons pas à nous occuper ici. A moins que, disséquant les textes sacrés, distinguant les différentes couches qu’ils voient s’y superposer, ils n’en arrivent à nous dire péremptoirement quel noyau historique se retiouve au fond de nos lécits évangéliques et quelles additions, insertions, intcipolations ont été faites pour y introduite les éléments étiangers, légendaires et mythiques, embellissements poétiques, par où se serait infiltré le miracle. M. Soltau excelle dans ce genre d’exercice. Et M. Loisy ne veut lui céder en rien. Nous ne les suivrons pas sur ce terrain, nous acceptons les textes que la critique historique nous présente comme solidement attestés, et ainsi armés, nous pouvons, à la suite de Jésus, présenter ses œuvres comme les preuves authentiques de la crédibilité de sa doctrine. Joa., xiv, 12. I..-C1. Fillion, Les miracles de S. -S. Jésus-Christ, Paris, 1909, 2 vol., on consultera surtout le second volume pour l’étude de chacun des miracles en particulier.étude que nous ne pouvons aborder dans cet article. — L. deGrandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 1446-1471 ; FI. Chable.Die Wunder Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; I.. Fonk, Die Wunder des Herrn in Lvangelium, Inspruck. t. i, 1903 ; tr. ital., Rome, 1914 ; J. Iiourchany-E. Jacquier, Les miracles évangéliques, dans Conférences apologétiques, Paris, 1911 ; E. tgarto de Ereilla, Los Milagros del f^vangelio, Madrid, 1913. — Les ouvrages les plus utiles, protestants orthodoxes ou anglicans, ont été suffisamment signalés au cours de l’article. VI. LA RÉSURRECTION" DE Jl.SIS-Cn HIST ET LA CRI-TIQUE. — Nous avons déjà traité, dans la partie dogmatique de cet article, du fait historiquement certain de la résurrection, col. 1214-1224, sans dissimuler les difficultés dont la critique entend tirer parti contre le dogme catholique. La discussion des objections soulevées, l’exposé et la réfutation des systèmes rationalistes devant être abordés à RÉSURRECTION lil’.li Christ, nous nous contenterons ici d’indications extrêmement sommaires. On a généralement abandonné aujourd’hui les anciennes hypothèses, mises eu avant par Reimarus el Paulus de l’enlèvement du corps du Christ ou m mort apparente. La critique contemporaine est plus radicale. Partant de ce principe que la résurrection du Christ est l’impossibilité des impossibilités » (Stapfer), elle s’efforce donc essentiellement d’éliminer les textes évangéliques relatifs à la résurrection et do démontrer qu’ils sont uniquement le fruit d’une élaboration lente et progressive accomplie au sein de la seconde ou de la troisième génération. Elle s’ingénie en outre, subsidiaircinent, à ruiner les preuves secondaires de la résurrection, c’est-à-dire la mise au tombeau du corps de Jésus et la découverte du sépulcre vide, expliquant, par la même préoccupation apologétique et dogmatique des générations postérieures au Christ, l’introduction de ces textes dans l’Évangile. Sur ce dernier point, les hypothèses rationalistes croulent devant les faits rapportés en des récits qui présentent toutes les garanties de vérité historique. Au fond, l’argumentation catholique consiste à rappeler que rien ne nous autorise à révoquer en doute l’historicité du récit évangélique. La mort réelle de Nolrc-Seigneur est attestée par saint Paul autant que par les synoptiques et par saint Jean, et la sépulture honorable du Sauveur ne peut être mise en doute. De plus il est incontestable que la concordance des quatre évangiles, renforcée encore par Act., ii, 24-32 ; xx, 27-30, voir col. 1219 sq., établit victorieusement que le récit du tombeau trouvé vide est historique. La critique rationaliste révoque en doute l’historicité des récits des apparitions et tente d’éliminer le plus possible ces récits du fond primitif de l’Évangile. Pour justifier son attitude elle invoque l’énumération des apparitions, faite par Paul, 1 Cor., xv, 1-20, qu’elle suppose exhaustive et qui représenterait les premières afiir mations de la conscience chrétienne en quête de preuves de sa foi. Nous avons déjà rappelé que l’énumération de Paul n’a pas ce caractère exclusif qu’on lui prête. On s’appuie également sur l’existence des deux traditions hiérosolymitaine et galiléenne touchant les apparitions, voir col. 1216, pour ruiner l’historicité des récits évangéliques, tout au moins de ceux qui ont trait aux apparitions de Judée. La tradition galiléenne a les préférences des critiques. Elle seule a des chances d’être primitive et de contenir quelques éléments de la catéchèse des apôtres ; Pour comprendre cette préférence, il suffit de se rappeler que, seules, les apparitions du Christ en Galilée, peuvent offrir quelque chance de cadrer avec une élaboration progressive, sous l’empire de la réflexion, de la foi au Christ vivant, chez saint Pierre d’abord, chez ses compagnons ensuite revenus de l’abattement dans lequel les avait plongés la mort de Jésus ; tandis que l’éventualité d’apparitions du Christ à Jérusalem, dès le matin même de Pâques et les jours suivants, est tout à fait ruineuse pour la thèse rationaliste. L’apologiste catholique n’a pas de peine à démontrer que les deux traditions supposées ne s’excluent pas, mais se complètent, qu’on les rencontre juxtaposées dans les évangiles, sauf celui de Luc, qu’elles le sont aussi dans saint Paul, et qu’on n’est donc pas autorisé à révoquer en doute l’historicité des apparitions de Judée en raison de l’existence d’une tradition galiléenne. La critique rationaliste ne s’en t ici il pas là. Obligée d’admettre un noyau primitif historique des récits d’apparitions — comment expliquer, sans la foi en la résurrection, l’élan religieux qui s’est manifesté au début de l’ère chrétienne ? elletentede leui enlever toute réalité objective poui en fali pies hallu cinations visuelles, avec, peut-être, m bjec tive spirituelle très réelle. Poui étaj a cette solution, qui nie et la résurrection et la réalité matérielle des apparitions, il faut d’abord poser en principe que le 14<I7
      1. JÉSUS-CHRIST##
    JÉSUS-CHRIST. PRINCIPALES VIES CATHOLIQUES 1408 corps du Christ ressuscité n’a plus ; rien de commun avec kcorps sensible, foi nie des éléments matériels, que possédait le Christ en mourant. Il faut ensuite faire violence aux textes sacrés qui supposent tous une cause sensible extérieure aux visions, et qui n’est autre que le corps même de Jésus, substantiellement identique à celui qu’il possédait pendant sa vie terrestre. On invoque l’autorité de saint Paul, I Cor., xv, 1-20, contre la réalité’des visions, mais précisément cet argument se retourne contre ses auteurs : saint Paul entend bien parler d’une vision corporelle, sensible, objective. Voir col. 1214. Enfin, pour expliquer comment les apôtres et les premiers disciples ont pu arriver à cette hallucination visuelle qui leur a permis d’affirmer le fait de la i ésm rect ion, il faut leur supposer une mentalité que dément et leur psychologie et leur tempérament. La critique rationaliste au moins chez quelques-uns — invoque contre l’historicité de la résurrection, l’argument tiré des infiltrations mythologiques et païennes. Nous avons déjà rencontré cet argument à propos de l’existence même et de l’enfance de Jésus, et nous savons combien sont peu fondés les rapprochements, tout de superficie et de mots, quon prétend trouver entre le christianisme et les religions de l’Orient. Les mêmes procédés rationalistes sont employés pour nier la réalité de l’ascension du Sauveur et avec aussi peu de succès. Le dogme catholique et les conclusions théologiques qu’on en tire n’ont pas été entamés par ces efforts de l’incrédulité et l’Église continue de proclamer sa foi en Jésus qui est ressuscité le troisième jour et est monté aux deux. VII. Conclusion. Si imparfait et si succinct quc soit notre exposé de l’œuvre de la critique rationaliste à l’égard de la personne adorable de Jésus, il suffit néanmoins pour montrer le caractère totalement négatif de cette œuvre. « Il ne pouvait d’ailleurs en être autrement. Cette critique a comme point de départ un préjugé philosophique, la négation du surnaturel, et prétend retrouver dans la conscience humaine le dernier mol des explications du dogme, fin sorte quc, pour elle, le dogme de Jésus-Christ n’est qu’une élaborai ion de cette conscience, et la figure que nous nous traçons de Jésus doit répondre uniquement à nos besoins et a nos aspirations du présent. Ainsi, selon la remarque d’A. Meyer. « Jésus a quelque chose de particulier à dire à chaque époque. On conçoit facilement quc cette critique n’apporte au dogme qu’une contribution toute négative, elle ne peut que détruire la révélation objective et surnaturelle qui est à l’origine de la foi. Aussi nous n’avons pu nous résoudre, en cet article, a donner a la critique, comme telle, droit de cité dans le développement dogmatique et théologique de la révélai ion touchant Jésus-Christ. Les progrès accessoires réalisés par et à l’occasion de la critique rationaliste ne sont pas un motif suffisant pour accueillir les théologiens libéraux dans la longue théorie de ceux qui, au cours des siècles, ont tenté de mieux connaître la personnalité divine et humaine du Christ. I.’érudition loule humaine qu’il faut d’ailleurs reconnaître et dont nous devons tirer partin’est qu’un accessoire en regard des principes surnaturels et des ( lieux Ihéologiqucs n dont use le croyant pour atteindre l’objet de sa foi. D’une utilité incontestable loi squ’elle est mise au sei vice de la vérité révélée, celle érudition, en tant qu’elle ignore (Kl combat sys tématiquement le surnaturel qui est l’essence même du dogme, doil él re reléguée hors du sanctuaire de la i aie théologie. C’est celle pensée qui a dicté le plan de notre article, ou nous avons d’abord étudié la révélation, le dogme et la théologie de la personne de Jésus, en eux mêmes, avant d’indiquer l’attitude de la critique a leur endroit. En terminant, nous ferons remarquer que, tout en s’eflorçant de nous retracer la figure d’un Jésus objectif, personnage historique qui, loin d’être créé par notre conscience, s’impose a elle jusque dans ses traits surnaturels, le dogme et la théologie catholiques entendent bien ne pas ignorer ce que ce Jésus est pour nous, ce qu’il a été et sera toujours pour les hommes de toutes les époques. Nous l’avons rappelé en montrant que l’Église, corps mystique de Jésus, continue sur la terre non seulement l’œuvre de l’incarnai ion mais l’incarnation elle-même. Jésus est notre Jésus, notre Sauveur, notre lumière, notre vérité, notre vie. Il est i noire », non pas parce que nous l’avons créé nôtre i en transformant en concepts les secrets désirs et les besoins religieux denotre être, mais parce que sa transcendance divine, substantiellement unie à son humanité, l’a manifesté tel dans l’économie du plan divin ; il est « nôtre > parce que son humanité sainte, en souffrant, en expiant, en mourant pour nous, a mérité de devenir la source de notre vie. le loyer de notre lumière, la norme de notre vérité. Là est le mystère vrai du Christ. On ne le comprend bien que si l’on admet, d’une part les sublimes profondeurs de l’élément divin en Jésus et d’autre part les anéantissements ineffables de l’incarnation. Personne, mieux que saint Paul n’a exprimé ce mystère divin et humain à la fois ; Qui cum in jormo Dei esset, non rapinam arbitratus est esse se œqualem Deo : sed semetii>sum exiitanin’t, formant servi accipiens, in similitudinem hominum joclus et habitu inoentus ut homo. Humiliavit semetipsum latins obediens usque ad mortem, mortem autan crucis. Propter quod et Deus exaltaoit illum ri donavit illi nomen, quod est super omne notnen ; ut in nomine Jesu omne genu flectatur cœlestium, terrestrium et infernorum ; et munis lingua confitecUur quia Dominas Jésus Christus in gloria est Dei Palris. Phil.. ii, 6-11. Principales vies catholiques de Jésus-Christ. 1° JSn langue latine : 1. La dévote Vita Christi de Ludolphe le Chartreux, Strasbourg, 1471, éditée à maintes reprises depuis ; Vita Jesu Christi, in-folio, Paris. 1865 ; 4 vol. in-8°, Paris, 1870. Cet ouvrage fut traduit en français et publié à Lyon en 1817. Lecoy de la Marche a donne une nouvelle édition de cette traduction, Vie de Jésus-Christ composée on XVe siècle d’après Ludolphe le Chartreux ; texte rapproche tlti français moderne, in-4o, Paris, 1869-1872. Autres traductions : (loin FI. Broquin, La grande oie île Jésus-Christ (trad. intégrale), (i in-8°, Paris, 1864-1865 ; 7 in-12. Paris, 18701873 ; Vie de Noire-Seigneur Jésus-Christ (trad. intégrale), 6 in-8°, Paris, 1864-1865 ; 7 in-12, Paris, 1870-1873 ; Vie de Noire-Seigneur Jésus-Christ, traduite nouvellement sur le texte latin, 2 in-12, Paris. 1818 ; 5° édil., 187 :  !. 2. Méchineau, S. J., Vita Jesu Christi 1). N., Paris, 1896. Précédée d’un préambule sur l’état politique, les institutions et la langue des Juifs au temps de Notre-Selgneur, sur la chronologie de la vie du Christ, sur la topographie de la Palestine, cette vie n’est pas une simple synopse extraite des évangiles : elle est la série parallèle et continue des quatre textes complets que l’on a à la fois sous les yeux, ce qui facilite la comparaison et met en relief la concordance. I u appendice présente une bonne étude sur les discours, les prières, les paraboles de JéSUS-Christ, ainsi qu’une Intéressante Vita amlcorum Domini. 3. Synopsis Evangeliorum historica seu’it.r Domini Nostri Jcso (Jirisli quadruplex et una narrulio, auctore A. Azibert, Alhi, I8’.17. Le but de cette vie est Indiqué par le litre. On sait que l’auteur a parfaitement atteint ce bul et que sa synopse se place parmi les meilleures. t. Vita Domini nostrl Jesu (Jiristi < quatuor Eoangeliis, i/is/s.s.s. Ltbrorum verbts concinnata a J.-B. Lohmann, S. J., Paderborn, 1898. la Vita du P. Lohmann n’a pas la portée de la synopse de M. V/ihcrt, mais elle met bien en lumière les grandes lignes de l’ordre Chronologique généralement adopté. Il faudrait également signaler les multiplet synopsis publiées au cours du i siècle : on en trouvera la nomen109
      1. JÉSUS-CHRIST##
    JÉSUS-CHRIST. PRINCIPALES VIES CATHOLIQUES l ilO rlature dans M. billion, Synopsis evangelica, Paris, I p. vu. 2° En langue française : 1. Histoire de la de de Notre-Seigneur, par le P. de i s..1., Taris. 1830. I.’autour reproduit intégralement tous Us textes qui outrent dans la concordance dos quatre évangéllstes. H ajoute dos commentaires et des paraphrases qui xpliquent non seulement le sons du texte, mais encore les es, 1. - vérités morales exprimées ou supposées dans lo texte. L’exéi èse contemporaine pourrait apporte ! maints perfectionnements à cette vie ; mais, telle qu’elle est, {’Histoire de la ne de N.S. du P. o.e l.ignv reste encore excellente et utile, principalement pour les âmes pieuses qui préfèrent l’édification à l’agrément et veulent s’instruire dons la religion en même temps qu’avancer dans la piété. 2. Parmi les Vies de Notre-Seigneur Jésus-Christ écrites on réponses à la Vie de Jésus de Renan, la Vie de Nolre-St ignt ur de Louis Youillot. Paris. [86 1. a survécu. 1.’autour se propose d’amener a la toi et d’y affermir l’homme indifférent, mais non hostile, par une simple exposition de l’Évangile. I.a vie proprement dite du Sauveur est précédée do préliminaires utiles : l’existence de Dieu démontrée par l’homme lui-même, la chute de l’homme, la nécessité d’un médiateur, les prophéties et leur valeur. La vie de Jésus est racontée simplement, d’après les évangiles, sans que l’auteur s’astreigne a une chronologie scrupuleuse ; il s’attache spécialement aux événements et aux enseignements les plus saillants, qu’il enchâsse de textes des saints Pères. 3. La Vie </e N.S. Jesus-Christ de.Mgr Dupanloup, l’aris, 1870, est sans prétention aucune : d’une simplicité et d’une brièveté remarquables, elle n’est que le résumé des évangiles. 4. La Vie de Noire-Seigneur, par M. l’abbé Fouard, 2 vol., Paris, 188O, nombreuses éditions subséquentes, présente exclusivement le côté historique et littéral de la vie de Notre-Seigneur. L’auteur suit l’ordre chronologique et divise année par année le ministère public du Sauveur. Pour que le récit soit fondu, alerte et vivant, il rejette au bas dos pages les discussions scientifiques. Ouvrage d’une lecture facile et intéressante. 5. La Vie de Xotre-Seigncur par M. l’abbé [depuis Mgr] Le Camus, 3 vol., Paris, 1883, nombreuses éditions, est plus riche de détails que colle do M. Fouard, mais moins nette peut-être. L’œuvre s’adresse a la masse, qui ne connaît qu’imparfaitement Jésus-Christ. Aussi l’auteur embrasse-t-il tout ce qui peut intéresser tous les lecteurs possibles : exégèse, théologie, piété, données historiques et géographiques : il restitue aux évangiles la chronologie qui leur manque. Trois parties : les commencements de Jésus, la vie publique du Sauveur, la fin du Messie. La seconde est la plus considérable et se subdivise elle-même en trois périodes, période d’exploration générale, période de création en Galilée, période de combat en Judée. Les luttes do Jésus sont rattachées aux trois grandes fêtes célébrées dans la mission de Notre-Seigneur en Judée, fête des Tabernacles, fête de la Dédicace, fête de Pâques. 6. Jésus-Christ par Mgr Bougaud (t. n de l’ouvrage intitulé : Le Christianisme et les temps présents, Paris, 188-J). Œuvre apologétique, écrite pour convaincre les rationalistes. Mgr Bougaud entend se servir des seuls arguments acceptés par ses adversaires. Il laisse visiblement de ccité l’ancienne apologétique. De la perfection de la vie, do la doctrine, de l’enseignement de Jésus, il déduit sa divinité. Jésus, quoiqu’ayant 1p pouvoir de faire des miracles, en a fait relativement peu, afin de ménager la liberté et la raison de l’homme : grande délicatesse de la part d’un Dieu. On voit par la le sens et la portée des arguments. Jésus-Christ est divisé en trois parties : 1° Les sonnes de la vie de Jésus-Christ, ou est démontrée l’authenticité dos évangiles (c’est la partie la mieux réussie) ; 2° Le récit de la vie de Jésus-Christ ; 3° Les conclusions logiques de la vie de Jésus-Christ. 7. Le Jésus-Christ, du I’. Didon, Paris, 1891, n’est pas une œuvre populaire ; c’est une œuvre savante si l’on tient compte des études préalables qu’elle suppose ; mais non point si l’on considère la manière dont l’auteur a mis en œuvre tes matériaux C’est un discours perpétuel, ouvre éloquente sans doute, mais où l’éloquence vise trop a Unir toujours le premier rang et soumettre à sr s lois science, histoire, exégèse, philosophie, théologie. Il y a, dans l’ouvrage, d’heureux traits : il en est d’autres moins DICT. Di ; THÉOL. CATHOI.. heureux : la façon dont l’auteur s’exprime à l’égard de l’éducation reçue par Notre-Seigneur, du pingres de sa science expérimentale, de la vocation de Jésus, laisse a désirer, l’eut-on parler aussi de 1’Insuccès final de Jésus ? » s. Bien préférable est l’ouvrage de M. l’abbé Lesêtre, Notre-Seigneur Jésus-Christ dans son saint évangile, i vol. l’aris, 1892. Sans prétention a l’érudition, celle vie est cependant composée par un érudit. Elle convient parlai tentent à la moyenne des catholiques. File était, au moment nu elle paraissait, comme un résumé de toutes les éludes bibliques contemporaines sur l’histoire de Jésus-Christ, telle iiue nous l’offre la svnopse des quatre évangiles. Fait suite à la vie île Notre-Seigneur, La suinte Église " » siècle des Apôtres, l’aris, 1896. 9. Notre-Seigneur Jésus-Christ su vie et ses enseignements, Paris, 1892, par M. l’abbé Frotté. L’auteur divise la vie de Notre-Seigneur en trois parties : sa vie cachée, sa vie publique, sa passion’. Son but est uniquement de présenter la vie du Christ au point de vue de l’histoire et de suivre le plus exactement possible le sens littéral des Évangiles. L’auteur cependant, au cours du récit, réfute les erreurs l< s plus importantes des rationalistes contemporains. Quelques réflexions empruntées aux Pères, prises surtout à la C.atena A lire a de saint Thomas, seront utiles à la piété du lecteur. 10. Jésus-Christ dans l’Évangile, par le P. Th. Pégue. O. P., Paris, 1898. L’auteur fond en un seul le récit des quatre év angélistes. sans modifier le texte sacré. Après chaque scène évangélique, il développe dans des notes les explications de tout genre, utiles pour la complète intelligence de la narration. Ouvrage extrêmement simple et clair, excellent au point de vue de la piété et de la science. 11. Notre-Seigneur Jésus-Christ d’après les saints Évangiles, par l’abbé Jacquier, professeur à l’Institut catholique de Lyon, Lyon, 1901). Pas un mot étranger à l’Évangile : le texte sacré seul, découpé en petits paragraphes munis chacun d’un texte bien précis et, au bas des pages, quelques notes courtes et substantielles. Celle vie est une œuvre de vulgarisation faite par un savant. 12. Jésus, par le P. Sertillanges, O. P., Paris, 1000. Huit chapitres rc-sument Jésus : sa personne, son berceau, sa vie solitaire, sa prédication, sa prière, ses disciples, ses relations avec l’autorité juive, Jésus et la nature. Ce livre doit faire aimer Jésus. 13. G. Berthe, Jésus-Christ, Paris, 1903. — C’est la vie populaire par excellence ; ce qui n’enlève rien de ses hautes qualités. L’auteur met éloquemment en relief la vie du divin Maître, telle qu’elle apparaît dans le récit évangélique . 14. L. Lepin, Jésus-Christ, sa vie et son œuvre, esquisse des origines chrétiennes précédée d’une introduction sur lu valeur historique des évangiles, 5’édit., Paris, 1918. Excellente mise au point, dégagée de toute apparat critique, 15. L.-Cl. Fillion, Noire Seigneur Jésus-Christ d’après le Évangiles, Paris, 1917. — Livre simple, exempt de toute recherehe de style, dépouillé de tout appareil scientifique, de toute discussion dogmatique, chronologique ou i tique. Deux chapitres : le Pays de Jésus, le Peuple de introduisent le lecteur dans le milieu politique et social où vécut le divin Maître, l’n autre chapitre monti valeur historique des évangiles. 10. Du même auteur. Vie de Jésus-Christ, Exposé historique, critique et apologétique, 3 vol., Paris, 1922. Par son caractère critique, ootto vie se distingue nettement dos autres qui l’ont précédée. Appuyé sur la théologie, l’exi et la critique des textes, l’auteur raconte les événements, montre leur enchaînement et leur portée et rapport paroles de Jésus en les situant dans leui milieu pour eu donner lo sens exact et ou tuer la leçon convenable. C’est sans doute la vie la plus complote sous tous rapporta qui nous ait eto donnée do Notre-Seigneur Jésus-t hrist. Nous voudrions Indiquer quantité d’autres ouvrages, de deuxième plan, Bans doute, mais excellents néanmoins, tels que les Nies de Jésus-Christ écrites par.Mgr Pava MM. Pauvert, Foisset, Lecanu, Wallon, Hervo, Puisieux, Maigret, (.h. Rebord, Boyer, Em. Barbier, etc. Mais il faut savoir se restreindre. En terminant ci tte liste déjà longue des publications dl inçaise, nous mpouvons omettre de signaler le vaste commentaire homllétlquc du I’. Leroy, S..1., sur la vie’lu Sauveur, JésUS-CItriSt, I 1890-1914, oi celui do M. le vicaire général ( aron qui dos titres divers, offrent la pitié un aliment substantiel sur les div. de l’existence du Messie. VIII. 3° Lu langues étrangères : 1. Jean Népomucène Sepp, Das Leben Christi, 7 vol., Ratisbonne, 1843, tr. tr. abrégée par. M. Sainte-Foi, Paris, 1854 ; 4- èdit, en 1901-1902 : Cet ouvrage, « lit M. Fillion. Les étapes, p. s : s, a de nombreux défauts à côté de grandes qualités. Il a bien plus les dehors que la réalité de i i science. Le D’Hase le juge en ces termes : Sepp a foii de l’histoire évangélique une fantasmagorie Intéressante. I’. Schegg, Sechs Bûcher des Lebens Jesu, Fribourg-en-B. , 1873. —.1. Grimm et J. Zahn, Dos Leben Jesu, 2, ’édit., Ratisbonne, 1890-1899, 7 volumes ; compilation énorme. M. Meschler.Das Leben unseres Herrn Jesu Christi, 5’édit., Fribourjt-en-B., 1902. P. Dausch, Das Leben Jesu, Munster, 1911. 2. II. Coleridge, The Life nf our Life, Londres, 1869 ; compilation considérable, dévote, tr. tr. de MM. Petit et Mazoyer, La oie de Notre oie, Paris, 1888-1895. A..1. Mass, The Life ni Christ, 1e édit., Saint-Louis, 1891. 3. A. Capecelatro [depuis cardinal], La Vita di Gesù Cristo, Home, 18(iS (abondante, éloquente) nombreuses rééditions ; Vito Fornari, Dellà’oità <ii Gesù Cristn, Rome, 1901 ; Bellino, Gesù Cristn, Turin, 1911 ; Fiori, Il Crista flella slnrine ilelle scritture. Home, 1905. Ajoutons, sans la recommander, la vie récemment écrite par Giovanni l’apiui, où il faut reconnaître un effort louable pour faire admirer et connaître Jésus par des adversaires et des indifférents. 1. R. Vilarino, Vida de N. S. Jesu Cristn, Bilbao, 1912. il faudrait également signaler les ouvrages apologétiques ou les travaux scientifiques écrits sans intention polémique directe, m ; iis qui, par la force des choses, ont dû s’occuper de la vie de certaines parties de la vie de Jésus. Mais nous voulons strictement ne signaler ici « pie les viespro irement dites de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les ouvrages du Sîcnre que nous omettons oui d’ailleurs été maintes fois cités au cours de l’article. A. Michel JEU. Voir aléatoires (Contrats), 1. 1, col. 695 ; et Bourse (Jeux de), t. ii, col. 1100 sq. JEUNE. On n’a pas l’intention <le taire ici l’histoire de la loi du jeûne. Il n’y a pas lieu d’y revenir après l’étude sur le carême, où l’origine et les développements historiques du jeune quadragésimal furenl largement exposés. Cetle étude a besoin seulement d’un léger complément ; et elle l’aura nécessairement lorsqu’il sera question des quatre-temps et des vigiles. Voilait. Carême, t. ii, col. 1724-1750, el les art. Quatri I i.mi’s. Vigiles, qui viendront à leur place. Le présent article ne louche pas non plus à l’observance du jeune parmi les Églises chrétiennes d’Orient, dont il a été suffisamment parlé à propos soit du carême, soit même de l’abstinence ; car l’abstinence et le jeûne, chez elles, quoique distincts, se mêlent assez pour être désignés l’une et l’autre par les auteurs grecs sous le nom générique de jeûne. Voir art. Abstinence, t. i, col. 261’271. Voir aussi art. Arménie, 1. 1, col. 1961 sq., Constan 1TNOPLE (Éylise de), t. iii, col. 1112, 1413.’m se propose donc uniquement d’exposer la discipline a luelle du jeûne dans l’Église latine, en conformité avec le nouveau Code et selon la doctrine commune d -s moralistes.
    I. Notions générales.
    II. Précepte du jeûne.
    III. Gravité du précepte.
    IV. Jours de jeûne.
    V. Exemptions.
    VI. Dispenses.
    I. Notions. -
    Jeûner, au sens absolu du mot, c’esl s’abstenir de tout aliment et de toute boisson. ce jeûne complet les casuistes ont donné le nom de jeûne naturel. C’est celui que l’Église prescrit au prêtre qui célèbre et au Adèle qui lail la sainte communion, depuis l’heure de minuit, et qu’oïl appelle aussi poulie motif, jeûne eucharistique. Ce jeûne encore est fortement conseillé, comme une disposition qui convient, avant un baptême d’adulte, au prêtre qui le confère et au sujet auquel on L’administré. Cod../ » /-. eun.. can. sus, 753, S l, x :, s. §’Le jeûne qu’on s’impose librement, en dehors des prescriptions de l’Église, el mil on règle soi-même les modalités, est dit par les théoli me munit. La mortification et la péni tence l’inspirent, ou comme une mesure préventive contre le mal. ou comme une expiation du péché commis. Par là, selon une formule de la préface du carême. > les vices sont contenus, l’esprit s’élève, la vertu se pratique et les mérites s’acquièrent. La vie des ascètes chrétiens en offre de nombreux et illustres exemples. Le jeûne dont l’Église non seulement approuve la liii, mais a fixé dans le détail le régime disciplinaire, est le jeûne proprement ecclésiastique. De ce jeûne il est question précisément dans cet article, IL Précepte du jeune. l" Age. Au précepte du jeûne sont astreints tous ceux qui ont achevé leur vingt et unième et n’ont pas commencé leur soixantième année. Can. 125 I, s 2. L’Église, se f< ndant sur ce qui a lieu communément, estime que les jeunes gens, avant vingt et un ans accomplis, et les personnes âgées qui entrent dans la soixantaine, ont besoin de manger sinon davantage, au moins plus souvent, ceuxci parce que leurs forces déclinent, ceux-là parce que leur croissance n’est pas achevée. Déjà la coutume tenait les sexagénaires pour exempts du jeûne : la nouveau code l’a fait passer dans le droit écrit. 2° Un seul repus principal. La loi du jeûne prescrit de ne faire qu’un seul repas dans la journée. Mais elle permet de prendre quelque nourriture le matin et le so r. pourvu qu’on observe les coutumes locales approuvées, en ce qui regarde la quantité et la qualité des aliments. Can. 1251, § 1. Ou peut au si réserver pour le soir, si l’on veut, le repas principal, § 2. Un seul repas dans la journée : en cette restriction consiste essentiellement le jeûne. Si donc, un jour ou il y a obligation de jeûner, on fait ou sciemment ou par inadvertance, un deuxième repas véritable, non seu lement on enfreint mais on ne peut même plus observer le précepte ce jour-là. Peu importe d’ailleurs qu’on ail pris cette seconde et entière réfection en une seule fois, ou en mangeant à diverses reprises entre temps, l’infraction est la même et le jeûne également impossible. A celui qui le matin, oubliant la défense, aurait copieusement déjeuné, il ne resterait plus qu’un moyen d’observer la loi, ce serait de supprimer le repas de midi ou la collation du soir, selon qu’il estimerait a mipris ou non l’équivalent d’un repas. On s’est longtemps demandé si on pouvait jeûner sans s’abstenir d’aliments gras, autrement si l’abstinence, elle aussi, était de l’essence du jeûne. Parmi les théologiens, ceux qui la regardaient comme son accompagnement nécessaire, permettaient plusieurs repas aux personnes autorisées par dispense à manger de la viande. Hennit XIV, par la constitution Nonumhi-Ol’mus (30 mai 17 11). a dissipé le doute, en défendant à ceux qu’une dispense autorise à l’aire gras, de prendre plus d’un repas les jours déjeune. Il s’ensuit que la loi qui prescrit de jeûner est distincte et séparable du précepte de l’abstinence, connue d’ailleurs le code le marque expressément. On viole dans sa lettre et dans son esprit le précepte d’un seul repas dans la journée, si on fait durer ce repas outre mesure, ou si, l’interrompant à dessein, on le reprend quelque temps après, en sorte qu’il représente non plus une seule mais deux réfections à peu près complètes. Ceci doit s’entendre moralement ou selon une estimation commune. Ainsi la durée du repas principal peut atteindre deux heures, el davantage si l’on a des convives : il est permise celui quia interrompu son repas pour un motif raisonnable, de le continuer même une heure après, pourvu qu’il ait (put lé la lalile pensant y revêtir. On est beaucoup plus large encore envers quiconcpie a dû forcément l’interrompre sans avoir mangé à sa faim. On ne peut accuser, au moins de péché mortel, celui qui mangea nouveau, une demi heure après qu’il a terminé son repas. L’heure du repas principal d’après une coutume