Dictionnaire de théologie catholique/JUSTIFICATION : Doctrine chez les Pères III. Depuis la controverse pélagienne

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 343-348).

III. Depuis la controverse pélagienne. —

Il fallait insister sur cette période primitive pour y saisir, jusque dans l’éparpillement de ses énoncés, l’expression de la foi catholique en matière de justification et les premières amorces de la théologie qui se dessine en vue de l’expliquer. Ce qui nous permettra de glisser plus rapidement sur les siècles qui suivent, en nous contentant de relever ce que la controverse pélagienne devait ajouter de neuf sur un fond désormais acquis.

I. conditions de la JUSTIFICATION.

A la différence

de la période qui précède, le ve siècle naissant s’est trouvé ici en présence d’un problème. Car des tendances extrêmes, où l’on peut soupçonner l’aboutissement d’une longue incubation, commencèrent à se faire jour, qui menaçaient en sens inverse l’équilibre de la tradition catholique, dont saint Augustin allait se faire l’infatigable et glorieux défenseur.

1° Le milieu : erreurs inverses. — Étant donné que la justification intéresse essentiellement deux facteurs, l’homme et Dieu, la nature et la grâce, le danger est toujours possible de méconnaître l’un ou l’autre. Cette éventualité s’affirme, vers la fin du ive siècle et le début du ve, comme une double réalité.

1. Rationalisme pclagien.

D’une part, en vertu de son rationalisme anthropologique, le pélagianisme était amené à faire dépendre le salut des seuls efforts du libre arbitre.

Si Pelage consentait à parler de grâce, dans un sens d’ailleurs équivoque, c’était pour la faire dépendre tout entière de nos mérites : Apertissime dicit gratiam secundum mérita nostra dari, rapporte saint Augustin, De gratia Christi, I, xxii, 23, cf. xxxi, 34, P. L., t. xliv, col. 371, 376 ; Contra duas epist. pelag.. II. vm, 17, ibid., col. 583, et Contra JuL, IV, iii, 15, ibid., col. 744. Ce principe s’applique même à la première grâce, puisque Pelage disait des infidèles : llli ideo judicandi atquc damnandi sunt quia, cum habeant liberum arbilrium per quod ad fulem venire passent et Dci gratiam promereri, maie utuntur libertate concessa. Hi vero remuncrandi sunt qui, benc libero ulentes arbitrio, merentur Domini gratiam. S. Augustin, De gratia Christi, I, xxxi, 34, coi. 376-377.

Célestius allait jusqu’à dire que la rémission des péchés était due aux mérites du pénitent : Quoniam pœnitentibus venin non datur secundum gratiam et misericordiam Dei, sed secundum mérita et laboremeorum qui per psmitentiam digni juerint misericordia. S. Augustin, De geslis Pelagii, xviii, 42, ibid., col. 345. Mais il était en cela désavoué par Pelage et par le gros des pélagiens. Ibid., 13. Cf. De gratia et lil>. arbitrio, vi, 15, ibid., col. 890. Pour plus de détails voir Pelage et déjà Augustin, 1. 1, col. 2380-2382.

I >és lors on peut se demander quelle est la valeur des nonibn-ux passages où il est question de notre justification « par la seule foi » dans ce commentaire pseiicln hiéronymien de saint Paul où l’on s’accorde à voir une œuvre de Pelage. Ces textes ont été soigneusement collines par F. Loofs, art, Pelagius, dans Realencyclop &die, t. xv, p. 753-754, pour aboutir à cette conclusion : « Il n’y a pas eu avant Luther de défenseur aussi énergique du sola fuie. » Cf. Dogmengeschichie, P édit., Hall-, 19(Ki, p. 387 et 119-120. Voir en particulier Ps. llicronyni., In Rom., IV, 5, P. L., t. xxx, col. 688 : Convertentem impium per solam fldem justificat Deus… Proposuit gratis per solam /idem peecata 209^

    1. JUSTIFICATION##


JUSTIFICATION, LA DOCTRINE DEPUIS LE PÉLÀGIANISME

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rvmiltere. Il est vrai que, plus loin, l’auteur précise son point de vue en disant que la foi ne suffit pas sans les œuvres, In I Tim., ii, 15, col. 021 : Sola fldes ad salutem ei qui post baptismum superoixerit non suffi-iat nisi sanctitatem mentis et corporis habeat. Cf. In Gal., m, 10, col. 848 : Fides ad hoc proftcit ut in primitiis credulilatis accedentes ad Deum justificet si deinceps in fustificatione permaneant. Ceternm sine opcribus fldei, non legis, moiiua est /ides.

Seules ces dernières déclarations correspondent au système pélagien. Il faut donc croire que les autres, où s’affirme le rôle de la grâce rédemptrice, n’ont qu’une porté.- cxégétique, à moins qu’elles ne puissent passer pour le rappel des formules catholiques dont l’auteur évacuait par ailleurs le contenu. L’hypothèse n’est du reste pas exclue de remaniements postérieurs qui auraient permis de conserver à cette œuvre d’origine hérétique son crédit dans l’Eglise. De toutes façons, il n’y a pas lieu d’amender de ce chef l’impression vivante que les premiers témoins ont eue du pélagianisniu, originel.

2. Laxisme moral.

A l’opposé de ce moralisme, où tout le salut dépend de l’homme, on rencontre, sous des formes diverses, certain laxisme qui proclamait systématiquement l’indifférence ou l’inutilité des œuvres.

Les controversistes catholiques ont reproché cette erreur à l’évêque arien de Cyzique, Eunomios. « De la fréquentation des plaisirs l’âme ne retirerait aucun dommage ; la seule foi hérétique suffit à l’homme pour sa perfection. » S. Grégoire de Nysse, Conl. Eunom., i, P. G., t. xlv, col. 281. Renseignement recueilli presque en termes identiques par saint Augustin, De hær., 54, P. L., t. XLn, col. 40 : Nihil cuique obessel quorumlibet perpetratio ac perseueranlia peccatorum, si hujus quæ ab Mo docebatur fidei particeps esset.

En Occident, on devine la même tendance dans l’opposition faite par Jovinien aux pratiques de l’ascétisme. Non content d’enseigner que la virginité n’a pas plus de valeur que le mariagr, il arrivait à dire, au rapport de saint Jérôme, que l’abstinence n’importe pas plus qu’une honnête jouissance des dons de Dieu, que ceux qui ont reçu le baptême plena fuie ne peuvent plus être séduits par le démon et que tous ceux qui en gardent la grâce recevront au ciel la même récompense. S. Jérôme, Adv. Jovin., i, 3. P. L., t. xxiii, col. 224 ; cf. ii, 35, col. 347-348. « Ce que Jovinien prêchait au fond — et ce qui lui a valu toujours depuis les sympathies protestantes — c’est le salut par la foi seule et l’inutilité des bonnes œuvres pour le salut, c’est le salut universel de tous les chrétiens. » Taxeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 24(5. Voir Jovinien, ci-de ; sis, col. 1577. De ces « sympathies protestantes » témoigne en particulier le long et favorable exposé que lui consacre A. Harnack, Zeitschrijt, loc. cit., p. 13815 1. Il reste qu’on doit à Jovinien un premier essai d’appuyer.e relâchement de la vie chrétienne sur une doctrine tendancieuse de la justification.

Plus importante et plus significative à tous égards que cette tentative isolée est l’erreur combattue par saint Augustin dans son traité De fide et operibus. Cf. Relract., ii, 38, P. L., t. xxxii, col. 646. Voir Harnack, ibid., p. 163-172.

L’évêque d’Hippone la résume lui-même en ces termes : Opinio… in qua promitlitur scelestissime turpissimeque viuentibus, etiamsi eo modo vivere persévèrent et lantummodo credant in Christum ejusque sacramenta percipiant, eos ad salutem vitamque œternam esse l’cnluros. De fuie et op., xxvii, 49, P. L., t. XL, col. 229 D’une manière plus nerveuse, souvente fois au cours de son exposé, il condense la conception de ces chrétiens en des formules comme celles-ci : Fidem sine opcribus valere ad salutem… Ad eam obtinendam suf/icere fidem..

DTCT. DE THÉO !.. CATIIOL.

Ad vitam veniriper solam fidem. xiv, 21-xv, 25, col.211214. Et l’on voit, par la discussion qu’en fait Augustin, que les tenants de cette idée invoquaient, non seulement les textes classiques de saint Paul, tels que Rom., iii, 8 ; iv, 5, et. v, 20, mais les paroles de l’Évangile où est soulignée l’importance de la foi, comme Matth., xv, 26-28, et Joan., xvii, 3, l’invitation pressante que le père de famille adresse aux bons et aux mauvais pour les 1 noces de son fils, Matth., xxii, 2-10, la souveraineliberté que vaut aux croyants d’après l’apôtre le mystère de la rédemption, Gal., iv, 31, ou la sécurité que leur procure l’intercession du Rédempteur. I Joa., n, 1-2. On ne fait pas tort à ces laxistes du ve siècle en les donnant comme d’obscurs ancêtres du système de la justification par la seule foi.

Doctrine de saint Augustin.

Ces errreurs inverses

dont il a nettement senti la menace expliquent la position moyenne prise par saint Augustin.

1. Nécessité de la grâe.

Son premier et principal effort fut de maintenir contre les pélagiens l’action de Dieu à la base de notre justification.

En effet, la nécessité de la grâce, qui jusque-là ne s’affirmait guère qu’en passant, est mise par lui au premier plan de la foi catholique. Voir Augustin, 1. 1, col. 2384-2387. Et ceci doit s’entendre d’un don divin absolument gratuit, que ne précède aucun mérite de notre part. Quomodo est gratia si non gratis datur ? Quomodo est gratia si ex debito redditur ? De gratia Christi, I, xxiii, P. L., t. xliv, col. 372. Cf. ibid., xxxi, 34 : Nisi gratuila non est gratia, col. 377. Tel est, sous mille formes variées, le leil-motiv de sa controverse contre les pélagiens. On sait que ce principe est étendu par l’évêque d’Hippone jusqu’au tout premier commencement de la foi. De div. quæst. ad Simplic., I, q. ii, P. L., t. xl, col. 1Il sq. En quoi il corrigeait consciemment l’erreur contenue sur ce point dans divers écrits antérieurs à son épiscopat.De præd.sanct., ni, 7, P. L., t. xliv, col. 964. Voir Tixeront. Hist. des dogmes, t. ii, p. 489-490.

2 Paît de l’homme. — Cependant l’action de Dieu ne va pas, chez Augustin, sans le concours de l’homme.

Il suffit, pour en avoir l’assurance, de rappeler l’adage célèbre : Qui fecil te sine te non te justi/icat sine te… Fecit ncscienlem, justificat volentem. Serm., clix, c. xi, n. 13, t. xxxviii, col. 923. Voir Augustin, t. i, col. 2387-2392. La première forme de cette coopération humaine, c’est la foi : Initium bonee vitse, cui vita eliam œlerna debetur, recta fides est. Est autem fides credere quod nondum vides. Serm., xliii, c. i, ibid., col. 254. Où l’on voit sans conteste que la foi signifie essentiellement une adhésion de l’intelligence aux dogmes chrétiens. Voir Augustin, 1. 1, col. 2337-2338. Parce qu’elle est un acte de soumission à l’autorité, divine, cette foi a déjà par elle-même une valeur morale — saint Augustin ne craint pas de dire : un « mérite » — mais à condition de ne pas oublier qu’elle est tout d’abord un don de Dieu : Fidei meritum etiam ipsumesse donumDei. Relract., I, xxiii, 3, P. L.. t. xxxii, col.G22. Cf. Epist., cxciv, c. iii, n. 9, t. xxxiii, col. 877.

Une fois implantée dans l’âme parla grâce, cette foi y doit fructifier en bonnes œuvres. Souvent affirmée en passant, voir Augustin, 1. 1, col. 2435, cette nécessité des œuvres fait l’objet spécial de l’opuscule De fuie et operibus. L’évêque d’Hippone l’établit en exégète et* se charge d’énumérer en faveur de sa thèse innumerabilia per omnes Scripturas sine ambiguitale dicta ou encore evidenlissima leslimonia Scriplurarum. xv, 26, t. xl, col. 214. Non seulement il se réclame des épîtres apostoliques, qu’il estime destinées à réagir contre certaines fausses interprétations de saint Paul ; non seulement il remonte aux passages de l’Évangile où le Maître réclame l’observation des commandements et promet de juger chacun suivant ses œuvres :

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mais il s’applique à restituer la pensée intégrale de l’Apôtre lui-même, en complétant, Rom., iv, 2-5, par

I Coi.. m : i. l et surtout Gal., v, 6 : Ipse Paulin non quamlibel /idem qua in Deum creditur, sedeam salubrem planequt evangelicam definioit eu jus opéra ex dilectione procedunl, xiv, 21, col. 21 1. El s’il "st dit que la vie éternelle consiste à connaître Dieu, Joa., xvii, .’5, c’est pareque la connaissance « le Dieu permet seule de le servir : Hoc itaque prodest in Deum recta fi.de credere, Deum colère, Deum nasse, ut et bene uuiendi ab ilh sil no bis auxilium et, si peccaverimus, ab ilio indulgenliam mereamur, xxji. 11, col. 223.

3. Conséquence : La justification. — De ces principes découle l’idée de la justification. Saint Augustin, d’une pari, accepte volontiers qu’on parle de justification par la toi, soit que la toi signifie, d’un point de vue dogmatique, le bienfait de Ja rédemption qui est le principe indispensable de notre salut, Cont.duas episl. Pelag., 1, xxi. 39, t. xltv, col. 569 ; De præd. sanct., vu. 12, ibid., col. 969, et Epist., clxxxvi, C. m. n. N-’l. t. xxxiii, col. 818-819, voir Liese, "Pcit., p. l 10-162, soit que, d’un point de vue moral, elle s’entende de la loi vivante qui fructifie dans la charité. De gralia et lib. arb., vu. IX, t. xi.iv, col. 892. Mais la loi sans les œuvres ne saurait être qu’une loi morte, sans aucune valeur pour le salut. Quousque faUuntur, s’écrie-t-il en une énergique antithèse, ’/ni île fide mortua sibi oitam perpétuant pollicentur ? De. /ide et op., xiv, 23, col. 212. Cf. Contra duas episl. pelag., III, v, 11. t. xi.iv. col. 598 ; De Trin., XV, xviii, 32, t. xui.col. 1083.

Devant la netteté de ces principes e.t la fermeté de leur application, les protestante sont bien obligés d’abandonner saint Augustin et de reconnaître que sur ce point il a payé son tribut au < catholicisme vulgaire i. Voir Ilarnack, Dogmengeschichle, t. ta, p. 86Xi). A défaut de sa doctrine, tout au moins veulent-ils parfois se prévaloir de sa piété, qui annoncerait celle de Lut lier. Ilarnack, ibid., p. <S(i et NI 2, après Thomasius, op. ci !., p. 13$1-$232. Subtil méthode ou l’on quitte le terrain solide des (ails pour le sable mouvant des appréciations subjectives, et qui, de ce chef, favorise tous les procès de tendances. Car, si saint Augustin a senti mieux que personne la misère de l’homme et chanté en accents émus la grâce de la rédemption, ce mysticisme s’accorde toujours pour lui avec la néces site et la valeur de noire effort personnel..lui quoi il reste le parfait témoin, non seulement de l’Église de son temps, mais du catholicisra i bien compris.

3° Tradition catholique postérieure à saint Augustin.

— Il s’en faut d’ailleurs que l’évêque d’Hippone soit un isolé. Quoi qu’il en soit de ses théories particulières qui n’entrent pas ici en caus, sur les points fondamentaux il ne fut pas autre chose que t’interprète de la loi traditionnelle. Le rôle des bonnes œuvres dans l’économie du salut est un de ceux-là. Si la controverse I pélagienne et ses suites l’ont désormais insister davantage sur la nécessité de la grâce qui en est le principe. c’est sans aucun détriment pour la part qui revient à notre coopération.

1. En Occident. - Déjà saint Jérôme, en dénonçant le laxi.sin de Jovinien, avait eu l’occasion d’in sist >r sur le mérite des œuvres et de rappeler les paraboles é va u gel iq uc s ou le Mail iv fait appel a nol re effort

moral : Nostri laboris est pro diversitate viriulum dioema nobis prxparare..dn..tanin., a, 32, P. /… t. xui, col. 3 11.Il va jusqu’à dire que la grâce divine se mesure à notre capacité : Tantam gratis* ejus injnndilnr quantum valemus haurire. Ibid., ii, 23, col. 331. Cf. In Gal., II, m. il 12, i. xxvi. col. 384, Aussi n’admet il

qu’une loi Ici -onde en navres : Qui rreilidei tut necesse ttt curant li ibeanl bimurnni opcruin per’/" lucrcditns QcJ-etfpm rit.e pr ; vp iratur a Irma lu l’p.atl’/'i’.ji.S,

ibid., col. 629. Comme saint Augustin, il synthétise les conditions du salut dans la loi qui opère par la

charité : Mani/csliim est operationem fidei per clmritatem plenitudinem mandatorum omnium continere. Quomodo autem iuxta aposlolum Jæobum /ides absque operibus mortua est, sic absque fide, quamvis bona opéra sint, mortua computantur. In GoL, t. II, v. (i. col. 426. Où l’on oit que la loi signifie pour lui une participation, mais effective et agissante, à l’économie de. la rédemption. Liese, "/>. cit., p. 163-166.

Les disciples immédiats de saint Augustin s’appliquent à maintenir et à défendre ses principes sur la nécessité de la grâce, même pour le moindre commencement di bien, contre les erreurs scniipélagieniii s. Voir Semïpélagianisme et Orange (Concile d’). Mais celle grâce, loin d’exclure noire bonne volonté, en appelle le concours.

Celui-ci se réalise d’abord par la foi. Hoc eniin est, « lisait s ; iint Léon, quod justifient impios, hoc est quod ex peccatoribus facit sanctos, si in uno eodemque Domino noslro Jesu Christo et vëra deiias et vera credatur humanitns. Serm., xxxiv. 1, P. L., t. i iv. col 245. Voir de même saint Kulgence. De fide, Prolog., 1. P. L., t. i.xv, col. 1 1~ l : Fiées est bonorûm omnium fundamentum, …humaine salutis initium. Sine hac nema ad filialum Dei numerum potest pertinere… Sine fide omnis labor hominis vacuus est. En quoi l’un et l’autre entendent visiblement la fidèle adhésion à la vérité catholique intégrale. Cf. Liese, op. cit., p. 169-174. Augustinien rigide, ce dernier insiste volontiers sur l’inutilité « les œuvres sans la loi. Epist.. xvii. 25-26, 48-51, ibid., col. 181-484. Voir Fulgence, t. vi, col. 970-972.

lue fois le dogme de la grâce ainsi mis in tuto, ils s’accordent ions à réclamer la pratique des mixw. Saint Léon les résume dans la charité, qui a pour effet de Vivifier Imites les vertus, y compris la foi : Ihic villas onmes /</< it utiles esse vi vîntes, qus ipsam qui nue /idem ex qua jusliis vinit et qux sine operibus mortua nominatur sui admixtione vioificat, quia sicui in fide est operum ratio Ha in operibus fidei lorlitudo. Serm.. x, 2, P. /… t. n. col. 166. Cf. Serm., xxxii. I. col. 240 ; xxxv, 3, col. 252 et Epht., « ixix. 2. col. 1213. la paresse spirituelle n’est pas moins stigmatisée par saint Lulgence. et non seulement dans ses prédications aux fidèles, Serm., i. t-9, P. L., L i.xv. col.’22-721. mais dans ses exposés théologiques, connue De remiss. peccat., ii, 14-15, col. 565-567.

Celte préoccupation « le l’ordre moral s’accuse de plus en plus chez, les compilateurs ou pasteurs dîmes « pii devaient monnayer au profit du.Moyen Age l’héritage doctrinal « le saint Augustin. « Plus « pie jamais, aux néophytes barbares qui entrent « lans l’Église, les moralistes et les prédicateurs ineuliiuent « pie la foi sans les œuvres est inutile et morte. » Tixcront, llisl. îles dogmes, I. m. p. 3 17. Ainsi saint Césaire d’Arles, voir t. n. col. 2132-2163, et plus encore saint Grégoire le Grand : Unum enim sine altéra nil prodesse valet, quia nec piles sine operibus nec opéra adjuvant sine /ide. lit Ezech., 1. L nom. îx. (i. P. /… L i.xxvi, col. 872. Cf. Moral, XXXIII, vi, 12, ibid.. col. 07>s : In Evang., hom. xxxix. 9, ibid., col. 1300 : Quid prodest ipiotl Uetlemptori noslro per /idem junijimur si ab eo moribus disjungamur ? et hom. xxvi. 9, col. 1202 : Nos siqituti sumus. se<t si /idem nostr, m operibus sequiinnr. lut etenim vert crédit qui exerce ! operaiulo quod crédit. Citons enfin pour terminer ces belles antithèses (le saint Lidore de Scville : l’er /idem possit’ilitas boni operis inehnutur ; ex opère ipsa /ides per/icitur. Opu-i

enim /ide prævenitur, lûtes ex operibus eonsummaùw.

Opéra unit in ante /ultra iictpiuipiuin protlesse… Item /ides sine operibus netiuaqaam prodest. quia non potes ! per /idem Dca plucerc qui Dcuni coutemnit in opère. Ob hoc etiam /ides sine operibus riwiluu e$t, juvla.lacobuin ; <>(

opus extra fulem vacuum est, juxta Paulum… Quid ergo ? Utrique se destruunt ? Absit. Sed utrique nos instruunl. Di/fcr., ii, 35, F. L., t. lxxxiii, col. 91-92. Cf. De nat. rerum, xxvi, 4 : Fide et operibus homo justificatur. Ibid., col. 998.

On trouverait difficilement un résumé plus complet et plus heureux de la doctrine de l’Église sur le Tapport de la foi et des œuvres, en même temps qu’une meilleure harmonisation des textes scripturaires qui en énoncent le rôle respectif.

2. En Orient.

Indépendante de l’augustinisme, la théologie orientale n’eut qu’à puiser dans sa propre tradition pour y trouver les mêmes principes.

Sans avoir été touchés par la controverse pélagienne, ni peut-être en avoir adéquatement saisi l’importance, les Pères grecs du v° siècle s’accordent à mettre la grâce à la base de notre vie surnaturelle. Voir fixeront, Hist. des dogmes, t. iii, p. 212-214. Du côté de l’homme, son premier devoir est la foi, que saint Cyrille d’Alexandrie appelle « la racine de toute vertu et le fondement de la piété, » In Joa., IV, vii, 24, P. G., t. lxxiii, col. 676, parce que seule elle nous donne le moyen de participer à la grâce du Christ. Liese, op. cit., p. 166-169. Mais il y doit ajouter les œuvres, sous peine d’être une branche inutile et bonne à jeter au feu. Si la foi nous donne la connaissance de Dieu, la charité nous inspire, d’obéir à ses commandements. « Ainsi donc nous avons beau lui être unis par la foi, si nous la faisons consister en une profession pure et simple (du symbole) et ne serrons pas ce lien par les bonnes actions de la charité, nous serons bien des sarments sans doute, mais morts et stériles… Que par conséquent à la rectitude de notre foi s’ajoute la splendeur de nos œuvres et que nos actes correspondent, à nos paroles au sujet de Dieu. Alors nous serons avec le Christ, i Ibid., X, xv, 2, t. lxxiv, col. 348-353. Voir d’autres références à l’art. Cyrille d’Alexandrie, t. iii, col. 2521, et Ed. Weigl, Die Heilslehre des ht. Ci/rill von Xlexandrien, Mayence, 1905, p. 128-1 10.

Le célèbre ascète saint Nil proclame, d’une part, que « seule la foi au Christ Sauveur est notre justice. » Epist., i, 8, P. G., t. lxxix, col. 85. Mais il reproduit par ailleurs cette maxime, empruntée à saint Cyrille de Jérusalem, Cntech., iv, 2 : < La piéié véritable se ompose de ces deux éléments : dogmes pieux et bonnes actions. Il ne faut pas séparer l’un de l’autre. » Epist., ii, 165, col. 280.

Un autre moine du ve siècle, l’ermite Marc, a laissé un petit écrit « au sujet de ceux qui pensent être justifiés par leurs œuvres, » P. G., t. i.xv, col. 929-966, qui a retenu, au moins par son Litre et soi : objet, l’attention des protestants. Thomasius. op. cit., p. 427. Plusieurs des maximes qui le composent affirment, en effet, la gratuité du salut, la nécessité de la rédemption et de la grâce et condamnent, en conséquence, les œuvres faites dans un esprit pharisaïque de suffisance ou de marchandage. Cependant l’auteur veut aussi que la foi se traduise par l’obéissance aux préceptes du Christ ; il écarte du royaume aussi bien ceux qui s’estiment orthodoxes sans pratiquer les commandements et ceux qui, en les pratiquant, attendent la récompense céleste comme un salaire qui leur serait dû, » n. 5 et 17, col. 932 ; il tient que « la grâce opère dans la mesure où nous pratiquons les commandements, » n. 56, col. 937 ; cf. n. 85, col. 944 et n. 210, col. 964. On y lit même que < la justification vient des œuvres, des paroles et des pensées <, tout autant que i de la foi, de la grâce et du repentir procèdent des trésors de salut. » n. 1(11, col. 945. C’est dire que le mysticisme de l’auteur se meut dans les voies bien connues du catholicisme normal.

Il en est de même de théologiens comme Théodoret. Si, quand il pense à la rédemption, il déclare que,

dans l’œuvre du salut, « nous n’avons apporté que la foi » — et encore « la grâce en fut-elle l’auxiliaire, » In Eph. il, 8, P. G., 1. i.xxxii, col. 521, et In Rom., m, 25, col. 84 — il remarque ailleurs que « la foi a besoin des œuvres, » In I Tim., ii, 2, col. 797, et qu’elle ne suffit pas à ceux qui en sont dépourvus. In TH., ni, 8, col. 869. Voir encore S. Isidore de Péluse, Epist., iv, 20, 65, 213 et 226, P. G., t. lxxviii, col. 1069, 1121, 1305 et 1321 ; Ps.-Chrysostome, De fide et ley. nat., 1, P. G., t. xlviii, col. 1081-1083.

Cette tradition de l’Église grecque est bien résumée dans saint Jean Damascèm. qui écrit à propos du baptême : < La foi sans les œuvres est morte, et tout de même les œuvres sans la foi. Car la vraie foi se prouve par les actes. » De fide orthod., iv, 9, P. G., t. xciv, col. 1121. Cf. In Rom., iv. 2-3, t. xcv, col. 468 ; In Philip., iv, 8-9, col. 880. Voir Liese. op. cit., p. 174175, et Jean Damascène. ci-dessus, col. 711-742. Il existe même sous son nom, à l’appui de cette thèse, un de ces petits dossiers de sentences patristiques auxquels devait se complaire le Moyen Age byzantin. Sacra Parallela., iitt.il, tit. xxv, t. xevi, col. 533-536. Plus tard Théophylacte commente avec la même énergie le rôle de la foi proclamé par saint Paul, In Gal., m, 5-12, P. G., t. cxxiv, col. 985-988, et le rôle des œuvres revendiqué par saint Jacques, In Jac, ii, 14-25, t. cxxv, col. 1156-1161, en montrant comment les deux apôtres ne se contredisent pas parce que l’un parle de la foi considérée comme simple assentiment et l’autre de la foi envisagée comme principe de conduite.

En un mot, toute l’ancienne Église est d’accord, sans exception ni progrès appréciable, pour affirmer que la justification, si elle est un don de la grâce divine, requiert aussi le concours de notre bonne volonté et que celle-ci doit se manifester par les œuvres aussi bien que par la foi.

3. Textes liturgiques.

D’où le caractère très complexe de la piété catholique, où ces diverses sources de doctrine se réunissent comme en leur confluent. Elle n’est nulle part mieux caractérisée que dans la liturgie, où l’Église exprime, pour les inculquer à tous, les sentiments qui l’animent et qui, dès lors, prend le caractère d’un vaste témoignage collectif.

Or on y peut voir en maints endroits comment le chrétien est, non seulement exhorté au repentir de ses fautes, mais invité à les réparer par les bonnes œuvres, qui seules peuvent lui obtenir le salut. Qu’il suffise de citer cette collecte typique du Sacramentaire grégorien pour le premier dimanche de carême : Deus.., prsesta jamiliæ iuæ ut quod a te obtinere abstinendo nititur hoc bonis operibus exsequatur. P. I… t. lxxviij, col. 57. Ou encore cette autre du dimanche dans l’octave de Xoël, ibid., col 37 : Omnipotens sempiterne Deus, dirige actus noslros in beneplacito luo ut in nomine dilecti Filii lui mercamur bonis operibus abundare. Mais, en même temps, on y affirme à maintes reprises que nous ne pouvons rien sans la grâce et que toute notre confiance repose, en définitive, sur la miséricorde de Dieu et les mérites du Christ. Témoin cette oraison du V* dimanche après l’Epiphanie, ibid., col. 18 : Familiam tuam… continua pietaie custodi, ut quæ in sola spe gratin’cselestis innitilur… Ou bien celleci : Deus, qui conspicis qui ex nulla nostra actione confidirnus. … dimanche de la Sexagésime, ibid., col. 53, cl. cette autre du second dimanche de carême, ibid. : Deus, qui conspicis omni nos virtute destitui…, et enfin cette dernière formule encore plus explicite : … ut qui proprise justifias fiduetom non habemus…, postcommunion pour le commun d’un confesseur, ibid., col. 168

Les textes de celle dernière catégorie ont été réunis soigneusement contre Luther par Deniflc. Luther et le. luthéranisme, trad. J. Paquier, t. ii, p. 327-363. Il y

aurait intérêt à grouper également ceux de la première, non moins abondants ni moins explicites. Ce rapprochement suffirait à montrer comment l’Église n’a

jamais séparé ce que 1 >ieu voul t unir.

II. SATURE ET f.FFETS DE LA JUSTIFICATION. — Pasplusqu’à l’époque précédente, la justification n’est encore l’objet d’analyses approfondies que rien ne provoquait ; mais la théologie du surnaturel continue à s’affirmer et à se développer suivant la ligne que déjà nous lui connaissons.

1° l’.n Occident, la controverse pélagienne allait amener un supplément d’insistance, sinon de précision, sur les elïets de la grâce sanctifiante.

1. Erreurs pélagiennes.

Parce qu’il niait la réalité de la grâce et attribuait aux seules forces de la nature la possession du surnaturel chrétien, le système pélagien ne comportait pas de place pour une régénération intérieure de l’âme. Tout au plus les pélagiens consentaient-ils à appeler grâce la rémission des péchés. A vestro doymale non recedis, disait saint Augustin à Julien d’Kclane, i/uo putatis gratiam Dei… sic in sola peccalorum remissione versari ut non adjuvet ad vitanda peccata et desideria vineenda carnalia, diffundendo charitatem in cordibus noslris per Spiritum Sanclum. Cont. .lui.. VI, xxiii, 72, P. L., t. xuv, col. 866-867. Conclusion extrême, où se révèle suivant l’observation de Schwane, Hist. des dogmes, trad. Degert, t. iii, p. 148, une parenté inattendue entre « le système rationaliste du pélagianisme et le surnaturalisme extrême de Culher.

Mais en même temps cette rémission des péchés devait être complète, puisque, d’après les pélagiens, la nature humaine n’avait rien perdu de son intégrité. Aussi reprochaient-ils aux catholiques d’avoir une conception insuffisante du baptême. Du moment que ce sacrement laissait subsister la concupiscence, le péché ne serait pas vraiment effacé, mais seulement rasé, et donc toujours prêt à renaître. Dicunt, opposait Julien à ses adversaires catholiques, baptisma non dure omnrm indulgentiam peccatorum, nec au/erre crimina, sed radere, ut omnium peccatorum radiers in mala carne teneantur quasi rusorum in capite capillorum. Rapporté par S. Augustin. Contra duus epist. Pelag., I, xiii, 26, ibid., col. 562. Cf. III. m. 1. col. 589.

Cette erreur et cette calomnie des pélagiens allaient commander la conduite de saint Augustin et celle de toute la théologie catholique après lui.

2. Doctrine catholique : Effets de la justification. — a) Tout d’abord, pour enlever aux pélagiens leur arme calomnieuse, l’évêque d’Hippone affirme que le baptême nous assure la rémission effective de nos péchés. Dicimus ergo baptisma dure omnium indulgent iam peccatorum et au/erre élimina, non radere. I.a concupiscence qui survit en nous n’a pas, à parler proprement, le caractère de péché. Etiamsi vocatur peccatum, non utique quia peccatum est. sed quia peccalo facta est sic vocatur. Op. cit., 26-27, col. 562-563. Cf. III, iii, 5, col. 590 : Baptismus igitur abluit quidem peccata omnia, prorsus omnia. factorum, dictorum, cogilatorum, sive originalia, sine addita, sire quæ ignoranter sii<e que scienter admissa sunt ; sed non aufert inftrmitatem. Voir Augustin, t. i, col. 2395-2396. De même il refuse d’admettre que nos péchés soient « couverts », comme s’ils continuaient à exister encore. In Ps. I w. ii, ’.), 1’. L., t. XXXVI, COl, 261. Celle in/irmitas elle-même est appelée à disparaître progressivement ; mais la rémission de la faute est immédiate : In quo (Christo) l)-u régénérât Imminent generatum sanatque viliatum a re du statim, ab inflrmitate paulatim. Cont. Julian. 1 1, i, 8, t. xi iv, col. 679.

Il ce n’élail pas seulement là pour Augustin une

ogétique de circonstance. Car, en dehors de toute

controverse, son mysticisme doctrinal se plaît à assi miler le baptême au mystère du Christ Rédempteur, dont il est l’adéquate reproduction : Nihilaliud esse in

Christo baplismum nisi mortis Christi similitudinem

ut quemadmodum in illo vera mors facta est sic in nobis vera remissio peccalorum, et quemadmodum in illo vera resurreclio ita in nobis vera justificatio. Enchir., 52, P. /… t. xl, col. 256. CI. ibid., 64, col. 262 : hominis renovalio in qua solvitur omnis reatus.

b) Mais ces derniers textes montrent déjà que cet aspect négatif de notre justification ne va pas sans un aspect positif qui en est inséparable. Augustin insiste ailleurs expressément, à rencontre des pélagiens, sur cette sanctification réelle de notre âme : Non per solam peccatorum dimissionem juslificatio ista confertur nisi auctoribus robis. Justifical quippe impium Deus non solum dimitlendo qux mala facil, sed etiam donando charitalem. Opus imperf. contr. Julian., ii, 165. P. I., t. xlv, col. 1212. Quid est enim aliad justificali quum justi facti, ab eo scilicel qui juslifical impium ut ex impio fiât juslus ? De spir. et lill., xxvi, 45, t. xliv, col. 228. Cf. In Psalm. Vil, 5, t. xxxvi, col. 100. La théologie du baptême l’amène à traiter souvent de la régénération spirituelle qui en est l’effet et dont bénéficient même les enfants, sauf à bien marquer qu’elle ne sera complète que dans la vie future par la résurrrection du corps. Voir en particulier. Confess., 1, xiii, 5, l. xxxii, col. 004 ; Serm., ccxxiv, 1. t. xxxviii, col. 1093-1094 ; In Ps. cxrm, iii, 2, t. xxxvii, col. 1507 ; De nuptiis et conc, i. 33-34, t. xliv. col. 434-435 ; Opus imp. cont..lui., ii, ’.17-112, t. xlv, col. 1179-1188.

Les protestants eux-mêmes ont dû rendre hommage sur ce point à la doctrine augustinienne : < Car. l’ail observer Calvin, combien qu’il despouille très bien l’homme de toute louange de justice et l’attribue toute à Dieu, neantmoins il réfère la grâce à la sanctification dont nous sommes regtnerez en nouveauté de vie. > Insl. chrel.. III, xi, 15. dans Opcra omnia. édition Baum, Cunitz et Reuss, t îv. col. 2 18. Luther également n’en était qu’à demi satisfait ; Quamquam imperfeete hoc adhuc sit dielum ac de impututionc non clare omnia explicet, placuil lamen juslitiam Dei doeeri. Préface générale de 1515, dans Opéra lai. var. arg., édition d’Erlangen, t. i.p. 23. Et de même Mélanclilhon, Lettre à Brenz, mai 1531, Corpus Reform., t. ii, n. 935, col. 502. Plus maussade. A. Harnack lui impute une conception toute matérielle — c’est-à-dire pour nous réelle — de la grâce. Dogmengeschichte, 1’édition., t. m. p. 83. Cf. p. 88. Ces aveux nous dispensent d’insister ; et l’on ne saurait en exagérer l’importance, quand on se rappelle l’influence capitale que l’évêque d’Hippone devait exercer sur les siècles suivants.

Avec les gîtes, saint Augustin envisageait volonliers la grâce sous les espèces d’une adoption divine. Cont. Faust. Munich., iii, 3, t. xui, col. 215-216 ; De serm Dom, in monte, I. xxiii, 78, t. xxxiv. col. 1268 ; Serin., cxxvi, 9. I. xxxviii, col. 720 ; mieux encore, comme une divinisation de notre âme, Serm., cix, 5, ibid., col. 675 : cccxiii, 5, t. xxxix. col. 1504 : In l’s. XLIX, 2. t. xxxvi, col. 565. Cette idée tonne le thème

fondamental de la théologie de l’Incarnation que saint Léon oppose à la fois aux nestoriens et aux monophysiies. Voir.). Rivière, Le dogme de la Rédemption. Essai d’étude historique, p. 266-269. Aussi a-t-elle pour fruit noire complète régénération. Redit in innocenliam iniquitas et in novitatem vetustas… De tmpits fusti, de aoaris bénigni, de incontinentibus castt, de ierrenis incipiunt esse cselestes. Sam., xxvii.2. I. uv, col. 217218. Cf. Serm., xxi, 3, el xxiv, .i. col. ! 92-193et205-206. C’esl ainsi que les diveisescontrovcrscs dogmatiques

de l’époque aboutissaient à donner un nouveau relief

a cette t l’ausl’ormal ion spirituelle OÙ la foi Catholique

a toujours vu le fruit suprême de la Rédemption. . Doctrine catholique : Essence de la justification. — Sans aborder encore précisément ce problème d’école, saint Augustin ici encore a posé tous les principes qui devaient aiguiller la spéculation postérieure.

D’une part, sa philosophie platonicienne ne lui permet pas de comprendre que, même dans l’ordre naturel, les êtres puissent être bons si ce n’est dans la mesure où ils participent au souverain Bien. A plus forte raison dans l’ordre surnaturel, que nous sommes incapables d’atteindre par nous-mêmes, notre sainteté ne peut être qu’un écoulement en nous de la sainteté substantielle de Dieu. L’exégèse vient confirmer cette métaphysique et l’évêque d’Hipponc aime ramener, après saint Paul, toute l’économie rédemptrice à une manifestation de la « justice » divine. Non qua Deus juslus est, précise-t-il, sed qua induit hominem cum justifleat impium. De spir. et lift., ix, 15, t. xliv, col. 209. Cf. ibid., xi, 18, col. 211 : Ideo justitia Dei dicitur quod imperliendo eam justos jacit. La justice ainsi comprise a pour synonyme ou tout au moins pour équivalent la charité. Charitas quippe Dei dicta est difjundi in cordibus noslris, non qua nos ipse diligit sed qua nos jacit dilectores suos, sicut justitia Dei qua justi ejus munerc c/ficimur. Ibid., xxxii, 56, col. 237.

Sous ces diverses expressions s’accuse une même conception de la grâce, qu’il faut considérer comme une réalité dont la source est en Dieu, mais dont nous sommes appelés à devenir participants. Parfois ce don divin semble identifié avec le Saint-Esprit : Eum (Spiritum Sanclum) donum Dei esse, ut Deum credamus non seipso in/erius donum dure. De fuie et sijmbolo, ix, 19, t. xl, col. 191. Cf. Ps.-Augustin, Serm., clxxxii, 2, t. xxxix, col. 2088. De toutes façons, ce qui importe, c’est que, pour être une justice d’emprunt, notre justice n’en est pas moins réelle : Nos sua(Deus)non nostra justitia justos jacit, ut ea sit vera nostra justitia quæ nobis ab illo est. De gratia Christi et de pecc. orig., I, xlvii, 52, t. xuv, col. 384.

On voit si nous sommes loin de l’imputation protestante. Le P. Dcnifle a rudement relevé les falsifications de textes au prix desquelles Luther a pu se réclamer de saint Augustin. Luther et le luthéranisme, trad. Paquier, t. iii, p. 6-36. Et il est bon de noter que, chez l’évêque d’Hippone, cette doctrine de la grâce s’appuie sur les textes mêmes de saint Paul. De cette théologie et de cette exégèse, le Moyen Age ne manquera pas de recueillir le. bienfait.

2° En Orient s’affirme le même réalisme surnaturel.

1. Erreur des euchites.

On y trouve la trace persistante,

à partir du ve siècle, d’obscurs hérétiques, désignés sous les divers noms de messaliens, d’enthousiastes ou d’euchites, qui, entre autres erreurs, réduisaient au profit de la prière l’eflicacité sanctifiante du baptême. Au rapport de Théodoret, « ils disent que le baptême ne sert de rien à ceux qui s’en approchent ; car, à la manière d’un rasoir, il enlève bien les péchés précédents, mais il n’en extirpe pas la racine. » Hæret. fab., iv, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 429. Cf. Hist. Eccl., iv. 10, t. lxxxii, col. 1144-1145, et Nicéphore Calliste, Eccl. hist., xi, 14, P. G., t. cxlvi, col. 615. Le même historien rapporte comment ils furent démasqués par l’évêque Flavien d’Antioche. Ce qui ne les empêcha pas de se survivre assez tard en certains milieux populaires. Voir Euchites, t. v, col. 1454-1465.

Il ne semble pas que cette minimisation de la grâce baptismale ait eu de grandes répercussions théologiques. Pareille théorie heurtait trop directement la tradition pour constituer un danger et appeler des ripostes, ("est sans doute pourquoi les héréséologues successifs se contentent de la signaler, en l’englobant dans la réprobation générale dont ils couvrent les impiétés de la secte. Voir Timolhéc, De recepl. hæret, |

P. G., t. lxxxvi, col. 48, et saint Jean Damascène, De hser., 80, P. G., t. xciv, col. 729.

Peut-être cependant était-elle à l’origine de la consultation qu’adressait à saint Grégoire le Grand la princesse Théoclista, et qui provoqua une réponse très nette de celui-ci : Si qui vero sunt qui dicunt peccata in baptismale super fteietenus dimitli. quid est hac prædicatione infidelius in qua ipsum fulci sacramentum destinant solvere ? Dx quo principalitcr ad cœleslis munditias mi/slerium anima ligatur, ni absoluia radicitus a peccatîs omnibus soli illi(Deo) inhuereat. Et le pape de rappeler à ce propos les figures du baptême dans l’Ancien Testament, qui en signifient la souveraine, efficacité, surtout les promesses du Christ et la scène symbolique du lavement des pieds, pour conclure : Nihil ergo ci (qui lotus est) de peccati sui coniagio remanet quem lotum jatetur mundum ipse qui redemit. Episl., xi, 45, P. L., t. lxxvii, col. 1162. Théodoret avait affirmé de même que nos péchés nous sont remis de telle façon qu’il n’en reste plus de traces. In Ps..YXA7, 2, P. G., t. lxxx.coI. 1088.

2. Doct’ine catholique — Loin de cette chétive controverse, la grande théologie orientale continuait à développer en paix le thème classique de la divinisation. Si l’on a pu dire que cette doctrine « semble plutôt perdre du terrain, » Tixeront, Hist. des dogmes, t. iii, p. 217, c’est comme explication de la rédemption et dans ce sens que s’y ajoutent de plus en plus des vues plus concrètes sur le sacrifice du Christ ; mais elle garde toute sa valeur comme vue théorique de l’état surnaturel.

A cet égard, le maître est saint Cyrille d’Alexandrie, qui utilise cette doctrine, soit pour expliquer l’incarnation, soit pour établir la divinité du Saint-Esprit. Abondantes références au t. iii, col. 2516-2517 et du même auteur dans Revue d’hist. eccl., 1909, p. 30-40. Quand on veut préciser la pensée de Cyrille, il est peut-être difficile de savoir si la grâce est, en définitive, pour lui un don créé ou si elle ne serait pas plutôt la présence mystique du Saint-Esprit dans l’âme. Toujours est-il qu’après Pi tau les modernes partisans de cette dernière thèse se sont surtout réclamés de son nom. Voir Adoption, t. i, col. 426, et Grâce, t. vi, col. 1614. Plus éclectique. Ed. Weigl, op. cit., p. 174-203, reconnaît en lui la double notion connexe d’une grâce créée et d’une grâce incréée, qui sont l’une par rapport à l’autre dans le rapport de la cause à l’effet. Cf. p. 239-244. Dans le même sens, m aïs avec un plus grand souci des nuances, voir J. Mahé, Revue d’hist. eccl., 190, p. 469 sq. Quoi qu’il en soit de ces ultimes précisions, il est clair, en toute hypothèse, qu’Userait difficile de trouver un plus ferme témoin du réalisme surnaturel que le grand alexandrin.

Il fut suivi dans cette voie par toute la théologie postérieure. Voir en particulier le Ps.-Denys, De eccl. hier., i, 3, P. G., t. iii, col. 376 ; S. Maxime, Opusc. theol., t. xci, col. 33 et Epist., xlhi, col. 640 ; Léonce de Byzance, Cont. Nest. et Eutych., ii, t. lxxxvi a, col. 1324, 1348-1352, et surtout S. Jean Damascène, en qui se résume toute la tradition orientale. De fide orth., iv, 4, cf. iii, 5, iii, 18, iv, 9, t. xciv, col. 1108, 1 05, 1072, 1117-1121, et Hom., ix, 2, t. xevi, col. 725.

C’est ainsi que l’Orient est pleinement d’accord avec l’Occident pour concevoir la grâce de la justification comme un don divin que l’homme prépare sans le mériter, mais qui sanctifie réellement notre âme et que celle-ci doit faire fructifier de manière à accroître en elle la vie qu’elle tient de Dieu.