Dictionnaire de théologie catholique/Jésus-Christ
JESUS-CHRIST. —
Dans cet article, ainsi qu’on
l’a indiqué à Incarnation, t. vii, col. 1445, on se propose
d’étudier, au point de vue de la théologie catholique,
le sujet concret. Dieu et homme, résultant de
l’union hypostatique de la nature humaine â la personne
du Verbe, qui est apparu sur la terre, a vécu
parmi les hommes et a conversé avec eux, et dont les
ennemis de la foi chrétienne ont essayé de nier, tour
à tour, la divinité ou l’humanité. L’objet de notre
étude est donc moins la personne que le personnage
même du Verbe incarné.
Ce personnage, dont l’existence est historiquement établie, est né d’une vierge de la race de David. Mais, chose admirable, son histoire n’a pas pour point de départ sa naissance selon la chair : on doit la faire remonter plus haut. C’est pour ainsi dire dès l’origine de notre race que la figure de Jésus-Christ commence à se dessiner dans l’avenir. Dans beaucoup de livres, de 1’ancien Testament, se rencontrent déjà un certain nombre de traits, projetés par avance sur le personnage du Messie futur et que le croyant se plait à retrouver en Notre Seigneur Jésus-Christ. Au point de vue de l’existence de l’Homme-Dieu, ces traits ne sont donc pas à négliger : ils font pressentir cotte existence et constituent un élément solide de sa démonstration. C’est à ce point de vu qu’ils entrent dans la théologie de Jésus-Christ. La théologie juive des temps qui précédèrent Immédiatement la venue du Sauveur, bien que se développant sous dis influences purement humaines, n’est pas à négliger par le théologien et par l’apologiste catholique : sa connaissance, en effet, est utile d’une part pour mettre en un meilleur relief les idées du peuple juif sur le Messie à venir, d’autre part, pour rappeler les conditions du milieu dans lequel devait naître, vivre, enseigner, en un mot, sr manifester le Verbe fait chair. Enfin, les écrits immédiatement postérieurs à Jésus-Christ, écrits principalement dus à la plume des apôtres et des disciples, témoignent de la réalité de la venue du Sauveur ; ils nous fixent définitivement sur la physionomie réelle de l’Homme-Dieu ; ils nous en retracent la naissance, les premières années, la vie publique, la passion, la mort, la résurrection, l’ascension ; ils nous rappellent ses œuvres, sa prédication, ses miracles, la fondation de l’Église, la mission conférée aux apôtres. Et déjà, dans ces premiers écrits qui nous donnent pour ainsi dire un portrait contemporain de Jésus, s’affirme le double élément qui constitue le personnage du Sauveur des hommes, l’élément divin et l’élément humain. Les générations chrétiennes s’efforceront ensuite de dégager de plus en plus les traits authentiques de ce portrait, tandis que des influences diverses tendront a lui faire subir des altérations plus ou moins pror fondes. Maintenir la tradition dans la voie de la vérité sera le but poursuivi par l’Église naissante, chargée déjà par Dieu de veiller à l’intégrité de la foi. Sans doute, les traits qui appartiennent à l’objet de la foi ne sont pas tous explicitement contenus dans le portrait de l’Évangile. Aussi bien la foi porte-t-elle avant tout sur des vérités qui échappent aux constatations humaines. Mais l’expérience des apôtres et des disciples suffit néanmoins à justifier la foi des premières générations, et c’est à cette expérience que l’Église recourra sans cesse pour effacer les retouches maladroites ou mensongères que la dévotion mal entendue, l’ignorance ou l’impiété auraient voulu faire au portrait du divin Maître, pour restituer à ce portrait les traits que le mysticisme exagéré, le naturalisme ou le rationalisme de tous les âges en auraient voulu retrancher. Ainsi, peu à peu, le dogme de Jésus-Christ, Homme-Dieu, se précisera, s’affermira dans l’enseignement chrétien. Mais ce n’est pas tout. : la piété chrétienne s’efforcera d’ajouter au portrait tracé par l’évangile pour l’embellir, sansle défigurer. Et cette prétention est pleinement justifiée, car c’est, à vrai dire, le propre de la théologie de tirer des prémisses révélées les conclusions qu’elles renferment en puissance, vérités certaines ou simples opinions probables. D’ailleurs les traits qu’ajoutera la théologie catholique au portrait évangélique ne sont pas des additions contraires ou étrangères à la vérité : la piété ne saurait se nourrir du mensonge. Ils ne sont qu’une restitution à l’original des nuances que l’expérience des apôtres n’avait pu découvrir complètement, mais que, par de la cette expérience, la foi et la théologie ont le droit de retrouver dans le personnage de l’Hoinme-Dieu.
La théologie de Jésus-Christ, à proprement parler,
s’arrête là. Elle ne peut cependant ignorer les critiques
qui lui ont été adressés au cours des siècles. Recenser
a grands traits ces critiques, indiquer la position de
l’apologétique catholique à leur endroit, tel doit être
le travail subsidiaire qu’il convient d’ajouter à l’exposé
théologique de la question doctrinale relative à Jésus-Christ.
De plus, il nous faudra dire un mot, pour terminer,
des principales vies catholiques du fondateur du
christianisme en indiquant le point de vue plus particulier auquel leurs auteurs se sont places. Ainsi donc
nous étudierons successivement :
I. Jésus-Christ préparé
et prédit.
II. Jésus-Christ et les documents de
l’âge apostolique (col. 1131).
III. Jésus-Christ et le
dogme catholique (col. 1247).
IV. Jésus-Christ et la
théologie catholique (col. 1271).
V. Jésus-Christ et la
critique avec, en appendice, une étude des principales
vies catholiques de Jésus-Christ (col. 1382).
I. JÉSUS-CHRIST PRÉPARÉ ET PRÉDIT.
Sous trois rubriques successives nous étudierons :
I..lésus-Christ et les prophéties messianiques. —
II. Jésus-Christ et les livres sapientiaux (col. 1 124). —
III. Jésus-Christ et la théologie juive (col. 1126).
I. Jésus-Christ et les prophéties messianiques.
1° Délimitation du sujet. —
Notre dessein n’est pas d’étudier les prophéties messianiques de l’Ancien Testament quant à leur authenticité, leur ordre chronologique, et d’en déterminer le sens dans ce qu’elles peuvent présenter d’obscur et d’incertain. Tous ces points relèvent, à vrai dire, de l’étude exégétique de l’Ancien Testament. On ne veut ici que relever les traits déjà nettement esquissés par ceux des prophètes qui ont entrevu d’avance d’une façon plus distincte le personnage du Christ et l’ont fait pressentir au peuple de Dieu. Ces traits, on les reportera sur Jésus lui-même et l’on établira par eux que, déjà entrevu comme le Messie choisi par Dieu pour consoler son peuple et le sauver, Jésus est aussi, dans la partie supérieure de son être, transcendant à notre humanité et comme une émanation de la divinité elle-même. Bien plus, certaines prophéties particulières, par une détermination plus précise des circonstances de temps, de lieux ou de personnes, forment un argument de grande valeur pour démontrer qu’il ne saurait être question d’appliquer les traits relevés par les prophètes à un autre personnage qu’à ce Jésus qui a vécu au début de notre ère et qui est le fondateur du christianisme.
Sans doute, le théologien ne saurait, dans ses conclusions, négliger la crédibilité qui ressort de l’accomplissement des prophéties en Jésus-Christ : mais c’est là un aspect proprement apologétique qu’il ne doit envisager qu’en second lieu. L’usage principal que la théologie doit faire des prophéties messianiques est de déterminer avec leur aide les traits caractéristiques de la figure de Jésus-Christ et de les reporter sur Jésus au cours de sa vie mortelle, au fur et à mesure de la réalisation des prophéties. Et le point délicat de ce travail théologique consiste à n’exagérer en rien le sens des vérités que les écrivains antérieurs au Christ n’ont fait qu’entrevoir sans pouvoir les définir en toute exactitude. Et, pour mieux faire comprendre la délicatesse de ce travail, il convient, avant toute chose, de préciser ici cet usage.
2° Usage que l’on doit faire des prophéties relatives au Christ. —
1. Nous supposons démontrée l’existence de prophéties dans l’Ancien Testament relativement à Jésus-Christ. A l’article Messie » on prouvera, en effet, que l’attente messianique, toute liée qu’elle soit, et précisément parce que liée au sort du monothéisme chez les Hébreux, ne peut s’expliquer ni par des causes fortuites, ni par une évolution naturelle, mais qu’elle suppose une intervention de Dieu par les prophètes, ainsi que l’enseignent Jésus et les écrivains inspirés du Nouveau Testament. Voir dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, l’article Juif (Peuple) de M. Touzard, t. n. col. 1614-1051. Cet enseignement, Jésus le formule d’une manière explicite en ce qui concerne les prophéties relatives a sa propre personne, par exemple, Matth., xwi, 54 ; Luc. xxii, 37 ; xxiv, 27, 14-47 ; Joa., v, 39 I7 ; xvii, L2, etc Et les apôtres le reprennent également, par exemple Mat th., iii, 5 ; xiii. 35 ; xxvii, 9, 35 ; Luc, i, 70 ; Marc,
w. 28 ; Joa., r, 15 ; xii, 38, 10 ; xix, 24, 28, 36, 37 ; Ad., m. 18 ; vra, 30 ; II Pet., i, 19, etc.
2. Kucnen et d’autres critiques ont fait observer que, parmi les prophéties messianiques, un certain nombre ne se sont pas réalisées. Et, partant de cette « constatation », ils prétendent ébranler la valeur de l’argument prophétique en niant l’origine divine des prophéties de L’Ancien Testament. The Prophets and Prophecy in Israël, trad. anglaise, Londres, 1877, c. v-vn. Nous n’avons pas à discuter ici cette assertion, mais simplement à déclarer qu’il ne saurait être question, dans cette étude théologique, d’utiliser les sens spirituels ou accommodatices par lesquels certains textes des prophètes, littéralement irréalisés, peuvent être entendus et ont été, de fait, entendus par Jésus et par les apôtres. Voir, par exemple, Matin., ii, 15, 18. Nous omettons de plus systématiquement ce qui concerne tout ce. qu’on est convenu d’appeler les figures de Jésus-Christ, soit personnages, soit choses. dans l’Ancien Testament. Il est incontestable d’ailleurs que l’emploi de l’exégèse allégorique a contribué à multiplier outre mesure, ces figures, et que cet abus risque fort d’infirmer pour les exégètes plus circonspects la valeur et la signification des arguments que l’on a pu en tirer. Nous retenons enfin, comme résolvant bien des difficultés, l’opportune distinction, mise en relief par M. Touzard, entre les éléments essentiels et les éléments accessoires des prédictions. L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’Apologétique, t. vii, p. 92. Sur les premiers, « les hommes de Dieu insistent dès le début ; ils reviennent et renchérissent à qui mieux mieux, fournissant les uns après les autres leur apport de progrès et de développement, tout en sauvegardant une parfaite continuité de direction. » Parmi ces prédictions essentielles, il faut nommer celle du règne universel de Jahvé dans la religion, la justice et la paix ; celle du jugement qui devait préluder à l’inauguration de ce règne ; celle du royaume qui de ait grouper tous les individus de tous les temps et de tous les lieux, en qui et par qui s’établirait le règne de Dieu ; celle du roi messianique, futur représentant de Jahvé, à la tête de la nouvelle société, appelé à ce titre à présider à son inauguration et à son développement, et, pour être digne de cette mission, revêtu par une Influence très spéciale de l’Esprit de Dieu, de toutes les vertus morales et religieuses qui doivent fleurir dans le royaume. Telle encore l’annonce de la continuité qui doit régner entre les diverses interventions de Dieu dans le monde, son intervention dans le royaume d’Israël et de Juda, son intervention dans le royaume messianique, continuité telle que le royaume futur aura des Juifs pour premier noyau et point de départ, que le roi futur sera de race davidique. i Les autres éléments, « tout en occupant une place importante dans les prédictions messianiques, n’occupent pourtant, à raison de leur caractère même, qu’un rang secondaire, une place accessoire. Ils constit uent comme les enveloppes, la gaine qui devait renfermer, entourer, les éléments essentiels, pour les présenter sous une forme acceptable aux premiers destinataires des prophéties ; mais leur sort était de se rompre, de se déchirer, et finalement de disparaître le jour où le fruit en serait venu à sa pleine maturité. » Et le savant auteur mentionne, comme exemples d’éléments accessoires, i tout ce qui tend à restreindre
le royaume de Dieu au profit d’Israël : reconstitution
du pouvoir terrestre d’Israël autrement que comme
rail préparatoire aux événements futurs, conquêtes
terrestres d’Israël, extension terrestre de sa domina i Ion, prospérité physique, etc. ». Nous passons d’autres
nples moins Immédiatement utiles à l’intelligence
de notre position. Mais on comprendra que des prédictions relatives : ï Jésus-Christ, nous ne retenions
que celles qui ont trait à [’essentiel de la prophétie messianique, et très particulièrement que lés prédictions dont le roi messianique futur, sa transcendance, ses qualités et quelques faits précis de sa vie terrestre sont l’objet.
3. Enfin, nous devons nous souvenir que Les prophéties messianiques relatives au personnage de Jésus-Christ peuvent être exposées de deux manières. qui, loin de s’exclure, se superposent et se complètent. On peut tout d’abord simplement relever le sens général des prédictions ; on peut ensuite descendre dans les détails particuliers, propres à chaque prophétie. et par lesquels on essaie de fixer déjà par avance les traits de l’envoyé de Dieu.
Le sens général des prophéties relatives au Christ futuraétémisen relief par M. Touzard, dans les articles publiés dans la Revue pratique d’Apologétique, t. vi, p. 906-933 ; t. vii, p. 81-11C ; 731-750, sous le titre : L’argument prophétique. Le même auteur a repris, en la résumant, cette thèse dans sonopuscule : Comment utiliser l’argument prophétique ? Paris, 1911 (collection Science et Religion). Voir également le P. Lagrange. Pascal et les prophéties messianiques, dans la Revue biblique, 1906, p. 553, et surtout Le Messianisme chez les Jui/s, Paris, 1907, p. 258 sq.
L’exposé des détails, dont la réalisation s’est faite en Jésus-Christ, est la thèse classique et traditionnelle, , celle qu’on retrouve dans toutes les théologies fondamentales, celle qu’a esquissée saint Thomas d’Aquin, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxiv, a. 6, et utilisée Bossuet, Élévations sur les mystères, Xe semaine, Élévations sur les Prophéties. Ainsi que l’a fort justement rappelé le R. P. Lagrange, Revue biblique, 1917, p. 594, la méthode des « grandes lignes » ne doit pas faire oublier celle des « précisions détaillées ». Il convient donc, pour ne pas risquer de retracer d’une façon trop vague et trop imprécise le portrait du Christ, d’étudier non seulement le sens général des prophéties le concernant, mais encore de rechercher avec soin les détails successivement ajoutés par les prophètes, détails qui accentuent de plus en plus les traits du Sauveur à mesure que l’on approche de sa venue sur la terre. C’est cette double méthode qu’on entend suivre ici.
3° Sens général des prophéties relatives à Jésus-Christ. — Ce sens général a été bien marqué par M. Touzard, Comment utiliser l’argument prophétique ? p. 37 : « Il s’agit de montrer que, dans le plan divin, la religion d’Israël a eu pour principale raison d’être de préparer le christianisme ; que, par contre, la religion chrétienne apparaît comme le complément que, de par la disposition divine elle-même, le judaïsme postulait. * Jésus-Christ se trouve ainsi le point central et culminant vers lequel convergent tous les efforts des prophètes pour prêcher, maintenir, affermir, restaurer le monothéisme des Hébreux et duquel rayonnera plus tard le royaume futur de Jahvé. C’est même en Fonction de ce royaume dont il sera le monarque visible que Jésus-Christ sera annoncé par les prophètes. Le monothéisme et la loi promulguée au nom du vrai Dieu préparent l’avènement d’un royaume universel, spirituel et intérieur, dont le roi sera Jésus-Christ, représentant de Dieu dont il est comme une émanation. C.’isl sous cet aspect que s’affirme le sens général des prophéties relatives à Jésus Christ.
i. La prédication du monothéisme est la préoccupation fondamentale des prophètes. Sans entrer dans L’histoire <lu monothéisme en Israël, Cf. Dictionnaire apologétique de /</ Foi catholique, article Juif ( Peuple) de M. Touzard, t. ii, col, 1577-1614, il nous faut immédiatement signaler le trait qui appartient directement a notre sujet, à savoir que, dans l’intention prophétique, le monothéisme dépasse les limites du peuple juif et entend devenir, par de la l’individualisme du m :
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQUES
II
peuple élu, la religion universelle. « Tantôt les prophètes nou< montrent les Dations affluant vers Israël ; elles se joignent à lui pour former avec lui le royaume
de Jahvé, [s., i. 2 : >-2 ; > : elles accourent offrir des
présents et des tributs en sa capitale qui est la demeure par excellence du vrai Dieu, 1s.. xviii, 7 ; xxiii, 15-18 ; elles y viennent, avides d’en rapporter des directions, une connaissance plus parfaite de la loi qui doit les régir Is., il, 1-1. Et de Jérusalem, devenue la métropole du monde. Jahvé étend son sceptre sur tous les peuples, les jugeant, faisant disparaître les conllits et ass. ran à jamais la paix. D’autres fois, c’est le Dieu d’Israël qui va au devant des nations et marche à leur conquête. Aux yeux îles [dus grandes, il procure avec une telle force la délivrance de son peuple en exil qu’elles ne peuvent manquer de reconnaître sa puissance, Is., xlv. 18-25. et d’entraîner à leur suite des multitudes d’adorateurs. Is., xliv, 1-5 ; xlv, 14. Mais Jahvé peut aussi se décharger sur Israël d’une part de cette action conquérante ; il le charge d’être l’intermédiaire d’une alliance avec les nations ; il l’appelle à devenir la lumière du monde. Bien plus, il choisit en son sein, et quelquefois contre son gré, des apôtres qui doivent aller au loin porter la bonne nouvelle de la conversion et du salut. » Tel Jonas. Touzard, op. cil., p. 51-52.
Est-il besoin d’ajouter que ce monothéisme universel, prêché par les prophètes ne peut trouver son explication dans les conditions naturelles du peuple juif ? Déjà, en effet, le monothéisme juif lui-même n’est pas d’importation étrangère. Voir Idolâtrie, t. vii, col. 609-61-1, et Dictionnaire apologétique, art. Juif (Peuple), t. ii, col. 1611. Mais, de plus, il n’est pas sorti d’Israël en raison des propensions spéciales, des aptitudes de ce peuple : > il doit sa naissance et ses développements à l’action d’un certain nombre de personnalités qui réussirent a taire admettre leurs idées. » Rien de semblable dans les autres religions. Le monothéisme hébreu est transcendant à la fois par son contenu et par son origine. Donc, le caractère d’universalité que lui attribuent les prophéties dans l’avenir marque mieux encore sa divine transcendance, en face du particularisme des autres religions. Ce monothéisme universel ne saurait être le fruit des spéculations philosophiques ; il s’affirme comme le résultat d’une intervention divine, surnaturelle.
2. Ce monothéisme universel, prêché par les prophètes, est aussi annoncé comme une religion spirituelle et intérieure. Sans doute, ce qui est essentiel dans ces prédictions est souvent revêtu, comme d’une espèce d’erîveloppe, de promesses matérielles, les seules qui, à l’époque ou parlaient les prophètes, pussent rendre accessibles et acceptables aux intelligences les prophéties messianiques. Le triomphe du royaume de Jahvé apparaît comme le triomphe du royaume d’Israël, la restauration messianique semble liée à une restauration temporelle, celle que désiraient ardemment, au jour de la captivité, les Juifs malheureux. C’est pourquoi l’ère messianique est représentée assez souvent comme une époque d’abondance, de gloire et de paix. Osée, ii, 23 ; Joël., ii, 19 sq. ; Amos, ix, 13 ; Mich., iv, 3-5 ; Soph., iii, 13-20 ; Zach., ix, 9 sq. ; Is., iv, 2 ; ix, 1-4 ; xi, 11-16 ; xxix, 17 ; xxx, 23-26 ; xxxii. 15, 20, etc. Toutefois le caractère de ces promesses matérielles apparaît bien vite. Sans doute encore, les prophètes n’en avaient eux-mêmes aucune conscience ; mais c’est Dieu lui-même qui a pris soin de l’indiquer d’une façon très suffisante : « La grande preuve que les perspectives matérielles sont secondaires dans la grande vision messianique, c’est que parfois elle en est débarrassée ; elles font presque complètement défaut, par exemple, dans les passages i. mieux du Serviteur de.Jul.vé. [s., xi.n. 1-4 ; xlix, 1-6 ;
L, 1-9 ; va, 13-l.ui, 12. Accessoires, ces éléments sont encore caducs de leur nature. A ni suie que la révélation se pousuit, on entrevoit que certains éléments essentiels doivent aboutir a les éliminer. Si quelque chose est fondamental dans la prédiction prophétique, c’est l’idée de cette religion universelle qui doit grouper l’univers entier autour du Dieu d’Israël ; or, plus que tout autre cette idée est incompatible avec les descriptions qui donnent tant d’importance au particularisme juif, comme avec un programme de culte trop étroitement rivé au sanctuaire de Jérusalem. » Touzard, op. cit., p. 47. Le point de vue spirituel abonde dans Isaïe : « L’épreuve débarassera Jérusalem de ses impuretés, Is., i, 25 ; iv, 4 ; xxix, 20, 21 ; elle en fera la ville de la justice, la cité fidèle, 1, 26. Résidant au milieu d’elle, la couvrant de sa protection, iv, 5, 6, Jahvé exaucera ceux qui espéreront en lui, xxx, 18, 19, prendra soin des humbles et des pauvres, xxix, 19, donnera la sagesse à ceux qui en manquent, xxix, 24 ; xxxii, 5-8, la lumière à ceux qui en ont besoin, xxix, 18 ; xxx, 20, 21 ; xxxii, 3, 4 ; le peuple retrouvera sa fierté et mettra son bonheur à glorifier son Dieu, xxix, 22, 23 ; ce sera le temps de la justice et de la paix, xxxii, 16-18. » Touzard, Juif (Peuple), col. 1619.
C’est donc uniquement au caractère spirituel du royaume de Jahvé, annoncé par les prophètes, que le théologien catholique devra accorder son attention en vue d’établir le cadre réel dans lequel doit paraître le Messie. Il convient de dégager les prophéties concernant le royaume messianique des enveloppes matérielles et caduques dont les avait revêtues l’esprit des prophètes, et notamment du triomphe temporel d’Israël sur les autres nations. Mais, de plus, dans le tableau tracé par les prophètes, on devra dégager les perspectives plus ou moins éloignées que les prophètes avaient annoncées simultanément, les entrevoyant sur un plan unique, et notamment rejeter à la fin des temps les bouleversements considérables qui doivent mettre terme à l’ordre actuel du monde et préluder à la restauration des nouveaux cieux et d’une nouvelle terre dans un ordre de choses entièrement nouveau. Is., li, 16 ; lxv, 17 ; lxvi, 22. Voir le commentaire du P. Knabenbauer, In Isaiam prophetam, Paris, 1887, t. ii, p. 490-492 ; 520. Sur les perspectives eschatologiques des prophéties messianiques, voir l’art. Jugement. Dieu lui-même a veillé à ce que ces visions eschatologiques, si chères aux apocalypses, fussent facilement séparées de la prévision <hi royaume messianique : « Pour bien montrer que tous ces points de vue ne se confondaient pas, il n’en a souvent manifesté qu’un seul à ses divers interprètes ; plus d’une vision messianique est indépendante de toute perspective de restauration nationale ; au plus grand nombre des prophètes. Dieu n’a rien révélé des perspectives eschatologiques. Lu d’autres cas, il a fait entrevoir d’une façon précise les deux actes principaux de l’œuvre divine : celui de l’inauguration du triomphe et celui de sa consommation. Cf. Ez., xxxviii, xix. Nous sommes donc fondés a traiter d’imparfaites ces vues qui confondent les diverses interventions divines, puis à les dégager les unes des autres pour préciser en quelle manière elles devaient se réaliser. /<L, p. 19-50.
Les prophètes ne se contentent pas d’annoncer un royaume spirituel, dont l’envoyé de Dieu sera roi, mais ils stipulent encore que ce royaume sera intérieur. L’appartenance a Jahvé ne sera pis un titre tout
extrinsèque : elle ne saurait se manifester par îles signes purement extérieurs. Souvent les prophètes reprochèrent a Israël d’êl re un peu| le infidèle, d’honorer Dieu du bout des lèvres et de tenir son cour né « le lui. Is.. xxix, 13 ; i, lu 17 : Vmos, v, 21-21. Dans lifutur rovaume.1 n’en saurai ! être de même. Israël doit être entièrement transformé. Et, dans cotte transformation, il faut faire la part de Dieu et la part de l’homme. C’était Dieu lui-même cpii, poussé par son amour, Os., m. 8, 9, prenait pitié de son
peuple et, désireux de lui faire miséricorde, Is., xxx, 18, se mettait à sa recherche et allait au-devant de lui. Os., ii. (i ; xiv. 2. Israël, de son côté, renonçait à ses égarements, se tournant vers son Dieu ; il confessait ses erreurs passées et se décidait à mettre pour toujours sa confiance en sou créateur. Os., ii, 7 ; xiv, 3, 4. A ces conditions, Jahvé oubliait les iniquités passées, faisait trêve à sa colère. Us., xiv, 5. Il se mettait en devoir de guérir la maladie de son peuple. I<1. Bien plus, il voulait reprendre par la base l’œuvre de sa reconstitution. Os., ii, 14, 15. Elle comportait tout d’abord un travail de purification. Jahvé faisait l’aspersion d’eaux pures et lavait Israël de ses souillures : il lui donnait un cœur nouveau, entièrement docile à ses exigences. Ez., xi, 19, 20 ; xxxvi, 25, 26 ; cf. Is.. iv, 4. Il lui envoyait son esprit afin que ces merveilleuses transformations fussent accomplies d’une manière plus complète à la fois et plus durable. Is., iv, 4 ; |Ez., xxxvi, 27. Alors Dieu se plaisait à habiter au milieu des siens, à les protéger, Is., iv, 5, 6 ; à les combler de ses faveurs, à les exaucer dans leurs prières, à les consoler dans leurs tristesses, à les préserver pour l’avenir de tout retour en arrière. Is., xxx, 10-20. Dans plus d’un prophète, ces perspectives étaient développées en faveur du peuple considéré comme un tout moral (c’est ce qui arrive, en général, avec les oracles prophétiques du viiie siècle, ceux d’Osée et d’Isaïe par exemple) ; mais les prédictions de Jérémie, xxxi, 29, 30, et d’Ézéchiel, xviii, xxxjh, 1-20 (voir Ézéchiel, t. v, col. 2039-2040), prirent un caractère nettement individualiste : détaché des limites du royaume ancien, le royaume futur apparaissait déjà comme ouvert aux seules âmes sincèrement désireuses de suivre la loi divine. Le terme de tout ce travail, dans lequel se coinpénétraient l’effort de l’homme et l’action de Dieu, était en de sublimes épousailles fondées sur la justice, la grâce, la tendresse et une éternelle félicité. Os., ii, 19-20. C’était une alliance, non plus telle que l’alliance ancienne dans laquelle Dieu traitait d’une façon tout extérieure avec le peuple entier, mais une alliance tout intime de Dieu avec l’âme au dedans de laquelle il écrivait sa loi. » Jer., xxxi, 31-34 ; cf. xxxvii. 26 ; xiv. 25 ; xvi. 60, 02. Touzard, op. cit., p. 53-5."). La prophétie d’une nouvelle alliance se retrouve chez Os., n. 20 ; Zach., ix, 11 ; Malach., iii, 1. Le royaume messianique aura ainsi comme marque la catholicité, il comportera la conversion des nations païennes, Mich., iv, 1 sq.j I labac, ii, 1 1 ; Soph., ii, 11 ; iii, 9 ; Agg., ii, 7 ; Zach., n. 15 ; viii, 22-23 ; xiv, 16. Nous touchons ici de lus
près a la prédication du royaume intérieur et spirituel
telle que.lésus et ses disciples la feront entendre a
l’aube du christianisme.
Mais quel sera le monarque du royaume ? Dans les prophéties messianiques, le plus souvent Dieu est représenté comme a^issaui en souverain. Amos, i. 8-15 ; <)s., u ; xiv : is., ii, 2-1 ; iv. 2 6, eic Mais des oracles i rès caractéristiques font entrevoir, en inDieu et le royaume rutur, l’intermédiaire d’un représentant
dont le rôle sera d’extérioriser Dieu lui-même. Il C’est ici que nous aboutissons, dans le contenu des prophéties messianiques, a la figure bénie de Jésus Christ. De ee souverain futur, les prophètes se plaisent a décrire les origines, les titres, les qualités, les fouillons. C’est lui qui inaugurera l’ordre nouveau cl méritera d’être appelé le père des âges à venir. Is., i. 5. Avec lui commencera le règne de la justice et de la paix, dépeint par [sale en termes magnifiques, xi, 6-9 ; cf. ii, I.
C’est vers ce souverain que convergeront toutes les attentes de l’âge messianique. Rien d’étonnant donc que les prophètes aient entrevu et prédit les détails de cette figure majestueuse et souveraine.
4° Les détails relatifs à la figure de Jésus-Christ.
S’en tenir au sens général des prophéties messianiques
serait demeurer en deçà de la vérité entrevue
et prédite par les prophètes. On ne saurait négliger
les traits particuliers dont sont émaillées les prophéties
et qui, de plus en plus expressifs à mesure qu’on
approche du terme de la réalisation des prédictions,
marquent plus parfaitement la physionomie du
sauveur futur. Conformément au plan qu’on s’est fixé
plus haut, on n’a ici ni à faire la démonstration du
messianisme des prophéties, ni à faire la critique des
textes, mais simplement à relever, en suivant le
sens littéral des prophéties, les traits caractéristiques
que renferment les prédictions relatives au Messie. Ce
relevé est celui que les penseurs chrétiens, Pères.
théologiens, apologistes, ont cru pouvoir établir au
cours des âges, quoi qu’il en soit de l’exactitude de bon
nombre de ses détails. On procédera en suivant, dans
ses grandes lignes, l’ordre chronologique, tel qu’il est
fourni par la disposition actuelle des livres de l’Ancien
Testament.
1. Période patriarcale. - — Le récit de la chute se clôt par la promesse du rédempteur, qui naîtra de la femme. Gen., iii, 15. Ce premier trait se complète par la bénédiction accordée à Sein, tien., ix, 26-27, bénédiction qui implique que le rédempteur naîtra de sa race ; par les promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob, Gen., xii, 2 ; xiir, 6 ; xv, 5 ; xvii, 4-6 ; xxvi, 4 : xxviu. 14 ; enfin, par la bénédiction toute spéciale accordée à Juda par Jacob, au cours de laquelle se trouve intercalée une première précision relative au temps où apparaîtra le Messie : « Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité jusqu’à ce que soit venu celui qui doit être envoyé ; et c’est lui qui sera l’attente des nations. » Gen., xlix, 10. On trouvera à Abraham, t. i, col. 106-111, et à Genèse, t. vi. col. 1208-1221, l’exposé critique de ces prophéties. Les oracles de Balaam, Num.. xxii, 2-xxiv, 25. à certaines indications d’ordre général (place de choix faite à Israël, xxiii, 9-10 ; triomphe d’Israël sur les nations qui lui feront la guerre, xxiv, 7-8), joignent une prédiction plus spéciale relative à « l’étoile cpii sortira de Jacob », au « sceptre qui s’élèvera d’Israël », au i dominateur qui sort de Jacob ». Il n’entre pas clans l’objet de cet article de discuter les opinions qui se sont fait jour parmi les exégètes catholiques sur le sens à accorder à la prophétie de Balaam. Le caractère messianique du quatrième oracle de Balaam, Num., xxiv, 15-19, a été admis sans contestation grave par l’exégèse traditionnelle. Le roi, le vainqueur annonce par Balaam, aussi bien pour la tradition juive de basse époque que pour la constante tradition de l’exégèse catholique, c’est le Messie. Sur le sens traditionnel de cet oracle de Balaam voir art. Balaam. dans le Dictionnaire de lu Bible, t. i, col. 1396 ; Reinke, Beilrâge : ur ErklSrung des Allen Testaments, Munster, 1855, t. iv, p. 198 sq. ; Meignan, Prophéties messianiques, 2 édit., Paris. 187.S, p. 458-598 ; F. Iliinpel, Die messianischen Prophetien in Pentateu.cn, dans Theol. Quartalschrift, Tubingue, 1860, p. 668 sq. ; von Hummelauer, Cursus Scripturse sacrée, Numeri, Paris, 1899, p. 301-303. Quelle que soit d’ailleurs la portée accordée à la prédiction messianique, il n’en résultas moins exact d’affirmer que le quatrième oracle de Balaam complète, aux yeux des commentateurs traditionnels, la prédiction de Jacob, Gen., xi.ix, 8-10.
A la période patriarcale, nous pouvons encore rapporter la prédiction faite par Moïse lui-même, législa leur et libérateur d’Israël, annonçant une autre propluie : « le Seigneur votre Dieu vous suscitera un Prophète comme moi, de votre nation et d’entre vos frères… Et le Seigneur me dit… je leur susciterai du milieu île leurs frères un prophète semblable à toi : je lui mettrait mes paroles dans la bouche et il dira tout ce que je lui ordonnerai. Si quelqu’un ne veut pas entendre les paroles que ce prophète prononcera en mon nom. c’est moi qui en ferai vengeance, t Dent., xvin. 15-18. La suite du texte sacré met en opposition avec le vrai prophète les faux prophètes, ce qui pourrait laisser croire à un sens collectif du mot pro phète ». Mais un sens purement collectif ne serait acceptable ni au regard de la tradition, ni surtout au regard des interprétations inspirées de ce passage du Deutéronome, interprétations qu’on va rappeler incessamment. Tout au plus peut-on dire avec Origène, Théodoret, Menochius, Tirin, le cardinal Meignan, Cornely, Reinke, de Hummelauer. et plusieurs autres. que l’oracle désignerait tout à la fois l’ordre entier des prophètes et le Messie, leur chef, le premier d’entre eux. Mais un sens individuel et une application unique et immédiate à Jésus-Christ semblent à d’autres préférables. C’est l’opinion de Cajétan, d’Estius, de Malvenda, du P. Patrizi. de M. Fillion et de la plupart des Pères qui ont interprété ce texte. On trouvera les références et la discussion du problème dans de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 370-377. Quoi qu’il en soit de cette discussion, saint Pierre, Act., m, 22 et saint Etienne, Act., vii, 35 ont fait de la prophétie de Moïse une application directe à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Jésus lui-même l’a expliquée de sa propre personne, en aflîrmant que Moïse avait écrit a son sujet. Joa., v, 45-47. La masse du peuple juif croyait aussi que le prophète annoncé par Moïse n’était autre que le Messie, et beaucoup pensaient que le Messie c’était Jésus. Cf. Matth., xxi, 11 ; Joa., i, 45 ; vi, 14 ; vii, 40, etc. Les Samaritains eux-mêmes, qui ne reconnaissaient aucun livre inspiré en dehors du Pentateuque, admettaient, d’après ces versets du Deutéronome, le Messie et son rôle prophétique. Joa., iv, 25.
En résumé, à l’époque patriarcale, les prophéties messianiques annoncent le Sauveur de toutes les nations, lequel naîtra de la race d’Abraham, Isaac, Jacob et Juda. Il sera le prophète par excellence, suscité par Dieu pour instruire le peuple.
2. Période des Rois.
Les prophètes de cette époque apportent des précisions sur la royauté et la puissance du Christ futur, sur ses relations d’origine vis-à-vis de Dieu, sur son sacerdoce, sur ses souffrances et sur sa résurrection.
Dans son cantique, Anne, mère de Samuel, annonce « que le Seigneur jugera les confins de la terre, donnera l’empire a son roi et élèvera la puissance de son oint. »
I Reg., il, lu. On entend d’ordinaire ici par roi et oint (Christ) non seulement David, mais encore le Messie futur, qui doit être un descendant de la maison de David, laquelle par lui sera a jamais affermie sur son trône. Il Reg., vii, 12-17 : cꝟ. 1Il Reg., ii, 3, 4. Ces textes supposent évidemment quc David, tout en réalisant la gloire du peuple de Dieu, est la figure d’un autre personnage, né de sa race, et destiné à consolider cette gloire dans l’éternité. Du même ordre est la prophétie’le Nathan à David : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu iras auprès de tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, l’un de tes lils, et j’établirai son règne. Ce sera lui qui me bâtira une maison et j’affermirai son trône a jamais. Je serai son père, et il sera mon fils.. I Par., xvii, 11-13. Cf. x.xii, 10 ; xxviii, 6 ; Iv, i. xxxviii, 21, 27. Sur L’interprétation de ces textes, voir Fils de DlEU, t. v, col. 2360
II va de soi qu’au sens littéral la promesse de Nathan vise d’abord Salomon ; mais en prenant les choses de
plus haut. L’exégèse traditionnelle aimait a voir ici la race de David continuant celle d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Juda. 1 Par., xxviii, 4. A cause de cette filiation davidique et en vue de son rôle futur, le Sauveur à venir est désormais appelé dans les textes prophétiques le roi. chef du royaume universel prophétisé, Ps. LXXT (Vulg.), 1, 2 ; ii, (i, (ix, 2 ; ou, de son nom propre, le Messie ou le Christ. Ps. ii, 2 ; xliv. s. Bien plus, il est le Seigneur, Ps., cix, 1 ; engendré du sein de Dieu devant l’aurore, id., 3, du moins selon la traduction qu’ont popularisée les Septante et la Vulgate. Dieu l’appelle son fils. Ps. ii, 7. Il sera prêtre éternel, de l’ordre de Melchisédech, Ps., cix, 4 ; s’il est prêtre, c’est en vertu d’une institution divine, confirmée par un serinent divin.’Allah— Kôhèn ! toi prêtre, dit énergiqueinent le texte hébreu : « Notre-Seigneur n’est pas de la tribu de Lévi, mais de celle de Juda. Son sacerdoce ne se rattache donc pas a celai d’Aaron. Il est prêtre selon l’ordre de Melchisédech, c’est-à-dire à la manière de ce i roi de justice i et « roi de paix », dont l’Écriture n’indique pas la généalogie, mais auquel Abraham, père de toute la race lévitique, rend lui-même hommage et donne la dîme. Le sacerdoce de Jésus-Christ ne dérive donc pas de celui d’Aaron ; il a sur lui une supériorité figurée déjà par les devoirs d’Abraham rendus à Melchisédech. Heb., vii, 1-7. Le sacerdoce aaronique a été établi sans serment, Dieu ne lui ayant jamais promis l’exercice perpétuel de ses fonctions ; aussi les prêtres se succédaient-ils les uns aux autres parce que la mort les arrêtait. Le sacerdoce de Jésus-Christ a été établi avec serinent : « Le Seigneur l’a juré, il ne se repentira pas : Tu es prêtre pour toujours. » De plus, il demeure éternellement et ne se transmet point, parce que celui qui le possède est toujours vivant. » Heb., vii, 20-25. H. Lesêtre, art. Prêtre, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 660. Prêtre, le Messie sera aussi victime volontaire pour le péché. Ps., xxxix, 7-9. Les douleurs de son sacrifice ne sont pas passées sous silence. Le psaume xxi constitue, comme l’a écrit le cardinal Meignan, « le programme de la divine tragédie, dont l’Évangile raconte l’histoire. » Sans doute, le fond du psaume peut être appliqué à David : mais tous les traits qu’on y relève ne sauraient convenir à ce roi. Le psaume est nettement, certains n’hésitent pas à dire exclusivement, messianique ; il décrit, en des accents d’un lyrisme déchirant, l’abandon du Sauveur, v. 2, devenu comme un ver, l’opprobre des hommes et le rebut du peuple. Les animaux sauvages, figurant ses bourreaux, se sont précipités sur lui, 13-14 ; et leur fureur fait contraste avec la langueur de la victime dont les os eux-mêmes se déchirent. 15-16. Troupe immonde et cruelle, comme des chiens affamés qu’on rencontre si souvent errants dans l’Orient, une bande de scélérats l’ont assiégé, et ont percé ses mains et ses pieds et compté tous.ses os. (Sur la légitimité de la traduction foderunt de la Vulgate, voir les commentateurs.) Ils se sont partagés ses vêlements et ont jeté le suri sur sa tunique, ꝟ. 19.
Ce sont encore les persécutions que le Messie aura à subir de la part de ses ennemis, que retrace le Ps. lxviii. Bien que le psaume soit moins directement messianique, il peut être appliqué aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans sa passion a peu pics au même titre que le Ps. xxi. Aussi est-il, avec ce dernier, celui qui est le plus fréquemment cité dans le Nouveau Testament. Les ennemis du Sauveur le haïssent sans motif, ℣. 5 (Joa., xv, 25). Jésus est dévoré du zèle de la maison de Dieu. ℣ 10 (Joa., ii. 17) ; il supporte volontairement les opprobres, ℣. 10 (Rom., xv, 3). La malédiction prononcée, ℣. 26 s’accomplit dans la personne de Judas Iscariote, Act. i, 20, ainsi que sur Israël, la réprobation des ℣. 28-29 1119
rÉSUS-CHRIST. LES PROPHÉTIES MESSIANIQ1 I 1120
Quant au trait particulier : « ils m’ont donné du Se] pour nourriture et dans ma soif m’ont abreuvé de vinaigre, » ꝟ. 22, les commentateurs anciens et modernes le tiennent comme représentant très bien le vin mêlé de myrrhe que l’on ofîrit au divin crucifié. Matth.. xxvii, 34 ; Marc, xv, 23. Le fait du vinaigre mélangé d’eau s’est littéralement réalisé au calvaire. Matth., xxvii, 48 ; Marc, xv, 37 :, Ioa., xix, 29.
Mais le Messie, mis à mort par ses ennemis, devra ressusciter. Dieu, en effet, n’abandonnera pas son âme dans le schéol et ne laissera pas son o saint » voir la corruption. IN., xv, 10. Le saint ici, c’est le bien-aimé de Dieu par excellence, hastd, qui ne doit point connaître la corruption du tombeau. Le nom hébreu idhat a souvent le sens de fosse, tombeau ; mais il n’a pas moins fréquemment, et c’est ici le cas. le sens de destruction, de corruption ; cf. Job., ix, 31 ; xvii, M ; xxxiii, 18, 22 ; Ps., îx, 1(5 ; xxix, 10 ; xxxv, 7 ; Lxviii, 10 ; Is., li, 14 ; Ez., xix, 1 ; xxviii, 8, etc. Cf. Lesêtre, op. cit., p. 01 ; Knabenbauer, op. cit., p. 00-07 ; P. Lagrange, Le messianisme dans les psaumes, Revue biblique, 1905, p. 192. On sait le beau commentaire qu’a lait de ce verset saint Pierre dans son discours des Actes, ii, 25-36. Enfin, la dernière partie du Ps. xxi retrace les résultats glorieux de l’humiliation et des souffrances du Messie ; c’est son règne sur l’univers entier, avec une allusion assez claire a un banquet qui procure aux hommes la vie éternelle et dépasse par conséquent les rites juifs. ꝟ. 23-32.
3. Période des prophètes.
L’ordre chronologique dans lequel se sont succédé les prophètes a souvent été discuté et remis en question. Nous n’avons pas ici à entrer dans le détail de ces discussions, ni même à exposer les raisons pour lesquelles nous nous arrêtons à l’ordre suivant : Amos, Osée, Isaïe (ie part.) et Michée, Jérémie, Sophonie, N’ahum, Habacuc, Ézéchiel, Isaïe (n « part.), Aggée, Zacharie, Malachie, Jonas, Joël, Daniel. Ici, ce n’est qu’une question d’ordre et de méthode. Nous n’avons pas, non plus, a reprendre les prophéties relatives au royaume messianique ; on doit s’attacher ici, uniquement, a relever les traits préfigurant le roi messianique, c’est-à-dire Notrc-Seigneur .Jésus-Christ.
n) Amos, prophétisant le règne messianique, ix, 10-15, sous des figures de prospérité temporelle. annonce que cette restauration se fera par le relèvement de la hutte, c’est-à-dire, de la maison de David. tombée dans un état de faiblesse extrême, 7-11 : trait bien imprécis encore sans doute, mais où se trouve marquée la race royale dont descendra le futur roi messianique. Knabenbauer, Prophète minores, Paris, 1886, p..’(32 s([. ; Reinke, Die messianischen Wcissagungen, Giessen, 1861, t. iii, p. 184-208 ; Van Hoorracker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 280 sq.
I>j Osée, en plusieurs endroits de sa prophétie, marque l’avènement futur du roi dauidique : Les enfants de Juda et les enfants d’Israël se réuniront ensemble, et ils se donneront un chef un ique, el ils déborderonl hors du territoire, i n. 2 ; « les enfants d’Israël se convertiront et ils rechercheront Jahvé leur Dieu e1 David leur roi. » iii, 5. Van Hoonacker, op. cit., p. 32 38.
i / Dans Isaïe, non seulement l’espérance messianique est plus nettement affirmée, mais la figure du Messie est déjà caractérisée. Le prophète prédit sa naissance d’une vierge et son nom Emmanuel. .
I l : cf. viii, 8, 10. Voir Emmani Et, t. iv, col. 24302440, <t Isaïe, t. viii, col. 50-02. Cf. Condamin, Le Livre d’Isolé, p. 59-73. Il lui reconnaît la dignité royale
et lui accorde des noms presque divins, ix. 6-7. Voir lsii, col. 02-64. Le Messie futur a sur son épaule la souveraineté royale, cf. xvi, 5 ; xxrv-xxvii, et il est l’admirable conseil, le Dieu (El) héros, père de l’ave nii. prince de la paix. L’éplthète El signifie tout au
moins qu’il sera pénétré d’influences toutes divines. « La réalité, dit le P. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919, p. 123, devait remplir à la lettre ces promesses magnifiques ; mais les contemporains du prophète n’en saisissaient pas toute la grandeur. On sait la mutilation faite au texte d’Isaïe par les I.XX qui, déconcertés par les expressions d’Isaïe, n’osèrent pas en reproduire la hardiesse, et supprimèrent tous les titres accordés au Messie dans le texte original pour les remplacer par : * l’ange du grand conseil *. xaXeÎTai-ô 8vou, a aû-roù [izyâlrfi Pouàtjç (ÏYYevoç. Voir Condamin, op. cit.. p. 58. Sur la valeur en soi des expressions d’Isaïe, voir l-’n.s de Dur. t. vi, col. 2303-2304. Le roi messianique sera de la race de David, xi, 1 ; on le voit régner avec justice entouré de princes qui gouvernent avec droiture, xxxii. 1 : le but de ses efforts est d’assurer le triomphe île la justice et de la paix, xi, 3-9. Il donnera un nouvel éclat, à jamais durable, au trône de David, ix, 6. Un rapport étroit entre l’Esprit de Dieu et le Messie est explicitement affirmé et fortement accentué chez Isaïe. On lit déjà au chapitre xi, 1, 2 : « Un rameau sortira de la tige de Jessé, un rejeton poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Jahvé, Esprit de sagesse et d’intelligence, Lsprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de Jahvé. » On retrouvera les mêmes promesses dans la deuxième partie d’Isaïe, xlii, 1 sq. Voir plus loin. Mais, particularité notable, le Messie ne doit pas recevoir seul ces dons de l’Esprit : l’époque de son avènement est prédite comme une ère d’effusion et de largesses divines : « l’Esprit d’En-haut sera répandu sur Israël, le désert sera changé en verger, et le verger en forêt ; et dans le désert le droit habitera, et la justice dans le verger. » xxxii, 15 ; cf. xliv, 1 sq.
d) Michée, après avoir rappelé le caractère universel du futur royaume messianique, les peuples devant affluer à Jérusalem pour y rendre hommage au vrai Dieu et se faire instruire de sa loi, iv, 1-3 ; cf. Is.. ii, 2-1. désigne expressément le lieu d’origine du futur roi, v, 1 : « Mais loi, Bethléem d’Ephrallia, petit quant à ton rang parmi les dans de Juda, de toi me [proviendra [un prince], qui soit souverain en Israël », et, taisant allusion a son origine davidique, il relève « ses origines de l’âge antique, des jours du lointain passé. » Ces derniers mots marquent-ils une origine divine : < dès les jours de l’éternité » ? Cf. Prov., viii, 22, 23. Voir l’n.s de Dieu, col. 2305. Puis, au verset suivant, 2, le prophète, faisant allusion à Is., vu. 13, parle du temps où celle qui doit enfanter » enfantera : prédiction qui ne peut se rapporter qu’à l’incarnation. Sur ce sens messianique, de la prophétie de Michée, admis même par les Juifs, on consultera Van Hoonacker. <-/). cit., p. 346 ; 388-392 ; La prophétie rclutnr à la naissance d’Emmcuiu-El, dans Revue biblique, 1904, p. 231 sq. ; Lagrange, La Vierge et l’Emmanuel, dans Revue bibliijiir, 1892, p. 481.
e) Jérémie, tout en renouvelant les prédictions générales relatives au royaume messianique, accorde moins d’attention au roi lui-même. Toutefois, ce prophète mentionne expressément que le roi appartient à la race davidique. xxxiii, 15-16 ; cf. xxiii, 5, qu’il pratiquera l’équité et la justice, id. ; qu’il sortira du peuple cl sera très attentif a s’approcher de Jahvé. xxx. 21. Bien plus, à cote de sa royauté éternelle sera institue un nouveau sacerdoce, mais qui ne sera plus choisi d’une manière exclusive dans la tribu de l.évi, cf. Is., lxvi, 21, dont le sacerdoce doit disparaître, iii, 16 ; xxxiii, in. Jérémie persécuté semble être le type du Christ, doux comme un agneau, qu’on conduit à la boucherie, iii, 19. Sur la prophétie que bien des commentateurs ont cru trouver dans Jercm., xxxi, 22, cl. supra, col. <S82. 1121
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/) Ézéchiel, dans ses prédictions relatives au salut d’Israël, voir Lzeciiikl. t. v. col. 2038, introduit « un état politique Idéal, où l’nnité ne sera plus brisée. comme elle l’avait oit’auparavant, entre les deux royaumes, xxxvii, 15-22, état au sommet duquel trône pour toujours un prince. un roi », David, serviteur de Jahvé, vice-gérant du nouveau royaume, représentant du pasteur divin qui a pris désormais en mains propres le gouvernement de son troupeau, wm. 10-12, il. 15-16, 23-24 ; xxxvii, 21. 25fc, « rameau de l’antique arbre royal replanté en son lieu. xvii. 22-24, i corne » puissante qui < poussera » à la i maison d’Israël. xxxt, ’21 (héb.), i prétendant. de droit au diadème qui a été enlevé au t méchant prince > rejeté, xxi. 30-32. Pour tous les commentateurs, le David redioivas de xxxiv, 23-21 et de xxxvii, 24-25 est le Messie, soit le Christ lui-même dont David fut le type figuratif, cf. Knabenbauer, Commentarius in Ezechielem prophetam, Paris, 1890, p. 356 sq., p. 383 sq., soit un davidide. le premier d’une nouvelle série de rois, tenant le royaume comme un autre David. Ézéchiel, t. v. col. 2038.
g) La deuxième partie dlsaïe est tout aussi riche que la première en prophéties messianiques, où se trouvent déjà fortement marqués les traits du Messie futur. Ces traits se trouvent réunis sur le « Serviteur de Jahvé i véritable missionnaire de Dieu au milieu des nations. Is.. xlii. 1-4 : xlix, 1-6 ; l, 4-11 ; lii, 13-i.iu. 12. Le serviteur de Jahvé », pour certains, personnifie le peuple d’Israël, xlix, 3-6, dont il emprunte le nom. mais dont il se distingue comme le rédempteur se distingue du peuple qu’il rachète. Voir Knabenbauer. In I salant, Paris, 1887, t. ii, p. 231-232 et appendix de servo Domini, p. 325-338 ; Condamin, Le Livre dlsaïe, Paris, 1905, p. 325-344. Pour d’autres, qui ne retiennent qu’un sens individuel, il désigne uniquement le Messie, voir Isaïe, col. 6775, et Touzard, Juif (Peuple), col. 1627. Le ministère du serviteur de Jahvé est double : c’est le ministère d’un docteur ; t’est le ministère d’un sauveur : » Ce serviteur nous apparaît, écrit M. Touzard. lue. cit., col. 1626. comme un élu de Jahvé qui le soutient et se complaît en lui. met sur lui son esprit, 1s., xlii, lui communique la docilité d’un disciple, l. 4, 5. Prédestiné dès le sein de sa mère pour remplir cette noble tâche, xlix. 1. 3. 5, tenu en réserve comme une flèche aiguë et un glaive tranchant, xlix. 2, il doit être l’alliance du peuple, xlii, 6 : xlix, 8. c’est-à-dire médiateur pour l’alliance nouvelle que Jahvé va conclure avec le peuple. A ce titre, il a sou rôle dans la restauration d’Israël, xlii. 7 : xlix. 5, 6. 8 et sans doute Mais, en outre, Jahvé le fera lumière des nations pour porter SOI] salut jusqu’aux extrémités du monde. xi. ix, f>b. Il sera, dans toute la force du terme, le missionnaire de Jahvé : il exposera la loi aux peuples. xlii. d. 3c ; il se montrera plein de douceur, plein de condescendance envers les faibles, se gardant de briser le roseau froissé, d’éteindre la mèche qui fume encore, xlii, 2. 3 ab ; mais son ardeur sera indomptable jusqu’à ce qu’il ait atteint son but, xlii. I. Aux heures de découragement, il se rappellera que sa récompense est aux mains de son Dieu, xlix. I. Son ministère est aussi un ministère de sauveur et de rédempteur. Sur la volonté de Dieu, l, 1, 5, il abandonne son corps à ceux qui le frappent et ne dérobe pas ses joues ni sa face aux ignominies et aux crachats, l, 6 : fort du
us divin, il brave tous ceux qui l’attaquent, L, 7-’» : il est objet de mépris et d’horreur, esclave des souverains, xlix, 7. Le c. lui tout entier retrace par avance les souffrances ei la mort du Sauveur : i II n’a ni éclat, ni beauté ; et nous l’avons vii, el il n’avait pas un aspect [ agréable] et nous | ne] l’avons pas
ré ; méprisé et le dernier des hommes, homme de
DICT. DE THÉOL, ’VllloL.
douleur et connaissanl l’infirmité ; son visage était connue caché, et méprisé et nous l’avons compté pour rien. Il a vraiment pris lui-même nos langueurs ( sur lui] et il a lui-même porté nos douleurs et nous l’avons considéré comme un lépreux, frappé de Dieu et humilié. Mais lui-même, il a élé blessé à cause de nos iniquités, il a été brisé à cause de nos crimes ; le châtiment [prix] de notre paix [est tombé] sur lui, el par ses meurtrissures nous avons été guéris. Nous tous, comme des brebis, nous avons erré ; chacun suivait son propre chemin, et le Seigneur a mis sur lui l’iniquité de nous tous. Il a été maltraité et il s’est soumis et il n’a pas ouvert la bouche : comme une brebis, il sera conduit à la tuerie et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet et il n’ouvrira pas la bouche. Il a été enlevé par l’angoisse et par le jugement ; et parmi [ceux de] sa génération, qui pensera qu’il a été enlevé de la terre des vivants et qu’il a été frappé pour le péché de mon peuple ? On a mis son sépulcre avec les impies ; mais (il a élé) avec le riche après sa mort, parce qu’il n’avait point commis de violence et qu’il n’y avait pas de fraude dans sa bouche. » 1-0. La fin du chapitre, ꝟ. 10-12, indique nettement que le fruit de ses souffrances sera la réconciliation du monde pécheur ; et c’est au prix de ces soulïrances que seront assurées le fondation de l’Église, la conversion des peuples et la victoire définitive du Messie, i.iv-lv ; lx-lxi ; lxiii ; lxv-lxvi : « Dans ce magnifique poème, Jérusalem est représentée comme le centre d’un royaume universel, s’étendant à toutes les nations, liv, 3 ; lv, 4-5 ; lx, 3, 11, 16 ; lxi, 6 ; religieux, où tout converge vers le culte de Jahvé, lx, 7, 13 ; lxi, 6 ; composé de justes et de saints, lx, 21 ; lxii, 12 ; éternel, lv, 3 ; lx, 15, 10, 20. Les théologiens ont raison de voir la réalisation de ces promesses dans l’Église fondée par Jésus-Christ, puisque le Serviteur de Jahve est Jésus-Christ, et que la postérité nombreuse du Serviteur, les multitudes d’hommes qui lui sont données pour prix de ses souffrances et de sa mort doivent peupler la nouvelle Jérusalem. lui, 10-12 ; liv, 1-3. » Condamin, op. cit., p. 361
II) Des deux prophéties messianiques d’Aggée, ii, 1-10 ; ii, 21-24, la première concerne le royaume messianique, avec les perspectives eschatologiques habituelles, mais non pas le Messie lui-même, comme on pourrait le croire en lisant la Vulgate : veniet desideratus cunctis genlibus, voir Aggée, t. i, col. 566-573 ; Van Hoonacker, op. cit., p. 563 ; la seconde, la seule qui nous intéresse ici directement, concerne Zorobabel, à qui Dieu promet son appui et sa faveur. Mais il est évident que le prophète n’a pu vouloir attribuer personnellement à Zorobabel les titres messianiques énumérés ici : par de la la personne de Zorobabel, c’est le Messie lui-même qui est prévu, prédit et annoncé, comme l’élu de Jahvé, et qui sera i l’anneau à cachet », c’est-à-dire l’objet précieux dont on ne se sépare jamais. Voir H. Philippe, Aggée, dans le Dictionnaire, île la Bible, t. i. col. 27H ; Knabenbauer, Prophétie minores. Paris, 1886, p. 206 sq. ; Van Hoonacker, op. cit., p. 575.
i) Le livre de Zacharie, tout entier messianique, peut-on dire, parce qu’il annonce que la nation sainte ne périra pas. mais sera reconstituée sur de nouvelles bases et durera éternellement, contient un assez grand nombre de traits qui éclairent la figure du Sauveur futur. Kn dehors de la promesse relative au serviteur de Jahvé, qui est appelé’derme, Oriens. Zæh.. m. X, promesse dont l’interprétation es1 passablement laborieuse, le Roi-Messie, est mis cm scène, c. ix. 9-10, entrant dans sa capitale pour inaugurer son règne pacifique après la conquête du territoire ; Voici que ion roi vient > loi : il est juste, ci victorieux, il est humble, monté sur l’une et sur iiinon né de iiinesse.t
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JÉSUS-CHR IST. I I - I l RI S SAPIENTIA1 X
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Cf. Matth., xxi. : > : Marc, xi.7 ; Joa., xii. 14, 15. Faut-il voir une prophétie de l’incarnation, de la passion et de la transfixion de Jésus-Christ dans xii, 10 : Je répandrai… un esprit de grâce et de supplication et ils regarderont vers moi qu’ils auront transport Cf. Joa., xix. 37 ; Luc, xxiii. 48 ; Ait., u. 37. Voir Fils de Dn.i ;. t. vi, col. 2365-2366 et les ailleurs cités à propos de la discussion de ce texte.
Ma’lachie annonce le précurseur qui doit suivre à plus de quatre cents ans de distance, iii, 1-1 : ce précurseur est Elie, iv, 1-5 (m, 10-23) ; cf. Luc, i. 17 : Matth., xi, 10 ; 14 ; xvii, 11-12. Annonce-t-il, avec T i ange de l’alliance », iii, 1, le Messie, c’est-à-dire Dieu lui-même venant dans son temple ? voir Fils de Dur. t. vi. COl. 2366. Mais ce prophète est surtout célèbre par l’annonce du sacrifice de la loi nouvelle, l’Eucharistie, i, 1.0-1 1.
kj La prophétie de Joël, relativement à l’effusion du Saint-Esprit, apporte une précision nouvelle touchant la première manifestation de l’Esprit Saint dans l’Église catholique au jour de la Pentecôte, ii, 28-32 ; cf. Ad., ii, 17-21. Ce trait, bien que ne se rapportant lias a la figure du Messie, est trop important dans l’œuvre de Jésus-Christ, pour être négligé ici. Mais Joël nous intéresse encore par sa prophétie du » docleur de la justice. » ii, 23 ; cf. Is., i.v, 4. Le docteur de la justice est-il directement Jésus-Christ, ou la suite des prophètes symbolisant Jésus-Christ ? Voir Knabenbauer, Prophète minores, 1. 1, p. 229.
1) Le livre de Daniel nous offre plus de traits encore destinés à éclairer la figure du Messie. Daniel prophétise tOUl d’abord le futur royaume éternel du Messie, u, 34-44. La nature, sinon divine, tout au inoins transcendante du Messie et sa préexistence sont marquées par sa venue sur les nui es du ciel > vu. 13. Sur la signification de nuées », comparer Ex., xi., 34 ; Ps., xvii. 17 : xi.vi. 2 : ciii, 3, où Jahvé lui-même s’avance sur les nuages, symbole de sa majesté. « Semblable au Fils de l’homme »…, le Messiea la puissance, l’honneur et le royaume ; et tous les peuples, les tribus et les langues le serviront ; sa puissance est une puissance éternelle qui ne lui sera point ôtée, et son royaume ne sera jamais détruit. » vii, 14. La mission divine du Messie est indiquée par son caractère il’ « oint », IX. 26 ; .l’objet de celle mission se définit par la rémission des péchés, la justification des âmes, la fondation de l’Église, in. 24 ; et la manière dont elle sera réalisée esl indiquée dans la mort du « Christ ». ix, 26. Nous trouvons aussi dans Daniel des traits se rapportant a l’eschatologie et retraçant le rôle que le Messie futur doit jouer dans les derniers temps. Il est précieux de relever ces tiaits que Jésus lui-même accentuera en
, prenanl pour son propre compte. A la prophétie de l’Antéchrist, vii, 20-25 ; xi, 21, 28-36, que le Nouveau Testament précisera, voir Antéchrist, l. i, COl. 1361, se superpose en Daniel l’œuvre eschatolo gique du.Messie, son second avènement sur les nuées du ciel », en vue du jugement, vii, 13-14, sur l’enscignc i touchant la résurrection des morts, bons ou
m.’_ !. et la séparation des uns et des
autres, la vie éternelle, la récompense des fidèles cl
des i docteurs en justice » par la lumière céleste, xii,
2-3 ; la damnation et le châtiment des pu vers par la
i„, ni, ., 1 l’opprobre éternels, xii, 2. L’expression i Fils
, l, . l’homme sera reprise par Jésus-Christ, pour se
lui même comme le Messie : voir plus loin
I laniel, elle n’a pas encore le sens ferme et plein que lui donnera Jésus dans la dernière période de sa |e publique ; mais c’est déjà le Messie qu’on entrevoit
e1 un Messie céleste, c’est a dire transcendant par rapport a l’humanité.
La prophétie de Daniel est surtout célèbre a cause de l’annonce de l’époque de la venue du Messie, in. 2 i 27. Mu le sens et l’interprétation des soixante-dix semaines, voir Daniel (Les soixante-dix semaines du proplùtej, t. iv, col. 75-102. Quelle que soit l’interprétation adoptée, à l’égard des soixante-dix semaines, Daniel < garde dans son objet direct le sens messianique que lui a reconnu ou attribué la tradition chrétienne depuis l’origine jusqu’à nos jours. » l.oe. cit., col. 102.
5° Conclusion. Les prophéties messianiques, considérées soit dans leur sens général, soit dans les détails qu’elles comportent, relativement au personnage du Sauveur, ne suffisent certainement pas à mettre en pleine lumière la figure à la fois divine et humaine du Christ. Le mystère de l’incarnation ne s’y Irouw pas dévoilé : la divinité du Messie n’y est pas clairement exprimée. Cependant il s’y trouve des expressions fréquentes ayant une valeur surhumaine et transcendante, qui attendent leur explication. Quant à l’humanité du Sauveur, nous en connaissons mieux les prérogatives messianiques ; mais nous ignorons encore les qualités résultant de l’incarnation du Verbe. L’explication des prophéties ne sera pleinement fournie que par l’Évangile : i C’est l’Évangile qui leur donne toute leur valeur, en les éclairant de la lumière du Christ : en lui tous les traits s’accusent et s’unissent ; il est le Fils de Dieu, Dieu fort, né de toute éternité, assis à la droite du Père, de même qu’il est le roi d’Israël, le rédempteur du peuple, le serviteur de Jahvé. Ainsi, comme les Pères aiment à le constater, il interprète, par sa seule manifestation, les prophéties jusque-là méconnues. » J. Lebrcton, Les origines du doi/me de la Trinité, 4e édit., Paris, 1019, p. 124.
Ouvrages généraux sur les prophéties messianiques : L. Relnke, Die messianischen }Yeissagungen bei den l’ropheten, ."> vol., Giessen, 1859-1862 ;.1. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, 2 vol., Gand, 188-1, t. i, p. 347-529 ; Caïd. Meignan, Les prophétie » messianiques, (i vol., Paris, 1856-1894 : AbbédeBroglie, Questions bibliques, Paris, 1897, p. 329-380 ; P. Lagrange, Divers articles sur les prophéties messianiques dans la Revue biblique, octobre 1904 ; janvier et avril 1905 ; janvier et octobre 1906 ;, i. Dceller, Die Messiaserwartung im Allen Testament, Vienne, 1911 ; J. Rivière, Le dogme de la Rédemption, étude théologique, Taris, l’.ll I, e. i ; Mj4r Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris. 1002, t. ii, p. 153-179 ; Ottiger, Theologia jundamentalis, Fribourg-en-Brisgau, 1897, part. I, sert, i, e. m : J. Touzard, V Espérance messianique, deuxième partie dirait. Juif [Peuple), dans le Dictionnaire apologétique de In foi catholique, t. ii, col. 1614-1648 ; Fllllon, Vie de X.-S. Jésus-Clirist, Paris, 1922, t. I, e. ii, p. I ! 17-’_ ! 10 : cl, parmi les
i tiéologiens dogmatiques, Billot, De Verbo incarnato, Home, 1912, th. r.vn : Ch. Pesch, Prælecliones àogmaticæ, Fribourgen-Brisgau, ÎUI."), t. I, prop. xix ; l.egiaud, Dr incunuilione Verbi divini, dans Migne, Cursus théologies, t. ix, dissert. n.
On pourra consulter aussi, parmi les auteurs protestants :
Fr. Delitzsch, Messtanische Weissagungen in geschichtlicher I olge, Leipzig, 1890 ; E. Bohl, Christologie des Allen Testaments, oder Auslegung <ler wichtigsten messianischen Weissagungen. Vienne, 1882 ; C. A. Briggs, Messianic Prophety. .., N’cw-Yurt, , 1887.
IL JÉsrs Christ et ils Livres Sapiientiaux. —
Les livres sapientiaux n’offrent que quelques rares
traits généraux relatifs à l’espérance messianique. En
ie anche, la doctrine de la Sagesse » et de la t Parole
de Dieu y préparent déjà la théologie néotestamentaire du Verbe, en entrant plus avant dans les réalités divines. Les prophéties messianiques préparent la
venue de l’envoyé de Dieu, mais laissent plus ou moins dans l’ombre sa divinité ; les livres.sapientiaux. au contraire, nous font entrevoir, dans un demi jour
mystérieux, le Verbe de Dieu qui doit se faire homme
cl devenir le Messie.
La I lléologle de la Sagesse et de la Parole, l’étude des relations entre la Sagesse, la Parole, le Fils de Dieu, le
Messie et l’ange de Jahvé, oui élé exposées à l’ail.
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H SI S-CHRIST. LA THEOLOG II..Il l I£
1 1 26
l’as de Dieu, col. 2367-2372. Il suffira de s’y reporter : nous devons nous contenter ici d’en résumer brièvement les conclusions générales.
1° Les descriptions de la Sagesse (Urine, avec des allures de personnification purement métaphorique, se rencontrent dans Job, . 7-8 ; xxviii, 12-28 et dans Baruch, iii, 9 iv, 9. Cf. Prov., iii, 13-22 ; Eccli., i, 1-27 : xv, 1-10 ; mit. 21 sq. : Sap., vi. 12-vn, 21 : viii-ix. Mais au cœur de ces trois derniers livres, nous avons trois discours qui nous élèvent jusqu’à la conception d’une réalite divine, d’allure personnelle. Dans les Prov.. vin. 1-36, la Sagesse nous apparaît comme la pensée même de Dieu, distincte à la fois et identique ; lire surtout les versets 22-31, relatifs à son origine divine. Au v. 22 le mot ïy.-’.oz des Septante a pu faire supposer à nombre « le Pères et d’interprètes qu’il s agissait ici dune Sagesse divine crtiE, c*est à dire du Verbe incarné. Mais cette traduction doit être abandonnée ou tout au moins entendue dans le sens plus vague et plus général de « former », « engendrer ►. Voir Incarnation, t. vii. col. 1 18 1. La même doctrine, avec plus d’insistance sur le rôle joué par la Sagesse dans le monde physique et religieux, se retrouve dans l’Ecclésiastique, xxiv. 1-27. Dans ce chapitre la Sagesse nous apparaît également comme une réalité d’apparence personnelle, créée, c’est-à-dire engendrée par Dieu de toute éternité. Mais c’est surtout dans le livre de la Sagesse de Salomon, vii, 21-29. que la personnification de la Sagesse nous apparaît en réalité comme une hypostase. La Sagesse, en effet, y est décrite comme < le souille de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Dieu tout-puissant ; … le resplendissement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu, et l’image de sa bonté. » L’épître aux Hébreux, pour décrire l’origine éternelle du Fils de Dieu, ne trouvera rien de mieux que de citer Sap., vii, 26, eum sit splendor gloriie et figura substantix ejus. Dans ces passages, la Sagesse sans doute se distingue de Dieu ; mais elle n’a peut-être pas encore tout le relief d’une personnalité vivante. Cependant c’est là que nous trouvons le pressentiment le plus net du dogme chrétien du Verbe, et l’interprétation authentique de l’auteur de l’épître aux Hébreux y fera apparaître en pleine lumière la théologie du Verbe que l’on n’y peut distinguer qu’obscurément.
2° La doctrine de la Parole divine est moins nettement accusée que celle de la Sagesse. Souvent la parole divine n’est qu’une métaphore pour exprimer l’efficacité de la volonté divine relativement aux effets de la création. Gen., i, 3 ; Ps., xxxii, 6-9 ; cxlviii, 8 ; Os., vi, 5 ; Ez.. xxxvii, 4 ; Eccli., xlii, 15 ; xliii, 26 ; lxviii, 3 ; Sap., ix, 1. Souvent aussi la parole divine est représentée (toujours métaphoriquement) comme le messager des ordres divins. Is., ix, 7 : Ps., evi, 20 ; cxlvii, 15, 18 ; Zach., v, 1-4, et surtout Is., i-v, "11 : Sap., xviii, 15-16. Mais c’est surtout dans Sap., ix, 1 ; xviii, 14, que s’accuse la personnification de la Parole, en regard de la Sagesse elle-même à laquelle la Parole est intimement reliée. « On ne peut nier ici un enchaînement remarquable de textes : Prov., viii, en parlant des origines de la Sagesse, se référait a la parole créatrice de la Genèse ; à sa suite, de plus en plus clairement, l’Ecclésiastique et In Sagesse, développent cette orientation que reprendra saint Jean exposant sa théorie du Logos, les yeux fixés lui aussi sur la première page de la Genèse. 1-n.s de Dieu, col. 2371.
3° Ni la Sagesse, ni la parole n’ont étédans l’Ancien Testament rapprochées du Messie : et leur théologie n’a pas enrichi le messianisme. D’après les textes pris dans leur sens formel, nous suivons i deux voies cl au terme de chacune d’elles se trouve un Fils de Dieu
unique par le rang, le Messie et le Logos ; mais l’Ancien I. stament ne nous a pas fourni le point de jonction. » C’est l’apparition de Jésus-Christ qui fera la lumière et nous conduira à cet aboutissant où courent toutes les oies de l’alliance préparatoire. Id., col. 2372.
111. Jésus-Christ et n théologie juive. —
les livres de l’Ancien Testament ont pour le théologien
de Jésus-Christ une importance de premier ordre :
nous y axons trouvé, en effet, déjà esquissé le portrait
du futur.Messie et déjà préparée la notion du Verbe
de Dieu. Si nous n’y rencontrions pas encore le dogme
de l’incarnation, du moins nous y découvrions, comme
dans leurs sources, bien des traits de la figure du
Christ, bien des doctrines que l’incarnation mettra en
pleine lumière. Les livres postérieurs de la théologie
juive, palestinienne et alcxandrine, de l’époque immédiatement
antérieure à notre ère ou contemporaine de
ses débuts, ne peuvent être étudiés comme des sources
de notre foi. On ne doit cependant pas les passer sous
silence, car, d’une part, ils nous permettent de mieux
saisir la vraie direction de la tradition juive, qui prend
sa source dans la révélation mais s’en détourne sur
plus d’un point ; d’autre part, ils nous font connaître
les idées courantes du milieu dans lequel est apparu
Jésus-Christ. L’étude de la théologie juive, dans ses
affirmations relatives au Messie et au Verbe, doit
nécessairement faire mieux saisir le caractère transcendant
de la révélation chrétienne et la réalité même
du mystère du Verbe incarné. Toutefois, il ne faut se
servir de ces documents qu’avec une extrême circonspection,
à cause des interpolations d’origine chrétienne
qui, en un grand nombre d’entre eux, ont pu
y être introduites à des dates diverses. Nous aurons
même recours à certains documents, de date très
postérieure à l’apparition de Jésus sur la terre (par
exemple les targums), mais dont la doctrine reproduit
bien la tradition juive contemporaine du Christ. D’ailleurs
nous devrons nous en » tinir aux traits les plus
caractéristiques, et relevés dans les textes d’une
authenticité reconnue, les questions relatives à la théologie
juive au temps de Jésus-Christ devant faire
l’objet d’un article spécial dans le supplément du
Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux.
I. le messie.
1° Le précurseur.
Au temps de
Jésus, l’avènement d’Élie, comme précurseur du Messie, était accepté par tous les esprits. Jésus dut expliquer que Jean Baptiste avait rempli le rôle d’Élie. Matth., xi, 14 ; xvii, 11-12. Ce rôle d’Élie précurseur avait été annoncé et décrit par Malachie ; voir col. 1123. Dans l’Ecclésiastique, xlviii, 10-11, inspiré de Malachie et d’Isaïe, xlix, 6, Élie devait avoir, le rôle non seulement de précurseur, mais encore de restaurateur d’Israël, qu’Isaïe attribue au serviteur de Jahvé, non moins qu’une fonction dans la résurrection future des corps. De ces textes, le rabbinisme déduit les trois rôles attribués à Élie, précurseur du Messie. — 1. Rôle de restaurateur d’Israël. Éliminer d’Israël ceux qui n’avaient lias droit au salut ; réintégrer dans leur droit les familles exclues à tort ; faire la paix dans le monde, tel apparaît le rôle d’Élie chez les rabbins de Judée. M. J. Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 211. Mais précisément, cette paix qu’il s’agit île restaurer suppose le I rouille et le bouleverNcnient dans le monde : Guerres entre les diverses nations, désordres dans la société, trouble dans Us familles, perturbations dans la nature, tremblement s de terre, phénomènes ((’lestes, incendies et famines : telles sont, d’après la doctrine des rabbins, comme les douleurs de l’enfantement » qui précéderont la révélation messianique, i Lepin, op. cit., p. 2 1. on réservait à Élie de donner la solution
a certains cas douteux et de résoudre les questions niantes par la disparition de l’esprit prophétique en Israël. On trouve un exemple « le cet état 112 : JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE JUIVE 1128 d’esprit dans I Mach., iv, 46. — 2. Roi, - de précurseur du Messie. Le Messie devait être oint par Élie, chargé de le révéler au monde. Telle est la tradition juive dont Tryphon, s. Justin, Dialog., c. xi.ix. P. (L. t. vi, col. 581 sq., nous atteste encore l’existence au m siècle. Ce thème était fécond en développement : nous en rencontrerons plus loin quelques-uns. 3. Rôle par rapport ù la résurrection des morts. Dans certains textes de la Michna, on lit menuque la résurrection aura lieu par le ministère d’Élie, Michna, Solo. ix. 15 ; cf. Lagrange, op. cit., p. 182, 212. Mais il n’est plus alors question de messianisme. 2° Les noms tlu Messie.
Messie, oint. yziazôç,
s’entend, dans l’Ancien Testament, du prêtre, Lev., IV, : i. 5, et surtout du roi. 1° « oint de Jahvé ». Il est appliqué à Sud. 1 Reg., xii. 3, 5 ; xxiv, 7. Il : xxvi, 9, 11. lli.’2. ! ; II Reg., i. 11. 16 ; XIX, 21 : a David, II Reg., xxiii. 1. Mais toute personne, choisie par Dieu pour être l’instrument de ses œuvres, était aussi dite l’oint de Jahvé : Cyrus, Is.. xi.v, 1 ; les patriarches, IV-.. cv, l."> : I Par., xvi. 22 : et même, semble-t-il, le peuple entier d’Israël. Ilab.. iii, 13. I.e terme d’oint de Jahvé paraissait doue admirablement choisi pour désigner le libérateur futur, celui qui devait, par la vertu de Jahvé, sauver son peuple, et, de fait, il se trouve au moins dans deux passages parfaitement clairs. Ps., n. 2 : I Reg., ii, 10. Cf. Dhorme, Le cantique d’Anne, Revue biblique, 1907, p. 3<st ; -3<17. C’est de là que l’expression a passé aux écrits de l’école pharisalque, Hénoch, xi.vm, 1<> : iii, 1 : Psaumes île Salomon, xvin, 6 ; cf. xvii, 36 ; xviii, S et Apocalypse île Baruch, xxxix. 7 : xi., 1 : i. xxii. 2 : cl. xxix, 3 ; xxx. 1 ; xl, 9 ; cf. Berachoth, i, "> : Sota, ix, 15. Depuis Daniel surtout. ix, 25-2(1. pour désigner le Sauveur attendu, on emploiera le nom de Messie. Targ. Is.. iv, 2 : x.xviu. 5 ; Targ. ilab., m. IS : Targ. Zach., IV, 7 : x. 1. etc., avec une tendance à relever le caractère royal du Messie, qui devint ainsi, non plus I’i oint de Jahvé ►, mais 1’i oint d’Israël ». Targ. Is., xvi. 5 : Mich.. IV, N. et apparaît de plus en plus comme un sauveur puissant qui viendra restaurer le trône de David et rebâtir Jérusalem. Voir plus loin. I.e Messie est aussi r « oint de la justice, Targ..1er., xxiii, ."> : xxxiii. 15 ; Pesiqta rabbuthi, ICI/), H12 a. 162 b. 163 a. ICI a ; Dalman, Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 239-241. Parce que le Messie devait appartenir à la maison de David, il était aussi nommé fort communément Fils de David ». Les exemples sont trop nombreux pour être cités ; cf. Ps. Salom., xvii, 5, 23 ; Targ. Is.. xi, 1 :.1er., xxiii, 5 ; xxxiii. 1’< ; Shemonéh Esréh, 1.">" Berakdh. Les noms donnés par [saie au Messie futur, voir col. 1 1 iii, n’eurent pas beaucoup d’écho dans la tradition juive : après l’ère chrétienne, ou évita même de citer ce passage, a cause des chrétiens qui reconnaissaient dans l’Emmanuel le Fils de la ViergeA plus forte raison éVita-t-OH d’employer le terme l Fils de Dieu -.suggéré cependant par Ps., n. 7. terme qu’on trouve cependant dans IV Esd., vu. 28, 29 ; xiii. 32, 37. 52 cl peut-être dans Orac. sibyll, iii, 77"). mais que les chrétiens entendaient au sens propre. . Suture du Messie ; sa préexistence. Pour les pharisiens, le Messie est un roi, un descendant de David, l’s. Salom., xvii, 5, 2.’! : Shemonéh Esréh, passim, distingué par « les dons extraordinaires « le Dieu : mais ce n’est ni Dieu, ni un ange : c’est un homme. En ei lu de celle tradition ferme, le judaïsme devait refuser de reconnaître la divinité de Jésus ; (j c’est parce qu’ils refusèrent de reconnaître la divinile de JéSUS, qui lis Juifs mecniiniir eut, pour la plupart, sa messianité. Nous attendons ions que le Chnst sera un homme, descendu des hommes. dit le juif Tryphon. Justin, Dialog., e. xi ix. P. (i.. t. vi. 581. Cf. v Hippoiyte, Philosophumena, ix, 30, P. G., t. xvi, col. 3416 ; Origène, Contra Celsum, I. I, 49 ; 1. IV. 2. P. r ;., t. xi, col. 7 :, : ;. 1029. Le judaïsme admettait également une certaine préexistence du Messie. La préexistence réelle, suggérée par Michée. v. 2. cf. Dan., vii, 13. IL est tournée par le targum en préexistence purement nominale. On trouve la même déformation dans le targum de Zacharie, iv. 7. ci du l’s. i.xxii. 17. La préexistence du Messie ne supposerait ainsi qu’une prévoyance spéciale de Dieu par rapport â lui. Il faut donc, au point de vue de la tradition juive, n’accepter que sous réserve les affirmations de préexistence personnelle qu’on croit trouver dans Hénoch, xlviii, 3 ; xi.vi, 1.2 : î.xii, 7 : i.xviu, (i ; IV Esd., xii, 32 ; xiii, 24, 52 : xiv, 9, d’autant plus que la préexistence idéale est attribuée à tous les objets des grands desseins de Dieu, la Loi, Moïse, les patriarches, la Jérusalem messianique, etc. Voir Fils de Dieu, t. vi. col. 2377. Voir, sur le même sujet, avec une nuance d’interprétation en sens opposé. Lepin. Jésus. Messie et Fils de Dieu. Paris. 1910, p. 39-41. Toutefois, à l’époque où parut NotreSeigneur, l’attente du royaume messianique était telle qu’on se demandait si le Christ n’était pas déjà né. On réservait la possibilité de son existence, existence postérieure à sa naissance, mais préexisti par rapport à sa manifestation. Nous négligeons délibérément toutes les modalités qui entourent ce concept de préexistence, et quon trouvera exposées dans Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, p. 222-22 1. Ce qu’on en a dit est suffisant pour faire comprendre le milieu dans lequel est paru le Sauveur. 1° Le l’ils de l’homme.
L’expression « Fils de
l’homme i esi une de celles qu’il faut étudier plus particulièrement pour bien comprendre l’emploi qu’en a pu faire, pour son propre compte, Jésus-Christ. La prophétie de Daniel, voir col. 1123. a eu une influence évidente, sur le livre des paraboles d’Hénoch, lien.. xxxvii-i.xxi. Dans Hénoch comme dansDaniel, le Messie paraît l comme un lils d’homme. Hénoch est plus expressif encore que Daniel. Le Messie y joue au complet le rôle que lui attribue toute la tradition juive : mais sa personne dépasse Imites les grandeurs d’ici-bas : il est supérieur aux anges : il est appelé le Fils de l’Homme » : il préexiste à la création du monde : il habile avec les justes glorifiés, près de Dieu, sous ses ailes. Les traits de ce personnage mystérieux sont encore mal assurés ; ce n’est proprement ni un homme, ni un Dieu. Même au cas où dans les Paraboles d’Hénoch, très vraisemblablement antérieures, dans leur substance, â l’ère chrétienne de trois quarts de siècles, l’expression i Fils de l’homme > serait une interpolation postérieure, voir Lagrange. Le messianisme (lie : les.lui/s, p. 89-98, il n’en reste pas moins vrai que cette expression était dans l’esprit des Juifs, sinon messianique, tout au moins susceptible d’un sens messianique, et d’un sens messianique d’autant plus vrai qu’à côté des hautes prérogatives de l’envoyé de Dieu, le nom de i Fils de l’homme » mettait en relief les caractères de faiblesse apparente, de condescendante paternité, de souffrance rédemptrice et. pour tout dire, d’humanité, qui devaient marquer la carrière du Maître, i De (iraiidniaison, dans Dictionnaire apologétique, art. Jésus-Christ, t. ii, col. 13 11. Ce nom, Jésus pouvait donc se l’approprier convenablement : d’une pari, à cause de sa signification Indéterminée, il évitait l’éveil brusque de l’enthousiasme aveugle d’un peuple rêvant l’avènement d’un messianisme grossier, ou encore il éloignait les susceptibilités de l’occupant étranger qui n’eût point compris le caractère « lu roi messianique, se révélant comme tel ; d’autre part, cependant, ce nom était suiiisani pour ni ienter les esprits bien disposes vers la vérité. Manifestation du Messie, Le Christ, quand il 1129 i I SUS-CH li [ST. LA THKOl.tx ; II’, .il IVK L130 viendra, personne ne saura d’où il est. Joa., vii, ’27. — Toutefois le précurseur et les bouleversements qui l’annoncent seront le prélude de sa manifestation. Cette manifestation s’opère surtout dans le jugement qui doit préludera la restauration du royaume d’Israël et préfigurer le jugement universel et dernier.de la fin des temps. L’idée de ce jugement messianique, si souvent rappelée dans les prophéties de l’Ancien Testament, était, dans la tradition juive au temps de Jésus-Christ, imprécise et matérielle. Le Messie devait, pour les uns, marcher les armes à la main contre les nations païennes, ennemies de Dieu et du peuple d’Israël. Orac. Sibyl.. iii, 663 sq. ; IV Ksd.. xiii. 33 sq. ; Hen., xc, 1 1>. Philon le représente i entrant en campagne, taisant la guerre et soumettant des nations nombreuses et puissantes, i De prsemiis et punis, § 16, Philonis Judsei opéra, édit. Mangey, Londres, 17 12. t. il. p. 122. Cf. les targums de pseudo-Jonathan et de Jérusalem. Gen., i tx. Il ; de Jonathan, Is.. x. 27 : Hen., xlvi. 4-6 ; i.u. 1-9 ; Apoet Bar., lxxii, G. Dans le livre d’Hénoch, les rois et les puissants de la terre seront jugés par le Messie. Fils de l’homme, venu sur les nuées, cf. IV Ksd.. xiii. li. et assis à côté du Seigneur des Esprits, sur son trône de gloire ; ils tomberont à genoux et solliciteront sa miséricorde, mais ils seront repoussés de sa face et livrés aux anges vengeurs, xlv. 3 ; lv, 4 ; lxi, 8, 9 ; lxii : lxix, 27. Dans les Psaumes de Salomon, xvii, 27, 37, 39, 41, 48 c’est par une sentence de sa bouche que le Messie doit abattre ses ennemis. Voir également Apoc. Bar., xl, 1, 2 ; IV Ksd.. xiii. 10, 27-28 ; 37-38. Le rôle du Messie-juge est également mis en relief dans le Livre des Jubilés et le Testament des douze Patriarches. Mais le Messie n’est pas seulement conçu par la tradition juive comme un roi conquérant ; c’est encore un prophète, un thaumaturge, un docteur et guide des peuples dans les voies de Dieu. Prophète, il devait posséder la connaissance des choses secrètes, présentes, passées ou à venir ; cf. Luc, vu. 39 : Joa., iv, 19. Le Messie est le Prophète annoncé, Joa.. vi. 14 ; voir col. 1116. C’est à la suite de révélations concernant des choses secrètes ou ignorées, que Xathanaél reconnaît Jésus comme le i Fils de Dieu i, le Roi d’Israël », Joa., i, 48 ; que la Samaritaine le proclame « Christ », Joa., iv, 25 ; c’est pour avoir une preuve de sa messianité que les soldats le frappent au prétoire, alors qu’il a les yeux bandés et lui demandent : Christ, qui t’a frappé. iMatth., xxvi, 67 ; Luc, xxii. 6 I. Thaumaturge, il devait accomplir des prodiges. Joa., vii, 31. En preuve de sa messianité, les Juifs ne demanderont-ils pas à Jésus « un signe dans le ciel. Marc. viii. 1 1 : cf. Marc. xv. 32 ; Matth., xxvii, 39 : Luc. xxiii, 35. Enfin, le Messie est un docteur et un guide des peuples dans les voies du Seigneur. Les psaumes de Salomon, xvii et xvin sont intéressants à cet égard ; car ils nous tracent un portrait saisissant du roi et du royaume messianique. Cf. Lagrange, op. cit., p. 230233. Le Messie est un roi - pur de tout péché, i - roi juste, instruit de Dieu, à qui le Seigneur a donné « la force de l’Esprit saint, la sagesse et la prudence, avec la justice ; » il doit « rassembler un peuple saint, >. au milieu duquel i il ne laissera pas habiter l’iniqu il détruira les pécheurs par la puissance de sa parole : le peuple saint qu’il se sera assemblé, « il le conduira selon la justice » et « dans la sainteté ; » il gouvernera Israël dans la crainte de Dieu, dans la c de l’Esprit, de la droiture et de la forée ; il dirigera les hommes i dans les voies de la justice, leur inspirant a tous la crainte de Dieu. » Et cette mission de justice et de sainteté sera universelle : » Il jugera les nations et les peuples dans la sagesse de son équité. Il aura sous son joug les peuples des nations pour le servir : et il glorifiera le Seigneur sur toute la surface de la terre, i l.epin, op. cit.. p. 21. C’est à celle mission doctrinale du Messie que l’ail allusion la Samaritaine, Joa., IV, 25, et la pensée de cette mission lait prendre a la l’ouïe, pour le Messie promis, Jean-Baptiste prêchant le baptême de pénitence dans le désert, i, I : cf. Luc, iii, l.">. Sur l’appellation < Fils de Dieu » donnée au Messie dans la théologie juive palestinienne, voir Fils de Dieu, t. vi. col. 2377. 6° Le royaume messianique.
Le roi-messie inaugurera le royaume de Dieu, le royaume des cieux. Sur
l’équivalence de ces deux termes, voir G. Dalman, Die Worie Jesu, Leipzig. 1898, p. 75 sq. Le royaume de Dieu est une notion traditionnelle ; voir col. 1113. Il convient ici de préciser cette notion en fonction de la théologie et de la tradition juive au temps de N’otreSeigneur. Cette précision permet, en effet, de mieux saisir les raisons de la prudence et de la réserve de Jésus-Christ dans sa prédication messianique. Sans doute, le règne intérieur et spirituel n’est pas complètement mis de côté : ce messianisme spirituel apparaît à plusieurs reprises dans le Ps. xvii du Psautier salomonien, et dans le Livre d’Hénoch. Mais ce messianisme spirituel est très national et terrestre : le règne de justice et île sainteté doit se réaliser, sur terre, au sein d’Israël ; et l’universalité du royaume messianique, ne sera, en définitive, que la domination d’Israël sur tous les peuples. Le centre devait en rester Jérusalem ; son territoire partirait de la Palestine : mais de Jérusalem et de la Terre Sainte, l’empire messianique devait rayonner par toute la terre. Les nations devaient être soumises à Israël et au roimessie, ou plus exactement à Jahvé dont le roimessie ne sera que l’instrument. Orac. sibyl., iii, 49 ; Psaumes de Salom., xvii, 32-35 ; Hen., xc, 30, 37 ; xlviii, 5 ; cf. F. Martin, Le livre d’Hénoch, Paris, 1906, introd., p. xxxviii ; lui, 1 ; Apoc. Bar., lxxii, 5 ; Targum Zach., iv, 7, etc. Sur cette donnée fondamentale, la seule qu’il nous soit utile ici de connaître, se greffaient bien des notions particulières touchant la Jérusalem nouvelle. Le règne messianique inaugurera une ère de paix, de justice et d’amour. Orac. sibyl., iii, 371-380 ; 751-760 ; Philon, De prsemiis et pœnis, § 16, p. 422 ; Apoc. Bar., lxxiii, 4-5 ; les bêtes féroces apprivoisées seront au service de l’homme. Orac. sibyll., iii, 620-623 ; 743-750 ; Apoc. Bar., xix, 5-8 ; ce sera partout la fertilité, l’abondance, la richesse, la santé, la force, l’absence de fatigue. Philon, De prsemiis et pœnis, § 17-18, 20, p. 425, 428 ; Apoc. Bar., lxxiii, 2-7 ; i.xxiv, 1. Par delà le royaume messianique inauguré ici-bas par le triomphe d’Israël sur toutes les nations, les prophètes de l’Ancien Testament, Dan., xii, 2-3 ; cf. Sap., ni, 5-9, avaient entrevu un royaume éternel inauguré par la résurrection et le jugement final. La théologie juive n’abandonne pas cet aspect de l’eschatologie messianique. La vie future lui apparaît comme une vie spirituelle dans la jouissance et l’intimité de Dieu, Apoc Bar., i.i, 3, 7-11 : IV Esd., vi, 1-3, 08-72 ; Assumptio Moi/sis, , 9, 10. Le royaume des cieux, destination dernière et lieu définitif du royaume inauguré sur la terre, c’est I’ « Éden », Testament des douze Patriarches, Test. Dan, "> ; c’est le paradis. Test. Levi, IS ; cf. Luc. wili. 13 ; Il Cor., xii, l : Apoc, ii, 7. Mais de toute manière, indépendamment même de cette conception plus élevée et plus spirituelle de l’Kilen. du paradis nll i a-terresl re, le royaume « les cieux. c’est à-dire le royaume mes Sianique, devait être un royaume éternel. Dan., vil, 27 ; cf. Orac. sibyl., a, 76 ; m. 19-50 ; Ps. Sal., xvii, 4 ; Hen., Lxii, 1 l. Kl c’est en ce sens que les Juifs répon daient a Jésus : Nous, nous avons appris de la 1131 JÉSl S-CHRIST ET LES D0C1 MENTS DE L’AGE APOSTOLIQ1 I 1132 loi que le Christ demeure éternellement, i Joa., xii, 34 ; cf. Targ. Jonath., 1s., ix, 6. Pour la bibliographie générale, se reporter à Fils de Debu, coi. 2 : i ? : i. II. LE VERBE OU 10008. — Nous avons fait observer plus haut, col. 1125, que ni la « Sagesse », ni la « Parole n’ont été. dans L’Ancien Testament, rapprochée* du Messie. Leur théologie marque une voie parallèle à la voie du messianisme, mais sans point de jonction. Cette assertion est peut-être plus vraie encore de la théologie du Verbe ou Logos dans le judaïsme alexandrin. Kl pourtant, à cause de l’influence qu’a pu exercer la philosophie alexandrine sur la rédaction de certains écrits du Nouveau Testament, et très particulière meut sur les concepts de Fils (Col., ileb., ) ou de Verbe (Joa.), il est indispensable, avant d’aborder l’étude de Jésus-Christ dans le Nouveau Testament, de connaître la pensée des Juifs alexandrins et notamment de l’hilon. L’étude a été faite à lus de Dieu, t. v, eol. 2373-2386. Nous ne devons ici qn’en résumer les conclusions. > Le logos philonien (le seul qui intéresse directement la théologie de Jésus-Christ), est conçu comme un intermédiaire entre la divinité transcendante et le monde, et plus particulièrement l’homme. Il est la première des puissances intermédiaires entre Dieu et le monde ; il est le premier des anges, que Philon identifie avec « l’ange du Seigneur » dont parle l’Ancien Testament. A la manière platonicienne, le Logos, par rapport au monde, est une idée ou plus exactement l’idée exemplaire du monde, la synthèse, l’ensemble et aussi la source de toutes les idées particulières, modèles des différents êtres. A la manière stoïcienne. le Logos, comme les puissances, n’est pas seulement une idée, mais il devient une force, une loi puissante qui régit le monde, non abstraitement, mais physiquement, donc le lien qui en enchaîne les éléments et la force, l’énergie qui, tout entière en chaque partie, remplit tout, pour être la cause de tout ce qui se produit de bien dans le monde et dans l’homme. Tel est son rôle, cosmologique et physique. Au point de vue religieux, le Logos devient révélateur, et intermédiaire de culte, d’ascension vers Dieu. C’est pal’lui que les sages rendent leur culte à Dieu et, personnifié, il devient le grand prêtre, le suppliant du monde, ixé-ur t ç, . Toutefois ce rôle religieux ne doit fias être exagérée. « De tous les passages où le terme bLè’zr l ç, est appliqué au Logos, on n’en trouve qu’un où soit exprimé une idée de médiation ; encore s’agit-il d’un être intermédiaire, remplissant une fonction cosmologique cuire Dieu et le monde, el non d’un médiateur, réconciliant Dieu et les hommes. » I.cbrclon. Les origines du doyme de lu Trinité, Paris, 1919, p. 578-57’J. I.e point le plus délicat a élucider dans la théologie de Philon est de savoir si le Logos est un intermédiaire réel ou une abstraction personnifiée ? Les auteurs sont en désaccord sur la réponse a faire à cette question. Le P. Lagrange tendrait plutôt a admettre le caractère réel de l’intermédiaire, a cause de son identification avec l’Ange de Jahvé. Revue biblique, 1910, p. 590 ; le I’. Lebreton, penche visiblement pour L’abstraction personnifiée, "P. « 7., p. 229-235 ; M. Tixeront reconnaît que la pensée <UPhilon est volontairement imprécise, et qu’on se tromperai ! en disant que le LogOS est une personne concrète, mais qu’on exagérerait en disant qu’il est une pure abstraction. Quoi qu’il en soit, la concep lion philonienne du Logos, ne saurait être assimilée a ta conception chrétienne du Verbe Incarné, dont la personnalité vivante unit réellement dans le même sujet les dru infiniment distants, Dieu et l’homme. Aussi bien, seule l’œuvre divine de l’incarnation pouvait-elle olïrir à l’intelligence humaine une solution nette et précise. La pensée chrétienne comme celle de Philon se propose un but identique : l’union à Dieu. Philon prétend y parvenir par le Logos, et pour cela, il le conçoit intermédiaire entre Dieu et l’homme, et il l’imagine si grand que le Logos puisse remplir la distance infinie qui sépare ces deux termes et les faire toucher l’un à l’autre, comme dit Philon lui-même, « par leurs extrémités ►. Mais ce n’est là qu’une imagination : si la distance est infinie, quel intermédiaire pourra la combler ? S’il est Dieu, il nous est inaccessible ; s’il est créature, Dieu demeure hors de son atteinte. Philon ne peut résoudre la difficulté : il l’esquive en disant que le Logos n’est « ni incréé, connue Dieu, ni créé comme nous ». Qu’est-il donc ? La révélation chrétienne nous apporte la réponse : elle va rassembler sur un seul et même être toutes les données éparses dans l’Ancien Testament et dans la théologie juive. L’intermédiaire entre Dieu et l’homme pour toucher à ces deux termes par leurs extrémités, sera Dieu et homme. Le Christ Jésus nous apparaîtra, réunissant dans l’unité de sa personne, la divinité et l’humanité. Au lieu d’un Logos qui ne peut se définir que par des abstractions et qui n’a aucun point de contact avec le’Messie promis par Dieu a Israël, Jésus-Christ, Verbe incarné. Fils éternel du Père, parlera dans l’Évangile comme Dieu et comme homme. Il manifestera, dans son unique personne, la vie du Verbe et la vie du Messie, réalisant ainsi en lui-même concrètement les deux notions que la révélation de l’Ancien Testament avait fait connaître aux hommes, sans néanmoins leur en dévoiler encore la mystérieuse affinité.
II. JÉSUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE apostolique. —
I. Considérations préliminaires.
II..Manifestation humaine de.lesusChrist (col. 1140).
III. Manifestation messianique
et divine de Jésus-Christ (col. 1172).
I. Considérations préliminaihl.s. — 1° Les sources. — C’est à dessein que nous —, oulons restreindre, dans cette étude théologique, nos sources aux écrits inspirés du Nouveau Testament. Outre que le caractère même de l’étude nous y invite, le peu d’utilité des autres sources nous dispenserait d’y recourir. 1. Sans doute, les documents d’origine non chrétienne, les témoignages de Josèphe, Ant. jud., XVIII, m, 3 ; XX. ix, 1 (le second seul est certainement authentique) ; de Pline le jeune, Epist., t. X, xcvn ; de Tacite, Annal., xv, 44 ; de Suétone. Vita Claudii, xxv ; les traits satiriques de l’épicurien Lucien à l’adresse du « sophiste crucifié i, dans son ouvrage, La mort de Pérégrin ; le pamphlet de Celsc, dont Origène nous a conservé de nombreux extraits, ont une valeur incontestable pour attester ou confirmer le fait de l’existence de Jésus-Christ ; mais ils ne nous apportent aucun fait nouveau digne de retenir notre attention. Voir ces textes dans Kireh, Enehiridion fontium historiée ecclesiastica antiques, n. 5-7 ; 22-24 ; 28 ; 31 : 33-34. Sur l’ensemble de ces lestes, Kurt Llnck, De anliquisstmis veterum quæ ml Jesum Nazarenum spectant testtmontis, dans Religtonsgeschichtliche Versuche mut Vorarbetten, (iiessen, in : ;, t. i. rase. 1. Sur les témoignages de Josèphe : Bohle, Flavius Josephus ûber Christus und <lic Cliristen, Brlxen, 1896 ; et spécialement sur l’authenticité du preti i ici. M. I’.ni kitt, JoSepltUS and Christ, mémoire publie dans les Actes du l F’congrès international <f Histoire des rehgions tenu à Leide fTheologisch Tljdschrlft, 1913), p. Fiant ; a. Eiarnack, ihr jiidtsche Geschichlschretber Josephus und Jésus christus, dans Internationale Monatschrifi fiir wissenscha/t. Kunsi und Teknik, 1913, t. vii. p. 1037 sq. ; el F. liâmes, The contemporaru Revtew, janvier mil, contre l’authenticité, Mur Battffol, i-e silence (hJosèphe ; dans Orpheus ei V Évangile, Paris, 1910, p. 1-24. fÉSUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE APOSTOLIQUE Il M Le Talmud, surtout dans la Ghemara, tait également mention de Jésus. Mais, autour de traits historiques empruntés à nos évangiles, il groupe tant de fables odieuses, empreintes de la haine du nom chrétien, qu’on ne peut le considérer comme une source à laquelle le théologien puisse recourir. Tout au plus peut-il nous aider à mieux connaître le milieu dans lequel a vécu le Sauveur. 2. Plus intéressants seraient les documents d’origine chrétienne, mais non canoniques. On peut les rattacher à trois groupes. — a) Les Agrapha, (ïypaça, non écrits, non recueillis par les évangélistes, consistent en un certain nombre de paroles attribuées à Jésus, mais qui n’ont trouvé plæe dans aucun des évangiles inspires. Il est bien difficile de préciser quelles paroles pourraient être considérées raisonnablement comme authentiques. Voir Ae, hacha, t. t, col. 626-027. A la bibliographie, col, 627, ajoutez, en ce qui concerne la liste des principaux Dicta, Preuschen, Antilegomena, die Reste dcr ausserkanonischen Eoangelien und ur christtichen L’cberliejerungen, 2e édit.. Giesscn, 1905, p. 21-31 ; en ce qui concerne les nouveaux Agraphu découverts sur des papyrus égyptiens, O.Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, 2e édit., 1902 t. i. p. 389-391 ; Grenfell et Hunt, A6yux’lt)aoï>, Sai/ings o( Our Lord from an early Greek Papyrus, Londr.s. 1907 ; Th. Zalin, Die jiingsl gefundenen Ausprùche Jcsu. dans Theologisches Lilleralurblalt, 1897, p. 417-420, 425-431 ; A. Harnack, Ueber die jûngst entdeckten Sprilche Jesu, 1897 ; P. Batilïol, Les Logia du papyrus de Behnesa, dans Revue biblique, 1897, p. 501-515 ; et Nouveaux Fragments éuangéliques de Behnesa, ibid.. 1904, p. 481-490 ; Ch. Taylor, The Oxyrrhyncus Logia and the apocryphal Gospels, Oxford. 1899 : V. Bauer, Das Lcben Jesu im Zcitaller der neutestament. Apocryphen, Tubingue, 1909, p. 377415 ; Evelyn White, The Sayings of Jésus from Oxyrrhyncus. Cambridge, 1920. — b) Les plus anciens Pères .nous apportent, grâce à la tradition relativement courte qui les relie à Jésus, différents détails qui, s’ils n’enrichissent que faiblement notre documentation méritent cependant d’être accueillis avec reconnaissance. S. Justin, Dial. cam Tryphone, c. xliii, xlv, c, P. G., t. vi, col. 568, 572, 71 >9 ; S. Irénée, Cont. huer., I. III, c. x.xi, n. 3. P. G., t. vii, col. 950, affirment que la sainte Vierge appartenait à la race de David. Jules l’Africain décrit l’arbre généalogique de la sainte Famille et mentionne ses différentes résidences. Eusèbe, II. E., 1. I. c. vii, P. G., t. xx, col. 89. Hégésippe emmure les plus proches parents de NotrcSeigneur. /<L, ibid., t. II, c. xxiii, n. 1-1 ; t. III, c. xx, n. 1-2, P. G., t. xx, col. 197 : 252. Clément d’Alexandrie signale les noms de plusieurs des soixante-douze disciples, Strom., t. II, c. xx, n. 116, P. G., t. viii, col. 1062 ; et les Homélies clémentines citent ceux de la Cananéenne et de sa fille, Justine et Bérénice, Nom clément., ii, n. 19 ; iii, n. 73, P. G., t. ii, col. 88 ; 157. D’après Eusèbe, H. E., t. I, c. xiii, P. G., t. xx, col. 120, l’hémorrhoïsse était de Panéas ou Césarée de Philippe, et avait élevé dans sa ville natale un monument commémoratif de sa guérison. Clément d’Alexandrie, Strom., t. VI, c v, P. G., t. ix, col. 264, nous fait connaître les dernières recommandations intimées par Jésus a ses disciples et l’ordre qu’il leur aurait donné de ne quitter Jérusalem que douze ans après son ascension. Papias enfin complète par quelques détails d’une extraordinaire invraisemblani que saint Matthieu et les actes des Apôtres nous apprennent de la mort de Judas. Voir F. X. Punk, Die aposlolischen Vûler, Tubingue, 1906, p. 129. c) Le> évangile » apocryphes, voir ce mot, t. v, col. 1’121-1610, se présentent à nous avec la prétention de compléter ce que les évangiles canoniques avaient laissé dans l’ombre, notamment la période de l’enfance du Christ, certaines circonstances de sa passion, sa descente aux enfers, sa résurrection. Les uns, composés avec des intentions honnêtes, se lancent dans des développements de pure fantaisie, où nous trouvons surtout des raisons de nous mettre en défiance et de nous lier exclusivement aux écrits canoniques. Les autres, rédigés dans le but nuisible de propager des doctrines subversives, gnosticisme ou docétisme, doivent délibérément être écartés, d’une façon générale tout au moins. Toutefois, dans les écrits de la première catégorie surtout, ou rencontre quelques grains d’or à travers beaucoup de boue, auriun in lato, dit saint Jérôme, Epist., cvii, ad Ltetam, n. 12, P. L., t. xxii, coi. S77. Mais ces grains d’or ne touchent qu’à des points très secondaires, et n’empêchent pas que les sources non canoniques de la vie de Notrc-Seigueur Jésus-Christ ne soient d’une très médiocre utilité. C’est pourquoi nos meilleurs, nos seuls auxiliaires véritables, sont les livres inspirés du Nouveau Testament, évangiles, actes des apôtres, épîtres et apocalypse. 3. Les écrits canoniques.
Toutes les questions préalables relatives à l’authenticité, l’intégrité, la crédibilité des évangiles, au caractère spirituel et cependant historique de l’évangile "de saint Jean, sont d’avance dogmatiquement tranchées par le théologien qui doit s’appuyer sur les livres saints, considérés comme inspirés. Néanmoins, très spécialement en ce qui concerne l’étude théologique de Jésus-Christ, ces questions préalables résolues indépendamment du dogme de l’inspiration évitent au théologien lui-même plus d’une difficulté et plus d’une contradiction de détail. Files seront d’ailleurs résolues au cours des articles consacrés à chacun des livres inspirés. Les évangiles ne sont pas les seuls écrits où le théologien doive aller puiser les traits du personnage divin de Jésus. Les épîtres de saint Paul, en particulier, lui sont d’une utilité incontestable. Saint Paul était le contemporain de Jésus, dans le sens strict du mot. Converti à la religion du Christ après la mort et l’ascension du Sauveur, il formule à l’endroit du Maître une doctrine d’autant plus précieuse qu’il l’a reçue directement de lui par voie de révélation intérieure, Gal., i, 12 ; cf. Eph., iii, 3, et que cette doctrine tout en continuant celle des évangiles et de L’Église naissante telle qu’elle se trouve dans les Actes des Apôtres ou les épîtres canoniques autres que celles de Jean, atteste cependant un véritable progrès dans la connaissance de la vie intime et divine du Verbe incarné. Nous venons de parler de « progrès. L’expression ne doit étonner ni scandaliser personne. La révélation n’a été close qu’avec le dernier des apôtres, et c’est dans l’évangile de saint Jean que nous trouverons le couronnement et le perfectionnement dernier de la révélation touchant le Christ. Nous admettons donc que les sources inspirées du Nouveau Testament se superposent les unes aux autres, les écrits de saint Paul nous faisant pénétrer plus avant dans la science surnaturelle de celui qui, « étant dans la forme de Dieu > ne s’est point attaché, comme n une proie jalousement défendue, a cette égalité île droits avec Dieu, i niais s’est dépouillé en prenant une forme d’esclave en devenant semblable aux hommes. (Phil., n. 5-7) : l’évangile de saint Jean nous elevan jusqu’à des hauteurs inconnues dans la vie même du Verbe de Dieu, de ce Verbe de la Vie éternelle, de cette vie éternelle qui est apparue sur la terre en la une de Jésus Christ. Cf. Joa., r, 1 i ; l Joa., i, 2-3. Mais ce Verbe s’humiliant jusqu’à notre humanité, ce Verbe de la vie, éternelle lumière di s hommes, n’est pas autre chez Paul et chez Jean que chez les synoptiques : c’est toujours le « Fils de l’homme annonçant 113£
JESUS-CHRIST ET LES DOCUMENTS DE L’AGE APOSTOLIQUE
1136
dans vi prédication, manifestant par ses miracles, la divinité qui l’anime. La vérité qui déjà s’affirme chez saint Matthieu, sali t.Mai cet saint Luc, se retrouve, plus approfondie sans doute et plus nettement proposée, mais substantiellement Identique, chez saint Paul et saint Jean. Les formules nouvelles de l’épttre aux Colossiens ou de l’épttre aux Hébreux et surtout du prologue de saint Jean ne cachent pas une nouvelle orientation doctrinale, niais dévoilent Simplement un aspect mieux entrevu de la même vérité éternelle.
Cette position a le mérite de tenir compte du sens véritable des textes inspirés et. par conséquent, du progrès que ce sens accuse dans la révélation ; mais, d’autre part, elle permet au théologien catholique de repousser la thèse moderniste des (’pointions successives de la pensée chrétienne, origine du dogme. Cf. Décret Lamentabili, prop. (i<>, Denzinger-Bannwart, Enchirid., n. 2060. Ainsi notre Christ, entrevu dans les lumières de la foi n’apparaît pas supérieur au Christ de l’histoire : c’est le même Christ, le Christ des synoptiques, s’étant déjà révélé aux hommes comme le Fils de Dieu. Malt h., xxvi. 63-64 ; Marc, xrv, 61-62. Mais cette position n’est possible qu’à la condition d’étudier Jésus-Christ dans les documents inspirés, suivant la loi même du progrès qui s’y affirme et de tenir compte de la place chronologique qu’occupent les textes dans la série des écrits du Nouveau Testament. Ce souci, qui s’impose au théologien consciencieux lorsqu’il s’agit de préciser les nuances doctrinales, qu’on remarque chez les synoptiques, chez saint Paul ou chez saint Jean, perd presque toute son utilité lorsqu’il s’agit de comparer les synoptiques entre eux. Ici, en effet, si parfois d’importantes nuances séparent les différents auteurs des évangiles, il est facile de démontrer qu’elles sont dues à des influences purement rédactionnelles, bien plutôt qu’à des divergences doctrinales.
L’ordre que nous entendons suivre dans l’étude des sources inspirées est celui-là même qui s’impose, sinon chronologiquement, du moins logiquement, et, pour ainsi dire, par la force même « les choses.
a t Bien que les synoptiques soient postérieurs en date à la plupart des épîtres de saint Paul, logiquement ils doivent se placer au point de départ de toute théologie de Jésus-Christ. Ils reproduisent, en effet, la substance même de l’enseignement du Maître, tel que cet enseignement est tombé des lèvres du Sauveur, tel que l’ont recueilli ses premiers disciples. Nous y retrouvons cet enseignement, avec les réticences, les
précautions, les réserves, les atténuations, en un mot. selon l’expression des Pères grecs. I’ « économie voulue par Noire-Seigneur pour ne pas compromettre l’œuvre de sa manifestation divine au monde ; mais aussi avec des indications suffisantes pour permettre a celui qui ne résiste pas a la lumière de s’élever jusqu’à la connaissance vraie de l’Homme-Dieu. Et c’est encore cette doctrine i économique i qui se manifeste dans la prédication de l’Église naissante, surtout dans la prédication apologétique (les discours des
Acies. Ne fallait il pas atteindre ton ; d’abord ceux
qu’on voulait persuader et ne les pas rebuter par des
affirmations trop nettes qui eussent éié mal coin prises ?
b) Les épi I res de saint Paul, écrits de circonstances,
ne se présentent pas comme un expose systématique de la pensée’h' l’apôtre. Les textes dogmatiques les
plus révélateurs surgissent pour ainsi dire a l’improviste. Cette remarque est plus vraie encore, s’il est possible, de la doctrine pauliiiienne louchant Jésus-Christ. E1 cependant, i le portrait moral du Sauveur, tel que | Paul] le Iræe dans ses (’pitres,, .s( d’une exac
litude remarquable et il suppose une connaissance
peu ordinaire de la vie du divin modèle. Paul ne le nulle part dans son ensemble et d’un seul jet ;
mais, en groupant les divins traits qui s’y rapportent ca et là, on obtient un tableau d’une ressemblance frappante, billion, op. cit., p. 3-L Ce portrait accuse un progrès réel sur celui des synoptiques. Pierre ne parlera-t-il pas lui-même de la sagesse qui a été accordée très spécialement à saint Paul, et des leçons difficiles à entendre que cet apôtre donne dans ses lettres ? Il Pet., m. 15-16. Encore une fois, la révélalion n’est pas close, et saint Paul est avant tout l’apôtre du Christ, transmettant le message qu’il a reçu, le dépôt qui lui a été cou lié. Choisi par Jésus lui-même pour devenir l’apôtre des Gentils, il est tout naturel que sa doctrine polie un cachet distinctif. Ce qu’on a appelé le paulinisme est vrai dans une certaine mesure. Cl. Prat. La théologie de saint l’uni. Paris. 1912, t. il, c. ii. Le problème du salut de tous préoccupe Paul, avant toute autre chose : c’est là le centre de sa théologie et les autres dogmes sont éclairés chez lui parla lumière que projette ce centre. Le Christ, pour saint Paul, est avant tout le Sauveur, le vivificateur de nos âmes, et cette pensée sotériologique nous fait pénétrer avec l’apôtre des nations plus avant dans la connaissance de Celui qui, étant dans la forme de Dieu, s’est humilié el anéanti jusqu’à la forme d’esclave, devenu homme comme nous. Mais les révélations spéciales dont fut favorisé saint Paul n’ont pas constitué un nouvel Évangile : < Il n’y a pas deux Évangiles, deux messages de salut. L’Évangile véritable, le seul, est celui que Paul enseigne d’accord avec tous les apôtres. » Prat.. op. cit.. p. 34. Cf. I Cor., xv, IL Il y a identité substantielle entre l’enseignement de Paul et celui des synoptiques. En définissant le rôle, la nature, la personnalité du Christ, et ses relations avec le Père et l’Esprit saint, saint Paul « se sentait en pleine communion d’idées avec tous les chrétiens de son temps ; il pouvait donner à la foi commune une forme qui lui était propre, il pouvait même l’enrichir et la développer, il ne la créait pas. et il était assuré cpie son enseignement provoquaitdans l’Église entière un écho profond. » Lchreton. Les origines du dogme de la Trinité. Paris, 4e édit.. 1919, p. 352.
c) Saint Jean représente un nouveau progrès sur saint Paul et sur les synoptiques. Son œuvre n’est pas seulement une combinaison de la tradition évangélique avec la doctrine pauliiiienne : elle est le résultat d’une révélation toute particulière de l’Esprit de Dieu. C’est sous l’influence de cette révélation que le disciple bien-aimé nous dévoile, dès le prologue de son évangile, le mystère du Verbe de Dieu, préexistant au monde, el qui s’est fait chair dans le temps. Ht. tout n demeurant un document historique, le quatrième évangile ne raconte pas les faits pour eux-mêmes il est écrit l pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, el alin que, croyant. VOUS ayez la ie en son nom. » xx. 31. H n’est donc pas étonnant que Jean ait cherché tout d’abord a compléter les synoptiques ; que, parmi la collection Immense des miracles de Jésus-Christ, il ait choisi les plus significatifs ci les plus révélateurs ; qu’il les ail même encadrés de réflexions et d’interprétations théologiques qui les éclairent. Ainsi Jean peu ! rapporter parfois les mêmes laits que les synoptiques ; mais il interprète ces faits d’une façon plus profonde. Et ce n’est pas seulement la réllexion personnelle qui est Ici la source
de cette interprétation, c’est l’action de l’Esprit qui éclaire les souvenirs et en révèle l’aspect le plus intime ; cf. Joa., xiv. 26.
Les discours de Jésus, dont les synoptiques n’avaient BOUVent que retenu la substance et précisé la portée morale, sont recueillis par saint Jean dans ce qu’ils ont de plus profond et de plus expressif pour la
manifestation du fils de Dieu. Les différences qu’on
remarque entre les discours des synoptiques et ceux du quatrième évangile ne doivent pas nous [aire conclure que les premiers sont inauthentiques ou que les seconds sont le produit de la pensée personnelle de l’apôtre Jean. Voir Lepin, La valeur historique du l évangile, II* partie. Paris. 1910, c. n. Il n’est pas impossible que le Christ ail eu deux manières de parler, l’une plus simple, plus populaire, l’autre plus difficile, plus relevée : la nature des vérités enseignées par lui dans saint Jean n’exige-t-elle pas cette différence de méthode. D’ailleurs l’opposition du genre des discours n’est pas absolue : le langage transcendant n’est pas absolument inconnu aux synoptiques ; ils ont bien, eux aussi, leurs passages mystérieux, et saint Jean rapporte parfois des paroles du Christ, simples et populaires, comme celle-- des synoptiques. Cf. E. Lé vesque, Nos quatre évangiles, Paris. 1917, p. 261 sq. Toutefois, si authentiques que soient tous les discours de Jé--us rapportés en saint Jean, il faut bien avouer que le choix fait par l’auteur inspiré des plus significatifs d’entre eux et le soin apporté par lui à y découvrir, à y mettre en relief le sens favorable à la gloire du Fils de Dieu, supposent une influence rédactionnelle véritable que le critique consciencieux ne saurait méconnaître. Il y a comme une fusion de l’auteur et du modèle, et peut-être est-il i impossible de distinguer, dans l’analyse théologique du livre, les discours de Jean et les réflexions de l’évangéliste. Assurément ledeux sources sont distinctes, mais elles ont tellement mêlé leurs eaux, qu’il faudrait un œil bien exercé pour les discerner ; la révélation vient authentiquement de Jésus, mais ce n’est qu’à travers l’âme de saint Jean qu’on la peut aujourd’hui percevoir et c’est l’apôtre qui, en vue du but qu’il s’était fixé. a choisi les paroles de son Maître, c’est lui qui les développe, les interprète et qui, dès le seuil de l’évangile, nous donne, dans son prologue la clef du mystère. L’évangile de saint Jean est la tunique du Christ, tunique sans couture : on ne la peut saisir que tout entière, à moins d’en déchirer la trame. » Lebreton, op. cit.. p. 444.
Telles sont les raisons générales pour lesquelles, dans notre exposé de la révélation concernant l’Homme-Dieu, nous observerons l’ordre suivant : synoptiques ; Actes des apôtres et épîtres catholiques autres que celles de saint Jean : épîtres de saint Paul et épîlre aux Hébreux ; écrits johanniques, apocalypse, évangile et épîtres.
_ Les conditions extérieures de la révélation du Christ. L’historien de Jésus-Christ doit s’y arrêter longuement. Voif la récente Vie île S.- S..Icsus-Christ, par L.-CI. Iïllion, Paris. 1922, t. i, c. u. m. Le théologien n’en retiendra que ce qui est indispensable pour comprendre la réserve et la prudence de Jésus dans l’affirmation même de sa mission et de sa personnalité divine. Ces conditions extérieures peuvent se ramener à deux principales : conditions politiques et sociales du milieu juif : attente messianique. Nous les indiquerons brièvement, dans la mesure que comporte l’objet de cet article.
1. Conditions politiques et sociales du milieu juif. — On peut les résumer ainsi : n) le peuple juif était, pour ainsi dire, divisé en deux grandes catégories, celle des Juifs habitant la terre d’Israël : celle des Juifs dispersés chez les Gentils en de nombreuses colonies. Sur les
colonies juives, voir Scbûrêr, GeschichU des fQdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, t. iii, p. 1-70. L’union des dispersés avec Jérusalem était fortement maintenue par l’absence de temple en dehors (te celui de Jérusalem, qu’au moment de la Pâque de nombreux pèlerins venaient visiter. Cf. Ad., n. 0-12. I> j Le
peuple de Palestine, tout en étant sous la domination de Rome, gardait encore une certaine autonomie, avec.
pour le gouverner immédiatement, soit des tétrarques ou administrateurs, sotl en Judée proprement dite, le gouverneur romain lui-même, résidant à César ée. Cf. Luc, m. l. 2. Pour plus de détails, voir Schûrer, ></>. cit.. t. i. p. 210-290 ;.1. Felten, Neutestamentliche Zeitgeschichte, oder Judenthutn und Heidenthum ; ur Zeit Christi und der Aposlel, Ratisbonne, 1910 ; l’illion. Vie de.V.-.S. Jésus-Christ, t. i. p. 122 sq.
— et Parmi les classes dirigeantes i qui s’opposeront. non seulement à la personne, mais encore à la doctrine du Christ, et dont l’opposition mettra en relief la transcendance de cette doctrine, on dislingue les Hérodiens, gens prudents, ralliés à la dynastie de l’iduméen Eiérode, et oui deviendront les ennemis de la popularité de Jésus, par crainte d’une réaction violente des Romains, Joa., xi, 48 ; les Zélotes, fanatiques, jaloux observateurs de la Loi et, comme tels, pharisiens, nationalistes par-dessus tout et adversaires de toute domination étrangère ; les Sadducéens, parmi lesquels se rangent les « princes des prêtres », aristocratie peu nombreuse de riches appartenant surtout à la haute caste sacerdotale ; les Pharisiens, interprètes, champions et, au besoin, vengeurs de la Loi, à qui se rattachent les t scribes » et les « docteurs » et dont X.-S. recommande même, en ce qui concerne la Loi, l’enseignement. Cf. Matth., xxiii, 2, 3. Jaloux de garder avant tout leurs privilèges, les sadducéens concilient volontiers la Loi et l’élément étranger ; les pharisiens, sur ce point, sont leurs adversaires déterminés ; mais lorsqu’un intérêt commun réunit les uns et les autres, ils sont facilement d’accord, ainsi qu’il advint pour ruiner l’influence du Christ, destructive de la leur. Voir Fillion, op. cit., Introduction, c. u.
2. L’attente messianique.
L’espérance messianique, à l’époque où parut Notre-Seigneur, semblait toucher à son but. L’annonce de l’ange aux bergers, Luc, ii, 11, est comprise par eux sans difficulté. La question posée par les mages, demandant « où est le Roi des Juifs qui vient de naître, » Matth., ii, 2, est très intelligible à Hérode, qui s’enquiert près des princes des prêtres et des scribes du peuple, « où le Christ devait naître ». La prophétesse Anne ne parlait-elle pas du Messie à tous ceux qui attendaient la prochaine rédemption de Jérusalem ? Luc, ii, 38. La même intensité d’espérance messianique remplit les récits de la vie publique du Sauveur. I.e Messie est i celui cpii doit venir » ou encore « celui qui vient », Matth., xi, 3 ; Luc, vii, 20 ; Joa., vi, 1 I. i A peine Jean-Baptiste a-t-il fait entendre, sur les bords du Jourdain, la parole sensationnelle : « Voici, le royaume de Dieu est proche », que l’austère anachorète est pris pour ce Messie attendu. Luc, iii, 15 ; Joa.. i, 19, 25. Lui-même dissipe l’illusion de la foule ; l’attente du Messie n’en est que plus vive au cœur de ses disciples. Lorsque paraît Jésus de Nazareth, étonnant la foule par ses miracles, l’émerveillant par ses discours, aussitôt se pose pour tous la question du Messie : on rappelle les données messianiques traditionnelles, on consulte renseignement christologique des docteurs de la Loi. Matth.. mi, 23 ; xvii, 10 ; Marc, i. Kl : Joa.. vii, 26, 31 ; x. 21 : xii, 34. Plus tard, l’ovation messianique, si enthousiaste, qui marque l’entrée
triomphale de Jésus à Jérusalem, ovation spontanée, ou peut le dire, (le la part de la foule et contrastant avec la réserve mise jusque-là par le Sauveur a afficher ses prétentions à la messiauité, témoigne éloquemment de la force qu’avait acquise dans l’espril populaire l’espérance au Messie promis. Marc, xi, 7-10, et parall. cf. Matth., ix. 27 : Marc.. 17. et parall. L’intensité de cette préoccupation se mon ire Jusque dans l’interrogatoire que le sanhédrin fait subir a Jésus sur sa qualité prétendue de Christ », Marc. m. 61 ; Matth.,
xxvi. 63, et dans les apostrophes que la foule railleuse adresse au « Roi d’Israël » crucifié, Marc, xv, 32 ; Mat th., xxyii. 39 ; Luc, xxiii, 35. Enfin, l’histoire même de l’Église primitive, telle qu’elle apparaît dans
les Actes des apôtres, les épîtres et les autres écrits du Nouveau Testament, atteste à chaque pas, extrêmement vivante dans l’esprit des Juifs, la croyance au Christ-Sauveur. Constamment, les apôtres [ont appel à l’idée messianique : leur premier souci est de prouver que ce que les prophètes ont prédit du Christ. Jésus l’a réalisé, et qu’il est bien le Messie attendu et si ardemment désiré, i Act. iii, 18 ; v, 42 ; vin, 37 ; i, 22 ; xvii. 3 ; xviii, 5, 28, etc. I.epin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p.
Cette attente du Messie, la théologie juive immédiatement antérieure à Jésus-Christ, la laisse elle-même percevoir comme très vive dans les esprits, voir col. 1127 ; les événements semblaient indiquer que l’heure de Dieu avait sonné. On avait toujours cru que l’oracle de Jacob, voir col. 1116, regardait non seulement le Messie, mais encore l’époque où il devrait paraître. Or, à la fin de l’an 38 avant Jésus-Christ, le dernier représentant de l’autorité souveraine promise à la descendance de Juda, Antigone, avait été mis à mort et remplacé par L’iduméen Hérodc. C’était donc l’usurpateur étranger qui régnait à Jérusalem, sous le protectorat de la puissance romaine. Ces temps semblaient donc arrivés et la nation juive tout entière frémissait d’impatience.
L’attente messianique débordait même les limites du peuple de Dieu. La captivité avait disséminé les.lu fs dans les grandes monarchies de l’Orient ; malgré I édit de Cyrus, permettant aux exilés de retourner dans leur [latrie, beaucoup de familles avaient préféré s’établir définitivement au milieu des nations ; il y avait des Juifs à Rome même l-’aut-il rattacher aux espérances répandues dans le monde par les Juifs de la dispersion ce que Platon disait aux Grecs : « [ Il faut] différer les sacrifices et attendre que Dieu lui-même vienne dans sa piété, ou du moins un envoyé du ciel’.' * Apologie de Socrule. Est ce à L’attente messianique que se rattachent les poétiques prédictions de Virgile, dans la IVe églogue’?Le moyen âge l’a cru, mais c’est loin d’être démontré ; du moins Suétone. Vie de Vespasien, c. iv, et Tacite, Histoires, t. V, c. xiii, rappellent expressément la croyance populaire en un roi victorieux qui viendrait de l’Orient. Ces deux auteurs sont d’ailleurs en dépendance, directe ou indirecte, de Flavius Josèphe, au témoignage duquel l’espérance messianique qui régnait chez les Juifs lut un des plus puissants leviers de la grande insurrection contre Rome, qui aboutit à la ruine de Jérusalem. De bello judaico, I. VI, C. v, n. 4. L’historien juif, courtisan des (.(sais, ne craint pas d’ailleurs d’appliquer à Vespasien les prophéties relatives au roi messianique. Textes de Suétone et de Tacite, dans Kirch, n. 3(> et 29.
Beurlier, L. monde juif au temps de Jésus-Christ et des apôtres (Coll. Science et religion, 2 vol., Paris, 1900 ; Hackspill, Étude sur le milieu religieux et intellectuel contemporain du V. T., dans la Revue biblique, 1900, p. 564-577 ; 1901, ». 200-215 ; 377-384 ; 1902, p. 53-73 ; Lagrange, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; et les auteurs cités au coins du paragraphe, SchUrer, Lepin, Felten, Fillion, etc.
3° Vie de Jésus-Christ et théologie de Jésus Christ,
— Les mêmes documents sont utilisés par l’historien cl par le théologien. Toutefois une t vie de
JésUS-Christ n’est pas une « I héologie » de Jésus Cluisl.
il appartient en propre à l’historien de Jésus de reconstituer dans l’ordre chronologique où Us se sont succédé, la trame des événements, qui composent l’exis du Sauveur. Il 1 i faut, tout d’abord.
replacer Jésus-Christ dans le milieu où il est né, où il a vécu, afin « le présenter sa physionomie et celle de
son entourage sous une forme plus vivante et plus concrète. Il lui faut aussi, relatant les actes et les paroles de Jésus, faire œuvre de critique, en établissant sous leur forme la plus pure, les textes des saints évangiles ; en démontrant l’authenticité, la crédibilité de ces précieux documents, en expliquant de son mieux, selon toutes les ressources de l’exégèse actuelle, le sens précis des textes. Enfin, c’est encore a l’historien qu’il appartient de signaler et de réfuter les objections soulevées par la critique rationaliste contre l’authenticité, la crédibilité, le sens traditionnellement reçu des récits inspirés. On voit par là que le rôle précis de l’historien, en regard du Christ de la foi, consiste a présenter les motifs de crédibilité, tirés de la vie même du Christ, et qui sont les préambules de notre acte de foi en Jésus, Dieu et homme. Et de plus, tout ce qui appartient à la vie terrestre du Christ et manifeste la perfection de son humanité, est du ressort de l’histoire.
A la rigueur, le théologien peut se dispenser de relever les détails de la vie terrestre du Sauveur. L’Évangile même, à proprement parler, n’est pas le point de départ de son étude du Christ : le principe des spéculations théologiques se trouve, en effet, dans les articles de foi. tels que L’Église les propose. S. Thomas, Sum, theoL, la. q. i. a. 8. Mais il importe de remarquer que la révélation est la source des articles de la foi et de toutes les vérités qui y sont virtuellement contenues. Si donc le théologien veut embrasser son sujet dans toute sa compréhension, il devra, lui aussi, reprendre, du moins dans sa substance, l’œuvre critique et préparatoire de l’historien, et disposer ainsi les esprits à la foi au Christ, en fixant les préambules de cette foi. Mais il ne peut s’en tenir la : après avoir démontré la crédibilité du dogme, il lui faut étudier le dogme en lui-même et dans toutes ses conclusions, soi ! strictement dogmatiques, soit théologiques. Son œuvre dépasse donc celle de l’historien : elle la complète et la couronne.
Faisant œuvre à la fois de critique et de théologien, nous nous efforcerons de trouver dans l’étude directe du texte sacré tout ce qui peut justifier les affirmations dogmatiques relatives à la transcendance divine « lu Christ. Dès les premières lignes du Nouveau Testament, il semble, en effet, qu’une révélation nouvelle apparaisse clairement touchant Le concept de la per sonualité du Sauveur. Ce concept ne s’élabore pas sans doute eu des dissertations systématiques, telles qu’en donnaient les scribes juifs : mais il ressort nettement de la manifestation même de Jésus en ce inonde. La personnalité du Verbe incarné nous apparaît, même sous son aspect humain, avec une transcendance telle, que nous ne pouvons songer à j voir une simple personnalité humaine ; el souvent le divin j resplendit tellement « pie nous y lisons la transposition réelle et sincère de L’article de la foi chrétienne, que nous avons a commenter : Credo… in unum Dominum Jesum Christian, Filium Dei unigenitum, ex Paire niitum ante ssecula…, consubstantialem Patri… ; qui propter n<>s et propter nostram saluiem, descendit de cœlis et incarnatus est de Spirilu sancto ex Marii oirgine, et hotno f act us est.
II. Manifestation humaine de Jési s-Christ.
Des le début de la manifestation « lu Sauveur, le caractère transcendant et divin de sa personnalité est marqué. Et c’est par là précisément « pic ! « Nouveau Testament, « -n nous présentant l’Hommc-l >icu. se différencie de l’Ancien des ses premières pays. Toutefois, la révélation de la divinité du Christ m’produit à travers un développement normal « ! « son humanité.
(’.' « si par celle-ci que nous pouvons al teindre celle-là, et c’est pourquoi la connaissance « le la personnalité transcendante et divine du Sauveur suppose déjà connue celle de son humanité.
11-11
- IÉSUS-CHRIST##
IÉSUS-CHRIST. SA MANIFESTATION HUMAINE
1 1 12
I. MASIFSSTATWS DO HAUVXUR JÉSUS DANS l.’llï masitê. i" Naissance ù Bethléem. Michée, v, 2, avait clairement déclaré que le Messie tutur sortirait de Bethléem. Or, Jésus-Christ est né effectivement dans cette bourgade, Matth., i, 6 ; Luc, n. l ; cf. Joa.. vu. 42 ; I Reg., . 6. Los efforts faits par le critique rationaliste pour placer la naissance de Jésus à Nazareth, ou pour révoquer en doute le fait de sa naissance à Bethléem, doivent être considérés comme n’ayant aucune portée. Pour ne citer que quelques exemples. La naissance est placée à Nazareth par Renan, Vie (populaire) de Jésus. Paris, 1871, p. 8-9 : Keim, Geschichte Jésus von Nazara, Zurich. 1867, t. î. p. 325 ; 388-394 ; Pfleiderer, Die Entstehung des Christentums, Munich. 1905, p.l97 ; H.J. IIoltznniiin.Dje Synoptiker, 3° édi t..Leipzig. 1893. p. -1$1-$21 : Guignebert, Manuel d’histoire ancienne du christianisme, p. 161. D’autres sont plus modestes et se contentent de révoquer en doute le fait de la naissance à Bethléem : Heitmûller, Die Religion in Geschichte und Gegenwart, Tubiague, 1912, t. iii, p. 365 : tNon liquett, dit Harnack, Neue Untersuchungen zur Apostelgeschichle, Leipzig, 1911, p. 105-106. Ces critiques allèguent les nombreux passages des évangiles où Notre-Seigneur est formellement appelé « Jésus de Nazareth », Matth.. xxi, 11 ; Marc., i, 24 ; x, 37 ; xiv. 67 ; xvi. 6 ; Luc, iv. 34 ; xviii. 37 : xxix, 19 ; Joa., i. 46-17 ; xviii. 5, 7 : xrx, 19 ; Act.. ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi.9 ; « Jésus le Galilcen », Matth.. xxvi, 69, 71 ; où l’on affirme que Nazareth était sa « patrie », Matth.. xiii. 54 ; vi, 1 ; où ses disciples sont appelés « Galiléens », Marc, xiv, 70 ; Joa., vu. 52 ; cf. Act., xxiv, 5 ; et même plusieurs textes du Talmud, Jésus « de Nazareth », ha-Notseri, Sanhedr., 43 a ; 107 b ; Sota, 47 a. Mais ces expressions sont amplement justifiées par tous les liens qui attachent Jésus à la ville où se sont écoulées les années de sa vie cachée, où il < a été élevé », Luc, iv, 16 ; elles ne signifient nullement qu’il y est né. Si Jésus a désigné lui-même Nazareth comme sa « patrie », Marc, vi. 4, il n’a jamais dit qu’elle fut son lieu d’origine. La croyance populaire, faisant venir Jésus de Galilée, et tout spécialement de Nazareth, cf. Joa., vn, 40-42 ; i, 46, était fausse, tout comme celle qui faisait de Joseph, le père de Jésus, et nous n’avons pas à en tenir compte. A l’erreur prétendue de Matthieu et de Luc, on ajoute gratuitement une contradiction ; d’après le troisième évangile, « c’est Nazareth en Galilée qui est indiquée comme la résidence habituelle de Joseph et de Marie ; ce qui ne concorde pas avec la donnée du premier évangile, qui ne fait arriver Joseph et Marie a Nazareth que plusieurs années après la naissance de Jésus ». A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 370. Cf. Scholten, Dos paulinische Evangelium, Elberfeld, 1881, p. 294-295 :.1. Weiss, Die Schriften des Xeuen Testaments, Gœttinguc, 1905, 1. 1, p. 46 ; etc. Mais saint Matthieu n’a jamais dit qu’avant Noël, la demeure habituelle de Joseph et de Marie fut Bethléem. Luc ne fait que compléter les données incomplètes de Matthieu. Donc, la naissance de Jésus à Bethléem n’est pas « un produit de la réflexion dogmatique », comme l’écrit Th. Keim, op. cit., p. 392 ; une « invention de la dogmatique messianique », comme le dit Heitmûller, .Irsus. 191 3 ; et comme le pensent de nombreux rationalistes. Volkmar, Jésus Nuzarenus, Zurich, 1882, p. 4 1 - 12 ; I L J.l loi tzmann, Die Synoptiker, p.52 ; K.Clemen, Dergeschichlliche Jésus, Giessen, 1911, p. 59-60. C’est par crainte du surnaturel que de telles affirmations sont avancées : on veut ne pas voir dans la naissance a Bethléem une réalisation de la prophétie de Michée et l’on veut du coup ruiner la véracité des chapitres évangéliques relatifs a l’enfance de Jésus-Christ. Cf. O. i loltzmaim, Leben Jesu, Tubingue, 1901, p. 68, Mais rien ne saurait prévaloir contre l’affir mation dos deux consciencieux historiens de.lésus, affirmai ion corroborée par le fait que l’empereur Adrien profana, eu 132, à Jérusalem, les s, tes traditionnels du crucifiement et de la passion, à Bethléem. l’emplacement de la naissance du Sauveur. Cf. Franz Delitzsch, M essianische Weissagungen, 2e édit., 1889, p. 129. Sur l’année exacte et le jour de la naissance du Christ, problème purement historique, qui n’intéresse la théologie ni directement, ni indirectement, on consultera E, Mangenot, art. Chronologie biblique, ix. dans le Dictionnaire de la Bible de M. VigOUTOUX, t. ii, col. 731-736. Sur le recensement de Quirinlus, qui esl l’occasion de tant de discussions, on se reportera à Lagrange, Où en est lu question du recensement de Quirinius, dans la Renie biblique. 1911, p. 60-34 et a L.-Cl.l’illion, Vie de N.-S. Jésus-Chris !, t. i, appendice xv.
2° L’origine dauidique du Sauveur est une question que le théologien ne peut négliger, car elle touche à la réalisation des prophéties messianiques les plus anciennes ; cf. Gen., xii, 3 ; xxii, IX ; xxvi, 1 ; xxviii, 11 : xi.ix, cS-12 ; I Par., xvii, 11-13 ; xxii, 10 ; xxviii, 6 ; Ps., lxxxviii. 21, 27, etc. « Il est impossible, écrit Renan, … de rechercher quel sang coulait dans les veines de Jésus. » Vie (populaire) de Jésus, p. 10. Quelques auteurs ont affirmé que le Sauveur appartenait non à la race juive, comme l’accepte encore A. Réville, Jésus de Nazareth, t. i, p. 417, mais soit à la race aryenne ou indo-germanique, S. Chamberlain, Grundlagen des neunzehnten Iahrhunderts, t. i, p. 210220 ; et Eric Haupt. dans Open Court, avril 1909 ; soit à la grande famille babylonienne, Fried. Delitzsch, Babel und Bibel. Leipzig, 1905, p. 11. Sans aller aussi loin, la plupart des rationalistes contemporains affirment que certainement Jésus n’est pas de race davidique ; la croyance de l’Église sur ce point remonte sans doute à la plus haute antiquité, puisqu’elle est constatée par saint Marc et par saint Paul ; et cependant cette croyance est erronée, Jésus ayant témoigné lui-même qu’ « il ne se considérait pas comme de la race de David », Matth., xxii, 41-45 ; cf. Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Ainsi parlent en substance Loisy, Les Évangiles synoptiques, Cefïonds, 1907, 1. 1, p. 329-330 ; A. Réville, Jésus de Nazareth, p. 381-382 ; J. Weiss, Die Schriften des N. T., loc. cit., O. Holtzmann, Leben Jesu, p. 164 ; V.Bousset, Jésus, Tubingue, 1904, p. 88 ; H. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 3840 ; etc. Mais la croyance des contemporains de Jésus n’étaitpas erronée et Jésus ne l’a point déclarée fausse dans l’épisode qu’on cite avec tant de complaisance. Toutd’abord la croyance primitive de l’Eglise, Matth., i, l ; i, 6-16 ; Luc, i, 32 ; iii, 31 : Joa, vu. 12 ; Rom..i, 3 : II Tim., ii, 8, est corroborée par ce fait que les Juifs, contemporains de Jésus, ne l’auraient très certainement pas appelé « Fils de David », Matth.. i, 20 ; ix, 27 ; xv, 22 ; xx, 30, 31 ; xxi, 9, 15 ; Marc, , 17, 48 ; Luc, xviii, 38, 39, s’ils n’avaient pas été convaincus de cette filiation. Cette persuasion dont la trace se retrouve à mainte page de l’Évangile, Matth., xii, 23 ; xxii, 12 : Marc, xii, 35 ; Luc, i, 69, etc., était telle que le peuple n’aurait jamais consenti a regarder comme Messie un prétendant, quel que lût d’ailleurs son mérite, qui n’aurait pas rempli celle condition, indispensable et facile à vérifier. De plus, Jésus n’a jamais nié son origine davidique : une telle négation eût été
incompréhensible de la pari de celui qui se présentait au peuple juif en qualité de Messie. L’épisode qu’on signale n’a pas du tout la signilu ation qu’on fin prête, veut simplement affirmer que la filial ion davidique n’explique pas les relations qu’il possède avec Bien dans la partie transcendante de sa personnalité. c’est-à-dire dans la filiation divine. Ainsi l’entendent, non seulement tous les catholiques, mais bon nombre
de protestants, II. Wendt, Die Lehre Jesu, 2e édit., Gœttingue L901, p, 124 ; Dalman, Die WorteJesu, Leipzig, 1898, t. i. p. 202-204 ; 231 : Spilta, Streitfragen der hichteJesu, Gœttingue, 1907, p. 157-172, et même Keim, Geschichte Jesu, 1. 1. p. 326-328
Mais comment devons-nous établir la filiation davidique de Jésus-Christ ? Devons-nous accepter les généalogies dressées par saint Matthieu et par saint Luc.’Les rationalistes ont accumulé contre elles tant d’objections : on les dit contradictoires, parce qu’elles ne concordent pas entre elles : Inutiles, parce qu’elles aboutissent à Joseph, qui n’est pas le vrai père de Jésus, ou, si Jésus doit être dit lils de David par Joseph, inconciliables avec le dogme de la conception virginale <lu Sauveur : impossibles à vérifier et, somme toute, établies après coup pour justifier devant la conscience chrétienne la descendance davidique de Jésus-Christ. Nous retrouvons ici encore les noms de l.oisy. a. Réville, 0. Holtzmann, .J. Weiss, etc. Il n’appartient pas au théologien de discuter dans le détail ces objections, aussi vieilles que l’Église et déjà proposées par Celse, Julien l’Apostat et Fauste le manichéen. On se reportera à l’art. Généalogie de JéSUS-Christ dans le Dictionnaire de la Bible, t. III, col. 166, pour avoir les solutions des diverses dillicultés. Ce qu’il importe de remarquer, au point de vue de la réalisation des prophéties, c’est que, même en admettant que les deux généalogies de Matthieu et de Luc soient par Joseph et n’indiquent pour le père légal qu’une filiation davidique légale, il n’en est pas moins vrai que Jésus, par Marie, possède une filiation davidique naturelle. Une tradition très ancienne, reçue par saint Ignace d’Antioche, Ad Eph., xviii, 2 : Ad Trall., ix, 1 ; Ad Snujrn., i, 1, éclit. Funk. Paires apostoliei, Tubingue, 1901, p. 227, 249, 277 ; par saint I renée, Conl. Hsereses, t. III, c. xvi, n. 2 ; c. xvii, n. 1 ; P. G., t. vii, col. 921, 929 ; par saint Justin. Dialog., n. 43, 15, 100, 120, P. (, .. t. vi. col. 567, 572, 709, 753 ; par Tatien, Dia/essaron, 5, 13 ; parTertullien, Adi>. Marcionem, 1, III, c. xvii, xx ; l. IV, ci ; I. V, c. viii ; De came Christ Lc. xxii.P. L., t. ii, col. 373, 378, 391, 521, 831 ; et plus tard, par Eusèbe, Demonsl. evang., I. VII, e. iii, n. 10, P. G., t. xxii. col. 565, nous atteste que Jésus, par M arie, est, selon lu chair, de la race royale de David. S’il n’est point probable que les mots èÇ otxou Aa’jelS Luc, i, 27, tombent sur la Vierge ou sur Joseph et la Vierge conjointement, il est certain que Luc suppose à la vierge Marie une origine royale, i, 32, (> ! : et saint Paul l’insinue également, Rom., i. 3 : II Tim., ii, .S ; Ileb.. vii, 14. il semble donc que soit condamnée d’avance la thèse des néo-critiques, rattachant Marie à la tribu de Lévi. II. Kwald, Die drei ersten Evangelien, 1850, p. 180 ; F. Spitta, Der Brief des Julius A/ricanns. Halle. 1877, p. II ; il. J. Holtzmann, Die Synoptiker, p. 310 ; J. Weiss, Die Schriften des S. T., t. i. p. Ilii, etc. La parenté de Marie avec Elisabeth, Luc, i, 36, laquelle comptait parmi les filles d’Aaron, prouve simplement qu’un mariage avait été contracté auparavant par un membre de la famille de David et de la Vierge et une descendante d’Aaron. Depuis longtemps, saint Augustin, Contra Fauslum, I. XX III. c. hv, i. avait réfuté ce sophisme de Fauste. P. /… t. m.ii. col. 1(17. 471.
Les textes du’testament îles douze patriarches, Siméon, 7 ; (.ad. 8 ; l.évi. 2 ; Dan..". : Joseph. 19, rattachant le Sauveur à la tribu de Lévi, attribuent à Jésus une
origine lévitique au sens spirituel, pour désigner qu’il sera aussi prêtre. Mais il est selon la chair de la tribu
de Juda. Juda, 19, La double origine est bien exprl mée dans le Testament de Siméon : Le Seigneur fera sortir de Lévi un prêtre, et de Juda, un roi, Dieu
et homme. Sutla convenance de l’origine davidique
du Sauveur, et, par elle, de l’incarnation par voie de
génération humaine, voir Incarnation, t. vii, col. 1 170.
3° Jésus homme, soumis aux lois qui régissent le déneloppement de l’humanité. — Notre-Seigneux Jésus-Christ, dès les premiers instants de son existence, apparaît homme comme les (mires hommes soumis aux mêmes développements. — 1. Conçu par la vierge Marie, il naît a Bethléem, après les neuf mois de gestation exigés par les lois naturelles. Dès l’instant de la conception et de la naissance se vérifie la parole de saint Paul, habita inventas ut homo. l’hil.. n. 7. Cette parole se vérifie aussi dans la marche de la croissance humaine de Jésus, mieux relatée par saint Luc que par les autres évangélistes. Avant même de signaler les progrès intellectuels et moraux de l’Kufanl-Dieu, Luc indique les différentes phases de son développement physique, nous le montrant tour à tour à l’état d’embryon dans le sein de sa mère, i, 42, ppécpoç èv rf) y.oiXta ; petit enfant, tô raiStov, ii, 17.27, 40 ; cf. Matth., ii, 13-14 ; 20-21 ; et enfant, jracïç, ii, 13. La croissance physique est expressément marquée pour Jésus, ii, 40, comme elle avait été marquée pour. Jean-Baptiste, i. 8, réalisant la prophétie d’Isaïe. i.iu, 2. Jésus grandit donc et se développe d’après les conditions ordinaires.
2. Bien plus l’évangéliste parle d’un accroissement analogue dans sa vie intellectuelle et morale. Au v. 10, il avait simplement affirmé que « le petit enfant croissait et se fortifiait, plein de sagesse, et [que] la grâce de Dieu était en lui ; » mais au t. 25, avec plus de netteté, il affirme que Jésus avançait en sagesse et en âge (en taille) et en grâce devant Dieu et devant les hommes. » Les paroles de Luc ne peuvent s’entendre que d’un développement réel, progressa : et cette affirmation, sous un certain rapport, marque mieux, semble-t-il. la réalité de l’incarnation du Verbe, Dieu sans doute, mais homme aussi. Mais, sous un autre rapport, cet accroissement intellectuel et moral ne va pas sans faire difficulté, car, en raison de l’union hypostatique, l’intelligence du Christ n’at-elle pas obtenu du premier coup, la plénitude de son objet, la sainteté de Jésus n’a-t-elle pas été parfaite ? Nous aurons â résoudre plus loin le problème théologique que soulève cette difficulté ; mais retenons, comme acquise, l’assertion d’un’progrès réel dans la science expérimentale du Christ, et dans l’exercice extérieur des vertus. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III », q. xii, a. 2, ad 1° » >. Cette solution, provisoirement retenue, il devient facile d’exposer, au point de vue historique et exégétique, à la lumière de l’évangile, interprété par les Pères et par les théologiens, ce que fut le progrès intellectuel et moral du Christ enfant. Problème délicat entre tous, que jusqu’ici, aucune pensée humaine n’a pu résoudre d’une manière complètement satisfaisante, » avoue un protestant orthodoxe plein de foi, le D r Keil, Kommentar aber die Evangelien tics Mariais und des Lukas, Leipzig, 1879, p. 244.
3. Sans doute, une âme aussi parfaite que celle du Christ n’a pas eu réellement de maître, selon l’aeccplion habituelle du mot. Cependant comment ne pus admettre, sur le développement de sa science expérimentale, l’influence du milieu dans lequel Jésus a vécu et grandi, l’influence de la Palestine en général, de la Galilée et de Nazareth plus particulièrement, de Nazareth où devait s’abriter et se recueillir toute la vie cachée du Sauveur. celle influence qui explique l’amour de Jésus pour son peuple et sa patrie ? D’autre part, que de sujets de comparaisons, ulilisés
plus tard dans les discours du Maître, et empruntés a la nature, si riante et si riche, des environs de Naza
reth. Partout, dans la nature. Jésus contemple les vestiges du Dieu tout puissant et infiniment bon.
Mat th., vi, 26-30. Le monde des plantes et des anl1 1 15
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. SA MANIFESTATION IIIMAINK
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maux lui fournil la solution des problèmes les plus graves. Matth., un, 24-30 ; 31-32. Ses paraboles surtout dévoilent à quel degré il était attentif aux détails les plus insignifiants en apparence, de la vie végétale
et animale… [Qui ] ne se rappelle pas avec sympathie le lis des champs et sa splendeur éphémère, le blé qui lève doucement, l’ivraie semée dans le champ par l’homme ennemi, le figuier verdoyant, mais stérile, la vigne qui a besoin d’être émondée pour produire plus de fruits, les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent et que Dieu nourrit avec libéralité, les petits du corbeau qui reçoivent providentiellement aussi leur pâture, la poule qui cache ses poussins sous ses ailes, le chant régulier du coq à certaines heures de la nuit, les renards qui ont leur tanière tandis que le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête, la brebis qui suit son pasteur ; et aussi, dans la nature inanimée, le coucher rutilant du soleil, le vent brûlant du sud, le lac et les montagnes, et cent autres traits analogues’? En vérité, nous ne comprendrions pas complètement l’âme, l’intelligence et le caractère personnel de Jésus, si nous ne remarquions pas les impressions que la nature a produites sur lui pendant son adolescence et sa jeunesse. » Fillion, Vie de X.-S. Jésus-Christ, t. i, ]). 365-366.
4. Les faits quotidiens de la vie contribuèrent aussi â l’éducation expérimentale de Jésus. Dans la vie domestique, sociale ou politique, cette influence apparaît manifeste : i En se contentant d’ouvrir les yeux, que n’a-t-il pas appris peu à peu ? Les cérémonies de la cour royale, aussi bien que celles des noces villageoises ; les vêtements précieux qui deviennent promptement la proie des mites ; les règles du raccommodage le plus vulgaire ; l’administration des grandes propriétés ; la lampe sur le chandelier ; le sel qui préserve les aliments de la corruption ; les lois du marché (deux passereaux pour un as : cinq pour deux as) ; les relations des ouvriers et des propriétaires ; les jeux des enfants, tels qu’il les avait sans doute pratiqués lui-même ; les murs des maisons percés par les voleurs ; la nécessité de bâtir sur un terrain solide, les prières interminables des païens, les travaux du berger, du laboureur, du pêcheur… : il a tout observé. il connaît tout, il profite de tout pour en orner et en fortifier son enseignement. C’est donc en pleine exactitude qu’on peut parler de l’éducation de Jésus par les sens et par l’expérience. » Id., ibid., p. 360-307.
">. Il faut également noter l’influence de Marie et de Joseph sur l’enfant confié â leurs soins. L’Évangile nous la signale d’un mot : et erat subdilus Mis. Luc, n. 51. C’est de sa mère que Jésus apprit à balbutier les premières prières, à lire quelques psaumes et le décalogue ; c’esl elle qui raconta à son divin Fils les principaux épisodes de l’histoire des Israélites, lui parlant du l’ère céleste et de son rôle futur de Messie. Et, en agissant ainsi, la Mère du Christ savait qui il était et, chargée du devoir de l’instruire, elle n’oublia jamais de l’adorer. » C. Fouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. i, p. 107. C’est sous l’influence de ses parents que Jésus-Christ acquit le développement relatif â l’étude du langage courant, l’araméen, et sans doute aussi du langage liturgique, l’hébreu. Il put aussi apprendre le grec, couramment parlé en Galilée, langue dans laquelle deux de ses i frères », Jacques le Mineur et Jude devaient écrire leurs épîtres. vraisemblablement en grec que Jésus s’entretint avec le centurion romain. Matth., viii, 5-13 ; avec les Hellènes i dont parle Jean, xii, 21. avec Pilate et d’autres encore.
C’est encore un progrès dans la science expérimentale qui s’affirme dans l’apprentissage de Jésus comme charpentier. Il est le lils du charpentier, Matth., xiii, 55, ou encore, plus simplement, « le char pentier, i Mare., m. 3. Saint Justin nous le montre fabriquant des charrues et des jougs. Dialog., n. 88, P. G., t. vi, col. 088. Aux yeux îles Juifs contempo-i rains du Sauveur, le travail manuel était d’ailleurs en haute estime, et de nombreux rabbins pratiquaient toutes sorles de métiers. Matth.. îv. 18-29 : xx. 1-11, Luc, xxiu. 33 ; Marc, ii, 21 ; VI, 3 ; ix. 3 ; Joa., XIX, 29 ; xxi, 3-4 ; Ad., xviii, 3, relatent différentes professions ; cf. Schwalm, La vie privée du peuple juif, Paris, 1910, p. 206-221 ; 242-246 ; 303-304, etc. Le Talmud surtout nous tait connaître la vie du peuple juif â ce point de vue, nous rappelant les pressantes exhortations des docteurs de la Loi en laveur du travail manuel. Cf. F. Delitzsch, Handwerkerleben zur Zcit Christi. ein Beitrag zur neutestamentlichen Zeitesgeschichte, Leipzig, 1868 ; L.-Cl. Fillion, Essuis d’exégèse, Paris, 1884, p. 239-200. Rien d’étonnant donc, que Jésus ait travaillé, simple et laborieux artisan, subvenant, par son labeur quotidien, aux besoins de sa mère et aux siens propres, après la mort de saint Joseph.
6. Dans un autre ordre de choses, il ne semble pas qu’à l’exemple îles jeunes Israélites, qui se proposaient d’embrasser la carrière alors si glorieuse de docteur de la Loi, Jésus-Christ, après quelques leçons reçues peut-être dans l’humble école (attenante à lasynagogue de la bourgade), ait suivi pendant plusieurs années les cours des académies rabbiniques de Jérusalemou d’autres villes de Palestine. Saul avait reçu cette éducation, Act., xxii, 3. Mais de Jésus, on savait pertinemment à Jérusalem qu’il n’avait pas fréquenté les écoles supérieures, Joa., vii, 15 ; et à Nazareth, où s’écoula toute la jeunesse du Sauveur, on ne comprenait pas, lorsqu’il sortit de son obscurité, d’où lui venait une sagesse si extraordinaire. Matth., xiii, 54 ; Marc, vi, 2-3. Si Jésus reçoit plus tard les titres de rabbi ou de rubboni, .Matth., xxvi, 25, 49 ; Marc, ix, 4 ; x, 51 ; xi, 21 ; xiv, 45 ; Joa., iii, 2 ; iv, 31 ; ix, 2 ; xi, 8 ; xx. 10. c’est uniquement à cause de sa science étonnante des Écritures et de la Loi. Si Jésus devait à une influence humaine quelque progrès intellectuel de ce chef, ce serait bien plutôt à ses fréquentations assidues aux pieux exercices des synagogues, aux jours de sabbat et de fête, Matth.. iv, 23 ; ix, 35 ; xii.ll ; xiii, 54 ; et à ses lectures de la Bible, le livre éducateur par excellence. Les formules qu’il emploiera pour introduire ses citations : « N’avez-vous pas lu ?… Comment est-il écrit’?… Comment lis-tu ?… » Matth., xii, 3. 5 ; xix, 4 ; xxi, 16, 42 ; xxii, 31 ; Marc, ii, 25 ; xii, lu. 26 ; Luc, vi, 3 ; x, 20, prouvent à elles seules à quel point il connaissait la Bible. Et les emprunts qu’il fera a la Bible montrent retendue, la sûreté, la pénétration dises connaissances.
7. Pourrait-on dire que Jésus ait été redevable d’une partie de son développement moral à la tentation, à l’épreuve ? Il fut tenté, certes — les évangélisles le disent en toutes lettres, Matth., iv #, 1-11 ; Marc, i, 12-13 ; Luc, iv, 1-13, — mais sans péi Heb., iv, 15, car il n’était pas possible que le mal moral effleurât jamais de son souille celui qui est né saint >. Luc, i, 37. Ces tentations du moins et les victoires réitérées dont elles furent l’occasion, on ! contribué pour leur part a faire croître.lesus en sagesse et en grâce. I)es tentai ions, on peut dire déjà ce que l’auteur
de l’épître aux Hébreux affirme <les souffrances par rapport a l’obéissance du Christ. Certes. Jésus pi dail la vertu d’obéissance, aussi parfaite dès le premier instant de sa Vie qu’à l’heure de sa mort ; mais l’exercice de cette vertu s’esl manifesté dans l’expérience concrète des difficultés de l’existence ; cum essei F Mus Dei, didicit, aUs qum passus est, obedientiam, I leb.. v, 8,
4° Insuffisance absolue de ces explications. Et 1 18
cependant, il faut avouer que toutes ces raisons humaines ne suffisent pas à expliquer le développement intellectuel et moral de Jésus. Elles n’en révèlent qu’un aspeet. celui par lequel le développement se trouve en relation avec Ks événements extérieurs dans lesquels évolue l’existence humaine de Jésus : i Un résultat beaucoup plus grand, écrit encore fort à propos M. Fillion, op. cit., p. 367-368, fut produit, dès sa première jeunesse, par ses réflexions personnelles sur ce qu’il voyait et entendait, spécialement sur son rôle de.Messie et sur ses relations avec Dieu. En vérité, c’est avant tout dans cette direction, du côté de la personnalité de Jésus, que nous devons chercher la raison la plus efficace et la cause essentielle de son développement. Le reste ne pouvait être qu’accessoire et superficiel. Rendons cette justice à la plupart des néo-critiques : ils admettent eux-mêmes qu’il en fut ainsi, et ils le disent parfois en termes excellents : Nous venons, écrivait Auguste Sabatier, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. viii, p. 366-367, de marquer toutes les influences au milieu desquelles grandit Jésus….Mais il serait bien vain de vouloir expliquer sa personnalité comme le produit naturel de leur action combinée. Cette explication mécanique ou physiologique ne suffit jamais à expliquer un grand génie… Il reste, dans cette grande individualité, à côté des actions extérieures qui l’ont formée au dehors, une force intime, un nescio quid divinum qui vient du dedans et qui échappe à toute appréciation. Or, cet élément primitif, spontané et divin, a fait l’originalité de Jésus… De quel élément veut-on parler ici ? « La marque distinctive de Jésus est d’avoir apporté dans le monde et conservé jusqu’à la fin une conscience pleine de Dieu et qui ne s’en est jamais sentie séparée. S’il trouvait Dieu si sûrement dans l’Ancien Testament ; s’il le voyait si clairement dans la nature ; c’est qu’il l’avait en lui-même et qu’il vivait intimement avec lui dans un perpétuel entretien. » Il y a, dans ces lignes, quelques idées très justes, et il nous plait de constater que nos adversaires les plus éminents reconnaissent que c’est dans la nature exceptionnelle et unique de Notre-Seigneur qu’on doit chercher le vrai principe de sa croissance. Voir aussi Stapfer, Jésus-Christ avant son ministère, Paris, 1896, p. 186-187 ; Th. Keim, Geschichte Jesu, 1. 1, p. 150. Mais que l’aveu est incomplet, imparfait ! C’est qu’on ne consent à voir en Jésus-Christ que de l’humain, du relatif par conséquent, tandis qu’il possédait de l’absolu, du divin. In divinité même. »
En effet, les relations étroites que Jésus avait avec Dieu n’étaient pas seulement celles que la prière et la méditation établissent entre le Seigneur et ses amis lidèles, — et que « lire de la ferveur, de l’extase des
oraisons du Verbe incarné, des lumières que son esprit’I sou âme y puisaient incessament ! mais celles d’une identité de nature, d’une génération et d’une
filiation* strictement divines. N’allons doue pas chercher sur la terre, dans les hommes ou dans les choses, dans la nature ou dans l’histoire, la raison dernière du développement, de la formation du Christ Jésus. Cherchons-la dans son origine céleste. N’a-t-il pas dit un jour, Joa., vii, 16, que son enseignement était celui du Père qui l’avait envoyé, et n’est-ce pas dans le sens
le plus littéral qu’il (’tait le Fils de ce grand Dieu ? Son éducateur véritable, c’est donc le Dieu vivant ; c’est par conséquent lui-même. Le milieu c’est-à-dire le pays, la famille, l’école, la synagogue, les
i, de l’expérience et des choses, la lecture de la
Bible a certainement contribué quelque peu à
l’éducation morale du Sauveur ; mais son instruction principale, c’est le Verbe. Et nous en arrivons ainsi h la formule théologique que nous trouverons chez les Pères ci les grands docteurs de l’Église et que Mgr Le
Camus a condensée très exactement en ces paroles : « L’homme ne se séparait pas de Dieu au fond de cette personnalité divine. Il ouvrait progressivement, et selon les occasions diverses, l’œil de son âme à la lumière du Verbe qu’il portait essentiellement présente en lui. Il y lisait l’œuvre à accomplir ou la parole à prononcer. Ainsi, à la science naturelle et humaine, S’ajoutait la science divine, à laquelle il avait recours dans les proportions requises par les événements, et d’après les lois prudentes que la Providence traçait elle-même. Or, ces événements étaient toujours conformes aux phases régulières de la vie humaine ; voilà pourquoi l’évangélisle observe que l’enfant croissait en sagesse devant Dieu et devant les hommes, c’est-à-dire cpie, tout en ayant la science infinie de Dieu à son service, l’homme en Jésus-Christ ne s’en servait que proportionnellement à ses besoins, selon les lois du développement de sa nature humaine et de sa mission divine. » La vie de N.-S. Jésus-Christ, Paris, 1883, t. i, ]>. 215.
II. L’IIUMAXITÉ DU SAUVEUR JÉSUS. — Il faut
maintenant reconstituer, d’après les données de l’Évangile et dans la mesure du possible, la physionomie et les caractères de cette humanité qui. depuis l’instant de la conception virginale, appartient au Verbe incarné et s’est développée en lui selon les lois de la croissance normale, habitu inventus ut homo. Toutefois, avant d’aborder cet aspect nouveau de notre élude, il convient d’éliminer une expression peu acceptable et que néanmoins on est souvent tenté d’accepter. On parle parfois de la i personnalité humaine de Jésus » : le sens que recouvre cette expression est, chez les catholiques, très certainement orthodoxe. On veut signifier la physionomie, la nature humaine du Christ. Théologiquement, puisqu’il n’y a, en Jésus-Christ, qu’une seule personne, la personne même du Verbe, voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 438, il ne peut y avoir, en Jésus-Christ, qu’une seule personnalité, et ce serait par un abus manifeste de langage quon parlerait de sa personnalité divine et de sa personnalité humaine. Éliminons donc à tout jamais de notre langage théologique une expression dangereuse et impropre, et ne discourons que de l’humanité du Sauveur Jésus, humanité complète, faite de corps et d’âme comme la nôtre, avec toutes les propriétés de l’âme et du corps. Rappelons toutefois que notre étude, présentement, se borne à rechercher dans l’Évangile, la physionomie de cette hum i.iité et laisse délibérément de côté les précisions comme les erreurs qui s’ajoutèrent ou s’opposèrent, au cours des controverses théologiques des âges postérieurs, à la révélation évangélique.
1° L’humanité complète et parfaite du Sauveur Jésus.
— 1. Après ce que nous avons déjà recueilli dans les synoptiques louchant la conception, la naissance, la croissance phj Sique, intellectuelle et morale du Christ, il est impossible de douter de la réalité de Jésus comme homme. Avec saint Luc, nous avons suivi les transformations de Celui qui, d’abord embryon dans le sein de sa mère, est devenu petit enfant, puis enfant, avant de parvenir a l’âgé de la maturité, iii, ’22 : àvTjp. L’humanité complète et parfaite du Sauveur est si manifeste dans tous les faits dont la trame de son existence est formée que les synoptiques ne songent pas a en proposer la vérité d’une manière particulière. Cette vérité éclate manifestement en ce que le Christ est né, a grandi, a vécu comme un homme au milieu des autres hommes, mangeant, buvant, donnant, conversant avec eux. a souffert et dans son âme et
dans son corps les tourments de sa passion douloureuse, est mort très réellement cl. dans sa résurrection, a 1res réellement réuni son âme à son corps, donnant, de la vérité de cette humanité reconstituée, L149
J] £S1 S-l KRIST. L’HUMANITÉ Dl SAUVEUR
L150
maints témoignages sensibles. Marc., wi, ; ». il ; Luc, nmv. 30, 39 ; 43. Et déjà, rien qu’a la lecture dos synoptiques, on peut formuler la conclusion qui sera
plus tard celle de Tertullien. Si le Christ ne fut pas homme, toute sa vie n’est que mensonge. Adversus Marcianem, 1. 111. c. viii. Cf. De carne Christi, c. v,
I’. L. t. h. col. 360, 805.
Il convient toutefois d’insister sur une expression qu’on retrouve maintes fois chez les synoptiques et dans saint Jean : Fils de l’homme (31 fois dans saint Matthieu. 1-1 dans saint Mari-. 25 dans saint Lue. 12 dans saint Jean : on la lit encore dans Act., vii, 5C et Apoc, i. 13 : xiv, 14). Malgré l’assertion contraire de plusieurs critiques, notamment de Lietzmann, Der M. nschensohn, Fribôurg-en-Brisgau, 1896, J. Wellhausen. Ski ::en und Yorarb’iten, t. vi (1899), p. 202, cf. N. Schmidt, art. Son of mon, dans YEncijclopsedia biblica. de Cheyne, t. iv, col. 4732, c’est bien Notre-Seigneur Jésus-Christ qui s’est donné à lui-même ce titre de Ris de l’homme. Cf. Dalman. Die Worte Jesu, Leipzig, 1898, p. 210. En quel sens Jésus se donnait-il ce titre ? Nous le rappellerons brièvement plus loin, voir col. 12".’!. Pour le moment, il nous suffit de retenir que Jésus s’est appelé le Fils de l’homme, ce qu’il n’aurait pu faire en tonte vérité s’il n’avait pas été un homme. Et donc l’expression Fils de l’homme est un excellent argument en faveur du caractère réel de l’humanité de Jésus. Ch. Pesch, Prxlectiones dogmatiete, I-ïibourg-en-Brisgau, 1909, t. iv, n. 29 ; Sanday, art. Jesus-Christ, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, t. n. p. 025. Aussi bien, c’est par son humanité, personnellement unie à sa divinité, que Jésus agit, souffre et triomphe : c’est pourquoi il apparaît comme le « Fils de l’homme » dans tous les textes qui se rapportent à son rôle de Rédempteur, de Dieu fait homme. On lira, avec les textes à l’appui, la démonstration de cette vérité dans l’art. Fils de l’homme du Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 2259.
2. Mais, en se plaçant au point de vue du mystère de Ja rédemption, saint Paul sera amené, à plusieurs reprises, à formuler la doctrine révélée touchant l’humanité parfaite de Jésus-Christ, en tous points semblable à la nôtre. « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin de nous faire recevoir la filiation adoptive. » Gal., iv, 4. Le mode de la rédemption est indiquée par la brève formule yev6|i£VOv éx. ywoixéç, yevâtievov ô— ô v6jxov. L’expression yev6[vevov lx Yuvaixôç, rappelle yevàyjsvoç ïv.n-.ïyyj.-.^z ÂotuslS Lyr.% oxpxa, Rom., i, 3, et, comme cette dernière, signifie la formation de l’humanité du Christ selon les lois de la conception ordinaire, du moins quant au principe passif, de cette conception. Il s’agit clone bien d’une humanité réelle et parfaite. Quant à l’autre expression Yev6p.evov ôto vôfzov, elle signifie que le Christ naît sujet de la Loi, en tant qu’il naît membre du peuple hébreu soumis a la Loi. Il le fallait pour mieux faire ressortir le but de la venue du Christ : racheter les sujets du joug de la Loi et de plus, pour répondre à la filiation naturelle que le Christ acquiert dans l’humanité, conférer à tous la filiation adoptive. Avec plus de précision encore, saint Paul, dans un autre texte « aussi fameux par sa difficulté intrinsèque que par les divagations sans nombre des exégètes » (Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, p. 214), marque que l’humanité prise par le Sauveur n’a point la souillure du péché : Ce qui était impossible à la Loi, vu qu’elle était alîaiblie par la chair, Dieu envoyant son propre Fils dans la ressemblance de la chair de péché et en vue du péché, condamna le péché dans la chair, afin que le juste commandement de la Loi s’accomplit en nous. » Rom., viii, 3. La Loi montrait a l’homme le chemin de la justice et devait l’y conduire ; mais elle avait été
entravée et paralysée par la chair, c’est-à-dire par le
penchant au mal qui vicie la nature humaine. Pour vaincre et anéantir le péché dans son propre domaine. Dieu envoie son Fils dans la ressemblance d’une chair de péché, Paul ne dit pas : « Dans la ressemblance de la chair » ; car, s’il parlait ainsi, il laisserait entendre ou que le Christ n’a pas de chair véritable ou que sa chair était d’une nature différente de la nôtre. Mais il ne dit pas non plus > dans une chair de péché, i car il ne faut pas qu’on comprenne que le Christ a revêtu une chair de péché. Il dit donc, avec un rare bonheur d’expression : « Dans la ressemblance d’une chair de péché ; i car la chair du Christ est bien une chaire réelle que rien physiquement ne distingue de la nôtre mais elle n’est qu’en apparence une chair de péché, n’ayant rien de commun avec le péché. Cf. Prat, op. ciï., p. 244-245.
C’est donc parce qu’il doit être le nouvel Adam, restaurateur de l’ordre bouleversé par notre premier père, médiateur entre Dieu et les hommes, que le Verbe deviendra homme et réparera pour tous ceux qui participent à la nature humaine : Le premier Adam est un homme terrestre et grâce à la filiation que nous avons par rapport à lui, nous portons en nous l’image de l’homme terrestre ; mais le Christ est l’homme céleste et, par la filiation adoptive, nous communiquera l’image de l’homme céleste et la vie. Cette opposition entre l’œuvre de mort accomplie dans l’humanité par l’homme Adam et l’œuvre de vie accomplie par l’homme Jésus est reprise par saint Paul sous différentes formes ; mais toujours le terme moyen des comparaisons est l’homme qui existe aussi bien dans le premier Adam que dans le second : ’O — çwto ; a10p(O710ç… ô ScÛTspoç av0pcù7TOç, I Cor., xv, 47 : ; 1. v. lô : ôr : pà>TOç ; l/Qzo)~ r jq’ASàf.y., ô ëayaTGç’ASocu et aussiꝟ. 21-22 : « Par un homme est venue la mort, et par un homme la résurrection des morts ; et comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ. » Quant à l’épître aux Romains, elle est encore plus précise. Rom., v, 12-19 : « Le péché est entré dans le monde par un seul homme… ; si par le péché d’un seul (homme) beaucoup sont morts, bien plus abondamment la grâce et le don de Dieu, par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont répandus sur un grand nombre… Si, par le péché d’un seul, la mort a régné par un seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de 1 ? grâce, et du don, et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus-Christ. Comme donc c’est par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c’est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la justification de la vie. Car, de même que par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, de même aussi, par l’obéissance d’un seul, beaucoup sont constitués justes. » De tous ces textes, il ressort que Notre-Seigneur, nouvel Adam, fut homme comme le premier : le premier Adam loutefois n’était qu’un homme ; Jésus-Christ, au contraire, tout en possédant l’humanité, possède aussi un nom qui est au-dessus de tout nom. Phil., il, 9. Si Jésus n’était pas homme, mensonge serait donc la rédemption tout entière : En effet, si Jésus-Christ n’élail pas vraiment homme, il ne serait l>as notre frère ; s’il n’était pas notre frère, il ne serait pas notre chef au sens strict du mot, s’il n’était pas notre chef, il ne serait pas notre représentant ; sa grâce lui serait personnelle et sa justice ne serait la nôtre à aucun titre. Ainsi s’explique l’insistance avec laquelle Paul inculque sans cesse la réalité de la nature humaine du Christ. » Prat., op. cit., p. 250. Mais, homme parfait, Jésus ne cessera pas d’être Dieu. « En lui habite corpoicllcinent la plénitude de la divinité. » Col., ii, 9. « Existant en la loi me de I lieu, il ne regarde
pas l’égalité divine comme une proie, niais il se dépouille lui-même, | en] prenant la forme de l’esclave et devenant semblable aux hommes : et reconnu homme, par ses dehors (lesquels manifestaient la réalité de sa nature), il s’abaissa, se faisant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix, i I’hil.. h. 6-8. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 447-4 19.
La formule : èv a’J7Ô> xoCTOUceï -âv -6 7r).Tjpw[ix tîjç 0sôt/ ; to ; a<o[iaTixwç, Col., n. 9, est significative par l’emploi d’une part du mot ->.r, p<ou.’z si en vogue plus tard parmi les gnostiques et d’autre part de l’adverbe si énergique uojjxaTixûç. Elle montre que saint Paul, en affirmant la réalité de l’humanité du Christ, par rapport à notre rédemption, entendait fermer la bouche au docétisme. auquel il fait une évidente allusion dans I Tim., vi, 20. ("est contre cette « science qui n’en mérite pas le nom, » qu’il affirme solennellement « qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus (fait) homme : i |1, Sc(t7)Ç ©sou xal àvôpcoTTcov avGpcorcoç Xpurràç’Lqaoûç, I Tim., a, 5.
3. Cette préoccupation antidocète, nous la retrouvons plus accusée encore, chez saint Jean. L’affirmation solennelle du début de son évangile : Le Verbe s’est fait chair (c’est-à-dire : homme) et il a habité parmi nous, i vise nettement et explicitement la réalité de l’humanité du Sauveur. Voir Incarnation, t. vii, col. 1446-1447, et Hypostatique (Union), ibid., col. 446-447. Mais dans les épîlres, c’est bien le docétisme qui est combattu : « Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Ant ichrist. i I Joa., IV, 3. « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde ; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair : c’est là le séducteur et l’Antichrist. » II Joa., 7. Ces allusions au docétisme naissant font comprendre le début île la l r’épître : Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nus yeux, ce que mais avons contemple et ce que nos mains ont touché du Verbe île pie. » C’est encore une attestation de la réalité de l’incarnation qu’on trouve dans ce verset : » C’est lui qui est venu par l’eau et le sang. Jésus-Christ, non dans l’eau seulement, mais dans l’eau et dans le sang, i 1 Joa., v, (i : allusion évidente au baptême du Christ et à sa passion non moins qu’à l’eau et au sang sortis du côté de Jésus en croix. Cf. Lebreton, Les origines du dogme île la Trinité, Paris. L910, p. I27-I2.S. D’ailleurs le réalisme intransigeant de saint Jean, en ce qui concerne la chair du Christ, est une des notes caractéristiques de son évangile spirituel. Le chapitre vi, dans le discours eucharistique qu’il contient, est significatif à cet égard. Saint Jean y accentue le caractère physique de l’union du fidèle au Christ : » Si VOUS ne mangez la chair du Fils de l’homme et si ous ne buvez sou sang. VOUS n’avez pas la vie en vous, i Joa.. VI, 54. Et la chair du Christ est pour la chair de l’homme le gage d’une i ésurreel ion glorieuse.. 55. I.’eucharistie est une telle preuve de la réalité de la chair du Christ que précisément les doceles s’abstiendront de prendre part au banquet sacré, parce qu’ils ne croient pas a l’humanité du Sauveur. S. limace. Snu/rn., vii, 1. Cf. Lebreton, <>i>. cit.. p. 10$1-$205.
Entrons dans quelques détails particuliers, plus significatifs, pour mieux marquer la realité de l’humanité du Christ, soit dans son corps, soit dans son aine.
1 ! " Le corps du Christ. 1. C’est par le mot chair
que saini Jean, nous lavons vii, désigne l’humanité,
puce que la chair est la portion visible de celle humanité ; saiul Paul nous dit également que le Christ pacifie par le sang de sa croix, » réconcilie - dans le COrpS de Sa chair.’Col., I, 20, 22 ; Jésus n’a 1 il pas
participé i à la chair et au sang » afin de détruire par la mort celui qui avait l’empire de la mort’? lleb., Il, 14. Nier la réalité du corps du Christ, ce ne serait pas seulement rejeter la réalité de son humanité complète et parfaite dont nous venons, en traits généraux, de démontrer l’existence, ce serait encore s’inscrire en faux contre la multitude des détails relevés par les évangélistes touchant les gestes habituels, les mouvements familiers du Sauveur.
2. Ils nous le montrent. en elïcl. dans diverses attitudes ; tantôt debout, Marc, iv, 39 ; Luc, viii, 24 : Joa.. vii, 27 : xiv..’il : tantôt assis. Mat th.. v. 1 ; xin. 2 ; xxiv, 5 : XXVI, 55 ; Marc, iv, 1 ; xii. Il : xiii, 3 ; Luc, IV, 20 : v, 17 ; Joa.. îv. Il : nui. 2. Parfois, il est étendu sur un divan, selon la coutume d’alors, pour prendre ses repas, Matth.. xxvi, 7 : Marc, xiv, 3 ; Luc, vii, 37 ; xi. 37 : Joa.. xiii, 1-1 ; ou bien il dort allongé sur le pont d’une barque, la tête appuyée sur un coussin. Marc, iv, 36. S’il prie, il est ou agenouillé, Luc, xxii, 41, ou prosterné par terre. Matth., xxvi. 30 : Marc. xiv. 35. Ses mains rompent les pains avant de les distribuer. Matth.. xiv.ltl : xv, 36 : XXVI, 26 et passades parallèles de Marc et de Luc ; Luc, xxiv. 30 ; prennent la coupe consacrée et la liassent aux apôtres, Mal th.. xxvi. 27 : Marc. xiv. 29 ; Luc, xxii. 17 : bénissent les petits enfants. Matth., xix, 13, 15 : Marc, x, 16 ; Luc, xviii, l.">, et les disciples, Luc, xxiv, 50 ; louchent les malades pour les guérir, Matth.. viii. 3 ; 15 ; ix. 29 ; xx. 34 ; Marc, i. 31 : viii, 23 ; Luc. iv. 10 ; v, 13 ; xxii, 51, etc. : et les morts pour les ressusciter, Matth.. ix. 5 : Marc, ix, 41 ; Luc, vu. Il : viii. 5 1 ; chassent les vendeurs du temple et renversent les tables des changeurs, Matth., xxi, 12 ; Marc, xi. 15 ; Joa., ii, 15 ; lavent humblement les pieds des apôtres. Joa., xiii. 5. Son corps tout entier se meut. « soit lorsqu’il se baisse et saisit saint Pierre qui s’enfonçait dans les eaux courroucées du lac, Matth., XXV, 31 ; soit lorsqu’il place à ses côtés, pour donner une leçon aux Douze, un petit enfant qu’il baise affectueusement, Matth.. xviu. 2 : Marc, ix. 35 ; xiii, l(i ; Luc. ix..17 : soit lorsqu’il se penche et écrit avec son doigt sur le sol, en face des accusateurs de la femme adultère. Joa., %iu. S ; soit lorsqu’il tourne le dos vivement à l’un de ses interlocuteurs, pour marquer son mécon teiitement, Matth., XVI, 23 ; Marc. viii. 33 : Luc. îx. 55 ; ou qu’il se retourne vers ses auditeurs pour donner plus de poids à ses paroles. Luc. vu. 9 ; x. 23 : xiv. 25 ; xxui, 28 ; cf. Matth.. ix, 22 : Luc. vii. Il : Joa., i. 38. Le plus émouvant de lous ses gestes fut certainement celui qu’il lit sur la croix, en inclinant la tête au moment où il exhalait son dernier soupir. Joa.. xix. 30. Que de fois aussi, les évangélistes ont noté les regards de Jésus ! Regard droit et bien en face, sur Simon, la première fois que Jésus le rencontra. Joa.. i. 42 ; regard pénétrant et douloureux sur le même apôtre dans la cour du palais de Caïphe après le reniement, Luc. xxii, 61 ; regard rempli de tendresse sur le jeune homme riche, mais lâche. Marc. x. 21 ; regard brillant de colère sur ceux qu’aveugle l’incrédulité, Marc, m. 5 ; regard aimable SUT Zacliéc. Luc. xix. 15 ; regard bon sur l’hémorrhoïsse, Marc.. 32 ; regard mélangé de tristesse et d’admiration sur les riches qui jettent avec ostentation leurs aumônes et la pauvre veuve qui dépose timidement son obole. Maie., xii. Il 12 ; regards pleins d’une muette indiquai ion. au soir de son entrée triomphale, condamnant les abus qui s’étaient Introduits dans les parvis
du temple, Marc, xi. 1 1 : regards admirables d’extase, quand le Christ levait les yeux au ciel pour prier Dieu. Matth., xiv, 19 ; Marc.vi, 11 : vu. 31 : Joa.. xi. Il : x
. i. Jésus aimait a regarder ses apôtres et ses, i ciples avant de leur parler, Matth., xix. 26 ;.Marc. m. 51 ; iii, : ; ; i ; x, 27 : Luc. VI, 20 ; et il regardait ainsi la 1 5’.
foule, avant de commencer son discours sur la montagne. Luc, vi. 20. La voix de Jésus savait prendre
les diverses intonations humaines, traduisant ainsi les sentiments cle l’âme humaine « lu Sauveur : i tour à tour, elle se faisait ferme et sévère, lorsque Jésus était contraint d’adresser un reproche, Matth., iv, l.
G, 10 ; xvi. l-l. 23 ; ou d’intimer un ordre à l’accomplissement duquel il tenait. Mare., i. 25, 43 ; i. 39 ; terrible pour prononcer un réquisitoire, Matth.. xxiii. ou une sentence de damnation, id., xxv, 41 ; en d’autres circonstances, ironique et méprisante. Matth.. iv. 1-10 : xxi. 27 ; Mare., m. 17 ; Lue., xiii. 15-16, 32 : autoritaire. Matth.. xxi. 1’.' : Mare., v. Il : Luc. vu. 1 I ; Joa., xi. 43 ; joyeuse. Matth.. vin. 10-11 ; Mare… 20-31. ou triste. Matth.. xi. 20 : Mare., x. 23-25 ; Joa., xiii. 27. infiniment tendre. Matth.. xxv. 31-40 ; Joa., i. 20-27. l-’illion, op. cit., p. 386-390.
3. Quant aux traits physkjues de Jésus-Christ, nous en sommes réduits aux conjectures ; à cause dis., lu. 13-liii. 12. voir eol. 1121. un assez, grand nombre d’auteurs des premiers siècles avaient imaginé que Jésus était laid de visage, petit, sans aucune distinction extérieure. Ainsi pensaient saint Justin. Dialog., n. 11. P. G., t. vi. col. 505 ; Clément d’Alexandrie, Strom.. 1. VI. c. xvii : Psedag., 1. III. c. 1, n. 3. P. G., t. ix. col. 381 ; t. vin. col. 557 ; Tertullien, De carne Christi. c. m : Adv. Judœos, c. xiv, P. L.. t. ii, col. 801, 679 ; et plus tard saint Basile et saint Cyrille « l’Alexandrie. Au cours des siècles, l’opinion contraire a prévalu, s’autorisant de Ps., xliv, 3, epai déclare le Messie le plus beau des fils des hommes, > et après saint Jérôme. Epist. lxv ad Principiam uirginem, n. S ; Comm. in Matth.. I. IX.c.ix. v 9, P. L., t.xxii, col. 627 ; t. xxvi. col. 57 : saint Augustin, De Trinilate, I. VIII, c. iv. n. 7. P. /… t. xlii. col.’.1.51 ; et, chez les grecs, saint Jean Chrysostome, In Mtdlhxum homilix, xxvii. n 2 P.’L. t. i.vii. eol. 310. les grands théologiens l’ont accueillie presque unanimement. Cf. S. Thomas. Sum. theol., UL. q. xiv. a. 4, et Comm. in ps. xliv-, Suarez, De incarnatione, disp. xxxii, sect. 2. D’après Legrand, De incarnatione, rliss. ix, le Christ n’était ni beau ni laid. Thomassin, De incarnatione, I. IV, c. vu. est partisan de la laideur. L’évangile nous dit simplement « iue le Verbe incarné nous est apparu i plein de grâce et de vérité », Joa., i, 14, que les foules l’entouraient, pleine d’admiration pour. « les paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ►. Luc. iv. 22. Faut-il entendre ce mot grâce, en un sens plénier, qui inclue la grâce corporelle ? L’ascendant exercé par Jésus sur les foules semble bien suggérer cette interprétation. Voir Mgr Landriot, Le Christ et la tradition, Paris, 1865, t. ii, p. 291-294. F. Vigouroux, Le nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, p. 402-405 ; J. A. Van Steenkiste, De pidchriludine Jesu corporali, dans son Evangelium sec. Matth.. Bruges, 1882, t. iv, p. 1464-1468. Il est inutile de rappeler que nous ne possédons aucun portrait authentique de Jésus-Christ : les plus anciennes images peintes dans les catacombes sont des œuvres d’imagination, et, d’ailleurs ne sont pas antérieures au iv siècle ; voir Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. Catacombes (Art des), t. n. col. 2777. Il « si pareillement difficile de dire quel élément historique peut exister dans la légende de la face de Jésus-Christ reproduite sur le voile de Véronique, ou de l’empreinte laissée par le corps du Sauveur sur le sain ! suaire. Même en ne reconnaissant pas l’authenticité d « -s reliques « pion nous présente sous ces noms, notre piété envers Jésus-Christ n’a rien a perdre. Par ailleurs il n’esl pas besoin d’être un critique bien audacieux pour déclarer apocryphes, le portrait et la lettre envoyés par Noli c-Seigneui a Abgar, les images attribuées a Nicodème, ; i saint
DICT. DE THÉOL. (A 1 11’. I..
Luc et les achéropita. MarUCChi, Eléments d’archéologie chrétienne, 1. 1, Paris-Rome, 1900, p. 31 1. Voir
ABGAR, t. 1, eol. 07-73 et dans le Dictionnaire d’archëo logie, l’article Abgar ( Légende « P). Les descriptions de la physionomie « le Notre-Seigneur, celle « le saint Jean Damascène, Epist. ad Theophilum, n. 3-4, P. G., t.xcv col. 319 : celle de Nicéphore Callisle. Hisl., 1. I. e. i. ; cꝟ. 1. 11. c. vu. xi.iii : I. VI, C. xv. P. G’., t. c.xi.v.eol.747 ; et celle, très certainement apocryphe, de Publius Lentulus, cf. Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, t. i, p. 301-310, semblent, à cause de leur ressemblance, procéder d’une source commune antérieure. La statue, élevée par l’hémorrhoïsse de l’évangile, â Panéas, en l’honneur du Christ, au dire d’Eusèbe, H. E., t. I, c. xiii, P. G., t. x, col, 120 sq., si tant est que celle statue ait représenté le Christ, a pu servir de modèle aux images orientales et aux nouvelles images introduites en Occident â la fin du ive siècle.
Sur la physionomie de Jésus : Philpin de Ri 1ère, La physiologie du Christ, Paris, 1899, p. 250-270 ; Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2 édit., p. 386-388 ; E. von Dobschiltz, Christusbilder. Untersuchungen zur christlichen Légende, dans les Texte und Untcrsucliungen, t. xviii, 1899 ; F. X. Kraus, Real-Encyklopâdie der christlichen Alterthùmer, t. ii, p. 7-28 ; Hastiuns, Dictionary of Christ and the Gospels, t. i, p. 308-31 G ; Gliiekselig, Studien ùber Jésus Clu-istus und sein wahres Ebenbild, Prague, 1863 ; Ch. Mariamis, Jésus und Maria in ihrer àusscren Gesialt und Schônheit, Cologne, 1870 ; G. -A. Muller, Die leibliche Gestalt Jesu Christi, Graz, 1909. Voir également, parmi les rationalistes, K. Hase, Geschichte Jesu, Leipzig, 1891, p. 321-330 ; Th. Keim, Geschichte Jesu von Naxara, Zurich, 1867, t. i, p. 459-464 ; et Farrar, The Life o/ Christ in Art, Londres, 1894 ; J. L. French, Christ in sacred Art, Londres, 1900.
1. Il convient d’ajouter ici quelques traits relatifs â la vie journalière du Christ. — a) A l’annonciation Marie habitait Xazareth : c’est donc là qu’eut lieu l’incarnation ; la naissance du Sauveur doit être placée â Bethléem, cf. col. 1141. Après le retour d’Egypte, Joseph lixa le séjour de la sainte famille à Nazareth, Matth., ii, 12-13, où Jésus vécut jusqu’au moment de sa vie publique. Pendant sa vie publique, le Sauveur n’a plus de demeure fixe : Capharnaùm, que saint Matthieu, ix, 1, appelle < sa ville » était le centre principal d’où rayonnait son activité. Joa., ii, 12 : Matth., iv, 13. Sans doute, un disciple y avait-il mis une maison â sa disposition. Mais le divin Maître dut recevoir fréquemment l’hospitalité. L’Évangile nous en cite quelques exemples : Simon le pharisien, Luc, vii, 36-50 ; Simon le lépreux, Matth., xxvi, 67 ; Marc, xiv, 3 ; Joa., xii, 1-3 ; Zachée, Luc, xix, 1-10 ; le propriétaire du Cénacle. Matth., xxvi, 18 ; Marc, xiv, 13-15 ; Luc, xxii, 11, 12. Mais, dans ces exemples, il ne s’agit pas d’une hospitalité prolongée, telle qu’on la soupçonne exister là où Nicodème vint trouver Jésus « de nuit », Joa., iii, 2, et surtout chez Lazare et ses sœurs. Souvent aussi, quand le Maître se retirait loin des villes et des bourgades, il pouvait dire « pie le Fils de l’homme n’avait pas où reposer sa tête, tandis « pie les chacals ont leur tanière el 1rs oiseaux leur nid. Matth. vin, 20 ; Luc, ix, 58. — b) Le costume du Sauveur ressemblait a celui du commun des Galiléens, avec le turban Ilot tant d’usage invariable parmi ses compatriotes et indispensable sous le climat de Palestine, surtout en voyage. Jésus avail uni’tunique sans couture. Joa., iii, 2. ;. Pour tout le reste, couleur, forme, non, en sommes réduits.< de simples probabilités. Les chaussures étaient des sandales retenues par des cour-Matth. , iii, 1 1 ; Marc, t, 7 : Luc, m. 16 ; Jo
27. Nous sommes certain toutefois « pie la plus grande
simplicité régnait dans le vêtement du Christ : il avail dû mettre pour son compte personnel en pratique les
Vlll. 37
1155
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. L’AME Dl CHRIST
1156
recommandations qu’il avait faites à se*, apôtres,
de s’en aller prêcher dans le plus simple appareil : ni bâton, ni provisions, ni d’argent, pas de rechange pour la tunique ni les sandales. Mat th.. x, 9 ; Marc., vi, 8, 9 ; Luc, ix, 3 ; x, 4. — c) La nourriture de Jésu : Christ devait se composer des aliments les plus communs, ceux qu’il nomme lui-même dans une île ses instructions, le pain d’orge, le poisson, les œufs. Matth., vii, 9, 10 ; Luc. xi, 11, 12. Les apôtres allaient quelquefois eux-mêmes chercher ces provisions, Joa., iv. 8 ; et ils les emportaient avec eux quand c’était nécessaire, Marc. vin. M : mais ordinairement de saintes femmes pourvoyaient à ce soin. Luc. vin. 3. Les apôtres disposaient de quelque argent pour acheter le nécessaire Joa., VI, (>, 7 : mais Judas fut chargé de tenir la bourse et de faire certains achats. Joa.. Mil, 29. Noire-Seigneur accepta parfois des invitations à des festins. Matth., ix, 9-17 ; Luc, vii, 36 ; xiv. 1 : xix, 1-10 ; Joa., ii, 2 ; xii, 1-10 ; certains esprits étroits ont pu s’en scandaliser et l’appeler ( gourmand et buveur de vin ». Matth.. xi, 19 ; Luc, vu. 34. d) L’Évangile ne parle pas souvent du repos de Jésus. Une lois, fatigué du chemin, il s’assied près du puits de Jacob, Joa., iv, 6 ; pendant une traversée du lac de Tibériade, il dort dans la barque, la tête appuyée sur un coussin. Matth., viii, 21 ; Marc, iv, 38 ; Luc, vm, 23. Mais, par contre, l’Évangile relate les nuits fréquemment passées en prière, Luc, vi, 12 : cf. v, 1(5 ; xi. 1 ; Marc, i, 35.
5. Enfin, la réalité du corps de Kotre-Seigneur est encore al testée par les infirmités corporelles qui sont requises pour que le Christ pût réparer en souffrant pour nous. Cf. Luc, ix, 22 ; xvii, 15 ; xxiv, 26, 40 ; AcL. xvii, 3 ; 1 Pet., ii, 21 ; iv, 1, etc. Il ne s’agit pas, évidemment, des infirmités qui, en conséquence du péché originel, amènent une déformation dans la nature humaine, mais simplement des conditions physiques qui rendent possible la souffrance. Le Sauveur, en conséquence, de son humanité, a connu la faim, Matth., iv, 2 : Marc, iii, 2d et vi, 31, la soif, Joa.. iv. 7 et xix. 28, la fatigue après une longue marche, Joa., iv. Ci. le besoin de sommeil. Matth.. viii. 21 : Mari’., iv, 38 ; Luc, viii, 23. Comme nous, il a aussi été’sujet à la mort, dont la vue anticipée lui a causé une vive
répugi : e, Matth., xxvi, 37-42 ; Marc, xiv, 33-39 ;
Luc. xmi. 11-11. Toutes ces indications seront plus tard exploitées par la théologie. Voir col. 1327.
- ; " L’âme du christ. 1, A plusieurs reprises, le
divin Mailre. parle de son âme : Joa., xii, 27 : < mon ànie I L//, ) est troublée i ; Matth., XX, 28 : « le Fils de l’homme est venu donner son âme (<ja>x^1 v) " c’est-à-dire, sa vie ; Matth., XXVI, 38 : ( mon aine est triste jusqu’à la mort » ; Luc, xxxiii, 46 : < je remets mon esprit (7TveG(uc) entre vos mains. » Les écrivains sacrés la mentionnent directement, racontant que Jésus connut dans sou esprit t (tô> TTVEÛfvaTl), Marc, il, 8 ; qu’il frémit, qu’il fut troublé < dans son esprit Joa.. m, . ; : ; : xiii, 21 ; qu’il gémit < dans son esprit Marc, viii, 12 ; qu’il < rendit l’esprit (to 77Vïôu.a). Matth.. xxvii, 50 ; Joa., i. 30. Mais c’est surtout indirectement que nous connaissons [’existence de l’âme de Jésus, par les manifestations de son activité naturelle et surnaturelle.’J. La sensibilité de son âme se inanité- le. par les émotions, joeuscs ou tristes, douces ou pénibles, et SUTtOUt par les émotions douloureuses qu’a ressenties le Christ.- n) Disons tout d’abord que, nonobstant les émotions même les plus vives, l’âme tle Jésus
se i édail toujours pleinement ; rien d’excessif n’y
isait, et tout y était dans l’ordre. Tel se mollira JésUS a (icthséinanC, où les émoi ions de son âme furent
pourtant si viveSJ Cf. Matth., xxvi, 36 16 ; Marc,
xrv, ꝟ. 12 : Luc, wii, .".’.t 16. Et Jésus lui-même
montre comme il contrôle et domine immédiatement sa sensibilité. Joa., xii, 27-28. Le calme de Jésus est toujours parfait et admirable : calme au milieu de la tempête, Matth.. viii. 24-26 ; Marc, iv, 37-39 ; Luc, vm. 23-25 : calme en face des démoniaques qui interrompent sis discours, Marc, i, 22-26 ; Luc, iv, 3335, etc. ; calme devant ses adversaires qui l’insultent ièrement, Matth., ix, 3 ; Luc, vii, 49 ; xi, 45 ; xiii. 14 ; Joa., vii, 20, etc., ou qui veulent le frapper. Luc. i. 28-30 ; Joa., vii, 30 ; viii, 59, etc. On pourrait citer d’autres exemples, la réponse du Sauveur aux menaces du tétrarque llérode Antipas, Luc, xiii, 3233 ; sa réponse à l’orgueilleux Pilate, Joa., xix, 11 ; le calme serein avec lequel il s’avance à la rencontre de ses bourreaux. Matth., xxvi. 45-46 ; la paix dans laquelle il rend son dernier soupir. Luc, xxiii. 1(>, etc.
lis ovations populaires ne l’atteignent pas plus que l’ingratitude des hommes. Il n’est point sans ressentir les unes et les autres… ; mais sa belle âme planait au-dessus… A son entrée triomphale à Jérusalem, il se possède comme devant les tribunaux, et l’Hosanna au lils de David ne trouble pas plus sa sérénité que les cris tumultueux de la foule au prétoire. » Mgr Landriot, Le Christ de la tradition, t. ii, ]). 348-349. — b) Néanmoins, Jésus a connu dans une certaine mesure les émotions violentes et douloureuses. lue lois, saint Marc, iii, 5, lui attribue un sentiment de colère ; mais plusieurs fois l’indignation paraît dans les menaces proférées par le Messie, Matth., ix, 30 ; xi. 2(1-21 ; xvi. 23 ; xxi, 19 : xxiii, 1-39 ; Marc, i, 25 ; vm, 33 ; ix, 21 ; x, 14 ; xi, 14 ; Luc, IV, 35 ; ix. 55 ; xi. 39-52 ; xiii. 15, ou encore dans les actes de répression ouverte auxquels il se livre sur les vendeurs du temple. Matth., xxi, 12-13. C’est surtout â Gethsémani et au Calvaire que le Sauveur fait la douloureuse expérience de la crainte, de l’effroi, de la tristesse et du dégoût : ccepit contrislari et mœstus esse, Matth., xxvi, 38 ; ccepit paverc et lœdcrc, Marc, xiv, 33 ; factus in agonia, Luc, xxii, 43. « Mon âme est triste jusqu’à la mort », s’écrie Jésus lui-même. Matth., xxvi, 38. Et c’est un cri de détresse qui s’échappe de ses lèvres, au moment d’expirer : Eli, EU, lamma sabacthanif Matth., xxvii, 16. Com ment de tels sentiments de tristesse pouvaient-ils s’accorder avec l’état de bonheur que l’union hypostatique devait créer dans l’âme de Jésus ? La théologie devra répondre à cette question. — c) D’autres sentiments très humains et d’ordre sensible paraissent encore dans l’âme du Sauveur : la joie. Luc, x, 21 ; l’admiration et l’étonnement. Matth., viii, 10 ; Marc, vi, 0. C’est la meilleure preuve que la présence de la divinité, bypostatiquement unie â l’humanité, n’entravait nullement le cours normal des phénomènes humains dans l’âme de Jésus.
3. L’intelligence du Sauveur. - a) Le divin Maître s’est proclame la - lumière du monde », Joa., viii, 12 ; il esi la vraie lumière qui éclaire tout homme venant eu ce monde, i. 9. A la lumière du Christ s’opposent les ténèbres de l’erreur et du mal, Joa., i, 5 ; iii, 19 ; cf. Matth., vi. 22-23 ; Luc. xxii, 53. L’intelligence humaine du Sauveur a été le phare de cette lumière de vérité. La science du Christ a été aussi parfaite que le requérait sa mission. II est venu sur terre i plein de grâce et de vérité. » Joa., i. 14. Et lui-même déclare à Nicodème : Nous parlons de ce que nous savons, nous attestons ce que nous avons vu. » Joa., iii, 11. Il s’agit ici des hauts mystères, cachés dans la science divine elle-même. Et Jésus atteste qu’il a reçu communication de ces mystères : i Personne n’a jamais vu Dieu, dit-il : le Fils unique, qui est dans le sein du l’ère, a lin même révélé les mystères divins. » Joa., i, 18. D’ailleurs le prophète lsaïe avait prédit que se reposerait sur le Messie l l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et l’esprit de science… » 1157
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JÉSUS-CHRIST. PHYSIONOMIE MORALE Hl CHRIST
L158
[s., xi. 2 ; que le Messie serait i donné comme un témoin aux peuples, comme un chef et un docteur aux
nation-, id.. îv. 1. El Jésus atteste i qu’il est né et venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, i Joa., xviii, 37. routefois si parfaite que soit la science du Christ, la théologie devra expliquer comment le Christ a pu dire du jour du jugement : i Personne ne comiait ce jour, pas même le Fils, mais seulement le Père. Marc xiii. 32. L’intelligence de Jésus vit donc en contact avec les grandes idées et fait de Jésus un profond penseur, mais sans toutefois l’empêcher de demeurer un très fin et très attentif observateur. — b) Cet esprit d’observation se manifeste par rapport même aux détails en apparence insignifiants : les comparaisons qu’il emploie, les enseignements qu’il donne sont émaillés de traits pittoresques que seule explique une attentive observation. Entre cent exemples, relevons le royaume des cieux comparé au tîlet jeté à la mer. Mat th., xiii, 17 : la parabole de la brebis perdue vers laquelle le bon pasteur dirige ses recherches, abandonnant les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne, xviii. f2 : les paraboles du semeur, Matth., xiii. 3-9 ; 24-30, et des dix vierges, xxv, 1-12 ; les détails relatifs au bon et au mauvais serviteur. Matth., xxiv, 15-51 : la parabole des talents, id., xxv, 14-30 ; du mauvais riche et du pauvre Lazare. Luc., xvi, 19-22. Il observe qu’un père de famille qui prévoit l’avenir met de côté dans son trésor nova et Datera, Matth., xiii, 52 ; que les pharisiens orgueilleux recherchent les premières places dans les festins. Luc, xiv, 7. Il répond différemment, selon les nécessités, à la même question posée, Luc., ix, 57-62. Intelligence vive et affinée, l’esprit du Christ passe des tableaux les plus réalistes, dans le bon sens du mot, Matth., vu. 8 : xi. 7-8 ; xix, 10-12 ; Marc, vii, 1819 : Luc. xv, 8-9 ; xvi, 19-31, aux conceptions les plus idéalistes. Quel royaume idéal que celui qu’il est venu fonder ! quelles idéales vertus n’exige-t-il pas des citoyens de ce royaume ! Et c’est par cet aspect d’idéalisme très relevé que l’intelligence de Jésus-Christ illumine sa physionomie morale si parfaite. — c) L’imagination du Christ est remarquable. Dans son enseignement, le divin Maître a souvent recours aux figures et celles-ci sont toujours belles, vraies, saisissantes : la marche rapide et mystérieuse du vent, Joa., m. 8 ; la source d’eau vive, Joa., iv, 10 ; le verre d’eau fraîche, Matth.. x. 42 ; la laboureur dirigeant sa charrue, Luc, ix, 02 ; l’homme fort et armé qui garde la maison, Luc, xi, 21 ; les serviteurs attendant, la lampe à la main, Je retour de leur maître bien avant dans la nuit, Luc, xii, 35-35 ; le mauvais riche vêtu de pourpre et de lin très fin, Luc, xvi, 19 ; la robe nuptiale, Matth., xxii, 11 ; l’aveugle conduit par un autre aveugle, Luc, vi, 39 ; les pêcheurs d’hommes, Marc, i, 17 ; la description de la fin des temps, Matth., xxrv-xxv ; les hypocrites, sépulcres blanchis, Matth., xxui, 27 ; la foi qui transporte les montagnes, Luc, xvi, G ; les disciples du Christ portant leur croix à la suite du Maître, Matth., x, 38 ; les surnoms si parfaitement appropriés donnés à plusieurs disciples, Kéfd, Boanergès. — d) La sagesse et l’habile prudence de Jésus éclatent en cent reparties, faisant l’admiration de ses ennemis eux-mêmes, cf. Luc, xx, 26, et charmant les foules, Matth., xxii, 46 ; Marc, xii, 37. A Jean-Baptiste qui hésite à le baptiser, Jésus répond simplement : « Il convient que nous accomplissions toute justice. et l’hésitation cesse, Matth., iii, 1 5. Trois fois il réduit au silence le démon tentateur, par des ripostes empruntées a l’Écriture. Mal th.. iv. l, 7, 10. Et a l’égard des pharisiens, quels arguments irrésistibles ! Matth., xv. 3-10 ; Marc, vii, 1-12. Dan-, maintes autres occasions, sa parole, tantôt digne t ferme, tantôt Ironique, tantôt douce et calme, adn
à des ennemis ou à des amis, produisait les résultats les plus frappants. Cf. Matth., xvi. 2-1 : i. 16, 24 ; xxii. 15-21, 29-32 ; XXVI, 64 ; Marc. n. 8-11 ; vi, 5 ; x, 42-45 ; Luc.. il- 12 ; Joa., wili, 33-37 ; xi, 11, etc. M. Fillion, à qui nous avons, à peu de choses près, emprunté cette analyse de la physionomie intellectuelle de Jésus, conclut fort justement : i De toutes ers réflexions, il résulte que le Sauveur a possédé, mais à un degré suprême de perfection, des facultés intellectuelles analogues aux nôtres, soumises aux mêmes lois générales que les nôtres, et dont il s’est servi comme d’instruments précieux et dociles pour accomplir sa mission. Op. cil., t. i. p. 105. On aurait mauvaise grâce, à vouloir comparer comme l’ont fait certains néo-critiques, l’intelligence humaine de Jésus avec celle des grands génies qui ont paru sur la terre. Sans doute, l’Évangile ne nous donne pas d’indications positives permettant d’établir l’incontestable supériorité du Christ sur tous ; niais des données fournies par lui, le théologien saura tirer, avec une rigoureuse logique, le caractère incontestable de cette supériorité.
4. Physionomie morale du Christ.
a) La s tinleté du Christ est affirmée dès l’instant de sa conception : quod nascetur ex te sanctum. Luc, I, 35. Et Jésus, convaincu de sa valeur morale, n’hésite pas à lancer ce défi à ses adversaires : « Qui de vous m’accusera de péché ? » Joa., viii, 46. Au moment de sa passion, on ne trouve contre lui aucun chef sérieux d’accusation. Matth., xxvii, 24 ; cf. I Pet., ii, 22 ; Ileb., iv, 15. Le divin Maître exaltera la virginité, Matth., xix, 10-11 ; cf. xxii, 30 ; Marc, xii, 25 ; Luc, xx, 36 ; c’est qu’il est vierge lui-même. — b) Cette sainteté s’aflirme tout d’abord par la pratique des vertus de renoncement, de sacrifice, de pauvreté, d’abnégation, sans toutefois que ces vertus, en Jésus, s’enveloppent d’une austérité exceptionnelle, que le Maître n’entendait pas imposer au commun de ses disciples. Du renoncement de Jésus, saint Paul a dit avec force : Christus non sibi placuit, Rom., xv, 3, et, de fait, Jésus n’a jamais recherché que la satisfaction du devoir, par exemple dans la façon dont il rejette la triple tentation au désert, et dont il formule la loi qu’il impose à ceux qui veulent être ses disciples : « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à soi-même et qu’il porte sa croix et qu’il me suive. » Marc, viii, 34 ; cf. Matth., x, 34-38 ; Luc, ix, 55-62 ; xiv, 26-27 ; xviii, 22, 28-29, etc. L’atelier de Nazareth fut le témoin de sa pauvreté. La vertu de pauvreté lui était particulièrement chère ; il l’exalte dans la première des béatitudes, Matth., v, 3 ; Luc, vi, 20 ; les avertissements aux riches abondent, signalant le danger des richesses pour le salut éternel, Matth., xix, 23-26 ; Marc, x, 23-27 ; Luc, vi, 24 ; xvi, 9-13 ; xviii, 24-27, etc. ; l’amour de la richesse est, dit-il, un vice païen, Matth., vi, 32 ; et trois des plus belles paraboles mettent en relief le péril moral que crée la fortune, Luc, xvi, 19-31 ; 1-13 : xii, 13-21. Plusieurs fois même, malgré le dévouement des Galiléennes qui subvenaient aux besoins matériels du Maître et des disciples, Luc, viii, 2-3 ; xxiii, 49, 45-56, la petite troupe manqua du nécessaire, Matth., xii, 1 ; Marc, xii. 23 ; Luc, vi, l. Il est à remarquer cependant que, malgré son amour de la pauvreté, ! < Christ n’a jamais jugé nécessaire Je mener une vie exceptionnellement
austère : il dispensa es apôtres des jeûnes. Matth., ix, 15 17 : Marc, ii, 19-22 ; Luc, v, : ! 1 -39, et il est donc probable qu’il ne les pratiquait pas lui-même. Il acceptait parfois’des Invitations à dîner chez les riches, .Matth.. XXVI, 6 ; Marc, xii, 3 : Luc., 38-42 ; Joa., xii, 2. publlcains, Matth., IN, 10-11 : Maie., ii, 15-16 ; Luc, V, i’i 30, ou pharisiens, Luc. vii.3lt ; i. 37 ; XIV, 1, etc. Ses ennemis l’accusèrent même d’être glouton et l.uxcur de v n. Matth., xi, 19 ; Luc. vii, 31. Il permit, 100
en deux circonstances, qu’on répandit sur lui des parfums. Mal th.. xxvi. 7 : Marc, xiv. : i : Luc. vu. 36 ; Joa., xii. 3. Cela s’explique par son plan religieux : il n’avait pas l’intention d’imposer les grandes austérités comme règle générale à L’ensemble des chrétiens. Du reste, il laissa a ses apôtres ci à leurs successeurs le soin d’organiser sous ce rapport la vie de l’Église,
après son ascension (c’est le sens des mois postea jejuiuibiinl. Mat th.. ne, 15). Quant à lui, il ne recula, surtout durant les années de son ministère inauguré par Un jeune de quarante jours, devant aucune privation, devant aucune fatigue, dépensant ses forces sans mesure, se privant fréquemment de sommeil, Marc, vi, 45-51 ; Luc, vi, 12 ; xxii. 39 ; Joa., xviii", 2, refusant, avant de se laisser attacher à la croix, le breuvage narcotique qui aurait pu alléger ses horribles souffrances, Mat th., xxvii, 34 ; Marc, xv, 2 : 5. > Pillion, op. cit.. p. 409-410.- c) L’humilité, vertu inconnue des païens et médiocrement pratiquée par les Juifs, est une des plus apparentes qualités morales de l’âme du Christ. Axant de la prêcher, il la met en pratique ; il invile les hommes à venir à sou école, car il est « doux et humble de cœur. » Mail h., xi, 29. Son humilité éclate des son apparition en ce monde, dans le choix de ses parents, dans le lieu de sa naissance, dans sa fuite en Egypte, dans les moindres détails de sa vie cachée. Il s’est vraiment i anéanti ». Cf. Phil., ii, 7. Maître de ses disciples, il se fait leur serviteur. Mat th., x, 24-25 ; Luc. xxii, 24-27 ; Joa., xii, 13, et. pour témoigner ses sentiments, leur lave les pieds, Joa., xii, 1-11. Sa passion lut une longue série d’humiliations, vivement ressenties, mais subies sans plainte. Matth., xxvi. 55 ; Marc, iv. 48 ; Luc, xxii, 52. Son humilité s’affirme jusque dans les éloges qu’il reçoit et qu’il rapporte à Dieu. Matth., xix. 10-17 : Marc. x. 17-LS : Luc, xviii. 18-19, et dans les triomphes dont il est l’objet, Matth., xxi. 2.". ; cꝟ. 17 ; Marc, xi, 11. Il n’a jamais recherché sa propre gloire. Matth., VI, 2, 5, 16 ; xviii, 1-1 : xxiii. 5-12 ; Luc. xiv, 7-11 ; xviii, 9-1 I. etc. Mais l’humilité, en Jésus, n’était pas l’insensibilité à la courtoisie et au dévouement, cf. Luc. vu, 44-46 ; Marc. xiv. s. pas plus qu’aux outrages auxquels parfois il lui arriva d’opposer une fière protestation, Joa.. xviii, 23, un silence méprisant et plein de majesté, Matth., xxvi, 62-63 ; xxvii. 12-14 ; Marc. iv. 18-49, 60-61 ; XV, I 5 ; Luc. u. 52-53, 67 69 ; x m. 9 ; Joa.. xix, 9 ; une attitude noble ou une 1er me réponse, Mal th.. xxvi, 55-56 ; Joa.. xviii, 19 21, 34, 30-37. Cf. Mgr l.andriot. l.c Christ de lu tradition, t. ii, p. 350. — (I) L’obéissance de Jésus va de pair avec son humilité, car cette obéissance lait partie inté grante de son sacrifice. Nous aurons tOUt à l’heure l’occasion de le rappeler plus explicitement, en parlant de la volonté du Sauveur, il suffit de marquer ici
combien cette obéissance a été constante et forte en
face <les adversités. Rien ne l’arrêta, rien ne le découragea, pas même les lenteurs de ses apôtres à comprendre sa mission. Mail h., xv, 16 ; xvi, 8-11 ; 22-23 ;
Luc. ix, 55, etc. C’est surtout dans la passion que se manifeste la patiente obéissance de Jésus, réalisant pleinement l’oracle d’Isaïe, un. Cf. col. 1121. Saint Pierre résume d’un mol celle admirable constance : Outragé, il ne rendait pas l’outrage ; maltraité, il
ne taisait pas de menaces. [ Pet., ii, 23. Sans don le. le
divin Maiirc éprouvaii une généreuse Impatience
d’accomplir sa mission, Luc. XH, 50 ; mais son aine
possédait assez pour ne pas devancer l’heure
m trquée par Dieu, Cf. Marc. xi. Il ; Joa.. n. I ; i.
21. 23 ;. 2 :.. 28 ; vu. 30 ; viii, 20 ; xii. 23, 27 ; xui. 2 ; wii. 1. et Jésus n’hésitait pas a s’éloigner pour un
temps des embûches de ses ennemis, alin de ne se
ni d’eux que lorsque sérail venu
le moment. Matth., xi. 13 ; Marc, rn, 7 ; vii, 24 ; Joa.,
vu. l ; mu. 59 ; x. 39-40 ; xi. 54-56. <, Il faut signaler
encore parmi les vertus de Jésus, son amour du recueillement et de lu solitude. Matth.. xvii. 1 ; Marc. 1. 35, 45 ; iv.. ;.") : vi. 31. 46 ; vu. 21 : vin. 27 : Luc. vi. 2 ; ix. 18 ; xi. 1. etc. Il était, dit saint Luc. en employant une expression qui désigne un état habituel, ô-o^copôv èv -rxi ; ipf, uo’. ; xoci 7rpoa£’j/ôu.svo ::. v. 10. Cet amour de la solitude, s’explique en effet par l’amour de la prière et du silence. j) lui lin. ajoutons un dernier trait à ce portrait moral du Sauveur, en rappelant ses deux qualités de simplicité et de sérénité. Il a en horreur l’hypocrisie des pharisiens. Matth.. vi, 1-18 ; vu. 15-20 ; xxiii, 23-28 ; Luc. xui, 17, et ses ennemis eux-mêmes proclament sa rare sincérité. Matth.. xxii, l(i ; cf. Marc, xii, 11 : Luc. xx. 21. U est venu, proclanie-t-il devant Pilate, rendre témoignage à la vérité. Joa., xviii, 37 : et n’est-ce pas là toute sa mission. résumée dans la prédication du nouvel évangile ? Non inuentus est dolus in ore ejus, dit saint Lierre, I Pet., u. 22. Voir un beau développement dans Mgr l.andriot, Le Christ de lu tradition, t. 11. p. 307
— g) Lu rassemblant et comparant toutes ces qualités morales, on découvre toute une série de contrastes, dont la somme équivaut à une perfection nouvelle. 1 Jésus est humble jusqu’à l’excès, et sa fierté s’indigne par moments. Tendrement fidèle à ses affections, il rompt les liens les plus légitimes et les plus étroits, lorsqu’ils se mettent en travers du devoir. Il est né seigneur et maître, et il se fait avec une grâce charmante le serviteur de tous. Sa vaillance est celle des héros, et il lui arrive de se troubler. Il est soumis à l’autorité et il agit avec indépendance ; pacifique, il apporte la guerre. Il se délie des hommes, dont il connaît l’instabilité et il les aime jusqu’à mourir pour eux sur une croix. Il veut quon obéisse à la loi mosaïque, et il porte de rudes coups aux traditions qui prétendaient l’expliquer, la compléter. Il recherche la solitude et il fréquente le monde. Sa vie est extrêmement mortifiée, et il assiste, sans se faire prier, à de grands repas. Il veut attirer tout à lui. et il congédie d’un mol ceux qui hésitent a le suivre. Détaché de tout, il exige qu’on quitte tout pour s’attacher à sa personne. Il esi contemplatif, en même temps qu’homme d’action. » Fillion, op. cit., p. 414-415. Ces contrastes ne sont pas des conflits de vertus ; ils manifestent seulement la multiplicité des perfections qui ornaient l’âme de Jésus-Christ. Ils fournissent, au contraire, un fondement solide, sur lequel le théologien peut appuyer une psychologie surnaturelle du Christ. Cf. Mgr Chollet. La psychologie du Christ. I’aris. L903, c. viii.
5. Volonté humaine et amour humain de Jésus. — Ce nouvel aspect de la psychologie naturelle du Christ doit être soigneusement mis en relief par le théologien, car il est à la base des définitions conciliaires relatives à la double volonté et au double vouloir en JésusChrist. Cf. CONSTANTINOPLE ( 1 1 / cône lie de). t. 111. col. 1259 127.", . a) L’existence en Jésus-Christ d’une volonté humaine, bien plus, d’un vouloir humain, distincts l’un et l’autre de la volonté et du vouloir divins, apparaît clairement dans toutes les affirmations évangéliques. où la vertu d’obéissance es ! attribuée au Christ. Et Noire Seigneur, à plusieurs reprises, affirme la parfaite conformité de sa volonté a la volonté du Père, de sa volonté humaine par conséquent a la volonté divine : qu : e placila suid ei fado semper, dit-il. Joa.. viii. 20. De même Joa.. îv. 31 : 1 Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé ; 1 cl encore. V, 30 : Je ne cherche pas ma volonté, mais
1.1 volonté de Celui qui m’a envoyé. 1 Cette obéissance,
il l’a poussée jusqu’à l’acceptation de la inorl que lui Imposait le précepte du l’ère. Joa., XIV, 31. On pourra discuter sur le sens de ce précepte, voir plus Util
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. VOLONTÉ HUMAINE Dl CHRIST
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loin. col. 1297 >q. : on ne pourra pas révoquer en doute le fait tic l’obéissance absolue du Christ, que saint Paul mettra en relie ! dans une saisissante parole de l’épître
aux Philippiens, 11. s : il s’esi fait obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix ; que l’auleui’de l’épître aux Hébreux soulignera par l’attribution faite à Jésus de la prière du psalmiste, Ps.. xxxix. 7-9 : Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation : mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocauste, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici : … je viens, ô Dieu, pour accomplir votre volonté. C’est bien d’ailleurs ce que Jésus, insistant sur la distinction de sa volonté humaine d’avec la volonté divine, affirme de lui-même dans le quatrième évangile, vi. 38 : Je suis descendu du ciel, pour faire. non nui volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. La dualité des vouloirs s’affirme en une circonstance significative. C’est à Gethsémani : i Mon Père, s’écrie Jésus, en prévoyant les tourments de la passion, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi : toutefois non ma volonté, mais la vôtre… Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive. que votre volonté se fasse, i Mattb.. xxvi, 39, 12 : cf. Marc. xiv. 30 : Luc. xxii. 12. Ce commencement de lutte entre la volonté divine et la volonté humaine, lutte rapide qui se termine aussitôt par le triomphe du divin vouloir, posera même dans la théologie du Christ le grave problème de la possibilité du dissentiment, dans le vouloir humain, par rapport au divin vouloir, en un sujet où la volonté humaine était parfaitement et en toutes choses d’accord avec la volonté divine. — b) Dans la volonté de Jésus se manifeste une énergie sans pareille : sans doute, il n’apparaît pas dans les textes bibliques que Jésus ait eu à lutter contre les passions mauvaises de l’esprit ou de la chair. mais il a dû, à tout instant, contre les obstacles extérieurs, faire acte de volonté énergique ; contre le démon, aux heures de la tentation dans le désert, Matth., iv, 3-10 ; Luc, iv, 3-12 ; contre Pierre, essayant de le détourner du devoir, Matth., xvi, 20-23 ; contre frères », prétendant lui imposer un plan qui n’était pas celui de Dieu, Joa.. vii, 1, 10 ; contre ses ennemis, ses juges, ses bourreaux. Personne ne peut lui faire apporter la modification la plus légère aux desseins providentiels : i Il faut que je marche. Luc. xui. 33. — c) L’amour humain de Jésus est incomparable, et le mettre en relief dans la physionomie morale du Sauveur, c’est établir en partie sur les fondements évangéliques la dévotion au Cœur de Jésus. L’amour que professa Jésus fut d’abord pour Dieu, pour son Père céleste. C’est ce Dieu très bon qu’il faut aimer « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit. » Matth., x.xii, 37. Cet amour se manifeste dans le nom de « Père Abba, nom très doux qu’il avait constamment sur les lèvres, au dire des évangélistes et notamment de saint Jean. On devine cet amour dans les descriptions que Jésus donne de Dieu, représenté par lui comme le meilleur et le plus miséricordieux des Pères. Cf. Matth.. v, 1.") : vi, i. 6, 18, 26-33 ; x. 29-32 ; xi. 2.") ; xviii, 10, 14, etc. Et son obéissance parfaite n’est que la manifestation extérieure de cet amour. Cet amour de Dieu se traduit aussi par une union intime de son âme a Dieu : de là ces prières fréquentes et débordantes d’amour, que mentionnent les évangélistes et spécialement saint Luc. ni, 21 : vi. 12 : ix. 18 ; xi. 1 : xxii. 11-46 ; xxiii. 34 ; cf. Marc. i. 3."> : Joa. xi, 11-12 : xvii. 1-26, etc. La confiance absolue du Fils vis à-vis de son Père se manifeste a la résurrection de Lazare, Joa., xi, 11-42 ; dans la prière sacerdotale. Joa.. xvii, 1-20 ; a (ielhsimani. Marc. xiv. 36 ; a l’heure de la mort, Luc. xxiii. 46. Le cri échappé au Christ agonisant : Eli, Eli, lamnvi sabachthani, Matth.. xxvii. Ui. pourrait un
instant nous laisser croire que la confiance filiale s’est obscurcie dans le cœur de Jésus. L’apparent désespoir de Jésuspeut s’expliquer par la substitution qu’il avait faite en expiant sur la croix, de sa personne à la personne du pécheur. Il ressentait alors, par substitution, l’effroyable abandon qui est celui du pécheur en face de Dieu que son péché a offensé : Jésus devenu péché pour nous, fait i malédiction, exécration selon l’expression de saint Paul. Cal.. m. 13, Jésus soutirait de la paît de Dieu je ne sais quoi d’effroyable qu’aucune parole humaine ne peut décrire. La pensée du petit nombre de ceux qui profiteraient de sa passion ajoutait à ce désespoir humain. Cf. C. l’ouard, La vie de X.-S. Jésus-Christ, t. u. Paris. L904, p. 388-389. On pourrait encore plus simplement diie que i Matthieu avait une raison spéciale de reproduire cette parole de Jésus. Ktanl tirée d’un psaume, elle donnait à entendre que la situation cruelle qu’il décrivait était réalisée en Jésus. Dans les deux cas, l’abandon n’est pas le rejet, encore moins la réprobation ; aussi le juste ne laisse-t-il pas d’appeler Lieu, son Dieu, ce qui donne à sa plainte l’accent de la confiance plutôt que celui du reproche. Dieu l’abandonne aux mains de.ses ennemis, par un dessein mystérieux qui aboutissait au triomphe dans le psaume, comme il aboutira dans l’évangile à la résurrection. > Lagrange, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1923, p. 530. La vraie difficulté est ailleurs : comment concilier, en Jésus, cet apparent désespoir avec la béatitude essentielle à sa personne divine et à sa nature humaine béatifiée ? C’est là un problème que pose, sans le résoudre, l’Évangile. — L’amour humain de Jésus fut ensuite pour les hommes : c’est la quX<xv6pcû7ua de notre Sauveur, comme dit saint Paul. Tit., iii, 4. Jésus avait rappelé que le second précepte du Décalogue : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est « semblable au premier ». Matth., xxii, 39 ; Marc, xii, 31. Aussi il en fait son précepte et se propose comme exemple : « Hoc est prseceptum meum ut diligatis invicem, sicut dilexi vos. » Joa., xv, 24. L’incarnation est bien le miracle de l’amour du Fils de Dieu pour nous. « amour… qui dépasse toute science. » Eph., vi, 18-19. Mais c’est la passion qui manifeste surtout l’amour de Jésus pour les hommes : « personne, dit Jésus lui-même, ne peut avoir une plus grande affection que de donner sa vie pour ceux cpi’il aime. » Joa., xv, 13. Et Jésus est le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Joa., x, 11 ; cꝟ. 15, 17, 18 ; Matth., x. 45, etc. Les œuvres de sa vie publique, ses miracles, en particulier, ont été la plupart du temps des actes d’amour du Sauveur envers ses concitoyens. Ses appels sont pleins de tendresse : Venez à moi. vous tous qui êtes las et trop chargés, et je vous donnerai le repos. » Matth., xi, 28. Ses recommandations en faveur de l’amour mutuel sont pressantes : « Aimez-vous les uns les autres ; soyez miséricordieux : aimez vos ennemis ; donnez et prêtez sans en rien espérer ; ne jugez pas ; pardonnez sans cesse, etc. i Cf. Matth.. v. 21-24 ; 3$1-$27 ; xviii. 23-33 ; Marc. xi. 25 ; Luc. vi, .".I. 38 ; x, 2737, etc. Jésus, compatissant pour toutes sortes de souffrances, se laissait arracher a leur vue clés gémissements, des larmes, des sanglots, Marc, vii, .’î I ; Luc. xix. Il : Joa., xi, 39 ; il eu était remué jusqu’aux entrailles. èo-’/, y.y/yLrj()r r Matth.. ix. 36 ; xix. 1 I ; xv, 32 ; xx, 34 ; Marc, i, il ; Luc. vii, 17 : x, 33. Donnant l’exemple a tous. Jésus pardonna généreusement a ses ennemis. Luc, xxiii, 34. Il convient toutefois d’insister sur deux caractères particuliers de son amour pour les hommes : sa miséricorde infinie a l’égard’/es pécheurs ; i’s amitiés sûres et fidèles. (’encontre des prescriptions pharisalques, Jésus n’hésite pas, pour
samer fini aine a fréquenter les pécheurs : on lui reproche même comme un crime cette altitude pleine 11(13
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de mansuétude. Matth., i, 10-13 ; xi, 19 ; Luc, vii, 31>. etc. i Divers incidents de sa vie : son entretien avecla Samaritaine, Joa., iv. 7-20 ; l’épisode de la pécheresse, Luc., vu. 30-50 ; celui de la femme adultère, Joa., viii, 7-11 : celui de Zachée, Luc, xix, 1-10 ; et plusieurs de ses paraboles, celle de la brebis égarée, Matth., xviii, 12-14 ; Luc. xv, 3-7. et de l’enfant prodigue. Luc, xv, 1 1-32, sont caractéristiques a ce point de vue et nous révèlent le fond de son cœur. Comme l’avait prédit Isaïc, xlii, 3 ; cf. Matth., xii, 20, il se gardait bien de briser entièrement le roseau ployé et d’éteindre la mèche qui fumait encore ; mais il redressait doucement celui-là et se hâtait de rallumer celle-ci. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 423. Les amitiés de Jésus méritent que nous les considérions avec toute l’attention possible. Certains groupes semblaient avoir un titre spécial à sa sympathie : sa patrie, ses disciples, le collège apostolique, les petits enfants. — Bien que venu pour sauver tous les hommes il s’attache tout d’abord et personnellement au salut d’Israël. Matth., xv, 24. Sans cette préoccupation du Sauveur, on comprendrait mal certains textes relatifs à ceux qui sont appelés à faire partie du royaume des deux et qui, en raison de leur mauvaise volonté, ne sont pas élus. La plupart des paraboles concernant le royaume des cieux ne sont intelligibles qu’à la condition de présupposer la vocation toute particulière du peuple juif et la mission spéciale que Jésus se proposait de remplir près de lui. Et l’on comprend bien, au contraire, la tendre sollicitude du Sauveur pour ces brebis sans pasteur, Matth., ix, 36 ; Marc, vi, 34, et ses regrets amers sur Jérusalem infidèle. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34 ; cf. xix, 41-44. — Ses disciples et ses apôtres étaient pour lui comme une famille. C’est sur eux que le Christ étendait sa main bénissante en prononçant cette aimable parole : Voici ma mère et mes frères ; car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, est mon frère, et ma sœur, et ma mère, i Matth., xii, 49-50. C’est à ses apôtres tout particulièrement que Jésus dira dans son discours d’adieu : « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés… Je vous ai appelés amis, parce que tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » Joa., xv, 9, 15. « Ayant aimé les siens, dit saint Jean, il les aima jusqu’à la fin, » c’est-à-dire jusqu’à l’excès. Joa., xiii, 1. Et parmi les apôtres, Notre-Seigneur eut ses plus intimes, Pierre, Jacques le Majeur et Jean, qu’en plusieurs circonstances importantes nous trouvons seuls près de lui : résurrection de la fille île Jaïre, Marc, v, 37 ; Luc, vin, 51 ; transfiguration, Matth., xvii, l, sq. ; agonie, Matth., xxvi. 37 : Mare., xiv. 33 ; ef. xiii. 3-36. Puis, le cœur de Jésus a voulu connaître de plus près encore les délicatesses et les joies de l’amitié humaine. Les amitiés de Jésus ! Quel beau thème, sur lequel se sont penchés avec complaisance deux de nos meilleurs orateurs contemporains, le P. Ollivier, Les amitiés de Jésus, Paris, 1895 et le P. Lacordaire, MarieMadeleine. Voici tout d’abord « le disciple que Jésus aimait », Joa., xiii, 23 ; xix, 26 ; xx, 2 ; xxi, 7, 20, si familier avec le Maître qu’il appuie sa tête sur la poitrine de Jésus, Joa., mu, 33, et eu qui Jésus a tant de confiance qu’il lui confie, au moment « le mourir, sa propre mère, Joa., xix, 26-27. Sur l’amitié de Jésus pour Jean, voir Bossuet, Panégyrique de l’apôtre saint Jeun, édit. Lebarcq. L ii, p. 533, sq. Voici ensuite La/are : * Celui que vous aimez est malade », disent a Jésus en parlant de leur frère, Mail lie et Marie Madeleine. Joa., M, 3. E1 les deux sceurs. elles aussi, eurent une large pari dans l’affection de Jésus : « Jésus aimait Mail lie et Marie sa sieur et La/are. Joa., xi. 5 ; Luc. i, 38 12. El a côté de Marie de
Béthanie, commen ! ne pas rappeler le souvenir de
Marie de Magdala, associée aux fatigues apostoliques du Sauveur, Luc, viii, 2, aux douleurs de sa passion Joa., xix, 25, aux triomphe de sa résurrection. Joa., xx, 1, 11-18 ; cf. Matth.. xxvii. 56 ; Marc, xv, 40 ; Luc, xxiii, 49. Jésus aima aussi le jeune homme riche de l’évangile. Marc, x, 21, et voulut se l’attacher ; mais l’affection de Jésus fut ici déçue, comme elle le fut dans la trahison de Judas, le reniement de Pierre, la fuite des apôtres à Gethsémani. Enfin. Jésus aima les petits enfants les attirant à lui. prenant à plusieurs reprises, leur défense, et exaltant la pureté de leur âme. Matth.. xix. 14 ; Marc, x, 15-10 : cf. ix, 35-36 ; Matth., xxi, 16 : interdisant qu’on les scandalise, Matth., xviii, 6. Et les petits enfants lui rendaient bien son affection. Matth., xxi, 16.
Si nous voulions résumer en quelques mots les trésors d’affection renfermés dans le cœur de Jésus, nous dirions que la sympathie du Sauveur s’est étendue à tous, sans exception, à tous ceux qui, même en dehors de la nation juive, méritaient d’être au nombre de ses amis. Les Samaritains, Luc, x, 29-37, les païens même, Matth., viii, 10 ; Luc, vii, 9, ne sont pas repoussés. Nous dirions qu’à l’égard des pécheurs, il fut avant tout miséricordieux, qu’à l’égard des malheureux et de ceux qui souffrent, il fut toujours bon et compatissant. Cette douceur et cette bonté du cœur, ne les recommande-t-il pas dans le sermon sur la montagne ? Matth., v, 4. Il a prêché la miséricorde en demandant à son Père le pardon de ses bourreaux. Luc, xxiii, 34. Et Bossuet, dans son admirable panégyrique sur l’apôtre saint Jean (3e point) nous livre le secret profond de cet amour du Christ pour les hommes. Le cœur de Jésus, nous dit le grand orateur, est « un cœur, s’il se peut dire, tout pétri d’amour : toutes les palpitations, tous les battements de ce cœur, c’est la charité qui les produit… C’est l’amour qui l’a fait descendre du ciel pour se revêtir de la nature humaine. Mais quel cœur aura-t-il donné à cette nature humaine, sinon un cœur tout pétri d’amour ? C’est Dieu qui fait tous les cœurs, ainsi qu’il lui plaît. « Le cœur du roi est dans sa main, comme celui de tous les autres : Cor régis in manu Dei est, Prov., xxi, 1. Régis, du roi Sauveur. Quel autre cœur a été plus dans la main de Dieu ? C’était le cœur d’un Dieu, qu’il réglait de près, dont il conduisait tous les mouvements. Qu’aura donc fait le Verbe divin, en se faisant homme, sinon de se former un cœur sur lequel il imprimât cette charité infinie qui l’obligeait à venir au monde ? Donnez-moi tout ce qu’il y a de tendre, tout ce qu’il y a île doux et d’humain : il faut faire un Sauveur qui ne puisse souffrir les misères sans être saisi de douleur : qui, voyant les brebis perdues, ne puisse supporter leurs égarements. Il lui faut un amour qui le fasse courir au péril de sa vie, qui lui fasse baisser les épaules pour charger dessus sa brebis perdue, qui lui fasse crier : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne a moi. t Joa., vii, 37. « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, i Matth., xi. 28. Venez, pécheurs : c’est vous que je cherche. Enfin, il lui faut un cœur qui lui fasse dire :. Je donne ma vie, parce que je le veux : ego pono eam a meipso. » Joa., x, 1.x. C’est moi. qui ai un cœur amoureux, qui dévoue mon corps et mon âme a toutes sortes de tourments. »
Edit. Lebarcq, i. n. p. 510-550.
4° La famille du Christ, les « frères du Seigneur ». — Avant de terminer noire étude sur les données évangéliques relatives à la nature humaine de Jésus, il con lent tout au moins de signaler les problèmes historiques et exégétiques que soulèvent les parentés et les alliances du Sauveur selon la chair. 1. Les ques tions relatives a la vierge Marie, Mère de Jésus-Christ, Seront traitées a MARIE. Un article spécial sera consacré à Joseph (saint), où seront étudiées ses relations d’époux et de père par rapport à Marie et à Jésus. L165
JÉSUS » CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR
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2. En divers endroits des écrits du Nouveau Testament, Matth.,
, 16 ; xiii, 55 ; Mare. m. 31 ; vi.
3 ; Lue., viii, 19 : Joa., n. 12 : vu. 3 : Aet.. t, 14 ; 1 Cor.. i. 5 ; Gal., i. 19, on trouve la mention des t frères de Jésus, dont Matth.. m. 55 et Mare., vi, 3, nous citent les noms. Jacques, Josepb (Josës d’après Mare). Simon et Judas. Ces deux évangélistes nous parlent même des « sœurs de Jésus, id., ibid. ; Saint Epiphane, Hær.. Lxxviii, n. 7. P. G., t. xi.vni, eol. OIS. en signale deux qui se seraient appelées Salonié et Marie. D’autre auteurs les nomment Anna et Salonié, ou encore Esther et Thamar. Cf. Théophylacte, In Matthxum, c. xui, ꝟ. 55, P. (, ’.. t. c.xxiii. col. 293-294 : In Epist. ad Galalas, c. î. v. 19. P. G., t. c.xxiv. eol. 968. De plus, Flavius Josèphe, Antiquitates jud., 1. XX. c. ix. n. 1. rapporte que, vers l’an 02, « fut mis à mort Jacques, le frère de Jésus, qui est appelé le Christ. » Eusèbe lait mention, à la suite d’Hégésippe des descendants de Jude, qui était, selon la chair frère du Sauveur. II. E.. I. III, c. xix, xx. P. < ;., t. xx, eol. 251. Mais pour interpréter correctement cette appellation, il faut tenir compte d’autres données évangéliques. Parmi les saintes femmes qui se tiennent au pied de la croix se trouve Marie, mère de Jacques, Luc, xxiv, 10, que saint Matthieu dit être mère de Jacques et de Joseph, xxvii, 50, et plus expressément encore saint Marc, mère de Jacques le mineur et de Joseph, xv, 40. D’autre part, saint Jean affirme de cette même Marie qu’elle était la sœur de la mère de Jésus, xix, 25, et pour la désigner plus expressément il la nomme Mapîoc T) Toù KXcorâ. Ce Cléophas est vraisemblablement le même qu’Alphéc, Luc., vi. 15 : cf. Act., i, 13 ; Matth., x, 3 : Marc. m. 18. Voir ci-dessus, col. 273. Mais « Marie de Cléophas » signifie-t-il Marie épouse de Cléophas ? Quand les évangélistes énumèrent les apôtres, ils groupent invariablement trois noms qui font penser aux < frères du Seigneur », Jacques d’Alphée, Jude de Jacques (S. Matthieu et S. Marc : ’Thaddée, Lebbée) et Siméon le Cananéen ou le Zélote. Siméon est désigné par Hégésippe, comme un fils de Cléophas, et, ajoute l’historien, « il fut constitué évêque de Jérusalem ; à l’unanimité, on lui donna la préférence, parce qu’il était un autre cousin du Seigneur. > Eusèbe, II. P., t. III, c. xi, et 1. IV. e. xxii. P. G., t. xx, coi. 245 et 380. Il semblerait doue, d’après ces documents, que les frères du Seigneur, enfants de Marie, femme de Cléophas, sœur de la sainte Vierge, fussent des cousins de Jésus-Christ. Cette explication, n’est pas acceptée par tous.
a) Signalons d’abord, bien qu’elle ne soit fias, dans l’ordre chronologique, la première, l’explication d’Helvidius, que nous connaissons surtout par saint Jérôme, De perpétua virginilale beulu* Maria advenus Helvidium, P.L., t. xxiii, col. 193-206, et par saint Augustin. Hær., lxxxiv, P. /… t. xi.ii, col. 46. Helvidius, voir t. vi, col. 2141-2141, niait purement et simplement la virginité perpétuelle de Marie, et entendait en son sens littéral et strict l’expression : frères et sœurs de Jésus. Helvidius se réclamait de Tertullien et de Vietorin de Pettau. Sur la doctrine de Tertullien, voir d’Alès, La Théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 196. Il est bien difficile de défendre Tertullien avec.1. B. Lightfoot, dans son commentaire sur l’épître aux Calâtes, The Brethren of the Lord, Londres, 1900, p. 252, et saint Jérôme l’abandonne comme hérétique. Quant à saint Vietorin de l’ettau, nous ne connaissons sa doctrine sur ce point que par Helvidius et saint Jérôme : or, ce dernier nie catégoriquement que l’évêque de l’ettau ait parlé des enfants de Marie ; il s’est servi uniquement de l’expression évangélique : l’es fi du Seigneur. ( m n’a pas de raisons de révoquer en doute l’assertion de saint Jérôme. Quani à Hégésippe que Zahn, Brader und Vetter Jesu, dans Forschungen
- ur Geschichle dus S. T. Kanons, t. vi, fasc. 2, 1900,
et Herzog, La virginité de Marie après l’enfantement. dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1907,
p. 321, veulent interpréter dans le sens d’I lelvidius, il est impossible de démontrer positivement que, cet écrivain ait enseigné celle erreur : bien plus, certaines île ses expressions conduisent à une conclusion tout opposée. Voir Neubert, Marie dans V Église anlénicéenne, Paris, 1908, p. 198 sq. Quelques années après Helvidius, la même thèse fut reprise par un moine romain, nommé Jovinien. Voir Haller, Texte und Untersuchungen, t. xvii, fasc. 2, 1899. Au iv siècle, saint Ambroise qui réfuta Jovinien, De irai, virg., c. v-xv, P. L., t. xvi, col. 313-318. taxe de sacrilège l’entreprise de l’évêque hérétique Bonose pour accréditer les idées dl lelvidius. Voir t. ii, col. 1028. Jovinien avait été condamné dans un synode de Milan, et le pape saint Silice avait aussitôt ratifié la condamnation et excommunié l’hérétique et ses adhérents. Bonose, l’année suivante (391) fut condamné au concile de Capoue. Denzinger-Bannwart, n. 91. Cf. P. L., t. xvi, col. 1123, 1125, 1172. De nos jours, la thèse d’I lelvidius est, à des degrés divers, reprise par un certain nombre d’auteurs non catholiques. Voir en particulier, A. Edersheim, The Life and limes of Jésus the Messlah, t. i, p. 251, 304 ; J. B. Mayor, The Brethren of the Lard, dans le Dictionary of the Bible de Hastings, 1. 1, p. 320, et, du même auteur, Epislle of S. James, 1892 et deux articles dans The Expositor, 1908, p. 16, 163 ; Realencgclopadie fur protest. Théologie, art. Maria, t. xii, p. 309 et Joseph, t. ix, p. 361. K. Hase, Geschichle Jesu, 2e édit., p. 07 ; Reuss, Histoire évangélique. Paris. 1X70. p. 137 ; A. Loisy, Evangiles synoptiques, Ceffonds, 191)7. 1. 1, p. 291 ; et Quelques lettres, Paris, 1908, p. 155 ; Maurenbrecher, Weihnachtsgeschichten, Berlin, 1910, p. G ; S. Reinach, Orpheus, Paris, p. 329 ; Pfannmuller, Jésus im Urleil der Jahrhunderte, Leipzig, 1908, p. 0 ; B. Weiss, Leben Jesu, Berlin, 1882, t. i, p. 270-271, etc. Quelques auteurs cependant, comme Renan, Lightfoot et Harris, sans admettre la virginité de Marie post partum, ne retiennent pas la solution d’Helvidius pour vraie. Le point particulier de la virginité de Marie post partum sera étudié à Marie,
b) Une solution, qui eut, pendant quelques siècles, droit de cité dans la théologie catholique, est celle que popularisa d’abord le Protévangile de Jacques et qui fut reprise par Or i gène. Les frères de Jésus seraient des enfants que saint Joseph aurait eus d’un premier mariage. Le document apocryphe fait, en effet, dire à Joseph : « J’ai des fils et je suis vieux ; elle (Marie) est jeune, » ix, 2 ; cf. xvii, 1-2 ; xviii, 1. Cette affirmation a pour objet de sauvegarder la virginité de Marie. Il en était de même, au témoignage d’Origène, In Matth., e. xiii, ꝟ. 55, tome X, v. xvii, P. G., t. xui, col. 876-877, pour l’Évangile de Pierre, aujourd’hui perdu. Le grand exégète d’Alexandrie crut devoir se rallier à ce sentiment : il a, ce faisant, le désir de mettre hors de cause la perpétuelle virginité de la mère de Jésus. Lue. <it.. et In Lucam, homil. vii, P. ( ;., t. xiii, col. 877-878. On retrouve ce sentiment un siècle plus tard, dans saint Hilaire, Comm. in Matthseum, c. i. n. 3-4, P. L., I. ix, col. 922 ; puis chez saint Epiphane, Hær. Lxxviii, n. 7, P. G., t. xi.ii. eol. 7H9 : clieI. saint Grégoire diNysse, In Christi resurrectionem, Orat. a, P.’/'.. t. xi.vm. col. 618 ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, in Joannem, t. VII, c. ui-v. P. r, ., ’t. i.xxiii, col. 636-637.
Chez ces auteurs, la pensée est sans ambiguïté. Il n’en esi pas de même chez Clément d’Alexandrie, Eusèbe et saint Justin. Busèbe, II. E., I. il. c. i, P. <’, ., t. xx, roi. 133, rappelant que Jacques, dil le frère du Seigneur, était appelé (ils de Joseph, i n’entend pas
ment parler d’une filiation naturelle ; bien in :
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plus, la tournure adoptée semble l’écarter et suggérer de préférence un lien d’ordre légal ou putatif comme celui qui unissait Jésus lui-même à Joseph. La pensée de Clément d’Alexandrie est plus difficile à préciser. D’une pari dans un fragment des Hypotyposes, conservé par Eusèbe, il semble identifier Jacques le frère du Seigneur avec Jacques l’apôtre, lils d’Alphée ; Eusèbe, II. E., I. II. c. i. P. ( ;.. t. x. col. 136 ; et d’autre part, dans un autre fragment, il fait de Jude, le frère de Jacques et le lils de Joseph. P. G., t. ix. col. 731. < M peut se taire que la contradiction ne soit
ici qu’apparente. Les frères de Jésus sont appelés les lils de Joseph. A quel titre".’Il n’est ni impossible, ni invraisemblable qu’aux yeux de Clément d’Alexandrie, ils aient été seulement les neveux des enfants dont Clopas son frère ou Alphée son beau-frère, lui auront, en mourant, laissé la tutelle. R. Durand. Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la P"/ catholique, t. n. col. 134. Saint Justin, dans un passage connu seulement par une traduction syriaque, et sur l’authenticité duquel on n’est pas d’accord, aurait écrit : Marie la Galiléennc. qui a enfanté le.Messie crucifié à Jérusalem, n’a appartenu à aucun homme et Joscpb ne la répudia pas non plus, mais Joseph demeura pur, sans femme, lui et ses Cinq lils d’une première femme, et Marie reste sans homme. Cf. Lagrange, Évangile selon S. Marc, p. 83.
A partir du v° siècle, un revirement se produit dans l’opinion catholique relative à un premier mariage de saint Joseph. C’est que saint Jérôme, en combat ! an ! les erreurs d’IIelvidius, s’est posé en champion résolu non seulement de la perpétuelle intégrité de Marie, mais encore de la virginité de saint Joseph : Tu dicis Mariant virginem non permansisse ; ego mini » lns vindico, etiam ipsum Joseph virginem lujsse per Mariam, ut ex virginali conjugio virgo filins nasceretur. De perpétua virgihitate, P. h., t. xxiii, col. 202. I.e revirement d’opinion est fortement accusé chez saint Jean (Jirysostome, qui, ayant d’abord suivi l’opinion des apocryphes et d’Origène dans le Comment, in Matlh., homil. v. n. 3, P. (’, .. t. i.n. col. 58, adhère ensuite a l’opinion de saint Jérôme dans le Comment, in Epist. ad Galatas, c î, y. in. P.’L. t. lx, col. 632. Il est tout aussi net chez saint Augustin, dont le premier sentiment se trouve dans les Tract, in Joannem, tract, x, n. 2, P. I… I. xxv, col. 1468, et le second se lit dans l’Expositio in Epistolamad Calalas. c. i. t. lll. P. L., t. xxxv, col. 211d. Désormais, c’est fini chez les latins de l’explication des
frères du Seigneur > par un premier mariage de saint Joseph. Chez les grecs. Théophylacte qui la garde, y voit l’accomplissement du devoir légal du lévirat et les enfants de cette union seront réputés lils de Clopas. In Matthœum, c. xiii, ꝟ. 55 ; m Epist. ad Galatas, c. t, ꝟ. 19, P. (, .. I. cxxiii, col. 293-294 ; cxxiv, col. 968. Voir aussi Théodoret, In Epist. ail Galatas, c. i. P. a., t. i.xxxii, col. 168.
Ce n’est pas seulement pour sauvegarder la croj ance à la virginité perpétuelle de Joseph que nous ne pouvons admettre cette explication du terme : frères île Seigneur, c’esl encore et surtout pour défendre avec saint Jérôme la doctrine qu’on peut à bon droit, nonobstant les apparences contraires, qualifier de traditionnelle dans l’Église. Il J a ici. en effet, deux idées distinctes, quoique connexes : celle de la virginité de saint Joseph, voir Joseph (saint), que saint Jérôme a été effectivement le premier a proclamer ci a défendre : hujus (opinionts) forlissimus
stipulatnr sea potius auctor 1 1 ieroiwmns (Haronius) ; puis celle de la parenté plus ou moins éloignée des
res de Jésus i par rapport au Sauveur. Et, sur ce
(Ici nui point, saint Jérôme a bien conscience de
représenter le sentiment généralement reçu, pulsqu’en
398, il écrivait dans son commentaire In Muttluvum, c. xii. v. l ! i-, ")(i : Certains conjecturent que les frères du Seigneur sont des enfants que Joseph aurait eus d’une autre femme, suivant en cela les rêves des apocryphes. > De fait, l’appellation frères du Seigneur » devait être, a l’origine, comprise de tous et. dans le fragment qu’Eusèbe nous a conservé, Hégésippe ne faisait que dire ce que tout le monde savait : i Après que Jacques le Juste eut subi le martyre, comme le Seigneur, pour la même cause, à son tour, le lils de son oncle paternel. Siniéon, lils de Clopas, fut établi évêque : à l’unanimité on lui donna la préférence, à cause qu’il était an antre cousin du Seigneur, ovtoc àvj’yiov toû X’jpiou ScJTzpov. II. P.'.. I. IV. C. XXIV. t. IV,
c. xxii et l. III, c.xi. Sur ce texte, voir Lagrange, op. cit.,
et Durand. Revue biblique. 1908, p. 11. note 2.
Comment donc l’hypothèse d’un premier mariage de Joseph a-t-elle fait son entrée dans la pensée catholique ? Les premiers témoins de cette hypothèse sont, nous avons dit. le Protévangile de Jacques et [’Évangile de Pierre. I.e caractère apocryphe de ces deux documents commande la réserve : cet le réserve s’accentuera encore lorsque nous examinerons la manière dont se produit l’affirmation du Prolévangile de Jacques, le seul de ces écrits sur lequel nous puissions porter un jugement. Or. il est évident, pour quiconque lit sans parti pris, que l’histoire du mariage de Joseph avec une première femme a été inventé de toutes pièces pour sauvegarder la Virginité de Marie et expliquer d’une manière facile la parenté entre le Seigneur et sou frère t Jacques. Cf. E. Amann, Le Protévangile de Jacques et ses remaniements latins, Paris, 1910, p. 36-39 ; L’explication eut du succès ; Origène le constate et en donne la raison. Lui-même l’accepte. sans grande conviction », a-t-on écrit. Cf. Durand, op. cit.. p. 26. Et c’esl vrai si l’on en juge par les paroles du commentaire sur saint Matthieu. Il semble clair que le grand exégète n’est pas très assuré de la valeur historique de la tradition qu’il rappelle ; niais convaincu de la virginité post partum de Marie, il accepte le premier mariage de saint Joseph comme une solution naturelle, vraisemblable, de la difficulté soulevée par lese frères du Seigneur. » Même proposé avec cette réserve, le sentiment d’Origène fut accueilli par les écrivains postérieurs et peut-être renforcé par l’adjonction de certaines données de provenances différentes, par exemple le témoignage de saint Justin, s’il était authentique.
Quoi qu’il en soii 4es affirmations patristiques, dérivées des deux apocryphes par Origène, dont l’affirmation est si réservée, ne sauraient fournir à l’historien les éléments d’une information recevable autrement qu’à titre conjectural et provisoire. Au point de vue théologique, les conditions de la tradition dogmatique ne sont pas réunies : on est en présence d’une simple explication exégétique à laquelle des avantages certains et une vraisemblance d’abord indiscutée, ont assure un succès de plusieurs siècles. Mais le jour où l’on se demanda si celle solution correspondait bien aux exigences des lexles sacrés et où il fut démontré qu’une telle solution était improbable, elle se trouva condamnée. Celle condamnation fut l’œuvre de saint Jérôme qui n’innova rien et ne lit que rappeler, au sujet des frères du Seigneur la solut ion d’1 légésippe. Mais il y a plus. Des raisons d’ordre scripturaire
militent expressément contre la solution du Protévangile de Jacques ci d’Origène. Et voici, brièvement exposées, les raisons de ce rejet :
". Puisque les frères du Seigneur ne sont pas lils de Marie, a moins de périphrases sans lin. le seul terme utilisable, pour qualifier un groupe de cousins d’origine différentes, était âh, (heb.) ou ahd (aram) dont la signification commande celle de la traduction à8e).ç6ç.
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JÉSUS-CHRIST. LES FRÈRES DU SEIGNEUR
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Cette signification, assez compréhensive pour envelopper les diverses relations de proche parente en ligne collatérale, est justifiée par les emplois que la Dible fait elle-même du terme âh. que les Septante traduisent par à^îXçoç : on le trouve, en effet, désignant non seulement les frères, les demi-frères, Gen., xxxvii, 16, mais encore les neveux, lien.. m. 8 ; xiv. Il ; les cousins germains, 1 Par., xxiii. 21 : les cousins plus éloignés, I evit.. x. i : les parents en général, IV Reg., x. 13, et même île simples congénlres, tien., xix. 6. Renan a certainement exagéré en affirmant quee la signification du mot (SA est identiquement la même que celle du mot i frère ». Vie de Jcsus. 13° édit., p. 25. Cf. Lagrange, op. cit., p. 72-7 1. Bien qu’en grec, le mot àSrÀçoçait un sens plus restreint, et qui se rapproche du sens du mot français frères. cependant, dans le cas présent, parce qu’il n’est qu’une traduction du mot hébreu âh. il en emprunte forcément la signification plus étendue.
b. Bien que le terme àôîLooi. puisse être entendu de simples cousins, il pourrait cependant désigner de véritables frères : accordons aux adversaires qu’il crée une présomption en faveur île cette solution. Toutefois, pour engendrer la certitude ou même une réelle probabilité, il faudrait que cette présomption fût appuyée par des arguments positifs, et confirmée de quelque façon. La confirmation naturelle serait une mention quelconque de la paternité de saint Joseph à l’endroit des < frères du Seigneur i ou tout au moins de l’un d’entre eux. Le nombre des textes. le rappel fait du patriarche en plusieurs de ces passages, mettent les lecteurs en droit d’attendre une indication de ce genre. Or. le silence de l’Écriture est absolu. Les auteurs sacrés évitent également de donner les frères de Jésus, soit comme fils de.Marie, soit comme fils de Joseph. Ce silence ne laisse pas d’être significatif. Mais, contre la présomption créée par les ternies àèso r A, nous avons des arguments positifs.
y.) Ce sont d’abord les indications scripturaires positives sur l’origine de l’un ou l’autre des « frères du Seigneur. Certains exégètes font remarquer qu’il est probable que Jacques 6 nvLzoç est un apôtre. On le déduit avec une très grande vraisemblance soit de Marc. xv. 10 : cf. Lagrange, op. cit., p. 60, 79, 410, soit de (.al., i. 19 ; cf. Cornely, Comment, in episl. ad Corinthios alleram et ad Galalas, Paris, 1892, p. 411113 et plus spécialement Inlroduclio, t. iii, p. 593-601. Voir aussi ci-dessus, col. 274. Or Jacques le mineur est liN d’Alphée : il n’est donc pas né de Joseph. A cette conclusion rigoureuse, on ne peut qu’objecter, avec Théophylacte, la possibilité d’une union léviratique de saint Joseph avec la veuve d’Alphée. Mais cette possibilité elle-même est détruite par divers passages évangéliques. Quoi qu’il en soit, en effet, du caractère ou même de l’existence de la paternité d’Alphée a l’égard de Jacques le mineur, la mère de ce dernier nous est présentée par Matth., xxvii, 56, Marc, xv, 40, ! 7 : xvi, 1 : Luc. xxiv, 10 : elle a nom Marie, comme la mère de Jésus, el le texte sacré lui donne comme fils Jacques et José et Joseph. Si cette femme, mariée ou non d’abord a Alphée (ce dernier à identifier peut être avec Clopas)aété l’épouse de saint Joseph et lui a donné des enfants selon la chair, il faut admettre que le Juste providentiellement choisi comme chef de la sainte famille a gardé simultanément, durant de longues années, deux épouses à son foyer. Le seul moyen d’échapper a cette impasse est de nier l’identité de Jacques le Mineur et de José avec les personnages de même nom mentionnés parmi les frères du Sauveur. Mais cette identité tout la suggère : deux hommes, dans le même ordre et avec la même orthographe, dans Marc les deux fois José, dans Matthieu, les deux fois Joseph I Mal th.. xiii. 55 ; xxvii,
56), ne soni-ils pas les deux premiers nommés îles frères de Jésus’.' Un lecteur de Marc est tout naturellement porté à le croire. S’il n’y avait qu’un nom, ce pourrait être un hasard. Il n’est déjà pas si commun que les deux premiers frères aient les mêmes noms dans deux familles ; quand un auteur qui a nommé Jacques et José désigne une femme comme mère de Jacques et de José, il y a presque certitude que ce sont les mêmes personnes. » Lagrange. op. cit.. p. 76. Sur le développement de cet argument, les objections qu’on y peut faire, el les réponses possibles à ces objections, voir Ami du Clergé, LU 2, p. 293 sq. — Toute cette argumentation repose sur l’identité de Jacques l’apôtre et Jacques, frère du Seigneur. Or. cette identité n’est pas absolument prouvée, car elle cadre assez mal soit avec Joa.. vu. 1."> et Marc, m. 21. où il est dil que les i frères du Seigneur étaient incrédules à sa mission, et avec Act.. i. 1 I. dans lequel les Erères du Seigneur > font un groupe distinct de celui des apôtres. Le texte de l’épîtrc aux Galales. i, 11), peut d’ailleurs s’interpréter dans les deux hypothèses. Cf. A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire A pologétique, t. ii, col. 1 17. Il ne s’ensuit pas d’ailleurs que l’hypothèse d’un premier mariage de saint Joseph reste plausible, car cette hypothèse a contre elle d’autres arguments plus positifs et plus directs.
P) Deux évangélistes ont un récit de l’enfance du Sauveur. Qu’on parcoure leur narration d’un regard attentif, en en notant les nuances : une impression très nette s’en dégage : Jésus est le seul objet de la sollicitude paternelle de Joseph comme de la tendresse maternelle de Marie, le seul enfant au foyer de Nazareth. Matth., ii, 11, 13, 14, 30, 21 ; Luc, ii, 16-19, 22, 27, 33, 39, 41, 52. L’épisode de la fuite en Egypte et celui de la recouvrance au temple sont particulièrement significatifs sous ce rapport. Si saint Joseph a eu des enfants d’un premier mariage, leur place est auprès de lui. Leur présence doit laisser quelques traces dans sa vie de famille, surtout vu leur nombre. Si Jésus, à douze ans, l’accompagne au temple, les fils issus de la première union doivent pareillement l’y suivre, d’autant que leur âge plus avancé leur en fait un devoir plus strict. Or, manifestement ni Matthieu ni Luc ne soupçonnent rien de cette première union féconde, de l’époux de Marie, et la teneur même des faits qu’ils racontent semble bien l’exclure. Ceci devient bien plus sensible si l’on rapproche des narrations canoniques les récits apocryphes. Le Protcvangile de Jacques ayant donné des fils à Joseph, les fait naturellement reparaître dans la suite de son histoire par ex. : xvii, 1, 2 ; xviii. 1. Cf. Lagrange, op. cit., p. 75. Pour échapper à la logique de cette argumentation, il faudrait supposer comme le fait d’ailleurs le Protévangile, que les fils du premier mariage de saint Joseph, a l’époque de la naissance de Jésus-Christ, étaient déjà d’un âge suffisamment avancé pour pouvoir se passer de leur père et vivre indépendants. Mais l’histoire ne s’harmonise pas avec cette échappatoire. Les données d’Eusèbe, II. / :., I. [II, c. nmi et c. xi, P. G., t. xx, col. 281-282, 248, fixant la mort de Simeon (le même que Siméon, dont parle Hégésippe, cité par Eusèbe) à l’âge de cent vingt ans. reportent la naissance île ce lils de Joseph, frère du Seigneur a
quelque treize ans avant l’ère chrétienne. Ce qui détruit la supposition de lils déjà adultes au moment
de la naissance du Sau eur.
C) Peste l’unique solution possible : ceux que le titre de frères > el de sœurs du Seigneur pourrait faire croire nés de sain ! Joseph, ne sont eu réalité que des cousins du Sauveur. C’esl la conclusion de tout ce qui précède, Quanl à déterminer le degré de parenté des frères du Seigneur, le problème devient extrê memi’iit compliqué. Plusieurs sentiments se sont fait
jour chez le* exégètes. Tout d’abord, on peut parler de quatre cousins maternels, (ils de Marie et de Clopas-Alphée, cette Marie étant sœur de la sainte Vierge. Mais il faut pour cela identifier Clopas et Alphée, admettre que deux sœurs aient pu porter le même nom dans la même famille, et traduire dans Joa., xix. 2.">, Mapia r, toû KLw— à comme une apposition de r) àSeXqjr ; T/jç [x/jTpôç aÙTOÛ. D’autres auteurs. insistant sur ce fait que lorsque la mère des « frères du Seigneur » est expressément nommée, Matth., xxvii, 56 ; Marc. xv. 40, on ne trouve plus que deux noms : Jacques et Joseph, déduisent que les frères du Seigneur n’étaient pas tous parents au même degré, lit. à cause de la difficulté d’admettre deux sœurs portant le même nom, on fait des frères du Seigneur des cousins paternels, en dissociant, dans Joa.. xix, 25, Marie de Clopas et la sœur de la sainte Vierge. Et l’on émet l’hypothèse, que i Joseph (époux de la sainte Vierge) avait un frère : Clopas et une sœur : Marie, femme d’Alphée. Dans cette hypothèse. Mapfa f) toû KXw7îà est à traduire Marie sœur de Clopas, et Map (a 7) toû’Iaxoj(30u, Marie, mère de Jacques. On voit que ce sentiment n’admet pas l’identification de Clopas et d’Alphée. De Clopas seraient nés Siméon et Jude, tandis que de Marie seraient nés Jacques et Joseph. (Test la combinaison suggérée par le témoignage d’Hégésippc. celle aussi qui donne le plus facilement satisfaction aux textes du Nouveau Testament. » A. Durand, art. cité, col. 146.
3. Un mot. pour terminer la question de la famille de Jésus, est nécessaire au sujet de la parenté de Marie et d’Élisaheth, mère de Jean le Précurseur. Nous avons déjà effleuré la question à propos de l’origine davidique du Sauveur. Voir col. 1112. Elisabeth était de Famille sacerdotale, « des Biles d’Aaron ►, Luc, i. 5. Elle est cependant parente de Marie, mère de Jésus, Luc. i, 3(>. Les lévites ayant le droit de prendre femme dans toutes les tribus, on conçoit facilement qu’Elisabeth, de la tribu de Lévi et de la descendance d’Aaron par son père, pouvait être du côté maternel, parente de la sainte Vierge : il suffit, pour expliquer ce fait, que leurs mères ou leurs grand’nièrcs aient épousé, l’une un membre de la tribu de Juda, l’autre, un membre de la famille sacerdotale Voir Dictionnaire de la Bible, art. Elisabeth, l. ii, col. 1689.
Sur les « Frères du Seigneur : S. Thomas, Suin. theol., III 1, q. xxviii, a. 3, ad.’i "" ; /n IV Sent.A. IV.dist. xxx, q.n, a. 3, ad I "" ; Compendium théologies, c. i l x.wn ; In enang. Matilm-i. v. xii. One ; Jn Joannts evangel., en, lect.n ; c. vii, lect. i ; In epist. ad Galatas, lect., On ; Suarez, De mgsteriii vitee Christi, disp. Y, sect. i. édit, Vives, t. i. p. 9097 ; Denya Petau, De incarnatione Verbi, I. XIV, <-. m ; Ch. Pesch, Preelectiones dogmaticee, t. iv, Fribourg-en-Brisgau, 1909, n. 606 ; Janssens, Tractatus de Deo homlne, part. II. Fribourg-en-B., 1902, p. 294-298 ; a. Sanda, Synopsis théologies dogmalicee specialis, t. ii, Fribourg-en-B., 1922, §243 ; Van Noort, De Deo redemptore.n. 209 ; Lépicier, Trait, de sancto Joseph, Paris, 1908, part. II, a. 7, q.n ; Tanquerey, Synopsis théologies dogmaticee specialis, Paris, 1913, t. i, n. 1250, etc.
P. Corluy, Les frères de N.-S. Jésus-Christ, dan-, les Études, 1878, i, p..">, 1 15 ; Cornely, Introductio specialis in Itbros. T., Paris, 1885, t. iii, p. 595-602 ; F. Vigouroux, Les frères du Seigneur, dans Les Livres saints et lu critique rationaliste, Paris, 5’édit., 1901, t. v, p. 397-420 ; Schegg, Jacobus der Brader des Herrn und sein Brie/, Munich, 1883 ; Th. Calmes, U évangile selon S. demi, Pari’.. 1904, ». 175 ; Neubert, ’Marie dans l’Église anténlcéenne, Paris, 1908, p. 190-208 ; A. Durand, Les Frères <iu Seigneur, dans la Revue biblique, 1908, p. 8-35 et, en appendice, dans l’JSnfanee de Jésus-Christ tTaprt < les Évangiles canoniques, Pai is, 1908 ; Lagrange, Évangile selon s, uni Mure. Paris, 1911, note, p. 72-89 ; Ami du Clergé, 1912, p. 289-301 ; Fouard, La VU de. s. Jésus-Christ, Paris, 1904, t. t, p. 145-448 ; Flllion, Évangile telon S. Matthieu, Paris, 1898, p. 283 ; VU PV.-.s. Jésus-Christ, Paris, l’.rj^, (. i, ]). 379-383 ; et
appendice XXV, p. 553-555. Voir également A. Durand, Frères du Seigneur, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 131-148 ; et, dans le Dictionnaire
de ta Bible, les articles Alphée, t. i, col. 418-419 ; Cléophas, t. H, col. SOT ; Frères de Jésus, col. 2 103-2405 ; Jacques (saint) le mineur, t. iii, col. 1084-1088 ; Joseph (saint), col. 16731674 ; Jade, col. 1806-1807. Voir IIii.viuius, t. vi, col. 21412111, et JACQUES (Epttrede saint), ci-dessus, col. 272-274. On a cité au cours de l’article, les auteurs protestants et rationalistes qui ont renouvelé de nos jours l’hérésie belvidienne, Citons, à rencontre, mais avec la thèse d’Origène, Renan, Les Frères du Seigneur, dans Les Évangiles, Paris, 1877, p. 537 sq. ; J. B. Lightfool, dans son commentaire sur l’épîtreauxGalates, Brelhren 0/ Oie Lard, Londres, 1900, p. 252 sq. ; Harris, The Brethren u/ the Lord, dans le Dictionary o/ Christ and the Gospels, t. i, p. 232 sq.
III. Manifestation messianique et divine de
Jésus-Christ.
L’humanité du Christ, si parfaite au point de vue intellectuel et moral, est déjà par elle-même une manifestation vivante de la transcendance de sa personnalité. Et rien qu’en considérant La perfection des sentiments qui ont animé le Christ pendant sa vie et à l’heure de son sacrifice on souscrit volontiers à la profession de toi quelque peu emphatique du vicaire savoyard : i Si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu. » Mais le théologien ne saurait se contenter de ce point de vue superficiel : il doit étudier, jusque dans ses nuances les plus délicates, la manifestation messianique et divine de Jésus.
I. CARACTÈRE « ÉCONOMIQUE » DE CETTE MANI-FESTATION. — 1° Les Pères de l’Église, notamment les Pères grecs, sont unanimes à remarquer le souci pédagogique de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la révélation de sa personnalité. Les auditeurs du Christ diffèrent profondément les uns des autres par leur préparation, leur acquit, leur valeur morale. « Le Seigneur tient le plus grand compte de ces dispositions et y adapte son enseignement : il se révèle plus explicitement aux disciples privilégiés dont il veut faire ses apôtres : il est plus réservé vis à-vis de la foule ; en face des pharisiens, qui n’ont pas l’excuse de la bonne foi et de l’ignorance, il garde moins de ménagements, et quand leurs attaques le provoquent à se découvrir, il ne s’y refuse pas toujours entièrement. Il faut remarquer, de plus, que la révélai ion du Fils de Dieu n’a jamais eu la forme d’un enseignement systématique ; elle s’est poursuivie au contact des mille rencontres que le hasard ou plutôt la Providence faisait naître. Les évangélistes ont été trop respectueux de ces réalités divines et aussi trop dominés par elles, pour les ramener à une forme schématique ; et, à travers ces épisodes, si chargés de vérité et de vie, mais si divers, il est impossible d’imaginer un projet rectiligne et d’en projeter ici le plan. »
i Cependant. si l’on ne prétend pas à trop de rigueur, on peut distinguer, dans l’enseignement du Christ, plusieurs phases successives qui initient progressivement ses disciples à la révélation du mystère. La prédication île Jésus, au début, a surtout le caractère d’un enseignement moral : mais, dès cet le période, le C.hrist apparaît au centre de celle religion qu’il prêche : comme Maître dès cette vie, comme Juge au dernier jour, il saisit les aines avec un Ici empire que l’on est amené à reconnaître en lui une autorité qui lui appartient personnellement et qui est vraiment divine. A côté de celle prédication morale, on peut relever, surtout dans les conversations privées avec des disciples ou des controverses avec les pharisiens, des déclaralions plus directes, ou Jésus, se présentant connue le
Fils de l’homme, tait entrevoir son rôle messianique ; .i pari ir de la scène de Césarée de Philippe, ces commu nical ions de iennent très fréquentes et très explicites :
elles prédisent clairement aux apôtres les souffrances et ii ; ; !
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JÉSUS-CHRIST. SA MAMl’l-SÏATION Dlll.
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l’avènement glorieux de leur Maître. Ces révélations ae sont pas le dernier mot de renseignement du Christ ; d’autres paroles nous font entrer plus avant dans le mystère : ce sont celles où Jésus se manifeste comme le Fils ou le Fils île Dieu : son rôle de médiateur entre son Père et les hommes, son union avec le Père, làhaut dans ce mystère inaccessible à toute autre intelligence, où ils se saisissent et se pénètrent totalement l’un l’autre : c’est là le grand secret de l’Évangile, la suprême révélation du l’ère céleste. Après avoir ainsi esquisse, à la suite des synoptiques, ce progrès de la révélation dans l’âme des disciples, nous parviendrons à la dernière semaine du ministère de Jésus : vis-à-vis de la foule encore indécise, vis-à-vis de ses adversaires acharnés, le Christ redouble d’efforts ; il se dévoile dans des paraboles transparentes, comme celle des vignerons, dans des controverses pressantes, comme au sujet du Fils de David, et surtout dans des tableaux d’une incomparable majesté où il décrit son avènement au dernier jour. Knlin il scelle toute cette révélation par le témoignage suprême rendu devant le grand prêtre et confirmé par sa mort. Et Dieu le Père à son tour, consacre le témoignage de son Fils : c’est la résurrection ; ce sont les apparitions glorieuses : c’est l’ascension. » J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1919, p. 251-25 ; >.
2° Parmi les dispositions des auditeurs de Jésus, il en est qui commandent cette « économie » progressive dans la révélation de la personnalité divine de Jésus, en raison des conditions intellectuelles, sociales, et politiques du milieu juif, dans lequel Jésus était appelé a se manifester comme le Messie et le Fils de Dieu. Nous avons esquissé plus haut ces conditions, voir col. 1126 sq. Le peuple juif attendait le Messie, homme et non pas Dieu. Avant de se manifester comme Dieu, Jésus devait donc au préalable faire la preuve de sa mission messianique. Mais ici encore, 1’ « économie » progressive s’imposait. Qu’on se rappelle l’attitude des zélotes, d’une part, des hérodiens, d’autre part, les premiers fanatiques et nationalistes, les seconds, opportunistes et timorés. « Une revendication messianique éclatante eut suscité des craintes et surrexcité des espoirs, amené des oppositions et répressions violentes que Jésus ne voulait pas déchaîner avant l’heure providentielle, et qu’il n’entrait pas dans sa mission de briser à coup de miracles. Même avec les tempéraments qu’il adopta, le Maître dut se soustraire plus d’une fois à l’enthousiasme indiscret des foules. Ne parlait-on pas de le prendre et de le proclamer roi ? Joa., vi, 15 ; cf. Marc, vii, 21 ; ix, 30 ; Luc, xiii, 31 sq. ; Joa., vii, 6 ; x, 23, 24. » L. de Grandmaison, Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1341. Un autre motif imposait encore à Jésus la prudente économie dont nous avons esquissé les grands traits. La théologie juive avait faussé et déformé le sens des prophéties messianiques. D’un royaume qui, à tout prendre, était d’abord intérieur et spirituel, elle avait fait un royaume temporel, où le Messie serait « Roi, 01s de David, lieutenant de Jahvé dans la lutte finale contre les Nations, nouveau Macchabée, nouvel Hyrcan, le Héros délivrerait Jérusalem et ferait de la ville sainte la capitale d’un monde régénéré, plantureuse à merveille, où les Juifs fidèles seraient servis à genoux par ces Gentils arrogants ! Id., ibid., Voir col. 1129. Rappelons-nous de plus qu’à cette conception de l’avènement messianique se mêlaient des rêveries eschatologiques, fondées sur Dan., vu. 13-14, dans lesquels le Messie, un être mystérieux, venu soudain on ne sait d’où, apparaissait sur les nuées du ciel, et préludait au jugement dernier par un acte qui annonce et préligure la restauration du royaume d’Israël. A ces conceptions erronées se mêlaient M.
traits justes et authentiques qui les rendaient d’autant
plus dangereuses, il fallait doue que le Christ, avant de proclamer ouvertement sa messianité, rappelât aux esprits non prévenus le sens véritable des prophéties concernant sou avènement. i Dans ces conditions. conclut avec raison le P. de Grandmaison, une reven dication immédiate et publique du titre de Messie (en plus des dangers qu’elle eût l’ait courir avant l’heure à la personne du Maître) aurait eu pour effet d’autoriser et de rendre indéracinable l’erreur commune sur la nature et les destinées du règne de Dieu. Chacun eût reporté sur ce Messie l’image qu’il s’en était forgée et l’eût contemplé à travers le prisme de ses espérances vaines. C’est pourquoi, fidèle sur cela même à la conception du royaume qu’il devait décrire dans les paraboles du levain et du grain de sénevé, Jésus adopte, dans l’exposition de son message, une sévère économie et une prudente lenteur. Il commence par inspirer aux hommes de bonne volonté, touchés déjà par la prédication du Baptiste, cette inquiétude, ce trouble fécond, cette componction, cette faim et cette soif de la justice qui devaient, selon les Écritures, marquer l’aurore et commencer les conquêtes du règne de Dieu. C’étaient là des conditions indispensables à l’intelligence, au goût, à l’acceptation de l’Évangile. Cependant, et dès le début de son ministère, le Maître pratique les œuvres fie bonté, de délivrance et de puissance prédites par les grands prophètes. En face de ces œuvres, les mots d’André à Pierre devaient spontanément monter aux lèvres de ceux qui attendaient, en droiture et simplicité, l’espérance d’Israël : « Nous avoas trouvé le Messie. » Joa., i, 41. Jésus laisse les faits parler pour lui ; il évite les promulgations prématurées, repousse l’hommage indigne des mauvais esprits, éprouve la foi naissante et mêlée de scories trop humaines, des disciples. » L. de Grandmaison, op. cit., col. 1312.
3° Ces observations si justes nous montrent combien hasardeuse est l’entreprise de l’exégèse libérale quand elle veut trouver dans cette économie de la révélation du Christ une manifestation de l’éveil, du progrès, de l’épanouissement de la conscience messianique et filiale de Jésus-Christ. Il y aurait toute une littérature à rappeler touchant les prétendues études psychologiques sur la « conscience de Jésus », depuis la Vie de Jésus de Renan jusqu’aux assertions audacieuses des tenants du radicalisme actuel. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’y revenir à la fin de cet article. Il suffit présentement de rappeler que cette prétention rationaliste d’établir l’enchaînement des idées et des expériences par lesquelles est passé Jésus pour en arriver à se considérer comme le Messie est une prétention imaginaire, aboutissant à faire de l’Évangile un roman et qu’elle est forcément en contradiction, en la plupart de ses assertions, avec les données de la Bible. L’ « économie » de la révélation, telle que la présente le dogme catholique, repose au contraire sur les données les plus positives. L’éveil de la foi messianique, son progrès, son épanouissement sont vrais chez les auditeurs de Jésus, et c’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour bien comprendre les nuances des récits évangéîiques. Les Pères et saint Athanase, en particulier, De sententia Diontjsii, n.8 sq., P. G., t. xxv.col. 489 sq.. l’avaient admirablement compris et le terme olxovou.(a dont ils se servaient pour caractériser la manifestation progressive du mystère de l’incarnation dépeint parfaitement la position catholique. El c’est par degré cpie i et les disciples ont été amenés à
la foi dans les vérités que Jésus possédait pleinement des le premier instant de sou existence mais qu’il ne leur a dévoilées que progressivement : Dicendum quod in discipulis Christi notedur quidam ftdei prof ec tus, ut primo riim venerarentur <iimsi hominem sapientem et 1 1 75
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JÉSUS-CHRIST. LES RECITS DE L’ENFANCE
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magistrum, et poslea ei intendereni quasi Deo docenli. S. Thomas, De verilate, q. xi. a. 3, ad S » m.
Que Jésus, Fils de Dieu et Messie dès le premier Instant de son existence terrestre, ait eu en conséquence de l’union hypostatique, la conscience parfaite de sa filiation et de sa messianité, le théologien n’en doute pas. Mais il y a plus : malgré l’économie dont le Sauveur avait décidé d’entourer sa manifestation publique aux hommes, il a voulu que des preuves surnaturelles et convaincantes de sa filiation divine
el cle sa messianité fussent déjà données à quelques hommes privilégiés dès le moment où, Verbe de Dieu, il s’est lait chair dans le sein de la vierge Marie. Et, comme pour réduire à néant d’avance toutes les imaginations de la psychologie rationaliste et incroyante, Dieu a inspiré aux auteurs sacrés de relater, avant les enseignements et les prodiges de sa vie publique, les caractères transcendants et divins de sa première manifestation au monde, au moment de sa naissance et aux années de son enfance. L’évangile de l’enfance. rapporté par saint Matthieu et par saint Luc, est la source où le théologien doit puiser les premières preuves de la crédibilité qui s’attache à la personnalité divine de Jésus-Christ, dès le moment de sa conception virginale en Marie. C’est la raison pour laquelle la critique indépendante rejette l’authenticité de ces récils. Mais comme ce rejet est purement œuvre de préjugé, le théologien catholique garde tout droit d’utiliser tout d’abord les renseignements fournis par le premier et le troisième évangile.
II. MANIFESTATION MESSIANIQUE ET DIVINE HE JÉSUS DANS LEVA S Gl LE DE L’ENFANCE. - ° Les /(lits rapportés : leur valeur au point de vue messianique.
— Les laits sont rapportés par Mat th., i. 18-n, 23 et Luc, i, 5-n, 52. Chez saint Matthieu, un ange annonce a Joseph, Hancé de Marie, la conception miraculeuse du Messie, i, 18-19..Jésus naît a Bethléem, ii, 1 : des mages viennent l’adorer, ii, 1-12 ; puis Joseph et Marie fuient en Egypte avec l’enfant, ii, 13-15. rendant ce temps, llérode fait massacrer les petits enfants de Bethléem, n. 16-18, et. le danger passé, le sainte famille revient se fixer à Nazareth, n. 19-23. Chez saint Luc, nous trouvons plus de détails. L’ange Gabriel prédit à Zacharie la naissance prochaine du précurseur, i. 5-25, Il annonce a Marie qu’elle deviendra miraculeusement la mère du Messie, i. 26-38. La sainte Vierge, instruite par l’ange, visite sa cousine Elisabeth. i. 39 56. L’évangéliste rapporte ensuite la naissance, la circoncision du précurseur, sa vie au désert, i. 51-80. Jésus nail à Bethléem. ii, 1-7. Des bergers, avertis par les anges, viennent l’adorer, n. 8-20. Il est circoncis, n, 21 : et présenté au temple, eu même temps que Marie se soumet à la loi de la purification, n. 22-38. La sainte Famille retourne a Nazareth, il, 39-40. Ici, se place dans le récit évaugélique. L’épisode du recouvrement de Jésus dans le temple, n. 1 1-50, et L’affirmation
de sa croissance intellectuelle et morale. Notons que
Luc rapporte les cantiques de Marie, i. 46-55, de Zacharie, i. 68-79, et de Siméon. n. 29-32. En apparence les deux narrations ne sont entièrement d’accord que sur deux points : la naissance de Jésus à Bethléem et L’installation de la sainte Famille a Nazareth après les premiers épisodes de l’enfance du Sauveur. Mais, au tond, en les comparant de plus près, on aboutit à une pleine concordance sur cinq points différents : le caractère absolument surnaturel de la concept ion du Christ, Mail h. i, 18-25 ; l.uc, [, 34 35 ; le lieu de sa naissance. Mal I h. ii, I 8, 16 ; LUC, ii, 1 17 : l’époque de cet le naissance : le règne d’Hérode le Grand, Mail h., u. 1 : l.uc. r, 5, 26 ; ii, l ; le rôle de Messie attribué d’avance au Bis de
Marie. Mallh.. i.’21 23 ; Lue., i. 31 33 ; 76 79 ; la descendance royale et davidique de Jésus. Matth., i, l. 6, L7 ; Luc, i, 27 ; u. l : m..’il. Les divergences entre
les deux récits sont assez accentuées. Nous n’avons pas à parler ici des solutions diverses qui ont été proposées pour les réduire. Il est manifeste que ni Matthieu ni Luc n’avaient l’intention de tout dire. Ils ne relèvent, l’un et L’autre, avant comme après Noël, qu’un certain nombre de faits merveilleux, dans lesquels l’action divine s’est manifestée, pour préparer les voies au salul des hommes. Cependant, ce qu’ils ont dit suffit pour mettre en relief la valeur messianique des faits qu’ils rapportent. Bien que, dans les années de l’enfance, la manifestation du Messie, fils de Dieu incarné, ne soit pas publique et s’adresse simplement à quelques âmes privilégiées, cependant déjà les motifs de crédibilité ne manquent pas, qui témoignent que l’entant de Bethléem et de Nazareth est vraiment le Verbe fait chair, habitant parmi nous. Ce sont ces motifs de crédibilité qu’il faut brièvement signaler.
2° L’affirmation de la messianité et de la divinité du Christ dans lis faits de l’enfance. - - Cette affirmation exisle. dans la réalisation de certaines prophéties messianiques et dans les interventions miraculeuses du ciel attestant la messianité et la filiation divine de Jésus-Christ. 1. Réalisation de certaines prophéties messianiques. - Knumérons-les simplement : lieu de la naissance du Messie. Michéc. v, 2 : Matth., ii, 1-8 ; 16 ; Luc. n. 1-17 : époque de cette naissance, (.en., xux. 8-12 ; Matth.. ii, 1 ; Luc, i, 5, 26 ; ii, 1 ; race dont naîtra le Sauveur : race humaine, Gen., m. 16 ; de Sem, ix, 26 ; d’Abraham, xxii, 18 ; d’Isaac, xxvi. I ; de Jacob, xxviii, 14 ; de Juda. XXIX, 8-10 ; de David. II Reg., vu. 1-17 : cf. Ps., i.xxxviii (heb., i.xxxix), 1-38, Is.. îx. S ;.1er., xxx, il : Os., m.."> ; Ain., ix, 11 ; à rapprocher île Matth., i, 1, G, 17 ; Luc. i, 27 ; ii, 4 ; iii, 31 : conception miraculeuse d’une vierge, Is., vii, 14 ; à rapprocher de Matth.. i, 18-25 ; Luc, i. 27-34 ; le précurseur, Malach., iii, 1 ; iv, 5 : à rapprocher de Luc, i. 5-27 ; 57-80 ; la présence du Messie dans le temple de Zorobabel, Agg., n. 0, voir Luc. ii, 22 ; et, tout au moins dans un sens typique, le massacre îles Innocents, .1er., xxxi. L"). Voir Matth.. ii, 18. Pour plusieurs de ces prophéties, c’est l’événement qui en révèle le sens exact : elles n’en gardent pas moins leur valeur de motifs de crédibilité. - 2. Interventions miraculeuses attestant la messianité et la filiation divine de.Icsus-Çhrist. a) L’apparition de l’ange a Zacharie, Luc, i. 11. et le message île cet ange, qui, annonçant à Zacharie qu’il aura un tils, doué de qualités éminentes, prédit que ce fils sera le précurseur du Messie. 13-17. Ce message est une véritable prophétie et quant a la vie mortifiée et quant au rôle du précurseur. L’ange, d’ailleurs, emprunte eu grande partie à Malachie les formules qui tracent ce rôle. Muni de l’esprit et de la force d’IJie. Jean réussira a reconstruire l’unité morale entre les temps anciens et les nouveaux, v. 16-17, 60 régénérant par la pénitence ses contemporains dégénères el en préparant ainsi au Messie un peuple parfait. L’événement j us li liera plus tard l’exact i tuile de la prophétie et en fera donc ressortir la valeur comme motif de crédibilité. Mais il ne sera pas nécessaire d’al tendre jusque-là pour avoir un signe o de la vérité de la révélation laite par le ministère de l’ange. Le
n de l Gabriel que s’attribue le messager céleste,
étail déjà, a lui seul, un si^ne suffisant, car Gabriel qui se tient debout devant Dieu était l’un des sepl au^es supérieurs dont il est fait mention dans Tobie, xii, 15, el celui-là même qui paraît dans le livre de Daniel pour annoncer la dale de l’avènement
du rédempteur. Dan., viii, I6 ; ix, 20-27. Mais Zacharie
a cependant encore un moulent d’hésitation. Heureuse hésitai ion. qui nous vaut un si^ne nouveau, miraculeux et précis, confirmant la révélation faite par l’ange : Voici que tu seras muet et que tu ne pourras 11’rÉSUS-CHRIST. LES RECITS DE L’ENFANCE
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plus parler jusqu’au jour où ces choses arriveront, parce que tu n’as pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps, s. 20. Les événements s’accomplissenl comme l’avait inédit l’ange, corroborant ainsi
l’autorité de sa parole et attestant la crédibilité de la mission du précurseur et de la dignité messianique de Celui qu’il venait annoncer.
b) Niais il y a plus ; une autre apparition du même ange Gabriel, à Marie, la fiancée de Joseph, nous ouvre des horizons nouveaux sur la dignité du Messie futur. Après une salutation des plus flatteuses pour Marie. Luc, i. 28-30, le messager divin, rappelant eu quelques mots plusieurs prophéties messianiques, eu annonce la réalisation dans le fils que concevra la Vierge : Voici, dit-il. que tu concevras dans ton sein, et tu enfanteras un tils. et tu lui donneras le nom de .lesus. Il sera grand, il sera appelé LE FILS DO TRÈS-HAVTeX le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père et il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de lin. ꝟ. 31-32. En ces quelques mots, nous trouvons d’abord l’annonce de la réalisation de la prophétie d’Isaïe, vii, 14, et l’affirmation de l’origine davidique du Messie. Mais il convient surtout de retenir la révélation authentiquement faite de la divinité du Messie. Jusqu’alors, en effet, la filiation divine du Messie futur avait été laissée dans l’ombre par les prophètes de l’Ancien Testament. Mais iei nous trouvons une affirmation directe, tombée du ciel, et attestant que celui qui doit naître sera le Fils de Dieu. La locution : i il sera appelé », xXr ( Orja£- : ai., revient à dire : non seulement il sera le fils du Très-Haut, mais il sera reconnu et traité comme tel. Le nom de Très-Haut i S^irroç, est l’équivalent de l’hébreu Êliyôn et apparaît assez fréquemment dans la Bible pour exprimer la grandeur de Dieu, Gen., xiv, 18 ; l’s., vii, 18 : Marc, v, 7 : Luc.vni, 28 ; Act., vii, 48 ; lleb.. vii, 1. etc. Une question posée à l’ange par Marie, désireuse de savoir comment sera sauvegardée sa virginité, appelle une réponse qui, éclaircissant le mystère, insiste davantage encore sur le sens absolument propre dans lequel il faut entendre que le Messie futur sera « fils de Dieu i
L’Esprit Saint surviendra en toi
et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; C’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.
Le mode absolument surnaturel de la maternité de Marie exclut toute coopération humaine, et ce n’est pas en vain que l’ange représente la naissance du Messie comme un déploiement de la force du Très-Haut, car le mystère de l’incarnation, l’union du Verbe avec notre nature, est la manifestation d’une énergie absolument divine. Aussi, conçu par la vertu de Dieu, le fils de Marie sera une chose tout à fait sainte, ftyiov. De plus, il sera Dieu, lui aussi, et reconnu comme tel. Il ne s’agit plus ici d’entendre l’expression t Fils de Dieu. dans un sens large, comme lorsqu’elle s’appliquait, analogiquement à de simples humains qu’une grâce spéciale rapproche à un titre quelconque de Dieu, cf. Gen., vi. 2 : l’s., xxviii, 1 ; lxxxi, 6 ; Esttær, xvi, 16 ; Job, i, 6 ; Luc, xx, 35-36 ; Rom., iv, 1-2 : viii, 15-10 ; Gal., iii, 26 ; IV, G. 7 ; I Joa., iii, HO, etc. ; mais elle comporte un sens bien déterminé, dépassant en précision celui qu’avait pu entendre du ie futur le psalmiste lui-même. Ps., ii, 7 ; cf. col. 1118. Il s’agit ici d’une filiation proprement divine. Bien plus, malgré la particule oVj xa.1 qui semblerait indiquer que la filiation divine est une conséquence de la conception virginale, il faut entendre que celui que Marie doit concevoir et enfanter est déjà Dieu avant qu’il soit question de conception surnaturelle. Cf. Durand. L’enfance’/< Jésus-Christ, Paris, 1908,
p. 156. Le message de l’ange Gabriel à Marie constitue la première révélation positive et authentique de la divinité du Messie, révélation à laquelle se reportera d’instinct la foi des évangélistes et des premiers chrétiens. Cf. Mai’c.. i, 1. El ici encore, un signe apporte la crédibilité du mystère révèle : i Voici, dit l’ange à Marie. qu’Elisabeth ta parente, a conçu elle aussi, un tils dans sa vieillesse et ce mois est le sixième de celle qui est appelée stérile : car il n’y a rien d’impossible à Dieu, i Luc. i, 36-37. Saint Matthieu nous rapporte, eu termes moins expressifs, la même révélation de la divinité du Messie. Aussi nettement que Luc. il avait affirmé la conception virginale, i, 18 ; et, après avoir relaté le trouble de Joseph trouvant sa fiancée enceinte, il rappelle le signe divin qui ramena la paix dans le cœur du saint patriarche, l’apparition de l’ange, assurant à Joseph que ce qui a élé engendré en Marie est du Saint-Esprit. Puis, invoquant la prophétie dlsaïe il en montre l’accomplissement dans la naissance de l’Emmanuel. La scène de l’annonciation, chez, saint Luc. n’est pas seulement utile pour nous faire connaître la première révélation de l’origine divine du Messie : c’est tout le mystère de l’Hommc-Dicu qui nous y est présenté. Son rôle messianique de Sauveur de l’humanité est tout particulièrement précisé par l’ange dans le nom qu’il assigne au Messie et dans l’explication qu’il do ne de ce nom : « Tu concevras… et tu enfanteras un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. » Luc, i, 31. « Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. » Matth., i, 27. Jésus signifie en effet « Jahvé sauve ». La forme hébraïque complète du mot est Jehôchouah, par abréviation, Jechouah, dont les Grecs ont fait’IyjooOç et les Latins Jésus. A lui seul, ce nom désignait donc en abrégé la grâce de salut dont le Messie était le porteur pour l’humanité tout entière. Ce n’était pas un nom nouveau : plusieurs personnages de l’antiquité israélite, Josué, l’auteur de l’Ecclésiastique, et d’autres, demeurés inconnus, l’avaient déjà porté. Cf. Luc, iii, 29 ; Col., iv, 11. Mais seul, le vrai Jésus, le vrai Sauveur, devait en réaliser pleinement la signification.
c) La Visitation de Marie à Elisabeth est encore l’occasion d’une double manifestation surnaturelle, l’esprit de prophétie s’emparant successivement d’Elisabeth et de la vierge Marie. A Elisabeth, dont l’enfant tressaille en son sein en présence de Marie, l’Esprit-Saint révèle soudain la faveur incomparable dont la mère de Jésus a été l’objet, et, sous le coup d’une violente émotion, l’épouse de Zacharie s’écrie :
Tu es bénie entre les femmes
et le fruit de ton sein est béni. [moi ?]
Et d’où me vient que lanière démon Seigneur vienne a
Car voici, dès que la voix de ta salutation a retent i a mon
l’enfant a tressailli de joie dans mon sein, [oreille],
Et bienheureuse celle qui a cru que s’accompliraient
les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur.
Luc., i, 12-45.
Le dernier verset fait une allusion évidente au mystère de l’annonciation qu’Elisabeth ne peut connaître que par voie de révélai ion : nouveau mol if de crédibilité de ce mystère et de toutes les vérités qu’il comporte, Mais le v. 13 est une nouvelle affirmation inspirée de la divinité du Messie : Elisabeth salue sa parente du titre de Mère de son Seigneur, iJ.ixtç ToGxuplou Marie (et non Elisabeth, comme l’affirment, à la suite d’une remarque d’Origène, mais à tort, nombre de critiques moderne, ; voir, sur ce point, Ladeuze, R d’histoire ecclésiastique, 1903, p. 623-644, et, dans Fillion, Vie de S. -S. Jésus-Christ, t. i, appendice xix, il i, un bon résumé et une bibliographie suffisante de la question), Marie répond aux louanges d’Elisabeth par le Magnificat, dans lequel, avec l’aveu des grandes J 1 79
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JÉSUS-CHRIST. LES RÉCITS DE L’ENFANCE
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choses qui ont été accomplies par Dieu en elle, la Vierge-Mère expose la part spéciale que le peuple juif allait avoir aux grâces de salut apportées par le Messie :
Il a relevé Israël, son serviteur se souvenant de sa miséricorde,
scion ce qu’il avait dit à nos pères à Abraham et à sa race, pour toujours. Luc, I, 54-55.
Celle dernière strophe est bien la prophétie de l’imminence de l’ère messianique.
</) La nativité deJean-Baptiste donne lieu derechef à une nouvelle manifestation de l’Esprit divin, manifestation prophétique relative au.Messie et à sa divinité. Après que la voix lui fût rendue miraculeusement. le père de Jean, rempli de l’Esprit-Saint », prononce l’hymne prophétique du Benedictus.
Dans la première partie, ꝟ. 68-79, qui abonde en réminiscences de l’Ancien Testament, cf. Plummer, Commentary on the Gospel according lo St. I.ukc, lit., Edimbourg, 1900, p. 39-40, Zacharie montre l’imminente réalisation des prophéties par l’avènement du Messie et par la concession au peuple juif des bienlaits promis à l’occasion de cet avènement. Une seconde partieꝟ. 76-79, expose le rôle auguste que le nouveau-né aura un jour l’honneur de remplir envers le Messie. On n’y trouve pas sans doute, au moins explicitement, l’affirmation de la divinité de Jésus, mais sa messianité est absolument reconnue.
Toutes les merveilles qui accompagnèrent la naissance et la circoncision de Jean, la protection divine manifestement accordée à l’enfance et à l’adolescence mortifiée du précurseur, ꝟ. 80, montrent bien la crédibilité qui s’attache à la mission de Jean-Baptiste et par concomitance, à celle de Jésus.
e) Mais, à la naissance de Jésus, d’autres prodiges éclatent, qui viennent confirmer la vérité des révélations qui s’y opèrent touchant la messianité et la filiation divine de l’enfant de Bethléem. Certains détails dont saint Luc entoure le récit de la naissance, n. 7, manifestent la pauvreté volontaire, l’humiliation dans lesquels le Fils de Dieu veut naître selon la chair. L’expression : < peperit filium suum primogenilum », ne doit pas nous étonner et faire difficulté relativement a la virginité de Marie post partum. Voir Marie. La naissance de Jésus eut lieu pendant la nuit. Luc, n, 8, 16. Des bergers, aux environs de Bethléem, gardaient leur troupeau. Tout à coup un ange leur apparut et la « clarté de Dieu », ꝟ. 10, les environna. Sur cette gloire du Seigneur, voir Gloire, t. vi, col. 1368-1392. L’ange rassure les bergers effrayés : Voici que je vous apporte la bonne nouvelle d’une grande joie pour tout le peuple ; c’est qu’il vous est né aujourd’hui dans la ville de David, ’A s I EUR, QUI I.E CHRIST SE1QNEVR, Oû>T^p, ôç èo-ri ^piaxôç
xôpioç, . i La qualité de Messie est nettement indiquée : la divinité du Messie, moins nettement exprimée par le terme xùpioç, dont les bergers ne comprirent peut-être pas le mus plein et parfait, y est cependant suflisamment indiquée. L’ange appelle Bethléem, < cité de David », par une allusion évidente à la race dont naît le rédempteur. Les bergers reçoivent un signe » :
Vous trouverez un petit enfant, enveloppé de langes et couché dans une crèche. fuis « une iroupe de la milice céleste —, c’est à-dire un groupe d’anges nombreux font retentir la doxologie de louanges et d’action races, qui résume si parfaitement le caractère, la ifleation, le but, les avantages de l’incarnation et de la naissance du Verbe : Gloire à Dieu dans les hauteurs, et sur la terre, paix et bienveillance aux hommes,
/ ; J.a présentation de Jésus au temple scia l’occasion d’une nouvelle révélation de la messianité du Sauveur.
Sans doute, Jésus, comme Verbe incarné, n’était pas soumis à la loi ; il voulut cependant s’y soumettre par obéissance et humilité, manifestant ainsi les admirables sentiments dont parle l’épître aux Hébreux, x, 5-6. « Il y avait alors à Jérusalem un homme appelé Siméon, et cet homme était juste et craignant Dieu ; il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit-Saint était en lui. » Luc, ii, 25. Le terme o consolation d’Israël », désignant ici le Messie et les multiples grâces dont il est porteur, fait allusion aux prophéties messianiques qui avaient depuis longtemps annoncé ce consolateur. Quand Jésus fut présenté au temple, Siméon, illuminé intérieurement de l’esprit de Dieu et d’ailleurs assuré, par une révélation personnelle « qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur, » reconnaît en l’enfant le Sauveur des hommes et, dans un court, mais sublime cantique, demande à Dieu de le laisser aller en paix :
Puisque mes yeux ont vu le salut qui vient de vous
et que vous avez préparé à la face de tous les peuples :
lumière pour éclairer les nations,
et gloire d’Israël votre peuple. Luc, ii, 29-32.
Mais ce n’est pas seulement la messianité de Jésus que chante Siméon ; le saint vieillard entrevoit et prophétise la rédemption future, non seulement d’Israël, mais de tous les peuples. C’est un trait personnel qu’il ajoute à la figure de Celui qui vient au monde pour être la lumière qui éclairera les nations. Puis, approfondissant le mystère de la rédemption, il prophétise la contradiction dont Jésus sera le signe et le glaive de douleur qui transpercera le cœur de sa mère, ꝟ. 34-35. La prophétesse Anne, lille de Phanuel, proclame, elle aussi, la messianité du rédempteur futur, ꝟ. 36-38.
g) L’adoration des mages (laquelle, chronologiquement doit être postérieure à la Présentation ; voir l’art. Mage, dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 549), rapportée par saint Matthieu, témoigne également de la messianité et peut-être même de la divinité du Christ. Nous laissons, dans l’histoire des mages, tout ce qui ne se rapporte pas directement a ces deux objets. On consultera, à leur sujet, l’article Mage, déjà cité cl, de plus, Palrizi, S..1.. De evangeliis libri 1res, Rome, 1852-1853, t. iv. p. 309-354 ; Dicterich. Die Weiscn ans dem Morgent and, dans la Zcitschrift fur die neutestamentliche Wissenschafl, 1902, n. 1. L’étoile dont parle les mages fut-elle d’un caractère surnaturel ou un phénomène naturel ? Le problème reste controversé, et il sullit donc de le signaler ici. Voir Fïllion, L’Évangile de S. Matthieu, Paris, 1898, p. 52 et P. X. Sleinmoizer, Die Geschichte der (ieburt und Kindheit Christi und ilir Verhâltnis zur babylonischen Mythe, Munster en W., 1910, p. 85. On constate, dans l’aine des mages, l’attente messianique, laquelle, avons nous dit, débordent à coup sûr les frontières du peuple juif, voir col. 1139. Ces personnages arrivent de l’Orient directement à Jérusalem, et demandent : i où est celui qui est né roi des Juifs ? car nous axons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer, i La croyance des mages au caractère messianique de celui qui est né apparaît en ces mots : roi des Juifs ». L’expression « adorer », à la lettre : nous prosterner devant lui », n’implique ni n’exclut en Jésus la divinité : « Ile exprime l’hommage rendu aux rois et au grands personnages tout aussi bien qu’à la divinité. Le titre de « roi des Juifs », par lequel Hérode reconnaît facilement le Messie, a toutefois le don d’émouvoir et d’inquiéter le vieux despote, . M. Cet émoi qu’éprouva Hérode et « tout Jérusalem avec lui » montre bien de quelle prudente économie Jésus devra plus tard, au cours de sa vie publique, entourer la révélation du mystère de son être divin. Hérode toutefois
se ressaisit, et convoquant les princes des prêtres, les scribes du peuple c’est-à-dire, peut-être, le sanhédrin tout entier, demande à ce corps célèbre une réponse authentique à la question « où le Christ naîtrait Cette solennité elle-même témoigne en faveur de la crédibilité du mystère de Bethléem, qui, de l’aveu même des plus autorisés parmi les Juifs, répond exactement à la prophétie de Michée. (".’est donc à Bethléem que le Messie doit naître : la chose est indubitable, et Ilérode y envoie les mages avec une recommandation pleine d’hypocrisie. Dirigés par l’étoile, les mages arrivent dans la maison que vraisemblablement Joseph s’était procurée à Bethléem même, après la presse des premiers jours occasionnée par le recensement, et y trouvent l’enfant et sa mère -Marie ; puis, se prosternant, ils l’adorèrent, lui offrant en présent, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Dans cette « adoration » des mages, précisée par le symbolisme de l’encens, peut-être faut-il voir davantage que l’hommage rendu à un roi ou à un grand de ce monde. C’est l’interprétation de toute la tradition chrétienne que le poète Juvencus a résumée en vers ;
Thus, aurum, myrrham, regique hominique Deoque Donaferwit.
Quoi qu’il en soit, l’avertissement divin reçu en songe de ne pas retourner près d’Hérode, ajoute encore à la crédibilité qu’apporte au mystère de l’Homme-Dieu naissant la démarche, naturellement inexplicable, des mages d’Orient.
h) Le massacre des Innocents, Matth., ii, 13-23, n’apporte aucun élément nouveau à cette crédibilité. Il est cependant, pour l’évangéliste, l’occasion d’appliquer à l’histoire de Jésus, en un sens typique, deux passages de l’Ancien Testament, Os., xi, 1 et Jer., xxxi, 15 et d’expliquer comment, après la fuite en Egypte, le retour de la sainte famille à Nazareth vérifie la parole des prophètes : quoniam Xa : arxus vocabitur, et justifie le qualificatif de « nazaréen » si souvent donné par le Nouveau Testament à Jésus. Cf. Matth., xxi. Il : Marc, i, 24 ; x, 47 ; xiv, 67 ; xvi, 6 ; Luc, iv, 34 : xviii. 37 ; xxiv, 19 : Joa., i, 46-47 ; xviii, 5, 7 ; xix. 19 : Act., ii, 22 ; iii, 6 ; iv, 10 ; vi, 14 ; x, 38 ; xxii, 16 ; xxvi, 9.
i) Nous n’avons pas à nous arrêter aux prodiges, racontés par les apocryphes et qui auraient été accomplis par Jésus enfant. De tels prodiges sont invraisemblables, non seulement parce que, d’après les récits apocryphes eux-mêmes, ils apparaissent comme des miracles parfaitement inutiles et des fables choquantes mais encore et surtout parce que des miracles, s’ils eussent vraiment été accomplis par Jésus enfant, fussent allés contre toute l’économie de l’incarnation qui demandait que Jésus, jusqu’à son apparition solennelle sur la scène historique, demeurât humble et caché, inconnu des hommes. Il est vrai que les apocryphes placent ces prétendus miracles dans la période de l’enfance qui s’étend de la quatrième à la douzième année du Sauveur. L’évangile arabe de l’enfance dit même expressément, c uv, qu’à partir de sa douzième année, Jésus se mit à cacher ses miracles, ses secrets et ses mystères, jusqu’à ce qu’il eût accompli sa trentième année. Mais il est bien certain que les récits apocryphes sont, sur le point des miracles de .Jésus enfant, homme mûr de réflexion et qui n’a de l’enfance que la malice et les défauts, parfaitement controuvés : ils sont, en effet, nettement contredits, par l’histoire évangélique qui, d’un côté, affirme que Jésus accomplit son premier miracle au début de sa vie publique, Joa., ii, 11, et, d’un autre côté, nous montre ses compatriotes de Nazareth extrêmement surpris, lorsqu’ils le virent tout à coup sortir de son obscurité, parler comme un prophète et opérer des
prodiges. Marc i, 27 ; ii, 12 ; vi, 2-6. Toutefois cet entassement de merveilles inutiles, accomplies souvent sans but moral ou, ce qui est pis, dans un but parfaitement égoïste, exhibition perpétuelle, insensée, choquante par instants, d’une puissance surhumaine qui ne demande qu’à exciter l’étonnement, témoigne d’une préoccupation dogmatique des auteurs des apocryphes, et cette préoccupation doit être relatée ici comme manifestant, avec un monophysisme naïf, la croyance en la divinité de Jésus enfant : on voulait démontrer que, même petit enfant, le Sauveur était vraiment le Fils de Dieu. De toutes les élucubrations apocryphes sur les miracles de l’enfant Jésus, ne retenons que cette idée parfaitement juste : cet enfant est Dieu. Cf. Fillion, Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i, p. 158-163.
j)Lc seul fait remarquable relevé par saint Luc, ii, 41-51, l’enfant Jésus perdu et retrouvé dans le temple, n’est pas seulement intéressant par l’affirmation du progrès physique, intellectuel et moral de Jésus, voir col. 1148 sq., mais encore et surtout par le premier et formel enseignement de Jésus lui-même sur sa filiation divine. Quel que soit le sens à accorder aux mots sv toï : toG : 70<7p6ç (i.ou (les choses ou la maison de mon Père), ce sont les mots « mon Père » qui contiennent ici l’idée principale. « D’après l’interprétation constante des exégètes et des théologiens catholiques, qui est également celle de nombreux protestants orthodoxes, c’est dans le sens strict et littéral, dans un sens unique, que Jésus attribue ici à Dieu le titre de Père. Le fait est incontestable et on ne comprend pas pourquoi on ne donnerait pas à ce titre, dès cet endroit, la valeur qu’il a si souvent dans la suite des récits évangéliques. Dès cette première parole que nous connaissons de lui, Jésus se proclame donc « Fils de Dieu », comme il le fera fréquemment plus tard. » Fillion, Vie de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 348-349. Ce sens ressort évidemment de l’opposition de la phrase prononcée par Marie : « Ton père et moi, nous te cherchions », v. 48, et de celle où Jésus, reprenant le mot de « père » l’applique à Dieu. A son père adoptif, Jésus oppose son Père naturel et rappelle à sa mère que les droits de Dieu, son Père, pouvaient parfois lui tracer un devoir suprême, exigeant de lui une certaine indépendance à l’égard même de ceux qui lui étaient le plus chers après son Père céleste. Les rationalistes contemporains ont faussé et dénaturé la réponse de Jésus à sa mère. Non seulement ils ont voulu y voir l’expression d’un sentiment de raideur ou d’insubordination à l’égard de ses parents, mais ils ont affirmé que le mot « père » n’a ici, sur les lèvres de Jésus, qu’une signification très vague et très générale. Cf. Dalman, J)ie Worle Jesu, t. i, p. 151-152 : B. Weiss, Das Leben Jesu, t. i, p. 269 ; V. Beyschlag, Leben Jesu, 4e édit., t. i, p. 14. Il exprimerait simplement le sentiment d’union intime tjui unissait déjà Jésus à Dieu. Une telle interprétation fait violence au sens naturel et obvie du récit.
/II. LES Tf : MOI GXAŒS PRÉPARATOIRES a I.APRÊDl (ATioy DU christ. — A l’âge de trente ans, le Christ se prépare à sa mission. Le rôle du précurseur va donc, lui aussi, commencer. De ce rôle, le théologien retiendra les actes et les paroles qui rendent témoignage à la messianité et à la divinité de Jésus-Christ. C’est bien parce que « la parole du Seigneur s’est faite entendre a Jean, fils de Zacharie, i Luc, iii, 2. que celui-ci. élevé dans le désert, continuera de vivre au désert, Marc, i, 4, c’est-à-dire dans le désert de la Judée, Matth., iii, 1, dans toute la région voisine du Jourdain, Luc, iii, 3, 61, non plus tant pour lui-même que pour le Messie et pour les anus. Jean nous est montré par les cv angélistes, comme l’austérité en personne, vêtu d’un tissu de poils de chameau, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage, Matth.. iii, 1 ; lis ; ;
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JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCURSEl R
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iMaii.. i. 6 ; son rôle et tracé par ls.. xi., 3-5 : il est i la voix qui prépare dans le désert le chemin du Seigneur. El c’est pour préparer ce chemin du Seigneur qu’il commence sa prédication.
1 La prédication de Jean-Baptiste, relativement à Jésus-Christ, cirant le baptême de Jésus. 1. Cette
prédication porte d’abord sur l’imminence du royaume messianique : le royaume des cieux est proche. » Matth., m. 2. Ces expressions : i royaume de Dieu » (Marc et Luc), « royaume des cieux » (Matth.), « royaume du Christ ou simplement i royaume par excellence sont propres a la révélation chrétienne et sont prises indistinctement dans le même sens. Voir Dictionnaire de la Bible, art. Roi/aume de Dieu, t. v, col. 1237. Cependant l’expression : « royaume des cieux > était déjà employée par le précurseur pour annoncer l’avènement du Messie, et nous avons tout lieu de supposer, qu’elle était dès lors en usage pour désigner l’œuvre du Christ, c’est-à-dire le nouvel étal religieux et politique quon s’attendait à lui voir fonder. Elle constitue donc déjà, à elle seule, dans la bouche de Jean-Baptiste un véritable témoignage en laveur de la niessianité de Jésus. Mais le caractère inspiré de la prédication de Jean relativement à la proximité du royaume messianique, apparaît surtout (ii ce que le précurseur attribue déjà, en réaction contre les idées erronées de ses contemporains, au royaume futur les caractères que devra lui donner plus tard Jésus. I.a pénitence est la condition préalable, absolument nécessaire, pour entrer en ce royaume, Matth, ni, 2, et cette pénitence, transformation totale et intérieure de l’âme, [xeTocvota, Jean l’exprime symboliquement aux foules accourues pour l’entendre, par un rite symbolique et véritablement nouveau, le baptême. Ce concept de renouvellement intérieur et radical, est nettement exprimé dans la véhémente apostrophe que Jean-Baptiste adresse aux pharisiens orgueilleux et aux sadducéens matérialistes. Matth., n, 7-10 ; Luc, m. 7-9. I.a colère divine, le châtiment des coupables, prédits par Jean accompagnent, dans les visions prophétiques de l’Ancien Testament, l’installation du royaume des cieux par le Messie et font partie de son aspect eschatologique. Il ne servira de rien aux Juifs d’être fils d’Abraham, s’ils ne font pénitence, ils seront exclus du royaume. Bien plus tout cela est imminent, et c’est pourquoi la prédication de Jean est si instante : elle constitue une proclamation solennelle et officielle, Maie, i, I, 7 ; I.uc, iii, 3, une évangélisation, une exhortation pressante, Luc., iii, 8. Tous ces caractères de la prédication de Jean sont encore renforcés par la sagesse et la modération des conseils pratiques donnés par le précurseur, Luc, m, 10-1 1.
2. Jean affirme ensuite la transcendance et le rôle messianique du Christ : « Je vous baptise dans l’eau : mais viendra un plus puissant que moi, de la chaussure de qui je ne suis pas digne de délier [eu me baissant) la courroie, lui vous baptisera dans l’Esprit et le feu ; son van est en sa main et il nettoiera son aire, puis il rassemblera le froment dans son grenier et brûlera la paille dans un feu qui ne peut s’éteindre. > Luc., m. 15-18 ; Cf. Marc., i, 7. Dans ce texte, remarquons deux antithèses, relatives l’une, aux personnes, l’autre, aux baptêmes. Le Messie es ! représenté comme >< plus puissant i que Jean : Jean est l’inférieur, indigne de lui rendre, même eu se prosternant, les services les plus humbles. Pareillement, le baptême de Jean n’agit
qu’à la surlace : celui de Jésus, dont l’Espril Saint il le feu seront en quelque sorte les éléments, agil |U qu’au plus intime de lame et opère une régénérai ion
morale. Cf. Act., ii, 33 ; s, il. 17 ; m. 6, etc. Cf. Bapti mi pah i.i mi. t. n. col. 357. Cette double
antithèse OÙ la I lance de Jésus et de sa mission
est soulignée par rapport à Jean montre l’inanité de l’hypothèse émise par certains libéraux relativement à la formation de Jésus par Jean-Baptiste. De plus, la puissance judiciaire nettement attribuée à Celui qui doit venir, en marque le caractère et la mission messianique-.
2° Le baptême de Jésus par Jean. 1. Il lut la consécration officielle de la mission messianique du Sauveur. Joa., i, 31. Jean, pressentant en Jésus le Messie, refuse tout d’abord de le baptiser ; mais Jésus insiste. Matth. ni, 13-15. Sans doute, le Messie n’était pas obligé de recevoir le baptême de son inférieur : mais cette cérémonie était préparatoire à l’institution du royaume messianique et, à ce titre, entrait dans le plan divin. Luc, vii, 29-30. Le précurseur, si grand soit-il. ne fait que préparer le royaume et le plus petit, dans ce royaume, est ainsi plus grand que lui. Luc. vu. 28. Et donc, il était convenable que Jésus se prêtât à ce rite, quelque humiliant qu’il fût. C’est ce que le Sauveur fait comprendre à Jean par ces paroles : Laisse faire pour le moment, car c’est ainsi qu’il convient que nous accomplissions toute justice. Matth.. m. 15. L’extrême importance, au point de vue messianique, du baptême de Jésus est sans doute la raison qui détermine Dieu a dévoiler pleinement et miraculeusement la filiation divine du Messie. Les cieux se déclarèrent, Marc, i, 10, et Jean et Jésus (il n’y avait vraisemblablement pas d’autres témoins de la scène du baptême cf. Luc, iii, 21) virent le Saint-Esprit descendant sur Jésus en forme de colombe, Matth., ni, 15 ; Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22, se reposant sur lui. Joa., i. 32. Cette manifestation divine était le promis à Jean par Dieu et qui devait lui permettre de reconnaître le Messie. Joa, i, 33. La descente du Saint-Esprit réalisa en effet la prophétie d’Isaïe : Le Messie est tel, — l’oint du Seigneur parce que l’Esprit de Dieu s’est reposé sur lui. ls., xi, 2 : i.xi, 1. Et la loi des premiers chrétiens reportera à ce moment la consécration messianique extérieure du Christ par l’Esprit ; ainsi en témoignent l’évangile apocryphe des Nazaréens, cité par saint Jérôme, In ls., XI, 2, P./… t. xxiv, COl. 148 ; et l’évangile des Cbionites (s’il diffère du précédent) cité par saint Epiphanc. Hier., xxx. 13, P. (’, .. t. xii, col. 428. La colombe, qui manifeste ici la mission invisible de l’Esprit en Jésus, est choisie par Dieu à cause de son symbolisme. La colombe, dans l’histoire du déluge est l’image de la fidélité et de la paix. (ieii.. viii, 11 : le Cantique voil eu elle la figure de l’innocence et de l’amour pur, i, 14 ; ii, 10, 12 ; iv. 1 : V, 2 ; vi, 8 ; Jésus vante sa candeur et sa simplicité. Matth., x, 16. - 2. Mais ce n’est pas seulement comme Messie que Jésus est révélé au baptême de Jean. 1 tieu le l’ère fait entendre sa voix pour le proclamer son h’ils bien-aimé. Matth., m. 17 ; Marc, i, U : Luc. iii, 22. Pour la comparaison des trois récits, voir le 1’. Lagrange, Évangile selon saint Marc. Paris. 1911, ]). 12. C’est une nouvelle révélation de la filiation naturelle du Verbe incarné. Il ne saurait, en effet, être question d’entendre ici l’expression « mon Fils » en un sens large, qui s’accommoderait d’une filiation de pure adoption. Le texte et le contexte exigent le sens de la filiation naturelle. Le texte d’abord : ’O ut6ç u, ou, 6 iyaTCTjTÔç ; la répétition de l’article rend singulièrement expressif le sens du mot a l-’ils ». Il faut observer que, dans les synoptiques, i-^x-r-oi est employé au même sens que [iovoyev^ç par saint Jean. Cl Marc. 1, 11 : et comparer Luc. m. 22 : Matth.. iii, 17 : Marc, ix. 7, avec Mal th.. xii. 5 ; Luc. ix..">.">. d’après la leçon des mss t c t). Voir également la même expression dans la II Pet., I, 17 ; clic/, saint Paul, Eph., i. 6 ; Col.. î, l.’i, et surtout Rom., nui 31 où l’apôtre cite Gen. xxii. 16 en substituant a -.<, > ci.-(y.-r-’i, oloû la formule ro > [Sîou uloû. Voir Resch, L18î
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JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DU PRÉCI RSEUR
Parallellexte, dans Texte und Untersuchungen, t. x, rase. 2, p. 24 ; J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris. 1919, p. 308-309. Le contexte ensuite :
les récits antérieurs de.Matthieu et de Luc nous ont montré Jésus comme conçu du Saint-Esprit, et saint Mare, dans sa première ligne, résume tout son évangile en ees mots expressifs : « Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu, D’ailleurs la même voix divine se fera entendre, deux l’ois encore : à la transfiguration, Matth., xvii, 5 ; Marc., ix, 6 ; Lue.. i. 35 ; cf. Il Pet., i. 17. et quelques jours avant la passion, Joa., xii, 28-30. A la transfiguration la filiation divine est encore nettement et directement révélée. Et quand, dans saint Jean, malgré son trouble, le Sauveur demande a Dieu : « Mon Père, glorifiez votre nom. une voix divine, sanctionnant implicitement cette appellation de Père », répond : i Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
3 Les témoignages postérieurs un baplêm de Jésus.
— 1. Témoignages en fureur du Messie, rendus à la délégation du sanhédrin (Joa.. i, 19-28). — Saint Jean complète ici visiblement les synoptiques. La renommée de Jean-Baptiste croissant toujours, une députation de prêtres et de lévites lui est envoyée, pour porter un jugement sur l’œuvre, la prédication et le baptême de Jean. Successivement le précurseur affirme qu’il n’est ni le Messie, ni Élie en personne, ni le prophète prédit par Moïse. Sur l’attente d’Élie et du prophète, voir ei-dessus, col. 1126 sq.. Jean est simplement « la voix de celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur. » r. 23. Il annonce simplement le Messie transcendant et dans sa personne et dans son baptême.. 26-27. — 2. Le Messie es ! Jésus, Fils de Dieu. Entouré de quelques-uns de ses disciples, Jean vit, le jour suivant, Jésus venant à lui et il rend aussitôt, saisi d’une intense émotion, hommage à sa mission messianique et à sa filiation divine : ci, dit-il, l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. C’est celui de qui j’ai dit : après moi vient un homme qui a été fait avant moi, parce qu’il était avant moi : et moi je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptisant dans l’eau… lit moi je ne le connaisas : mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Et j’ai vii, et j’ai rendu témoignage que c’est lui qui est le Fils de Dieu, i Joa., i, 29-31, 33-34. Témoignage précieux entre tous ! Ne nous atteste-t-il pas la mission rédemptrice de Jésus, vainqueur du péché, et symbolisé par l’agneau pascal, qui, jadis, avait sauvé de la mort les premiers-nés des Hébreux ? Ex., xii, 3-18 ; . un, 7 : 1 Cor., v. 7 ; Joa., xix, 31. N’affirme-t-iî pas la préexistence éternelle du Messie, et par conséquent, sa divinité, connue du précurseur par une révélation spéciale ? Aussi, l’expression i Fils de Dieu i appliquée par Jean a Jésus doit elle être entendue dans son sens le plus strict. Ici encore le texte semble l’exiger, non moins que le contexte. Le témoignage de Jean, en effet, nous est conservé par l’auteur du quatrième évangile, qui, dans le prologue, vient précisément d’insister sur la préexistence éternelle et la divinité du Verbe : nul doute que le témoignage de Jean ne soit rapporté pour corroborer les affirmations du prologue. — 3. Dernier témoignage de Jean sur la messianité et la filiation divine de Jésus. — Jésus avait déjà commencé sa vie publique, et ses disciples conféraient déjà un baptême, analogue a celui de Jean, symbole de la conversion nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Voir Baptême, t. if, col. 169, et Jean-Baptise (Baptême de) ci-dessus, col. 646 sq.’n sa renommée commençait a éclipser celle de Jean. Les disciples de ce dernier l’ayant fait remarquer a leur nier, de 7 moi. r : TiioL
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maître, ce fut, pour le précurseur, l’occasion d’un
nouveau et splendide témoignage rendu au Christ. Ce témoignage se compose de deux parties, la première
attestant la supériorité du Christ, dont Jean n’est que le précurseur, et qui doit croître, alors que le rôle de Jean est de diminuer et de disparaître ; la seconde. s’élevant à des hauteurs incomparables et à laquelle il convient de s’arrêter plus longtemps : « Celui qui vient d’en haut. dit Jean, est au-dessus de tous. Celui qui vient de la terre est de la terre et parle de la terre. Ainsi celui qui vient du eiel est au-dessus de tous.. Et il témoigne de ce qu’il a vu et entendu… Celui qui a reçu son témoignage a attesté que Dieu est véridique car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que ce n’est pas avec mesure que Dieu [lui donne l’Esprit. Le Père aime le Fils et il a tout remis entre ses mains. Celui qui croit au Fils a la vie étemelle ; celui qui ne croit pas <iu Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Joa., iii, 3$1-$20. Toute la théologie johannique sur la divinité du Fils de Dieu incarné se retrouve en ce témoignage. Transcendance de l’Homme-Dieu, relation intime de dépendance vis ; ’t-ïs de Dieu et dans la vie divine elle-même ; plénitude de l’inhabitation de l’Esprit-Saint, c’est-à-dire de la divinité : amour du l’ère pour le Fils, affirmation de la nécessite de la foi en Jésus-Christ pour l’aire son salut : tout, dans les paroles de Jean atteste la divinité du Fils de Dieu qui est Jésus.
Après de tels témoignages en faveur du Messie, Fils de Dieu, comment un doute aurait-il pu subsister dans l’esprit de Jean ? Si donc, plus tard, avant appris dans sa prison les miracles accomplis par Jésus, il envoie deux de ses disciples demander a Jésus s’il est vraiment le Messie, Matth., xi, 2-3 ; cf. Lue., vii, 19. cette question ne marque pas un doute dans l’esprit de Jean et n’infirme en rien la valeur des témoignages par lui déjà rendus touchant la divinité de Jésus, mais, telle est du moins l’exégèse classique, elle est posée dans l’intérêt des disciples, afin de leur fournir une preuve convaincante de la vraie nature de Jésus et d’affermir leur foi, ébranlée sans doute par leurs rapports avec les pharisiens. Sur les diseussions soulevées par le message de Jean, voir D. Buzv, Saint Jean-Baplistc, Paris, 1923, p. 280-306.— Conclusion. — Ainsi donc la révélation de Jésus, Messie et Fils de Dieu, est déjà faite au début du ministère public du Sauveur. Mais ce n’est pas encore une révélation publique : seules, quelques âmes privilégiées eu ont été favorisées. La révélation publique, c’est Jésus qui la fera, durant les trois années de son ministère. Il la fera progressivement, de façon à ne pas compromettre sa mission et à ne pas favoriser les conceptions erronées des Juifs, ses contemporains, touchant le royaume messianique, la personne du Messie et ses attributs.
IV. MANIFESTATION PROGRESSIVE lu : L’UOMilE ntEUDANs les synoptiques. A partirdù baptême, le problème de la messianité et de la filiation divine de Jésus se pose pour les Juifs. Jésus s’appliquera a donner la solution de ce problème selon les lois de l’économie providentielle relative à la révélation du mystère de II lomme-Dieu. Les conditions intellectuelles, sociales et politiques du peuple juif au temps de Notre-Seigneur, exigeaient, avons-nous dit, une révélation progressive de la qualité dMe sic Semblablement, el même sans tenir compte de cette circonstance, la révélation de l’origine divine ne pouvait se produire d’une façon trop directe et, peut-0 i dire, trop brutale. « La raison en est. dit M. I.epin, dans la situation même, extraordinaire, inouïe, qui était cette du Sauveur. Mettons-nous bien, en effet, dans la réalité. Représentons-nous le Verbe, vrai Fils de Dieu
et vrai Dieu, quittant le sein de sou Père céleste, p
se faire homme comme les autres hommes et. au milieu
VIII. — 33 us ;
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JÉSUS-CHRIST. LE TEMOIGNAGE DES MIRACLES
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dis hommes, se consacrer à l'œuvre d’enseignement et de salut que nous savons. Quelle situation extraordinairement complexe et délicate I Pouvait-il raisonnablement découvrir, d’une manière trop explicite, son exacte identité? Pouvait-il déclarer, sans détour et sans voile : Je suis en apparence homme comme les autres hommes ; en réalité, je suis le Fils de Dieu, éternellement engendré de Dieu, je suis le créateur du et de la terre, je suis Dieu ? La situation, peut-on dire, eut été impossible, et, si nous trouvions dans les Évangiles de ces déclarations expresses, nous serions en droit d’en suspecter l’authenticité, tant elles auraient été intempestives et déplacées…. C’est indirectement et progressivement que Jésus a voulu révéler sa dignité messianique ; à plus forte raison a-t-il dû agir de la sorte pour ce qui est de sa divinité. Impossible de procéder avec plus de sagesse et plus d’opportunité. Il a insinué et suggéré cette réalité supérieure par toute sa vie : ses œuvres manifestaient une puissance divine ; ses discours étaient pleins d’allusions à la transcendance de ses privilèges et de ses pouvoirs, au caractère unique de sa qualité de Fils de Dieu. Pour n'être pas exprimée, en une formule dogmatique, à la manière d’une définit ion de foi. la divinité proprement dite de sa personne ne s’en laissait pas moins deviner à travers toutes ses déclarations ; « Ile s’en dégageait comme une conclusion théologique certaine et il devait être impossible à ses disciples, surtout après la résurrection et la Pentecôte, de se méprendre sur le véritable sens de sa manifestation. » Jésus, Messie et Fils de Dieu, Paris, 1910, p. 364-365. Ajoutons, avec le même auteur, que l’enseignement de Jésus touchant sa propre personne, et ses relations avec le Père céleste, sont les déclarations, non du Fils de Dieu uniquement considéré dans sa nature divine, mais du Fils de Dieu incarné. A proprement parler, renseignement de Jésus est l’expression humaine de sa pensée humaine et, à ce titre, il tient compte, même en témoignant de la préexistence éternelle et de la divinité du Fils, des conditions concrètes dans lesquelles ce Fils s’est manifesté aux hommes, homme comme eux, par l’incarnation. Ainsi donc, si l’on se rappelle que le Christ devait avoir en face de lui un peuple charnel et aveugle, que le nom de Messie en llammail, mais trompait, que le nom de Fils de Dieu ne pouvait que scandaliser, on comprendra les précautions, les lenteurs, les réserves de l’enseignement du Christ. Avant de montrer la lumière il doit désiller les yeux : avant d’enseigner, il doit convertir. « La prédication du Christ commencera donc par un enseignement moral : il ne propose pas d’abord les mystères du dogme chrétien, sa propre divinité, son unité substantielle avec le l'ère ; mais il prêche l’idéal de la vie chrétienne : l’humilité, la pauvreté, la douceur, le pardon des injures, la religion intérieure qui prie et agit dans le secret ; il presse ensuite ses disciples de mettre tout cela en pratique pour ne pas bâtir sur le sable et voir tout l'édifice s’effondrer. D’un mot, il faut faire la vérité pour venir a la lumière. ».1. I.ebreton. l.cs origines du dogme de lu Trir.ilc, Paris, 1919, p. 260. En réalité, la manifestation explicite et formelle de Il lonune-Dieu présuppose lé] à les illusions dissipées touchant le royaume de I tien et la personne du Messie. Et c’est seulement
lorsque Jésus aura tait comprendre de quelle nature
est le royaume qu’il vient fonder et quel est le vrai caractère de sa dignité messianique, qu’il pourra sagement se révéler comme le Fils de Dieu. Aussi, soit au désert lors de la tentation, soit dans les débuts de sa vie publique, lors des guérisons de possédés, jamais ne laissera au démon le droit de proclamer sa messianité et sa divinité que cependant l’esprit du mal connaissait ou tout au moins soupçonnait. Marc, i,
32-34. Cf. i. 23-21 ; iii, 11-12 : v. 11 : Matth., iv. 3, G ; vm. 29 ; Luc. iv. 3. 9, 33-34, 41 : vin. 28. Sur la valeur du témoignage des démons, voir S. Thomas, Sum. theol., I q. i.xiv. a. 1, ad 4° » >.
Sans doute, la prédication de.Jésus dans le début de son ministère est semblable à celle de Jean-Baptiste : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche : convertissez-vous et croyez à l'Évangile. » Marc, i, 1."). Mais la conversion des âmes, Jésus la préparera tout d’abord par les bienfaits qu’il se plaira à répandre autour de lui : « il a passe, en faisant le bien, et en guérissant tous ceux qui étaient asservis par le diable. » Act., x, 38. Dès le début du ministère du Sauveur apparaît la vérité de la progression signalée au (. 1 des Actes des Apôtres : lacère et docere, faire le bien, d’abord ; enseigner, ensuite. C’est en guérissant les corps que Jésus atteint les aines et les purifie. Aussi estimons-nous que le théologien, étudiant la manifestation implicite de l’Homme-Dieu dans l'Évangile, doit le chercher tout d’abord dans les miracles du Sauveur, avant de la trouver dans son enseignement général.
1° Manifestation de V Homme-Dieu par les miracles.
Nous n’avons pas à nous appesantir sur la définition,
la transcendance, la valeur démonstrative du miracle
en faveur de la vérité révélée. Voir Miracle. Il reste
entendu que pour les contemporains de Jésus comme
pour les hommes de tous les temps, les miracles ont
été « des signes très certains de la révélation, accommodés à l’intelligence de tous. » Conc Vatic, sess. iii,
c. 1, Denzinger-Bannwart, n. 1793. Mais la plupart
des miracles du Christ furent accomplis, moins pour
corroborer une révélation déjà faite que nom préd sposer les esprits à la révélation à venir. Et c’est sous
cet aspect que nous trouvons dans les miracles de
Jésus une première manifestation, encore implicite, de
son rôle messianique et de son origine divine. Aussi
bien, en établissant la liste des miracles du Sauveur, on
peut constater que si Jésus multiplie ses miracles pendant toutes les périodes de sa vie publique sans exception, ils furent toutefois plus nombreux pendant la première partie de son ministère public. !.. Cl. Fillion, Les
miracles de.V.-.S. Jésus-Christ, Paris, s. d. (1909), t. i,
p. 27. C’est là une première indication de la vérité de
notre thèse, à savoir que les miracles préparèrent
d’abord la révélation avant de l’authentiquer. Une
autre indication de la même vérité, c’est que les prodiges de Notre-Seigneur ne furent jamais accomplis
dans l’unique intention de jeter les hommes dans
l’admiration et de faire éclater la puissance divine ;
mais tous, à part une ou deux exceptions (la malédiction du figuier stérile, par exemple). Furent des œuvres
de miséricorde, manifestations de la bonté et de
l’amour du divin Maître, qui voulait, autant qu’il
dépendait de lui. alléger les souffrances physiques et
morales de l’humanité. I.a pitié est un sentiment habituel du cœur de Jésus ; voir COl. 11(12. Et c’est SOUS
l’influence de ce sentiment que beaucoup de miracles
furent accomplis. Matth., xiv, 14 ; cf. Marc, vi, 31 ;
Matth., xv, 32 : cf. Marc, viii, 2 : Matth., xx, 34 ;
Marc I, 41 ; Luc. vu. 13. etc. FI par ces œuvres de
miséricorde, .lesus entendait s’attacher les cœurs et
les esprits.
1. Réalité des miracles du Christ. - Jésus devait opérer des miracles. Le Messie attendu des Juifs avec tant d’ardeur, devait être, d’après les prophéties elles-mêmes, un cire surhumain, possédant le pouvoir d’accomplir des merveilles éclatantes. Cf. Is., xxxv, "i il ; xi. m. 8, etc. Aucun juif n’aurait accepté un Messie qui n’eût pas été thaumaturge. Il fallait donc que silice point, Jésus réalisât les prédictions des prophètes et répondit aux légitimes attentes de ses compatriotes. Mais il devait a la vérité messianique de ne point L189
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laisser s'égarer l’opinion dos Juifs, qui réclamaient
an Messie politique, conquérant, restaurateur du royaume temporel d’Israël. Les miracles de Jésus ne « levaient pas servir a entretenir le peuple juif dans les illusions et les erreurs qu’il nourrisait depuis longtemps sur le messianisme.
Que Jésus ail opéré île nombreux prodiges, le l’ait n’est pas douteux. Les récits évangéliques sont remplis des faits miraculeux attribués par leurs auteurs au Sauveur, et. d’une façon générale, ils en allument l’existence. Marc. i. 32-34 ; cf. Matth., vin. lf>-17 ; Luc. iv, 10-41 ; Matth.. îv. 20-24 : cf. Marc, ii, 7-12 ; Lui-., vi. 17-19 ; Luc. v, 15 ; vii, 21 ; viii, 2 ; cf. Matth., xi. 4-5 ; Marc. vi. 54-56 ; cf. Matth.. xix, 35-36 ; xv, 1 : cf. Marc. vu. 37 : Matth.. xix. 2 ; xxi. 1 1 ; Joa., il. 23 ; iv. 48 ; vu. 31 ; xi. 47 : xii. 37 : xx. 30, etc. Des formules générales contenues dans ces textes, il apparaît bien que les miracles s'échappaient en grand nombre des mains divines et bienfaisantes du Sauveur. De plus, les écrivains sacrés ont donné aux miracles de Jésus des noms qui marquent bien leur caractère surnaturel. Ce sont des prodiges. TsçotTa : encore que ce nom soit commun aux miracles de Jésus et aux prodiges des faux prophètes, Matth.. xxiv, 21 : Marc, xiii. 22, cependant, pour désigner spécialement les miracles du Sauveur, il est accompagné d’autres qualificatifs qui excluent l’idée d’un pur prodige, uniquement destiné à éblouir les foules. Matth., iv, 24 ; Marc. xui. 12 : cf. Joa.. iv, 48. Ce sont des faits merveilleux, Ozupôoia, Matth., xxi. 15 : des faits étranges, -.xzy.Ù', zy.. Luc. v. 26. Les miracles de Jésus reçoivent aussi le nom de $ovdc(ieiç, forces, parce qu’ils manifestent une puissance supérieure à celle des hommes. Matth.. xi. 2(i. 21. 23 ; xra, 54, 58 ; xiv, 2 : Marc, vi. _. 14 : ix, 39(Vulg., 38) : Luc. x, 13 : xix, 37. Ce sont aussi des signes, a7)|Aeï<x, à cause de leur relation avec la vocation messianique de Jésus, qui se trouve être par eux prouvée et comme contresignée. C’est surtout chez saint Jean qu’on trouve cette expression, ii, 11, 18, 23 ; m. 2 : iv. 48, 54 ; vi, 2, 14. 2tj, 30 ; vii, 31 ; ix, 16 ; x. 41 ; xi. 47 : xii. 18, 37 : xx, 30, bien qu’on la rencontre déjà assez fréquemment chez les synoptiques. t Matth., xii. 3.S. 39 : xvi, 1, 4 ; Marc, viii, 11, 12 ; xvi, 17. 2° ' : Luc. xi. 16. 29. 30 : xxui, 8. Saint Jean eriiploiera une autre expression, qui lui est favorite, spva. les œuvres, expression pleine de profondeur, car elle semble supposer qu’en Jésus-Christ le miracle est la forme naturelle de l’activité. Joa., v, 20, 36 ; vii, 3, 21 ; îx. 3, 4 : x. 25. 32, 37, 38 ; xi. 12 : xv. 24, etc.
Parmi les miracles opérés par Jésus en personne les évangélistes en ont relevé, en particulier, un certain nombre. M. T. IL Wright, dans Hastings, Dicdonary oj Christ and the Gospels, Londres, 1908, t. ii, p. 189, énumère, d’après les évangiles 41 miracles distincts ; M. Fillion, op. cit., p. 25-27, n’en compte que 39. Et la vérité historique de ces miracles apparaît démontrée avec la dernière évidence. — a) Tout d’abord, il ne saurait être question d’interpolation, à une date postérieure, des récits miraculeux dans les évangiles. Bien que l’authenticité de ces récits soit implicitement démontrée dans l’authenticité générale des évangiles, elle apparaît très certainement du fait que deux et même trois évangélistes ont rapporté simultanément les miracles les moins » acceptables » à la raison humaine : la résurrection de la Mlle de Jaïre, les deux multiplications des pains, la guérison des aveugles de Jéricho, par exemple. « La distribution de la matière miraculeuse, dit fort justement le 1*. de draiidniaison, n’est pas celle qu’on attendrait d’une interpolation postérieure. Dans cette hypothèse, en effet, le merveilleux devrait remplir les parties les moins atl< de l’histoire évangélique, introduit là tardivement, moyennant des traditions particulières, accueillies par
l’un ou l’autre des narrateurs. Dans le double et. à plus forte raison, le triple récit, ou ne devrait guère trouver que les miracles plus aisément t « acceptabl< guérisons de paralytiques, exorcismes, etc. Ces prévisions sont celles-là même (nous le verrons) qui guident nos adversaires dans leur étude de l'élément miraculeux impliqué par les documents chrétiens primitifs. Mais les faits déjouent ces calculs aprioristiques : au lieu d’affleurer çà et là. à la façon de blocs erratiques, déposés par une coulée géologique récente à la surface des récits, les prodiges les plus inouïs, les plus « impossibles », saturent également la double, la triple synopse. i Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique, t. n. col, LUS. - />) Ensuite, les récits miraculeux ne laissent rien à désirer au point de vue de la critique ; les néo-critiques ne trouvent aucun argument tiré de l’examen des textes pour nier la vérité historique des miracles du Sauveur : aucun désaccord dans lesmss. ; variantes textuelles insignifiantes ; clarté parfaite de la narration : ils son ! entièrement irréprochables. — c) La comparaison des miracles de Jésus dans les évangiles canoniques et des miracles attribués à Jésus par les apocryphes, est une nouvelle preuve de la vérité historique des premiers. Les apocryphes nous servent du brillant, du clinquant, du merveilleux pur et simple, parfois accompli contrairement aux règles de la convenance, de la justice et de la charité. Dans les miracles authentiques du Sauveur, il règne une convenance, une dignité parfaite : et tous servent à mettre en relief la mission de Jésus. Cette opposition fondamentale est une marque de la réalité et de la crédibilité des miracles évangéUques. Cf. Fillion, op. cit., c. ix, § 2. — d) Mais la preuve décisive, c’est qu’il est impossible d'écarter les récits miraculeux, sans mutiler les évangiles et.ans les transformer d’une manière essentielle. Ils sont inséparables de l’histoire de Jésus ; l’image de Jésus, telle que nous la dépeignent les évangélistes, est comme sa tunique sans couture : il faut la prendre telle qu’elle est, avec les miracles, ou la rejeter tout entière Les miracles sont supposés à chaque instant par les circonstances, les particularités, les enseignements les plus incontestables de l'évangile. C’est par les miracles que s’explique la foi qui entraîna les apôtres vers Jésus : saint Jean le fait remarquer à maintes reprises, ii, 11 : iii, 2 ; vii, 31 ; xii, 9-11 ; mais les synoptiques ont noté eux aussi cette impression « les prodiges de Jésus sur les Douze Marc, iv, 40 ; Matth., xiv, 33. C’est par les miracles que s’explique l’en thousiasme et l'émotion des foules qui suivent Jésus, ou le recherchent, avides d’entendre sa parole et de recevoir ses bienfaits ; voir quelques textes, Marc, i. 28, 45 ; vii, 36-37 ; Matth., ix, , S. 31. 33 ; xii, 23 ; xv, 31 ; Luc, iv, 37, 40, 42 ; v, 15 ; vii, 17 : viii, 39 : xi, 1 1, etc. C’est à cause îles miracles que les ennemis de Jésus sont piqués de curiosité, Matth., xii, 38 : xiv, 1-2, ou dévorés d’envie, Joa.. xi, 47, 48. Et eu liii, souvent Jésus donnait a ses disciples, ou aux foules, ou à ses adversaires, des leçons pratiques en prenant pour occasion quelque prodige qu’il venait d’accomplir. Personne ne révoque en doute la leçon ; pourquoi révoquer en doute le miracle qui en fut l’occasion'.' CI. Matth., xii. lli-l.'i : 22-2 1 ; x. 1-S : Joa.. vi, 26, ete. Le pouvoir de thaumaturge de Jésus' est reconnu formellement par les apôtres qui furent témoins de sa carrière et fait partie intégrante de la tradition chrétienne primitive ; cf. AcL, ii, 22, 23 ; x, 37-39 ; Joa., xxi, 25. Il faut donc conclure avec llarnæk, en étendant toutefois son assertion a Ions les miracles rapportés par l'évangile : i Les miracles ne se laissent pas éliminer des récits évangéliques, sans qu’on détruise ces récits jusqu'à la base. » l.rhrbuih det Dogmengest lue hlr, t. I, p. fi I.
La difliculté soulevée par certains néo-critiques, relativement à l’absence de tel récit miraculeux dans l’un ou l’autre évangile, n’est pas une difliculté sérieuse : aucun évangéllste n’a voulu être complet, et l’absence de tel récit chez l’un ou chez l’autre prouve au contraire l’indépendance, c’est-à-dire la véracité des auteurs inspirés. D’ailleurs sur 39 miracles, treize sont communs à trois évangélistes au moins (un est raconté par les quatre) ; vingt sont particuliers à l’un ou à l’autre et six sont rapportés par deux évangiles. Cette grande variété et ces accords fréquents marquent à la fois la véracité et l’indépendance des auteurs inspirés. Cf. Fillion, op. cit., p. 28-30.
Ajoutons enfin, en descendant dans le détail des miracles du Sauveur, que si, d’une part, le Sauveur s’est constamment refusé à faire des miracles de pure puissance, de ces prodiges qui manifestent une force inconsciente sans frein, ni règle, ni but, cf..Marc, vm. 12 : Joa., iv, -48, si. d’autre part, il a souvent refusé d’accomplir des miracles là où il était accueilli avec incrédulité, Marc, vi, 5, 6 ; Matth., xiii, 58, qu’enfin si Jésus a voulu fréquemment limiter la divulgation des faits merveilleux par lui accomplis, Marc. i. I 1 : v, 43, alin de garder à sa manifestation parmi les hommes la marche progressive et sagement réglée qu’il avait décidé de lui imposer, « cette discrétion, ces limitations, — - non imposées du dehors et aveu de faiblesse, mais imposées du dedans et marque de sagesse : les textes les plus clairs en témoignent : Matth., iv, 3 sq. ; xxvi, 53 confèrent aux miracles du Christ un caractère unique, et aux récits qui les relatent un cachet d’historicité hors ligne. C’est le propre en effet des embellissements postérieurs et des enthousiasmes irréfléchis d’ajouter en ce genre, de surenchérir, de chercher le frappant, l’extraordinaire l’inouï. Les miracles de Jésus, tels que nous les présentent les évangiles, sont au contraire tellement maîtrisés, tellement spirituels, tellement mortifiés, pour ainsi dire, qu’ils interprètent la vie et renseignement du Maître sans les tire ; pour autant île l’histoire, du réel, de tout ce que nous savons par ailleurs-du prédicateur et du saint de Dieu. » L. de Grandmaison, art. aie, col. 1456.
2. La valeur des miracles de Jésus, comme signes de sa mission messianique. - Que les miracles de Jésus aient servi à prédisposer les cu’lirs et les esprits de ses
contemporains à accepter la personne et les enseignements du Sauveur, ou bien, en modifiant quelque peu la formule, qu’ils demeurent aujourd’hui encore de solides et convaincants motifs de crédibilité en faveur de la révélation inaugurée par Jésus. - - ils ont dû. en toute hypothèse, être accomplis en une connexion manifeste, implicite ou explicite’avec la personne. l’enseignement, la mission du Verbe incarné. Implicitement, ici te connexion existe chaque fois que le
miracle’sert à glorifier Jésus (par exemple : la voix du ciel entendue au baptême et a la transfiguration, et surtout, la résurrection), ou encore chaque fois quele miracle est la récompense accordée a la foi ou la confiance en Jésus (par exemple, la guérison du serviteur du centurion, Mat th., viii, "> sep ; la guérison des aveugles de Jéricho, Matth., xx, 29 ; la guérison de la i hananéenne, Matth., xv, 22 sq ; cf. Matth., vii, 2 : vm. 2.". : ix. 18 ; 27 : xiv. 28 ; xx. 30 ; Marc, u. 25 28 ; ix. 16-23 ; Luc, iv, 38 ; Joa., ii, 3 ; i. 16 54). Explicitement, (elle connexion, est proe’laniée par Jésus lui ii, t me : la gu risem élu paralytique est accordée pour confirmer l’existence en Jésus du pouvoir de
ii nu Itu les péchés. Mare’., ii, 9 10 ; les messagiTs de
Jean-Baptiste sont instruits de la mission messianique iiu Sau i m par l’accomplissement de’s prodiges opérés
pai JéSUS, I ne. ii, 18-24 ; Jésus obtient de Dieu la i i ion m I a/aie t alin. dit il. qu’ils croient que
vous m’avez envoyé. » Joa., xi, 11-43. Ht cette dernière formule revient à plusieurs reprises sous la plume du quatrième évangéliste. Joa.. v, 3(î ; x, 25 ; xiv. 12 : xv, 21 : xx. 30. En réalité tous les contemporains de Jésus, amis ou ennemis, sont d’accord sur le fait ele cette connexion : voir les textes. Matth., xii. 13 : xxiv. 54 ; Joa.. m. 2 : iv. 43 : vi. Il ; vu. 31 : ix. 16 33 ; xi. 15 ; xii. 11, etc.
Mais ces prodiges attestent-ils vraiment l’intervention ele la puissance divine’Sont-ils vraiment des prodiges tels que Dieu seul les puisse accomplir ? Et Jésus se montra-t-il, soit comme objet, soit comme instrument, eligne de cette intervention de Dieu ? Les contemporains du Messie ne se sont peut-être pas posés, sous nue forme aussi précise, cette double question, dont la solution achève ele déterminer la valeur des miracles de Jésus comme signes de sa mission. Ils ont simplement subi l’attrait produit sur leur cœur et leur intelligence par les multiples bienfaits du Maître, sans apercevoir tout d’abord clairement le terme auquel Jésus les voulait amener. Voilà pourquoi le théologien qui cherche avant tout à retrouver dans l’Évangile la figure historique du Christ, doit logiquement situer les miracles accomplis par ce dernier — du moins ceux qui ont précédé sa passion — dans le cadre de la manifestation progressive et pleine et’ « économie » ele la mission messianique et de la filiation divine. Toutefois, si nous voulons, avec l’apologiste des temps postérieurs à Jésus-Christ, analyser jusque élans ses derniers éléments cette force attractive, inhérente aux miracles de Jésus, et dont les con temporains de Jésus ont subi l’influence, il nous faut arriver à cette double constatation : que les miracles opérés par Jésus sont tels, que Dieu seul les pouvait accomplir : et épie Jésus, dans l’accomplissement de sa mission, s’est montré constamment digne eh’l’intervention divine dont il était d’ailleurs lui-même le eligne instrument.
a) Circonstances où se produisent les miracles. — Malgré les sages limitations que Jésus apporta dans l’accomplissement ele ses miracles, il y a, parmi les « œuvres » du Sauveur une variété considérable, élans laquelle nous devons admirer les effets de la toute-puissance divine. Quelle que soit la formule eh’elassitication adoptée pour les miracles du Sauveur, il est hors ele doute, que les miracles de création, tels que le changement de l’eau en vin et la multiplication des pains, les miracles de suspension eles lois de la nature, tels que la pêche miraculeuse, l’apaisement soudain de’la tempête, la marche de Jésus sur les eaux. et. à plus forte raison, les miracles de résurrection de morts, niellent en évidence l’intervention de la puissance divine. Le se’iis obvie élu texte, pas plus que le caractère du Sauveur ne supporteraient une’explication tirée’del’emploi de’la supercherie. L’illusion n’est
pas plus admissible, lorsqu’il s’agit de phénomènes naturels incontestables et vus par de nombreux témoins. Voilà, en bref, ce que suggère la lecture impartiale des textes. Nous verrons à la fin ele l’article que’les néo-crit ique’s ont voulu y trouver tout autre
chose. Leurs négations sont plus vives encore, lorsqu’il s’agit des miracles de guéri sons, guérisons psychiques : expulsion des dénions : guérisons corporelles : santé rendue aux malades, tous miracles qu’ils prétendent expliquer par le seul jeu eles forces naturelles. L’apologétique catholique démontre le caractère’vraiment surnaturel des guérisons psychiques et corporelles accomplies par.lesns, sans toutefois se prononcer d’une façon catégorique et absolue’sur la nature de chacun des cas (’nonces, dans l’évangile, comme appartenant
à la catégorie des possessions diaboliques. Le but de
cet article l héologicpie n’est point d’entrer dans le détail de ces discussions et de cette démonstration.
On se reportera, sur ce point, aux ouvrages spéciaux. .T. Smit. De dtemoniacis in historia evangelica, Rome, 1913, p. 146-172 ; de Grandmaison, art. cité, col. 14571400 : L. Cl. l’illion. Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. ii, en entier. Notons simplement quelques conclusions indiscutables.
a. En ce qui concerne les expulsions de démons, il faut reconnaître que les quatre cas de possession nommément désignés dans l’Évangile. Marc., i, 23-28 ; cf. Luc. iv. 33-37 : Matth.. vin. 20-34 : cf. Marc.. 1-20. et Luc vrn, 26-39 ; Matth.. xv. 21-28 ; cf. Marc, vu. 24-30 ; Matth.. xvii. 1 1-21 : cf. Marc, ix, 18-29 et Luc. ix. 37-42, supposent la réalité de l’expulsion du démon. D’ailleurs Jésus délègue le pouvoir de guérir et d’exorciser. Marc. m. 15 ; vi, 7 : et lui-même est venu sur terre détruire les œuvres du diable, I. Joa., m, 9. La lutte entre Jésus et le démon, symbolisée par l’antagonisme de la lumière et des ténèbres, du royaume de Dieu et du royaume du prince de ce monde, des serviteurs du roi (messianique) et des serviteurs de ce monde, ne s’explique que par l’existence très réelle et très personnelle d’esprits, malins ou impurs, exerçant leur activité visible dans le corps et par la voix de certains hommes. Que toutes sortes de maladies psychiques aient pu être, au temps du Christ, rangées parmi les possessions diaboliques, la chose n’est pas impossible. Sous l’influence des superstitions étrangères, les Juifs ont pu exagérer singulièrement l’étendue de ce mal et le nombre des cas qui en relèvent. Toutefois, ce n’est pas une raison pommer a priori les guérisons de possédés. Les exorcismes des démons, à l’aide de procédés superstitieux ou magiques, existaient à coup sûr et Jésus y fait allusion. Matth., xii, 27. Et l’hypothèse d’un démonisme purement apparent est la plupart du temps exclue par les formules employées dans les récits évangéliques, par l’attitude et le langage même du Sauveur. Les unes et les autres ne sauraient se comprendre sans l’action ou la présence des esprits malins et impurs. De plus la simplicité, la rapidité, la stabilité, la durée de ces guérisons psychiques, non moins que leur portée spirituelle et religieuse en démontrent le caractère miraculeux et surnaturel. L. Cl. Fillion, op. cit., t. ii, p. 240-201 : IL Lesêtre, art. Démoniaques, dans le Dictionnaire de la Bible, t. ii, col. 1374 sq. ; L. de Grandmaison, art. cité, col. 1460-1464.
b. En ce qui concerne les guérisons corporelles, plusieurs constatations s’imposent à la seule lecture des textes sacrés. — C’est d’abord la multiplicité des guérisons de ce genre, Matth., iv. 23-24 ; viii, 16-17 ; xiv. 35 ; xv, 30-31 ; xxi, 14 ; Marc, i, 32-34 ; v, 10 ; vi, 54-50 ; Luc, iv, 40 ; v, 17 ; ix, 11 ; Joa., vi, 2, etc. C’est ensuite la variété des maladies guéries : les vingt cas spéciaux rapportés par les évangélistes comprennent des infirmités multiples, fièvre, lèpre, paralysie totale et partielle, hémorragie d’un genre particulier, cécité, surdité, mutisme, hydropisie, blessures, etc., quelques-unes réputées incurables ou très difficilement guérissables ou même mettant le patient en péril imminent de mort. — Notons de plus que les procédés employés par Notre-Seigneur pour guérir les malades n’avaient aucune relation directe, aucune analogie naturelle avec les résultats produits. « Souvent, il se contentait d’une parole, qui exprimait son intention d’accomplir la guérison. Matth., viii, 13 ; xii, 13 ; Marc, ii, 11 ; Joa., v, 8, etc. Fréquemment aussi, il imposait les mains aux infirmes, Marc, vi, 5 ; vii, 32 ; Luc, iv, 40 ; xiii, 13 ; ou bien, il les touchait doucement, prenant parfois l’organe malade comme objet de ce contact salutaire. Matth., viii, ’.', . 14, 15 ; i.x, 29 ; xx, 34 ; Marc, i, 41 ; Luc, xiv, 4 ; xxii. 51. Il lui arrivait parfois de lever les yeux au ciel, en signe de prière. Marc, vii, 34. En deux circonstances, il mit un peu de
salive sur la langue d’un muet, Marc, viii, 23, et sur les yeux d’un aveugle. Joa., ix. 0. Kit tous ces procédés, point de remèdes proprement dits. L’onction d’huile, par laquelle les apôtres, au nom du Christ, guérissaient les malades, Marc, vi, 13, n’était pas davantage un remède Tous ces procédés sont des symboles, et rien de plus, physiquement incapables, par eux-mêmes, de produire la saute’-. Ainsi l’imposition des mains, dont usa si souvent le Sauveur, ne faisait qmmanifester la communication du bienfait surnaturel accordé par Jésus aux malades. CI. Marc, v, 23 ; vi. 5 ; vii, 32 ; viii, 22 ; Luc, iv, 30. Le contact de Jésus n’était qu’un symbole de la « vertu » qui s’échappait de lui, Luc, vi, 19 ; viii, 46 ; Marc, v, 30, et les malades y recouraient fréquemment. Marc, iii, 10 ; vi, 56 ; Matth., xiv. 30. Cette vertu, 8’jvx ; i.t, < ;,
force i, n’est pas autre chose que le pouvoir d’opérer des guérisons miraculeuses ; saint Luc, d’ailleurs, emploie volontiers le substantif Hjj%a.iç en ce sens. Luc, v, 17 ; vi, 19 ; viii, 46 ; ix, 1 ; Act., iii, 12 ; iv, 7 ; vi, 8. — Soulignons ensuite le caractère instantané et, en même temps, complet de ces guérisons. Instantanéité. Marc, i, 31, 42 ; Luc, viii, 44 ; xiii, 13 ; Matth., viii, 13 ; Joa., iv, 50-53 ; v, 0 ; ix, 0. « D’une manière régulière, les évangiles représentent comme immédiat, comme réel et point illusoire, l’effet de la parole ou de l’attouchement » de Jésus. Keim, Geschichle Jesu von Nazara, Zurich, 1872, t. ii, p. 153-154. Une seule exception, celle de l’aveugle de Bethsaïda, Marc, viii, 22-26 ; la lenteur et les progrès de cette guérison devant aider au développement de la foi chez ce malade. — Il est inutile d’insister sur le caractère intégral de ces guérisons, qui sont complètes et sans retour de la maladie.
— Rappelons enfin que ces faits sont attestés de manière à satisfa’re toute critique. La simplicité des récits non moins que la publicité des miracles (lesquels eurent tous lieu devant plusieurs témoins et quelquefois devant les foules nombreuses, Matth., iv, 24-25 ; vm, 16-17 ; Marc, ii, 2-4 ; iii, 3 ; ix, 10 ; Luc, v, 18-19 ; vi, 19, etc.) témoignent de leur vérité historique. Et puisque d’autre part, ils nous apparaissent comme humainement inexplicables, il faut en conclure que Jésus les accomplissait par la force de la puissance divine.
c. Les miracles et la foi. — La foi joue un certain rôle dans les guérisons opérées par Jésus-Christ : il importe de préciser, à l’aide du texte évangélique.le sens et la portée de ce rôle, que nous trouverons très dénaturé par les rationalistes et les néo-critiques. Souvent Jésus exige des malades la foi, comme une condition préalable nécessaire à leur guérison, Matth., ix, 28-29 ; ’Marc, v, 30 ; ix, 22 ; Luc, viii, 50 ; Joa., v, 0, ou tout au moins il se propose, en les guérissant, de faire naître la foi dans leur âme. Marc, vii, 32-35 ; vm, 22-26 ; Joa., ix, 5-7. La foi anime les malades ou les personnes qui les amènent a Jésus : le paralytique de Capharnaum, Matth., i, 2 ; Marc, ii, 3-5 ; Luc, v, 18-19 ; le centurion, Matth., viii, 5-10 ; Luc, vii, 1-9 ; l’hémorrhoïssc, Marc, v, 28 ; la Chananéenne, Matth., xv, 22-28 ; Marc, vii, 25-29 ; les foules elles-mêmes qui’i jettent aux pieds » du Sauveur leurs malades. Cf. Matth., iv, 28 ; xv, 30 ; Marc, iii, 10 ; Luc, vi, 18, etc. Et Jésus loue la foi qui les anime. Matth., ix, 22-23 ; cf. Marc, v, 31 ; Luc. viii, 18 ; xvii, 10 ; xviii. 11-42. Réciproquement, l’absence de foi attriste l’âme de Jésus, Matth., xvii, 10-17 ; cf..Marc, ix, 18 et Luc, ix, 41 ; Luc, viii, 25, cf. Matth., viii, 20 et Marc, iv, lu ; Matth., xiv, 31 : Joa., iv, is. ci, précisément, parce que les habitants de Nazareth se montrèrent particulièrement incrédules vis a vis de Jéius, i il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité. » Matth., xiii, 58, cf. Marc, vi, 5-6. Il n’apparaît nullement par là que la foi des malades ou de leurs réponii ! i :
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JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE >E> MIRACLES
1196
dants était une cause de la puissancejmlraculeuse de Jésus : les pouvoirs de Jésus étaient partout les mêmes. car ce sont des pouvoirs divins, totalement indépendants des volontés et des circonstances humaines. Mais les guérisons étant des actes moraux, Jésus exige dans les malades des dispositions morales. Si. par les prodiges, il ne pouvait atteindre le but spirituel et moi al qu’il se proposait, il se refusait à les accomplir. La foi des malades n’est donc pas la cause de leur guérison par Jésus, mais une simple condition morale dont la haute convenance ne saurait échapper à quiconque prend l’Évangile tel qu’il nous est présenté, c’est-à-dire « a considérant Jésus-Christ comme le vrai Fils de Dieu auquel il faut croire pour être sauvé. La cause efficiente des guérisons reste la puissance communiquée par Dieu au Sauveur.
b) Le thaumaturge considéré en lui-même. Dans l’accomplissement de sa mission, Jésus s’est constamment montré digne de l’intervention divine dont il était le digne instrument. a. Jésus est l’instrument de Dieu.c’est lui-même qui l’affirme, en réfutant l’invraisemblable allégation des pharisiens mettant au compte de Beelzebub et des esprits malins certains miracles du Sauveur. Matth., xii, 21 sq. ; cf. Marc, iii, 21 sq. ; LUC, XI, 15 sq. : Joa.. viii. IX. Jésus est l’ennemi né du démon : tout ce qu’il fait est pour l’honneur et la gloire de Dieu, son Père. La théologie aura à préciser la nature des relations qui unissent Jésus à Dieu dans la manifestation extérieure de sa puissance Ihaumaturgique. Nous n’avons ici qu’à relever les traits que nous fournissent les évangiles. Deux séries parallèles de textes s’offrent à nous, ceux où il apparaît que Jésus opère des miracles de sa propre autorité : c’est sa volonté qui est la cause efficiente du prodige. Matth., vm. 2-3 : Marc, i, 40-41 ; Luc, v, 12-13 ; cf. Luc, vu. 11. Les démons comprenaient bien que Jésus agissait d’autorité : les paroles de la tentation le supposent expressément ; Matth., iv, 3, 6 ; Luc, iv. 3, ! » ; et la foule, témoin de guérisons et délivrances merveilleuses ne l’entendait pas autrement : « Quelle parole est celle-ci ? Car il commande avec autorité et avec puissance aux esprits impurs, et ils s’en vont. » Luc, iv, 3(5. Cependant une autre série de textes nous laisse voir que Jésus chassait les démons i par l’esprit », « par le doigt de Dieu, Matth.. xii, 28 ; Luc. xi. 20 ; il lève les veux au ciel avant de rendre l’ouïe et la vue à un sourd-muet, Marc, vii, 34 ; avant de multiplier les pains et le poisson, Matth.. xiv. 19 ; Marc, vi. Il : Luc. ix. l(> : ou bien, avant de ressusciter Lazare, il remercie Dieu d’avoir exaucé la prière qu’il lui avait adressée au sujet de son ami. Joa., xi, 41. Et, suivant l’impulsion donnée par le Sauveur, les foules rendent parfois grâces à Dieu, à l’occasion des miracles accomplis par Jésus. Matth.. XV, .’il : Luc. xviii. 43, etc. Ces deux points de vue ne sont pas contradictoires : le dogme de l’union hypostatique en résout facilement l’antinomie apparente, en distinguant en Jésus la di nilé et l’humanité, la divinité agissant comme cause principale, l’humanité agissant comme instrument. Lorsque Jésus permet que les miracles s’accomplissent au contact de son humanité (imposition des mains. Marc. VI, "> : Luc. xiii. 13 : toucher, Matth.. m. 15 ; ix, 29 ; xiv, 36 ; Marc, iii, ni ; Luc. i. 19, etc. ; simple frôlement du corps. Matth., i. 20-21 ; Marc. v. 27-30 ; Luc, viii, 15-46), c’est pour affirmer ce caractère Instrumental de son humanité dans l’accomplis Sèment « les miracles. Et la foule reconnaissait qu’il sortait de lui une vertu qui guérissait » les malades. Luc. vi. 19.
b. L’action thaumaturgique, telle qu’elle apparaît en Notre-Seigneur, est tout a lait digne de Dieu, soit qu’on la rapporte directement a Dieu, soit qu’on l’attribue à rinstrument qu’était l’humanité du Sauveur.
A plusieurs reprises déjà nous avons eu l’occasion de signaler le caractère « spirituel » et « moral » des miracles du Maître : nul désir d’ostentation, nulle manifestation d’égoïsme n’y apparaît. Dans la presque totalité de ces miracles, la haute sainteté de Jésus resplendit par le but moral et spirituel qui est nettement poursuivi par lui. A peine pourrait-on citer un ou deux ras d’apparence contraire : d’apparence, disons-nous, car, en réalité, le but moral existe. La perte, pour leurs propriétaires, des pourceaux dans le corps desquels s’étaient enfuis les démons expulsés par Jésus, ne soulève pas. au point de vue de la justice, une difficulté telle, qu’on ne puisse y trouver d’excellentes et plausibles solutions. < Il est des cas. dit le protestant Godet, où le pouvoir, par sa nature même, garantit le droit. ► F. Godet. Commentaire sur l’évangile de saint Luc, Xeuchâtel. 1872. 2° édit., t. 1. p. 183. Quant à la prétendue colère de Jésus, inspiratrice du miracle du figuier desséché, Marc, xi, 13 sq. (outre que ce sentiment passionnel a pu exister légitimement en Jésus. voir col. 1330) elle n’enlève rien de la portée morale de l’acte du Sauveur, portée mise en vif relief par Bossuet, Méditations sur l’Évangile, dernière semaine, 20e jour. Lu réalité, les miracles de Jésus sont un enseignement comme sa prédication orale : habent enim (miracula), si intelligantur, linguam suam. Sam quia ipse Christus Verbum Dei est, etiam faclum Ycrbi verbum md>is est. S. Augustin, Tract, in Joannem, tract. XXIV. c. ii, V. /… t.xxxv, col. 1593. I enseignement . contenu dans les faits miraculeux, saint Jean saura le dégager parfois dans son évangile spirituel : la guérison de l’aveugle-né nous fait mieux connaître Jésus, lumière du monde ; la résurrection de Lazare nous montre en Jésus, la résurrection et la vie. Très rarement celle interprétation existe chez les synoptiques, quoiqu’on la puisse déjà trouver dans Luc, . lo. à propos de la pêche miraculeuse : < Désormais lu seras pêcheur d’hommes. » Puissances, 8uvàtxsi.ç, parce qu’ils ne peuvent être accomplis que par Dieu ou au nom de Dieu, les miracles de Jésus sont donc encore signes, ar^zlr., de réalités plus hautes, de vérités plus sublimes, se rattachant à la prédication du Messie. Ils sont le symbole de l’œuvre spirituelle de Jésus ; ils sont déjà le « royaume de Dieu 1 en actes. Cf. L. de Grandinaison, op. cit., col. 1469-1470.
3. Influence des miracles sur ceux qui en lurent témoins, relativement à la révélation du Messie, Fils de Dieu. — Cette analyse nous fait conclure avec Bossuet : « Tout se tient en la personne de Jésus-Christ, sa vie, sa doctrine, ses miracles. La même vérité y reluit partout : tout concourt à y faire voir le Maître du genre humain et le modèle de la perfection. » Discours sur l’histoire universelle, part. 11, c. xix. En soulageant les misères du corps, Not re-Seignenr se propose un but plus élevé, spirituel. Et l’étude de La pensée du Christ dans l’Évangile nous amène à conclure, avec saint Thomas d’Aquin, que Le Verbe incarné est venu 1 afin de faire des miracles, pour l’utilité des hommes, principalement en ce qui regarde le salut des aines. 1 Snm. Iheol., IIP. q. XXXV, a. 1. ad ! ’"". Mais pour découvrir Ici pleinement la pensée du Maître, il nous faudra recourir tout aussi bien au quatrième e angile qu’aux synoptiques,
i l Le but que se propose Jésus est défini à plusieurs reprises. Les. œuvres l que je fais rendent de moi le témoignage cpie c’est le Père qui m’a envoyé. » Joa., v. 36. Le Messie, dans l’idée que s’en faisait les.luils. devait prouver sa mission par des prodiges. Joa.. vii, 31. Jésus se | ropose donc, avant tout, de révéler par ses 1 œuvres » la légitimité de sa mission, c’est-à-dire de se révéler lui-même Comme le Messie. C’est ainsi, nous l’avons déjà vu. cf. col. I 18(>, qu’il se révèle aux disciples de Jean hésitants, et envoyés vers lui par le no :
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JÉSUS-CHRIST. LE TÉMOIGNAGE DE LA PRÉDICATION
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précurseur, comme le Messie réalisant par ses miracles les prophéties d’Isale. Luc. mi. 18-22 ; Matth.. xi. 2 8 ; cf. ls., xxxv, ! -."> : li. 1-2. S’il chasse les démons c’est que le royaume de Dieu est déjà venu. Matth.. xii. 28 ; Luc, xi. 20. Aux Juifs qui lui demandent de déclarer nettement s’il est le Christ, .lésus répond par le témoignage de ses œuvres. Joa., x. 24-25 ; cꝟ. 37-38 et v. 36. l.a résurrection de Lazare a pour but île faire glorifier le Fils de Dieu. Joa.. xi. 4. et de provoquer la foi en Jésus, v. 15. 41-42. Les apôtres sont repris par le Maître de ne pas assez croire en lui, malgré les miracles dont ils ont été les témoins. Matth.. xvi, 6-12 : Mare., viii. 11-21. et les Juifs sont sans excuses de leur péché d’incrédulité et de haine, à cause des œuvres accomplies par Jésus. « œuvres que nul autre n’a faites, i Joa.. xv. 22 21.
b) L’effet produit dans les foules et sur les disciples. c’est la foi. c’est-à-dire la confiance en sa personne, sinon la croyance en sa messianité et sa divine filiation. On trouvera les différentes nuances de cette « foi » encore mal définie, dans les textes de l’évangile : Ses disciples crurent en lui. Joa.. n. Il ; < beaucoup crurent en son nom, » ii, 23 ; l’officier royal, après la guérison de son fils. « crut en (Jésus), lui et toute sa famille. iv. 53. Xicodème dit expressément à Jésus : « Maître, nous savons que vous e’tes venu de la part de Dieu comme docteur : car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu n’est pas avec lui. Joa., iii, 2 : cf. Act.. x. 38. A la suite des miracles, les apôtres et les foules estiment qu’il existe entre Dieu et Jésus des relations étroites qui élèvent Jésus à un rang bien supérieur à celui des hommes : c’est un
grand prophète >. un i saint personnage », le « Messie lui-même ». cf. Matth.. iv, 21 ; xiv, 33 : xxvii, 40, 42 ; Marc, i, 28, 40 ; ii, 12 ; Luc, vii, 16 : c’est « le Fils de David >. Matth., xii, 13. Hérode Antipas, apprenant les miracles de Jésus, pense que Jean Baptiste est ressuscité. Marc, vi. 14. Les miracles sont pour le peuple la pierre de touche de la sainteté de Jésus : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Toutes ces remarques des évangélistes nous montrent quelle excellente préparation à la révélation de l’Homme-Dieu furent les miracles du Sauveur.
I ne admiration sincère, mélangée de frayeur à cause de la puissance inconnue qui se manifestait en Jésus, mais irrésistible, entraînait les foules vers Jésus. Cf. Marc. i. 27-28 ; v. 42 : Matth., ix, 8, 26 ; Luc, iv, 36, 37 : vu. 16. 17 : viii, 56 ; ix, 44 ; xi, 14 ; xviii, 43 ; Joa., xii, 17-18.
c) Mais bien plus, les miracles sont déjà, implicitement, la révélation du mystère de l’incarnation, car leur accomplissement, aux esprits non prévenus et réfléchis, devait démontrer en fin de compte la divinité agissant dans et par l’humanité de Jésus dans l’unité d’une seule personne. Cette conclusion sera celle de l’apologétique, qui s’attache a démontrer, par une étude rétrospective, la valeur probante des miracles de Jésus. fin soi, les miracles ne démontrent pas la divinité du thaumaturge ; et i Notre Seigneur n’opère de miracles que pour prouver la divinité de sa mission.
II n’entend pas prouver directement sa divinité personnelle. Sans doute, agissant de sa propre initiative et par sa propre puissance, il pouvait prouver par là qu’il est Dieu. Mais cette initiative et cette puissance indépendante se supposent plus aisément qu’elles ne se démontrent, tant qu’elles restent isolées de l’affirmation du Sauveur sur sa nature divine. Logiquement, le miracle prouve donc seulement que N’otre-Seigneur est l’envoyé de Dieu et que sa parole est digne de foi. La valeur de cette parole une fois établie par le miracle, il ne reste plus qu’à l’écouter et à la croire. > H. Lesétre, art. Miracle, dans le Diction naire de la Bible, t. iv, col. 1121. Indirectement, et a
titre de signes de crédibilité, les miracles on général amènent donc un esprit non prévenu à donner son assentiment a la divinité du Christ. Mais directement quoique implicitement, plusieurs des miracles du Christ aboutissent à ce résultat. Chaque l’ois que Jésus accomplit des prodiges, en son nom propre, de son propre gré. manifestant une volonté toute-puissante (cf. Matth., viii. 5. 7 : Luc. vu. Il : viii. 46) ; ou lorsqu’il communique à ses apôtres le pouvoir de faire des miracles qu’ils doivent exercer en son nom (cf. Luc. x. 17 : Act.. m. 6 : ix. 31 : xvi. 18, etc.), il y a manifestement en ces actes la preuve que Jésus possède la puissance divine dans sa plénitude. De plus, certains miracles sont expressément accomplis par Jésus en signe de sa divinité, affirmée implicitement ou expli cilement par lui. Jésus remet les péchés du paralytique de Capharnaum, et pour montrer qu’il a le pouvoir de remettre les péchés, il guérit le paralytique. Matth.. ix, 1-8 : Marc, ii, 1-12 : Luc, v, 17-26. Noir, d’autres passages plus expressifs encore, dans saint Jean, v, 16-21 : x. 22-38 ; xiv, 11-12. Il ne faut pas nier a priori que quelques esprits, même avant la résurrection du Sauveur, aient pu pénétrer jusqu’à cette extrême logique la valeur probante des miracles du Sauveur. Tout au moins, ils avaient déjà entrevu, dans les miracles accomplis, la manifestation de l’Homme-Dieu ceux qui démons ou hommes, proclamaient Jésus « Fils de Dieu ». Cf. Matth.. iv. 3, 6 ; Luc, iv, 3, 9 ; Matth., viii, 29, et Marc, v, 7 ; Luc, viii, 28 ; Matth., xiv, 33 : xxvii. 54 ; Marc, xv, 39 ; Joa., i, 49.
2° Manifestation de V Homme-Dieu dans la prédication générale du Christ. — 1. Préparation à la révélation du Fils de Dieu fait homme : l’enseignement de Jésus touchant le « Père céleste ». Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, 4° édit., p. 243249. — La doctrine du Fils incarné est corrélative à la notion du « Père céleste ». La prédication de Jésus dans les synoptiques a, peut-on dire, pour objet principal la foi au Père. La paternité de Dieu n’était pas ignorée dans l’Ancien Testament, Cf. Lagrange, La paternité de Dieu dans l’Ancien Testament, Revue biblique, 1908, p. 481-489 ; Dalman, Die Worte Jcsu, t. i, p. 150-152. Dieu est comme un père, Ps., ciii, 13-14, vis à-vis des justes, il est le père d’Israël, ls., lxiv, 7 sq. ; Israël est son fils premier-né, Ex., iv, 22 ; cf. Deut., xiv, 1 ; xxxii, 5-6 ; ls., i, 4 ; xxx, 9 ; xlv, 11 ; lxiii, 16 ; Os., ii, 1 ; xi, 1 : Jer., iii, 4, 14, 19. 22 ; xxxi, 8, 20 ; Mal., ii, 10. Cette notion de paternité qui rapproche Dieu des hommes s’effacera quelque peu dans le judaïsme palestinien ; les traducteurs des targurfis s’efforcent d’en diminuer l’affirmation, afin d’accentuer davantage la transcendance de Dieu. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 156, 157. Cette tendance, existante au temps de Nôtre-Seigneur, montre combien le divin Maître agit sagement, afin de préparer la révélation de l’Emmanuel, en prêchant à nouveau la paternité divine, à laquelle il accorde un sens plus profond que ne l’avaient fait les livres de l’Ancien Testament, (.elle paternité divine suppose en Dieu une sollicitude providentielle de tout instant. Cf. Matth., vi, 25-32 ; Luc. xii. 22-32. Chez Matthieu, le mot « Père » est plus fréquemmeni que chez
Luc, ou Marc, qui y substituent volontiers le mot » Dieu ». Matth., vi-26, cf. Luc, mi, 21 ; Matth., . 2’.). cf. Luc, xii. 6 ; Matth., x, 20, cf. Marc, m. Il et Luc, xii, 11 ; Matth.. xii. 50. cf. Marc, m. 35 et Luc. vm, 21 : Matth., x, 32, cf. Luc. xii, 6. Voir Hainack, Sprilche im<l Reden Jesu, p. 61. Mais Le sens demeure le même. Elle apparaît surtout dans le pardon des fautes, cf. Matth., iii, 14-15 ; Marc, xi. 25, et Jésus par ses actes comme dans ses paraboles, i prêché constamment cette doctrine du pardon. Cf. Matth.. i, 2, Fi : v, 7 : vii, 2 : Luc, vii, 18 ; i, 9 ; et surtoul xv. 1-32
Du côté de l’homme, la paternité divine appelle la ] confiance filiale, Matth., vi, 2.">- : 12 el la prière, Matth., |
vi. 7-’. » : cf. Luc, xi. 2 : mais, alors que dans l’Ancien Testament, si uls les justes pouvaient se glorifier d’avoir Dieu pour père, Sap., ii, 16,.Jésus nous enseigne que le pécheur lui-même, s’il veut se convertir, a Dieu pour père : les publicains, les femmes de mauvaise les Samaritains eux-mêmes ont droit, à notre assistance el à noire amour parce que, s’ils expient eurs fautes, ils ont droit à notre pardon et à celui de Dieu. Lue., xviii. 10-14 ; Matth., xxi. 31-32 ; Luc., xvii, 16 ; Joa., iv. 39. Cet enseignement nous ouvre des perspectives encore inconnues sur l’orientation nouvelle, intérieure et spirituelle, de la vie religieuse nécessaire pour faire partie du royaume de Dieu. La filiation spirituelle des chrétiens par rapport à Dieu, une lois comprise, mène plus facilement à l’intelligence de la filiation divine <le Jésus-Christ dont, en réalité, elle doit dériver. < Tout d’abord, le lien clés deux doctrines est voilé, et la filiation naturelle du Christ reste dans l’ombre : aussi bien les Juifs étaient-ils très mal préparés à l’entendre, tandis qu’ils près ^entaient déjà ce dogme de la paternité divine, et que par lui ils entraient sans résistance dans l’Évangile. Par degrés, le Christ va se révéler à eux. ou plutôt, pour parler le langage de l’Évangile, le Père céleste, dont ils sont devenus les cillants, va leur révéler son Fils..T. Lebreton, op. cit., p. 249.
2. Révélation implicite de V Homme-Dieu. - a).Jésus
vient accomplir les prophéties touchant le Messie et le
urne messianique. - Préparés par le message du
précurseur, les Juifs étaient plus disposés à recevoir,
fésus lui-même, l’affirmation qu’il était le Messie et venait instaurer le royaume messianique. La prédication de Jésus débute comme celle de Jean : < Faites pénitence, car le royaume des cieux approche. » Matth.. îv. 17. Et bientôt, le Sauveur saisira l’occasion d’affirmer, aux disciples mêmes de Jean envoyés vers lui pour l’interroger, qu’il est vraiment celui qu’on attend, el non pas un autre : Allez, leur dit-il, rapportez à Jean ce que vous avez entendu et VU : des
ugles voient, des boiteux marchent, des lépreux sont guéris, îles sourds entendent, des morts ressuscitent, des pauvres sont évangélisés. » C’était la réalisation des prophéties d’K. xxxv, r> sep : i.xi, 1 sq.. concernant le Messie. Un autre jour, discutant dans la synagogue de Nazareth de la prophétie d’K, lxi, 1 sq., il déclare ouvertement : C’est aujourd’hui que cette Écriture que vous venez d’entendre est accomplie. Si Jésus chasse les démons, c’est que le règne de Dieu csi venu parmi les Juifs. Luc, xi, 20 ; cf. Matth..
. 2.x. Ce règne est commencé, il progresse dans la mesure OÙ ses ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. Très clairement encore, il annonce que i la loi et les prophètes <>ni duré jusqu’à Jean, depuis, le royaume des cieux est annoncé, et chacun fait effort pour > entrer. » Luc, xvi. 16 ; cf. Matth., xi, 12-13. Jean appartient à la préparation du royaume dont le membre le plus petit lui est supérieur : l’.lie, que les Juifs at tendaient avant que le Christ paraisse,
déjà venu : Jean est lui-même Elle qui doit venir. Matth., xi, 11-14. Le royaume des cieux, c’est Jésus qui le fonde : i heureux vos yeux, parce qu’ils voient e1 vos oreilles, parce qu’elles entendent. Car. en vérité.
je vous dis que beaucoup de prophètes et de justes
0n1 désiré’voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vii,
entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas enten du. i Matth., mu, Ki-17. Les pharisiens se demandent quand le royaume viendra et déjà il est au milieu d’eux, èVroç û(x<ôv èoriv. Luc, xvii, 20-21. Sur la réa ition effective du royaume par Jésus-Christ, voir d’au ! res textes, Marc, xii, 34 ; Luc, xii, 31 32 ; Matth., xxi.31-32, 13.
Mais le règne de Dieu, annoncé par les prophètes, réalisé par Jésus-Christ, n’est pas un i avènement qui vient tout d’une pièce, comme un décor de féerie. » Lagrange, dans Revue biblique. 1900, p. 477. Le règne, réalisé par Jésus-Christ se prolonge jusque dans l’audelà, en passant par la phase caractéristique du dernier avènement du Messie, le jugement du monde. Le règne de Dieu, dont nous devons chaque jour demander « qu’il arrive », Matth.. vi. 10 ; Luc. xi, 2. doit se développer en ce monde. (Test ce qu’explique Jésus dans toutes Us paraboles oîi l’idée du royaume appelle l’idée de l’Église : parabole du semeur. Matth.. xiii,
1 sq. ; parabole du bon grain et de l’ivraie, id.. xiii,
2 1-30 : parabole du grain de sénevé, id., xiii, 31-32 ; parabole du levain, id., xiii, 33 ; parabole du filet rempli de poissons, id., xiii. 17-50. Mais ce règne terrestre n’est pas encore le règne définitif : le royaume de Dieu ne doit pleinement se réaliser que dans l’autre Vie. Il s’inaugure pour les individus par la mort et le jugement : Jésus le promet au bon larron, Luc, xxiii, 42-43 ; il est promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent persécution pour la justice, Matth.. v, 3, 10, à ceux qui font la volonté du l’ère, Matth., vii, 21, aux enfants et à leurs semblables. Mail h., xix. Il ; xviii, 2-3. Il est la « terre » que les doux recevront en héritage. Matth.. v, 1 ; la * joie du Seigneur » dans laquelle entrent les bons serviteurs, qui ont fait valoir les talents, Matth., xxv, 21. 2.’?. Pour la société humaine, le royaume de Dieu s’inaugurera par la parousie du Fils de l’homme et par le jugement général. Matth.. xxiv. 30 ; xxv. 31-46 ; Marc, xiii, 20 ; Luc, xxi. 27. Mais ces perspectives de développement terrestre et de consommation eschatologique n’empêchent pas que le royaume est toujours réalisé par Jésus-Christ. Jésus n’est le précurseur d’aucun autre roi messianique : du royaume-église, du royaume eschatologique, c’est toujours Jésus qui est le roi. La prédication de Jésus peut avoir pour objet l’établissement d’un royaume qui n’est pas encore complètement réalisé : mais c’est Jésus lui-même cpii inaugurera ce royaume futur. Toujours, et quel que soit l’aspect du royaume annoncé, c’est Jésus qui apparaît connue le roi, oint par le Seigneur. Sur le royaume de Dieu et ses divers aspects dans l’enseignement du Christ, voir J.-B. Frey, Royaume de Dieu, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. v, col. 1237 sq.
b) L’autorité des paroles et de lu prédication du Christ décèlent un Dieu. — Les paroles et la doctrine du Christ apparaissaient à tous remplies d’une autorité personnelle qui ne pouvait convenir qu’à Dieu. Marc le note expressément : « Ils (ses premiers disciples) s’étonnaient de sa doctrine, car il les enseignait comme ayant autorité el non comme les scribes, i i. 22. Cf. Matth., vn, 29 ; Luc, iv, 32. Nous avons déjà vu les docteurs admirer dans le temple la sagesse des réponses de l’enfant Jésus, voir col. 1 182 ; mais ici, les synoptiques énoncent le motif de l’admiration causée par l’enseignement de Jésus : c’était un enseignement d’autorité. Celle autorité s’affirmait devant les Juifs, comme celle du Maître souverain interprétant et complétant la Loi par sa propre doctrine. Toutes les promulgations, contenues dans le c v de l’évangile de saint Matthieu, sont empreintes de celle autorité souveraine : i Je ne suis pas venu abolir la loi et les prophètes, mais les accomplir… Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens,
vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Vous
avez entendu qu’il a élé dit aux anciens : Tu ne tueras pas… : mais moi, je vous dis que quiconque, etc. Six lois (le suite, Noire-Seigneur reprend cette formule, où éclate, dans sa plénitude, l’autorité souveraine avec laquelle il enseigne et Impose aux consciences de graves obligations. Les anciens prophètes ne part’201
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LE TITRE DE
FILS DE I.IIOMM1- :
1202
(aient jamais ainsi : loinformule était : Hæc dieil
Dominas. Suint [renée fait observer cette différence de langage entre les prophètes et le Christ : Filius quidem quasi a Paire renias principali auctorïtate dicebai : Ego autan dieo robis… Servi autan quasi a Domino serriliter : el propter hoc dicebani : Hæc dieit Dominas. Cont. llar.. I. IV. e. xxxvi.n. 1. P. G., t. vii. col. 1090. D’ailleurs, si le Christ parle avec l’autorité du maître et du Seigneur, c’est qu’en effet il est Mailre et Seigneur i. Malih… 24-25 ; XXVI, 18 ; Luc. m. 10 ; xxii, 11 : cf. Joa., m. 13. Jésus se montre le niait re de la loi du jeune dont il dispense ses disciples. Mare., u. 18-20 ; Matth.. i. 1 1-17 ; Lue., v, 33-35. A ee propos, Jésus, reprenant une image employée par Jean-Baptiste, Joa., m. 29, s’attribue le titre d’époux, qui exprime l’attachement et l’amour qu’il a vis-à-vis des siens. Il ajoute : » Des jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront, o Il y a là’me allusion à i mort violente qui l’arrachera aux siens : ce qui démontre que, dès les premiers jours de son ministère, il était pleinement conscient de sa nature, de sa mission et aussi de la mort sanglante qui devait la couronner. Voir plus loin Jésus-Christ et la critique, col. 1388 sq. Jésus se montre le maître du sabbat c’est l’épisode des épis froissés par les apôtres. Marc. n. 23-28 ; Matth., xiii, 1-8 ; Luc, vi, 1-5 ; c’est iaguérison de l’homme à la main desséchée. Marc, iii, 1-0 ; Matth., xii, 9-14 ; Luc. m. 6-11 ; c’est la guérison de la femme courbée Luc. xin. 10-17 ; c’est la guérison de l’hydropique. Luc. xiv, 1-ti. L’évangile de saint Jean complète ces données des synoptiques : à Jérusalem, Jésus guérit un malade le jour du sabbat et lui ordonne d’emporter son grabat. Joa.. v, 8-10, 16. Et à cette occasion, à une double reprise, Joa., v, 17 et vii, 21-24, Jésus explique pourquoi la justice est avec lui : d’ailleurs, il agit en maître : Mon père agit jusqu’à présent et moi aussi j’agis. » Le Fils de l’homme est maître du sabbat. Marc. n. 28 ; Matth., xii, 8 ; Luc, vi, 5. Cette autorité et cette domination du Christ sur les hommes et les institutions ne sont pas l’autorité despotique et la domination matérielle que les Juifs imaginaient devoir appartenir au Christ. Nous verrons tout à l’heure comment le Christ entend fonder un royaume spirituel et surnaturel et « être chez lui dans l’intérieur des autres, i Rousselot. La religion dire-Henné, dans Christus, 2e édit., p. 989. Il nous sullit ici de rappeler les paroles du Maître, qui expliquent si parfaitement quel genre d’autorité et de domination il entend exercer : Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et venez à mon école, parce que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger. Matth.. xi, 28-30.
c) Jésus corrige les idées fausses et les illusions des Juifs louchant le royaume messianique. — La révélation progressive de Il lomme-Dieu comportait néces ii renient cette correction. La charte du < royaume des cieux » est promulguée dans le discours sur la montagne. Matth.. v, 1 sq. ; et les autres enseignements du Maître ne sont que le commentaire ou l’écho de cet admirable sermon. Or. la prédication de Jésus était telle, qu’elle devrait en lin de compte corriger les illusions et les erreurs de ses contemporains sur le règne messianique. Les Juifs avaient rêvé d’un royaume temporel. Jésus leur fait comprendre que ce royaume sera avant tout spirituel ; c’est un don divin, qui exige de la part de l’homme une’/encreuse coopération. Les Juifs avaient rêvé d’une restauration d’Israël et de rétablissement de sa domination sur les autres peuples du monde. Jésus leur fait comprendre que, si les Juifs ont certains droits de primauté dans le
royaume, ce royaume doit être cependant accessible a toute l’humanité, sans autre obligation que celle d’observer la loi divine, amenée par le Christ à sa perfection. Sur ces points, dont le développement débor derait le cadre de cet article, voir Royaume de Dieu. dans le Dictionnaire de la Bible, l. v, col. 1217 1251. Remarquons ici simplement que, promulguant les béatitudes. Jésus annonce aux membres du royaume les persécutions : « Vous êtes heureux, lorsque les hommes vous maudissent et vous persécutent, et disent faussement du mal de vous à cause de moi. Matth.. v. 11, et qu’il promet le royaume « aux pauvres en esprit, t. 3.
Jésus doit également corriger les erreurs des Juifs touchant le royaume considéré sous son aspect eschatologique. Par le l’ait qu’il s’attribue le jugement, Jésus se manifeste comme Dieu, voir plus loin, col. 1209 ; mais le jugement des peuples que les Juifs réservait au roi messianique n’est pas celui que Jésus annonce. Le jugement portera sur le bien accompli ou sur le péché commis : « Beaucoup iie diront en ce jour : Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, et en ton nom que nous avons chassé les démons et en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? Ht alors, je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, artisans d’iniquité. > Matth., vii, 22-23. Cet enseignement .se retrouve dans tout l’Évangile et notamment dans les paraboles du règne de Dieu expliquées par Jésus à ses apôtres : c’est le Fils de l’homme qui sème le bon grain ; c’est lui qui, au dernier jour, présidera la moisson ; il enverra ses anges ramasser de son royaume tous les scandales et ceux qui commettent l’ini mité, et ils les jetteront dans la fournaise du feu. Matth., iii, 37-12. Cf. Marc, iv, 26-29. La soudaineté avec laquelle devait apparaître le Messie-juge, Jésus l’explique de sa venue inopinée au jour du jugement de chacun des membres de son royaume. Marc, xiii, 34-37 ; cf. Luc, xii, 36-38 ; Matth., xxiv, 48-51 ; cf. Luc, xir. 45-48 ; xxi, 34-36, etc.
d) Le. Fils de l’homme. — Il ne suffit pas à Jésus de révéler le royaume ; il faut qu’il révèle le roi. Mais, dans cette révélation de soi-même, avec quelle prudence et quelle circonspection n’est-il pas obligé de procéder ! A cet effet, il se servira fréquemment de l’expression : Fils de l’homme. On la trouve 14 fois dans Marc, 9 fois dans Matthieu, 8 fois dans Luc, 12 fois dans Jean, 8 fois dans les Logia. Nous avons vu plus haut la signification messianique de cette expression chez Daniel, voir col. 1123, et dans le livre des Paraboles d’Hénoch, col. 1128. Mais à l’époque du Sauveur, elle n’a plus, pour la plupart des Juifs, qu’un sens imprécis, et c’est la prédication de Jésus qui. progressivement, sous cette expression, proposera la révélation du roi messianique. Voir J. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité. 4e édit., p. 277-286. D’après saint Jean c’est dès le début de sa vie publique que Jésus se révèle comme le Messie annoncé par Daniel : Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant au-dessus du Fils de l’homme. Joa., i, 51. On trouve, avec les mêmes souvenirs et les mêmes images, la même révélai ion dans l’entretien avec Nicodème. /L. iii, 12-15. C’est d’ailleurs le Messie céleste de Daniel qu’on aperçoit dans les autre textes johanniques ; cf. VI, 27, 53, til-62 ; et moins clairement, viii. 28 ; i. 35 ; xii, 23, 34 ; xiii, .’il. Mais ce ne sont encore que des entretiens privés, et le Sauveur ne revendique le titre messianique de Fils de l’homme que pies de CeUX qui sont préparés à l’entendre. Il le revendiquera dans la première partie de son apostolat rarement et avec réserve dans quelques discussions arec les pharisiens, à propos du paralytique de Capharnaûm, Mare, ii, 10 ; cf. 1203
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JÉSUS-CHRIST. LE TITRE DE « FILS DE L’IIOMMI
L204
Matth., ix. 6 ; Luc, v, 24, et à propos du sabbat.
Marc. il. 28 ; cf. Matth.. xii. S ; Luc, vi. 5. puis, plus tard, dans une conversation avec un scribe, Matth. vin. 20 ; Luc, ix, 58, et encore, disputant avec les pharisiens à propos du péché contre le Saint-Esprit et du péché contre le Fils de l’homme. Matth., xii, 32 ; Luc. xii, 10 ; cf. Marc. m. 28-29, et encore, instruisant ses disciples. Matth., xiii. 37. -11 : Luc. vi. 22 ; cf. Matth.. v. Il (moi, au lieu de : Fils de l’homme). Tous ces interlocuteurs étaient capables d’entendre le sens de l’expression : Fils de l’homme, bien que ce sens ne soit pas encore aussi plein et aussi ferme qu’il le sera plus tard. Uhe fois seulement, dans les textes qui appartiennent sûrement à la première période de la I rédication de Jésus, le Sauveur parle à la foule du Fils de [’homme, Matth., xi. 18-19 ; Luc, vii, 33-34, mais c’est à la foule déjà instruite par Jean, dont le nom sur les lèvres de Jésus, appelle nécessairement le nom du Messie D’autres textes. Matth., xii. 40. (f. Luc, xi, 30 ; Luc, xii, 8 et Matth., x, 32, n’appartiennent pas certainement à cette époque. C’est a Césarée de Philippe que le Fils de l’homme commence à paraître en pleine clarté : i Qui dit-on qu’est le Fils de l’homme’, demande Jésus à ses disciples. Depuis longtemps, Jésus est avec eux ; il a multiplié devant eux ses enseignements et ses miracles ; ils ont été témoins des enthousiasmes et des hésitations de la foule, non moins que de l’opposition acharnée des pharisiens. Les disciples ont assez de lumière pour prendre parti ; ils doivent le faire. Aussi, après avoir rappelé les différentes opinions du peuple touchant la personnalité de Jésus, Simon Pierre, répondant au nom des apôtres, confesse que Jésus < est le Christ », Marc, viii, 29 ; t le Christ de Dieu ►, Luc. ix. 20 ; < le Christ, le Fïls du Dieu vivant. » Matth., xvi, 16. Quelle que soit la portée exacte de la confession de Pierre, cf. plus loin, col. 1200. un sens général se dégage manifestement : Pierre reconnaît, au nom des apôtres, le caractère de Messie en Jésus. (Test l’affirmation qu’ont retenue Marc et Luc, et que Jésus, dans Matthieu, souligne en recommandant i aux disciples de ne djre à personne qu’il est le Christ. » Or, le Christ ici, c’est le Fils de l’homme, expressément désigné par Jésus dans la question posée, Matthieu, xvi, 13, ou dans les prédictions qui suivent, Marc. vin. 31 : Luc. ix, 22, et c’est par conséquent Jésus, qui, devant les Juifs, s’était approprié la désignation : Fils del’hoinme. sans en préciser encore le sens. Le sens messianique de cette appellation une lois précisée devant les apôtres, Jésus s’empresse d’ajouter à cette première détermination les prédictions de ce que le i Fils de l’homme > devra souffrir : Il commença en même temps à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrit beaucoup ; qu’il fût rejeté par les anciens, les princes des prêtres et les scribes, qu’il fût mis à mort, et qu’après trois jours il ressuscitât. l’A il en parlait ouvertement. Marc, viii. 31-32. 1 tes lors, Jésus, en parlant du Fils de l’homme attache a cette appellation la signification de Messie souillant, mis à mort et ressuscitant, ou encore la signification de Messie céleste, revenant juger les hommes au Jour de sa parousie. Première signification : Matth., xvii, 12 et Luc, ix. 12 ; Matth., xvii, 21-22. Marc. ix. 3 Ici LUC, ix. Il : Matth.. xx. 18-19, Marc.. 33 et I.uc. wni, 31 ; Matth., xx, 28, Marc.. 15 et I.uc. xxii, 27 ; Matth., XXVI, 2, Marc, xi. 1 et I.uc. xii. 22 : Matth., xwi, 45 et Marc. i. Il : LUC, xxii. 18 ; Luc, xxiv, 7. Deuxième signification, Matth.. wi. 27-28 et Marc, viii, 38 ; Matth.. xvii, 9 et Marc.ix. X ; Matth.. xix, 28 et I.uc. xx in. 29 ; Matth.. xxiv. 27 et Luc, xvii. 21 : Matth.. xi. 30, Marc xiii. 26 et Luc, XXI, 27 et 30 ; Matth.. XXTV, 37-39 et I.uc, XVH, 26 30 J I.uc. n ni. 8 ; Matth.. xxi. 1 I et I.uc. xii. 10 J Matth.,
xxv, 31 ; Matth., xxvi, 63-64, Marc, xiv, 02 et Luc. xxii, 09. Il n’existe qu’un ou deux textes ne rappelant pas les souvenirs de souffrance ou de gloire du « Fils de l’homme : I.uc. xvii, 22 : xix. lu. En réalité les deux aspects des destinées du Fïls de l’homme se complétaient, non seulement parce que ces destinées appartenaient a la même personnalité, celle de Jésuv mais encore parce qu’ « il fallait que le Christ souffrit et entrât ainsi dans sa gloire. » Le Messie céleste, juge de l’univers, est préparé par le Messie souffrant. Luc. xxiv, 26, 16.
Ce développement progressif de la révélation du Fils de l’homme nous permet de mieux comprendre pourquoi Jésus a choisi cette expression pour se désigner lui-même. « Employée une fois ou deux pour représenter le Messie, cette formule pouvait évoquer dans l’esprit des Juifs le souvenir des anciennes prophéties. Ces réminiscences d’ailleurs étaient très faibles et sans doute à demi effacées pur l’usage populaire, qui tendait à faire de l’expression i le Fil l’homme » un simple équivalent de « l’homme » ; elle se prêtait donc à la révélation si discrète, si lentement progressive, que Jésus voulait faire de sa nature et de son rôle. Remarquons enfin qu’elle n’éveillait pas, comme le titre de i Fils de David. les aspirations nationales à l’indépendance et à la domination politique : elle détachait le messianisme du cadre étroit du judaïsme et lui assurait une portée largement, universellement humaine, telle qu’il l’avait chez Daniel. Elle pouvait aussi éveiller dans l’esprit le souvenir d’autres textes bibliques qui, sans avoir un rapport direct au Messie, décrivaient l’humilité et la grandeur de l’homme, du lils de l’homme, par exemple ce Psaume vu que Jésus lui-même aime à citer : « Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ? et le fils de l’homme, pour que tu le visites’» On peut donc conclure avec Sanday, dans le Diclionary <>f llw Bible de Hastings, t. u. p. 623 : « Ce titre, d’une signification étendue et profonde, éveillait d’un côté l’attente messianique et eschatologique à cause de l’emploi qui en avait été fait dans certains milieux juifs (le Livre d’Hcnoch). A l’autre extrémité. il s’appuyait largement sur un sens infini de fraternité avec l’humanité travaillante et souffrante, et nul ne pouvait mieux revendiquer ce sentiment que celui qui avait si pleinement accepté ces conditions de vie. Comme Fils de Dieu, Jésus regardait en haut, vers son Père : comme Fils de l’homme, il regardait autour de lui. vers ses frères, les brebis qui n’avaient pas de pasteur. » J. Lebreton, op. cit., p. 284-285.
La signification de i Fils de l’homme » ne rejoint-elle pas par quelque CÔté celle dee Fils de Dieu » ? Appliquées au même sujet, Jésus, elles peuvent ih. revêtues des mêmes attributs. Ft. de fait, parfois, ï côté des perspectives de la passion et de la parou sic. l’expression < Fils de l’homme » laisse entrevoir OU révèle expressément la préexistence du Fils de l’homme au ciel. Saint Jean marque nettement cette préexistence qui se confond avec la préexistence éternelle du Verbe. Joa., m. 13 ; VI, ."’2. Plus obscurément elle se t rouve affirmée chez les synopt iques en quelques
textes discrètement révélateurs c’esl lorsqu’ils
affirment que le Fils de l’homme « est venu » servir, donner sa vie, chercher et sauver, appeler les pé (heurs, etc. Matth., xx, 28 (9jX9e) ; I.uc. xix. 10 id. M ; nc, n. 17 J)X80v ; cf. Matth.. ix. 13 îjXOov et Luc, . 32 zt.i) : My. De même, dans I.uc.iv. 13, Jésus dit qu’il ta été envoyé », à7reo"ràXT)v (comparer le passage parallèle dans Marc. ï, 38, ou Jésus dit seulement : i.le suis sorti », âÇsX^XuOa) expression qui nous fait songer a celles employées par saint Jean, XVI, 27. 28. La « mission dont parle Jésus, ne peut se rapporter qu’à sa mission divine : il est plus probable que Jésus L205
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JÉSUS-CHRIST. LA RÉVÉLATION DU « FILS DE 1)11. 1
fait ici allusion à sa propre préexistence. Sur ces textes, voir les commentateurs et spécialement le P. Lagrange, sur Mare., i. 38 ; Svrete, sur Mare., 1, 38 ; Ptnmmer, sur Lue., iv, 13, etc.
Sur le Fils do l’homme : Lesêtre, Dictionnaire <I. la Bibk. art. Fils de f homme, t. n. col. 2258-2259 ; J. Lébreton. Les origines du dogme de la Trinité, p. 27 l-i>Stî ; Ami du Clergé il.. Pirot), 1922, p. 390-391 ; Rose. Érude sur les Évangiles, Paris, 1905, p. 157 sq.j Lepin, Jésus. Messie. et Fils de Dieu. Paris. 1910, p. loi sq. : KrawutLcky. dans Theologisehe Quartaisthrift, Tubingùe, 1869, p. 600 sep ; y.eilsehrijt fur kalholisehe Théologie, 1892, p. 567 sq., et surtout l’ouvrage classique de Fritz Tillmaun, J)er Mensehensohn, Jesu Selbstzeugnis fur seine messianische Wûrde, Fribourg-en-B.. 1907. <>n consultera aussi les commentaires catholiques des évangiles. I.e P. Lagrange, est revenu maintes fois sur la question ; voir Revue Biblique : Les prophéties messianiques de Daniel, octobre 1904, p. 494-520 ; recensions de divers ouvrages, avril 1908, p. 280-293.
Friedrich Bard, Der Sohn des Menschen, Wismar, 1908 ; Driver, art. Son <>/ Malt, dans le Dictionarg of the Bible d’Hastings. Edimbourg, 1902 ; t. iv, p. 579-580 ; H. 11. Charles, The book of Enoeh. Oxford, 1893, appendice B ; Lietzmann, Der Menschensohn, Beitrdge : ur neutestamenttiehe Théologie, Fribourg-en-B., 189(i ; Wellhausen. Der Menschensohn, dans les Skizzen und Vorarbeiten, Berlin, t. iii, p. 187-315, et dans ses brefs commentaires sur les Synoptiques. Berlin, 1903-1905 ; Fiebig, Der Menschensohn, Jesu Selbstbezeichnung, Tubingùe, 1901 ; Edwin A. Abbot, The Son of Mon, Contributions to the Sludy of the Thought of Jésus, Londres, 1912 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Théologie, Tubingùe, 1897, t. i, p. 313335.
3. Révélation explicite de l’Homme-Dieu.
a) Jésus, Fils de Dieu. — Dans l’évangile de l’enfance, Jésus déjà avait reçu ou s’était donné le titre de Fils de Dieu. Voir col. 1176, 1182. Au début de sa vie publique, l’attestation solennelle de la filiation divine avait été donnée au baptême, voir col. 1184. Les tentations du démon au désert partent de cette attestation : « Si tu est le Fils de Dieu ! » Mais ni les suggestions du démon au désert, Matth.. iv, 3, 6 ; Luc., iv, 3, 9 ni les protestations des possédés concernant la filiation divine de Jésus, Matth., viii, 29, cf. Marc, v. Il et Luc, viii, 28 : Marc, iii, 11-12 ; cf. Luc.iv, 41 : etc. ne sont recevables comme révélation du mystère de l’Homme-Dieu. Des témoignages plus authentiques nous sont fournis par les apôtres d’abord, et par Jésus ensuite.
u. Le témoignage des apôtres. — Peu à peu, Jésus s’est manifesté à ses apôtres, et en même temps que l’action intime de la grâce les touche, le Père leur révèle son Fils et les attire à lui. Après la pêche miraculeuse, Luc, v, 4-11, Simon Pierre sent davantage la distance qui le sépare de Jésus : Retirez-vous de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur. » Pierre sera à même bientôt de mesurer cette distance. Marchant sur les eaux, à l’appel de Jésus, il se laisse relever par celui-ci, au moment où il commençait à enfoncer, et les témoins du miracle se prosternèrent devant le Maître en disant : - Tu es vraiment fils de Dieu. » Matth., xiv, 33. C’est vers le même temps que Pierre rend au Christ un autre témoignage, rapporté par le quatrième évangile. Joa., vi, 67-69. Jésus s’est présenté aux Juifs comme le pain de vie descendu du ciel : beaucoup de disciples se scandalisent et s’éloignent. Jésus se tourne alors vers ceux qui restent et leur flemande tristement : « Voulez-vous partir, vous aussi.’» Et Pierre, au nom de tous, lui répond : i Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle ; pour nous, nous avons cru et nous avons connu que tu es le saint de Dieu. (La Vulgate dit : le Christ, Fils de Dieu. La leçon primitive est difficile à établir ;. Fuis vient, dans l’ordre chronologique la confession plus solennelle faite au nom de tous par Pierre, à Césarée de Philippe, et Jésus en consacre,
dans sa réponse, l’origine divine : « Qui, dit-on que Je suis, moi, le Fils de l’homme ? Ceux ci [les disciples | répondirent : i Les uns, Jean-1 laptiste ; d’autres Élie ; d’autres. Jérémie ou quelqu’un des prophètes. » Jésus leur demanda : i Mais vous, qui dites-vous que je suis.’i Prenant la parole. Simon Pierre dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant, i Et Jésus répondant lui dii : Tu es heureux. Simon, fils de Jean. -car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon l’ère qui est dans les eieux. t Mat th., xvi. 13-17. Ici l’expression Fils de Dieu, qu’on ne rencontre pas dans les textes parallèles de Maie. viii. 29 i lu es le Christ. ►) et de Luc, ix, 20 ( le Christ de Dieu » ) dépasse certainement la dignité messianique île Jésus, qui seule cependant est directement en cause dans la confession de Pierre. Ou plus exactement c’est la dignité messianique qui est élevée à un degré supérieur à celui que lui accordait l’attente juive ; c’est un messianisme divin que veut proclamer Pierre et, en rendant la pensée du prince des apôtres par l’exclamation « Fils de Dieu », saint Matthieu a retenu le sens véritable, sinon la formule exacte, de la confession de Pierre. Voir Lebreton, op. cit., p. 300 ; Lepin, Jésus, Messie et Fils de Dieu, p. 282-285. Mgr Batifïol, L’Église naissante et le catholicisme, p. 99-113. La meilleure preuve qu’on puisse apporter de la vérité de cette interprétation, c’est la façon dont les trois synoptiques rattachent la scène de Césarée au récit de la transfiguration, Matth., xvii, 1-8 ; Marc, ix, 1-7 ; Luc, ix, 28-36, cù un nouveau témoignage en faveur de la filiation divine du Christ est apporté par la voix du Père lui-même : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances, écoutez-le. » Matth., xvii, ô : Marc, viii, 6 ; Luc, ix, 35. L’expression « Fils bienaimé » commune aux trois évangiles est significative de la filiation naturelle. Voir plus haut, col. 1184. Est-il besoin de faire remarquer comment, dans les récits de cette double scène, c’est toute la personnalité de Jésus, Fils de Dieu, fait homme pour notre salut, qui est manifestée. Après la confession de Pierre à Césarée, Jésus explique la mission du Christ souffrant ; la transfiguration nous dévoile le Christ glorieux ; l’une et l’autre scène, eu ce Christ souffrant ou glorieux, nous montre le Fils de Dieu et le Christ glorieux ne sera tel qu’après avoir et pour avoir souffert, i mort et ressuscité. Cf. Matth., xvii, 9. On comprend mieux que saint Pierre ait pu, en toute vérité, écrire plus tard : « Ce n’est pas en nous attachant à d’ingénieuses fictions, que nous vous avons l’ait connaître la puissance et l’avènement de Noire-Seigneur Jésus-Christ ; mais c’est après avoir élé les spectateurs de sa majesté. Car il reçut de Dieu le Père, honneur et gloire, lorsque, descendant de la gloire magnifique, vint à lui cette voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances : écoulez-le. Il Pet., t, 16-17. b. Le témoignage de Jésus. - De multiples témoignages, implicites ou explicites de la filiation divine de Jésus pourraient être recueillis des lèvres mêmes du Sauveur dans les synoptiques. Voir. Fils de Du j. t. v, col. 2391-2392. Nous préférons n’eu retenir ici qu’un, le plus solennel de tous, celui que Jésus rendit,
déjà captif de ses ennemis, eu lace du grand prêtre Caïphe. Matthieu, xxvi, 63-64, et Marc, xiv, > 1-62,
mélangent une double affirmât ion tombée de la bouche du Sauveur, celle de sa messianité et celle de sa libation divine. Luc distingue plus nettement deux questions posées à Jésus amenant les deux réponses faites par Jésus : Les anciens du peuple, les princes des
pleins ci le-, scribes s’assemblèrent, et le firent venir
dans leur conseil, disant : i Si lu es le Christ, dis-le-nous. . Il leur répondit : « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si je vous Interroge, vous ne me répondrez pas, ni ne nurenverrez. Mais désormais le L207
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LA REVELATION DU a FILS DE DIEU »
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Fils de l’homme sera assis à la droite de Dieu. » Alors ils dirent tous : « Tu es donc le Fils de Dieu’El Jésus répondit : Vous le dites, je le suis. » Et eux repartirent : Qu’avons-nous besoin d’autre témoignage ?
Car nous-mêmes nous l’avons entendu de sa propre bouche. » Matthieu et Marc se contentent de la question posée par Calpbe : i Es-tu le Christ, le Fils du (Dieu | béni ? i Marc, xvi, 61. « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu, m Mat th., xxvi, 63. Sans prétendre préciser la pensée de Caïphe et des Juifs au sujet du sens de ce titre : Fils de Dieu », — lequel, nous l’avons vii, col. 1177, ne relève pas de la tradition juive, niais de la prédication du Nouveau Testament, c’est-à-dire de Jésus, — il apparaît clairement que les ennemis de Jésus y attachaient l’expression d’une relation si intime, si transcendante avec la divinité, qu’un homme ne pouvait y prétendre sans blasphémer. Ce n’est donc pas pour se présenter comme le Messie que Jésus était accusé de blasphème : les Juifs attendaient le Messie, et Jésus, s’aflirmant le Christ, n’avait qu’à prouver sa messianité. Mais Jésus était accusé de blasphème pour s’être fait Fils de Dieu. C’est exactement ce même sentiment quon retrouve chez Jean, plus nettement exprimé : Jésus ayant affirmé son unité avec le Père, les Juifs voulurent le lapider à cause du blasphème, parce que, disaient ils. toi, étant homme, tu te fais Dieu. » Joa., x, 33. lit, devant Pilate, ils accusent derechef : « Nous, nous avons une loi. et selon cette loi, il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » xiv. 7. La signification attachée par les Juifs et par Caïphe au titre de Fils de Dieu, que s’était attribué Jésus, est donc déjà, à elle seule, une indication précieuse louchant la filiation divine de Jésus. Cf. E. Mangenot, Les évangiles synoptiques, Paris, 1911, vne conférence, p. 270-299 ; M. Lepin, op. cit., p. 282290 ; A. Steitz, Das Evangelium von Gollessohn, Fribourg-en-Brisgau, 1908, p. 287-295. Mais il nous reste a déterminer le sens de cette expression, dans la prédication même de Jésus.
b) Signification précise du titre i Fils de Dira dans la prédication de Jésus. — On ne relient ici de la prédication de Jésus que ce qui est rapporté dans les synoptiques. Et nous disons que bien qu’aucune affirmation explicite de Jésus n’ait tranché la question des rapports métaphysiques du Fils et du l’ère, il ressort cependant avec suffisamment de clarté, pour éloigner tout doute contraire, que le titre de Fils de Dieu, dans les synoptiques, suppose en Jésus, par rapport à 1 lieu le l’ère, une filiation propre et naturelle. Ici, le Fils de Dieu est le Fils propre et naturel de
I >ieu, par opposition aux fils de simple adoption.
a. Rapports de dépendance, d’infériorité, d’adoration du l’ils vis-à-vis du l’ère : de médiation entre le l’ère et les hommes : explication de ces rapports. — Il convient de commencer par l’affirmation de ces rapports, qui, dans la personne de celui qui se dit le Fils de Dieu, posent un problème en apparence difficile à résoudre. La parole du Dculérononic, vi, 13, qui a servi à Jésus pour repousser la tentation du démon. Mallh., iv, 10, domine toute sa conduite, au cours de sa vie publique.
II formule sa propre règle de vie en rappelant le précepte de l’adoration (le 1 >ieu. Marc, xii, 29 : cf. Mat th., mi, .’.7 : lue, x, 27. il prie et passe les nuits en prière.
Luc, vi, 12. La prière le soutient au moment d’accepter le calice de la passion. Marc, xiv, 36 ; cf. Mallh.. .xxvi, 39 ; Luc. u. 12. Sur la croix, il répète les paroles du I’s. xxi, 1..Marc, xv, 34 ; Matth., xxvii. Mi. Au moment de mourir, Jésus prie encore son l’en de pardonner à ses bourreaux et de recevoir son âme.
Luc, x.xiu. 34, 16. Lon nombre de paroles sont proférées par Jésus, qui semblent le placer en un rang d’infériorité vis-à-vis du Père : « Pourquoi m’appelles
tu bon ? Personne n’est bon, si ce n’est Dieu seul. » Marc, x. 18. Et encore : « N’appelez personne ici-’as père. car vous n’avez qu’un Père, c’est Dieu.. ; et ne vous faites pas appeler « maîtres t, car vous n’avez qu’un maître, c’est le Christ, i Matth., xxiii. 9-10. Et encore, aux deux lils de Zébédée, qui lui demandent de siéger dans son royaume aux deux premières places, Jésus répond : « … D’être assis à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder à vous, mais à ceux à qui mon Père l’a préparé, i Matth.. xx. 23. C’est le Père seul qui a l’initiative des faveurs à accorder. De même c’est le l’ère seul qui connaît le jour du jugement. Le Fils est nommément exclu : i Pour ce qui est du jour et de l’heure nul ne le sait, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais le Père seul. Marc. xiii. 32. Chez saint Jean, Jésus dira expressément : i Le Père est plus grand que moi. » xiv, 28. D’autre part, Jésus nous apparaît comme le médiateur qui aide les disciples à franchir la distance qui les sépare du Père : il est, pour ainsi dire, l’intermédiaire entre son Père et les hommes : « Qui vous reçoit, me revoit : et qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. » Matth., x, 40. « Qui vous méprise, me méprise ; et qui nie méprise, méprise Celui qui m’a envoyé. Luc, x, 16. « Je dispose en votre faveur du royaume, comme mon Père en a disposé en ma laveur. » Luc, xxii, 29. On trouvera le même parallélisme chez saint Jean, vi, 57 ; x, 14-15 ; xv, 9-10 ; xvii, 28, et surtout xx, 21 : i De même que le Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie ; » et chez saint Paul, voir plus loin, col. 1226 sq.
Il serait trop simple d’expliquer ces relations, de dépendance, de prière, d’adoration du Fils par rapport au Père par l’incarnation, la nature humaine du Fils étant par elle-même, dans la personnalité de Jésus, la raison de ces relations d’inférieur à supérieur. Sans doute, comme homme Jésus devait à Dieu l’adoration et la prière. Voir plus loin. Mais ici, nous le verrons bientôt, les textes évangéliques établissent entre le Fils incarné et le Père une communauté de nature et d’attributs qui nous obligent à chercher en la vie divine elle-même la raison dernière des sentiments de dépendance qui animent le Fils par rapport au Père. Et par là nous touchons à l’intime même du mystère de la Trinité : t Les paroles du Seigneur ne sont pas pour nous des objections à écarter : elles sont la lumière qui nous guide, et celles-ci sont des plus précieuses, en nous introduisant au cœur même du mystère chrétien, en nous faisant pénétrer l’humilité du Fils de Dieu incarné. Dès qu’on ouvre l’Évangile, on est frappé par ces sentiments d’humilité, si nouveaux dans le judaïsme, et si puissants chez tous ceux qui approchent le Christ et qui sont conduits par son esprit, … le Précurseur, … la vierge Marie… Mais, si l’on contemple le Christ lui-même, ou aperçoit en lui, vis-à-vis de son l’ère, une dépendance, un anéantissement, dont rien ici-bas ne peut donner l’idée : ni sa doctrine n’est de lui, ni ses aimes, ni sa vie ; le Père lui montre ce qu’il doit dire et faire et, les veux sur cette règle souveraine et très aimée. Jésus-Christ parle, agit et meurt. Cet le dépendance naturelle s’accompagne chez le
Fils d’une infinie complaisance ; de même que le Père s’épanche en lui avec un amour indicible, de même le b’ils prend son bonheur à recevoir et à dépendre. C’est là ce qu’il a de plus intime en Noire-Seigneur ; et plus on pénètre le secret de cette vie. mieux on comprend ces paroles d’humble dépendance qui Invitent les disciples à remonter jusqu’à la source de la vie. de la bonté, de la science. Dieu le l’ère… C’est donc que ce t rail [l’insondable dépendance du l’ils vis-à-vis du l’ère) loin de compromettre la filiation divine, en est au contraire, un élément essentiel : il ne doit point la voiler a nos yeux, mais, au contraire, la révéler. »
J. Lebreton. Les origines du dogme de la Trinité. p. 297-298.
b. En revendiquant pour lui les attributs divins, Jésus, marque qu’il est Dieu comme le Pure. — a) Jésus en premier lieu, s’arroge /<’pouvoir divin de remettre les pèches. Deux fois au moins, explicitement, il absout les pécheurs, le paralytique de Capharnaûm, Matth., i. 2-8 ; Mare., u..">. I2j Lue., v. 20-26 ; la pécheresse publique chez Simon te pharisien. Luc, vii, 36-50. Dans le second cas, le sens du texte sacré est peut-être un peu plus expressif pour marquer que Jésus remet, par un pouvoir qui lui est propre, les péchés. Les scribes, toutefois, ne s’étaient pas trompés sur la portée des paroles de Jésus au paralytique : « Celui-là blasphème ; qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » Marc. u. 7. Il est vrai que dans la Bible, la rémission des péchés est toujours regardée comme une prérogative divine. Cf. Is.. xuu. 25 ; xuv, 22. etc. Aucune formule d’absolution n’existe dans le judaïsme, qui ne reconnaît à aucun homme, si saint et si grand soit-il, le pouvoir de purifier les âmes coupables. Et Jésus, pour prouver qu’il ne s’arrogeait pas mensongèrement le pouvoir sur les péchés, accomplit un miracle de guérison qui marque la véracité de son affirmation.
P) En second lieu, Xotre-Seigneur, qui parle en maître sur la Loi et sur le sabbat, voir col. 1201, à certains moments accentue cette autorité au point de se substituer à Dieu, comme fin dernière et raison suprême de lu moralité humaine. « Chez lui. dans l’intérieur des autres, il réclame tout pour lui, sachant que tout lui est dû : i Quiconque aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi. » Matth., x, 37. C’est Jésus qui, au jour du jugement, ne connaît pas ceux qui font l’iniquité. Matth., vii, 23. Cette « substitution s de Jésus à Dieu dans l’ordre de la moralité apparaît surtout dans la scène du pardon accordé à la pécheresse. Luc, vii, 3.’-.")0. Dans le texte évangélique, cette pécheresse, parce qu’elle a péché, se trouve être la débitrice de Jésus et son amour pour lui est le motif et à la fois l’effet de son pardon. Or le péché est essentiellement une dette envers Dieu : les pécheurs sont les débiteurs de Dieu, Matth., vi, 12 ; Luc, xiii, 4, qui n’obtiendront miséricorde que dans la mesure où ils pardonneront eux-mêmes. Matth., xviii, 23-35. Ces habitudes de parole et de pensée rendent plus manifeste le rôle que le Christ prend ici : c’est bien celui que, dans tout l’Évangile, il donne à Dieu : en péchant, on s’est rendu son débiteur ; mais aussi, en l’aimant, on attire son pardon. On reconnaît, dans ce dernier trait, une conception fondamentale de l’Évangile, et qui éclaire puissamment le problème du Christ : C’est de ses relations avec le Christ que dépend la valeur religieuse de tout homme ; c’est par elles que la pécheresse est sauvée ; c’est sur elles…. que tous les hommes seront jugés au dernier jour : « Venez, les bénis de mon Père, … car j’avais faim et vous m’avez donné à manger, i Matth., xviii, 23-35. Les considérants de la sentence de damnation sont exactement parallèles ; de part et d’autre, une seule question est posée : Qu’est-ce que l’homme a fait pour le Christ ? Comme la pécheresse, il était son débiteur ; l’a-t-il aimé comme la pécheresse. » J. Lebreton, op. cit., p. 270. Remarquons le, il n’y a pas ici une simplerègle abstraite de morale comme l’affirment certains exégètes libéraux. Cf. IL J. Iloltzmann, l.ehrbuch der neutestamentlichen Théologie, t. i, p. 320. Ce qui, dans l’enseignement de Jésus, fait l’objet de la vie chrétienne, ce n’est pas i l’idée pure du bien >, c’est sa personne même que l’on doit suivre et servir.
y) fin troisième lieu, Jésus s’attribue la qualité de juge du monde à la fin des temps. Or, ce jugement, dans toute la tradition juive, es1 réservé à Dieu seul. Mais le Christ, dans les évangiles synoptiques, affirme
explicitement qu’il exercera ce jugement, non pas
parce qu’il sera témoin au jugement de Dieu, mais parce qu’il rendra lui-même la sentence en qualité de juge. Marc, xiii, 34-37 ; Matth.. xiii, 37-42 ; xxiv. 18-51 ; Luc, xii, 36-38 ; 45-48 ; xxi. 31-30 et surtout Matth.. vu. 22-23 ; xvi.27 ; XXTV, 30-31, el XXV, 31-46. Cf. C. V. Wotaw, art. Sermon on the Mount, dans le Dictionanj of the Bible de I Listings, t. v, p. 436, n. 3, contre les exégètes qui, s’appuyant sur Marc, viii, 3s. veulent faire de Jésus un simple témoin privilégié. Holtzmann, op. cit., t. i. p. 319 et Das messianische Bewusstsein Jesu, i. 84-85 ; Loisy, Les Évangiles synoptiques, 1. 1, p. 890 ; t. u. p. 26.
Il n’est pas difficile, d’ailleurs, de démontrer que, selon la théologie juive au temps de Notre-Seigueur, le jugement du monde est réservé à Dieu seul. Assumplio Moi/sis, x, 7 : » Il se lève le Dieu suprême, seul éternel, et il se manifestera pour punir les nations. > Cf. Testamentum Levi, v, 2 ; Testamentum Juda, xxii, 2 : Henoch slav., xxxiii, 1 ; lviii, 1. Le jugement est « le jour du Seigneur », dans Baruch sur., XLvm, 17 : « le jour du Tout-Puissant », id., LV, 6 ; « le grand jour du Seigneur », Henoch slav., xviii, 0 ; « le jour de la Visitation du Seigneur », Testamentum Ascr, vii, 3 : Ps. Sal., x, 5 ; xv, 13-11. Dieu se réserve le droit de juger. De même que toutes choses ont été faites par moi et non par un autre : ainsi la fin de toutes choses sera par moi et non par un autre, » IV Esdras, v, 56 ; vi, G ; cf. ix, 2 ; v, 40 ; vii, 33 ; Ps. Sal., xv, 9, 13-14 ; Henoch, i, 3-9 ; xlviii, 3 ; xc, 20 sq. ; xcr, 15 ; c, 4 ; Or. Sibijl., iii, 91 ; iv, 40 sq. ; Baruch stjr., xx, 2-4 ; Lxxxiu, 2 ; Assumptio Moi/sis, x, 7 ; Jubil., v, 13 ; Testamentum Levi, iii, 2 ; iv, 2. Le Messie n’apparaît jamais comme juge, sauf dans le livre des Paraboles d’Henoch, lxi, 5, où encore il n’a pas à exercer seul le jugement universel. Cf. P. Volz, Judische Eschatologie von Daniel bis Akiba, Tubingue, 1903, p. 259, En regard de ces textes qui établissent solidement la vérité de notre première assertion, les textes du Nouveau Testament montrent non moins clairement que le jour du jugement sera le jour du Christ, et que le jugement est réservé à Jésus. Jugement et parousie (advenlus), sont absolument synonymes dans le Nouveau Testament. Cf. I Cor., iv, 3. Or, la parousie est l’avènement du Fils de l’Homme, c’est-à-dire du Christ, Matth., xxiv, 27, 37, 39 ; elle est « le jour du Christ », Luc, xvii, 24 ; le « jour où le Fils de l’Homme sera révélé. » Luc, xvii, 30. On trouve plus fréquemment encore chez saint Paul l’expression jour du Christ : IThess., v, 2 ; II Thés., ii, 2 ; I Cor., i, 8 ; v, 5 ; II Cor., i, 14 ; Phil., i, 6, 10 ; cꝟ. 1 1 Pet., iii, 10 ; ou encore l’expression paroui if (adventus) de Notre-Seigneur Jésus-Christ, I Thess., iii, 13 ; iv, 15 ; v, 23 ; II Thess., ii, 1, 8 ; I Cor., xv, 23 ; cf. Jac, v, 7 ; II Pet., ni, 4. Quelques textes cependant, dans le Nouveau Testament, attribuent la jugement à Dieu, soit que Dieu le Père dans le jugement, joue le rôle de rémunérateur ou de vengeur, Matth., vi, 4, G, 14, 15, 18 ; x, 28-33 ; xviii, 35 Luc, xii, 8-9, tout en laissant au Fils le rôle de juge, cf. Luc, xii, 15-48 ; xxi, 34-36, et rapprocher Joa., v, 22-27 ; soit que Dieu joue lui-même le r /le de juge, Apoc, xx, 11-15, et que le jugement soit le « jour du Seigneur —, dies Domini, sans autre spécification. Apoc, vi, 17 ; XVI, 1 1 ; I Pet., u, 12 ; il Pc t., iii, 13 ; Kom., ii, 5. Mais ces affirmations ne font que corr bôrer notre raisonnement. Dieu est le juge ; mais il a donné au Fils le pouvoir de juger. Joa., v, 26. Et cela, précisément parce que le Fils est Dieu et lient ce pouvoir divin en vertu même di relation d’origine vis-à-vis du l’ère. « Ainsi, pouvons-nous conclure avec le I’. Lebreton, dans la doc t ri ne des fins dernières ou, pour parler plUS exactement, dans loul(s les doctrines du salut.
le Christ a tout transformé, <" revendiquant pour lui12 11
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JÉSUS-CHRIST. LA RÉVÉLATION DU FILS DE DILU »
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même un rôle jusque-là réservé (’/ Dieu -. le péché, la pénitence, la charité, le pardon, le jugement, ces relations morales les plus profondes qui puissent exister entre l’homme il Dieu, apparaissent maintenant comme établies entre l’homme et Jésus-Christ. » Histoire du dogme de la Trinité, p. 27 1.
c. Jésus enfin nous dévoile directement le mystère de sa filiation divine et explique ainsi le sens profond et transcendant du titre de o Fils de Dieu » revendiqué par lui au tribunal de Caîphe. — I)éjà dans le célèbre texte relatif au jour du jugement : Nul ne le sait, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais le l’ère seul ►, il apparaît que le fils se place bien au-dessus des anges et que, par conséquent, il ne peut être que le Fils naturel et propre du Père, Dieu comme le l’ère. L’ignorance du Christ est ici toute économique et ne comporte aucune infériorité dans le Fils par rapport au Père. Cf. Lagrange, Évangile de S. Mure, p, : î27 et Science » r Christ. Mais cette transcendance infinie et divine du Fils nous est encore enseignée par Jésus, dans certaines comparaisons où apparaît toute l’infinité de sa nature : il y a ici plus que Jouas : … il v a ici plus que Salomon, » Matth., xii. 41. -12 : cf. I.uc.xi. 32, 31 ; « < il y a ici quelqu’un de plus grand que le temple. Matth.. xii. 6. De telles façons de parler sont déjà, surtout pour les Juifs, significatives. Mais Jésus se sert, pour démontrer sa divinité, d’un argument bien plus pressant. Il fait appel au prophète David : ’Les pharisiens étant assembles, Jésus les interrogea, disant : Que vous semble du Christ ? de qui est-il fils ? Ils lui répondirent :
De David. Il leur répliqua : « Comment donc David l’appellc-t-il dans l’Esprit, son Seigneur, disant : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite. » Si donc David l’appelle son « Seigneur », comment est-il son fils ? i a al th.. wii. 11-15 ; cf. Marc, xii. 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Jésus n’entend pas ici repousser la libation davidique, mais il veut faire reconnaître en même icmps une filiation plus haute, celle qui convient au » Fils » appelé par David inspiré son <> Seigneur ».
Jésus n’en est pas resté là. dans son enseignement public, touchant la révélation du mystère de l’I loimue-Dieu. Il a fait comprendre clairement que cette filiation, transcendante et distincte de la filiation davidique. n’est pas une simple libation adoptive. si élevée soit-elle en dignité par-dessus les anges et les hommes. Il a prêché maintes fois la paternité de Dieu par rapport aux justes : mais Dieu n’est pas son Père comme il est le père des hommes : Il apprend à ses disciples à dire : < Notre Père t ; mais lui-même ne parle pas ainsi : il dit : « Votre » Père et « Mon i Père. Même lorsqu’il s’adresse à eux, il observe cette distinction :
h vous prépare le royaume, comme mon Père me l’a préparé. » Luc. xxii, 29 Et moi, je vais vous envoyer le don promis de mon l’ère. » xxiv, 49. D’autre part, ne dit-il pas : Votre Père qui est au ciel…. votre Père
céleste. » Matth., vu. il ; m. 32, etc. si précieuse toutefois que soit l’indication contenue en ces formules, elle est encore inférieure à l’enseignement que Jésus formule, quelques jours axant sa mort, dans plusieurs paraboles où sont expliquées les relations du Fils au Père. Il est temps d’ailleurs que Jésus se révèle pleinement. Cf. Cramer, S. Marc, p. 389. La parabole du banquet, Luc, xiv, 16-24, apparaît chez Matthieu XXH, 1-1, avec des traits plus accentués. L’invitation est lancée par un roi à l’occasion des noces de son fils ; le crime des invités paraît plus grand, car non seulement ils se dérobent, mais ils mettent à mort les envoyés du roi. La parabole des vignerons homicides. Marc’., mi. 1’.< : cf. Matth., xxi. 33-41 ; Luc, XX, 9-16, est plus significative encore : c’est le lils bien-aimé.
c’est I’I héritier. c’csl-a-dirc le lils unique, propre, naturel. Saint Marc écrit’: etl vi-j. el/evjîôv àyotrrr.Tov. Jésus est ce lils ; le l’ère est l’homme qui plante la
vigne, le fils sera mis à mort : c’est la passion prédite. (Et ce détail milite en faveur de l’authenticité de La p rabole : cf. F. C. Burkitt, The parable o the wicked
husbandmen, dans Transactions of the third international congress og the history of religions, Oxford, 1908, t. ii, p. 321 sq. ; Van Combrughe, T>c sotcriologiæ christianæ primis foniibus, Louvain, 1905, p. 32-42). Sur la signification de i^-y-r-ôz. cf. col. 1 184, Le mot xXi)pov6(x, o< ;, héritier, n’a pas besoin d’explication : le lils est l’héritier naturel de son père. Jésus est l’héritier naturel du Père : nous sommes, en lui et par lui, des co-héritiers. et à ce titre seulement, des héritiers. Cf. Rom., viii, 17.
Il nous faut, enfui, insister sur un texte commun à Matthieu, xi, 2 ; >-27 et à Luc, x, 21-22 et qui. par les lumières qu’il projette sur les relations intimes du Père et du Fils, est tout à fait digne de la théologie johannique Saint Luc marque expressément que ces paroles de Jésus ont été prononcées sous l’influence de l’Esprit Saint : Jésus dit : Mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, je vous rends gloire de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents et que vous les avez révélées aux petits. Oui. mon Père, parce qu’il vous a plu ainsi. Toutes choses m’ont été données par mon Père. Et nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et nul ne connaît le l’ère, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. » Sur l’authenticité de ce texte, attaquée’, dans son ensemble, par A. Loisy, dans un détail par Ilarnack. dans l’originalité de s.i forme, par Ed. Norden, on consultera J. Lebreton, Les Origines du dogme de la Trinité. l l édit., note D, ]i. 545-552 ; H. Schumacher, Die Selbsloffenbarung Jesu bei Mat.. XI, -27 (Luc, . 22), Fribourg-en-Brisgau, 1912 et L. Kopler. Die « johanneische » Stelle bei den Synoplikern, série d’articles dans la Theol.-praktische Quarlalschrift de Linz, 1913-1914. Dans ce texte, le Lils, c’est Jésus-Christ ; mais c’est la libation divine qui est mise uniquement en relief. Cette filiation divine est un mystère inconnu des hommes, connu du Père et du Fils seuls et de ceux à qui il plaît au Fils <r révéler. On ne trouve pas dans saint Jean de texte plus profond et plus Significatif. - Quelques paroles du Seigneur, rappelées ci-dessus pouvaient faire pressentir aux Juifs la préexistence du lils de l’homme près de son Père ; d’autres, plus explicites, le taisaient apparaître dans cette gloire céleste, a la fin des temps : ici. dans la simplicité transparente de cette sentence, c’est l’éternité tout entière qui se révèle et le mystère de la vie divine, où le Père et le 1 ils. insondable à toute créature, se pénètrent totalement l’un l’autre. A cette lumière. 1 Évangile tout entier s’éclaire :
d mires fois le Christ sitait présents lui même, i
mois couverts, comme le terme vers lequel tout Israël tendait : « Beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vii, » Mal th., xiii, 17 : dans cet te circonstance même, il vient de montrer à ses disciples comment la loi et les prophètes n’étaient que la préparation du ministère de Jean-Baptiste, et Jean lui-même, moindre que le plus petit dans le royaume des deux. Matth., xi. 11-15. On comprend désormais ce qui fail la grandeur incomparable de cet ordre nouveau ; c’est que le mystère de Dieu, jusqu’ici inaccessible, est révélé, et par celui-là qui seul pouvait nous y introduire, par le Fils ; c’est ce que saint Jean redira au début de son évangile : Personne n’a jamais vu Dieu ; le Lils unique, qui est dans le Sein du l’ère. celui-là nous l’a fait connaître. » i, 18. Cette parole suffirait, à elle seule, à déterminer le dogme chrétien, à faire reconnaître dans le Lils de I lieu non point un être intermédiaire, tel que ceux qu’avait conçus l’hilon, mais le Lils égal et coiisubstantiel à son Père. Saint Paul et saint Jean compléteront par d’autres traits cette révélation du Christ ;
ils ne la dépasseront pas. >J. Lebreton, op.. eit, p. 292 Bibliographic.
Noir lus de Dieu, col. 2395.
V. LE COURONSBMBST DE 1. I VENT DE
s dajts i viiuBvas. Cette
question peut être envisagée sous plusieurs aspects. L’apologiste, se souvenant de I Cor., xv, 1 1, trouve dans la résurrection du Sauveur le signe évident de la crédibilité de tout l’enseignement de Jésus. L’exégète et l’historien ont surtout à prouver l’historicité des récits et la réalité de la résurrection du Sauveur. Le théologien sans négliger l’un et l’autre de ces deux aspects, et accueillant avant tout les résultats positifs de l’exégèse et de l’histoire doit montrer dans le Christ glorieusement ressuscité la même personnalité que dans le Christ vivant de la vie commune des hommes ou soulïrant les tourments de sa passion. C’est le même Christ, qui s’est humilié jusqu’à revêtir la forme d’esclave, que Dieu a glorifié en le ressuscitant d’entre les morts. Le Christ ressuscité n’est pas une création de la conscience chrétienne à un âge postérieur ; il répond à une réalité certaine qui, prenant corps dans les récits sacrés, y achève la révélation de l’Homme-Dieu. Mais cette réalité manifeste dans le Christ une vie toute nouvelle, très dissemblable de celle que Jésus qui avait pris tout l’extérieur de la vie et de la croissance humaine, habilu invenlus ut homo, menait sur terre avant sa mort ; une vie désormais conforme aux exigences créées dans la nature humaine du Christ par l’union hypostatique.
1° Le Christ ressuscité continue historiquement le Christ qui s’est révélé, dans les synoptiques, homme et Dieu. — 1. Le Christ des synoptiques a eu la connaissance certaine de sa résurrection future. Quatre fois Jésus fait une allusion explicite à sa résurrection après trois jours. Marc, viir. 31. Matth., XVI, 21 et L <c ix, 22 ; — Marc, ix, 8-0. Matth.. xvii, 9 ; -Marc, ix, 30, Matth., xvii. 23 ; — Marc, x. 31. Matth.. xx. 19 et Luc., xviii, 33. Nous savons que ces paroles de Jésus ne furent pas immédiatement comprises de ceux qui les entendirent : ces prédictions ne s’illuminèrent qu’aux clartés de la résurrection. Toutefois, les Juifs s’en souvinrent au moment de la mise au sépulcre. Matth., xxvii, 63-66. En dehors de ces quatre prophéties explicites, on doit également relever deux paroles de Jésus qui désignent d’une façon figurée la résurrection future. La première est relative au si^ne de Jonas i. Matth., xii. 38-42 ; cf. xvi, 1-1 ; Marc, viii, 12-13 ; Luc, xi, 29-33. Les exégètes sont assez incertains du sens exact qu’il faut attribuer au signe de Jonas. La majorité des exégètes libéraux et nombre de catholiques font porter l’application du signe, d’abord sur la prédication, et indirectement sur toute la carrière publique du Maître, miracles et résurrection y compris. Cf. A. Durand, Pourquoi Jésus a parlé en paraboles, dans les Études, 20 juin 1906, p. 764 et note ; A. van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, Paris, 1008, p. 320 Mais le texte de Matth., xii, 10, devient bien difficilement explicable en cette hypothèse. Jésus, en eflet, y déclare expressément : « Car tout a’nsi que Jonas fut dans le ventre du poisson, trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre, trois jours et trois nuits.. La comparaison entre Jonas et Jésus porte sur l’ensemble de la mission de Jonas, histoire et message. Mais le signe » c’est l’épisode miraculeux des trois jours et trois nuits passés dans l’abîme, et la dramatique survie qui en fut la suite, image de la mort et de l’ensevelissement de Jésus, suivis de sa résurrection glorieuse. La différence sera tout entière entre l’attitude des Nfinivite convertissant à la prédication de Jonas, et celle des Juifs que la prédication du Christ aura laissés incré dules., . Tout le passage est donc prophétique et le second Jonas, c’est Jésus ressuscité. > I. de (irandmaison. Jésus Christ, col. 1510. Cf..1. Knabenbauer, Commentarius in Malthssum, 1892, t. i. Taris, p. 501 ; Théodor Zah i, Dos Evangelium îles Mattheeus ausgelegt, 3 r édit., Leipzig*, 1910, p. 173. Les exégètes radicaux rejettent purement et Simplement, a titre d’interpolations, les textes relatifs au signe de Jonas, A. I.oisy Les Évangiles synoptiques, t. i, p. OUI. Vu signe de Jonas. il faut ajouter le signe du « temple réédifié. » Jésus, au cours de ses prédications, avait donné comme signe de la vérité de son enseignement la possibilité de détruire le temple de Dieu et de le réédifier après trois jours. Matth., xxvi, 61, Marc, xiv, 07-59 ; cf. Matth.. xxvii, 39-40, Marc, xv, 30-31 ; Act., vi, 13, il. Mais c’est l’évangile de Jean qui nous rapporte le plus fidèlement (parce qu’il rapporte les paroles du Maître et non celles de ses accusateurs) la prédiction faite par Jésus et le sens qu’il y attachait : « Les Juifs prenant la parole lui dirent : « Par quel signe nous montres-tu que tu peux faire ces choses ? » Jésus répondit et leur dit : « Détruisez ce temple et je le relèverai en trois jours. » Mais les Juifs repartirent : « On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple, et toi tu le relèveras en trois jours ? » Mais Jésus parlait du temple de son corps. Lors donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu’il avait dit cela et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’avait dite Jésus. » ii, 18-23. La prophétie, obscure au moment où le Christ la formule, s’éclaire par les événements. Elle montre du moins que Jésus, connaissait d’avance le fait de sa résurrection future. Cf. J. Knabenbauer, Commentarius in Johanncm, Paris, 1898, p. 132 sq. ; J. E. RJser, Das Epannclium des heil. Joannes, Fribourg-en-Brisgau, 1905, p. 85 sq. ; Th. Zahn, Das Evangelium des Joannes ausgelegt, Leipzig, 1908, p. 170.
2. La résurrection de Jésus-Christ est un fait historique certain. — La croyance à la résurrection du Christ, au témoignage de saint Paul, I Cor., xv, 1-20, est un fait notoire dans l’Église de Corinthe, et saint Paul en fait le point de départ de son argumentation pour prouver la résurrection des morts en général. Mais cette croyance, fondamentale dans l’Église, dès l’époque où Paul y fut accueilli (ne dit-il pas qu’il l’a reçue « par tradition » ) repose sur des faits historiques absolument certains. Ces faits, ce sont les apparitions de Jésus ressuscité. Les témoins de ces apparitions sont encore, pour la plupart, vivants au jour où Paul écrit. C’est Pierre, que saint Paul met à part, au premier rang, et dont il fait ainsi ressortir l’autorité. C’est aussi e collège des Douze ; c’est la foule des cinq cents disciples, presque tous encore vivants ; c’est Jacques, dont le témoignage pouvait avoir tant d’importance pour les chrétiens judaïsants ; ce sont enfin, d’une manière générale « tous les apôtres ». Saint Paul, à ces apparitions du Christ ressuscité, joint l’apparition dont il fut personnellement favorisé sur la roule de Damas. L’évidence du fait dont il s’agit de témoigner y fut si grande, que cette apparition, sur ce point, peut être pleinement assimilée aux apparitions antérieures à l’Ascension : ClyJ)r l K7J<pqc… 089O/ ; ’Ixxo)6w… ït/v.-’j’j 8k 7TivTO)v wT-îpîl tm èxTp(à(jta*n &ç6t] xau.ol. Cf. Act., ix, 1-20 ; xxii, 4 17 ; xxvi, 9 19. La liste des témoins dressée par saint Paul n’est pas exhaustive. Les récits évangéliques, qui ignorent l’apparition à Jacques, laquelle est mentionnée dans l’ÉV mgile selon les i [ébreux, cité par saint Jérôme, l> oiris illustribus, c ii, ne foui qu’une allusion rapide a l’apparition a Pierre, Luc, xxiv, 31, mais complètent la liste des témoignages apportés par Paul, par plusieurs récits circonstanciés d’apparitions. C’est tout d’abord, l’apparition de l’ange aux saintes femmes, Matth., J16
xxviii, ."> 7. cf. Marc-., xvi, 5-7 ; Luc. wi. 3 8 ; et, pendant leur fuite vers les apôtres, l’apparition de
Jésus lui-même à ces femmes, Matth., xxviii, ’.), 10 ; c’est l’apparition de Jésus à Marie île Magdala, racontée avec des détails par Joa.. xx, 11-18 et à laquelle se réfère le sec résumé qui constitue la finale deutérocan nique de Marc, xvi, 9 : c’est l’apparition aux deux disciple-, d’Emmaûs, narrée avec une précieuse abondance de faits, de discours et de gestes, par Luc, xxiv, 13’'’). cl. Marc, xvi, 12-13 ; c’est l’apparition aux apôtres, en l’absence de Thomas, Joa., xx, 19-25 ; cf. Luc, xiv, 36-49 et la nouvelle apparition, en pré sence de Thomas, Joa., xx, 26 29 ; c’est l’apparition du Christ aux sept disciples, près de la mer de Tibériade. Joa., xxi, 1 -23 ; c’est, enfin, l’apparition en Galilée, rapportée par saint Matthieu, xxviii, 10-20 ; cf. Marc, xvi, 15-18 ; puis le récit de l’ascension, Luc, xxiv, 50-53, dont on trouve un écho dans la finale de Marc, xvi, 19-20, peut être résumée des Actes, i, 1-9. Parmi les évangiles non canoniques, Y Évangile des Hébreux raconte l’apparition de Jésus à Jacques ; un fragment copte du iie siècle décrit l’apparition aux saintes femmes près du sépulcre ; enfin, l’Évangile de Pierre, v. 29 00 après le fait même de la résurrec tion, narr avec une singulière gaucherie, rapporte, l’apparition à Marie Madeleine et aux saintes femmes. Voir les textes dans E. Preusschen, Antilegomena, 2e édit., Giessen, 1905, p. 7-8 ; 83-84 ; 16-20.
Les narrations évangéliques sont-elles suffisantes pour démontrer historiquement le fait de la résurrection ? Nous ne ferons qu’indiquer brièvement les points qui semblent acquis, de l’inspection et de la discussion des textes sacrés. Pour les détails critiques, on p uira se reporter à l’étude de E. Mangenot, La Résurrection de Jésus. Paris, 1910.
a) Il faut reconnaître qu’e égard à l’importance de la résurrection relativement à la foi et aux espérances chrétiennes que ce miracle contresigne, les récits des apparitions, sauf Luc. xxiv, LÎ-36 et Joa., xx, 19-29 apparaissent assez vagues et dépourvus des précisions historiques qu’on aurait aimé à trouver en une matière aussi fondamentale. Os ne renferment aucune indication sur le point capital de la résurrection elle-même dejnt ils n’offrent aucune description. Cette indigence relative cle nos récits s’explique d’ailleurs naturellement par une double cause : d’une part, la possession tranquille et incontestée de la substance de l’événement, et d’autre part la difficulté d’exprimer nettement les conditions de la nouvelle vie de Jésus, si différentes des conditions habituelles de la vie humaine. Loin toutefois d’exclure la vérité historique du fait de la résurrection, ces constatations semblent la confirmer, car elles dénotent, chez les ailleurs sacrés, l’absence totale de préoccupations qui n’eussent pas manqué d’exister chez des ailleurs désireux d’ajouter, en marge de l’histoire, des récits pleins d’allrails pour la curiosité et la foi des premières général ions chrétiennes. « Rien n’est plus instructif, dit le P. de Grandmaison, que de comparer aux récits les intentions prêtées aux narrateurs par M. Arnold Mcycr, par exemple : Die Auferslehung Christi, Tubingue, 1905, p. 14, sq. D’après ce critique, l’évangile de la résurrection étant le principal, le plus sujet à contestation
ei à fausse Interprétation, il fallut beaucoup ajouter aux traditions primitives, préciser des traits, harmoniser, prévenir des difficultés. Pour satisfaire des
néophytes avides de merveilleux… il fallut… faire une part a la chair du Christ, aux miracles, aux repas
sacrés. De la.de nouvelles additions. Enfin, la tendance apologétique et evhémérlste de la communauté doit entrer en ligne de compte, comme aussi la nécessité
de montrer des prophéties accomplies. On se demande
alors comrrtent tant d’intentions, tant de nécessités,
tant de motifs pour étendre, interpoler, multiplier la matière primitive, ont abouti à nos maigres, brefs el fragmentaires récits. » Jésus-Christ, col. 1488-1489, note. b) Il faut reconnaître, en outre, que les récits évangéliques de la résurrection sont en désaccord, au moins apparent, surtout pour ce qui concerne les apparitions du Sauveur. Celles-ci ne se sont produites, selon les différents récits, ni au même temps, ni au même lieu, ni pour les mêmes personnes, ni dans les mêmes circonstances. Les récits s’inspirent, dit n. de deux traditions différentes, la galiléenne, la hiérosoli/initaine, selon qu’ils rapportent les apparitions de Jésus exclusivement en Galilée ou a Jérusalem. Saint Marc, sauf la finale deutérocanonique, xvi, 9-20 et saint Matthieu, sauf xxviii, 9-10, comme l’Évangile de Pierre, ne parlent que d’apparitions ayant eu lieu en Galilée ; saint Luc, saint Jean, sauf l’appendice du chapitre xxi, ne relatent que celles qui se sont produites ù Jérusalem. L’évangile de saint Luc nous laisse’. même l’impression que ces apparitions se termine-’raient le soir même de la résurrection. Jean xxi et j Marc, xvi, 9-20 combinent les deux traditions. Il | est difficile de dire si Paul s’en tient exclusivement à la tradition galiléenne. ou s’il ne combine pas les i deux prétendues traditions.
Quoi qu’il en soit des objections que ces données I ont fournies à la critique non catholique contre la
- résurrection, et à nous c n tenir purement et shn| plement aux textes des évangiles, il faut affirmer
I avec netteté que si nos évangélistes rapportent deux traditions différentes, ils considèrent ces | traditions comme complémentaires et non omme i exclusives. Matth., xxviii, 9-10, rapporte l’appa-I rition aux saintes femmes, apparition judéenne à coup I sûr. La finale de Marc, xvi, 9-20, quelle que soit la i solution apportée au problème de son authenticité (sur ce problème voir E. Mangenot, Marc {Évangile de saint) dans le Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 72 I735, avec la bibliographie ; Belser, Einleilung in das Neue Testament, Fribourg-en-B., 1901, p. 93-103 ; Van Kasteren. Renie Biblique. 1902, p. 240-255 ; Lagrange, Évangile de saint Mare. 1911. p. 126-439), est certainement canonique. Cf. P. Prat, t. a Question synoptique, dans les Études, 5 décembre 1912. p. 598-615. Or, cette finale juxtapose les apparitions t judéennes » à la tradition galiléenne. De même Joa., xxi, cpii a toutes chances d’être du même auteur que le reste de l’évangile, raconte des apparitions d’une tradition différente de celle qui est consignée au c xx, de tradition hiérosolymitaine. Reste saint Luc qui ne parle que des apparitions judéennes. Il est probable que l’auteur du troisième évangile, suit une source spéciale d’origine palestinienne, vraisemblablement aussi ancienne que l’évangile de saint Marc Ladeuze, L" résurrection du Christ (Collection Science et foi, n. 1) Bruxelles, s. d. ( 1908), p. 11. Mais rapproché des Actes, i, 3, le texte de saint Luc (dire un cadre assez étendu pour qu’on y puisse taire rentrer les apparitions galiléennes. Sur les essais de conciliation des deux traditions, voir E. Mangenot, op. cit., p. 263-275 dont voici la conclusion : « Si nous essayons un classe nient des apparitions de Notre-Seigneur ressuscité, raconté dans les Évangiles canoniques, nous aurons un premier groupe, formé des premières apparitions judéennes. Le jour même de Pâques, Jésus au malin se montra d’abord à Marie-Madeleine, puis aux autres femmes (si ces deux apparitions ne sont pas toutefois la même), ensuite, dans la journée, à Pierre, puis le soir, aux disciples d’Lniinaus et enfui aux Onze (sans Thomas). Huit jours plus tard, a Jérusalem encore, il apparut aux Onze (avec Thomas). Pu second groupe comprend toutes les apparitions de Galilée : au sept disciples sur le lac de Tihériade et aux Onze 1217
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LA RÉSURRECTION
L2 A
sur une montagne galiléenne. La dernière apparition qui procéda l’ascension eut lieu, quarante jours après l’àques, sur le mont des Oliviers, devant tous les apôtres assemblés, i <>/>. cîf., p. 275-276. Cf. Lesêtre,
Jésus-Christ, dans le Dictionnaire de la Jiible de Vigouroux, t. iii, col. 1478-1489 ; Godet. Commen tain’sur V Évangile de saint Jean, 4e édit., Paris. -. d.. t. n. p. 505 ; I.oofs, Die Auferstehungsberichie und ihr Wert, Tubingue, 1908, p. 38-39.
c) La tradition hiérosolvmitaine est intimement liée à l’histoire de la mise au tombeau de Notre-Seigneur après sa mort. La vérité historique du fait de la résurrection se trouve ainsi mise en un nouveau relief par la vérité historique du fait de la sépulture et du tombeau trouvé vide. La sépulture en un tombeau neuf, taillé dans le roc est affirmée par le récit unanime des évangélistes, Matth., xxvii, 57-61 ; Marc. w. 12-17 : Luc. xxiii, 50-56 ; Joa., xix, 38-42, et ce récit présente toutes les garanties de vérité historique. Cf. Th. Korfï, Die Aujerstehung und Himmelfahrt misères llerrn Jesu Christi, Halle, 1897, p. 166177 ; 1. Orr, The resurreelion of Jésus, Londres, 1908, p. 92-99. La garde du tombeau par les soldats, Matth., xxvii. o2-t>('> : xxviii. 11-15, en est une première confirmation. Le témoignage de saint Paul, ICor., xv, 1-4, en est une autre. Voir le développement de cette confirmation en faveur de la réalité de la sépulture de Jésus, dans Mangenot, i p. cit., p. 35-38, avec la bibliographie, p. 38. note 1. Une troisième confirmation est tirée du livre des Actes, qui nous renseigne sur la sépulture de Jésus dans un tombeau, indirectement dans le discours du saint Pierre, n. 24-32, plus explicitement dans le discours prononcé par saint Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie. Act., xii, 27-3d. Voir Slangenot, op. cit., p. 197-201. Le fait du tombeau trouvé vide ne saurait lui non plus être raisonnablement contesté. Les galiléennes avaient, durant le ministère de Jésus en Galilée, suivi et servi le Maître, Marc, xv, 41 ; rien d’étonnant donc qu’elles aient voulu rendre à Jésus mort un dernier service, celui de lui donner un ensevelissement convenable, à l’aide de parfums et d’aromates. Le corps de Jésus, en effet, n’avait été qu’enveloppé en un linceul neuf, Marc, xv, 46 ; dès le vendredi, les saintes femmes avaient préparé aromates et parfums, Luc. xxiii. 56 ; mais le sabbat leur avait imposé une trêve forcée, id. Elles viennent le dimanche matin, craignant de ne pouvoir entrer dans le tombeau dont la pierre était fort grande, Marc, xv, 46 ; xvi, 5 ; mais le tombeau est ouvert et vide. Un jeune homme vêtu de blanc (un ange) leur annonce que Jésus est ressuscité et que son corps n’est plus là. Entre Marc et Matthieu, pas de différences substantielles : celui-ci ajoute simplement des détails bien propres à confirmer la vérité historique du fait rapporté, notamment le détail de la garde du tombeau par les soldats. Luc et Jean ne font que confirmer le récit de Marc La calomnie des Juifs relativement à l’enlèvement du corps par les apôtres et réfutée par saint Matthieu, xxviu, 11-15, ajoute encore à la démonstration du fait historique de la découverte du tombeau vide deux jours après la passion. D’ailleurs l’hypothèse de l’enlèvement du corps, soit par les apôtres, soit par Joseph d’Arimatbie, soit par les Juifs eux-mêmes ne peut msoutenir. L’hypothèse d’une mort apparente de Jésus est plus invraisemblable encore. La découverte du tombeau vide est donc un fait historique, au sens scientifique du mot, puisqu’il a été constaté et que cette constatation est attestée par documents dignes de foi. Il reste donc - une preuve indirecte il est vrai, mais solide et inattaquable de la résurrection. Le corps, disparu du tombeau, est sorti vivant, puisque les disciples l’ont vu et qu’il s’est
DICT. DE THEOL. CATIIOl..
montré à eux. I.es apparitions de Jésus ressuscité prouvent directement la réalité de la résurrection corporelle, i.Mangenot, op. cit., p. 239. On ne saurait d’ailleurs objecter contre la tradition hiérosolvmitaine le silence de saint Paul relativement au tombeau du Sauveur. Si dans I Cor., xv, I, saint Paul emploie, pour exprimer le fait de la résurrection, le verbe ÈysipsaOoct., l’étroit rapprochement que ce verbe a ici avec z-x^i « a été enseveli > exige le sens que celui qui a été déposé au sépulcre est ressuscité en sortant du tombeau pour revenir à la vie. Saint Paul suppose donc connue de tous la mise au tombeau.
3. Le corps de Jésus ressuscité est bien celui qu’il avait en sa pic terrestre. - Le l’ait historique du tombeau vide démontre la réalité de la résurrection, par là même qu’aucune hypothèse, imaginée en dehors de la résurrection, ne parvient à l’expliquer. Si la résurrection de Jésus a été réelle, le corps ressuscité est donc bien le même corps qui avait été crucifié et enseveli dans le tombeau de Joseph d’Arimathie. Les apparitions aux disciples ne l’ont que confirmer cette vérité. Les textes, en effet, ne supposent, de la part des multiples témoins des apparitions, aucune hallucination. Ils disent bien plutôt tout le contraire : « les’doutes des premiers jours ont été enlevés par les apparitions et ont disparu devant la preuve évidente de la résurrection du Sauveur. Les Onze, qui n’avaient pas cru au témoignage des femmes, ni à celui des disciples d’Emmaùs, Marc, xvi, 11, 13 ; Luc, xxiv, 11, en reçurent des reproches de Jésus leur apparaissant, Marc, xvi, 14 ; leur incrédulité disparaît à la vue du Mailre ressuscité. Si quelques-uns, en face de Jésus, continuent à douter, Matth., xxviii, 18, c’est par suite d’un saisissement bien naturel, produit par la première apparition, et, selon saint Luc, xxiv, 41, en conséquence de l’étonnement que leur procurait la joie de voir Jésus vivant. L’incrédulité de Thomas, Joa., xx, 24-25, est vaincue par la vue de Jésus, sans qu’il soit nécessaire de réaliser les conditions que cet apôtre incrédule avait posées à sa foi, 27-29. Les doutes primitifs n’ont pas survécu à la conviction acquise par le moyen des apparitions réelles et objectives. Celles-ci n’étaient donc pas de pures hallucinations, produits d’une foi préexistante… En demeurant sur notre terrain, nous constatons que les écrits évangéliques attestent la réalité corporelle de la résurrection de Notre-Seigneur, les disciples ayant vu leur Maître dans son corps spiritualisé, l’ayant touché de leurs mains, l’ayant entendu de leurs oreilles. Cette réalité du corps transformé et spiritualisé de Jésus ressuscité est admise sur le témoignage historique de témoins dignes de foi… et aucune théorie de visions purement subjectives ou subjectivo-objectives ne suffit à expliquer les récits évangéliques… Les récits de l’Évangile rapportent que Jésus apparaissait avec ses plaies, se taisant toucher par ses disciples et mangeait avec eux. Ils ne peuvent s’expliquer par des visions intérieures… ; ils parlent si clairement de corps réel, de contact sensible, de paroles dites et entendues, que le fait d’un retour de Jésus à la vie corporelle est à prendre ou a laisser… Mangenot, <>p. cit., p. 291-296. Cf. Stende, Die Aujerstehung Jesu Christi, Gutersloh, 1899, p. 97-112 ; Ed. Riggenbach, Die Aujerstehung Jesu, I ici liii, 19U5, p. 553-554 ; P. Ladeuze, op. cit.. >. 31. Sur les objections tirées de ce cpie Marie-Madeleine et les disciples d’Emmaùs, ne reconnaissent pas Jésus, voir Mangenot, op. cit. p. 330-3U2.
2° Toutefois la vie du corps ressuscite, désormais conforme aux exigences du nouvel état du Sauveur, manifeste en Jésus plus clairement le mystère de l’Homme Dieu. Le retour du corps de Jésus à la vie. n’est pas un retour a la vie terrestre ordinaire, comme
VIII — 39
il en avait été de la Bile de Jalre, <lu fils de la veuv< (h Naïm, de Lazare et peut-être des morts t]ui sorti di’s tombeaux an moment où Jésus rendit l’âme sur la croix. Matth., xxvii, ô’2. 53. Cf. J, Knabenbauer,
Ttentarius in Evangelium secundum Mattheeum, Paris, 1893, t. ii, p. 537-539. Tons ces ressuscites n’étaient rendus à la vie mortelle que pour un temps et devaient subir de nouveau la loi commune de la Jésus, vainqueur de la mort, ne devait plus mourir. Rom., vi. 9. Sa résurrection est parfaite et définitive. Cf. S. Thomas, Sum. theol.. Ml, q. un, a. 3,
nique pour l’humanité du Sauveur le commencement de la vie immortelle. La résurrection de Jésus esi. par identité, son entrée dans la vie glorieuse. Et saint Paul souligne cette vérité, en marquant que la
rrection de Jésus est le premier exemple, l’archétype. 1< s pi ém ces de notre ré urrection. Soulignant l’identité persistante du glorifié, il écrit : i II faut que celle chose corruptible revête l’incorruptible ; cette chose mortelle, l’immortalité. » 1 Cor., xv. 53. D’ailleurs saint Paul applique expressément a la résurrection l’oracle du l’s. n. 7 : i Nous vous annonçons
la promesse qui a été l’aile à nos pères, Dieu l’a tenue a nous leurs fils, ressuscitant Jésus, comme il est écrit dans le psaume deuxième : Tu es mon fils, je ta ! engendré aujourd’hui. » Ad., xiii, 32-33. C’est comme une nouvelle naissance à la vie éternelle, accordée à Jésus. Voir un magnifique développement de cette pensée par Bossuet, dans son Panégyrique de l’apôtre saint.Iran. Œuvres oratoires de Bossuet, Paris, 1914,
t. I !. p.."il.").
1. Doctrine des évangiles.
Des récits évahgéliques,
où la vérité de la résurrection se révèle dans des apparitions intermittentes, on est en droit de déduire avec saint Thomas, Sum. theol.. IIP, q. i.v, a. 1- : i, que le Christ ressuscité n’appartient plus normalement à l’ordre de l’expérience terrestre. Son corps, quoique réel, ne tombe plus s (, us [es sens et n’est plus dans I phénoménal comme avant sa mort : il n’est plus régulièrement objet de perception sensible. Pour qu’il soil perçu par les sens, il faut qu’il apparaisse, se lasse voir et entendre, se rendre visible et palpable. L’étal glorieux est donc manifesté par l’intermittence même des apparitions. Il se manifeste également par les présences subites de Jésus au milieu de ses apôtres, la pénétration de Jésus dans un lieu dont les portes sont closes. Joa., xx, lit. Toutefois ce corps glorieux. spiritualisé, n’est ni un esprit, rtveûu.a, connue le croyaient les apôtres épouvantés, Luc. xxiv. 37. ni un fantôme, çdcVTW p.a, connue ils l’avaient cru un jour OÙ, pendant sa vie mortelle. Jésus marchait sur les eaux du lac de Tibériadc. Matth., xiv, 26. Jésus, en effet, donne (les preuves de la réalité de son corps : il mange, Luc, xxiv, 36 13 ; il offre ses plaies au toucher. Joa.. xx, 24-25, 2(i-27. (.elle démonstration « le
la réalité d’un corps glorieux par un acte relevant de la vie terrestre et physiologique, le manger, ou par le toucher, des plaies de la passion, ne laisse pas toutefois
d’offrir quelques difficultés.
En ce qui concerne la première démonstration paile lait de manger, formulée par l.uc, rien ne sert d’objectei que cet auteur semble matérialiser une donnée
traditionnelle, selon laquelle Jésus aurait distribué, servi et mange lui-même, du pain et du poisson à ses disciples. Joa.. xxi, 5. 13. Nous n’avons aucune raison de révoquer en doute la véracité de Luc., xxiv. 36-43. Toute la question est de savoir si nu corps glorifié,
<’est à-dire n’étant plus a l’état naturel et physiologique, peut en ore recevoir et s’assimiler des aliments,
haut il concéder que Jésus : i pu Simplement paraître manger et boire pour affirmer a Ions les yeux l’objcc tivité de son corps ressuscité ? Cf. Dubois, Revue du
< lergé français, 1905, t. xxiv, p. 629-630. La tradition
catholique admet que Jésus ressuscité a réellement
mange et par là. sans créer aucune illusion aux assistants, leur a donné une preuve de la réalité de son corps, i Néanmoins, ce fait ne prouve rien conln l’état glorieux du corps du Sauveur, s’il a mangi Jésus ressuscité ne l’a pas lait par besoin d’alimentation, car la nécessité de se soutenir par la nourriture prouverait qu’il n’est pas glorifié. Il a mangé réellement, parce qu’il en était capable. Ressuscité a l’état glorieux, il axait cependant un corps réel, un corps humain, un corps en chair et en os. possédant pai conséquent les organes de l’alimentation et de la digestion, et ces opérations physiologiques pouvaient se produire en lui naturellement. Il a donc mange, paue qu il en avait la capaciU et et l’a 1 lit, non pu nécessité, pour se sustenter, mais pour donner à ses apôtres une preuve de la réalité de sou corps ressuscité, cette réalité était conciliable avec son étal glorieux. » ! ’.. Mangenot, op. eit., p. 309-310. Il n’y a pas contradiction entre la notion du corps spiritualisé et glorifie et l’acte passager d’alimentation, produit rarement pour affermir la foi des apôtres en la résurrection corporelle de leur Maître. Saint Lierre affirme, lui aussi, que les apôtres ont mangé et bu avec Jésus ressuscil Acl., x. 11. et. si cette phrase du discours de Pierre est. par impossible, du rédacteur des actes, elle témoigne du moins de la croyance primitive. Sur la solution de celle difficulté, voir S. Thomas, Sum. theol., III », q. i.iv. a. 3, ad 3 Bm, qui se réfère lui-même à saint Augustin, De eivitate Dei. 1. XIII. c. xxii, P. L. t. xi.i. col. 395, et à Lîède le Vénérable, In Lucas vvni, gelium expositio, t. VI, c. xxiv. P. L.. t. xcii, col. 031. Cf. S. Jérôme. Liber contra Joannem Ilierosolymîtanum, n. 17, P. /… t. xxut. col. : ilt ; n. 37. col. 587 : Epist., cviii, ad Euslochium, n.’l’A. PL., t. xxii, col. 901. Parmi les protestants, M. Godet accepte l’explication de la tradition catholique : « On s’est heurté à ce fait que le Seigneur a mangé. On aurait raison, s il avai : mange par faim, mais cet acte n’était pas le résultad’un besoin, il voulait montrer qu’il pouvait manger, c’est-à-dire que son corps était réel, qu’il n’était pas un pur esprit ou un fantôme ». Commentaire sur V Évangile de saint Jean, Neuchâtel. p. 513. M. Dubois reconnaît que notre expérience n’embrasse pas toutes les virtualités de la matière et par là, sans s’y rallier laisse encore la porte ouverte à l’explication traditionnelle. Hernie du Clergé Français, 1905. t. xi.iv. p. 631.
L’autre preuve de la réalité du corps de Jésus, la présentation des marques de la crucifixion n’est pas non plus incompatible avec l’état du corps glorifié. La transformation subie par le corps de Jésus au sortir du tombeau exigeait-elle la disparition des cicatrices de la passion ? En devenant immortel le corps glorifié ne pouvail-il pas porter encore des traces visibles de sa mort alité ? Les considérations a priori sont ici hors de mise : les récits nous disenl ce qui a existé en fait, ce que les premiers chrétiens oui cru réel et véritable. Or. les rédacteurs des livres inspires n’ont pas n d’incompatibilité à la permanence des cicatrices de la passion dans le corps glorifié de Jésus, et Us théologiens en ont donné des raisons de convenances forl admissibles : la confirmation de la réalité de la résurrection, la puissance des supplications de Jésus par la voix de ses plaies ont paru a saint Thomas d’Aquin suffire a l’explication
de cette permanence. Cf. Sum. theol., III, q. i.iv, a. I.
Si Jésus refuse, a peine ressuscité, de se laisser toucher par Marie-Madeleine, Joa.. XX, 17. ce n’est ni parce que le corps ressuscité n’est pas sensible, ni parce qu’il n’est pas encore glorifié. Jésus n’étant pas remonté vers son l’ère ; Jean établit lui-même une équivalence entre la résurrection, ii, 22 et la glori 222
Bcation de Jésus, vu. 39 ; mi. ll>. Cf. Lopin. La valeur historique du quatrième évangile, t. i. p. 599-600. D’autre part. les sainte-- onmirs ne touchaient-elles pas les pieds de Jésus ? Matth., xxviii, 9. La raison
de la défense faite par Jésus à Madeleine est tonte différente et d’ordre moral et mystique. Jésus voulait vraisemblablement lui signifier que les anciennes
relations ont cessé avec la mort et que de nouvelles, tontes spirituelles doivent exister désormais après la résurrection.
2. Doctrine de saint Paul. - La doctrine de saint Paul dans I Cor., xv. confirme renseignement des évangiles sur l’état du corps ressuscité de Jésus. Pour saint Paul la résurrection de Jésus est non seulement le gage, mais encore l’exemplaire et le modèle de la nôtre. Cf. F. Pral. La Théologie de saint Paul, Paris. 1908, 1. 1. p. 186 ; F. Tillmann, Die Wiederkunft Christi nach den paulinischen Prie/en. dans les Biblischc Sludien. Fribourg-en-B., 1909. t. xiv, fasc. 1 et 2. p. 172. 178. Ce que dit saint Paul des corps gloriliés. I Cor., xv. 35-58. peut donc s’appliquer, en quelque mesure, au corps ressuscité de Jésus. « Si la résurrection répond à nos aspirations les plus intimes, le mode dont elle s’accomplira déconcerte notre imagination. Nous n’avons aucune idée d’un corps organique éternellement incorruptible. Nous ne concevons pas la vie sensible sans changement, ni le changement sans altération. Quand la mort a semé aux quatre vents du ciel cette poignée de poussière qui fut notre corps, où retrouver ces atomes épars engagés en mille combinaisons nouvelles et comment les empêcher i e se disperser encore ? Telle est l’objection que Paul prévoit et résout d’avance : « Comment les morts ressuscitent-ils, et dans quel corps viennent-ils ? » I Cor., xv, 35. Il est évident que notre corps doit subir une transformation profonde, il doit revêtir la forme du Christ qui « transfigurera le corps de notre humiliation », notre corps dans l’état de misère et d’épreuve, « pour le rendre conforme au corps de sa gloire ►, Phil., iii, 21, c’est-à-dire à so’n corps glorifié, transfiguration, si l’on considère que la personnalité sera élevée et ennoblie sans être détruite, transformation, eu égard à la nouvelle forme surnaturelle du corps ressuscité. L’Apôtre explique cette transformation ou cette transfiguration par l’exemple du germe. » F. Prat., op. cit., p. 191. Le grain jeté en terre ne pourrit pas et ne se dissout pas tout entier ; de sa dissolution même sort un germe vivant qui, produisant un organisme nouveau, continuera en quelque sorte l’être individuel dont il est issu. Il n’y a pas à proprement parler de création nouvelle dans la résurrection : il y a analogie avec la loi de la reproduction que Dieu a établie pour les plantes au moment de la création. Il y aura identité essentielle entre le corps mis en terre et le corps ressuscité, bien que l’état du corps ressuscité soit nouveau. Cette diversité des états successifs du même corps n’est pas un obstacle a la résurrection ni une difficulté à la toute-puissance divine. Saint Paul, pour le démontrer, indiqueles diversités des organismes qui peuplent l’univers, la terre et le ciel. v. 39-41. Dieu a donc des ressources infinies pour ressusciter les hommes dans un état différent de leur corps terrestre. Le corps semé a l’état de corruption, de déshonneur et de faiblesse, ressuscite incorruptible, glorieux et plein de force, i 42-43. Le corps semé, « ’est le corps non pas mis au tombeau, mais venu en cette vie, et ce corps est corruptible, déshonoré, c’est-à-dire sujet aux misères de la vie, infirme et animal. Cf. Tobac. I problème de la justification dans saint Paul, Louvain, . p. 83. Le corps ressuscité jouira de l’incorruptibilité, de la gloire, de la force. Ces différences des deux corps proviennent d’une première et radicale
différence sur laquelle il faut insister : le corps mortel est Ç’v.’- v psychique : le corps ressuscité est itveu{jumx6v, spirituel. pneumatique ». Le corps. matière organisée, durant cette vie mortelle est psychique, c’est-à-dire i formé par et pour une âme. destine a servir d’organe à ce souffle de vie a pelé V’j/r, qui a préside a son développement. F. Godet, Commentaire sur la première épître aux Corinthiens Neuchâtel, 1887, t. ii, p. 108..Mais, une fois ressuscité, le corps deviendra spirituel t non pas aérien ou éthéré, d’après le sens étymologique d’esprit, ni même sem blable aux esprits célestes dans sa manière d’être et d’agir, … niais dominé par l’Esprit de Dieu qui l’informe dans sa vie surnaturelle, comme l’âme le meut et le pénètre dans sa vie sensible. > F. Prat. op. cit.. p. 1’.1$1-$293.
Toutefois, l’Esprit de Dieu qui anime le corps ressuscite doit être conçu non comme étant Dieu directement, mais comme un élément supérieur émané de Dieu et agissant en vertu de l’Esprit divin. Il y a deux espèces de corps, le psychique et. le pneumatique, tout comme il y a deux Adams (de qui nous tenons la vie). Le premier nomme, Adam, est devenu une âme vivante, Gen., ii, 7, parce qu’il a été créé psychique, animal ; niais le second Adam, Jésus, chef de l’huma nité régénérée est devenu esprit vivifiant, soit à son incarnation, soit plus probablement à sa résurrection. En vertu de la génération naturelle nous tenons du premier Adam un corps terrestre, /oïx.ôv, psychique, qui appesantit l’âme et l’entrave dans ses opérations ; en vertu de la descendance naturelle, nous recevrons du second Adam un corps céleste, sTtoupxviov, spirituel, pareil au sien. I. Cor., xv, 45-49.
Ces allirmations nous permettent de conclure qu’à la résurrection, le corps de Jésus a subi, non pas seulement un réveil ou une réanimation, mais une véritable transformation, la mort n’ayant d’ailleurs accompli en lui aucune œuvre de dissolution. Mais la pensée de saint Paul l’éclairé d’un jour nouveau dans la deuxième épître aux Corinthiens. Il déclare nettement, v. 1-4, que le corps glorifié est une maison nouvelle destinée à remplacer notre maison terrestre, une maison éternelle déjà construite par Dieu et qui existe dans le ciel. Nous la revêtirons comme un vêtement nouveau qui n’est que le corps céleste, préexistant auprès de Dieu et que notre âme nue revêtira au jour de la parousie. Cf. A. Lemonnyer, Les Épîtres de saint Paul. Paris. I" partie, p. 201-203. Notons les deux idées : maison et vêtement. Le terme maison est employé pour marquer la permanence éternelle d’un état qui durera toujours par opposition à la situation transitoire et provisoire d’ici-bas : le terme vêtement sert à caractériser la transformation du corps à la résurrection. Cf. Le Camus. L’Œuvre des apôtres, t. iii, p. 258, note 1. Cette transformation n’est autre que la réception d’une qualité nouvelle, du vêtement de gloire que nous prendrons à la, résurrection générale. Cette interprétation est confirmée par Phil., ni, 20-21, où saint Paul écrit que Jésus reformera le corps de notre humiliation cou formément à son corps de gloire ; le corps de gloire du Christ, n’est pas autre que son corps mortel glorifié. Le corps glorifié manifeste IT’.spnt qui est en Jésus-Christ, qui est Jésus-Christ. II Cor., iii, 17 : qui est en Jésus-Christ comme principe vivifiant el animant, principe d’une vie nouvelle et transcendante, d’une nouvelle Vie déjà réalisée dans les âmes et qui doit s’étendre plus tard a toute la nature La coin munication de l’espril « lu Christ commence au bap
tême, qui résurrection avec le chrisi Rom.
vm. 9-13.
Nous pouvons conclure que la pensée de l’apôtre
sur la nature du corps glorieux de Jésus ressuscité, 1223
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LA FOI DE L’EGLISE NAISSANTE
s.ms avoir la précision qu’exigeraient nos habitudes d’esprit…, est suffisamment claire. Ce corps n’est pas le simple cadavre réanimé du Sauveur, tout en demeurant identiquement le même corps, il a subi une transformation qui l’a rendu apte à la nouvelle situation du Sauveur, glorifié au ciel et agissant spirituellement dans l’Église… le corps glorieux de Jésus ressuscité était un corps terrestre vivant, spiritualisé, transie i me et vivifiant ». Mangenot, op. cit., p. 173.
3. Conclusion. — Des évangiles et des épîtres de saint Paul nous devons donc retenir la foi des apôtres en la résurrection corporelle de Jésus. Il est manifeste de plus que cette foi n’est pas le produit de leur activité personnelle : elle repose sur des faits, et des témoignages avérés. Elle suppose le miracle sans doute ; mais le miracle n’est-il pas à la hase même du christianisme ? C’est’le Christ tout entier, corps et âme, qui est revenu à la vie. L’humanité glorifiée du Sauveur <-st toujours son humanité. Mais le revêtement de gloire dont elle jouit après Pâques ne fait que mieux manifester l’esprit divin qui ranime. Cet esprit divin, nous en aurons nous-mêmes une émanation jour de la résurrection. Que dis-je ? dès le baptême nous y participons. Mais cet esprit en Jésus, c’est lui-même, car lui-même est Dieu. Les synoptiques en nous montrant le Christ humain et vivant de notre vie terrestre, nous ont laissé entrevoir sa divinité et nous ont révélé le mystère de l’IIoinmc-Dieu. Ce mystère nous est apparu plus clairement dans le fait de la résurrection. Et l’Église naissante y attachera sa foi ; mais Paul nous ramenant plus particulièrement au Christ glorieux, sans négliger la réalité de la chair de Jésus nous le manifestera plus expressément encore comme le Fils de Dieu, chef de l’Église et Notre-Seigneur.
sur la résurrection : V. Rose, Études sur les Evangiles, Paris, 1902, < via, p. 271-324 ; Mgr Chauvin, Jésus-Christ est-il ressuscité ? (Coll. Science et Religion), Paris, moi ; A. Cellini, Gli ultimi capi del teiramorfo c lu criticu razionalistica cioé l’Armonia dei quattro Evangeli nei racconti délia i>esurrezione, délie apparizioni c deW ascensione di.Y..s. Gesù Crisi ». Rome, 1906 ; J.-B. Ditteldorf, Die Auferstehung Jesu Christi (extrait dû Festschrlft zum Bischof-Jubilaum), Trêves, 1 906, p. 499-592 ; 1 1. Lesëtre, Jésus ressuscité, dans la Revue du Clergé français ; I907, t. iii, p. 241-263 ; P. Ladeuze, La résurrection de Jésus-Christ devant la critique contemporaine (Collection Science et Foi, n. I), Bruxelles, 1908 : E. Dentier,
nie Auferstehung Jesu Christi nach den lierielilen des Neuen
testaments (Biblische Zeitfragen, l" série, fasc. 6), Munster, 1908 ; E. A. Fabozzi, Lu resurrezione di Gesù Cristorivendicata délia critica <li Harnacke di Loisg, Naples, 1908 ; E. Roupain, La résurrection de Jésus-Christ, dans la liante des sciences i < -I le^iusii<iuis et la Science catholique, janvier 1909 ; Case, s..1., The résurrection faith « f ilie first disciples, dans The merican Journal o/ theology, 1909, t. iii, p. 169-192 ; i. Mac Rory, Some théories <>/ our Lord’s résurrection, dans rhe Irish theological Quarterhj, 1909, t. iv, p. 200-215 et surti ut E. Mangenot, .La résurrection de Jésus, Paris, 1910 ; iL. Pirot i. I -n résurection de Jésus-Christ et la critique contemporaine, dans l.’Ami du Clergé, t9211, 6 sept., 1 nov., 6déc. Parmi les protestants qui s’efforcent encore de maintenir la vérité de la résurrection : W. Beysch1ag, .Dfe Auferstehung Jesu Christi und ihre neueste Beslrettuna durch Slraus’s Leben Jesu, Berlin, 1863 ; 11. Gebhardt, Die Auferstehung (Jirisii iiiui ihre neuesten Gegner, Gotha, 1864 ; E. Gtlder, Du Thatsuchlicbkeil <ler Auferstehung Christi und deren Bestreitung, Berne, i.s<ii> ; trad. tr., Toulouse, 1866 ; W. Krûger, Die Auferstehung Jesu in ihrer Bedeutung fur den christlichen Glauben, Brème, 1867 ; F.-L. Steinmeyer, Apologelische Beitràge. III, Auferslehungsgeschichte dis Jlerrn. Berlin, isT.’i ; B.-F. Westrott, The Gospel of Oie résurrection, dans Introduction to Study <>/ Gospels, 1881, p.’.v.i’.141. (.. Schlottmann, Die Osterbotschaft und die Visionsypothese, Halle, ih.si ; -. w. MUllgan, The résurrection u/ ur Lord, Londres, 4e édit., 1894 ; J.-O. wiiiie, The appareances <>/ // » rfsen Lord ta Indlvlduals, dans Exposttor, , B99, i. if. p 69-7 l : Th. Koi il. Hie Auferstehung und Himmeljidiri unseres Hern Jesu Christi unier diiu Gesichtspunkte
einer genuuen Unterscheidung der in Betrachl kommenden ùbersinnltchen Gluubens und empirischen Geschichlstatsachen, Hauptoerhandlung, Halle, 1897 ; Id., même titre, 'ort>crhandlung. Unmittelbar in dus himmlische Parodies. Neulestameniliche Untersuchung ûberden Aufenthaltsori der Gerechlen ulsbald nach dem Tode, Halle, 1897 ; Id., Die Auferstehung Cliristi und die radikale Théologie. Die Feststellung und Deutung der gesehichtlichen Tutsuclwn der Auferstehung des Jlerrn durcit die /ortgeseltrittenc moderne Théologie (Arnold Met/er und II. Iloltzmunn) in krilischer Beleuchluntj, Halle, 1908 ; L. I.oofs, Die Auferstchungsberichle und ihr Wert (lleftc zur Christlichen Welt, n. : i : si, : i i édit., Tubingue, 1908 ; F. Hartlit, Die Iluujprobleine des J.ebens Jesu, 3’édit., GUtersloh, 1907.
Les discussions de ces ouvrages se rapportent en partie aux conclusions de la critique contemporaine, conclusions qu’on ne trouvera signalées qu’à la dernière partie de cet article : mais il fallait les marquer ici, àcausedes explications scripturaires qu’ils renferment se rapportant à la doctrine qui vient d’être étudiée.
17. L’HOMMB-DIEV ET LA FOI DE L’ÉGLISE NAIS-SANTE. — 1° Questions préalables. — l.Les trois aspects de la peYsonnalité du Christ. — Le Christ une fois remonté au ciel, la révélation de sa personnalité est complète : saint Paul et saint Jean n’y ajouteront que des traits secondaires ou relatifs au rôle que Jésus est appelé à jouer en tant que médiateur entre Dieu et les hommes ou fondateur du royaume de Dieu sur (erre. Mais les traits essentiels de Jésus, Messie et Fils de Dieu, glorieusement régnant à la droite du l’ère, sont fixés pour la foi chrétienne. Ces trois aspects de sa personnalité sont marqués et distincts. La foi de l’Église s’attachera désormais de préférence au Christ glorieux, vainqueur de la mort, remonté au ciel pour y gouverner l’Église par l’intermédiaire de l’Esprit Saint ; mais elle sait aussi que ce Christ, de toute éternité a préexisté en Dieu. Fils éternel du Père éternel, et elle n’oublie point que le Fils s’est lait homme et a vécu parmi les hommes sur la terre, qu’il a souffert, qu’il est mort sur la croix, avant de ressusciter glorieux et de remonter au ciel. Au mystère de la filial ion divine qu’on adore déjà dans le Christ préexistant, s’ajoute le mystère de l’incarnation, manifesté dans le Christ terrestre et consommé dans le Christ glorieux. VA. parce que le Fils de Dieu, en s’incarnant n’a pas acquis une personnalité nouvelle, mais s’est simplement uni substantiellement une nature humaine ; parce que son entrée dans le ciel n’a nullement modifié l’individualité du Christ, mais n’a fait que donner à cette individualité un nouvel état, celui dans lequel s’opère suivant la loi commune aux bienheureux, le rejaillissement de la gloire de l’âme sur le corps, instinctivement la loi des premiers chrétiens, en vertu de la loi si naturelle de la communication des idiomes, voir 1. vu. col. 595, attribuera au Christ préexistant les qualités ou les actions du Christ terrestre ou du Christ glorieux e réciproquement au. Christ terrestre ou glorieux celles du Christ préexistant, En cela, la foi n’est pas en défaut : elle rend simplement témoignage à la vérité de l’union hypostatique et de l’unique personnalité du Sauveur. Elle ne créé rien ; elle n’élève pas le Christ terrestre, celui qu’une certaine école appelle le i Christ historique » à un degré de perfection qu’il ne devrait pas avoir. Cf. Décret Lamenlabili, prop. 29, Dciizinger-liannwarl, n. 2029. Tout en attribuant légitimement les propriétés divines au Christ-I lominc, la foi de la primitive Église sait distinguer en Jésus l’humanité et la divinité ; mais elle les unit aussi dans l’unité de la personne même du Fils éternel de Dieu. 2. ha t<>i en Jésus-Christ, sous ce triple aspect. En’ait. la distinction entre le « Christ historique » et le i Christ de la foi » ne repose sur aucun fondement vrai et solide..lésus-ChrisI a toujours été. même pendant sa Vie terrestre, un objet de foi. Nous l’avons cou
staté plus haut, voir col. 1194, Jésus, en accomplissant dos miracles, se proposait d’exciter la fui de ses auditeurs, d’abord on sa mission messianique, ensuite on sa propre personne. Bien que les miracles ne prouvent pas directement la divinité du Sauveur, ils conduisent nécessaire nent à la croyance on cette divinité et c’est la que Jésus voulait amener finalement ses auditeurs. col. 1196. Il n’est pas inutile toutefois do préciser ici comment le Jésus de l’Évangile a pu être tout ensemble, pour ses contemporains, objet de connaissance directe ej sensible et objet de foi. L’objet de la connaissance directe et sensible était, en Jésus-Christ, l’humanité visible, palpable, vivante, susceptible de progrès, telle que nous l’avons décrite plus haut. Mais par de la cette humanité existait, dans le même Christ terrestre, l’objet île la foi chrétienne. Cet objet, c’est le mystère, révélé aux hommes par l’enseignement, les paroles et les actes île Jésus, enseignement qu’appuyaient, pour déterminer la volonté des contemporains de Jésus à l’acte de foi. les miracles, les « signes » accomplis par le Sauveur. Le mystère de Jésus est triple, correspondant aux trois aspects de sa personnalité. C’est d’abord, le mystère du Christ préexistant de toute éternité, et que Jésus a plusieurs fois révélé dans l’évangile : Anlcquam Ahraham /ieret, ego sum. Joa., viii, 58 : mystère que saint Paul et saint Jean mettront en un relief saisissant. C’est ensuite le mystère de l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus-Christ avec les conséquences dogmatiques qu’il comporte, principalement l’union hypostatique. C’est enfin le mystère du Christ glorieux, ressuscité d’entre les morts : la vision du Christ ressuscité ne pouvait, même chez ceux qui eurent le bonheur d’être témoins des apparitions, être incompatible avec la foi au mystère du Christ glorieux : les témoins de la résurrection, en effet, n’ont jamais pleinement vu et compris l’état dans lequel Jésus se trouvait après sa mort et celui qu’il revêtit en entrant dans la vie glorieuse. Cf. S. Thomas. Sum. theol, III », q. lv, a. 2, ad 2um. Nonobstant la vision du Christ terrestre, il y eut toujours chez les contemporains de Jésus, place pour la foi « en JésusChrist. Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur, qui a été conçu de l’Esprit-Saint, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour et est monté aux cieux ». Même les événements les mieux caractérisés au point de vue historique, comme la naissance, les souffrances, la crucifixion, la mort sont objets de foi, parce que l’aspect visible qu’ils prennent en l’humanité du Sauveur n’épuise pas leur réalité, attendu qu’ils sont la naissance, les souffrances, la crucifixion, la mort non d’un homme ordinaire, mais d’un Homme-Dieu. Et par là est rendue manifeste l’inanité et la fausseté de la distinction introduite entre le Christ historique et le i Christ de la foi », distinction qui n’a de valeur que dans la mesure ou le Christ dit historique ne serait pas Dieu incarné. C’est donc, pour ainsi dire, de plain pied que nous passons de l’histoire du Christ dans l’Évangile à la foi au Christ dans la primitive église aussitôt après l’ascension.
3. Le sens général de la prédication apostolique dans les Actes des Apôtres ou les épltres, autres que celles de Paul et de Jean. - Nous u-streignons à ces documents l’expression de la foi de la primitive église, parce que c’est là qu’elle se manifeste dans sa plus grande simplicité et qu’elle apparaît courue la continuation même de la foi qui s’exhale des récita dos synoptiques. Toutefois, cette croyance de l’Église primitive revêt deux formes assez différentes l’une extérieure, apologétique dans la prédication des apôtres et notamment dans les discours do Pierre, do Paul ot
d’Etienne, l’autre, plus intime et [tour ainsi dire cultuelle, exprimant cett croyance d’une manière plus simple et plus directe La prédication, on effet, ne pouvait, s’adressant à dos gens à convertir, que proposer la vérité d’une façon prudente et réservée : i tout orateur soucieux do convertir ne conduit cpte pai degré les âmes à la vérité ; il ne les jolie pas d’emblée dans l’inconnu et ne leur révèle que les mystères qui leur sont accessibles »..1. Lebrcton, Les Origines du dogme de la Trinité, p. 324.
2° La croyance de l’Église naissante en Jésus-Christ. Fils de Dieu. — Voir Fils de Dieu, t. v. col. 23972399.
3° La croyance de l’Église naissante en Jésus-Christ, homme, est mise en relief par la prédication apologétique de la mîssianité du Sauveur. Aussi bien, le Christ venait à peine de disparaître pour remonter au ciel, et nombreux étaient les témoins qui l’avaient vu ot avaient conversé avec lui. Il suffisait donc, pour affirmer l’humanité du Verbe incarné, de rappeler « le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous. » Act., i, 21-22. Ce temps est celui de la « manifestation » du Christ, I Pet., i, 20, de Jésus de Nazareth « qui a passé en faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le diable. » Act., x, 38. Saint Pierre, Act, il, 30 ; saint Paul, Act., xiii, 23, rappellent la filiation davidique de Jésus. Mais ils reportent surtout la pensée de leurs auditeurs à la passion du Sauveur, prédite par les prophètes, Act., iii, 18 ; xvii, 3 ; xxvi, 23 ; aux souffrances qu’il a endurées pour nous, nous laissant un exemple, I Pet., n 21 ; iv, 1, 13 ; v, 1 ; à la crucifixion, Act., ii, 36 ; iv, 10 ; x, 40 ; à la mort sur le bois de la croix, Act., v, 30 ; x, 39 ; xiii, 28-29, cf. Jac, iv, 11, à cette mort qu’a absorbée le Christ, I Pet., iii, 21, pour nos péchés, qu’il a chargés sur son propre corps, ii, 24. Les Juifs ont tué Jésus, Act., ii, 23 ; iii, 15 ; vii, 52, et son corps fut mis au sépulcre, xiii, 29. Nous sommes arrosés du sang, I Pet. i„ 2, du sang précieux, i, 19, de Jésus, notre Seigneur et Sauveur. II Pet., i, 11 ; iii, 2, 18. Mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Act., ii, 24, 31, 32 ; iii, 15, 26 ; iv, 10 ; v, 30 ; x, 40 (discours de saint Pierre) ; xui, 30 sq. (de saint Paul) ; cf. iv, 33 ; xvii, 3, xxvi, 23 ; I Pet., i, 21 ; iii, 18, 21. L’insistance des apôtres à souligner la résurrection de Jésus-Christ, outre le but apologétique qu’elle poursuit, marque bien la foi de l’Église naissante au Christ glorifié. Le livre des Actes ne débute-t-il pas d’ailleurs par l’histoire de la glorification du Sauveur dans l’ascension ? i, 9-11. Saint Pierre qui avait été témoin de la gloire de la transformation, II Pet., i, 17 ; revient à plusieurs reprises sur la révélation de la gloire du Sauveur, I Pet., iv, 13 ; v, 2, modèle et cause de notre gloire, v, 10 ; cf. i, 19 ; assis à la droite du Père, Act., ii, 33 ; v, 31 ; I Pet., iii, 22, Jésus voit les puissances et les vertus se soumettre à lui. I Pet., iii, 22. M*is le corps glorifié de Jésus est bien son corps : il a été vu après la résurrection, Act., xiii, 30 ; car Dieu a donné à Jésus ressuscité « de se manifester… aux témoins préordonnés… à nous, qui avons mangé et bu avec lui, après qu’il fut ressuscité des morts, t Act., x, 41.
L’Église naissante connaît aussi la perfection Intérieure, morale et surnaturelle, do cette humanité du Christ Jésus. C’est un homme juste et saint, iii, 14 (discours do Pierre) ; vu. 52 (d’Etienne) ; iii, 30 sq. (de Paul) ; cf. I, Pet. m. 15, véritable agneau sans tache et sans souillure, id., i. 19 ; homme que Dion a autorisé par les miracles et les merveilles accomplies par lui au nom do Dieu. Aol., ii, 22. Il a été « oint par Dieu d’Esprit Saint et do puissance. » x, 38 II a passé’lisant le bien, x, 38. Pierre parie de sa « longanimité.. 1 227
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JÉSUS-CHRIST. LA THEOLOGIE PAULINIENNE
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Il Pet., m. 15. Mais précisément parce qu’il est parfait, il nous faut pratiquer toutes les vertus pour entrer dans la connaissance du Christ. Il Pet., i. 8. lui réalité, connaître le Christ, c’est vivre « le la vie de la grâce, Il Pot., iii, 18, c’est posséder le remède contre les souillures du monde, n. 20.
On le voit, la prédication de l’Église naissante touchant l’humanité du Sauveur, sanctifiée par le contact de la divinité, montre tout le profit que nous-mêmes, suivant les exemples de Jésus, pouvons en retirer. Mais il y a plus, notre sainteté dépend de la sainteté de Jésus, parce que Jésus, pierre angulaire du nouvel ordre de choses, Act., iv, 11. est le médiateur et le sauveur universel, iv, 12 :, 43 (S. Pierre), mu. 39 (S. Paul), l’auteur de la vie. iii, 1 j ; ci. Joa., i. I. Par ses apparitions, Jésus montre qu’il gouverne vraiment les hommes : apparitions a Ananie, Act. ix, 10 sq., à Pierre, x. 9 ; xi, 5 ; à Paul, xxii, 6-18 ; et les fidèles se tournent vers lui instinctivement comme vers leur maître et Seigneur. Cl. vii, 55. 58, 59. Nous louchons de bien près a la théologie paiilinienne.
Voir Fils de Dieu, col. 2399.
Vil. LA THEOLOGIE l’A UUNIESSE DE JÉSUS-CBRIST SOTRE-SEIGNEUR. t° Le cadre de la théologie
paulinienne. — Elle se concentre sur le Christ ; tous les problèmes religieux sont étudiés en fonction de Jésus-Christ. Le Christ est le principe, le milieu et le terme de tout. Le nom de Christ (Xpurrôç avec ou sans l’article) paraît seul 203 fois dans les épîtres, l’épttre aux Hébreux mise à part : le Christ Jésus. 92 lois ; Jésus-Christ, Si lois : le Seigneur (Kupioç avec ou sans l’article) paraît seul 157 lois ; le Seigneur Jésus, 24 fois ; le Seigneur Jésus-Christ, (il fois ; Jésus seul, 10 fois. Cf. Prat, La théologie de suint Paul, t. ii, p. 40. « La doctrine de Paul n’est pas anthropocentrique et n’est point un simple corollaire de sa conception de l’homme ; elle n’est pas davantage théocentrique en ce sens que sa christologie et sa solériologie dériveraient de sa théodicée : elle a pour foyer de convergence le médiateur unique entre Dieu et les hommes, elle esi christocentrique. /<L, p. 18. La thèse de la justification est inspirée chez Paul par la controverse des judaïsants ; mais elle n’est qu’accès soire dans la doctrine de l’apôtre. Ce n’est pas encore comprendre toute la profondeur de cette doctrine que de s’arrêter à la personne de Jésus-Christ au moment de sa mort sur la croix, comme l’ont fait Sabatier. L’Apôtre l’uni. Paris, 1881, p. 233 ; Beyschlag, Neutestamenttiche Théologie, Halle, 1890, 1.11, p. 13-1 ; l’indlay, dans Dictionarg of the Bible, d Ha tings, Cm, p. 723. Sans doute, saint Paul a mis en relief le mystère de la croix. Gal., iii, 1 : I Cor., xv. 3 ; ii, 2 ; mais la mort du Christ en croix n’a de valeur que par la rédemption, laquelle suppose que Jésus a offert son sacrifice pour nous, son Père l’acceptant et nous en bénéli clant. La théologie de Paul, c ! est donc en réalité le Christ, mais le Christ souffrant, mourant, ressuscitant, vivant dans le ciel pour nous qu’il appelle par notre union a ses souffrances et à sa mort, au partage de sa résurrection et de sa vie glorieuse. En étudiant le Christ chez saint Paul, on ne peut donc, en réalité, le séparer de ceux qu’il esi venu rache r et faire ses cohéritiers. Cf. Prat. "P. ut., p. 50-56. Dieu nous a élus et prédestinés dans le Christ ; dans le Christ, il s’est réconcilié le monde, dans le Christ, nous naissons à la grflee ; dans le Christ aussi, nous serons vivifiés, ressuscites et glorifiés. Ce cadre très
spécial dans lequel évolue loule la théologie paulinienne n’apportera en réalité aucun élément étranger i la loi au Chrisi. telle que la professait la primitive Église nous l’avons brièvement constaté tout a l’heure à propos de la prière de saint Etienne ; mais
il servira puissamment à mettre en relief les fonctions, médiatrices et souveraines à la fois, qu’exerce le Christ glorifié par rapport aux membres de son corps mystique. C’est de la doctrine de la mort et de la résurrection en Jésus par le baptême. Col., ii, 12 ; m, I : Il Cor., v, 11-17 : Eph., i. 5-8, doctrine dont l’expression la plus complète est la doctrine du coprs de l’Église, dont les fidèles sont les membres et Jésus le chef. Eph., iv, 4, 11-16 : I Cor., vi. 15 ; xii. 27 ; Col., i, 18 : iii, 15, que l’on part très légitimement, en étudiant la théologie de saint Paul, pour aboutir à la filiation divine de Jésus, principe et modèle de noire filiation adoptive. Cal., iv, 4. Tout l’ordre surnaturel, dont le Chrisi est le centre, se résume pour Paul en quelques mots : « Tout est à vous, vous au Christ. le Christ à Dieu. » I Cor., iii, 222-23. Sur ce développement, voir I. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 352 sq.
lui demeurant dans ce cadre et en suivant la pensée de l’apôtre, nous voyons tout d’abord que Dieu a prédestiné et élu ceux à qui il lait miséricorde, de toute éternité et dans le Christ. Eph., i, 3-14. Si le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, en raison de la désobéissance du premier Adam, la réparation ne pourra venir que du nouvel Adam Jésus-Christ, Rom., v, 12-21 ; I Tim., ii, 5, etc., par qui nous vient toute justice. C’est ce nouvel Adam, Jésus-Christ, chef de l’humanité régénérée, en qui et par qui les pécheurs retrouvent la justice, que nous devons étudier à la suite de Paul, non seulement dans sa personne et sa double nature divine et humaine, mais encore dans ses fonctions de « médiateur ». 1 Tim.. ii, 5, et de i chef ». Eph., i, 22.
2° L’/ personne de Jésus-Christ. — 1. Bien que le regard de saint Paul s’attache surtout au Christ glorifié, la préexistence éternelle du Fils est soulignée à plus d’un endroit : I Tim., I, 15 ; iii, 10 ; II Cor., vin. 9 ; Rom., vin. 3 ; Gal., iv, 4 ; Col., i, 12, le premierné de loule créature signifiant « né avant toute créai me, toutes choses ayant élé créées par lui et pour lui », . 10-17. Elle est explicitement enseignée dans Phil., ii, 0. Cette préexistence du Christ n’est pas la préexistence d’un homme, comme le vomirait
I loltLmann, Xeuteslarnenlliche Théologie, t. ii, p. S2, cf. I.agrange, Revue biblique, 1897, p. 168-474, nonobstant I Cor., xv, 47, ce dernier texte (homo… cœlestis) marquant l’origine céleste et éternelle du Christ, Homme-Dieu, en raison de sa nature divine, de sa personnalité et du droit qu’elle lui donne de posséder la plénitud de l’Esprit Saint pour lui et pour ceux qui lui sont unis. F. Prat, op. cit., t. ii, p. 251. Ce n’est pas non plus la préexistence idéale dans l’intelligence de Dieu, avant la créai ion du monde, comme l’insinuaient les rabbins ; cf. Weber, Judische Théologie, Leipzig, 1897, p. 198, 348, 354, cl supra, col. 1127. C’est la préexistence éternelle du Fils de Dieu. Voir ce mot, col. 2400-2402.
2. Saint Paul n’ignore pas non plus le Christ terrestre.
II nous faut ici insister davantage, car. venu après les autres apodes à la foi au Christ, il n’a vu celui-ci que dans une révélation particulière sur le chemin de Damas. Il n’a pas connu sa figure historique. Les rationalistes n’ont pas manqué de faire ressortir celle Infériorité de Paul. Renan, Saint Paul, Paris, 1869, p. 503. La thèse de Renan n’est d’ailleurs plus admise aujourd’hui : beaucoup de critiques, avec A. Sabatier, L’apôtre Paul, Paris, 1890, p. 01-02, admettent que la « révélation intérieure, In éclairant l’âme de Paul, illumina en même temps la vie historique du crucifié ».
on démontre d’ailleurs facilement quc le texte de
Il Cor., v, 10, derrière lequel se retranchent les derniers partisans de la thèse de Renan, ne prouve rien Contre la connaissance de la figure historique du 122 ! »
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JÉSUS-CHRIST. LA THEOLOGIE PAULINIENNE
Christ par saint Paul : la connaissance du Messie < selon la chair. dont parie id l’apôtre, est la connaissance qu’il a pu en avoir, avec les illusions grossières
et charnelles propres an peuple juif, comme si le Christ attendu eût <lù être un libérateur temporel. Cette connaissance-là. il ne l’a plus. Cf. F. Prat, op. /L. t. u. p. 237, note. Il n’est pas d’ailleurs nécessaire « le recourir à l’explication de Sabatier pour [der à saint Paul unv vraie connaissance de la e historique du Christ : l’apôtre des nations a M connaître par les témoins de la vie de Jésus (tradition qui devait être plus tard fixée dans les synoptiques) les faits importants île l’existence du Sauveur. Cf. V. Rose, Études sur lu théologie de saint l’aul. dans Revue biblique. 1902, p. 321-346 ; l""i. p. 340-342. Et la théologie de saint l’aul touchant l’homme qu’était Jésus-Christ, accuse nettement cette connaissance.
u) Jésus-Christ, hmnme. — L’expression est de saint l’aul. I Tim.. ii, 5 : JtvOptorcoç Kpurroç’IifjaoQç. : elle est formulée à propos de la médiation du Christ et, dans la pensée de l’aul. cette médiation est principalement rédemptrice. C’est qu’en effet, pour nous racheter, il faut que Jésus soit homme : Par un homme. iî’.' xvfioûicou, est venue la mort et par un homme la résurrection des morts. * I Cor., xv, 21 : cf. Rom., v. 15 ; vin. 3. La netteté de ces expressions nous oblige à donner à d’autres expressions moins précises le sens d’une humanité parfaite et entière, consubstantielle à la notre. En parlant d" homme céleste.
I Cor., xv. -17. Paul fait allusion à l’origine éternelle de la personne du Christ ; voir ci-dessus ; il oppose
is a Adam, formé de la terre, et incapable de -mettre à ses descendants une vie autre que la vie « psychique >. En affirmant que celui qui « était dans la forme de Dieu a pris i la forme d’esclave, ivant été fait semblable aux hommes et reconnu pour homme par les dehors >, Phil.. n. C>. saint Paul ne nie pas la réalité de la nature humaine, car si le Christ a été reconnu pour homme, c’est que l’expérience de sa vie entière l’a manifesté i tel. Enfin, si Dieu a envoyé son Fils dans i la ressemblance d’une chair de péché —, le terme ressemblance, similitudo, affecte le péché dont Jésus n’a pas connu la souillure, mais non la chair qui, par sa réalité, était identique à la nôtre : Jésus n’est-il pas venu « condamner le péché dans la chair ? » Rom., viii, 3. Cf. Prat, op. cit., t. ii, p.227228 et 260. Donc, en raison de sa mission parmi nous, il faut que le Christ soit homme, comme nous : il est le nouvel Adam, Rom., xii, 15 : I Cor., xv, 22. 45 ; le premier-né d’entre les morts. Col., i, 18 ; le premierné d’entre les frères. Rom., viii, 29 : le pontife, Heb., ii, 17 : iv. Il : v, 1-10 : toutes ces prérogatives supposent, en effet, que le Christ a une nature absolument identique à la nôtre : il devait venant nous racheter du péché, apparaître dans la chair. I Tim.. m. 1 6, emprunter sa chair à la masse pécheresse, revêtir dans la chair la ressemblance du péché afin de condamner le péché dans la chair. Rom., viii. 3. Sur la signification dn mot chair, voir Incarnation, t. vii. col. 1446-1 150.
II est né (fait) de la femme, Gal., iv, 4, Yevôpxvov ht
L-, -.. de la race d’Abraham, Cal.. iii, 10 ; Rom., ix. 5 ; 4e la descendance de David. Rom., 1, 3 ; II Tim., ii, s. H a un véritable corps de chair. Col., i, 22 ; Eph., n. Il ; Rom., viii, 3. Il a des parents ; des frères, 1 Coi.., ix, 5 : Jacques est son frère, (.al., i, 19. La vie historique de Jésus est aussi connue que sa personne :
lUVem* est apparu comme un esclave. Il Cor.. vin, « J ; Phil., ii, 7 ; s est soumis a la loi de Moïse, Cal., iv, 4 ; a obéi à la volonté de i Heu, son Père jusqu’à la mort sur la croix. Phil., ; i, 8. S’il a été le serviteur des circoncis > (c’est-à-dire s’ji j limité son ministère aux seuls Juifs), c’est qu’il voulait i prouver la véra cité de Dieu en confirmant les promesses faites aux pères, i Rom., xv..S ; cf. i.. ! ; Il Cor., i, 19. Il fut rempli du Saint-Esprit. Rom., i. I. cf. Il Cor., m. 17. Saint Paul connaît et rapporte plusieurs de ses paroles, I Thess.. iv, 15 ; I Cor., vu. 10-25 ; ix. Il ; il connaît les apôtres, 1 Cor., ix.."> ; xv, 5, 7, au collège desquels
il a été agrégé, malgré son indignité, par Jésus lui-même. 1 Cor., xv, 8-10 ; mais dont Pierre ou Cépha ; .si le cheꝟ. 1 Cor., i. 12 : m. 22 ; i, ."> : (lai., 5, 13 ; ii, 7-8. l’aul a connu également les miracles du Sauveur ; il les sous-entend lorsqu’il parle des « signes (le l’apôtre », qu’il a donnés comme les autres, signes accomplis au nom de Jésus et qui sont la continuation et la répétition des siens. Cal., ni, I ; II Cor., xii. 12. i Rose, Revue biblique, 1903, p. 340-341. Cf. Rom., xv. 16 sq. Pourquoi ne trouve-t-on pas dans saint Paul plus d’allusions a la vie historique île Jésus-Christ’.' C’est très vraisemblablement, pour ne pas dire à coup sûr, parce que l’enseignement propre à saint Paul se superpose à une catéchèse apostolique faite aux néophytes, uniformément et obligatoirement, avant la collation du baptême. Cette catéchèse, à la fois historique, dogmatique et liturgique, instruisait les néophytes de ce qui concernait Jésus, ~x r.z-A’Irjpo j. Act-, xviii. 25 ; Cf. xxviii. 31 ; Col., iv., S ; Eph., VI, 22 ; Phil.. n. 19-20 ; F. Prat., op. cit., t. ii, note B, p. 61-66. El c’est sans doute en puisant dans le contenu de cette catéchèse que saint Paul, occasionnellement, rappelle aux Corinthiens la résurrection de Jésus : Irtulitli enira vobis… quod et accepi ; I Cor., xv, 3-8 ; et l’institution de l’eucharistie, xi, 23-26.
Le récit de l’institution de l’eucharistie appartient « l’ailleurs à un ordre de faits sur lesquels saint Paul, en raison d’un intérêt dogmatique visible, devait insister davantage : il s’agit des faits relatifs à la mort du Sauveur, c’est-à-dire à notre rédemption. Saint Paul rapporte la trahison de Judas, I Cor., xi, 23 ; les outrages infligés à Jésus, Rom. xv, 3 ; les souffrances par lui endurées. II Cor., i, 6 ; Phil., iii, 10 : l’amour qui pousse le Sauveur à la mort. Gal., ii, 20 ; Rom., viii, 37, et à la mort de la croix, Gal., iii, 13 : Col., ii, 14 ; mort subie sous le gouvernement de Poncel’ilate. I Tim., vi, 13. Nous avons déjà vu plus haut comment saint Paul ne l’ait que répéter l’histoire evangélique en ce qui concerne la sépulture, la résurrection et la glorification du corps du Sauveur. Voir col. 1214. Maintenant Jésus est monté au ciel où il trône à la droite de Dieu, Rom., viii, 31 ; Eph., I, 20 : on l’attend pour juger les vivants et les morts, IThess., i, 10 ; iv, 16 ; IIThess., 1, 7 ; Phil., ni. 20. Mais, il faut le reconnaître, le Ghrist de l’histoire n’a pas retenu l’attention de saint Paul et ce n’est pas vers lui qu’il va diriger l’humanité, i Il avait contemplé le Christ ressuscité, il l’avait fixé dans son éclat de Fils cle Dieu, il reçut de cette vision une empreinte définitive. Il rejoint le Christ la. où il le trouve et il s’attache à lui non pas dans le moment historique — déjà évanoui — (le son court apostolat, mais dans le moment éternel et supraterrestre où, source de salut et de vie divine, il exerce pleinement son action messianique, où toute puissance lui a clé donnée au ciel, sur la terre et aux enfers. Etre l en Christ-JésUG », c’est adhérer au Christ dans son étal glorieux ; c’est, pour reprendre une comparaison connue, s’envelopper
dans cette atmosphère divine, la seule qui soit, déformait « « naturelle au chrétien, i V, Pose, Revue hiii, i /-, I’mi : ;. p. 342.
mu la connaissance qu’a eue Paul de la personne bistoiqne de Jésus, outre les articles de n. Rose, dans la Bévue HWque, citons Prat, La théologie de S. Paul, t. a, p. 239 sq., Mgr Battflol, Orpheus etTÉoanglle, Paris 1910, p. 85-113,
t parmi les protestants, d’après Prat, l’aret, PDaflH uiul
/sus ÇEtntge Bemakungea uIht <in VertotMiiin des Apoaleh
Paulus und seiner Lehre zii der Person, dem Leben und der Lehre des geschichtlichen Christus), dans Jahrbiicher fur ileutsche Théologie, t. iii, p. l-8."> ; Schmoller. Die qeschichtliche Person Jesu nacii den pcuilinischen Sehriften, dans Studieii und Kritik, t. xi.vii (1894), p. 636-705 ; Noesgen, Die apostolische Verkùndiguna und die Gesehiehte Jesu, dans Nette Jahrbûcher fur deutsche Théologie, t. IV, p. 46-94 ; KnowHng, The lestimony of SI Paul to Christ, 1905 ; G. Malheson. The historieal Christ of St Paul d’après les quatre grandes épttres, onze articles parus dans l’Expositor, II* série, 1. 1 et u (18811882) ; Sanday, St PauVs Knowledge o/ Christ, dans Dictioiitinj o/ Christ and the Gospels de Haslings, t. ii, p. 888-889 ; Drescher, Dos Leben Jesu bei ! Paulus, Giesscn. 1900 ; R. Martin Pope, St Paul and the historié Jésus, dans The London quarterlg review, juillet 1920 ; F. Prat, Saint Paul et le IHiulinisme, dans le Dictionnaire apologétique de lu Foi catholique, t. iii, col. 1631-1634 ; L. de Grandmaison, l.c Clirist de l’histoire dans l’œuvre île saint l’uni, dans Recherches </<-.’, Sciences religieuses, décembre 1923.
b) Jésus-Christ Dieu. — Saint Paul ne sépare pas, en Jésus, Dieu de l’homme. Sur la divinité de Jésus-Christ, la nature et la personnalité divines du Fils de Dieu, voir ce mot, col. 2400-2402.
c) l’iiion de Dieu et de l’homme en Jésus-Christ. — Elle est enseignée par saint Paul surtout dans Col., ii, 9 et Phil., ii, 2-6. Sur le sens et la portée de ces textes, voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 447-449. L’union des deux natures en une personne est également supposée par la communication des idiomes, dont saint Paul a fait un si fréquent usage. Ibid., col., 445-446.
3. Saint Paul étudie surtout le Christ glorieux, parce (|iie le Christ, remonté à la droite de Dieu son Père. est le principe de notre vie surnaturelle et de notre gloire future. Voir ci-dessus, col. 1221 sq. L’entrée du Christ dans la gloire par la résurrection est comme une naissance véritable, Act., xiii, 33 ; mais nous avons déjà VU que saint Paul, d’accord avec la tradition qui sera fixée par les évangéhstes, professe l’identité du corps historique et de la personne historique du Sauveur avec le corps glorieux et la personnalité transcendante et divine que la foi confesse en Jésus ; voir col. 1222. Si la théologie paulinienne s’attache <le préférence au Christ glorieux, ce n’est donc pas pour marquer une différence ontologique entre le « Christ de l’histoire » et le « Clirist de la foi », c’est pour déterminer plus explicitement les relations que Jésus, en sa qualité d’envoyé de Dieu et de Sauveur des hommes, a acquises vis-à-vis de nous. Si saint Paul rapporte ces relations au Christ glorieux c’est que c’est du haut du ciel où il siège à la droite de Dieu le Père que Jésus-Christ exerce son influence siliceux qu’il a rachetés jadis sur la croix et que sa gloire
— la gloire qu’il a niérite pour lui-même par son sacrifice — est l’exemplair et la source de celle qu’il nous a méritée à nous-mêmes. Évidemment, ces relations du Christ avec les hommes supposent le mystère de la rédemption ; mais elles présentent des aspects si entièrement unis à la personne même du Christ qu’on ne saurait les en séparer et que la Christologie les réclame connue une matière propre.
u) Jésus, envoyé de Dieu : le médiateur. Le but de la mission rédemptrice <le Jésus est marqué dans Gal., IV, 4 : « racheter ceux qui étaient sous la loi. pour que nous lussions adoptés comme enfants. Avant d’étendre à tous les hommes le privilège de la filiation adoptive, il fallait tout d’abord délivrer les Juifs et les débarrasser de leurs privilèges onéreux, c’est également ce qu’exprime, sous une autre forme, Rom., vin. 3-4 : le Christ vient condamner le péché dans la chair afin de nous donner la justice qu’exigeait la Loi sans la pouvoir conférer. Sur ces deux textes, voir F. Prat. op. cit., f. u. note L, p. 257-261. Celle mission constitue Jésus-Christ mandataire de I >icu et représentant des hommes, c’est-à-dire « média teur ». Le mot médiateur appliqué par saint Paul à Jésus-Christ n’existe que dans I Tim.. n.."> : mais l’idée exprimée par ce mot se retrouve sous plusieurs formules de l’apôtre. Toutefois la médiation qui, onlologiquement. est déjà vérifiée dans les deux natures du Sauveur, unies hypostatiquement dans la personne du Verbe, qui, psychologiquement, se trouve réalisée dans l’état propre au Christ, état intermédiaire entre la voie et le terme, est étudiée par saint Paul surtout au point de vue de notre vie surnaturelle, en tant que le Christ est dispensateur à notre endroit des bienfaits divins dont il est l’unique dépositaire : « Le Christ de saint Paul n’est pas un simple médiateur naturel, comme le Logos de Philon ; c’est un médiateur de grâce et de salut. Par lui, en effet, nous avons la grâce, Rom., i, 5 ; v, 21 ; par lui. le salut, commencé ici-bas, consommé dans le ciel, I Thess., v, 9 ; II Tim., iii, 15 ; par lui la justice et le fruit de la justice, Rom., iii, 27 ; Phil.. 1, 11 ; par lui, la justification, Rom., v, 18 ; Gal., ii, 16 ; par lui. la rédemption, Rom., ni, 24 : Eph., i, 7 ; par lui, la réconciliation, Rom., v, 10-11 ; II Cor., v, 18 ; Eph., ii, 16 ; Col., i, 20-22 ; par lui, la paix, Rom., v, 1 et la pacification générale. Col., i. 20 : par lui, le libre accès auprès de Dieu, Rom., v. 2 : Eph., ii, 18 : par lui un refuge assuré contre la colère divine. Rom., v, 9 ; par lui, la consolation spirituelle. II Cor., i, 5 et la confiance que rien ne trouble, II Cor., iii, 1 ; par lui, le don du Saint-Esprit, Tit., iii, 6 et le filiation adoptive. Eph., i, 5 : par lui, la victoire sur tous nos ennemis et en particulier sur la mort. Rom., viii, 37 ; I Cor., xv, 57 ; par lui. le règne sans fin. Rom., v, 17. C’est par lui seul que nous pouvons nous glorifier en Dieu, Rom., v, Il et que nous devons adresser à Dieu nos actions de grâces, Rom., i, 8 ; vii, 25 ; xvi, 27 ; car, comme toutes les promesses divines ont eu en lui leur oui, c’est-à-dire leur accomplissement, par lui aussi les fidèles prononcent leur amen, dans un acte de foi sincère et reconnaissante, pour faire remonter vers Dieu tout honneur e’. toute gloire. II Cor., i, 20. En un mot, dans l’ordre de la grâce encore plus que dans l’ordre de la nature « tout est par lui (ou pour lui) et nous sommes pour lui ». I Cor., viii, 6 Si’ou : (variante : Si’Ôv) Ta rcâvra xai Y) ! i.eïç Si’aÙToû. F. Prat, op. cit., t. ii, p. 248-249. En toutes ces affirmations se trouve analysé le sens de l’expression si fréquente, chez saint Paul, in Christo Jesu. Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, p. 355 sq. Voir plus loin.
Pourquoi le mot de médiateur est-il si rarement employé par saint Paul ? 1 Tim.. ii, 5 ; cf. Heb., vur, 6 ; ix, 15 ; xii, 24. Dans le sens usuel du mot. fait remarque] le P. Prat, p. 219, o le médiateur est étranger aux deux parties qu’il met en rapport. » Or Jésus n’est pas un médiateur ordinaire : en lui habite corporellenient la plénitude de la divinité, Col., ii, 9, et il est réellement homme comme nous. Aussi saint Paul l’appclle-t-il plus volontiers le < nouvel Adam ». Sur Adam, figure île Jésus-Christ, voir 1. 1, col. 384-386. Le premier Adam, par suite de sa condition naturelle et de sa faute, ne peut transmettre à ses descendants qu’un corps psychique et mortel. « Terrestre », il ne donne naissance qu’à des hommes terrestres. Jésus, le nouvel Adam. est, a tous les titres. < céleste », et par sa préexistence, et par sa gloire présente, et par l’influence vivifiante qu’il exerce sur les hommes. Par sa résurrection glorieuse, en effet, il est devenu esprit vivifiant, capable de communiquer la vie spirituelle dont il est doué. On comprend ainsi la place qu’occupe le nouvel Adam par rapport au premier. Cꝟ. 1 Cor., xv. 21-22 ; Rom., xil, 11-11, 15, 16, 17. 18. 19. 20 21. Sur l’origine du nom : o nouvel Adam », voir F. Prat op. cit., t. ii, Note M, p. 26 1-201. La bibliographie SUT la conception de l’homme céleste opposé à.l’homme terrestre, dans Prat, ibid., 123 :
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JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE
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p. 169-171 ; et Koltzmann, N. T. Théologie, t. ii, p. 55.
b) Jésus, chef des hommes et des anges : sa primauté sur toutes choses. a. Parce qu’il est le nouvel Adam. Jésus-Christ est le cliej des hommes, à qui il communique la vie de la grâce. Cette nouvelle donnée de la christologie paulinienne se rapporte au Christ mystique, qui ajoute au Christ naturel. Verbe Incarné, prêtre-victime du Calvaire, le corps mystique de l’Église « complétant son chef et complétée par lui ». Sur la dénomination du Christ, étendue au corps mystique, cf. Gal., m. 1 iï : I Cor., xii. 12. Dans cette qualité de chef du corps mystique. Paul n’attribue pas seulement à Jésus-Christ une prééminence quelconque sur les hommes. Col. n. 10 : si Jésus est la tête du corps, de l’Église ►, Col., i. 18, c’est parce que l’Église, formée des chrétiens, trouve en lui non seulement prééminence et supériorité, mais i influx vital et communauté de nature, principe d’unité et mesure de perfection. » F. Prat. La théologie de S. Paul, t. i, p. 121. C’est le sens exprès qu’on trouve dans Eph., î. 22-23 ; v, 23 éclairés par Col., ii, 19, et Eph., iv, 15-16. Cf. Abbott, Epistles to the Ephesians and to the Colossians. Edimbourg, 1897. p. 271-272 : 123-128. La tête est. aux yeux de Paul, le centre de la personnalité, le lien de l’organisme et le foyer de tout influx vital. Ce rôle de chef ou de tête dans le corps mystique des chrétiens fait mieux comprendre certaines formules pauliniennes : revêtir le Christ, Gal., iii, 27 ; être greffé dans le Christ, Rom., xi, 24 ; être créé dans le Christ, Eph.. n. 10 ; être en participation du Christ, I Cor., i. 9. etc., et plus simplement, être de Jésus-Christ ou dans Jésus-Christ. Sur l’emploi de cette formule, voir Deissmann. Die neutestamentliche Formel < in Christo Jesu », Marbourg, 1892 ; et sur sa signification, voir E. Prat, op. cit., t. i, p. 424-426 ; NoteT, 434-436 ; t. ii, p. 422-424 ; Lebreton, Origines du dogme de la Trinité, p. 355-356. Sur l’enseignement général de saint Paul, touchant l’Église, corps du Christ, voir Église, t. iv, col. 2150-2151.
Précisons cependant avec le P. Lebreton, op. cit., p. 358 que « Jésus n’est pas seulement ni surtout (pour saint Paul) l’homme idéal qu’il s’efforce d’imiter, ni l’ami qu’il est impatient de rejoindre ; c’est la source de vie, c’est le chef dont il est membre. Mais, d’autre part, il faut bien le remarquer, la personne historique de Jésus ne s’évanouit pas dans cette doctrine : pour être « esprit vivifiant » et principe de toute vie, le Christ n’a pas dépouillé sa réalité concrète et n’a pas été réduit à un symbole mystique. Les textes… le disent assez : c’est dans la mort de Jésus que le chrétien a été baptisé, Rom., xiv, 7-9 : et c’est dans sa résurrection qu’il ressuscite, II Cor., v, 14-15. L’épître aux Romains insiste plus encore sur cette vérité et fait mieux entendre la continuité de la vie du Christ sur terre et de sa vie dans les fidèles : tout le genre humain apparaît comme concentré en deux hommes réels, Adam et Jésus-Christ. Il n’y a point seulement en ce monde deux forces abstraites, chair et esprit, mort et vie, mais il y a avant tout deux hommes, deux chefs de l’humanité : de l’un vient la mort, de l’autre la grâce et la justice ; et la source de cette action mortelle et vivifiante, c’est la désobéissance de l’un et l’obéissance de l’autre. - Rom., v, 12-21. Cf. ci-dessus, col. 1228.
b. Le rôle de chef de l’humanité se complète, pour saint Paul, par celui de soutien du monde : l’action du Christ s’étend à toutes créatures. S’il est vrai que le monde a été créé pour l’homme, il n’est pas difficile de concevoir que, du fait de la chute de l’homme, il a été dévié de sa fin et asservi à la vanité et que seul le relèvement de l’homme peut l’en affranchir. J. Lebreton, op. cit., p...71. L’œuvre du Christ incarné
sera donc la restauration et en même temps la consommation de l’œuvre du Christ préexistant : « Tout a été créé par lui et pour lui. » Col., i, 16. Il faut donc absolument allirmer que le Christ possède la primauté sur toutes choses. Eph., i. 21-23 ; Col., i, 18. Ce n’est pas seulement comme Dieu que le Christ possède cette primauté, c’est aussi comme homme, et saint Paul affirme en un parallélisme saisissant la primauté du Christ sous ces deux aspects, l.e P. Prat, op. cit., t. ii, p. 215-216, a bien mis en relief le parallèle intentionnellement sans doute institué par saint Paul :
Primauté du C.hkist selon Primauté ou Cniusr selon
LA NATURE DIVINE DANS LA NATURE HUMAINE DANS
LA CRÉATION : L’ÉGLISE :
-voTOTrjy.o ; rrâo-r, ; xTt<x£i ; npiottStoxo ; ex t<5v vexpûv’tCol., 1, 15). Christ premier- (Col., i, 18), né.
iv a-J : (i> ixTÎ<r8Y) ?à îrdtv7a.., 71 âv’> ; y ; 0|Aev 7r, v àitoX’JTpcoo’tv TcivTa èv aJToi auvéffTïixev (Eph., 1, 7). (Col., r, 16, 17). Ordre de la
cause formelle ou exem plaire.
cà itàvra Si’aûtoû sVccarai ôi’a-Jto-j àitoxaTa).).x : a : (Col., 1, 16). (Col., i, 20).
5 ; ’o-j -i Ttàvxa (I Cor., viii,
6). Ordre de la cause effi ciente.
tx TtàvTOt… eîç aJTÔv sxTitTTat tx-xvtx ï ! ; aOrdv (Col., 1, 20). (Col., i, 16). Ordre de la
cause finale.
D’ailleurs tout en distinguant, et d’après la pensée de saint Paul lui-même, les relations qui conviennent au Christ, comme Dieu, dans sa préexistence, et comme homme ou Verbe incarné, dans sa vie humaine, terrestre et glorieuse, nous savons que la communication des idiomes permet de transférer au Christ-Dieu les rôles et attributions du Christ-homme et réciproquement ; d’ailleurs toutes les relations du Christ sont coordonnées entre elles et orientées vers une même foi, et par suite de cette unité, la primauté du Christ s’affirme purement et simplement ; un mot la résume : Kûpioç’Iy)o-o>jç, Jésus est Seigneur. Act., xvi, 29 ; Rom., x, 9 ; I Cor., xii, 3, etc.
Cette « seigneurie » que l’Église naissante confessait déjà en Jésus-Christ, voir Fils de Dieu, col. 23982399, exprime bien la primauté sur toutes choses du Christ, Dieu sans doute, mais homme aussi. Le Christ est Seigneur, parce qu’il est d’avance le juge de tout et de tous ; il « éclairera ce que les ténèbres cachent et manifestera les secrets des cœurs. » I Cor., iv, 5. Le < jour du Seigneur », I Cor., iv, 5 ; v, 5 ; II Cor., i, 14, I Thess., v, 2 ; II Thess., ii, 2 : la < parousie du Seigneur », I Thess., ii, 19 ; iii, 13 ; v, 23 ; II Thess., ii, 1 ; 1’ « épiphanie du Seigneur ». I Tim., vi, 14 ; cf. II Thess., i, 7, désignent le jour du jugement, qui est aussi le « jour du Christ Jésus », Phil., i, 6, 10 ; ii, 16 ; le « jour de N’otrc-Seigneur Jésus-Christ ». I Cor., i, 8 ; II Cor, I, 14. Mais dès maintenant, le Seigneur est le maître de tout et de tous, « des morts et des vivants ». Rom., xiv, 7-9. Son domaine est absolu : les siens sont ses esclaves. Rom., i, 1 ; I Cor., vii, 22 ; Gal., i, 10 ; Eph., vi, 6 ; Phil., i, 1 ; Col. iv, 12. Les autres ont pour « seigneur » le péché, Rom., vi, 14, 17, 20 ; la mort, Rom.. v, 14 ; 17 ; vi, 9 ; la loi, Rom., vi, 1 ; Gal., iv, 5 ; iii, 23 ; mais de cette servitude le Christ nous a rachetés, comme par un affranchissement sacré, pour nous faire siens. Gal., iv, 4-5 ; cf. iii, 13 : I Cor., vi, 19-20 ; vii, 23. Sur l’expression àrfoppav tiutjç de ces deux derniers textes, voir A. Deissmann, Lichl vom Oslen, Tubingue, 1908 p. 240 sq. L’esclavage du Seigneur est en réalité la liberté ; liberté qu’il ne faut plus perdre pour redevenir les esclaves des hommes. I Cor., vii, 22-21 ; cf. Gal., ii, 4. Tous les chrétiens ont l<- même maître, Rom., x, 12 : Eph., vi, 9 ; Col., iv, 1, et c’est à lui seul 123 :
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JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE
1230
qu’ils doivent obéissance. Eph., v, 22 ; i. 7-8 ; Col., m, 23-24. i Le chef de tout homme est le Christ.’I Cor., xi. 3.
c. Mais saint Paul, insistant sur la primauté absolue <lu Christ, déclare Jésus chef des anges. A force de compter sur la médiation des anges, les Colossiens risquaient de méconnaître le grand médiateur, Jésus-Christ. Tout en recommandant le respect « les anges, saint Paul ne veut pas que le culte rendu à ces puissances tourne au détriment de celui qui est dû au Christ. Le Christ est supérieur aux anges, Col., i. 16 ; cf. Eph.. i. 21, soit comme Dieu, parce qu’il est leur créateur, soit même comme homme, parce que Dieu l’a fait asseoir à sa droite, au-dessus de toute principauté, et puissance, et vertu, et domination, et de tout (autre) nom prononcé non seulement dans ce siècle, mais dans le siècle à venir, i Eph., i. 21. Comme homme, Jésus-Christ est le chef des anges : è<rov ô xcçocXt] "irr/ç ipy/7, ; xod èÇooaiaç, Col., ii, 10. Par là, Paul veut-il affirmer que la ^ràce des anges dérive du Christ’.' Nous ne le pensons pas. l.a pacification universelle. Col., I, 20, n’implique pas que le Christ, par le sang de la croix, ait racheté les anges ; mais il a réconcilié l’homme à Dieu et par là fait la paix aux cieux et sur la terre. Les anges, soumis à la volonté divine, concourent à l’exécution de la rédemption et par là, le Christ-homme devient en quelque sorte leur chef. Pour plus de développements, voir Lncarna noN, t.
. col. 1 187-1488 ; 1504-15U5.
c) Conséquence : lu plénitude de grâce dans l’âme du Christ. — Le Christ, venu sur terre pour réparer le péché ne pouvait avoir le péché. Lui-même le proclame dans l’Évangile, .loa., viii, 29, 46. Cf. I Pet., i. 1 ! » : n. 22 ; 1 Joa, iii, ."> ; Heb., iv 13 ; vir, 26. Saint Pau] l’affirme expressément : i Celui qui ne connaissait pas le péché. Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devinssions justice de Dieu. » II Cor., v, 21. L’aflirmation de l’absence du péché en Jésus implique celle de sa justice et de sa sainteté : pour l’auteur de l’épître aux Hébreux le pontife « sans tâche et séparé des pécheurs > doit être « saint, innocent », vii, 26 ; pour saint Pierre, le Christ « qui n’a pas commis de pèche, I Pet., ii, 22, est mort pour nos péchés, i le juste pour 1er injustes », iii, 18. Saint Paul rattache la perfection morale et surnaturelle du Christ à son rôle de médiateur ou, plus exactement, de chef des hommes. C’est
i cause de la solidarité qui nous unit au Christ rédempteur que Dieu a fait celui-ci « péché. non pas à notre place, mais pour nous, ’, -’zz Jjuûv, a fin que nous devenions justice i, en lui, èvaùrô. II Cor., v, 21. Sur ce texte, voir Prat, op. cit., t. ii, p. 2(1 1-295..Jésus ne peut vaincre le péché dans la chair que s’il l’a déjà vaincu en lui-même par sa justice. L’influx vivi liant qu’il exerce à l’endroit des hommes, ses membres, suppose en lui, qui est la tête, la plénitude de la grâce, principe de notre justification et des grâces diverses que nous recevons de son Esprit. Rom., v. 1Ô-I7 : xii, I ; I Cor., x, 16 sq. ; xii, Il sq. ; xv, 21 ; Eph., i, 20 sq. ; iv. I sq. ; Col., i. 18 ; n. 10, etc. l.a « plénitude de la divinité dont il est question dans ce dernier texte doit s’entendre, avant tout, du mystère de l’union hypos tatique ; mais c’est aussi la plénitude de grâces qui est la conséquence de l’union hypostatlque en Jésus
et le principe vivifiant de tous ceux qui ont Jésus pour chef. Cf. Col., i, 19 et le commentaire de saint Thomas sur ce dernier texte. Colossiens (Épttre aux), I. iii, col. 384.
C’est surtout à l’occasion de son sacrifice que les vertus et la "race dont était ornée l’âme de Notre Seigneursonl rappelées par saint Paul. Nous pourrions
relever maints traits expressifs : Le Christ nous a aimés et il s’est donné pour nous comme oblation et comme victime à Dieu en odeur de suavité. Eph., v, 2 ;
Il s’humilia en se faisant obéissant usqu’à a mort. et Jusqu’à la mort de la croix. Phil., a, 8 ; cꝟ. 5 : « Par {’obéissance d’un seul la multitude des hommes seront constitués justes ». Rom., v. 19. Mais c’est l’amour le plus ardent qui a pousse Jésus a se livrer à la mort pour nous. Eph., v, 2. 25 ; Cal., n. 20 ; 1, 4 ; 1 Tim., ii, 0 ; lit., n. Ci. Le Christ n’est-il pas par excellence le Fils de l’amour ? Col., i, Ci. Toutefois l’obéissance du Christ à Dieu son Père pour accepter la mort en vue de notre salut. Rom., viii. 32 ; v. S ; cl. Joa., iii, 16 ; x, 1 7 - 1 <s ; xiv, 31 ; I Joa.. iv. 9, pose la question de sa liberté dans l’obéissance, et. par voie de conséquence, la question du mérite du Christ, nettement affirmée dans Phil.. ii, i). Ces questions seront’débattues par les scolastiques. Cf. De Bæts, De libéra Christi obe dientia, Couvain. 1905.
D’autre part, les vertus que L’apôtre exige des chrétiens pour qu’ils vivent et grandissent in Christo Jesu, marquent, elles aussi, la perfection du modèle qu’ils doivent imiter. « Si quelqu’un n’a pas l’esprit du Christ, celui-là n’est point à lui. » Rom., viii, ’.). C’est cet esprit qui « rend témoignage que nous sommes enfants de Dieu. » id., 16. Cet esprit, c’est essentiellement l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus Notre-Seigneùr. i id., 39 ; cf. Gal., v, ii. Tout ce que comporte l’esprit du Christ, constitue la pratique des vertus de la vie chrétienne : eu lire rénumération dans Rom., xii. 9-21 : cf. xiu. 10 ; xv 1-17 : II Cor., m. 1-7 : Cal., v, 22 sq. ; Eph., IV, 1 sq. : Col., m. 12-17 ; I Tim.. vi, 11-12 ; II Tim., iii, 10-12. I.e péché ne peut s’accorder avec l’Esprit. I Cor., m. 18-19. Lu un mot, de même que la justice du Christ est le principe de la nôtre, de même notre vertu ne sera vraie que dans la mesure où elle reproduira celle du Christ. Cf. Phil., in, 7-21 ; Eph., iv, 7, 13, 16.
Voir Fils de Dieu, col. 2101. Y ajout t : J. Labourt, Notes d’exégèse sur Phil., ii, ô- 11. dans Revue biblique. 1898, p. 402-115 ; 553-563 ; C. Van Crombryghe, De soteriologiæ christitmæ primis font i bu s, 1.ou va in. 1905 ; A. Koyet, Étude sur la christologie des Hpilres de saint Paul, l.yon, l’.)07 ; et, parmi les protestants, Ftobiger, De christologiu PauZina, Leipzig, 1852 ; H. Schini<lt, /)ie paulinische Christologie in titrent Zusammenhange mit der Heiliiehre des Apostels, Goettingue, 1870 ; A. Dietzseh, Adam und Chris lus, Rom., I, 12-21, liimu. 1871 ; W. Wciffcubarh, Zur
Auslegung der Stetle Phil., II, 5-lUZugleich etn Beitrag zur paulinischen Christologie, Leipzig, 1884 ; E. II. Ciifford. rhe Incarnation, a Studg o/ l’hit., ii, 5-11, New-York, 1897 ; I>. Sommerville, Saint Paul’s conception « I Cbrist or tbe doctrine of the second Adam, Edimbourg, 18’.). ; M. Uru ckner, DU Entstehung der paulinischen Christologie, Stras bourg, 1903 ; A. A mal, La personne du Cbrist et le rationalisme allemand contemporain, Paris, 1904 ; (anonyme The fi/th Gospel, being the Pauline interprétation o/ the cbrist, Londres, 1007 ;.1. Koegel, Christus der Iterr. Erlàuterungen tu Phil., 11.. ; - ; /, Caterstoh. puis : v. oischewski, Die Wurzeln der paulinischen Christologie, Kœnigsberg, 1909.
3° La christologie de l’Épitre aux Hébreux.
On
peu ! grouper sous trois chefs principaux la christologie
de l’épître aux Hébreux : la personne du Christ (c. 1-IV), le sacerdoce du Christ (c. v-vin), le sacrifice du Christ (c. viu-xiu). Voir Prat, l.a théologie de saint l’uni, t. i. t. VI, |). 510 ; HÉBREUX (Épttre aux), t. VI, col. 2103-2105. I.e sacrifice du Christ sera étudié à r.i.m MPTION ; on en a déjà noté les idées maitresses à HÉBREUX (L’/' Ire aux), col. 2106.
I La personne du Christ. - I. auteur de l’épître aux Hébreux, reconnaît très certainement les (rois aspects de la vie du Christ, le Christ préexistant, le Christ historique, le Christ glorifié. En vertu de la communication des idiomes, les divers attributs qui
conviennent a Jésus-Christ sous ce triple mode d’existence sont souvent réunis dans la même phrase 123Î
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JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE
i j : ; s
et énumérés s.i>is changement « le sujet. Ainsi, c. i, v.2 :
Dieu BOUS a parlé par te Fils
(existence historique)
Qu’il a établi héritier en toutes choses (existence glorifiée)
l’ai cpii il a (ait même les siècles
(préexistence)
Ainsi encore, eu observant l’ordre chronologique, ci, . 3.
Étant la splendeur de sa gloire et [’em prei n te de sa
substance, et soutenant toutes choses par la puissance de sa parole (préexistence di me).
Après avoir opéré la purification des péchés
(existence historique)
(II) est assis à la droite de la Majesté, au plus haut
[des eieux, etc.]
(existence glorifiée).
a) La préexistence divine du Christ. — Elle est marquée par sa filiation divine. Le Christ est le Fils de Dieu. iv. Il : vi. 0 ; vii, 3 : x. 29. Dieu lui dit : mon Fils. i.."> ; v. 5 ; il est le Fils, i, 8 ; il est Fils (sans article) î, 2 (iv uUo, opposé aux prophètes) ; i, 5 (îî ; uîôv, opposé aux anges) ; iii, li (ô> ; oldç, opposé à Moïse) ; v, 8 et vii, 28 (y.y.i~ sp côv uioç et uliç £’. ; tov aîtovx t£T£aî’( vxs-jov coiiuiu’pontife, antitype de Melchisédecli, avec opposition tacite au grand prêtre Aaron). Cette filiation divine est marquée par deux autres expressions : le rayonnement de la gloire du Pèreet l’empreinte de sa substance. Voir, pour l’explication de ces termes, Fils de Dieu, col. 2403. Fils, rayonnement, empreinte, … ces titres sont relatifs, mais d’une relation int ri OSèque, nécessaire, indépendante de l’existence des créatures. Au contraire ceux de créateur et de conservateur. .. sont conditionnés par l’existence des êtres finis. » F. Prat, op. cit., p. 522. Jésus-Christ reçoit ces deux titres dans Heb., i, 2, cꝟ. 10-12 eti, 3 ; « par lui (Dieu) a fait les siècles > c’est-à-dire le monde visible. Cf. xi, 3 : Sap., xiii, 9 : xiv. 0 ; xviii, 4. « Il soutient toutes choses par la puissance de sa parole. Cf. Col., i. 17. Ces deux fonctions supposent que le Christ est Dieu. Plusieurs Pères en ont voulu trouver l’aflirmation dans Heb., iii, 4 ; mais il semble cjue le mot Dieu, ici, ne signifie pas nécessairement le Christ. On le trouve, d’ailleurs, appliqué au Christ, i, 8-9 ; et l’adoration que doivent au Christ les anges eux-mêmes marque bien sa divinité, 1, 6.
b) Jésus-Christ homme. — « Pour être Dieu, Jésus-Christ n’en est pas moins homme. Encore au sein du Père, le Fils demande qu’un corps lui soit préparé, x, 5-9. Il veut participer à la chair et au sang comme les fils adoptifs, ii, 14, et leur devenir semblable en toutes choses hormis le péché, iv, 15 ; v, 7-8. Ainsi l’exige son rôle de prêtre, ii, 17. Il se soumettra donc à l’épreuve et en sortira vainqueur, ii, 18 ; iv, 15. Il possédera au suprême degré toutes les vertus : la confiance en Dieu, ii, 13, la fidélité, ii, 17 ; iii, 2, la miséricorde, iv, 15 surtout l’obéissance qu’il apprendra à l’école de la douleur, vii, 7-8. A part les Kvangiles, aucun écrit inspiré ne prodigue davantage les allusions à la vie mortelle de Jésus : descendance de la tribu de Juda, vii, 11 ; progrès en grâce et en sagesse, u, 10 ; v, 9 ; vii, 28 ; signes et prodiges attestant sa mission divine, ii, 1 ; tribulations et persécutions, agonie et prière au jardin des Oliviers, ii, 4 ; mort volontaire, xii, 2 ; crucifiement hors des portes de la ville, xiii, 12. Peut-être le nom de Jésus est-il choisi de préférence a celui de Christ pour mieux inculquer la vérité de la nature humaine (Jésus seul : 10 fois ; Christ : 9 fois ; Jésus-Christ : 3 fois ; le Christ Jésus, jamais ; dans saint Paul, au ontraire, Jésus seul est rare et le Christ-Jésus très fréquent). Mais nulle part la communication des idiomes n’est plus parfaite ; et le
participaoit earni et sanguini, rapproché de corpus
aplasti mihi. u. 1 1 et x. 5, ne vaut-il pas, comme formule théologique de l’incarnation, le Ycrhuni earo faclum est de saint Jean ou le In ipso inhabital omnis plenitudo dioinitatis corporaliter de l’Épttre auxColossiens.’1-’. Prat, np. cil.. 1. 1. p. 524-525.
c) Jésus-Christ glorifié. — Le mérite du Christ par rapport à sa gloire est à plusieurs reprises affirmé dans l’épître aux Hébreux. C’est parce qu’il a volontairement souffert sur la croix, que Jésus devient à un titre nouveau maître du monde et qu’il acquiert le droit de nous associer comme ses cohéritiers. Jésus s’asseoit à la droite de l’ère parce qu’il a souffert, I, 3 ; viii, 1 ; x, 12 ; xii, 2 ; et il nous associe à sa gloire, comme cohéritiers. iv. 16 ; vi, 20 ; vii, 26 ; i.x, 11, 12. 21. I.e passage de Jésus à la gloire par la résurrection n’es ! mentionné qu’une Fois, xiii, 20. De plus, dans l’épître aux Hébreux, c’est surtout en qualité de prêtre, non de roi ou de juge, que Jésus prend place à la droite de Dieu le Père et y continue son ollice de médiateur.
2. Le sacerdoce du Christ.
La médiation des prophètes, i, 1, des anges, i. 1-0 ; ii, 7-9, de Moïse, iii, 2-3, 5, n’est proposée dans l’épître aux Hébreux qu pour mieux faire comprendre l’excellence et la supériorité de la médiation du i grand pontife qui a pénétré dans les deux, » iv, 14. Jésus prêtre selon l’ordre de Melchisédecb et pontife, comme antitype d’Aaron qu’il supplante : voilà le thème sur lequel l’auteur de l’épître nous parle du sacerdoce du Christ. Jésus est appelé prêtre (Ispe’j ;) selon l’ordre de Melchisédech dans les citations du Ps. cix, 1, Heb., vii, 17, 21 ; cf. vu, 15 ; il est ispî’j ; [i-sya ; ettî tôv oïxov toù 6esû. x, 21. Ailleurs, il est àp/tspôj ; avec divers qualificatifs : pontife miséricordieux et fidèle, ii, 17 ; pontife de notre confession, iii, 1 ; grand pontife, iv, 14 ; pontife pouvant compatir à nos infirmités, etc., iv, 15 ; pontife selon l’ordre de Melchisédech, v, 15 ; cf. vi, 20 ; pontife, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et devenu plus élevé que les cicux, vii, 20 ; pontife des biens futurs, ix, 11. Il est aussi appelé « le ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle », viii, 2. La définition du pontife hébreu pris parmi les hommes, constitué représentant des hommes, appelé de Dieu comme Aaron pour offrir les sacrifices du péché, cf. v, 1-4, quoique ne convenant au Christ que par analogie, exprime bien cependant les quatre caractères essentiels du prêtre.
a) Prêtre médiateur. — Il est « établi pour les hommes dans les choses qui regardent [le culte de] Dieu. » v, 1. Il s’agit du culte social, dû à Dieu dans l’état actuel de la nature déchue et pécheresse. Et Jésus est le médiateur du Nouveau Testament, de l’Alliance plus parfaite, ix, 15 ; viii, 0, précisément parce que, les hommes ayant péché, il leur a acquis par le sacrifice de lui-même, dans son propre sang, une éternelle rédemption, ix, 12, cꝟ. 14, 26, 28 ; ii, 10, 17-18 ; v, 3 ; vu, 2 : x, 5-10, 12-14 ; ’est pourquoi nous pouvons recourir à lui avec confiance, iv, 10 ; il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause de leur salut éternel, v, 9. Il est entré dans le ciel, vii, 20, comme un précurseur, pour nous, vi, 20 ; où il peut sauver perpétuellement ceux qui, par son entremise, s’approchent de I lieu, étant toujours vivant, afin d’intercéder pour nous, vu. 25. C’est parce que le sacerdoce aaronique est insuffisant pour obtenir la rémission des péchés des hommes, viii, 7 ; cf. vii, 1 1, 15 sq., que Jésus est venu offrir son sacrifice ; mais une seule oblation a suffi pour accomplir celle rémission, i, 12, 26, 28 ; x, 10.
b) Prêtre, de même nature que nous. Mandataire des hommes, Jésus doit posséder la nature humaine :
Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous d’un seul [père] (il évo :)… Comme donc les
enfants ont participé à la chair et au sang, il y a lui-même également participé… Nulle part il ne vient au secours des anges, mais c’est la race d’Abraham qu’il vient secourir. D’où il a dû être en tout semblable à ses frères, afin de devenir auprès de Dieu un pontife miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple, il, 11. 1 I, lti-17 : c f. v. 7 : | our devenir médiateur, il a fallu que Jésus s’incarnât : entendons cette nécessité d’une nécessité hypothétique, en raison du plan divin de la rédemption, (".’est pourquoi le Christ, bien qu’élevé au-dessus des anges en raison de la nature divine, i, 13, cꝟ. 7-8, subit, dans sa nature humaine, une phase d’humiliation qui le place au-dessous des anges, ii, 7.
Il faut également insister sur l’expression : « semblable en tout à ses frères i. Cette affirmation est précisée par iv, 15. Au c. ii, v. 10, l’auteur de l’épître avait énonce la convenance des souffrances du Christ : « Il convenait à Celui pour qui et par qui sont toutes choses, et qui conduisait plusieurs enfants à la gloire, de consommer par les souffrances l’auteur de leur salut. » C’est pour nous délivrer de la crainte servile de la mort que Jésus subit librement la mort, ii, 14 : < lui prenant nos misères et nos infirmités, il se met en état de mieux connaître nos besoins et nos faiblesses, de mieux comprendre nos tentations et nos défaillances, d’y compatir enfin dans ce tempérament achevé qui sait éviter à la fois l’excès d’indulgence et l’excès de rigueur (jxsTpi.o7Ta0s : v). » Prat, op. cit., t. i, p. 529.Cf. ii, 18 ; iv, 15 ; v, 2. Une limitation cependant s’impose à cette ressemblance, dont la convenance s’imposait ; le Christ n’a pu, en compatissant à nos infirmités et en éprouvant comme nous toutes sortes de tentations, connaître la souillure du péché, iv, 15. Le pontife ne saurait avoir de péché, lui qui doit Offrir le sacrifice pour les péchés des autres : autrement il aurait besoin, lui aussi, d’autres prêtres pour suppléer à son insuflisance. vii, 26.
c) Prêtre, appelé par Dieu. — Pour supplanter Aaron et sa descendance, régulièrement investi par Dieu du sacerdoce, il fallait un appel spécial de Dieu. Tel fut le cas de Jésus-Christ, v, 4-0 : « Ce n’est pas le Christ qui s’est glorifié lui-même pour devenir pontife, mais c’est celui qui lui a dit : Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui. » Cf. Ps. cix, 3. Par cet appel. Dieu lui a conféré le sacerdoce suprême. Le Fils est Fils de toute éternité ; mais les paroles du psalmiste se rapportent au moment où il prend la nature humaine. Donc, en se faisant homme, il est par le fait même consacré prêtre. Les théologiens traduiront plus tard cette vérité en affirmant que le Christ a reçu l’onction sacerdotale par le fait même de la grâce de l’union hypostatique, par lequel il acquiert toute puissance relativement aux fonctions sacerdotales. Dieu lui-même a sanctionné par un serment le sacerdoce du Christ, ce qu’il n’avait point fait pour les prêtres de l’ancienne loi, vii, 17-22. Ce serment, emprunté au Ps. cix, 4, marque le transfert du sacerdoce aaronique en Jésus-Christ ; mais ce n’est pas une simple substitution de personnes ; il y a vraiment changement du sacerdoce lui-même, vii, 11-12 ; 20-22 ; viii, 0-7 ; 13. J.e nouveau sacerdoce est < selon l’ordre de Melchisédech ».
d) Prêtre i selon l’ordre de Melchisédech ». — Melchisédech est la figure du Christ-prêtre. L’expression
prêtre selon l’ordre de.Melchisédech », appliquée au Messie futur est tirée du Ps. ux, I. On la retrouve dans Heb., , 6, lo ; m. 10 ; vii, il. 17. Sur Melchisédech, figure de Jésus-Christ, voir Hébreux (Épttre aux), I VI, col. 2105-2100. Trois circonstances ont été mises en relie ! par l’auteur de l’épttre : l’élyinologie des noms, la conduite d’Abraham à l’égard du prêtre-roi de Salem et le silence de l’Écriture relativement a son origine, ". Melchisédech signilie < roi de justice » et
roi de Salem, i roi de paix ». Le règne du Messie doit être le règne de la paix et de la justice. Melchisédech est prêtre-roi ; prêtre et roi sera le Christ, dont l’auteur de l’épître associe presque toujours la royauté et le sacerdoce (àpy.spe’jç), cf. col. 1117. — b. Melchisédech bénit Abraham, Gen., xiv, 18-19, et Abraham lui pair la dîme. v. 20. Cf. Heb., vii, 1-2. La bénédiction est accordée par le supérieur, vii, 7 ; le paiement de la dîme est un indice de sujétion. Par le double geste de Melchisédech et d’Abraham s’affirme donc la supériorité île Melchisédech, et, à plus forte raison de celui dont il est le type. Heb., vii, 4-11. — c. Le silence de l’Écriture touchant Melchisédech, qui est « sans père, san^ mère, sans généalogie ; n’ayant ni commencement de jours, ni fin de vie, » Heb., vii, 3, est encore plus significatif. Il marque que le sacerdoce de Jésus est possédé à titre personnel et non par voie d’héritage, et que. par conséquent, sa descendance du sang de Juda ne pourra mettre obstacle à ce sacerdoce, ’toutefois, il faut que la prérogative du sacerdoce aaronique soit abolie pour qu’existe le nouveau sacerdoce, vii, 11-12. JésusChrist est donc exclusivement prêtre selon l’ordre de Melchisédech : S’il était sur la terre (c’est-à-dire s’il était de l’ordre d’Aaron), il ne serait pas même prêtre, d’autres étant déjà chargés d’offrir les dons selon la loi, » viii, 4. Melchisédech est aussi le type du Christ-prêtre par l’éternité du sacerdoce, éternité figurée par l’absence de généalogie dans des jours sans lin ni commencement, qui est un des traits de la figure du roi-prêtre de Salem. Le Christ est prêtre in utcrimm. v, 6 ; vi, 20 ; vii, 17, 21 ; in perpeluum, mi. : î : cf. vii, 25. Entendons toutefois que ce sacerdoce, qui a commencé en Jésus-Christ avec l’incarnat ion, serae éternel » comme l’union hypostatique elle-même, c’est-à-dire ne finira jamais ; et cela, parce que Jésus le possède < non selon la disposition d’une loi charnelle, mais selon la puissance d’une indissoluble vie, » vii, 10. La loi charnelle fait prêtres ceux qui naissent du sang d’Aa ron ; l’union hypostatique indissoluble fait le sacerdoce sans terme de Jésus. Les prêtres selon l’ordre d’Aaron disparaissent, i empêchés qu’ils sont par la mort ; mais [Jésus ] détient un sacerdoce inamovible, pane qu’il demeure à jamais… toujours vivant afin d’interpeller pour nous, » vii, 23-25. Jésus n’a exerce par lui-même qu’une fois son sacerdoce, en s’immolant d’une immolation surabondante pour la rémission des péchés ; mais il est prêtre et demeure prêtre dans l’éternité. Sur l’éternité du sacerdoce du Christ, on trouvera plus loin, col. 1338, les explications des théologiens. Jésus fut prêtre dès le premier instant de sa vie mortelle, bien qu’il n’ait exercé son sacerdoce qu’à la croix. Cette dernière remarque suffit a montrer qu’en représentant Melchisédech comme le type de Jésus-Chr.st, l’auteur de l’épître aux I [ébreux ne pouvait s’arrêter à l’offrande’du pain et du vin. Gen., iv. 18, ( omme type de l’Eucharistie. Il n’exclut pas sans doute l’Eucharistie, a laquelle il fait probablement allusion, xiii, 10, mais, « tout occupé qu’il est à démontrer que le Christ consomme à jamais les élus par un seul sacrifice, que l’offrande pour le péché devient inutile dès que le péché est surabondamment expié, que l’insul Qsance des anciens sacrifices ressort Justement de leur
répétition, il ne pouvait mettre eu relief l’oblalion qui se répèle et la victime qui s’Immole périodiquement sur l’autel, sans s’obliger à expliquer comment le sacrifice eucharistique reproduit, commémore et ne multiplie pas le sacrifice sanglant du Calvaire. » F. Prat, a/), cit., p. 531.
Sur la cbrlstologie de l’Épi tre aux Hébreux, voir Lebreton, Le » origines du Dot/me de la Trinité, Paris, 1919, i>. 109 s(|. : el note G., p. 570 sq. ; F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, 1. 1, p. 197-550 ; V. Thalhofer, Die Opferlehre des Hebràerbrtefs, Dllltngen, is.")0 ; J. Cor
luy, Spicilegium dagmaitco-biblicum, G and, 1884, t. i. Voir aussi 1 1 1 BRI i v (Épttit aux), roi. 2109-2110.
17II. LA THÊOLOaiB JOHASSIQVB DV « VERRE ISCARSÊ ». - 1° Les buts de celle théologie. — En employant le mot théologie. nous n’entendons nullement affirmer que saint Jean, dans ses écrits, ait proposé une christologie particulière du Christ, modifiant les données préalablement reçues dans la révélation. A plusieurs reprises déjà, voir col. 1 151 sq., nous avons trouvé saint Jean pleinement d’accord avec les synoptiques pour nous retracer la physionomie humaine de Jésus. Et ici nous n’insisterons pas sur cette parfaite concordance du quatrième évangile avec les trois premiers. Mais saint Jean, le dernier des apôtres qui ait écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint, a vu la foi primitive de l’Église aux prises déjà avec les erreurs naissantes. Écrivant son évangile, il a un but plus précis que les synoptiques, but nettement dogmatique et surtout christologique : « Jésus a fait encore en présence de ses disciples beaucoup d’autres miracles cpii ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-ci oui été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, ô Xpio-àç, ô uîoç toB 0EOÛ, et afin cpie, croyant, vous ayez la vie en son nom. Joa., xx, 30-31. C’est pourquoi, bien que toutes les idées renfermées dans les écrits johanniques. appartiennent au dépôt de la révélation, le but recherché et la méthode employée par l’apôtre accusent nettement un procédé théologique. Plus encore que saint Paul, saint Jean doit être dit « théologien > et la tradition l’a, d’ailleurs, consacré tel. Théologien du Verbe incarné, saint Jean se propose non seulement de compléter les trois évangiles antérieurs, mais encore de réfuter les premières erreurs naissantes. Deux hérésies principalement, à la fin du Ie e siècle déjà, commençaient à se manifester, le gnosticisme et le docétisme. Sur la première de ces hérésies au temps de saint Jean, voir t. vi, col. 1440 et CÉRiNTin, t. îi. col. 2151-2156 ; sur la seconde, voir t. iv, col. 1488. Cérinthe niait la divinité de Jésus, fils de Joseph et de Marie, homme plus parfait que les autres hommes, mais simplement homme comme les autres, sur lequel, au baptême, se reposa l’Esprit saint le consacrant ainsi Fils de Dieu. A l’opposé, les docètes ne regardaient l’incarnation du Verbe que comme une simple apparence sans réalité externe. Le théologien du Christ sera donc, à l’égard de ces hérétiques le théologien du « Verbe incarné. C’est sous cet aspect que le Christ nous est très fidèlement rappelé par saint Jean, soit que l’auteur du quatrième évangile ait choisi parmi les discours de Jésus ceux qui se rapportaient le plus directement au but dogmatique qu’il poursuivait, soit qu’il ait recueilli 1 - récits les plus propres à démontrer sa thèse. Nonobstant ce but dogmatique, le quatrième évangile garde toute son historicité. Voir Jean (Évangile de suint), col. 539, et M. Lepin, Lu valeur historique <lu quatrième évangile, Paris, 1910.
Avant toutefois d’exposer la doctrine du quatrième évangile touchant le Verbe incarné, il est nécessaire de rappeler brièvement la doctrine touchant le Chris ! exposée dans l’Apocalypse.
2’La christologie de l’Apocalypse.— L’Apocalypse, voir t. i, col. 1 177, s’attache au Christ glorieux principalement. Sans doute, on y retrouve plus d’un t rai t messianique : Apoc, ii, 27 : xii, 5 ; xix, 5, comparer l’s., ii, !) et Ps. Sol.,
. 21 : Apoc. i. 1 li : ii, 1 2. 1 6 : xix, 15, comparer Is., xi, l ; xux, 2 ; Sap., xviii, 15 ; — mi ri ou t Apoc, i. 13sq., XIV, l (.comparer Dan., vii, 13 ; X, 5. Mais, prophète chrétien, l’auteur envisage sur tout le Christ triomphateur ; voir surtout Apoc, i, 12-16 ; xiv, M ; xix, lt-16 Ce triomphe du Christ
est le prélude et le gage du triomphe des chrétiens, v, 10 ; vii, 17 ; xiv. I. l ; xix, 9, 1 I. Aussi Jésus est-il appelé Apoc., I, 5, 6 7rpcûTÔTOX0Ç tmv vsxptov, comme dans saint Paul. Col., i, 18. Ce triomphe est à la lois, l’apanage de la nature divine du Christ, voir Fils de Dieu, t. v, col. 2101, et le prix des souffrances du Christ, considéré dans sa nature humaine, m. 21 : v, il ; cf. i, 7 ; i, 18 : de là le nom si fréquemment employé dans l’apocalypse d’Agneau (immolé) qui rappelle les souffrances endurées par Jésushomme avant d’entrer dans sa gloire, v, 12, etc. Dans le Nouveau Testament, l’Apocalypse est le seul livre où ce nom, tÔ àpvîov, soit appliqué au ChiisL (29 fois). Cf. Joa., i, 29, 36 (deu-vôç) ; Act., viii, 32 ;
I Pet., i, 19 (M.). Les noms de Jésus, Apoc, i, 9 ; xii, 17 ; xiv, 12 ; xvii, 6 ; xix, 10 ; xx, 4 ; xxii, 16, de Jésus-Christ, i, 1, 2, 5 ; de Christ, xi, 15 ; xii, 10 ; xx, 4, 6, marquent également l’existence effective de l’humanité en celui qui, par ailleurs, est le Verbe de Dieu, xix, 13, et qui, symboliquement, est appelé le lion de Juda, v, 5, ou la racine de David, ibid., xxii, 16, en souvenir de son origine. L’Apocalypse confesse la résurrection, i, 5, 18 ; ii, 8 et l’ascension, m, 21 : vii, 17. Sur l’œuvre de Jésus Christ dans l’Apocalypse, voir 1. 1, col. 1477.
3’Le Verbe Incarné dans le Prologue (Joa., i, 1-18).
— Au point de vue de la constitution intime de la personne du Verbe incarné, nous n’avons rien à ajouter ici à ce qui a été dit à Fils de Dieu, col. 2105-2106, et Hypostatique (Union), col. 446-447. Mais deux remarques nécessaires sont à ajouter ici.
Le Verbe incarné du prologue, c’est bien Jésus-Christ qui s’est manifesté aux hommes, après avoir été prédit par les Prophètes et annoncé par Jean-Baptiste. Le Verbe de la théologie johannique est le Christ de l’histoire. Tout d’abord le Christ, éternellement préexistant, est nettement désigné dans les premiers versets, i, 1-5. Verbe divin, Dieu lui-même, il a fait toutes choses ; il était vie et lumière, c’est-à-dire puissance d’expansion et de rayonnement. Ainsi nous ne sommes pas étonnés que ce Verbe, vie et lumière, se manifeste aux hommes. Jean-Baptiste est le témoin de cette manifestation : il vint « pour rendre témoignage à la lumière ». Jean n’était que témoin ; Jésus-Christ,
— car c’est de lui qu’a rendu témoignage le Baptiste, cf. i, 15-18 — était la lumière qui éclaire tout homme Bien avant qu’il se manifestât par l’incarnation, le Verbe était dans le monde, i, 10. Le inonde est son œuvre ; il y était habituellement présent, sv t<o x.onito vjv, et malgré cette présence dans son œuvre, « le monde ne l’a pas connu ». Ce que saint Paul, après l’auteur de la Sagesse, cf. Act., xiv, 15-17 ; xvii, 30 ; Bom., i, 18-22 ; Sap., xui, 1 sq., explique de Dieu, saint Jean l’applique au Verbe. Saint Jean fait ensuite allusion aux théophanies de l’Ancien Testament (qui, ailleurs, sont rappelées comme des manifestations du Verbe, xii, 41 ; cf. viii, 56) : il vint chez les : siens et les siens ne l’ont pas reçu, v. 11, tout en visant cependant la manifestation suprême de l’incarnation. Ceux qui toutefois l’ont reçu ont déjà été favorisés du bienfait de la libation adoptive, ꝟ. 12-13. Et enfin l’incarnation a été réalisée : Et Vcrbum caro faclum est.ꝟ. 14. Ce Verbe fait chair, c’est Jésus-Christ, qui i a habité parmi nous », y 14, et dont Jean a rendu témoignage, v. 15.
II y a, dans le prologue, « fusion intime de la théologie du Verbe et de l’histoire « lu Christ. Lebreton, op. cit., p. 162.
tue seconde remarque s’impose, qui témoigne de l’unité de doctrine du prologue et du reste de l’évangile. Dans l’évangile, le nom du Verbe n’est plus prononcé. Mais les concepts île vie, de lumière et d vérité sur lesquels saint Jean insiste dans le prologue, la vit la lumière, la vérité, s’identilianl avec le Verbe, se 1243
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LA THÉOLOGIE PAULINIENNE
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retrouveront sans cesse dans l’évangile ou la I ri épître ; ils marquent les rapports du Verbe fait chair avec les hommes, rapports qui précisément se sont manifestés par l’incarnation. Jésus est la vie, Joa., xi. 25 ; xiv. 6 ; cꝟ. 1 Joa., i. l. Mais : la vie était la lumière des hommes. Joa., i, 4, et encore Joa., viii, 12 : Je suis la lumière du monde : qui me suit… aura la lumière de vie. Cf. ix. 5 : xii. 46 ; et mi. 35, 36 ; I Joa., ii. 10. I. évangile proclamera aussi que le Christ est vérité, Joa., m. 21 ; xiv. 6 ; cf. I Joa.. i. 8 ; ii, 1 : < lumière véritable, Joa. i. 9 ; « vrai pain », vi, 32 : Mail’vigne. v. 1. C’est parce qu’il est la vérité substantielle que Jésus-Christ est vrai Dieu : « Nous savons que le Ris de Dieu est venu et nous a donné l’intelligence pour connaître le Véritable ; et nous sommes dans le Véritable en son tils Jésus-Christ. »
I Joa., v, 20. Cf. Fils de Dieu, col. 2395.
4° Le Verbe incarné dans le corps de l’Évangile. — Sur’a christologie de saint Jean dans le qua dit me évangile, voir Jean (saint) col. 565-570. 1. Le Verbe incarné, vie des hommes. Dans son enseignement, fidèlement rapporté par saint Jean. Notre-Seigneur Jésus-Christ affirme sa divinité. Il est le Messie préexistant et transcendant ; il est le Fils de Dieu, procédant du l’ère par voie d origine, de gêné ration. Sur la divinitéet les relal ions de Jésus à son l’ère. voir Jean (suint), col. 565 sq. Mais les concepts de vie. de lumière, de vérité qui paraissent nous amener tout droit à la transcendance divine et, par conséquent, à la foi en la divinité de Jésus, ne sont pas, en réalité, immédiatement divins. Ils expriment des rapports mystérieux, mais très réels, de Jésus-Christ vis-avis des hommes. Il est la vie : il est notre vie ; il est la lumière, il est notre lumière : il est la vérité, il est notre vérité. Il est notre vie, car il est le Sauveur, m. 17 : il est la source d’eau jaillissante jusque dans la vie éternelle, iv. 14 ; il est le bon I’asteur qui donne sa vie pour ses brebis., m sq. « Je suis la résurrection et la vie (dil Jésus) : quiconque croit en moi, même s’il est mort, vivra.ct quiconque vil et croit en moi, ne mourra pas éternellement, x. 25-20. i Le 1-ils vivifie qui il veut. v, 21. Si l’on considère la source de vie, au point de vue eschatologique. < est par lui que nous vivons. Joa.. iv, 9. Chez saint Jean, Jésus apparaît comme possédant la plénitude : c’est lui qui ressuscitera les hommes au dernier jour, vi, 39, 40, 44, 5-1 : dans les autres livres du Nouveau Testament, cf. Luc, xx, 38, et chez saint I’aul notamment. Rom., m
II ; II Cor., ï. 9 : iv, 14 ; Heb., xi, 19, les chrétiens seront ressuscites dans l.i Christ, mais par le l’ère ; bien plus, chez saint Jean. Jésus s’est ressuscité lui-même d’entre les morts, u. 19, tandis que dans les textes plus anciens c’est le l’ère qui l’a ressuscité. Act.. iii, 15. 26 : iv. 10 : v, 30 : x, 40 ; xiii. 30 sq., Rom., iv, 24 : viii. Il : x, 9 ; 1 Cor., vi. 14 ; xv. 15 : Il Cor., iv, 11 : Cal., i, 1 : I pli.. ï. 20 : Col., u. 12 ; [ Thes., i, 10 : I Pet., i, 21. Ces deux conceptions ne sont pas contradictoires. car la plénitude de la vie, en Jésus, lui est communiquée par le Père, el dans son épître aux Smyrniens. saint Ignace écrit, ii, àvéa~/)a£v èa’jT.v, el vu. 1, r, v (aâpva’]7)aoû) Tyj ypraTÔT^Ti ô narjjp ifreif ev. Si l’on considère la source de vie au point de vue de la vie présente, la doctrine de saint Jean concorde pleinenu ni, quoique sous des formules différentes, avec celle de saint l’aul déclarant le Christ * chef de l’Église Cf. col. 123.’!. L’allégorie de la vigne, Joa., xv, l sq. a la même signification que l’image paulinienne <u corps humain : le cep et les sarments sont unis comme le chef et les membres. Il y a communication réelle, physique, de la vie iu chef dans les membres, du cep dans les sarments. I. union du chrétien au Christ, condition de la communication de la vie, est marquée pai ces mots : 1 Restez en moi et moi en
vous. » Cf. vi. ôti : xv, 4, 5 : I Joa.. m. 24 : s’il pouvait encore y avoir quelque doute sur la réalité physique de cette communication, la doctrine de la vivifieation par la chair du Christ, Joa., vi, 51-58, suffirait à le démontrer. Il s’agit d’une union si intime que Jésus n’hésite pas a dire : <> De même que je vis par le Père. ainsi celui qui me mange vivra par moi, » vi, 58 : l’union qui est ici décrite est i une véritable union physique, impliquant le mélange des deux vies, ou plutôt la participation du chrétien à la vie même du Christ. 1 Lebreton, op. cit., p. 479. Mais de plus, la perspective eschatologique et la réalité de la vie présente se rejoignent ici : < Quiconque mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, el je le ressusciterai un dernier jour. 1 vi, 55. Cette action vivifiante de la chair même du Christ nous amène nécessairement à la double conclusion qu’envisage avant tout saint Jean et qui explique le mystère du Verbe incarné : d’une part l’humanité réelle et intégrale du Christ, toute pénétrée de son esprit vivi liant, et d’autre part, cet esprit vivifiant lui-même, qui n’est autre que la nature divine.
2. Le Verbe incarné, lumière des hommes. — Nous pouvons faire le même raisonnement sur le concept de lumière, appliqué au Verbe. I.e Verbe est la lumière : car la lumière est l’attribut de la divinité. l’s.. xxxvi, 10 ; Ex., xix. lt> : xiii, 21 ; cf. ls.. xi.ix. 6 : Sap.. vu. 26 ; Luc, n. 32 : Malth.. xvii, 2 : Apoc, 1. 16 ; xxi. 23. Mais il est notre lumière. Tout comme saint l’aul. cf. I-.ph.. v, 8 : I Thess.. v. 5. saint Jean nous rappelle que le Christ est < venu dans le monde comme lumière. xii, 46. « Dès lors, dès sa vie sur terre, il éclaire les hommes bons et mauvais : ceux qui croient a la lumière deviennent enfants de lumière, xii, 36 ; ils ne sont plus dans les ténèbres, ils marchent en toute assurance, sans cr 1 ndre de trébuche] sur la roule, xii. 16 ; xi, 9, 10 ; viii, 12. Jadis l’Israélit. disait à Jahvé : l’a loi est une lumière sur mon chemin. » Ps., cxviii, 105 : le Christ est plus encore pour le chrétiens : c’est une lumière intime qui les environne et les pénètre ; ils marchent dans la lumière et L lumière est en eux. xii, 35 ; I Joa.. 1. 7 : u. 10. Le v méchants, eux aussi, sont atteints par cette lumière : elle les discerne et les juge : < et voici ce jugement : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont plus aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, un, 19-21. 1 Lebreton, op cit., 472-473. Par la lumière du Verbe, les mauvais
sont déjà jugés, iii, 18.
La lumière du Verbe, c’est son enseignement : lés hommes sont dans la lumière, s’ils sont les disciple : du Christ. 1. 8. n. 3. et c’est en les confrontant ave< cet enseignement, que les œuvres des hommes appfl laîtiont bonnes ou mauvaises, m. 20-21. Ce Christ est notre Maître, xiii, 13 : et c’est lui qui, avant reçu par nature le dépôt des secrets divins est chargé de nous les faire connaître. Joa., I, 18 ; ni. 12 ; vii, 28-29 vm. 38 : xiv. 7 : cf.Maltli.. xi. 27. voir col. 1212. Mais la manifestation des secrets divins aux hommes pai le Verbe suppose, de sa part, une communication orale : cette communication, c’est le témoignage que Jésus est venu apporter à Dieu son l’ère. Joa., v. 36, 38 : manifestant son nom aux hommes, xxii. 0, 2(3 ; enseignant en public dans la synagogue ou dans le
temple, xviii, 20. De la vérité de cet enseignement, Jésus a qui le l’ère rend cependant témoignage, se
porte lui-même garant, viii, 11. 18 ; et ses œuvres témoignent de sa véracité x. 25 : xiv. 12. Ici encore renseignement de Jésus manifeste son humanité el l’autorité de cet enseignement décelé sa divinité.
3. Le Verbe incarné, vérité du monde. Lumière des hommes, le Christ est venu rendre témoignage à la Vérité, xviii, 37, a celle vérité qu’il est lui-même. La 1245
JÉS1 S-CH U [ST ET LE DOGME
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N’éritô. ce n’est pas seulement, chez saint Jean, la véracité de l’enseignement, wi. 7 : xvii, 17. mais c’est encore et surtout la réalité divine. Avant Jésus, tout était ombre ; en lui est apparu la réalité. Mais cette réalité s’étend a ceux qui acceptent son enseignement et quittent les ténèbres pour venir à la lumière. Dr même que Jésus est la lumière vraie », ses disciples seront de i vrais adorateurs », iv, 23 : ils connaîtront la vérité et la vérité les délivrera, un, 32. Ils accomplissent la vérité, m. 21 : I Joa., i. G ; ils viennent de la vérité et lui appartiennent, xvin. 37 ; 1 Ioa., ii, 21 : ni, 1*1. Cette réalite divine, possédée par les hommes, commence par la loi. par laquelle nous connaissons la vérité qui conduit à la vie éternelle, iii, 18. 36 : v, 2-4 : vu. 38 ; x, 25-28 ; et. vi, 69-70 ; xvii, 3 ; c’est là vraiment l’œuvre de Dieu. vi. 29 : mais elle suppose aussi, dans les œuvres et dans l’âme du disciple du Christ, la charité, xv. 7-10, 12. et surtout I Joa., iv. 12 : v. 2t. C’est une pénétration totale de l’âme par Dieu. Cf. Joa.. XTV, 23. Demeurer dans la vérité. demeurer dan » le Christ, demeurer dans la charité. c’est tout un. « Quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu. Dieu demeure en lui et lui en Dieu. Quant à nous, nous avons connu la charité que Dieu a pour nous, et nous y avons cru… Qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. I Joa, iv, 15-16 ; cf. Jca., xv, 7-10. Or, la vérité comme la charité se sont manifestées dans l’incarnation, et Jésus lui-même, pour affirmer la réalité de son incarnation est venu sur terre avec l’eau et le sang, I Joa., v. 6. l’eau de son baptême, le sang de sa passion, et, en même temps, l’effusion de l’eau et du sang, sortant du côté du Christ mort en croix. Et le triple témoignage de l’Esprit, de l’eau et du sang, atteste l’incarnation du Fils de Dieu. v. 8.
4 Conclusion : le rédlisme de saint Jean. — La doctrine, spir tuelle entre toutes, de la vie, de la lumière, de la vérité, aboutissant à la réalité de l’incarnation nous amène à constater dans l’évangile « spirituel » un réalisme intransigeant relativement à la christologie. Dès le prologue, le Verbe qui est en D eu, qui est Dieu, en qui se trouve la lumière et la vie, ce Verbe s’est fait chair (le mot chair marquant ce qu’il y a de plus matériel dans l’humanité) et a habité parmi nous. Dans la promesse de l’Eucharistie, c’est le mépris de la chair et l’estime exclusive de l’esprit qui s’afiirme. « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de ri en. vi, 04 : mais en même temps, Jésus, au scandale des Juifs incrédules et des disciples hésitants, déclare péremptoirement : Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous, i vi. 54 ; cꝟ. 55, 56, 57, 59. C’est encore le ouci d’affirmer la réalité de la chair et de la mort du Sauveur qui fait relater à saint Jean la soif ressentie par le Sauveur en croix et le coup de lance du soldat, entrouvrant le côté du Christ et faisant jaillir de la plaie le sang et l’eau, xix, 28-29, 34. Le même souci, dans les récits de la résurrection, oii Jésus apparaît comme dégagé des lois de la matière, xx. 19, pousse l’apôtre Jean à spécifier qu’il montra a ses apôtres ses mains et son côté. » Ce réalisme ne s’explique que par le mystère du Verbe incarné. Jésus unissant en lui la nature divine et la nature humaine, et les unissant dans une seule personne, eu vertu de l’union hypostatique : le première épître johannique contient les plus belles manifestations de la foi primitive en l’incarnation. N’oublions pas que « est un témoin de la vie historique de Jésus qui écril ceci : « Ce qui élait fies le principe, ce que nous avons en tendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce q le nos mains ont touché du Verbe de Vie car la Vie s’est manifestée ti nous avons vu et nous attestons et nous vous annonçons
la vie éternelle, qui était pics du Père et nous est ap|ui rue, ce que nous avons vu et en endu, nous mi l’annonçons ». Il s’agit doue, si l’on veut rester dan la foi véritable qu’insp re l’esprit de Dieu, de ne p détruire ou diviser Jésus-Christ.’Tout esprit qui cou fesse que Jésus-Christ est venu dans la chair est d Dieu, el tout esprit qui divise Jésus | qui ne confesst pas que Jésus est venu dans la chair | n’est point de Dieu, et celui-là est l’Antéchrist, t iv, 3. Et déjà, malheureusement, dès le ie siècle i beaucoup d’imposteurs se sont introduits dans le monde, lesquels ne confessent pas que Jésus-Christ est venu dans la chair ; ceux-là sont des imposteurs et des antéchrists. II Joa., 7.
Voir Fils de Dieu, i. v, col. 2397, 2406.
III. JÉSUS-CHRIST ET LE DOGME.
Les derniers textes que nous venons de citer vies épîtres I johanniques, surtout I Joa., i, 1, attestent avec une évidence complète que le Christ de la foi est bien celui qui a vécu et s’est manifesté historiquement aux hommes comn12 le Verbe de vie. Paul et Jean ont cer tainemsnt ajouté quelques traits ou du moins accen1 tué certaines lignes de la figure auguste du Sauveur : mais le portrait tracé par les synoptiques n’a pas été modifié. Voici maintenant que le Christ des livres inspirés du Nouveau Testament est livré à la tradition vivante de l’Église. Cette tradition, on le sait, n’est autre que le magistère infaillible : elle gardera donc jalousement dans toute sa pureté le divin portrait. La foi des fidèles, guidée par l’enseignement officiel, se fixera en des formules qui, elles aussi, pour ont acquérir précision et clarté, mais jamais ne se contrediront l’une l’autre. Ces formules traduisent extérieurement le dogme, dont le sens, exprimant l’objet matériel de notre foi, ne saurait varier tout en progressant. Étudier ici la vie du dogme de Jésus Christ serait impossible ; d’une part, on ne saurait la circonscrire dans les limites, — si extensibles soient-elles — d’un article de dictionnaire ; d’autre part on serait obligé de lomqer dans mille redites inutiles. Cette vie, en effet, a déjà été ou sera étudiée d’une , façon fragmentaire sans doute, mais plus immédiatement utilisable, dans les articles concernant les hérésies christologiques ou les conciles ayant trait au dogme de l’incarnation. Nous nous contenterons donc ici de brèves indications, utiles à la fois pour synthétiser l’histoire de ce dogme et pour diriger le lecteur dans se recherches. Nous établirons surtout le progrès des formules qui traduisent le dogme catholique, l. Les deux premiers siècles — II. Le troisième siècle (col. 1251). — III. Le quatrième siècle (col. 1257). — IV. Progrès dogmatiques postérieurs (col. 1266).
I. Le dogme de Jésus-Christ dans lks deux PBJ MlEliS SIÈCLES. — I. LES PREMIÈRES FORMULES DE la FOI. — - 1° La catéchèse primitive. L’existence
d’une catéchèse primitive, contenue dans un forum laire oral rédigé par les apôtres, ne semble pas pouvoir être révoquée en doute. Elle est supp » sée par Luc, i,
- Act.. xviii, 25 ; I Cor., iv, 17 ; xiv, 19 ; xv, 1-11 :
Gal., vi. (i ; Rom., vi, 17 : lleb., vi, 1-2 et sans doute I Thess.. iv, 1 ; Il Thess., ii, 15 ; iii, 6 : Rom., xvi, 17 : Act., xviii. 2°). Cl. Prat, L" théologie de suint Paul, t. u. Noie li. 1. Sur le contenu de cette catéchèse, au point de vue historique et dogmatique, voir Prat, ibid., 2. Au point de vue historique, elle devait renfermer îles développements assez considérables touchant la vie de Jésus, ses actions, ses discours. C’étaient les-rà reepl’Iijooû de Act., xviii, 25.
Au point de vue dogmatique, Seeberg a essayé d’en déterminer les éléments constitutifs, d’après saint Paul, I Cor., xv. 3 sq., complété par quelques autres passages de ses épîtres d Tim., iii, 13 ; II l’im.. n.2, 8 ; iv, I.
1247
- JÉSUS-CHRIST##
JÉSUS-CHRIST. LE DOGME AUX 1er ET lie SIÈCLES
1248
0eôç ô Çûv, ô x.TÎaaç -rà rrav-ra, àrrÉaTô’.} s tov ulôv aÙToû’Ir ( co’~v XpiaTÔv tôv yev6|iEW>v ex. (î-£p[i.iToç Aa’jsià. 6ç à-É0av£v Û7rèp tô>v àu-ypTitôv ? ; p : wv x.aTà Taç vpaoàç xai ÈTaçr, Ô ; Y | - ; jpOr l Tjj r ( uipa T}j Tpi—r, x.aTa Ta ; YpaÇ&ç xai éo’yO/ ; K ? ( ça xai toîç ScôSexa, Ôç £xâ-O’. tev sv Se^iqi toû 0£'>'"j èv toîç oùpavoïç’J^oTx-ewwv KOT<j> Traaûv tôv àpycov xai i£ououi>v xai Suvàfiecav xai epxeraièTtl tcov veçeXôjv toû o&pavoû (jLeràSuvafJLexûçxal S6£l)ç ttôXXTjÇ. />r Kateehismus der Urcliristentieit, Leipzig, 1903, p. 85. Cf. Das Evangelium Christi, Leipzig, 1905. On peut accorder à Seeberg que ce credo embryonnaire faisait partie de la catéchèse primitive ; mais on doit affirmer que ce credo ne se présentait pas sous une forme invariable et n’était pas limitatif. En ce qui concerne le Christ, il faut admettre que l’article du jugement final par Jésus-Christ devait exister. Cf. Rom., 11, 16 ; XIV, 10 ; II Tim., iv, 1 ; Act., x, 12 ; xvii, 31 ; Heb., vi, 2 ; I Pet., iv, 5 Voir Catéchèse, t. ii, col. 1X79-1880.
2° Le symbole primitif.
1. En Orient. — Y eut-il
un symbole unique, dès lene siècle, pour les églises orientales ? On a pensé retrouver les traces du symbole des apôtres dans les professions de foi qu’on peut former des textes de plusieurs Pères des 11e et 111e siècles et qui, en ce qui concerne l’incarnation, rappellent en les groupant, les vérités relatives au Fils de Dieu fait homme, né de la vierge Marie, mort sur la croix, ressuscité le troisième jour et monté aux deux.
D’autres pensent que ces formules s’expliquent naturellement et suffisamment par le contenu du Nouveau Testament. Voir Apôtres (Symbole des), t.i, col. 1009-1670. Il s’agit principalement des formules données par Origène, le presbytérium de Smyrne, Aristide, saint Ignace d’Antioche. Cf. Hahn, Bibliotek der Symbole und Glaubensregeln der alten Kirche, Breslau, 1897, §1, 2, 4, 8. La seule formule baptismale dont nous ayons trace certaine, dans la xixe catéchèse de saint < vrille de Jérusalem, peut se ramener aux termes suivants : 1 [loteOcù £i ; … TcxTÉpa. x.v.i si : rôvol6v, xai zlz T0 7rv£ r (i.a tô àyiov, xai EÎç (îârcT’.cjjta uxTavotaç Miv aji.apri.wv.
2. En Occident, la formule baptismale existe très
certainement ; c’est le symbole dit des apôtres. Sur l’histoire et les variations du texte du symbole des apôtres, voir t. 1, col. 1660 sq. Au irsiècle la formule primitive devait être celle-ci, très explicite en ce qui concerne le dogme de l’Ilomme-Dieu : ILoteûm sic É’va 6e6v7tarépa itavTOxpàTa)pa, xal si : ’l7)c>oûvXpiaTOv TÔV olôV -i’jZ’j j tov XOplOV j)U, ÛV, TOV £vv.’OÉvr’/ èx I lap-Oévou, ~.’<ï>zQovriou HiXàTOu erraupcoOévia, ttj Tptffj Tjjjtépa àvaoràvra èx vexpûv", àvoq3àvra si : roùç oopavouç, Ka9^(iEvov èv Seçtqt toû I Ia-rpôç 60ev Ep/sTatzp’ïvai Cùvraçxalvsxpooç xaletçxo rcve ; a-/ ay.ov.I.emot ëw. effacé depuis, est primitif ; il a dû disparaître lorsque se produisit l’hérésie monarchienne qu’il paraissait favoriser. Quant à rocrépa, il faut probablement le considérer comme primitif ainsi que Êva, et affirmant l’universelle paternité de Dieu créateur. Cf. Tixeront, Histoire des Dogmes, 1915, 1. 1, 1°. 168. 3° Les formules de foi chez les Pères Apostoliques. —
1. L< ; Didaché. Sur l’incarnation et Jésus-Christ, voir Apôtres (Doctrine des douze), t. 1, col. 1684.
2. Saint Clément (1"’épître ad Corinlliios). Sur
Christ, voir Clément l, r de Rome, l. m. col. 52.
- '.. Saint Ignace d’Antioche. — Sur l’ensemble de
sa christologie, voir Ignace d’Antioche (s<iint). t. vii,
col. 703-704. Nous croyons devoir ici insister sur un
point de vue spécial a saint Ignace, et qui marque
bien comment s’effectue, dans un dogme de croyance
explicite, le passage de la lui simplement exprimée, .1 la ici plus parfaitement expliquée. Pour Ignace, la manifestation humaine de Dieu, 0eo i iv6ptù7ttvoiç çavs i.Xz / ; < : /, - ! -I. constitue l’olxovopia. Eph., xix.
3, xviii. 2 ; xx, 1. Cette « économie » est ruinée par le docétisme qui nie la réalité de l’humanité du Sauveur, sa descendance davidique et la vraie maternité île Marie. Déjà saint Clément avait insisté sur le fait que Jésus-Christ descend d’Abraham xxrà aâpxa. xxii, 2. Saint Ignace appuie davantage encore sur la vérité de la nature humaine du Christ. Son réalisme continue celui de saint Jean : Jésus est de notre race, de descendance davidique, Rom., vii, 3 ; Eph., xix. 3 ; xx, 2. Il est né de Marie et non par Marie, Eph.. vu. 2. et Marie, lui donnant le jour, est restée vierge, Eph., vii, 2 ; xviii. 2. Mais c’est surtout dans l’épître aux Smyrniotes, i-iv, qu’Ignace prêche la réalité de la nature humaine en Jésus. — 4. L’épître de liarnabé, tout en professant la foi en l’incarnation, v, 11, du Fils de Dieu, v, ’.'. NotreSeigneur, v. 1.."> : vu. 2. insiste plus particulièrement sur l’obéissance du Rédempteur, xiv, 6, qui a résolu de souffrir pour nous sur le bois, v, 13. — 5. Lu II* ud Corinlliios faussement attribuée à saint Clément, professe la préexistence du Christ « esprit d’abord, et qui s’est fait chair ►, ix. 5 ; Dieu, 1. 1 ; îx, 7 ; xvii, 7 ; Seigneur, iv. 1 : v. 2 ; vi. 1 ; ix, 5, 11 ; maître du monde, xvii, 5 ; envoyé au monde par le Dieu invisible comme notre sauveur, xx, 5 ; qui a souffert pour nous, 1, 2 : nous a procuré l’immortalité, xx, .">, et est juge des vivants et des morts. 1, 1. Voir t. iii, col. 56. — 6. L’épître de suint Polycarpe confesse que Jésus-Christ est Fils de Dieu, xii, 2. Notre-Seigneur. vi. 2. Mais il est homme aussi : « celui qui ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair est l’antéchrist. » vu. 2. Cf. I Joa., IV, 2-3. Ii est mort pour nos péchés, 1, 2 ; a été exalté à la droite de Dieu et jugera tous les hommes, les vivants et les morts. 11, 1. — 7. Le martyre de saint Polycarpe, met dans la bouche du martyr une profession de foi en Jésus-Christ, bien-aimé et béni du Père, xiv, 1 (qu’elle proclame elle-même fils unique, xx, 2). pontife céleste, 3, glorifié maintenant avec lcPèreet l’Esprit Saint. Id.
— 8. L’épître àDiognète, voir t. iv, col. 1366, témoigne aussi de la nécessité de la foi en l’incarnation, c. vii, vin. ix : pour sauver les hommes, Dieu lui-même est venu sur terre, c’est-à-dire le propre fils de Dieu, prix de notre rachat. 9. Sur la christologie, obscure pour ne pas dire plus, du Pasteur d’Hermas, voir Hermas, t. vi, col. 2278-2281.
II. LES PREMIÈRES HÉRÉSIES CONTRE LE DOQÎIE
de jêsus-cbrist. i" La gnose judalsante se manifeste déjà au temps des apôtres. Saint Paul avait déjà dû combattre ceux qui égaraient les fidèles par la philosophie et par une vaine tromperie. s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde et non sur le Christ », Col., II, 8 ; il s’agissait sans doute, de rabaisser le Christ et de lui préférer les anges. De là. l’insistance de Paul à promulguer la primauté de Jésus Christ. Col. 1, 1517 ; 18-20 ; ii, 9-10 ; Eph., i, 12. Voir col. 1233, .Unie, de son côté, condamne « ceux qui renient notre seul maître et seigneur, Jésus-Christ », Jud., I ; ceux qui méprisent l’autorité, v :) ?.o~r~y., 8. c’est à-dire vraisemblablement le Seigneur 1, cf. II Pet., ii, lu. Pareillement sont rejetés ceux qui nient le jugement et l’avènement du Seigneur. Il Pet., m. 3-7. Les épîtres johanniques discernent déjà un double courant d’erreurs christologiques, celles qui nient que Jésus le Christ, soit le Fils, I Joa.. 11, 22. 23 ; IV, 3, 15 ; celles qui nient qu’il soit venu en chair, c’est-à-dire, se soit réellement incarne. I Joa.. iv, 2. 3 ; II Joa., 7. Voir GNOSTiaSME, t. VI, COl. 1 138-1439. Ces deux courants sont a la source des premières hérésies de l’ébionisme, t. vi, col. 1990, de Cérinthe, voir ce mot, t. 11. col. 2153-2154 ou bien encore du docétisme, voir ce mol. t. i, col. 1 ISI 1501. Sur l’ébionisme naissant se greffa l’elkésaïsme ou elcésalsme, qui nie. en ce qui 1249
5US-CHRIST. II. DOGME MX 1° ET 1 1 « * SIÈCLES
liât)
concerne Jésus-Christ, la divinité du Christ, mais avec cette particularité que la naissance de.Jésus n’aurait été qu’une renaissance, le Sauveur ayant passé auparavant et successivement par plusieurs corps et vécu sous d’autres noms. Voir Elcésait] s. t. iv, col. 2236.
2° Le gnosticisme. avec ses théories nébuleuses sur les éons. devait altérer le dogme de Jésus-Christ. Ris de Dieu et homme, I.’eon Christ ou Jésus est une émanation de la divinité qui descendra sur l’Hommerédempteur pour opérer en lui et par lui la rédemption. Cf. S. [renée, Cont. hær., t. I, c. ii, n. 5, P. G., t. vii, col. 461. Sur le système gnostique en général, voir Gnosticisme, t. vi. col. 1434 sq. « Sur la personne de Jésus-Christ, les systèmes gnostiques présentent trois conceptions distinctes, mais dont deux au moins ne s’excluent pas ou même se rencontrent dans les mêmes auteurs. Carpocrate, t. ii, col. 1800, t. vi, col. 1447 et Justin le gnostique regardent le Sauveur comme un pur homme, supérieur aux autres seulement en justice et en sainteté. Leur sentiment forme exception. Le dualisme constitue l’expression la plus ordinaire et, l’on peut dire, caractéristique de la christologie gnostique. M. Harnack a très bien observé que ce qui caractérise la christologie gnostique ce n’est pas le docétisme, comme on le croit souvent, mais bien le dualisme, c’est-à-dire la distinction énergique de deux natures ou mieux de deux personnes en Jésus-Christ. Lehrbuch der Dogmengeschichte, 1. 1, 4° édit., Fribourgen-Brisgau. 1909. p. 286. note 1. Le Sauveur est composé de deux êtres, l’un terrestre, l’autre divin, céleste, qui s’unit accidentellement au premier pour opérer en lui et squs son couvert la Rédemption. Tel est l’enseignement de l’école valentinienne en général, voir t. vi, col. 1447-1453. A ce dualisme vient s’ajouter souvent le docétisme. Des deux éléments qui composent Jésus-Christ l’élément humain n’est qu’apparent. On trouve là une conséquence de l’opposition entre l’esprit et la matière, du caractère essentiellement mauvais de celle-ci. Puisqu’elle est mauvaise en soi et incapable de salut, la matière ne saurait entrer comme partie intégrante du Rédempteur ni concourir à son œuvre. Le Christ céleste n’en prend que l’apparence, apparence même qu’il abandonne quand il remonte au lieu d’où il est venu. Souvent ce docétisme est absolu comme dans Simon, t. vi, col. 1440-1442, Saturnin, col. 1443-1444, les basilidiens de saint Irénée, t. ii, col. 465-475, t. vi, col. 1444-1447 : d’autres fois, il est partiel seulement et ne nie que l’origine terrestre du corps de Jésus. Ce corps n’a pas été pris de la matière ordinaire, il descend du ciel et n’a fait que passer par Marie, Stà Mocptaç : c’est le système de Marinus et d’Apelles. » Tixeront, op. cit., p. 200-201.
3° Lemarcionisme.
Le système de Marcion n’offre
rien des spéculations et des rêveries des gnostiques : aussi quels que soient ses points d’attache avec le gnosticisme. voir t. vi, col. 1453-1455. mérite-t-il d’être traité à part. Il y a deux dieux, en relation avec les deux Testaments. L’un, le Dieu de l’Ancien Testament, est créateur du monde, rigoureux, connaissant uniquement la justice et la force, de qui viennent toutes les souffrances humaines ; l’autre, le Dieu du Nouveau Testament, supérieur au premier, bon, miséricordieux, plein de douceur. Cf. S. Irénée, Cont hær. I. I. c. xxvii, n. 2, P. G., t. vii, col. 688 ; Tertullien Adv. Mnrcionem, t. I, c. vi, t. II, c. xx-xxv, P. L. t. ii, col. 253 ; 308-316 ; Adamantius, t. I, c. x-xx., P. G., t. xi, col. 1717 sq. Jésus révèle le Dieu bon et miséricordieux, et, bien que le monde ne regardât pas ce Dieu, il a voulu néanmoins par pitié, le secourir. Le Dieu suprême se manifeste donc en Jésus et par Jésus. Jésus est spirilus sulularis. Tertullien, op. cit.. t. I, c. xix, P. L., t. il. col. 267. Quel est le rapport -us et de Dieu ? Il est difficile de l’établir. Sou Mr.T. DE TRÉOL CATHOL.
vent Marcion identifie l’un et l’autre, cf. Tertullien, op. cit., I. I, C. XI, xiv ; 1. [I, c, wmi ; I. [II, c. IX ; 1. IV. c. vii, col. 258. 262. 317. 333, 369-372, Jésus n’a rien des traits du.Messie donnés par l’Ancien Testament. Tertullien, op. cit., t. III, c. xii-xxiii, col. 336355. Son corps n’a été qu’apparent. Marcion enseigne un strict docétisme, id, . ibid., t. III, c. viii-xi, col. 331336. Le Christ n’a pas même passé par Marie : l’incarnation n’existe pas. Il est apparu brusquement en Judée, la quinzième année du règne de Tibère, sans avoir semblé naître et grandir. Cf. S. Irénée, Cont. hser., t. I, c. xxvii, n. 2, P. G., t. vii, col. 688 ; Tertullien, op. cit., t. I, c. xxix ; I. IV, c. vi. P. L., t. ii, col. 281. 368. La prédication de Jésus a été naturellement en perpétuelle opposition avec la Loi, les Prophètes, l’économie de l’Ancien Testament, qui relèvent tous du Démiurge. Néanmoins, la mort de Jésus rachète les hommes du Démiurge. Cf. Tertullien, Adv. Marcionem, t. V, P. L., t. ii, col. 468 sq. Tixeront, op. cit., p. 207-208. Apelles, voir 1. 1, col. 1456 ramène le dualisme de Marcion au monisme ; mais il demeure docète.
/II. LA FOI EN JÉSUS-CI/Ii/sr AU II » SIÈCLE. La
christologie proprement dite tient peu de place dans les écrits des Pères apologistes du iie siècle. Aussi bien, c’est contre le paganisme qu’ils entendent établir la vérité du christianisme, et, souvent, ils présentent le christianisme dans ses rapports avec la philosophie naturelle. Seul, saint Justin, à cause de son apologie du christianisme contre les Juifs a dû aborder les problèmes christologiques. Parmi les Pères anti gnostiques, saint Irénée formule d’une manière très complète le dogme catholique. Méliton de Sardes, dont on possède quelques fragments, mérite une mention spéciale. Chez les autres Pères, la christologie est fort pauvre. Aristide, t. i, col. 1864, se contente de résumer l’histoire de Jésus-Christ d’après l’évangile, texte syriaque, n. 2 (édit. des Texls and Studics, t. i, fasc. 1, Cambridge, 1893). Tatien parle en pussant du Dieu souffrant, Adv. græcos, n. 13, et désigne Jésus-Christ comme Osôv èv <xvO ?cjte :.u (J.opm’7), n. 21. P. G. t. vi, col. 833, 852. Notons enfin que nous faisons ici complètement abstraction de la doctrine du Verbe chez les apologistes : elle sera étudiée à Verbe. 1° Saint Justin.
Sur la christologie de saint
Justin, voir ce mot, notons simplement ici la profession de foi de saint Justin. I Apol., xiii. Elle marque bien la perfection de la croyance catholique, dés le IIe siècle. Après avoir rappelé que les chrétiens ne sont pas des athées, puisqu’ils rendent un culte au créateur du monde, il ajoute que « celui qui nous a enseigné ces vérités et qui est né à cet effet, c’est Jésus-Christ, lequel, sous Ponce-Pilate, gouverneur de la Judée aux temps de César Tibère, a été crucifié. Les chrétiens le reconnaissent comme le Fils du vrai Dieu et lui adressent avec raison, à lui en second lieu, et à l’Esprit de prophétie en troisième lieu, les honneurs du culte divin, i P. G., t. vi, col. 345. La vérité de l’incarnation qui implique la divinité de Jésus-Christ est prouver’par les prophètes de l’Ancien Testament, xxx-xxxiii, col. 373, sq. ; cf. un, col. 405. Le Fils de Dieu, Jésus Christ était le Verbe, avant l’incarnat ion : il s’es ! manifesté aux prophètes de l’Ancien Testament sous la forme de feu ou d’images incorporelles, mais récemment « né d’une vierge, fait homme selon la volonté du Père, il a bien voulu s’anéantir et souffrir pour le salut de ceux qui croient en lui, a fin que, mort et ressuscité, il vainquit la mort même. lxdi, col. 424. Cf. // A.poL, vi. col. 453 ; xiii, col. t65 ; />P/L. m. vin ; c, col. 580, 7<i’.i. n a voulu partager nos passions, afin <unon i en guérir. // Ai « ii., an
2° Saint Irénée. - Sur la christologie de saint [rénée, voir t. mi. c. » i. 2461 2469. C’esl saint [renée qui
VIII. to
inaugure le mot d’incarnation, oapxoxiiç, voir t. vii, col. 1448, 2466, et, sans en avoir le mot, la doctrine définitive de l’union hypostatique, Ibid.. col. 451-452 ; 2466-2468. Relevons simplement Ici, comme pour saint Justin, la formule de foi que renferme le Contra Htcrcscs, t. I, c. X, n. 1, et qui traduit la croyance « le l’Église « en un seul Dieu, le Père toutpuissant, qui a fait le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment, et en un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui s’est fait chair pour notre salut ; et au Saint-Esprit qui a prédit par les prophètes l’économie (incarnation ) du bien-aimé Jésus-Christ Xolre-Seigneur et son double avènement, à savoir sa naissance de la Vierge, sa passion, sa résurrection d’entre les morts, son enlèvement corporel dans les deux et aussi son retour glorieux quand il redescendra du ciel dans la gloire de son pire pour remettre toutes choses en l’état et ressusciter le genre humain tout entier… Alors il rendra sur tous un juste jugement. » P. G., t. vii, col. 549.
.’5° Saint Méliton de Santés mérite une mention spéciale à cause de sa profession de foi sur les deux natures en Jésus-Christ : 0eôç yàp cov ôuoS te xal avdpcOTCOç zéXzi’jç ô aùxoç (Xpia-rôç) ràç S’jo ocjto’j oûoiaç êniaT<ï>aaTo iuXv. Fragm. vii, P. G., t. v, col. 1221.
4° Conclusion.
Ces formules qui sont si près du
symbole romain et qui cependant, selon toute vraisemblance, n’en dépendent pas, mais relèvent uniquement des écrits du Nouveau Testament, démontrent péremptoirement la continuité de la foi en Jésus-Christ, Dieu et homme. Nous avons trouvé cette foi dans les synoptiques ; elle est apparue dans les discours des Actes des apôtres et dans les épilres canoniques. Les perfectionnements qu’y ont apporté saint Paul et saint Jean n’en modifient pas la substance, et toute l’Église du ii 1’siècle ne fait que reprendre la foi des apôtres : il n’y a pas de solution de continuité. Il en sera de même au siècle suivant, dans la lutte contre les deux erreurs qui, opposées l’une à l’autre, nient ou la divinité du Sauveur ou la réalité de son huma ni té. Nous indiquerons surtout le progrès des formules et des symboles de foi.
II. Le dogme de Jésus-Christ au IIIe siècle. —
I. LES DOCTEVRS ET CES THÉOLOGIENS. 1° l’n
Orient. t. Clément a" Alexandrie. Voir t. iii, col. 161. Sur l’accusation de docétisme portée par Photius, voiT t. iv, col. 1498-1499. - 2. Origène. Sur le résumé de sa christologie, voir l. vii, col. 153 154. Sur l’accusation de docétisme, voir t. iv, col. 14991500. I.a doctrine d’Origène sur la préexistence de l’âme et du corps de Jésus-Christ avant l’incarnation est répréhensibie. L’âme du Christ, dit il. fut créée avec tous les esprits dès le principe et resta seule parfaitement fidèle a 1 Heu : elle s’unit moralement au Verbe par celle longue fidélité. De principiis, t. II, c. vi, n. r>, 6 ; P.’L, t. xi, col. 213. I.e corps du Christ, conformément à la théorie générale d’Origène, fut formé postérieurement a l’âme, beau et parfait, (’.outra Celsum I. I. n. 32, 33, P. G., t. xi, col. 720-725. Avant l’incarnation, le Verbe uni â l’âme se manifeste aux esprits de tous les ordres célestes, se faisant successivement semblable à eux. in Gen., homil., viii, 8, l’. G., t. xii, col. 208 ; In Matth., tpm. xv, n. 7. P. G ;, t. xiii, col. 1272 ; In Joannem, tom. i. c 34, P. G., t. i. cal..si ; In Rom., L I. i, P. G., t. xiv, col. 848 ; Contra Celsum, l. Y il l, n. 59 P. G., t. xi. col. 1605. Cf. Iluci. Origenia na. t. ii, c. n. q. iii, n. 2 ! ’.. Pour nous sauver, nous hommes, le Logos s’unit enfin par l’intermédiaire de
cette âiuc, au corps beau et parfait que l’aine, par sa lé, avait mérité. De principiis, 1, II. c. VI, . n. 3, P. <-, ’., t. xi. col. 211 : Contra Celsum. I. VI, |>. 75-77 ; cf. I. I, n. 32 33, P. <L, I xi, col. 1409 sq., 720 sq. Ainsi, nécessairement logique avec lui-même, Origène
n’est ni docète, ni apollinariste. Voir la condamnât ion de ces doctrines par le synode de Constantinople de 543, dans I-’r. Diekamp, Die origenistischen Slreitigkeiten, Munster, 1899 ; Denzinger-Bannwart. n. 204206. Cf. IV Aies, Origénisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, col. 1236-1213.
3. Sur le dogme de Jésus-Christ dans l’Église d’Orient après Origène, soit à Alexandrie, soit à Antioche. voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 454-455. Voici comment M. Tixeront condense la foi de l’Orient en interrogeant les rares documents qui nous viennent de saint Méthode d’Olympe, de saint Pierre d’Alexandrie, de l’auteur du dialogue De recla in Deum /ïde (Adamantius), de saint Denys d’Alexandrie et de la Didascalie : « Le Verbe s’est fait homme (èvxvOptoTrrjaaç), S. Méthode, Convivium, Orat., I, v ; III, iv :. n. I’. G., t. xviii, col. 15, 68, 193 ; S. Pierre d’Alexandrie, Fragm., P. G., t. xviii, col. 521. II a pris de la vierge.Marie une chair terrestre, la chair d’Adam, une chair semblable à la notre, puisqu’il devait sauver la nôtre et parce qu’il convenait que le démon fût vaincu par le même homme qu’il avait séduit. S. Méthode. Convivium, III. c. vi, P. G., t. xviii, col. 69 ; /)e resurreelione II, viii, 7, édition Bonwetsch, du Corpus de Bci lin.]). 3 I 1 ; Adamantins, t. IV, c. xv ; V, iii, : x, édition V. II..van de Sande Bakhuyzen, du même Corpus, p. 172, 178, 190. Par cette incarnation, le Verbe ne s’est pas transformé en la chair, il ne s’est pas dépouillé de sa divinité. S. Pierre, Fragm., P. G., t. xviii, col. 509 ; Adamantius, t. IV, c. xvi, édit. cit., p. 174. Il s’est seulement uni intimement à une humanité, ouvevwoaç xal aijyLspàaac ;, Convivium, Orat-. III, c. v, P. G., t. xviii, col. 68, d’une union qui laisse subsister les deux natures. 0eoç Tjv çûgsi xal vévovev àvGpw^oç çôrrei.. S. Pierre, P. G., t. xviii, col. 512, 521 ; ôvtcûç Œôv xerrà -v^Oux xal ÔvToiçavOptoTrovxxTà aâpxa ôioXoyi]aav-re ; Xpiarôv. Adamantins, t. V, c. xi, édit. cit. p. 194 ; cf. S. Méthode, Convivium, Orat. III, c. iv, P. G., t. xviii. col. 65. Et ces deux natures ont chacune leurs opérations et leurs volontés. Adamantius, , 1. V. c. viii, édit. citée, p. 190.. Mais du reste l’unité et l’identité de personne avant ci après l’incarnation sont nettement affirmées et le concile d’Éphèse a pu Invoquer ici le témoignage de Pierre d’Alexandrie. C’est le Verbe qui est né dans le sein de Marie, ysvo-U. EVOV èv U/yJTpqi et qui s’y est fait chair par la volonté et la puissance de Dieu. S. Pierre, Fragm.. P. G., t. xviii. col. 512. - Celui qui est descendu est vraiment celui qui est remonté », àXr, 0<ôç yàp ô y.xT-xfiàç ocItôç è^T’. xal 6 àvapàç. Adamantins, t. V, c. vii, édit. cité, p. 188. Son corps est demeuré réel après la résurrection aussi bien que dans la transfiguration. Méthode, De resurrectione, [II, vii, 12 ; xii, 3 sq., édit. cit. p. 100, 108. En prenant ainsi notre nature, en devenant Homme-Dieu, le Verbe incarné, remarque Méthodï récapitulait en lui toute l’humanité. Il est le second Adam, en qui cette humanité a été pétrie à nouveau et, par son union avec le Verbe, restaurée déjà et renouvelée. Convivium, Orat., 111, c. iii, iv, v, viii, P. G., t. xviii, col. 64, 65, 68, 73. Tixeront, op. cit., p. 193- loi.
2° En Occident. 1. Tertullien. Sur sa christologie, voir Tertullien, et d’Alès, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, c iv. Deux aspects particuliers sont â noter ici touchant la physionomie du Christ. I.e Christ, dans Tertullien, apparaît bien comme le Chris ! des Écritures, né de notre race, vrai Fils de Dieu el vrai Fils de l’homme. Il este le consommateur de l’Ancien Testament et l’initiateur du Nouveau. Loin de venir en ce momie comme un étranger, il y vient comme dans son domaine, pour recueillir l’héritage que son l’ère lui destine, pour révéler le mystère du plan divin, pour émanciper le genre humain, esclave du péché, pour ouvrir le trésor des dons de l’Esprit, pour JÉSUS-CHRIST. LE DOGME AU III SIÈCLE
nous initier à une grande espérance, r.r sa résurrection, type et gage de la nôtre. Il a reçu, dès l’origine
tlu monde, ce plein pouvoir qu’il vient revendiquer en son temps ; il a préludé, par les théophanies de l’Ancien Testament à l’incarnation, point île départ de l’ère nouvelle. Loin d’avoir le caractère d’une révolution violente, sa mission est le but vers lequel le Dieu créa teur acheminait le momie : elle. met le sceau à ce grand dessein qui se déroulait à travers les siècles. Elle marque la transition d’une loi provisoire et imparfaite à une loi meilleure, d’observances mortes à un culte unifié par l’Esprit. On reconnaît, dans la prédication du Christ, l’accent des prophètes, Christian et in noois ml s’écrie Tertullien, Ado. Marcionem, 1 IV. c. xxi. P. L., t. ii, col. HO, eu le voyant rééditer les miracles de l’Ancien Testament. A part le privilège de la conception virginale, il ne s’élève pas. selon la nature, au-dessus de l’humanité ; il est homme dans toute la force du terme, et homme d’un extérieur commun. Selon la « race, non seulement il échappe, en tant que Dieu, à toute comparaison, mais il se distingue, en tant qu’homme, de tous les fils d’Adam par l’immunité de la déchéance commune. Cette chair qui, dans tous les hommes, est chair de péché, en la prenant, il l’a rendue exempte de péché, id., t. V, c. xiv. col. 506 ; et par elle, il a délivré tous ceux que le péché infectait dès l’origine. Le Christ est l’Emmanuel, l’illuminateur des nations, le conquérant des âmes, le prêtre catholique, catholicum Palris sacerdotem, id.. t. IV, c. ix, col. 376, le pontife authentique de Dieu le Père, aulhenticus pontife.v Dei Palris, id., t. IV, c. xxvv, col. 117, 1e médiateur entre l’humanité et Dieu, sequeslcr Dei atque hominum, De resurreciione carnis, c. ii, col. 8C9, le « nouvel Adam », id., c. lui, col. 873 : le principe en qui Dieu récapitule toutes choses, l’Époux de l’Église. » D’Alès. up. cit., p. 199. Il faut noter, en second lieu, le réalisme voulu par Tertullien pour marquer, contre les docètes de toute espèce, et notamment Marcion, Apelles et Valentin, la réalité de la chair, de l’humanité de Jésus-Christ. A ces erreurs, niant la naissance vraie du Rédempteur ex Maria, Tertullien oppose des arguments précis et fait valoir les moindres paroles de l’Écriture. Sur l’examen des textes scripturaires relatifs au Christ et exposés contre Marcion par Tertullien et notamment sur la valeur des premiers chapitres de Luc rejetés par Marcion, voir il. Mes, op. cit., p. 164^185. Pour nous prouver la réalité du corps de Jésus, Tertullien accumule des détails d’un grossier réalisme. De carne Christi, c. xi, P. L., t. ii, col. 774, et nie la virginité de Marie. Et, si virgo concepit, in purin sn<> nupsit, id.. c. xxiii, col. 790. Il est utile de rappeler que Tertullien, le premier, a nettement formulé le dogme de l’union hypostatique, Advenu » Praxean, c. xxvii, P. L., t. ii, col. 190. Voir Hypostatique ( Union), col. lôô. La riijle de foi formulée par Tertullien touchant le Christ doit être signalée, parce qu’elle sert à fixer les termes du symbole romain au nr siècle. La voici ; elle consiste à croire « qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui D’est autre que le créateur (lu monde ; que c’est lui qui a tiré l’univers du néant par son Verbe émis avant toutes choses ; que ce Verbe fut appelé son Fils, qu’au nom de Dieu il apparut sous diverses figures aux patriarches, qu’il se fit entendre de tous temps dans les prophètes, enfin qu’il descendit par l’Esprit et la puissance de Dieu le Père dans la Vierge Marie, qu’il devint chair dans son sein et que né d’elle il revêtit la personne de Jésus-Christ ; qu’il prédit ensuite une loi nouvelle et la nouvelle promesse « lu royaume des cieux, qu’il lit des miracles ; qu’il fut crucifié, qu’il ressuscita le troisième jour, qu’enlevé au ciel il s’assit a la droite de son Père : qu’il envoya à sa place la force du Saint-Esprit pour conduire les croyants ;
qu’il viendra dans une gloire pour prendre les saint I ri leur donner la jouissance de la vie éternelle et des promesses célestes, et pour condamner les profanes au feu éternel, après la résurrection des uns et des autres, et le rétablissement de la chair, i De prsescrip tione, c. xiii, P. L., t. ii, col. 26. 1 lahn, op. cit, s 7.
2. Saint Hippolyte. La doctrine christologique de saint Hippolyte représente la foi commune de l’Église. On trouve dans le Contra Noelum, n. 17, P. G., t. x, col. 825, une profession de foi analogue à celle de Tertullien : Croyons donc, frères bien-aimés, selon la tradition des apôtres, que Dieu le Verbe est descendu des cieux dans la sainte vierge Marie, afin qu’incarné d’elle, s ; -LÙtyj ;, en prenant une âme humaine douée de raison et faisant sien tout ce qu est de l’homme, sauf le péché, il sauvât celui qui était tombé et communiquât l’immortalité à ceux qui croiraient en lui… Il s’est manifesté â nous, nouvel homme, fait de la Vierge et de l’Esprit Saint (unissant) en lui les deux réalités, celle qu’il tient du Père, dans le ciel, comme Verbe, et celle qu’il recueille sur terre, du vieil Adam, en s’incarnant parla Vierge. » Les deux natures restent distinctes en.Jésus : « Étant venu dans le monde, il apparut Dieu et homme. L’homme est reconnaissable à bien des signes : la faim, l’abattement, la soif provoquée par la fatigue, la fuite causée par la crainte, l’affliction dans la prière, le sommeil qu’il prend sur son oreiller, le calice de douleur qu’il repousse, la sueur qu’il répand dans son agonie, le réconfort qu’il reçoit d’un ange, la trahison de Judas, les affronts de Caïphe, le mépris d’IIérode, la flagellation ordonnée par Pilate, la dérision des soldats, la crucifixion par les Juifs, le cri qu’il pousse vers son Père en rendant l’âme, le dernier soupir qu’il rend en inclinant la tête, la blessure faite à son côté par la lance, son ensevelissement et sa mise au tombeau, sa résurrection après trois jours par la puissance de son Père. Mais la divinité à son tour se manifeste par d’autres signes : l’adoration des anges, la visite des bergers, l’attente de Siméon, le témoignage d’Anne, la recherche des mages, l’indication de l’étoile, le changement d’eau en vin dans une noce, l’ordre donné à la mer agitée par les vents, la marche sur la mer, la vue rendue à l’aveugle-né, la résurrection de Lazare après quatre jours, des miracles variés, la rémission des péchés, le pouvoir donné à ses disciples. » Fragm. in Ps. II, 7, dans Théodore !, Eranistes, Dial. ii, P.G., t. lxxxiii, col. 173. Trad. d’Alès, I.a théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 28-29. Voir aussi un beau fragment sur le Cantique de Moïse, Dent., xxxiii, 26, recueilli par Théodoret, loc cit., dans d’Alès, op. cit. p. 181. On peut résumer ainsi selon d’Alès, op. cit., p. 180, la doctrine d’Hippolyte sur Jésus-Christ. « Après avoir préludé à l’incarnai ion par les théophanies de l’Ancien Testament, In Danielem, iii, il : iv, 11. 36, 39, : >7, édit. Bonwetsch, Corpus de Berlin, 1. i</, p. 150, 210, 280-282, 286, 330, théophanies plus ou moins effectives où tantôt il se dissimulait derrière les prophètes, tantôt il se montrait en personne, coi unie dans la vision de Daniel, il a mis le sceau à la prophétie par son avènement selon la chair. /(L. iv, 39, p. 288. Devenu le premier-né de la Vierge, comme il était le premier-né du Père, il restaure en lui-même le type du premier Adam, ibid., iv, il, p. 21 I. irpuTOTOxov èx mxpOévou, ïva tôv 7rp<or6TcXaaTov A^à|j. h) £7’, t( ; j ivxizk&oociv SeiyOfj ; arche incorruptible de la nouvelle alliance, id., iv, 21, p. 216, il rétablit entre Dieu et l’homme l’union que le péché a rompue. id., ii, 28, p.’.M : Adv. Grrncos, . n. PG., t. x, col. 800. Car l’homme, créé Immortel, était par sa désobéissance
livré a la mort : pour lui rendre la ie. il ne fallait rien
moins qu’un tel médiateur. In Balaam (Num., xxiv, I71, ibid., t. b p. X2. lui associant, dans sa personne,
à la divinité incorruptible et immortelle, la chair de l’homme, le Christ a guéri les blessures de l’humanité, De antichristo, n. 4, ibid, p. 6 ; en mourant sur la croix, il a rendu la vie à ceux qui l’avaient perdue ; sa mort est le prix dont il paya la rançon de l’homme, id., n. 26, ibid., p. 19 ; In Danielem, ii, 36 : iv, 57 ; t. i a p. 112, 332, etc. »
3. Saint Cyprien.
Saint Cyprien n’a pas traité ex professo le dogme de Jésus-Christ ; mais ce dogme est supposé dans nombre de ses écrits. En orientant le chrétien vers la connaissance du Christ, Cyprien rappelle ce que fut la carrière du Christ, Testimonia ad Quirinum, 1. II : le Christ est la Sagesse de Dieu, c. i, ii, par qui tout a été fait ; le Verbe de Dieu, c. m ; l’Illuminateur et le Sauveur du genre humain, c. v ; le Médiateur, c. x ; le Juge à venir, c. xxviii, le Roi, xxix, xxx, P.L., t. iv, col. 696, 697, 698, 699-700 ; 704-705 ; 719 ; 720-724 ; il demeure l’Intercesseur (advocatus) des pécheurs auprès du Père. Epist., lv, n. 18, édit., Hartel, t. iii, p. 637. Cf. d’Alès, La théologie de S. Cyprien, Paris, 1922, p. 2-3.
4. Novatien.
Dans le De Trinitate de Novatien, on relève des éléments du symbole romain. Hahn, op. cit., § 11 : « La règle de la vérité exige qu’avant tout nous croyions en Dieu le Père et Seigneur toutpuissant ; la même règle de la vérité nous enseigne, après la foi au Père, à croire aussi au Fils de Dieu, Jésus-Christ, Notre-Scigneur et Dieu… Mais l’ordre de la raison et l’autorité de la foi… nous avertit ensuite, après cela, de croire au Saint-Esprit. » c. ix, P. L., t. iii, col. 900. D’ailleurs la doctrine de Novatien sur le dogme de Jésus-Christ est très ferme ; elle s’appuie sur l’enseignement de l'Église romaine : « La sainte Écriture annonce que Dieu est le Christ, tout aussi bien qu’elle annonce que cet homme lui-même est Dieu ; elle décrit Jésus-Christ homme, tout autant qu’elle décrit le Seigneur Christ Dieu. » Id., C. XI, col. 904. Novatien appuie beaucoup sur la dualité des natures : pour exprimer l’incarnation, il se sert des expressions : assumpsit carnem, suscepil hominem, subslanliiun hominis induit, etc. ; c. xiii, xxi, xxii, xxiii, col. 907908 ; 927-928 ; 930 ; 932. Il précise les formules qui attribuent la mort et les souffrances de Jésus à Dieu. c. xxv, col. 934-936 Combattant les modalistes, il remarque que l’homme en Jésus n’est pas Fils de Dieu, natur aliter, principaliter, mais consequenter, c’està-dire conséquemment à son union avec le Verbe. Celte filiation generala, mutuata, c. xxiv, col. 934, n’est pas la filiation adoptive, mais la filiation naturelle, acquise conséquciiiinent a l’union. Cf. 'fixeront, op. cit., t. i, p. 411-411.
5. Ne voulant ici cataloguer que les témoins autorisés de la foi catholique, nous passerons sous silence Comrnodien, Arnobe et Lactance, voir t. vi, col. 150 ; t. iii, col. 417 ; t. i, col. 1986. Signalons simplement la brève profession de foi de saint Denys pape : « Il faut croire en Dieu le Père tout-puissant et en Jésus Christ son Fils, et au Saint-Esprit ». Denzinger-Bannwart, n. 51, et la déclaration dogmatique attribuée a saint Félix et reçue plus tard, au concile d'Éphèse, comme l’expression de la foi catholique, Voir t. v, col. 2129.
II. LES BÉRÉSlES. l" En Occident. 1. L’adop tianisme romain, relit' à l’adoptianisme d’Antioche par le nom d’Artémon, voir t. i, col. 2022-2023, enseigne à la suite de ébionites que Jésus, fils de la vierge Marie, n’est qu’un homme, élevé par l’adoption divine à la dignité de Fils de Dieu. A son baptême dans le Jourdain, le Christ, c’est à-dire l’Esprit Saint, < escendit sur lui en tonne de colombe et lui communiqua les pui sauces ($uvà(Jt.eiç) dont il avait
besoin pour i emplir sa mission C st seulement après avoir ainsi r eu L’Esprit qu’il put accomplir des miracles. Voir I Iyposi ai n.n i (Union), t. vii, col 164 465. Cette doctrine, soutenue par Théodote le corroyeur, fut reprise par le second Théodote, le banquier. Cf. Tixeront, op. cit., 1. 1, p. 349-352.
2. Le monarchianisme patripassien dont les principaux défenseurs furent Praxéas, Noet, Épigone, Cléomène et enfin Sabellius, est à proprement parler une hérésie trinitaire. Il maintient l’unité, la « monarchie » divine en niant la distinction des personnes. C’est, en réalité, le Père qui est descendu dans le sein de la Vierge, qui est né, et, en naissant, est devenu Fils, son propre Fils à soi, procédant de luimême. Cf. Hippolyte, Philosophumena, t. x, n. 10. 27, P. G., t. xvi, col. 3420, 3440 ; Tertullien. Ado. Praxean, c. x, xi, cf. i, ii, P. L., t. ii, col. 165, 166, 154-157. C’est donc le Père qui a souffert et qui est mort (de là le nom de patripassianisme) : ipsum dicit patrem… passum. id., ibid., c. i, cf. c. xiii, col. 156, 169. Mis en face des textes qui établissent la distinction des personnes, les modalistes essaient de les expliquer en disant qu’en Jésus-Christ, le Fils, c’est la chair, l’homme, Jésus. tandis que le Père est l'élément divin uni à la chair, c’est-à-dire le Christ, ut seque in una persona utrumque distinguant patrem et filium, dicenles filium carnem esse id est hominem, id est Jesum, patrem autem spiritum. id est deum, id est Christum, id., ibid., n. 27, col. 190. Le patripassianisme est la forme primitive du sabcllianisme ; voir ces deux mots.
2° En Orient.
1. L’adoptianisme de Paul de Samosate à Antioche. — Voir Hypostatique (Union), t. vii,
col. 465, 466. — 2. Le nestorianisme (avant la lettre) d’Hégémonius, dans les Acta disputationis sancti Archelai canx Mancle. Sur les formules un peu surprenantes qu’on trouve dans ce texte et qui font penser à une première ébauche de la chri tologie antiochienne. l’essentiel a été dit t. vi, col. 2113-2115. Au c. lx. Mani reproche à Archélaiis de faire de Jésus le Fils de Dieu par adoption et non par nature. A quoi Archélaiis répond en distinguant le fils de Marie du Christ de Dieu qui est descendu sur lui : « Il y a celui qui est né fils de Marie… Jésus. Mais c’est le Christ de Dieu qui est descendu sur celui qui est de Marie… Ressuscité des enfers, Jésus fut enlevé là où le Christ, fils de Dieu, régnait. » édit. du Corpus d.- Berl ii, p. 87.
/II. CO.Vd.US/O.V doctrinale. — A la fin du me siècle « des questions relatives à l’incarnation, deux seulement ont été expressément traitées et résolues : celle de la divinité de Jésus-Christ contre les adoptianistes, et celle de la réalité de son humanité contre les docètes. » Tixeront, op. cit., p. 512. Les problèmes soulevés par la question de l’union hypostatique ne seront mis en plein jour que plus tard, et c’est alors seulement qu’ils recevront de l’apollinarisme, du monophysime et du nestorianisme des solutions Incomplètes ou hétérodoxes. Mais il n’est pas nécessaire que ces hérésies se manifestent pour que la foi de l'église en un seul Jésus-Christ, à la fois Dieu et homme soit implicitement professée par tous. Les expressions et les formules consacrées par les conciles postérieurs ne sont pas encore en usage, mais, nous avons déjà pu le constater, voir Hypostatique (Union), l. vii, col. 453-456, la doctrine de l’unité personnelle el « le la dualité des natures de Jésus-Christ est reconnnuc et acceptée dans sa substance. Déjà, en effet, avec l'Église romaine, les fidèles récitent le symbole de la foi chrétienne : « Credo in Deum, patrem omnipotentem ; et in Jesum Christum filium ejus uniciim Dominum noslrum, qui indus est de. Spiritu sancto ex Maria virgine, cruciftxus sub Pontio Pilato et sepulius, lertia die resurrexit a mariais, ascendii in ccelos, sedet ad dexleram Putris, inde ventants est judicare, vivos et morluos : e In Spiritum sanctum, sanctam Ecclesiam remissionem peccatorum. carnis resui rectioneni. i Voir t. i, col. 1661. 258
III. Le dogue de l’Homme-Dieu au iv° siècle.
I. EX uRIEXT. LA CHR18TOLOOIS ORTHODOXE EX F.iCE DES HÉRÉSIES AR1EXXE ET APOLI./X.IR/STE. —
1° Les erreurs ehristologiques de l’arianisme. Voir Hypostatique (Union), t. vii, col. 468-469.
2° L’apollinarisme.
Sur le développement historique
de l’apollinarisme, voir Apollinaire le Ji une et les Apollinaristes, t. i, col. 1505-1507. Sur la doctrine d’Apollinaire et de ses disciples, àL, col. 1506 et Hypostatique (Union), col. 469-471.
3° La doctrine des Pères grecs sur Jésus-Christ au IV’siècle. — 1. Le dogme de l’Homme-Dieu. — Nous laisserons de côté ce qui a trait à l’union des deux natures en Jésus-Christ, cet aspect du dogme ayant été exposé à Hypostatique ( Union), t. vii, col. lôi>461, et, sans nous attarder à étudier la doctrine de chaque Père relativement à Jésus-Christ (voir les article* particuliers à chacun d’entre eux), nous nous contenterons d’une vue d’ensemble sur la croyance de l’église orientale, affirmée à l’occasion des hérésies d’Arius et d’Apollinaire, et des erreurs qu’à tort ou à raison l’on attribuait à ce dernier : origine céleste de la chair de Jésus, théopaschisme et subordinatianisme. Cf. Tixcront, Histoire des dogmes, t. ii, Paris, 1921, p. 101-102. Les Pères affirment donc les points suivants : a) Le Verbe divin, pour nous sauver, est descendu du ciel et s’est fait semblable à nous : aussi est-il appelé Yhomme céleste, I Cor., xv, 47, et encore le premier-né de toute créature, Col. i, 15, et entre ses frères. Rom., viii, 25. S. Athanase, Oralio de incarnatione, n. 8, P. G., t. xxv, col. 109 ; Adversus arianos, orat. i, n. 44 ; orat.n n. 52, 62, P. G., t. xxvi, col. 101, 256, 277 ; De incarnatione Dei Verbi et contra arianos, n. 8, P. G, t. xxvi, col. 996 ; Didyme l’Aveugle, De Trinitate, t. III, c. vin ; In Joannem, P. G., t. xxxix, col. 849, 1796. — b) En prenant notre humanité, le Verbe de Dieu n’a rien perdu de ses attributs et de leur exercice : « Nous adorons le Verbe de Dieu, fait chair. Seigneur de toutes les choses créées… La chair n’a pas apporté d’ignominie au Verbe, à Dieu ne plaise ! elle a été plutôt glorifiée par lui. Le Fils existant dans la forme de Dieu en prenant la forme de serviteur’a pas été diminué dans sa divinité, i S. Athanase Ad Adelphium n. 3, 4, t. xxvi, col. 1073. La chair n’a limité ni son omniprésence, ni sa toute-puissance, Oral, de incarnatione, n. 17, col. 125 ; Adu. arianos, orat. i, n. 42 ; col. 236. S. Amphiloq e, Eragm. XII, P. G., t. xxxix, col. 109 ; Didyme, De Trinitate, t. III, c. xxi, ibid. col. 908-909, 912. Les termes à-z£-To>ç. xa-syPj-t-tz employés par les Cappadociens pour marquer la permanence des propriétés divines témoignent chez eux de la même foi. Cf. Hypostatique (Union), t. vii, col. 458. D’ailleurs toute la controverse antiarienne, en faveur de la divinité du Verbe, atteste la foi de l’Église en la divinité de Jésus-Christ. — c) L’humanité de Jésus-Christ — et ceci, au point de vue christologique, est le point capital centre l’arianisme et l’apollinarisme — était non seulement réelle, mais consubstantielle à la nôtre et engendrée de la vierge Marie, EX Maria. S. Athanase, Ad Epiclelum, n. 5, 7, P. G., t. xxvi, col. 10 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., Xll, iii, xiii, xv.xxiii.xxiv, xxxi.xxxiii, P. G., t. xxxiii, col. 721, 748, 741, 756, 764, 768 ; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. xi, n 2 : lxiii, n. 1, 2, P. G., t. lix, col. 79, 349-350 ; S. Amphiloque, fragm. X, P. G., t. xxxix, col. 105. Saint Basile expose la raison de cette consubstantialité par un argument sotériologique : Nous qui étions morts en Adam nous n’aurions pas été vivifiés dans le Christ, et ce qui était brisé n’aurait pas été restauré, et ce que le mensonge du serpent avait éloigné de Dieu ne lui aurait pas été réuni. » Epist., cclxi, n. 2, P. G., t. xxxir, col De la même pensée sotériologique, saint Grégoire de
Nysse déduit d’admirables considérations sur la nécessité et les convenances de l’incarnation, soit par rapport à l’homme, suit par rapport a Dieu. Oralio catechetica, c. viii, n. 19-xii, n. 3 ; xv-xx, passim ; xx-xxv, passim. P. G., t. lxv, col. 33-34 ; 48-57 et si|. Cette raison générale vaut pour une partie de l’humanité comme elle vaut pour toute l’humanité ; donc notre humanité étant faite d’âme raisonnable et de corps, l’humanité de Jésus-Christ devait comporter non seulement l’âme, principe de la vie physique, mais l’esprit, principe de la vie intellectuelle. Cela seul est guéri qui est pris par le verbe : tô yàp crov iGepdbrcoTOv. Cela seul est sauvé qui est uni à Dieu : ô 8s ^vcoToct tco Oscô touto xocl acbÇerai. S. Grégoire de Nazianze, Epist.. ci, P. G., t. xxxvii, col. 181. Jésus ne devait pas donner en rançon £ — : ov àvO’érspou mais bien « corps pour corps, âme pour âme, et complète subsistence pour tout l’homme. » Contra Apollinar., t. I, n. 17, P. G., t. xxvi, col. 1124. A cette preuve fondamentale, s’ajoutent d’autres preuves tirées de l’évangile, Mat th., xxvi, 41 ; Luc., xxii, 42 ; Joa., xi, 33 ; xii, 27, que font valoir principalement saint Grégoire de Nysse, Anlirrheticus, n. 32, P. G., t. xlv, col. 1192 et l’auteur du Contra Apollinarium, t. I, n. 15, 16, P. G., t. xxvi, col. 1120, 1121. Saint Grégoire de Nysse fait aussi appel à l’existence de la satisfaction et des mérites de Jésus-Christ : sans liberté, pas de satisfaction ni de mérite ; sans âme raisonnable, pas de liberté. Anlirrheticus, n. 41, P. G., t. xlv, col. 1217. D’ailleurs la formule métaphysique de l’incarnation du Verbe medianle anima, remonte aux controverses antiapollinaristes. Dieu ne peut être l’âme de la chair : la chair ne lui peut devenir substantiellement unie que par le moyen et l’intermédiaire de l’âme intellectuelle. Voir Hypostatique ( Union), col. 520. C’est la doctrine formelle de saint Grégoire de Nazianze, Epist., ci, P. G. t. xxxvii, col. 188 ; de saint Grégoire de Nysse, Ado. Apollinar., n. 41, l. xlv, col. 1217. L’existence de l’âme intellectuelle est explicitement enseignée par Eustathe d’Antioche, fragm., P. G., t. xviii, col. 685, 689, 694 ; par Didyme l’Aveugle, De Trinitate, t. III, c. iv, xxi ; In psalm., P. G., t. xxxix, col. 829, 900-904, 1297, 1353-1356, 1444, 1465 ; par saint Épiphane, Ancoratus, n. 33-35, 76-80. P. G., t. xliii, col. 77-79 ; 179-181 ; et, avant le concile d’Alexandrie de 362, tout au moins implicitement par saint Athanase, qui admet en Jésus-Christ la réalité de toutes les émotions, de tous les sentiments de crainte, de tristesse marqués dans l’évangile, la réalité de sa croissance en grâce et en sagesse, la réalité de son ignorance en tant qu’homme vis-à-vis du jour du jugement, la réalité de sa sanctification par l’Esprit Saint et qui, d’autre part, repousse absolument le système des ariens qui présentaient le Verbe comme le sujet de ces passions, de cette croissance, de cette ignorance, de cette sanctification. Adv. Arianos, Oral, m. n. 38-40, 43, 51-58, P. G., i. xxvi. col. 105 508, U3, 129-445 ; Ad Epictetum, n. 7 ; id., col. 1061. Cf. Tixeront, op. cit., p. 116, note. Voir la discussion de la pensée d’Athanase, 1. 1, col. 2170.
Au ive siècle, en Orient, le dopi us-Christ,
homme-Dieu s’affirme donc aussi nettement qu’il s’était affirmé dans l’Évangile et dans la prédication apostolique. Jésus-Christ, Dieu, est en même temps homme parfait. £v0pi7toç xkl
2. Conséquences du dogme de i HommeDieu. — a) Parce qu’il est homme parfait, Jésus est sujet, fauf le péché, à toutes nos infirmités, a toutes nos faiblesses à tous nos besoins. Il Saint
Cyrille de Jérusalem, Catech., XII, e. xiv, P. G., t. xxxiii. col. 711. Il a gardé, suivant l’expression
de bi. I’; ;, ’-. tottUi la sin/rs <lr l’i ruiirnnl ion. -~/~, vi TÏJÇ C0
èvav0ptorrr ; ae(o ; àxoXouOtav ç’jÂàtTtov. De Trinitate, t. III, c. xxi.P. G., t. xxxix, col. 901. Saint Athanase a la même doctrine, Oralio de incarnations, n. 8 ; Adv. Arianos, orat. iii, n. 69, ni, n. 34, 56, P. G., t. xxv, col. 109, xxvi, col. 293 ; 396 ; 140 ; ainsi que saint Basile, Epist., cc.i. xi, n. 3, P. G., t. xxxii. col. 972 : saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxx, n. 3, P. G., t. xxxvi, col. 105 ; saint Épiphane, Ancoratus, n. 38, P. G., t. xi.m, col. 85. et saint Jean Chrysostome, In Joannem, homil., xi, n. 2 : i.xiii, n. 1, 2 ; lxvii.h. 1, 2, P. G., t. li.x, col. 79, 350, 370-372.
b) Partageant nos faiblesses, Jésus-Christ partaget-il notre ignorance ? Les anciens l’avaient admis s’appuyant sur Marc, xiii, 32, Matth., xxiv, 36 ; Luc, ii, 52 et les divers passages où Jésus-Christ questionne, s’étonne ou paraît surpris. Les Pères sont en désaccord sur la réponse à donner à cette question. Saint Athanaserejette l’ignorance du Christ, tris réelle d’ailleurs, sur la nature humaine. Adv. arianos, orat., iii, n. 13, P. G., t. xxvi. col. 113-416 : oùSè yàp oùSs to’jto è’Jx-Ti< : y.y. to’j A6yoi> écrlv, àXXà t ?, ? àvOpco7ÛV7)Ç çuætoç, -Jjç èaTiv ÏSiov xal tô àyvoeîv. Cf. Epist. ad Serapionern, ii, n. 9, P. G., t. xxvi, col. 624 De même l’accroissement en sagesse, dont parle saint Luc, doit s’entendre non pas de la sagesse divine, mais de la sagesse humaine du Sauveur. Adv. arianos, orat. iii, n. 52, col. 452. L’explication d’Athanase est adoptée par saint Grégoire de Nysse. Adversus Apollinarem anlirrheticus, n. 24, P. G., t. xi.v. col. 1170. Saint Grégoire de Nazianze y incline, Orat., xxx, n. 15, P. G., t.xxxvi, col. 12 1 : ainsi que saint Cyrille d’Alexandrie, Quod un assit Christus, P. G., t. lxxv, col. 1331 ; Contra Theodoretum, anath., iv, P. G., t. i.xxvi, col. 410. Cependant, même chez les Pères qu’on vient de citer, une autre explication se fait jour : il ne s’agirait que d’une ignorance économique, Jésus-Christ déclarant ignorer ce qu’il ne jugeait pas opportun de nous révéler ou ne manifestant que progressivement et suivant les circonstances, les lumières qui étaient en lui. Cf. S. Athanase, Adv. arianos, orat. iii, n. 52-53, col. 432-433 ; S. Grégoire de Nazianze, Oral., xi.m. n. 38, P. G., t. xxxvi, col. 518 : S. Cyrille d’Alexandrie, Adversus estorium, t. III, c. iv, P. G., t. lxxvi. col. 153 ; Thésaurus, assert, xxviii, P. G., t. LXXV, col. 428. La pensée des Pères grecs sera étudiée d’une façon plus approfondie à Science du Christ. Deux remarques sont ici cependant indispensables. Premièrement, si quelques Pères ont attribué une ignorance réelle à Jésus-Christ homme, sans ajouter de précision à leur affirmation, « ce fut plutôt par mode de conciliation et de concession que ces Pires énoncèrent cet avis ; ils voulurent presser les ariens par une argumentation très vive, beaucoup plus qu’ils n’eurent l’intention d’exposer des vues personnelles. Il leur suffisait, pour le moment, de montrer que les paroles du Sauveur, de quelque manière qu’on les interprétât, n’allaient pas contre sa divinité, ni contre sa génération étemelle. » Petau, De incarnalione, . XI, c. ii, n. 8. Deuxièmement, il n’y a pas de contradiction réelle entre les deux exégèses des textes difficultueux :
I ne explication très simple vient tout concilier. Sans doute le Christ a Ignoré bien des choses, comme homme, c’est-à-dire par ses lumières purement humaines et naturelles. El pointant, ces choses il les savait, comme homme, mais par des lumières surnaturelles, auxquelles participait son humanité, à cause de l’un ion hypOStatique, Selon que l’fige et les cii.
lance, le demandaient, il apprenait de science naturelle ce qu’il savait de science surnaturelle. Ainsi il apprenait ce qu’il avait Ignoré ; il progressait en science
mais d’un progrès d’un caractère spécial, c’est à dire
conforme à sa dignité de Verbe incarné. Telle nous
semble élre la peu l I I Allianase et des l’ci’cs
qui ont parlé comme lui. Ils préludaient aux distinctions que feraient plus tard les scolostiques. » L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. i, Paris, 1911, p. 257. Saint Jean Chrysostome expose très nettement l’explication de l’ignorance < économique ». In Matthœum, homil., lxxvii, n. 1, P. G., t. lviii, col. 703. C’est aussi, à peu de chose près, l’explication de saint Épiphane, Ancoratus, n. 32, 38, 78. P. G., t. XLin, col. 76, 85, 164 ; Adv. hiereses, LXIX, c. xi.m, xlvii. I’. G., t. xlii, col. 269, 276. C’est aussi celle de Didyme d’Alexandrie ; ûp-ïv o5v, <p7)olv, iyvoû, -rfj àXrfizix oûxà-yvoû, De Trinitate, 1. III. c. xxii. P. G., t. xxxix, col. 917, 920. Saint Basile, sans désavouer l’interprétation de saint Athanase sur Marc, xiii, 32, préfère cependant celle-ci : le Père seul connaît, comme premier principe de la Trinité, le jour et l’heure du jugement, le Fils et le Saint-Esprit ne les connaissent que par communication du Père, en raison de leur origine. Epist., ccxxxvi, n. 1, 2, P G., t. xxxii, col. 880. Amphiloque suit cette interprétation : Fragm., xi ; vin : P. G., t. xxxix, col. 104. 105.
Si quelques Pères latins semblent adopter l’explication de saint Athanase, cf. Hilaire, De Trinitate, t. IX, c. xv, P. L., t. x, col. 342 ; S. Fulgence, Ad trbsimundum, t. I, e. vin. P. L., t. lxv, col. 231, d’autres
— et ce sont les plus nombreux — n’acceptent dans le Christ qu’une ignorance « économique. C’est l’opinion de saint Ambroise, De fl.de, t. V, n. 220-222, P. G., t. xvi, col. 694. Saint Augustin, sur ce point, est très explicite, De Trinitate, 1. I. c. xii. P. L. t. xlii, col. 837, De peccalorum meritis, t. II, c. xlviii, P. L., t. xi.iv, col. 180, et réfute, entre autres erreurs du moine Léporius, l’opinion attribuant au Christhomme l’ignorance. La rétractation de Léporius fut approuvée et signée par cinq évêques du nord de l’Afrique ou du sud des Gaules, Liber emendalionis, n. 10, P. L., t. xxxi, col. 1230.
Au xie siècle, les agnoètes, voir ce mot, t. i, col. 856 sq., avec le diacre Thémistius à leur tête, professèrent que le Christ avait entièrement ignoré le jour du jugement. Euloge, patriarche d’Alexandrie, réfuta Thémistius dans un traité, résumé dans Photius, Biblioth., cod. ccxx, P G., t. an, col. 108 sq. et approuvé par saint Grégoire le Grand en deux lettres à Euloge, Epist., t. X, xxxv et xxxix, P. L., t. LXXVH, col. 1091. Reprenant la distinction qu’Euloge. toc. cit., col. 1084, et après lui saint Jean Damascène, De fide orthodoxa. t. III, c. xxi, P. I… t. xuv, col. 108, ont cru trouver dans saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire le Grand formule le principe directeur de renseignement catholique. Le Christ a connu le jour du jugement dans sa nature humaine, in natura quidem humanilatis novit diem et horam judicii, mais non pas par les lumières naturelles, tanu-n hune non ex natura humanilatis novit
c) Une troisième conséquence, mise en relief par l’unanimité des Pères, c’est la sainteté parfaite du Christ. Déjà, dans les siècles précédents, les Pères avaient expressément marqué l’absence de toute faute dans le Christ : voir l’indication des textes principaux a Imii i iahii.itk, t. vii, col. 1278-1279. Mais saint Athanase apporte une précision nouvelle au dogme de la sainteté du Christ. Non seulement le Christ n’a
pas de péché et est impeccable, .- JÉSUS-CHRIST##
- JPSUS-CHRIST##
- l a l’être, comme dit l’admirable Cyrille. Maintenant donc,
I. Conclusions relatives à l’être même de Jésus-Christ. —
II. Conclusions concernant les relations du Christ et du Père(col. 1332). —
III. Le Christ considéré dans ses relations avec les hommes (col. 1345). I. Conclusions théologiques relatives a l’être même de Jésus-Christ. — Ces conclusions se rapportent :
1° ù la personne divine qui s’est incarnée en Jésus-Christ et, sur ce point, elles oui été suffisamment exposées soit à Hypostatique (Union), t. vii, col. 518-519, soit surtout à Incarnation, col. 15111523 ;
2° à la nature humaine, considérée dans son union au Verbe, voir Hypostatique (Union), col. 519521, ou par rapport aux perfectionnements qui doivent, en suite de l’union, rejaillir sur elle-même ; c’est le point de vue qu’il nous faudra aborder ici ;
3° à l’union même des deux natures : on n’a rien à ajouter, de ce chef, au long exposé déjà Fait, Hyposi mne (Union >, col. 190-541 ;
4° aux formules à employer pour attriquer à Jésus-Christ, Dieu et Homme, les propriétés humaines et divines : c’est la communication des idiomes voir ce mot, t. vii, col. 595-602. La sainte Écriture, surtout par la voix de saint Paul et de saint Jean, nous a laissé entrevoir les merveilles de la constitution et de la vie intime de l’Homme-Dieu, l’ius dune fois, les Pères onl rappelé ces enseignements et formulé leur propre doctrine. Mais c’est à la théologie catholique qu’il était réservé de préciser d’une façon définitive d’une part quelles perfections d’ordre naturel et surnaturel l’union hypostatique devait apporter soit au corps soit à l’âme du Sauveur, et, en conséquence, d’autre part, quels défauts, quelles faiblesses de la nature humaine encore, en Jésus-Christ, compatibles avec une perfection (col. 1327). I. PERFECTIONS v VTVRBLLBS i ; r 8VRJ/ATORBLLB8 DU CORPS ET DB V i mi : VI Jl 3UB-CBRI8T, — 1° Le corps du Christ. Le Christ, avant sa résurrection, était à la fois voyageur et i compréhenseur. Par son corps, il demeurait encore dans la voie ; par l’âme, il était déjà au terme. Il ne faut donc pas songer à attribuer au corps du Christ, avant la résurrection, les qualités glorieuses que le rejaillissement naturel de la gloire de l’âme aurait dû y produire. Mais toutes les qualités nécessaires à l’intégrité et à la perfection substantielle de ce corps, Jésus les a très certainement possédées : on ne comprendrait pas que celui qui fut le chef-d’œuvre de l’Esprit Saint ait été privé d’une seule perfection physique possible au corps humain. Tous les théologiens le supposent implicitement, en parlant des défauts naturels compatibles avec la perfection de l’union hypostatique. S. Thomas. Sum. theol., III*, q. xiv, a. 4 ; les sententiaires, t. III, dist. xv, et nommément S. Bonaventure, a. 1, q. i, u ; Richard de Middletown, q. n. m ; Durand de Saint-Pourçain, q. i, cités par Suarez, De incarnatione, disp. XXX II, sert, il, n. 2. De ce principe général, les théologiens déduisent deux conclusions. — 1. Il est certain, et Suarez, toc. cit., n. 7, note l’opinion contraire comme téméraire, que le Christ n’a pu connaître, dans son corps, la maladie ou l’indisposition sous quelque forme que ce soit. On ne saurait, en effet, dans le corps de II tomme-Dieu leur assigner une cause quelconque : malformation congénitale, intempérance, influences nocives de l’atmosphère ou des saisons. Suarez, loc. cit., Slentrup, De Ycrbo incarnalo, thèse lix. — b) Il est plus probable que le corps du Christ et particulièrement son visage ont eu la beauté physique en partage. S’appuyant sur Is., lui, 2, Clément d’Alexandrie, Pœdag., t. III, c. i ; Stromat., t. III, c. xvii, P. G., t. viii, col. 558 sq., 1208 ; Tertullien, De carne Christi, c. ix, P. L., t. ii, col. 779, ont affirmé la laideur du Christ, thèse reprise par Michel Médina, S. J., De recta in Deum ftde, 1. II. c. vu et surtout François Vavasseur, S. J., De forma Christi, Paris, 1649. Petau, De incarnatione, t. X, c. v, n. 22, fait iemarquer l’extrême faiblesse de cette base scripturaire : lsaïe, en effet, ne parle que du Christ souffrant au moment de sa passion et de sa mort. La thèse contraire a pour elle la plupart des Pères et des théologiens : on cite surtout saint Augustin, saint Jérôme, saint Chrysostomc, saint Bernard. Voir la réfutation de Vavasseur dans Stenlrup. op. cit., thèses i.x-i.xi. Cf. Janssens, Summa theologica, t. iv, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, De speciosa forma corporis Christi, appendice, p. 505-520. L’opinion de saint Thomas est nettement formulée dans son commentaire In ps. vL/i, n. 2, Opéra, Parme, t. xiv, [). 32(i. Cf. s. Bonaventure, In IV Sent., 1. III. dist. XV a. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sert. n. n. 2-4 ; Salmanliccnscs, De incarnatione, disp. XXIV, n. Il ; Legrand, De incarnatione Verbi dii>ir)i, t. IX, c. ii, a. 5. concl 3. dans Migne, Cursus tlwologicus, t. i. Cf. Pesch, De Vcrbo incarnalo, n. 233 ; voir ci-dessus, col. 1 153. Au sujet de la formation du corps du Christ, les anciens scolasliques. abandonnant leur théorie de l’animation médiate, voir ANIMATION, t. i, col. 1305 sq. affirment que le corps du Christ a été formé et animé dans le premier instant de sa conception. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxxiii, a. 1, 2. H est difficile, en effet, de ne pas en arriver à cette conclusion, si l’on accepte le dogme : Qui conceptus est de Spiritu sancto. Si Jésus n’avait pas été complet, parfait, comme homme, des le premier instant de sa conception, on ne pourrait, en toute vérité, le dire conçu du Saint-Esprit. Noir les Sententiaircs, I. III, dist. IIP Mais cette dérogation aux lois de la nature s’explique avec beaucoup de difficultés (dans l’hypol liése de l’animation normalement médiate). Cf. Suarez. De mi/steriis vitw Christi, disp. XI. sert, i. u. Dans l’hypothèse de l’animation Immédiate, il n’a aucune difficulté. Voir AlNIM TlnN, col. 1319. 1273 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ Dl CHRIST 1274 2° L’Ame du Christ. Les théologiens n’ont rien pu ajouter aux données de l’évangile relativement aux perfections naturelles de l’ftme du Christ. Noir col. 1156 sq. Ils se sont elTorcés de synthétiser la doctrine catholique relativement à la science et à la sainteté de Jésus-Christ. 1. Science humaine de Jésus-Christ. La question de la Science du Christ devant être traitée dans un article spécial, nous n’en rappellerons ici que les conclusions admises par les théologiens et nécessaires à l’intelligence des termes du problème relatif a la sainteté et à l’obéissance du Christ. La question de la science du Christ avait été agitée par les Pères, contre les ariens, à partir du ive siècle, à cause de Marc, xiii, 32 et de Luc, ii, 52. Voir col. 1259 sq.. Les principes de solution avaient été formulés par saint Jean Chrysostome, saint Augustin et plus tard Euloge, explicitement approuvé par saint Grégoire le Grand. Les scolastiques s’emparent de ces données traditionnelles et les systématisent. Le Verbe de Dieu a dû prendre, en s’incarnant, une humanité qui possédât toutes les perfections convenant à l’humanité, excepté celles qui seraient contraires à la fin de l’incarnation, par exemple la personnalité humaine, l’exemption de la souffrance et de la mort. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. v, a. 1-4. Il faut donc, en conséquence, distinguer en Jésus-Christ deux sciences, l’une qu’il possède comme Dieu et qui est infinie ; l’autre qu’il possède comme homme et qui n’est que la perfection due à son intelligence humaine, q. ix, a. 1. Quelle est donc la perfection due à l’intelligence humaine du Christ ? a) Le Christ homme est à la fois au terme et dans la voie, q. xv, a. 10. Comme compréhenseur, il doit posséder la connaissance de vision intuitive. Il reçut donc la vision béatifique d’une façon plus parfaite que n’importe quelle créature, parce qu’uni plus intimement au Verbe lui-même, q. x, a. 4, et il la reçut dès sa conception, q. xxxiv, a. 4. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXV, sect i, n. 4. L’objet de la science que le Christ a ainsi possédée en raison de la vision intuitive n’est pas infini : l’intelligence humaine du Christ ne peut « comprendre » Dieu, qui est infini, parce qu’elle-même, étant une créature, est nécessairement finie. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. x, a. 1 ; Suarez, op. cit., disp. XXVI. Le concile de Bâle (1435) a d’ailleurs censuré, dans un livre d’Augustin de Rome, la proposition suivante : Anima Christi videt Deum tam clare et intense quantum clare et intense Deus videt seipsum. Cf. Intuitive (Vision), t. vii, col. 2381. Mais la science de Jésus s’étend très certainement, quant à son objet secondaire, voir Intuitive (Vision), col. 2386, à tout ce qui intéresse l’incarnation. Or le Verbe incarné est le chef de tous les hommes et même des anges ; il doit être le juge souverain de toutes les créatures responsables : il faut donc que la science bienheureuse qu’il possède en vertu de la vision intuitive s’étende à tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou même pensé par les créatures raisonnables et dans tous les temps. S. Thomas, Sum. theol., III q. x, a. 2. D’un mot, les théologiens résument l’étendue de cet objet en disant que, par sa science bienheureuse, le Christ connaît tout ce que Dieu lui-même connaît par sa science de vision. Suarez. loc. cit., sect. iv. Sur la science divine de vision, voir Science de Dieu. Ces conclusions, au moins théologiquement certaines, et quant à l’existence et quant à l’étendue de la science bienheureuse de l’âme du Christ, cf. Suarez, De incarnalione, disp. XXIV. ^ect. i, ont été confirmées par le décret du Saint-Office du 7 juin 1018 Cavallera, Thesaur. , n. 778 ; Hugon, Le décret du Saint-Office louchant la science de l’âme du Christ, dans la Revue thomiste, avril-juin 1018, p. 105-110. b) Ln dehors de cette science bienheureuse, en tous points surnaturelle, on doit accorder à l’âme du Christ, parce que cette âme est parvenue à l’état du tenue, même dès le premier Instant tic son existence, la science propre aux âmes arrivées à ce terme. Cette science est la science essentiellement infuse, per se infusa, c’est-à-dire infuse en raison même de l’étal de terme et du mode de connaissance qu’implique cet état. Sur ce mode de connaissance, qui se fait par conversion de l’intelligence aux espèces infuses, voir Anqélolooie d’après les Scolastiques, t. i, col. 1232-1235 et Hugon. l’Etat des âmes séparées, c m-iv, dans Réponses théologiques à quelques questions d’actualité, Paris, 1908, p. 230-253. La plupart des théologiens accordent au Christ cette science infuse per se. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. xi, et ses commentateurs. Il n’est pas même vraisemblable que les rares théologiens Scot, saint Bonaventure, quelques nominalistes, qu’on a coutume d’inscrire en faux contre l’opinion thomiste, aient en realité accusé une vraie divergence avec saint Thomas, quant à la question de l’existence de la science infuse. Voir Ch. Pesch, op. cit., n. 263. Les divergences portent plutôt sur l’objet de cette science et son étendue. Id. n. 265. On trouvera dans Suarez, op. cit., disp. XXVII-XXVIII, un bon exposé de la question. Faut-il aussi accorder au Christ une science infuse accidentellement, per accidens infusa, c’est-à-dire, immédiatement reçue de Dieu, mais se substituant purement et simplement à la science acquise encore inexistante et dont elle emprunte le mode de connaissance ? Saint Thomas ne l’accepte point, Sum. theol, . IIP, q. ix, a. 4, ni les commentateurs thomistes. Voir aussi Vasquez, De incarnalione, disp. XLV, c. n. Suarez estime cette opinion probable, car le Christ n’a pu être inférieur à Adam, op. cit., disp. XXX, sect. ii, n. 1, 2 sq.De Lugo estime que cette connaissance accidentellement infuse a été confiée au Christ non dès le principe.puisqu’elle lui aurait été alors inutile, mais successivement au fur et à mesure des circonstances. De incarnalione, disp. XXI, sect. i. En tout cela, il n’y a rien que des conjectures plus ou moins probables, et l’existence même d’une science infuse dans l’âme de Jésus-Christ, considérée indépendamment de toutes les modalités théologiques, ne peut se déduire avec certitude du dogme de l’union hypostatique. Cf. Suarez, disp. XXV. sect. iii, n. 3. — c) Enfin, le Christ, comme nous, a possédé la science expérimentale ou acquise, susceptible de vrai progrès, et par laquelle le Christ élaborait, selon les lois de l’intelligence humaine à l’état de voie, des données sensibles acquises par l’expérience, les idées représentatives du monde matériel. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. ix, a. 4. Ainsi le Sauveur acquit la connaissance de tout ce qu’un homme de son époque pouvait expérimentalement apprendre, q. xii. a. 1 ; il l’acquit par ses propres efforts, sans le secours des hommes, id., a. 3, ou des anges et très facilement. id., a. 4. Saint Thomas avait nié la nécessité, dans l’âme du Christ, des espèces impresses formées au cours de l’expérience sensible par l’intellect agent, In I’Sent., t. III, dist. XIV, q. i, a. 3, q. v, ad 3 ; il l’admet pleinement dans la Somme théologique, loc. cit., a. 2. D’ailleurs, la science acquise du Christ a toujours été conforme à ce que, vu les circonstances, il était convenable qu’il sût ; nonobstant son développement progressif et continu, elle a donc toujours été. relative ment à cette convenance, parfaite. L’existence de la science expérimentale dans le Christ est tnéologtqac ment certaine. 2. La sainteté du Christ. Ce couii aperçu sur la théologie de la science de l’âme du Christ sera déve loppé a Science do Christ ; mais il (’tait nécessaire de le produire ici afin de nous permettre de mieux comprendre ce que fui la sainteté de lame du Christ avons déjà vu que cette sainteté est attestée |’" 127 :. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L276 les synoptiques, col. 1158, par saint Paul, col. 1235 el par saint Jean, col. 1243 ; qu’elle est proclamée par les Pères de l’Église, col. 1218, 1258. etc. Les théologiens scolastiques n’ignorent pas ces preuves positives et c’est sur elles qu’ils fondent la certitude de quelques-unes de leurs thèses, bien qu’il n’y ait, à leur sujet, aucune déclaration authentique de l’Église. a) Le problème théologique de la sainteté de Jésus-Christ : sainteté substantielle incréée, sainteté accidentelle créée. - La sainteté qui comporte l’union, la conjonction avec Dieu, d’une façon ferme et stable, voir Sum. theol., II « II », q. i.xxxi, a. 8, ne se trouve pas réalisée de la même façon dans les différents êtres qui en sont susceptibles. En Dieu, cette sainteté est essentielle : l’union est réalisée par l’identité, et la stabilité de l’union se confond avec l’acte pur. Dans l’ange ou dans l’homme, la sainteté, tout en affectant la substance de l’esprit, est accidentelle et résulte Formellement de la grâce sanctifiante, principe créé qui les rend participants de la nature divine et capables d’opérer surnaturelleinent. Mais, en Jésus-Christ, en qui l’unité de personne renferme, unies en une conjonction étroite, la divinité et l’humanité, quel est le principe formel de la sainteté ? On le voit, il ne s’agit pas d’expliquer la sainteté essentielle au Verbe comme tel ; ce point est étranger à la présente controverse. Mais on considère uniquement la sainteté humaine en Jésus-Christ, sainteté explicitement affirmée par l’Écriture, Luc, i, 35 ; Joa., x, 36 ; Act., iii, 14, et qu’il faut absolument reconnaître en celui qui, étant le médiateur de Dieu et des hommes, I Tira., n. 5. doit communiquer à tous de la plénitude de sa sainteté. Joa., i, 16. Et on se demande si l’humanité du Christ a été sanctifiée par le seul fait de l’union hypostatique, d’une. sainteté incréée, ou bien si la grâce habituelle, infuse et créée — que cette humanité a d’ailleurs très réellement possédée, a été nécessaire à sa sanctification. La controverse est propiement théologique et bien postérieure a saint Thomas qui ne l’a point envisagée directement. Et, en réalité, une simple remarque suffirait à mettre d’accord entre eux les théologiens. Si la sainteté n’était en Jésus qu’un principe des opérations surnaturelles de l’union à Dieu par la connaissance et par l’amour, on devrait affirmer qu’elle résulte nécessairement et uniquement de la grâce habituelle, infuse et créée. C’est à ce point de vue que certaines scotistes se sont placés pour affirmer une thèse peu acceptée des autres docteurs catholiques. Mais, en Jésus-Christ, la sainteté est, avant tout, un état, l’humanité du Sauveur étant indissolublement et substantiellement unie à la divinité. De même que cette union est substantiellement surnaturelle, voir Hypostatique (Union), col. 532, de même la sainteté qu’elle implique est une sainteté substantielle, logiquement antérieure a la sainteté des opérations surnaturelles issues de la grâce créée et des vertus qui en dérivent. b) Sainteté substantielle incréée. a. Problème principal. L’union hypostatique est le plus parfait des dons que I)ien puisse faire â une créature : elle est une union qui dépasse toute aulie union. HYPOSTATIQUE (Union), col. 532-53 1. Toutefois, nous L’avons déjà fait observer, ce serait s’arrêter â une conception trop étroite que de considérer l’union hypostatique séparément de la vision béatilique, de la grâce sanctifiante, de la gloire qui en est le complément et le couronnement nécessaire. C’est pour s’être arrêté â cette hop subtile distinction que Durand de Saint l’ourçain et les scot istes en général on1 nié la sainteté substantielle Incréée de Noire seigneur. Durand de Saint-Pourçain’arrêtant a l’hypothèse d’une nature humaine., dé pourvue de grâce sanctifiante, mais unie hj postatique ment à la divinité, allirme que cette nature humaine, nonobstant l’union hypostatique, eut été faillible et aurait pu pécher. In IV Sent., t. III, dist. xii, q. n. u. 7. D’autres théologiens, dans la même hypothèse, refusent au Christ la puissance de mériter. Pierre de la Palu, P<L, dist. XIII, q. n ; Didace Alvarez, In ///>" » partem Sum. theol., q. vii, a. 1, disp. XXXI, n. 18. Toute une école, à laquelle on voudrait rattacher saint Bonaventure, prétend que la grâce sanctifiante créée est nécessaire comme condition logiquement préalable â l’union hypostatique. Voir ce mot, col. 529. Toutes ces opinions, sous une forme ou sous une autre, proclament la nécessité de la grâce sanctifiante pour que le Christ puisse agir saintement. Nous avons indiqué tout à l’heure comment l’aspect de l’opération surnaturelle dans la sainteté du Christ justifie ces assertions. Une seconde opinion, qui est à proprement parler celle de l’école scotiste, affirme que l’union hypostatique sanctifie l’humanité du Christ, non formellement, niais fondamentalement, en ce sens qu’elle est la source, la racine de la sainteté en Jésus. Elle n’est pas par elle-même la justice, mais elle produit nécessairement la grâce habituelle créée qui devient la forme même de la sanctification. Cf. Mastrius, De incarnatione, disp. II, q. i, n. 16 ; Ilenno, id., disp. XIV, q. 1. Les thomistes et. en général, la plupart des théologiens catholiques estiment que ce n’est pas assez dire. L’union hypostatique, d’après une troisième opinion, reçue de presque tous, sanctifie formellement, c’est-âdire immédiatement, par elle-même, directement et non seulement par une exigence physique ou morale de la grâce habituelle, l’humanité de Jésus-Christ. Cette explication du terme formellement est ici nécessaire pour éliminer de notre esprit la conception d’une forme inhérente à l’âme de Jésus-Christ (principium quo), par laquelle cette âme serait sanctifiée. Le principe de la sanctification substantielle du Chiist est le Verbe lui-même uni immédiatement à l’humanité (principium quod). Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XII, dub. i, § 3, n. 16 ; Gonet, De incarnatione, disp. XI, a. l, n.8 ; Hugon, /> Verbo incarnalo, Paris, 1920, p. 144. Cette sanctification de l’humanité est comme un sacre, une onction qui fait du Christhonimc. même antérieurement â la possession de la grâce sanctifiante (antériorité purement logique) l’objet des complaisances de Dieu. Voir, dans l’école thomiste, Médina, In III’m p. Sum. S. Thomæ q. vii, a. 1, dub. 2 ; Jean de s. Thomas, De incarnations, disp. VIII, a. 1, concl. 1 et 2 : Godoy, id., disp. XXI, n. 4 ; Gonet, id., disp. XI, a. 1 ; D. Soto, In IV Sent.. t. IV, disp. N1X. q. i, a. 2 ; De mdura et ijratia, t. III, c. vi ; BiUuart, De incarnatione, dissert. VIII, a. l ; en dehors de l’école thomiste, les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, unanimement, Suarez, De incarnatione, disp. XVIII, sect. i, n. 3 : Grégoire de Valencia, id., disp. i, q. vii, punct. l : Vasquez, id., disp. |.|, c. m ; De Lugo, id., dis]). XVI, n. 2 : et de nos jours, llugon. op. cit., q. v, a. 1 : Le nu/stère de l’incarnation, Paris. 1913, [V « partie, c. i : Stentrup, <ip. cit., th. i.x.wir ; Franzélin, DeVerbo incarnalo, th. xi. i ; Ch. Pcsch, De Verbo tncarnato, prop. xxii ; limier, Theologia dogmatica, n. 584 sq.. etc. Ces théologiens ne prétendent pas, pour autant, supprimer la nécessité de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ comme principe des opérations surnaturelles. La sain teté substantielle du Christ regarde l’étal de l’humanité unie â la divinité et non directement ses opéra-I ions. Ces explications données, il n’est point difficile de montrer comment l’opinion communément admise est fondée en autorité el en raison. En autorité tout d’abord. La sainte Écriture atteste que le Christ a reçu 12 ;
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- ' ; i luinc loc, a. 2, q. n et conclusion. C’est
- L’humanité entière du Christ influe sur les hommes…
- deux éléments constitu irps mystique
- I Pet., ii, 9. Aussi., , ce sujet, saint Augustin dit
I. L’existence historique de Jésus. —
II. Le caractère surnaturel de la venue de Jésus en ce monde (col. 1364). —
III. La personnalité divine de Jésus (col. 1370). —
IV. La conscience messianique du Christ (col. 1386). —
V. Les miracles du Sauveur et leur valeur démonstrative (col. 1398). —
VI. La résurrection de Jésus (col. 1406). I. Existence historique de Jésus. Cette existence repose sur des preuves irréfutables. Jésus est apparu sur terre à une époque bien déterminée. Les personnages mêlés à sa vie ont une réalité historique que nul ne conteste. C’est dans un cadre bien connu qu’évolue le Sauveur. En comparant les évangiles aux sources historiques profanes, on ne relève en eux aucune contradiction touchant le milieu palestinien, les influences et les courants d’idées qui s’y manifestaient, les coutumes, les croyances, les vicissitudes du peuple juif. En bonne logique, on ne saurait donc contester, dans tout cet ensemble, la réalité historique du seul Jésus. A elles seules, les lettres de saint Paul suflisent à mettre hors de doute l’existence de Notre-Seigneur. Enfin, nous l’avons vii, col. 1132, quelques documents profanes viennent corroborer l’assertion évangélique de tout le poids de leur témoignage incontesté. Certains auteurs ont cependant, sous des formes différentes, soutenu le paradoxe de la non existence historique, sinon de la personne même du Christ, du moins de son rôle dans le monde. On peut citer, parmi les plus connus, P. Jensen, Das Gilgamesh-Epos in der Weltlitteratur, Strasbourg, 1906, p. 102’. » 1030 ; Drews, Die Christusmylhe, Iéna, 1909 ; I laupt, The Aryan Anceslry o Jésus, articles publiés dans Open Court de Chicago, 1909, et surtout W.-Ii Smith, Der vorchristliche Jésus, Giessen, 1906 et Ecce Dais, Iéna, 1911. L’argumentation de ces auteurs se ronde tout d’abord sur un petit nombre de faits secondaires, d’indices plus ou moins vagues, pour en déduire toute une histoire nouvelle, en contradiction avec le gros des témoignages et la masse des i alsemblancei Parmi les « indices., les plus mai quis (in | tindes rappro chements que certains assyriologues ont faits entre k’s récits mythologiques des religions anciennes et les narrations évangéliques. C’est l’argument principal <le P. Jensen, qui trouve Gilgamës reconnaissable non seulement en Jésus, mais en trente antres personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Marotte de spécialiste : Sans pousser le paradoxe aussi loin que Jensen, d’autres auteurs rapprochent Jésus de Mardouk : cf. II. Zimmern, dans la 3’édition refondue de l’ouvrage de Schrader, Die Keilinschriften und dus Aile Testament, Berlin, 1902 ; Jérémias, Babt/lonisclies im Xeuen Testament, Leipzig, 1905. Des rapprochements analogues sont faits entre Jésus et Bouddha ; cf. R. Seydel. Die Budda-Legende und das Leben Jesu, 2’édit.. YVeimar, 1907 ; R. Steck. Dcr lun/luss des Luddhismus au/ das Christentum, Zurich, 1908 ; on tiouve ces rapprochements chez Smith et Ilaupl. I « ’autres parlenfde Mithra, et concluent a une influence des religions orientales en général et du culte de Mithra en particulier sur la figure du Christ tracée parles évangiles et saint Paul. F. Cumont, Les mystères de Mithra, 2e édit. Paris, 1903 ; J. Cyrill, Die persisrhe Mi/sterienreligion im rômischen Reich und das Christrntum, Tubingue, 2e édit., 1907, etc. Voir, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, les articles Mithra (la Religion de), et Mystères païens (les) et saint Paul, t. iii, col. 578 sq. ; 961 sq. Sur l’origine et le développement de ces systèmes, voir L. Cl. Fïllion, Les étapes du rationalisme, p. 296-319 ; A. Valensin. Jésus-Christ et l’histoire comparée des Religions, Paris, 1912, p. 56-84. On trouvera dans l’ouvrage de M. Fillion une abondante documentation bibliographique. Tous ces rapprochements sont sans fondement solide, basés sur des ressemblances superficielles, purement extérieures, matérielles ou même simplement verbales. Ces traits d’érudition de mauvais aloi ne sauraient domrer la raison dernière d’une histoire qui est le point de départ d’un mouvement prodigieux comme celui du christianisme : Quels sont donc les rêveurs anonymes capables d’avoir donné corps à des fables inconsistantes ? Faudrait-il admettre l’hypothèse absurde d’un mythe éclos spontanément ? La thèse de W.-B. Smith supprime le rôle historique de Jésus, sans contester toutefois l’existence du personnage ; aux preuves tirées des comparaisons avec les religions orientales, elle en ajoute d’autres tirées du christianisme lui-même. Au siècle qui a précédé l’ère chrétienne, il y aurait donc eu, chez les Juifs et surtout dans le monde grec, une religion aussi secrète que répandue, du dieu Jésus le Nazaréen, c’est-à-dire le « protecteur », ou le « sauveur ». Nazareth n’a jamais existé. Pour la réfutation de ce sophisme extravagant, voir Lagrange, Évangile, selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 37-39. C’est surtout le livre des Actes qui est exploité en faveur du Jésus préchrétien ». (ni cite le cas d’Apollos. Act., xviii, 24-28, qui était instruit dans les voies du Seigneur » et « enseignait exactement les choses de Jésus », tout eir « ne connaissant que le baptême de Jean ». Pour expliquer ce cas, il n’est pourtant pas nécessaire de supposer un culte piéchrétien de Jésus. Quelles que soient d’ailleurs l’origine et le caractère de la secte des Nazaréens dont parle saint Épiphane et que ce Père distingue des judéo-chrétiens (Nazoréens), en la déclarant antérieure au christianisme il n’en résulte pas que l’appellation « Jésus de Nazareth o soit un contre-sens. Les « meilleurs .aiguinent s de M. Smith sont, on le voit, bien fragiles. Faut-il enfin rappeler que ces négations radicales n’ont pas même Plntérêl de la nouveauté ? Elles ne sont cpie des rééditions des extravagances de Bruno Bauer, Krilik der evangeltschen Geschtchte des Johannes, Berlin, 18-10 ; Krilik der evangeltschen Geschichte, icr Synopttker, Berlin, 1841-1842 el surtout Krilik der Evangclien und Geschichie ihres Ursprungs, Berlin, 1850-1851, et Christus und die Câsaren, Berlin, 1877 : ou encore d’Arnold Ruge († 1880), dans les Halliselie Jahrbucher Jûr Kunsl und Wissensehafl, années 1838-1842, passiin. Aux auteurs ayant ni. ; l’existence historique de Jésus, il faut ajouter Albert Kalthoff, dont le radicalisme absolu traite d’allégories et de légendes tout le Nouveau Testament, Dos Christus Problem, Leipzig, 1902 : Die Hnlslehumj des Christentums, Leipzig, 1904 ; Was ivissen wir von Jésus ? Berlin, 1904. L. Cl. Flllion, L’existence historique de Jésus et le rationalisme contemporain, Paris, 1909 ; Les étapes du rationalisme dans ses attaques contre la Vie de Jésus-Christ, Paris. 1911 ; A. Valensin, Jisus-Christ et l’élude comparée des religions, Paris, 1912 ; J. Case, The Historicitg of Jésus, Chicago, 1U12 ; G. Esser, dans la Theologische Revue, Munster, 1911, p. 1-16 ; 11-17 ; A. Knœpller, Das Christusbild und die Wissensehafl, Munich. 1911 ; I.. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de M. d’Alès, t. rt, col. 1310 sq. — Parmi les non catholiques, citons : II. Welnel, Ist das « libérale » Jesusbild widerlegt ? Tubingue, 1910 ; A. JûUcher, Hat Jésus gcleht ? Marbour ; ;, 1910 ; 1$. W. Bacon, The mgthical collapse / historical christianitg, dans Hibbert Journal, juillet 1910, p. 731-753 ; Th.-J. ïhomburn, Jésus the Christ : historical or mythical ? Londres, 1912 ; F. Loofs, What is the Truth about Jésus Christ, dans Lectures, Edimbourg, 1913, p. 1-10 ; A. Loisy, A propos d’histoire des religions, Paris, 1912, e. v. Le mythe du Christ ; C.h. Guignebert, Le problème du Christ. Paris, lï)14 ; Hans Windlsch, art. Jesus-Christus, dans Realencuklopàdie fiir protestantische Théologie und Kirehe, supplément i, Leipzig, 1913, p. 674-684. Voir aussi Btblische Zcitschrift, 1910, p. 415-417, emmurant les brochures.m articles en langue allemande sur le sujet. II. Caratëre surnaturel de la venue du Chris r en ce monde. — Sous ce titre, à dessein très général, se groupent un certain nombre de controverses, dont quelques-unes doivent avoir ailleurs leur exposé et leur solution. 1° La conception et la naissance surnaturelle de Jésus, niées par tous les rationalistes contemporains après tant d’hérétiques des siècles passés, sont les deux faits saillants où éclate davantage le caractère surnaturel de la venue du Christ en ce monde. Mais les controverses soulevées à propos de ces deux fails ont leur place indiquée à la question de la virginité perpétuelle de la sainte Vierge. Voir Marie. 2° Les /ails merveilleux qui précèdent, accompagnent ou suivent la naissance du Sauveur, sont pareillement révoqués en doute. — l. Un argument de portée générale prétend ruiner l’autorité des récits de l’enfance de Jésus. On nie purement et simplement V authenticité des quatre chapitres de saint Matthieu et de saint Luc, où sont consignés ces récits. La n tion remonte à la fin du xviii 8 siècle, époque où Williams publia A jree Inquiry into the authenlicity of the first and the second chaplers of S. Matlhciv’s Gospi. Londres, 1771. Les raisons invoquées ne manquent pas, a) On note tout d’abord l’absence des récits de l’enfance dans saint Marc, qui regarde la prédicat i m de Jean-Bapl iste comme « le commencement de l’évangile de Jésus Chiisi », Marc., i, 1-1 ; et dans la catéchèse apostolique, qui néglige les faits préliminaires de la te du Sauveur pour placer en première ligne ceux qui se rai tachent au ministère du précurseur. Act.. i, 21 ; x, 37 ; xiii, 23-25. On souligne le silence de saint Jean, de saint Paul, de tous les autres écrivains du Nouveau Testament et même, dans l’évangile, de Jésus et de Marie. Karl Hase, Geschichie Jesu, 2° édit., Leip 1891, j>. 223 : Albert Héville, Jésus de Nazareth. Paris. 1X97, t. i. p. 389 ; A. Sabatier, art. Jésus, dans l’Encyclopédie îles sciences religieuses de Llchtenberger, l. vu. p. 362-363 ; Harnack, Dus Wesen des Clirislentums, Berlin, 1903, p. 20. Vucune de ces raisons JESl S-CHRIST ET I A CR] I lui I I S RÉCITS Dl.
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