Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST V. Jésus-Christ et la critique 3. La personnalité divine de Jésus

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 694-702).

III. La personnalité divine de Jésus. — Les critiques, protestants libéraux ou rationalistes purs, s’efforcent de mettre en relief les traits de la figure humaine du Christ. Nous avons montré, au cours de " cet article, voir col. 1141-1171, qu’on peut, qu’on doit fortement accuser ces traits qui répondent à la réalité des choses. Mais la prétention des adversaires de la foi chrétienne a un but très différent du nôtre : en affirmant l’humanité de Jésus-Christ, nous entendons pleinement respecter sa divinité. Les rationalistes ni"ttent en un puissant relief les traits humains de Jésus, mais c’est afin de nier sa personnalité divine. Les protestants libéraux, tout en reconnaissant en Jésus une certaine transcendance par rapport aux autres hommes, ne veulent point y trouver une ti cendance, proprement divine. Ainsi, dans leur négation commune de la personnalité divine, les ration i listes et les libéraux se séparent par cette nuance, impie : premier chef, puisqu’elle contredit La

thèse des premiers et montre L’Insuffisance de Il I

ronds De i rat loyalistes se rap i 1er

, auxquels nous consacrerons un parauraph ° Le protestantisme libéral. - Nous avons indiqué le sens général de la thèse libérale chez les protestants : .lésu-- n’est qu’un homme, et cependant dans sa conscience personnelle, il y a quelque chose de surhumain ; dam ses prétentions, quelque chose d’extraordinaire.

1. Cette thèse perce déjà dans les faibles ripostes adressées aux négations absolues de Reimarus par .’.-J. Hess. Geschichte eter elrei lelzten Lebensjahre Jesu, 3 vol., Leipzig, 7° édit., 1822 ; par Franz Volkmar 1 teinhaid, Versæh ùber den Plan welchen der Slifter eler Christlichen Religion zum Btsttn der Menschen entwarf, V édit., Dresde 1830 ; par J.-A. Jakobi, Dit Geschichte Jesu fur denkende und gemùlhvolle léser, 1806 ; et surtout J.-G. Herder, dans ses deux descriptions du Christ si dissemblables l’une de l’autre, la premièie élaborée d’après les synoptiques, <>m Erlôser der Menschen nach unsertr drei erslen Evangelien, Riga, 1796 ; la seconde, d’après saint Jean, om Gotles Snlui. der Weli Deiland, nach Joannes Evangtlium, Riga, 1797. A mesure que le rationalisme s’affirme dans l’exégèse et la théologie d’outre-Rhin, le libéralisme se fpit de plus en plus éclectique et devient de moins en moins croyant. Parfois on le peut à peine distinguer du pur rationalisme. Cependant la thèse fondamentale de la transcendance de Jésus subsiste, encore qu’on l’enveloppe de formules naturalistes. Dans la longue théorie des auteurs présentés par M. Fillion, dans Les étapes du rationalisme, nous détacherons quelques figures, plus représentatives de ce mouvement d’abandon croissant des positions traditionnelles. — Karl Hase adopte souvent la thèse nettement rationaliste, et cependant il veut faire un choix. Ln ce qui concerne le Messie, sa doctrine est, par rapport aux prédécesseurs, assez nouvelle : de l’ignorance et des préjugés qu’il partagea d’abord avec ses concitoyens sur le rôle du Messie, Jésus passa progressivement à la conscience de sa mission toute spirituelle. Saint Jean, seul parmi les disciples, a bien saisi l’enseignement du Maître dans la dernière péi iode de sa vie ; les préoccupations eschatologiques qui transparaissent dans les synoptiques, sont totalemenl absent., s de son évangile. Das I.eben Jesu. tunâchsl lui akademische Studien, 5e édit., Leipzig, 1865, devenue Geschichte Jesu nach akademischen Vorlesungtn, Leipzig, 1891. L’idée dv ce piogrès dans la conscience messianique du Christ sera reprise par J. H. Holtzmann et’1 h. Keim. Voir plus loin. - Avec Schleiermacher, nous trouvons, appliquée à Jésus. la théologie du sentiment : cet auteur se l’orme un Christ idéal et pour le retrouver dans l’Évangile, il ne relient des textes que ceux qui cadrent avec son idée préconçue. D’ailleurs, son Christ n’est pas Dieu ; il a été simplement uni à Dieu d’une manière extraordinaire, cette union ne différant que par le degré de l’union que l’Esprit Saint produit chez les autres fidèles. « Le problème [du Christ) n’a pas été résolu et la solution |en] est seulement approximative », écrit-il. J)eis I.eben Jesu, X’orlesunycn (publiées par Rtlterlck), Berlin, 1864. — Parmi les réfutations de la Vit de Jésus de Strauss, imbues de l’esprit libéral, il faut citer la vie de Jésus composée par A.-’W. Néander, Das Lebtn Jesu, 7e édit., Hambourg, 1873 ; ti. fr. Paris, 1852. Jésus est encore appelé le fils de Dieu, mais o en ce sens que l’humanité s’est parfaitement i éalisée en lui ». — Avec Henri Auguste Ewald apparaît, dans la théologie libérale protestante, érigé en principe, l’éclectisme auquel elle étail fatalement vouée par ses concessions au rationalisme Pour Ewald, « jamais Jésus ne s’est égalé léméi ahcinent au Lue, de soi te que le traiter comme Dieu, c’est faire de lui une idole, c’est consentir à perdre ce qu’il y a di meilleur et de plus histoi Iqne dans sa vie ; d’autre i ii. Jésus est i une apparition unique en son genre

et incommensiuablement sublime ». Dit Geschichte Christus und seiner Zeil, Gœttingue, 2e édit., 1868, t. i, p. xji, 129. Cf. Die drei erslen Evangelien ùbersetzl und erklàrt, Gœttingue, 1850 : Des Aposlels Johannes Evangtlium und drei Sendschreiben, Gœttingue, 1861.

Lorsque la Vie de Jésus de Renan parut, elle suscita, même parmi les protestants, des répliques. Le Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre de M. de Pressensé, Paris, 1865, est à la Vie de Jésus de Renan, ce nue la Vit de Jésus-Christ de Xéander est à la Vil ele Jésus de Stiauss. Le Christ de Piessensé, dit Hase, plane entre teirc et ciel. Surnaturel quant à son origine, humain dans son développement, c’est un Dieu qui s’est décidé à lutter, à éprouver, des besoins, a souffrir pendant trente-trois ans, pour ressusciter comme Dieu après sa mort, dans un corps humain. Geschichte Jesu, 2e édit., p. 200. — C’est à peine si l’on peut ranger parmi les libéraux, accordant quelque transcendance au Chiist. Schenkel, qui n’admet la divinité du Chiist que parce qu’il n’en parle pas. Das Charakterbild Jesu, ein biblischer Versuch, Wiesbaden. 1’édit., 1873 ; cf. Zur Orientirung ùber meine Schrift…, Ileidelberg, 1861 et Die protestant ische Freiheit, Heidelberg, 1865 ; Das Christusbild der Aposlel und apostolischen Zeil. aus den Quellen dargestellt, Leipzig, 1879 ; ou encore Seeley, qui affecte de ne parler que du Christ -homme, Ecce homo, a Surveu of the Lift and Work of Jésus Christ, Londres, 1866.

Th. Keim est encore un parlait spécimen de l’éclectisme libéral, mais avec une tendance très nette vers le rationalisme : d’un côté il ne veut pas dépasser les limites de la nature ; d’un autre, il est obligé de reconnaître que son héros, Jésus, va bien au delà de ces limites. 11 s’attache surtout à décrire le développement intérieur de Jésus, sa conscience messianique grandissant sous l’impression du succès comme sous celle de l’épi cuve cl de la contradiction. Voir surtout Geschichte Jesu van Nazara, 3 vol., Zurich. 1867-1872. — Beyschlag se) attache tant soit peu à l’école de Schleiermacher. Dans soii opuscule Ueber das Leben Jesu non Renan, Berlin, 1864, il paraît nettement rationaliste, mais sa pensée se modifie dans sa Christologie des Xcuen Testaments, Beilin, 1866, et surtout dans les deux volumes : Bas Leben Jesu, 4e édit.. Berlin, 1901. Beyschlag nie la préexistence éternelle du Logos ; le Sauveur est subordonné à Lieu le Père et cependant il faut reconnaître qu’aucun des écrivains du Nouveau Testament n’assimile Jésus aux créatures. — M. B. WeiSS a des prétentions a l’orthodoxie ; mais il ne croit pas strictement à la divinité du Christ : « les tentatives pour introduire dans le titre de Fils de Dieu… l’idée dogmatique d’une génération divine… sont simplement non fondées en histoire. » Lchrbuch dei biblisehtn Thtologit des y. T.. 7° édit., Leipzig, 1907, p. 61. Toutefois « la disposition moi aie de la filialité divine en Jésus doit avoir son fondement premier dans une relation oiiginelle que ci ée l’amour du Dieu Père à son égard. Id.. p. 61, note 3. M. Fairbairn, dans son étude érudite sur 771c Place of Christ in modtrn Thtology, 10e édit.. Londres, 1902. déclare de MM. Beyschlag et Bernhard Weiss que > tout en prenant des libertés a l’égard de la littérature (évangélique), ils regardent néanmoins Jésus comme appartenant, par le choit imprescriptible de son être Intérieur ou de son caractère, a un ordre qui dépasse celui de la nature », p. 285. Mais ils nient sa divinité !

On trouve encore des affirmations analogues chez M. Ilawiack pour qui Jésus est convaincu et conscient de sa haute mission, connaissant sa vocal ion, se sachant l’Élu de Dieu, le juge des hommes, le chemin qui conduit au Père : Qui accepte l’Évangile et s’efforce de connaître Celui qui l’a apporté, témoignera qu’ici le Divin est apparu, aussi pur qu’il peut apparaître

sur la terre et il sentira que Jésus lui-même l’ut pour

siens la puissance de cet Évangile. » Essence du

christianisme, tr. tr., Paris, 1907, p. 176. Et pourtant

proclamer Jésus Fils de Dieu, au sens objectif et réel du mot, serait i ajouter quelque chose à l’Évangile. »

<L, ibid. Avec une tendance à tout ramener aux prédictions

eschatologiques, M. Joli. Weiss admet aussi volontiers la transcendance messianique du Christ, tout au moins dans la conscience qu’avait Jésus de sa mission : il s’est personnellement considéré comme l’Élu par excellence, qui était plus qu’un prophète. Die Predigt Jesu vom Reiciie Gotles, 2’édit., Gœttingue, 1900, p. 64.

On trouve la même note.au point de vue île la transcendance messianique du Christ, chez M. P. YYernle :

Jésus de Nazareth s’est présenté avec la conscience d’être plus qu’un prophète… Jésus a la conscience d’être plus que simplement un homme.. L’étonnant en Jésus est qu’il ait conscience d’être au-dessus de l’humanité, tout en ayant la plus profonde humilité devant Dieu. » £> ! < Aniânge unserer Religion. Tubingue, 1901, p. 23-2). Citons encore M. II. Wendt : Nos sources synoptiques attestent que Jésus, en certaines occasions, quoique non fréquemment, s’est désigné comme le Fils de Dieu par excellence, dans un sens qui le place à part de tous les autres hommes… Mais elles ne donnent aucunement le droit d’attribuer à la relation filiale que Jésus déchu ait avoir avec son Père, un caractère différent en principe de celle qui. selon ses propres paroles, doit unir ses disciples à Dieu. » Die Lchre Jesu, 2e édit.. Gœttingue, 1901, t. i. p. 117.

On remarquera que ces derniers auteurs placent tous la transcendance de Jésus dans sa conscience, dans sa conviction d’être supérieur aux autres hommes. C’est que, de plus en plus l’éclectisme libéral tend au rationalisme pur. Après le travail souterrain » de la critique (comme dit M. Sanday, The Life oj Christ in récent Research, Oxford. 1907, p. 166), il n’est presque rien resté des narrations évangéliques, sauf quelques rares éléments où semble encore s’affirmer une vague transcendance dans le Christ M. II. J. Holtzmann i éprenant la thèse chère à Hase et à Keim, établit a priori un progrès constant dans la conscience messianique de Jésus. Son plan de la vie de Jésus est rédigé d’api es saint Marc et dégagé de tout caractère surnaturel. « Il partage le ministère galiléen de Jésus en sept petites périodes, dons lesquelles il découvre un progrès constant : Marc. i. 1-45 ; n, 1-ni, 6 ; iii, 7-19 ; m. 20-rv, 34 ; iy, 36-vi, 6 ; vi, 7-vn, 37 : viii, 1-ix, 50. Le progrès en question concernerait spécialement, soit dînant le ministère galiléen, soit pendant les dernières semaines de la vie de Notre-Seigneur, le développement de la conscience messianique de Jésus. Son caractère de Messie aurait été .successivement reconnu : 1. par lui-même, au moment où il fut baptisé. Marc, i, 10-11 ; 2. par les démons, qui le proclamèrent malgré lui, Marc, i, 24-26 ; m. 11-12 : v. 6-8 ; 3. par hdisciples, à Césarée de Philippe, Maie iii, i, 27-30 ; 1. par le peuple, au moment de l’entrée tiiomphale à Jérusalem, Marc, ix, 1-11 : 5. de nouveau, par Jésus lui-même, et cette fois d’une manière publique, officielle, en face du grand prêtre Caïphe, qui le condamna a mort pour ce motif. Fillion, Les étapes…, p. 194. On a également distingué deux phases dans la vie du Christ, la phase des succès croissants qui va jusqu’à la discussion avec lis pharisiens, vii, 1-10, et la phase des revers et des échecs qui se termine par la catastrophe. Exagérations, sMèmes a priori ne tenant pas compte de 1’nomie » providentielle qui préside a la manifestation progressive de l’Homme-Dieu, cf. col. 1172-117 cependant, c’est sur ce plan que sont construites toutes les vies. libéralede N.-S. Jésus-Christ, qui oui été

publiées en Allemagne au début decesiècle. Nou i citons d’après M. Fillion, op. cit., p. 195sq : MM.Oicar Holtzmann, Leben Jesu, Tubingue, 1909 ; P.-W. Schmidt, lu Geschichle Jesu erzâhlt, Tubingue, 1899 ; Oie Gesehichte Jesu erlûutert, Tubingue, 1904 ; H. Otto, n und Wirken Jesu nach hislorisch-kritischer Auffassung, Gôttingue, 4° édit., 1905 ; W. Bousset, Jésus, Tubingue, 1904 ; Was wissen voir von Jésus ? ! laile. 1904 ; Konrad Furrer, Dos Leben Jesu Christi, Zuiich, 2e édit., 1905 ; Armo Neumann, Jésus mer er ùchtlich war, Fribourg-en-B., 1904 : i dans le cadre de ce qui est purement humain, nous gardons un héros de la religion », p. lit I ; YY. I Iess, Jésus von S’aznreth im Worllaute eines kritiseh bearbeilelen Einheitsevangeliums et Jésus von Nazareth in seiner geschichtlichen Lebens-Entwicklung dargeslellt, Tubingue, lyOG ; E. Hùhn, Geschichle Jesu und der ûllesien C.hristenheit bis zur Mille des ztveilen Jahrhunderts, Tubingue, 190"> (simple essai de vulgarisation) : Otto Pfleiderer, Das Urchristentum, seine Schriften und I.ehren in geschichtlichem Zusammenhang beschrieben, Berlin, 2 édit., 1902 ; Die Enlslehung des Urchristentums, Munich, 1903 ; Das Christusbild des urchristUchen Glaubens in religionsgeschichtlicher Beleuchtung, I ici liii, 1907 ; P. Mehlhorn, "Wahrheit und Dichlung in den Evangelien, Leipzig, 1906. On retrouve les mêmes idées exposées dans les simples esquisses des auteurs suivants, que nous citons surtout d’après M. Fillion, MM. A. Harnack. surtout dans Das Wesen des Christentums, Berlin, L900 ; A. Jûlicher, Die Religion Jesu. dans le recueil Die Kultur der Gegenwart. t. i, fasc. 4, Leipzig, 1906 ; H. Weinel, Jésus, dans la collection Die Klassiker der Religion, Berlin, 1912 : Otto Schmiedel, Die lluuplprobleme der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, 2e édit.. 1906 ; Paul-Y. Schmiedel, Die Person Jesu im Slreile der Meinungen, Zurich, 190’. » ; II. von Soden, Die wichtigsien Fragen im Leben Jesu. Berlin, 1904 ; Fritz Resa, Jésus der Christ us, Bericht und Bostchaft in erster Gestalt, Leipzig, 1907 ; Friedrich Daab, Jésus von Nazareth, mie mir ihn heule sehen, Dusseldorꝟ. 1907 ; G. Pfanmùller, Jésus, im Urleil der Jahrhunderten Leipzig, 1908 (résumé de toute la littérature relative a N.-S. jusqu’à notre époque) ; A. Hausratb, Jésus und die neuleslamenllielien Schriflsleller. Berlin, 1909, résumé de Die Zeit Jesu, 3e édit., 1879 ; W. Ileitinuller, Jésus von Nazareth, dans Die Religion in Geschichle und Gegenivarl, Tubingue, 1913 : A. Schweitzer, Geschichle der LebenJesu-Forschuna, Tubingue, 1913. Toutes ces vies ou esquisses peuvent se résumer en deux idées, mises en relief par M. A. Meyer, dans sou opuscule : Was uns Jésus heule ist ? Tubingue, 1907 : « Aujourd’hui, nous renonçons sciemment au dogme de la divinité de Jésus ; cela, en nous appuyant sur des preuves convaincantes, empruntées à la vérité et à la religion » ; d’ailleurs « Jésus ne s’est jamais présenté comme un Dieu, pas même comme un thaumaturge et un personnage surhumain, t p. 21 ; mais s’il n’est pas Dieu, Jésus a du moins établi entre nous et la divinité des relations très étroites, et c’est de cela surtout que nous avions besoin ; c’est en ce sens qu’il nous a apporté une rédemption complète. C’est là sa transcendance. Et voici, pour en finir avec les protestants libéraux d’Allemagne, le dernier mol d’un autre maître de la théologie libérale, M. Rudolf von Delius, Jésus, srin Kampf, seine Perso nllchkeit und seine Légende, Munich, s. d. (19*)’)) : « l’impression principale que produit Jésus est celle-ci : c’était une ligure humaine forte, claire, mûre… Jésus était un me supérieur, et pour ainsi dire mis a pari auus de tout il pourquoi il ne pouvait’aire autrement que d’employer Uion du maître, impératifs souverains… Ce genre majestueux L375

JÉS1 S-CHRIST ET LA CRITIQUE RATIONALISTE « levait faciliter plus tard sa divinisation. » P. 124. 2. Le protestantisme libéral a son siège surtout en Allemagne. Toutefois, la France a fourni quelques ouvrages sur Jésus-Christ dans le sens des critiques libéraux d’outre-Rhin. Ou pour mieux dire, ces ouvrages sont de pures transpositions des théories écloses en Allemagne. Signalons rapidement les travaux de M. Auguste Sabatier, Les Religions d’autorité et la religion de l’Esprit, Paris, 1903 et surtout l’article Jésus-Christ, écrit pour V Encyclopédie des sciences religieuses de F. Lichtenberger, Paris, 1880, t. vii.p. 341401 : « Jésus a été un homme ». Il a pourtant une marque distinctive : * c’est d’avoir apporté dans le monde et conservé jusqu’à la fin. une conscience pleine de Dieu et qui ne s’en est jamais sentie séparée. » p. 342 : 367. M. Edmond Stapfer a publié : Jésus de Nazareth et le développement de sa pensée sur lui-même, Paris, 1872 et surtout, Jésus-Christ ; sa personne, son autorité, son œuvre, 3 vol., Paris, 1896, 1897, 1898. Jésus dit M. Stapfer, a avait, la conscience très nette… d’une union avec Dieu que rien n’avait jamais troublée dans le passé et que rien ne troublait dans le présent… Plus Dieu est avec lui et en lui. plus aussi s’accuse sa personnalité et se fortifie l’assurance que c’est lui qui est l’homme te’qu’il doit être, l’homme vrai, le Fils de Dieu. » 1. 1, p. 187. M. Fillion estime ces trois volumes « souvent très faibles et superficiels, malgré leurs prétentions psychologiques. » Op. cit., p. 211, Le Jésus de Nazareth de M. Albert Réville, 2 vol., Paris. 2e édit., 1903, sent « la fadeur et le convenu ». Les étapes, p. 213. Pour nier la divinité du Christ, M. Réville démolit pièce par pièce l’édifice évangélique ; toute la transcendance de Jésus consiste en ce qu’ « il repose en paix sur le sein du Père infini, laissant derrière lui la traînée lumineuse qui marque sa route, et attirant à lui les âmes de pieuse et bonne volonté. > Pour M. E. Giran, Jésus de Nazareth, Paris, 1901. l’âme de Jésus. - ce que l’apôtre appelle son être spirituel — vit dans le monde, pénétrant dans les cœurs de tous ceux qui le cherchent, jetant un frisson dans leur âme liée au péché, éclairant leur conscience. redressant leur volonté. » P. 154. Pour M. Gulgnebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, 1rs origines, Paris. 1906, nous ne savons avec certitude du Christ, que ce que nous en apprennent les Actes, ii, 22-23 ; x, 38-39 : Jésus de Nazareth a été un homme approuvé de Dieu et plein de ses dons ; il a vécu allant de lieu en lieu, faisant le bien, guérissant les malades que le démon opprimait et il es ! mort sur la croix par les mains des méchants. Plus orthodoxe, mais libéral encore est M, ] [enri Monnier, La mission historique du Christ, Paris. 1906. Jésus < n’a pas été le Fils de Dieu au sens strict, > p. 45. Même note chez MM..1. Réville Goguel, et d’i uires.

3. On trouve moins d’originalité encore chez, les protestants libéraux d’Angleterre et d’Amérique, qui soni allés puiser chez les Allemands les éléments de Uni connaissance du Christ. Alex. Robinson, A Sludy on ihe Saviour in the nieivrr Light, or a Present-Day Sludy o/ Jesus-Christ, 2e édit., 1898, déclare s’appuyer sur 11..1. Holtzmann, Keim, Pfleiderer, Weizsâcker, Hausrath, etc. Le même démarquage de la pensée aile mande se trouve chez M..I. Estlin Carpenter, Les tvan giles d’après la critique moderne, tr. fr., Paris, 1904. Des deux dictionnaires bibliques publiés en Anglelei i e, celui de Hastings, A Dictionary of the Bible, 5 vol., Edimbourg, 1898-1904, el -on supplément, ^ Dictio nary of Christ and the <, <>spels, 2 vol., Edimbourg, 1906 1908, est a coup sùi bien plus pics de nos idées touchant Jésus-Christ, nonobstant les nombreuses conce ioni au rationalisme, que celui de Chcyne, Encijclopedia biblica, I vol., Londres. L’article Jésus Christ de M. Bruce, dans cette dernière encj

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clopédie, t. n. col. 2435-2454, est plein de sous-entendus, relativement à la divinité du Christ à laquelle l’auteur ne semble plus croire. C’est encore le portrait du Christ libéral d’outre-Rhin qu’on retrouve chez M. J. A. Crooker, The Supremacy of Jésus, Boston. 1904, dans les ouvrages de Ch. Aug. Briggs, Messianie Prophecy, 1886 ; The Messiah of the Gospels, Edimbourg, 1894 ; The Messiah of the Aposlles, Edimbourg. 1895 : New Light on the Life of Jésus, 1904, et dans les commentaires de M. Gould, Crilical and exegelical Commentarij on the Gospel according to SI Mark. Edimbouig, 1897, et de M. W. C. Allen, Crilical and exegetical Commentarij on the Gospel accordinq to SI Matthew, Edimbourg, 1907. Un radicalisme plus absolu envahit l’IIistorical New Testament du pi ofesseur James MolTatt, tandis qu’un éclectisme déconcertant se rencontre chez M. E. C. Rurkitt. The Gospel Hislory and ils transmission, Edimbourg, 1906. Voir Fillion, Les étapes du rationalisme, p. 100.

4. Il est temps de conclure : la conception, vague et sans consistance, d’une transcendance dont il est impossible de définir le caractère, montre bien l’insuffisance de la position libérale. Il faut donc — et les textes sacrés nous y invitent avec une force de logique irrésistible, — aller au delà de cette tianscendance imprécise et mal définie, reconnaître avec le protestantisme orthodoxe et le catholicisme, Jésus-Christ pour le vrai fils de Dieu et contester le mystère de l’incarnation. M. E. Stapfer a entrevu la logique de cette conclusion, lorsqu’il écrivait : « Le Christ du quatrième évangile ne dépasse en rien celui que les synoptiques nous font deviner. Il nous aide à l’apercevoir. » Jésus-Christ pendant son ministère, p. 325. Avec M. Lepin nous formulons donc cette conclusion : « Ce qu’on relève de l’humanité réelle et vivante du Christ concorde avec le.sentiment tiès net de l’Église primitive comme de l’Église de nos jours et ne prejudicie. a priori, en rien, à ce que cette m Kglise enseigne de l’union substantielle de l’humanité du Christ avec la divinité. Par ailleurs, quand on voit placer ainsi Jésus sur un rang à part, au-dessus des I’i ophètes, quand on le voit déclarer le Médiateur suprême, le Fils de Dieu dans un sens incompaiable et unique, quand des critiques, se tenanl exclusivement sur le terrain des faits, parlent comme font M. Wernle et M. Ilarnack. du « surhumain > et du « divin » en Jésus, on a le droit de soupçonner que le dogme de la consubstantialité du Christ avec son Père n’est pas aussi indépendant qu’on veut le dire des données de l’histoire et que M. SlapTer pourrait lui-même avoir raison, lorsqu’il déclare, op. cit., p. 327, que les faits sont « Inexplicables si Jésus n’a pas été un être à part, au-dessus et en dehors de l’humanité, telle que nous la connaissons. » Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 237. C’est à cette conclusion consolante qu’arrivent d’ailleurs, nonobstant certaines concessions regrettables faites à l’esprit libéral, un petil nombre d’auteurs piotestants. Citons M. 1’. Godet, dans ses Commentaires sur sai/d Lue et sur saint Jean. Neuchâtel, 1872 et 1876 ; II. P. l.iddon, The Divinitu of our Lord and Saviour Jesus-Christ, Londres, 1866. c. l ; Stevens, The Theology of the N. T., Edimbourg, 1901 ; The Teaching of Jésus. Edimbourg, IJ902 ; C. Gore, Dissertations on suhiects connectai with the Incarnation, Oxford, 1895 ; R. L.Ottley, ait. Incarnation, dans A Diclionnrq of the Bible de Hastings, et, dans la même encyclopédie. W. Sandav, art. Jesus-Christ ci San <>i Cad ; J. gar Beet, art. Christologg. 2° Le rationalisme pur. Il est souvent difficile de distinguer le rationalisme pur du protestantisme libéral, tant ces deux tendances ont de principes communs et de conclusions identiques. Cependant la critique rationaliste a comme caractéristique, louchant 1’* 61

    1. JÉSUS-CHRIST II l##


JÉSUS-CHRIST II l. CRITIQUE RATIONALISTE

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la personne historique <UJésus-Christ, de l’envisager sans aucune transcendance : Jésus non seulement

n’est pas Dieu mais c’esl un homme comme les autres hommes, sujel comme le sont tous les hommes, aux erreurs, aux illusions de toutes sortes. Reste à expliquer cette assertion en face des évangiles, en regard du fait chrétien « letemps apostoliques et, plus généi alement encore, de toute l’histoire de l’Église. C’est dans eette explication que se manifeste l’apriorisme absolu îles solutions rationalistes. Ces suintions. écrit excellemment M. de Grandmaison, impliqueni deux défauts radicaux qui vicient l’effort, souvent considérable, des auteurs. Leurs opinions philosophiques forcent en etïet ceux-ci : premièrement, a simplifier indûment les textes évangéliques et les données historiques du christianisme ; deuxièmement, à multiplier parallèlement les conjectures les moins plausibles : infiltrations païennes, pastiches littéraires, rédactions compliquées, états d’âme chimériques des acteurs du grand draine.’Ici écrivain ne veut d’aucun miracle : tel autre laisse subsister celles des guérisons qu’il estime possibles. Celui-ci recourt a la mythologie babylonnienne ; celui-là, à l’eschatologie iranienne. 1.’étude des documents sous-jacents > aux évangiles permet à la virtuosité des exégètes de multiplier les versets contestés, les artifices rédactionnels, les interpolations, i Ait. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, t. n. col. 1373.

1. Le père du rationalisme théologique est Reimarus i - ; 1768), qui. poui établir sa thèse préconçue, ne tient aucun compte des textes. Si Jésus prêche la pénitence, la conversion, l’amendement, c’est en vue de fonder l’empire qu’il lève d’établir sur terre, en restaurant en sa faveur l’ancienne royauté juive. Mais ses menées révolutionnaires manquent d’habileté, et les chefs d’Israël, indignés, l’arrêtent et le font mourir sur la croix. Les apôtres ont écrit des évangiles volontairement faussés, dans le but d’entretenir dans l’âme candide des premiers chrétiens l’attente du second avènement de Jésus. C’est donc sur la double imposture de Jésus et des apôtres que se fonde le christianisme. L’œuvre de Reimarus. Apologie oder Schulzschri /l fur die rerniïn/ligen Verehrer Golfes, publiée seulement en partie dans les Beitrûge (Documents) de Lessing, Berlin. 4e édit., 1835 est une œuvre de haine vivante et ouverte contre Jésus-Christ. L’appréciation est de Hase. Die Geschichle Jesu, 1e édit., p. 147.

— Karl Friedrich Bahrdt (+ 1702) en un énorme ouvrage de onze volumes, Ausfùhrung des Plans und Zwerks Jesu. Berlin, 1781-1793, ravale pareillement Jésus au niveau d’un vulgaire ambitieux, formé par Nicodème et Joseph d’Arimathie pour réaliser le seins secrets de la secte des Bsséniens. Tout s’explique dans la vie de Jésus, par l’influence occulte ou voilée des Esséniens. Mais rien n’est surnaturel : le miracle n’y existe pas. A peine différentes des théories de Bahrdt sont celles de Karl Ileinrich Yenturini (’1801), dans sa Natùrliche Geschichle’des grossen l’rojtheten’on Nazareth, I vol., Copenhague, 2 édit., 1806, avec cependant certains détails d’une trivialité choquante. Il est difficile de trouver, en ces premiers auteurs ratio Batistes, quelque chose à admirer, bien nue M. Schwcitzer ne leur refuse point son admiration. Cf. l’on Iteimarus ; u Wrede, eine Geschichle der f.eben-Jesu-Forschung, ’I ubincue, 1906, p. 22-24 ; 17. 1 eurs livres sont bien plutôt dictés par l’esprit de la basse invective. Cf. Weinel, Jésus im neunzehnten Jahrhundert, p. 17.

2. Le nom de Paulus († 1851) t marque une étape » dans le progrés du rationalisme. Il déclare que le merveilleux en Jésus, c’est lui-même : c’est soi] âme pure et joyeusement sainte, … quoique toute humaine. i Dos Leben Jesu als Grundlage einer r* hichte

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

des Urchristentums, 2 vol.. Eieidelberg, 1828. Cf. les commentaires sur les Évangiles, 1800 1805. Mais c’est l’âme toute humaine i, qui l’attire exclusivement. Cl

parce que les récits miraculeux de l’Évangile sont un démenti à son assertion, il s’efforcera tic les expliquer naturellement. On verra plus loin ce que valent ses explications, rejetées même parles rationalistes comme Strauss et Renan.

.’i. On sait comment Strauss (-f 187I) dans sa Vie de Jésus-Christ. Dus Leben Jesu kritisch bearbettet, Tubingue, l- édit., 1840, tr. lï. d’E. Littré, Paris, 1840, rejetant les explications trop naturelles i de Paulus, tentait d’expliquer tout le surnaturel de la vie de Xotre-Seigneur. et par conséquent la croyance en sa divinité, par la théorie du mythe. Voir, dans le Dictionnaire de la Bible tic M. Vigouroux, l’art. Mythique (Sens), t. iv. col. 1386. Plus tard, il ne conservera du mythe que le nom : le mythe n’est plus une création inconsciente ; c’est une invention plus ou moins réflé chic. C’est ainsi que les disciples de Jésus, racontant la vie du Maître, ont créé, d’après leur propre conception, le Chiist idéal, et le Christ idéal, c’est l’Humanité personnifiée. Leben Jesu fur das deutsche Voit bearbeitet, Leipzig, 1864. Plus tard encore, il adaptera à ses thèses la doctrine de Tévolulionnisme ; qui veut tout expliquer sans Dieu et sans miracle. Der aile und der neue (daube, Leipzig, 1872.

4. Les mêmes idées - deuxième et troisième manière de Strauss, - se retrouvent chez Baur († 1860), le chef de l’école dite de Tubingue. Les explications de Baur touchant l’origine du christianisme reposent, en effet, sur les deux théories du « Christ idéal el de 1’ « universel devenir. Voir principalement : Si/mbolismus und Mythologie, Tubingue, 1825, et Y Histoire de l’Église, parue en 1853 sous le titre : Dos Christenlhum und die christliche Kirche in den drei ersten Jahrhunderten, Tubingue. 2° édit., 1860. Au dire de Baur, le christianisme ne représenterait qu’une phase transitoire du devenir religieux de l’humanité. L’idée religieuse s’épanouit et se développe par une évolution régulière et nécessaire (process), dans la succession des âges et dans toute l’humanité. Jésus de Nazareth a recueilli cette idée, élaborée et préparée par ses devanciers durant de longs siècles ; son seul mérite est de l’avoir vivifiée et rendue capable de conquérir le monde en la jetant dans le moule juif du messianisme. Quant aux évangiles, ils ne sont ni authentiques, ni très anciens sous leur forme actuelle : ils n’ont pas de valeur historique et représentent les « tendances » opposées du « pétrinisme » et du « paulinisnie i au cours du second siècle, reprises toutefois avec un évident esprit de conciliation. Le vrai fondateur du christianisme sous sa forme actuelle, c’est Paul beaucoup plus que Jésus. Cf. Ueber die Christus Partei : u Korinth, dans la Tùbinger Zeitschrift, 1831 ; Ueber die sogenannten Pastoralbriefe des Apostels Paulus, ’Tubingue, 1835 ; Paulus der Apostel Jesu Christi, 2’édit. 1866 ; Kritische Vnlersuchungen ùber die canonischen Evangelien, ihr Verhâltniss : u elntmder, ihr Ursprung und ihr Charakter, 1847. Quant a l’évangile de saint Jean, c’est moins une histoire du Christ qu’un résumé de la théologie chrétienne du premier âge. Voir l’ouvrage précédemment cité et Dos Markusevange Hum nach seinem Ursprung und Charakter, 1851. Parmi les disciples de Baur, qui se firent les champions des idées du maître parfois en les exagérant, souvent en les modifiant et en les corrigeant, citons Albert Schwegler, Das næhapostoliche L’Huiler in dm Haupt momenien seiner Enlwicklung, 2 vol., Tubingue, 1846 ;

— Edouard Zeller, Die Apostelgeschichte nu<h ihrem Inhall und Ursprung kristlsch untersuchl, Stuttgard, 1854, ii, sur Baur et son école, Die Tùbinger historische Schule, dans ses VortrOge ami Abhandlungen, 2’édit..

VIII

M

13741

JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE RATIONALISTE

1380

1875 ; - Gustave Volkmar (dans un sens ultra-radical), Die Religion Jesu und ihre erste geschiclitliche Entwicklung, Leipzig, 1857 : Der Ursprung unserer Evangelien nach den Urkunden, Zurich, 1866 ; Das Evangelium îles Markus und die Synopse, Leipzig, 1869 et surtout Jésus Nazarenus und die ersle christliche Zcit… Zurich, 1882, — Kar’.-Reinhold Kôsllin (dans un -eus plus conservateur), Ueberden Ursprung und Composition drr synoplischen Evangelien, Tubingue, 1853 : Der johannische Lehrbegrifꝟ. 1857 : — Adolphe Hilgenfeld, Das Evangelium und die Briefe Johannis nach ihrem Lehrbegriff, Halle, 18-19 ; Das Markusevangelium, Leipzig, 1850 ; Die Evangelien nach ihrer Enlstehung und geschichtlichen Bcdculung, Halle, 1854 (fait une part plus large à la critique externe) ; — Henri Jules Holtzmann, qui par sa modération relative, ne mérite pas le nom de rationaliste pur, voir col. 1373 : Die synoplischen Evangelien, ihr Ursprung und ihr geschichtlicher Charakter, Tubingue, 1863 ; Lchrbuch der hislorisch-krilischen Einleiiung in das N. T., Fribourgen-Brisgau, 3e édit., 1892 ; Synoptiker, dans le Hand-Commentar xum N. T., Fribourg-cn-Brisgau., 2e édit., 1892 ; Evangelium… des Johannes, dans la même collection, 3e édit.. 1901 ; Lchrbuch der neutestamentlichen Théologie, 2e édit., 1896-1897 ; — Cari Weizsâcker (la même modération relative que Holtzmann et atténuant considérablement dans le sens orthodoxe les théories de Baur), Untersuchungen ùber die evangelische Geschichte, ihre Quellen und den Gang ihrer Entwicklung, Gotha, 1864 ; Die apostolische Zeitalter drr christlichen Kirche, ’.V édit., 1901.

Si nous avons cité tous ces ouvrages de l’école de Tubingue, c’est que dans tous, et souvent en des sens divers sont agitées et résolues les questions concernant l’apparition tardive et la priorité réciproque des évangiles. C’est parce que les évangiles sont des œuvres du iie siècle que Baur et ses disciples peuvent échafauder leur système. Et voici que la critique historique a renversé impitoyablement ce prétendu fondement de Baur.

5. Il faut donc que les rationalistes eux-mêmes acceptent l’historicité essentielle des évangiles et les considèrent comme des documents transmis par la première génération chrétienne elle-même. Ce nonobstant, plutôt que de reconnaître le caractère surnaturel de la vie et de la personne de Jésus, ils maintiendront les deux thèses fondamentales de l’incrédulité savante ébauchées par Strauss : le Christ idéal doit être opposé au Christ historique et l’évolution religieuse expliquer le caractère surnaturel île certains récits. Mais comment concilier le double Christ -et l’évolution avec l’Evangile ? Est-ce Jésus qui par autosuggestion s’est abusé lui-même sur son caractère et sa mission ? Ne serait-ce pas au contraire la première génération chrétienne qui aurait donné au problème du Christ une réponse sans appui dans la réalité, la solution de la foi, diamétralement opposée à celle qu’aurait dû fournir l’histoire. Le rationalisme hésite entre ces deux attitudes, toutes les deux inconsistantes en regard des lexles sacrés étudiés sans parti pris.

a) l.a première a élé celle de Renan († 1892), « huis sa Vie de Jésus, dont la 1e édit.on parut en 1863. Le point de dépari de tout le travail psychologique

accompli en Jésus a été la conviction profonde de son union intime avec Dieu. Jésus est persuadé que les prophètes n’ont écrit qu’en vue de lui ; il se croit avec Dieu dans les relations d’un (ils avec son père, et, partant, il s’estime incomparablement au-desssus des

autres hommes, Celle conviction profonde tient aux

nés mêmes de l’être de Jésus. Convaincu de sa

filiation divine, il voudra y faire participer les autres hommes : c’est l’origine du i royaume de Dieu », que Jésus voulait fonder sur terre. Soutenu et encouragé

par l’enthousiasme de ses disciples, Jésus crée lui-même sa légende et, sans qu’on puisse pour cela l’accuser d’infatuation ou de démence, il y croit lui-même. Cette croyance l’amenait à prêcher avec plus de force ses idées sur le royaume futur qu’il doit établir ; les oppositions des pharisiens surgissent, menaçantes. Jésus entrevoit alors sa mort comme possible, comme prochaine : c’est donc lui vraiment le Sauveur des hommes, puisque, par sa mort, il devra sauver le monde. Ainsi, à force de vouloir expliquer le problème du Christ à l’aide de la seule psychologie humaine, Renan arrive à faire de Jésus un exalté, un véritable halluciné. Nous dirons plus loin comment il explique les miracles.

b) Vaut-il mieux, avec d’autres rationalistes, chercher l’explication du problème du Christ dans l’illusion de la première génération chrétienne, idéalisant par la foi le Christ historique ? C’est l’idée qu’a émise M. Loisy, assez timidement d’abord dans Le quatrième Évangile, Paris, 1903 ; plus nettement dans Les évangiles synoptiques, Cef fonds, 1907, 1908, et en la généralisant dans Jésus et la tradition evangélique, Paris, 1910. A dire vrai, cette conception est celle de tous les libéraux et rationalistes allemands qui distinguent, après Strauss (deuxième façon) le Christ de l’histoire et le Christ idéal, ou plus simplement Jésus et le Christ. Mais par son analyse et sa critique outrancières, M. Loisy arrive à rejeter sur des conceptions postérieures, successivement accueillies et interpolées dans le texte sacré, tous les éléments qui constituent le caractère surnaturel et divin de Jésus. Du Christ historique, nous ne savons rien ou bien peu de chose. Seul, le Christ de la foi nous apparaît dans les récits évangéliques lesquels, dans leur teneur actuelle, sont le résultat de mille additions et interpolations faites au texte du récit primitif. Un texte est-il embarrassant ? qu’importe s’il existe dans tous les manuscrits et s’il porte en soi toutes les marques possibles d’authenticité. Le Christ « historique » n’a pu agir, n’a pu parler ainsi : donc, le texte n’existe pas. Ainsi, on déclare inauthentiques Matth., xxvi, 63-65, Marc, xiv. 61-64. Jésus y affirmant trop nettement sa divinité : ainsi sera déclaré interpolé Matth., xi, 25-27. Le même sort sera réservé à Matth., xxiv, 36, où Jésus parle du < Père » ; à Luc, xx, 9-19, où la parabole des vignerons indique si clairement la filiation divine du Christ ; a la confession de saint Pierre à Philippe de Césarée, Matth., xvi, 16, Marc, viii, 29, Luc, rx, 20 ; à la déclaration de Jésus touchant sa filiation davidique, et à la leçon qu’il en tire, Marc, xii, 35 sq., Matth., xxii, 12 sq., Luc, xx, 41 sq. Le texte trinitaire de Matth., xxviii, 19 n’a ni la portée doctrinale qu’on lui attribue, ni vraisemblablement l’authenticité voulue quant à la formule baptismale qui est sans doute d’introduction postérieure. Cf. Évangiles synoptiques, loc. cit. Faut-il ajouter que Jésus ne s’est jamais attribué les pouvoirs divins ? il n’a prétendu ni remettre les péchés, ni conférer ce pouvoir à d’autres. Le récit de la guérison du paralytique de Capharnaum, Marc, ii, 1-2, Matth., ix, 1-8. Luc, v, 17-26, est vraisemblablement « une surcharge rédactionnelle, tendant à transformer une guérison extraordinaire en preuve théologique i. Il faut en dire autant de Luc, vii, 36-50 et aussi de Matth., wi. 19 ; wni. 18. Jésus ne s’est ni « placé au-dessus du Temple », figure introduite par Matth.. XU, 5-6, ni déclaré « le Maille du sabbat », réflexion surajoutée dans Marc, il, 28 ; Matth., xii, 8 ; Luc. VI, 5. Il n’a jamais déclaré que « ses paroles ne passeraient pas » ; celle assertion devait sans doute être mise primitivement dans la bouche de Dieu lui-même Il n’a jamais émis la prétention de juger un jour les - vivants et les morts ; la description du jugement dernier, telle qu’elle se Irouve dans Matth., xxv, 31-46, doit avoir JÉSl S-CHR IS I III A CRITIQ1 E MODERN ISTE

i onçue par l’évangéliste lui-même. On voit par là combien le procédé est systématique et absolu.

C’est par un procédé analogue que M. Jean Réville, Le quatrième évangile, son origine et sa râleur historique. Paris 1900, refuse à cet écrit toute valeur historique. Il faut choisir ou saint Jean ou les synoptiques, attendu qu’un abîme infranchissable les sépare. A aucun point de vue, le Christ du quatrième évangile n’est historique ; c’est déjà le Christ de la foi, du dogme. Sur cette question spéciale, voir M. Lepin, La valeur historique du quatrième évangile, 2 vol., Paris, 1910. En Angleterre M. F. C. Conybeare va plus loin encore et enseigne que le Nouveau Testament s’occupe de deux personnes distinctes, l’une fictive, l’autre réelle : celle-là est le Christ et celle-ci est Jésus. Paul de Tarse a inventé le Christ Actif, le Christ des évangiles, le Christ de l’Église et du dogme. Myth. Magic and Morab, Londres, 1908.

Quant aux hypothèses par lesquelles les « critiques » émettent et réduisent les synoptiques à un petit nombre de morceaux authentiques dont le surnaturel est évidemment exclu, il n’entre point dans le cadre de cet article de les retracer. Nous avons, relativement aux textes qui concernent la personnalité de Jésus, rappelé tout à l’heure les procédés de M. Loisy. Ceux des critiques d’outre-Rhin sont du même genre. Voir L. Cl. Fillion. Les étapes du rationalisme, p. 137-180. Sur les théories chronologiques de M. Loisy, on lira tout spécialement les ouvrages de M. Lepin, Les théories de M. Loisy, Paris, 1908 ; Christologie. Paris, 1907 ; Jésus, M’ssie et Fils de Dieu, d’apris Us évangiles synoptiques, Paiis. 1910, principalement p. 238-267 et l’appendice p. 425-480. Dans ce dernier volume on trouvera aussi signalés les rapprochements et les dépendances à établir entre M. Loisy et les principaux rationalistes allemands.

6. Avant de clore ce paragraphe sur les négations du rationalisme, faut-il brièvement rappeler les excès positifs auxquels se sont portés quelques esprits aveuglés par leur ultra-radicalisme ? Les uns ont, nous l’avons vii, nié l’existence historique de Jésus, cf. col. 1362. D’autres ont traité le divin Maître, non seulement comme un « extatique, c’est-à-dire une sorte d’illuminé, faisant tomber les autres dans l’erreur où il se fourvoyait lui-même (cf. A. Julicher, Die Gleichnisreden Jesu, Tubingue, 1899, t. ii, p. 8-9 ; O. Holtzmann. War Jésus Ekstaliker ? Tubingue, 1903 ; J. Bauman, Die Gemùlsarl Jesu. nach fetziger wissenschaftlicher, insbesondere jetziger psi/chologischer Méthode erkennbar gemacht, Leipzig, 1908) ; mais encore comme un insensé, un fou vulgaire auquel il aurait fallu appliquer le traitement des aliénés. D r de Loosten (Georges Lomer), Jésus Clvristus vom Standpunkt des Psychialers, eine krilische Studie fur Fachleute und gebildete Laien, Bamberg, 1905 ; Emile Basmussen, Jésus, eine vergleichende psychopathologische Studie, Leipzig, 1905. De bonnes réponses ont été faites à cr-s absurdités sacrilèges. Signalons Philippe Kneib (catholique), Moderne Leben-Jesu, Forschung unter dem Einflusse der Psychiatrie, Mayence, 1908 ; Hermann Werner (protestant), Die psychische Gesundheil Jesu, Berlin, 1909. En France, M. Jules Soury, Jésus et les évangiles, Paris, 1878, avait osé affirmer, lui aussi, que Jésus, comme la plupart des grands hommes, n’est qu’un « problème de psychologie morbide ».

La dignité morale de Jésus, mise en doute par Beimarus d’une façon hardie, plus timidement par Strauss et Benan, a été violemment attaquée par certains critiques libres penseurs allemands, Tsehirn, Der Mensch Jesu ; Moritz von Lgidy, Jésus fin Mensch, nicht Goltessohn ; ein Fedhebrief gegen das falsche Kirchenchristentum ; Wolfgang Kirchbach, cité par IL Weinel, Jésus im ncunzehnlen Jahrhundert, p. 1 12

i lot, et dans de hideux pamphlets répandus par quelques - démocrates-sociaux : cf. Weinel, op. cit.. p. 179

et H. Kohler. Soztaltstlsehe lrrlrhrcr ilber die Fntstchung des Christentums, Leipzig, 1885. Des blasphèmes analogues si’rencontrent chez M. von Hartmann, Das Christentum <les S. T., Sachsa, 1905 ; cf. Schweitzer, Von Reimarus…, p. : ’.1T 318 ; Weinel. op. cit., p. 297* t dans l’anonyme pamphlet Finsternisse : die Le lire Jesu in Lichle der Kritik, Zurich, 1899. Sans aller aussi loin M. E. Ilact témoigne à l’égard du Christ et de sa haute ver tu un dé ain et une incrédulité méprisante, dans soir grand ouvrage : Le christianisme et ses origines, t vol., Paris, 1871-1884. Mais arrêtons là cette recension : les ouvrages que nous avons signalés ont si peu d’intérêt et de valeur qu’ils mériteraient plutôt d’être passés sous silence.

F. VitÇouroux, Les livres saints et la critique rationaliste, Paris, 1901, spécialement t. i et n ; L. Cl. Fillion, Les étapes du rationalisme, dans ses attaques contre les évangiles et la vie de J.-C, Paris, 1910, La guerre sans trêve à l’Evangile et

« Jésus-Christ, Paris, 1913 ; M. Lepin, Jésus, Messie et Fils

de Dieu, d’après les évangiles synoptiques, Paris, 1910 ; Jakob Muller, Der historische Jesu der protestant isclwn freisinnlgen LebenJesu-Forschung, dans la Zeitschrift fur kath. Théologie 1912, p. 425-464 ; 665-715 ; Albert Ehrhard, Das Christusproblem der Gegemvart, Mayence, 1914 ; A. M. Fuirbaim, The Place of Christ in modem Theology. Londres, ÎO" édit., 1902, spécialement p. 191-297 ; William Sanday, The Life of Christ in récent research, Oxford, 1907, spécialement p. 35-200 ; A. S. Martin, Christ in modem Thougi, dans le Dictionary of Christ and the Gospels, t. ii, p. 867 ; Karl August von Hase, Geschichte Jesu nach akademischen Vortesungen, 2’édit., Leipzig, 1891, spécialement p. 137-204 ; II. Weinel, Jésus im neunzehnten Jahrhundert, 2° édit., Tubingue, 1907 ; A. Schweitzer, Geschichte der Leben Jesu Forschung, Tubingue, 1913 (2e édit., de l’ouvrage : Von Reimarus zu Wrede, 1906) ; Otto Schmiedel, Die llauptprobleme der Leben Jesu Forschung, Tubingue, 1907 ; H.J. Holtzmann, Das messianische Beujusstsein Jesu, Tubingue, 1907. Cf. L. Cl. Fillion, Ce que les rationalistes daignent nous laisser de la vie de Jésus, Revue du clergé français, 1908, 1 er juillet, 1° août, 15 septembre ; L. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t.n, spécialement, col. 13611374.

Le modernisme.

Le modernisme est un rationalisme

déguisé. On le retrouve sous les formules ondoyantes et hésitantes de MM. Loisy, J. Réville, Sabatier et de la plupart des « libéraux i allemands. Nous nous contenterons de rapporter ici les textes de l’encyclique Pascendi qui proposent la synthèse du modernisme touchant la personne du Christ et les propositions condamnées dans le décret Lamentabili.

1. L’encyclique PASCENDI.

a) f.cs règles de la critique moderniste appliquées à la personne historique de Jésus. — Il ne faut pas croire que l’inconnaissable (qui est l’objet de la foi) s’offre à la foi, isolé et nu ; il est au contraire relié étroitement à un phénomène qrri, pour appartenir au domaine de la science et de l’histoire, ne laisse pas de le déborder par quelque endroit ; ce sera un fait de la nature enveloppant quelque mystère ; ce sera erreorc un homme, dont le caractère, les actes, les paroles paraissent déconcerter les communes lois de l’histoire. Or, voici ce qui arrive : l’inconnaissable dans sa liaison avec le phénomène, venant a amorcer la foi, celle-ci s’étend au phénomène lui même et le i n quelque sorte de sa propre

vie. D( équences en dérivent. Il se produit, en

premier lieu, une espèce de transfiguration du phi

, que la foi hausse au-dessus de lui-même et de sa vraie réalite, comme pour le mieux adapter, ainsi qu’une matière, à la forme divine qu’elle veut lui donner. Il s’opère, en second lieu, unee pèce de défiguralion du phénomène, s’il est permis d’employei ce mot, en ce sens que la toi, l’ayant soustrait aux conditions de l’e du temps, en n Ien1 à lui al 1 1 Ibuei 1.183

JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE MODERNISTE

1384

choses qui. selon la réalité, ne lui conviennent point. Ce qui arrive surtout, quand il s’agit d’un phénomène du passé, et d’autant plus aisément que ce passe est plus lointain. De cet le double opération les modernistes tirent deux Uns qui, ajoutées a une troisième, déjà fournie par l’agnosticisme, forment comme les l.ases de leur critique historique. Un exemple éclaireira la chose, et Jésus-Christ va nous le fournir. Dans la personne du Christ, disent-ils, la science ni l’histoire ne trouvent autre chose qu’un homme. De son histoire donc, au nom de la première loi, basée sur l’agnosticisme, il faut effacer tout ce qui a caractère de divin. I.a personne historique du Christ a été Iransfigurée par la foi : il faut donc retrancher.encore de son histoire, de par la seconde loi, tout ce qui l’élève au-dessus des conditions historiques. Enfin, la même personne du Christ a été défigurée par la foi : il faut donc, en vertu de la troisième loi, écarter en outre de son histoire les paroles, les actes, en un mot, tout ce qui ne répond point à son caractère, à sa condition, à son éducation, au lieu et au temps où il vécut ». Condamnation du modernisme, Tournai-Paris, 1907, î. Kncyclique Pascendi, texte latin et français, p. 13-15. />) Le savant et le croyant en /ace de Jésus-Christ. — « (L’objet) de la foi est justement ce que la science déclare lui être à elle-même inconnaissable : … la science est toute aux phénomènes, la foi n’a rien à y voir ; la foi est toute au divin, cela est au-dessus de la science… Kntre la science et la foi, il n’y a point de conflit possible : qu’elles restent chacune chez elle, et elles ne pourront jamais se rencontrer, ni partant se contredire. Que si l’on objecte à cela qu’il est

certaines choses de la nature visible qui relèvent aussi de la foi, par exemple, la vie humaine de Jésus-Christ : ils le nieront. Il est bien vrai, diront-ils, que ces choses là appartiennent par leur nature au monde des phénomènes ; mais, en tant qu’elles sont pénétrées de la vie de la foi, et que, en la manière qui a été dite, elles sont transfigurées et défigurées par la foi, sous cet aspect précis les voilà soustraites au monde sensible et transportées, en guise de matière, dans l’ordre divin. Ainsi, à la demande : si Jésus-Christ a fait de Mais miracles et de véritables prophéties, s’il est ressuscité et monté au ciel : non, répondra la science agnostique ; oui, répondra la foi. Où il faudra bien se garder pourtant de trouver une contradiction : la négation est du philosophe parlant à des philosophes, et qui n’envisage Jésus-Christ que selon la réalité historique ; l’affirmation est du croyant s’adressant à des croyants, et qui considère la vie de Jésus-Christ, comme vécue â nouveau par la foi et dans la foi >. Id.. p. 25-27… « Tout est pesé, tout est voulu chez (les modernistes), niais à la lumière de ce principe que la foi et la science sont l’une à l’autre étrangères… Kcrivciit-ils l’histoire ? nulle mention de la divinité de Jésus Christ ; montent-ils dans la chaire sacrée ? ils la proclament hautement. » Id., p. 29.

c) Les progrès de lu jui dans l’intelligence du rôle de Jésus. (Les modernistes) posent ce principe général que, dans une religion vivante, il n’est rien qui ne soit variable, rien qui ne doive varier. D’où ils passent à ce que l’on peut regarder comme le point capital de leur système, savoir l’évolution. Des lois de l’évolution, dogme. Église, culte, livres saints, foi même, lout est tributaire… Commune a tous les hommes et obscure

fut la forme primitive de la loi. parce que précisément

elle prit naissance dans la nature même et dans la vie

de l’homme. Ensuite, elle progressa et ce fui par évo lui ion Vitale, c’est a dire… par pénétration croissante du sentiment religieux dans la conscience… Pour explique] ce progrès de la toi, il n’y a pas à recourir à d’autres causes qu’à celles la mêmes qui lui donnèrent ne, si ce n’est qu’il faut y ajouter l’action de cri

tains hommes extraordinaires, ceux quc nous appelons prophètes, et dont le plus illustre a été Jésus-Christ. Ces personnages concourent au progrès de la foi. soit parce qu’ils Offrent, dans leur vie et dans leurs discours, quelque chose de mystérieux dont la foi s’empare et qu’elle Huit par attribuer à la divinité, soit parce qu’ils sont favorisés d’expériences originales, en harmonie avec les besoins des temps où ils vivent, i Id., p. -15.

</) Lu formation du dogme de Jésus-Christ, Dieu et homme ? Le progrès du dogme est dû surtout aux obstacles que la foi sait surmonter, aux ennemis qu’elle doit vaincre, aux contradictions qu’elle doit écarter. Ajoutez-y un effort perpétuel pour pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères. Ainsi est-il arrivé… que ce quelque chose de divin que la foi reconnaissait en Jésus-Christ, elle est allée l’élevant, l’élargissant peu à peu et par degrés, jusqu’à ce que de lui finalement elle a fait un Dieu. Id.. p. 15-17.

e) Irréalité du Christ de la fia. En vertu des principes exposés en premier lieu et que l’encyclique rappelle encore à propos du moderniste historien, op. eil., ], . 51, les modernistes i dénient au Christ de l’histoire réelle la divinité, comme à ses actes, tout caractère divin ! quant à l’homme, il n’a fait, ni dit quèce qu’ils lui permettent, eux-mêmes, en se reportant flux temps où il a vécu, de faire ou de dire. Or, de même que l’histoire reçoit de la philosophie ses conclusions toutes faites, ainsi de l’histoire, la critique. En effet, sur les données fournies par l’historien, la crit ique fait deux parts dans les documents. Ceux qui répondent à la triple élimination (cf. supra, col. 1382) vont à l’histoire de la toi ou à l’histoire intérieure : le résidu reste à l’histoire réelle. Car ils distinguent soigneusement cette double histoire ; et ce qui est à noter, c’est que l’histoire de la foi. ils l’opposent à l’histoire réelle, précisément en tant que réelle : d’où il suit quc des deux Christs.pic nous avons mentionnés, l’un est réel, l’autre celui de la foi. n’a jamais existé dans la réalité ; l’un a vécu en un poinl du temps et de l’espace, l’autre n’a jamais vécu que dans les pieuses méditations du croyant. Tel par exemple le Christ que nous offre l’évangile de saint Jean : cet évangile n’est d’un bout à l’autre qu’une pure contemplation. » Id.. p. 52-53.

On le voit : le modernisme n’est qu’un démarquage à peine déguisé du rationalisme allemand : naturalisme, agnosticisme, évolutionnisme. Christ idéal, illusion des générations chrétiennes, tout ce qu’avait inventé, contre la divinité de Jésus et le surnaturel de ses œuvres, les génies destructeurs de Strauss et de liaur, tout s’y retrouve sous des formules équivalentes.

2. Les propositions christologiques du modernisme, condamnées par le décret LAMENTABILI.

a) Sur les documents d’origine chrétienne relatifs à Jésus-Christ : prop. xm-xviii.

xiii. Parabolas evanCe sont les évangélistes

gelicas Ipsimet evangelistac eux-mêmes et les chrétiens

ae Christian ! secundæ et terde la seconde et de la troi tise generationis artiflciose sième génération qui ont arti digesserunt, atque ita ratioflciellement élaboré les para »

ne.ni dedenml exigui fructus boles évangéliques.etquiont

prœdicationis Christi apud ainsi rendu raison du pende

Judeeos. fruit de la prédication du Christ auprès des Juifs.

iv. - In pluribus narraEn beaucoup de récits, les

tionibus non tam quai vera évangélistes ont rapporté

sunt evangelistæ retulerunt, non pas tant la réalité que ca

quam quæ lectoribus, ctsi qu’ils ont estimé, quoique

falsa, censuerunt manis profaux, plus profitable a leurs

licua. lecteurs.

w. Evangelia usque ad Les évangiles se sont enrl de fini I uni constitutumque chis d’additions et de correc canonem continuis additiolions continuelles jusqu’à la

nibus et correctionibus aucta fixation el à la constitution

tuerunt ; in ipsis proinde du canon : par suite, il n’y JÉS1 S-CHR18T 1.1 l.A CRITIQUE MODERNISTE

L386

doctrine Chri>ti non rciuans-it nisi tenue et incertain vestigium.

xvi. — Narrationes Joannis non sunt proprie historia, sed mystica Evangelii contemplât io ; sermones, in ejus awangelio contenu, sunt medttationes theologicae circa mysteriuin salutis liistorica veritate destitutte.

xmi. — Quartum evangelium miracula exaggeravit non lantum ut extraordinana inagis apparerent, sed « tiam ut aptiora lièrent ad slgnificandum opus et gloriam Verbi incarnati.

xviii. — Joannes sibi vindicat quidem rationem testis de Christo ; re tamen vera non est nisi eximius testis vitachristiana ?, seu ita-Christi in Ecclesia, exeunte primo saculo.

subsiste de la doctrine du

Christ que des estiges ténus et incertains.

1 es récits de Jean ne sont pas proprement de l’histoire mais une contemplation mystique « le l’Évangile ; les diseours contenus dans sou évangile sont îles méditations théologiques dénuées de vérité historique sur le mystère du salut.

Le quatrième évangile B exagéré les miracles non seulement afin de les taire paraître plus extraordinaires] mais encore pour les rendre

plus aptes à signifier l’oeut re et la gloire du Verbe incarné. Jean revendique, il est vrai, pour lui-même, le caractère de témoin du Christ ; il n’est cependant en réalite qu’un témoin de la vie du Christ dans l’Église, à la fin du premier sièele.

b) Christologic moderniste, prop. xxvii-xxxv.

La divinité de Jésus-Christ

xxvii. — Divinitas Jesu Christi ex evangeliis non probatur : sed est dogma quod conscientia christiana a notione Messiae deduxit.

m. — Jésus, cum mijsterium suum exercebat, non in eum finem loquebatur ut doceret se esse Messiam, neque ejus miracula ea spectabant. ut id demonstraret.

xxix. — Concedere licet Christum quem exhibet historia multo inferiorem esse Christo qui est objectum fidei.

xxx. — In omnibus textibus evangelicis nomen Filins Dei îequivalet taiitum Bomini ^lessias, minime vero tignificat Christum esse veruin et naturalem Dei Filium.

xxxi. — Doctrina de Christo quam tradunt Paulus, Joannes et Concilia Xic.enum, Ephesinum, Chalcedonense, non est ea quant Jésus docuit, sed quant de Jesu concepit conscientia christiana.

xxxii. — Conciliari nequit sentis naturalis textuum evangelicorum cum eo quod nostri theologi docent de il ntia et scientia infallibiii Jesu Christi.

xxxv. — Christus non semper habuit conscientiam suae dignitatis messianicae.

ne se prouve pas par les évangiles ; mais c’est un dogme que la conscience chrétienne a déduit de la notion du Messie.

Pendant qu’il exerçait son ministère, Jésus n’avait pas en vue dans ses di-cours d’enseigner qu’il était lui-même le Messie, et ses miracles ne tendaient pasàle démontrer.

On peut accorder que le Christ que l’histoire présent" est bien intérieur au Christ qui est l’objet de la foi.

Le nom de Fils de Dieu, dans tous les texics évangéliques, équivaut seulement au nom de Messie ; il ne signifie point du tout que le Christ soit le vrai et naturel FUs de Dieu.

La doctrine christologique de Paul, de Jean et des conciles de Nicée, d’Éphèse, de Chalcédoine. n’est pas celle que Jésus a enseignée, mais celle que la conscience chrétienne a conçu au sujet de

Jésus.

Le sens naturel des textes

_ m^ihques est inconciliable

avec l’enseignement de nos théologiens touchant la conscience de Jésus et sa science infaillible.

Le ( îinst n’a pas eu toujours conscience de sa dignité messianique.

Nous avons laissé de côté les prop. xxxm-xxxiv, que complète la proposition lu : on les étudiera à propos de la science du Christ et, en ce qui concerne la pensée de Jésus relative à l’Église telle qu’elle a subsisté au cours des siècles et subsiste encore, on > a fait une allusion suffisante a Église, t. iv, col. 2113. retrouve, la thèse moderniste du « Christ historique opposé aux Christ de la foi, auquel se SUpCT le Christ de la théologie, thèse esqui les propositions xxxi-xxxii. On complétera par la proposition i.x ainsi conçue :

lx. - Doctrina christiana La doctrine chrétienne fut in suis exordiis luit judaica, en, f, origines judaïque,

sed racta est per successives mais elle est devenue, par

evolutiones pi manu paulina. évolutions successives, d’à tmn johannica.denunuhellebord pauliuienne. puis Jo olca et universaiis. hannique, enfin hellénique et

universelle.

Si l’on essaye de synthétiser cette doctrine modei

nlste on aboutit aux résultats suivants.

a) Lc christ historique. Jésus de Nazareth « ne parlait pas en vue d’enseigner qu’il était le.Messie et ses miracles ne tendaient pas a le prouver (xxviii). Sa science, comme celle des autres hommes, était limitée (xxxrv), et il a enseigné l’erreur au sujet de la proximité de la parousie (xxxm). Il n’a même pas eu conscience, dès le début, de sa dignité messianique (x i, et n’a pas pu avoir l’intention d’instituer formellement et immédiatement l’Église (ni).

b) Le Christ de la foi. - Sa divinité ne peut être prouvée : elle est un dogme déduit par la conscience chrétienne de la notion de Messie (xxvii). C’est par voie d’évolution que le dogme du Christ s’esl développé car Fils de Dieu équivaut, dans l’Évangile, à Messie et rien de plus (xxx). Le Christ de la foi est donc bien supérieur à celui de l’histoire (xxix). La grande preuve apologétique de la divinité du Christ, sa résurrection, échappe elle-même à l’histoire : elle est un fait d’ordre surnaturel que la conscience chrétienne a tiré insensiblement des autres faits de la vie de Jésus (xxxvi).

e) Le Christ de la théologie — La théologie identifie le Christ historique et celui de la foi ; mais c’est à fort : car elle doit, pour établir cette identité, forcer le sens des lextes qui, entendu au sens naturel, est inconciliable avec ce que la théologie enseigne touchant la conscience et la science infaillible du Christ (xxxii). La théologie a construit successivement et par étapes, un Christ, bien différent du Christ historique, d’abord avec Paul, puis avec Jean, enfin avec les conciles (xxxi), qui ont adapté au problème du Christ les données de la philosophie hellénique (lx).

Ce bref résumé du système moderniste justifierait à lui seu lie plan de cet article et la méthode qu’on y a suivie pour démontrer que la théologie de Jésus-Christ succède logiquement au dogme pour le compléter, et que le dogme de Jésus-Christ a ses racines profondes dans les textes sacrés, johanniques, pauliniens et synoptiques, dont l’enseignement plus parfaiL et plus explicite dans les écrits d’inspiration plus récente, est cependant, de tous points, substantiellement identique,

Voir les ouvrages de M. Lepin, précédemment cités, notamment Christologie, Paris, 1907, commentaire des prop. xxvii-xxxviii du décret Lamentabili ; V. Rose, Étude sur lis évangiles, 1e édit., Paris, 1905 ;.1. Mailhet, Jésus, Fils île Dieu, d’après les évangiles, Paris, 1906. On consultera aussi du 1’. de drandinaison les art. Jésus-Christ et Modernisme dans le Dictionnaire apologétique île lo loi catholique, t. ii, n. 154-159 ; t. m. col. 603-606, et la Zeitschrift fur kath. Théologie, 1904, p. 545 sep