Dictionnaire de théologie catholique/Jean Chrysostome
et de la nouvelle Rome, Allatius, Græcia orthodoxa, t. i, p. 61-224, P G., t. cxli, col. 15-158, H. Lämmer, op. cit., p. 189-406. Dans une première partie, l’auteur prouve avec beaucoup de force que les anciens Pères grecs ont tous enseigné la doctrine des Latins, et, dans une.seconde, il réfute avec non moins de bonheur les théologiens grecs fauteurs du schisme, comme Photius, Jean Phournès, Nicolas de Méthone et Théophylacte de Bulgarie ; 10° De l’union der Églises et de l’inconsistance du schisme démontrée seulement par l’histoire, ouvrage faisant suite au précédent, mais resté jusqu’ici inédit, hormis un assez long fragment publié par Allatius, De ulriusque Ecclesiæ occidentalis alque orientalis perpétua in dogmate de purgatorio consensione, Rome, 1655, p. 591-625, et reproduit par P. G. loc. cit., col. 925-942 ; 11° Epigraphæ X1I1 ou textes tirés des saints Pères sur la procession du Saint-Esprit, publiées d’abord par Arcudius, avec les objections de Grégoire Palamas et leur solution par Bessarion, Opuscula aurea thrologica, Rome, 1629 et 1670, p. 4-65, puis par Allatius, Grœcia orthodoxa, t. ii, p. 522-641, par Migne, loc. cit., col. 613-724, et par H. Lammer, op. cit., p. 445-652. On en trouvera une excellente analyse dans la dissertation du P. De Rubeis (Rossi) sur Grégoire de Chypre, P. G., t. cxlii, p. 73 sq. Beccos y prouve que les formules a Filio et per Filium sont au fond identiques, renversant ainsi le principal argument de l’opposition ; 12° De processione Spiritus sancti, recueil de textes en faveur de la thèse latine, édité d’abord par Arcudius, op. cit., p. 98-159, puis par Allatius, op. cit., t. i, p 223-259, et par Migne, col. 157-276. L’auteur y explique certains textes dont les adversaires abusaient, faute de les bien entendre.
D’autres ouvrages, tout en ayant pour objet les mêmes questions que les traités précédents, offrent cette particularité qu’ils sont adressés par Beccos à des amis restés fidèles. Tels sont : 13° Trois Hures sur la procession du Saint-Esprit, adressés à Théodore, évêque de Sougdéa en Crimée, dans Allatius, op. cit., t. ii, p 95-148, P. G., col. 289-338 ; 14° Quatre livres sur la procession du Saint-Esprit à Constantin Méliténiote, son compagnon de captivité. Allatius, loc. cit., p. 149-214, P. G., col. 337-396 ; 15° Lettre à Alexis Agallianos sur le même sujet, pour lui reprocher sa défection et le rappeler à son ancienne croyance, Allatius, op. cit., 1. 1, p. 360-365, P. G., col. 275-282.
Une dernière catégorie d’ouvrages sont purement polémiques et dirigés nommément contre certains adversaires de Beccos, anciens ou contemporains. Il faut citer tout d’abord : 16° la Réfutation du livre de Pholius sur la procession du Saint-Esprit, publiée pour la première fois par J. Heigenrôther dans P. G., loc. cit., col. 727-864, d’après le Lawentianus 26, Pluteus VIII, ꝟ. 174 sq. ; 17° Réfutation d’Andronic Camatère sur lu procession du Saint-Esprit, Allatius, op. cit., t. ii, p. 287 521, P. G., col. 395-614 ; 18° Réfutation du tomos de Grégoire de Chypre, Allatius, loc. cit., p. 215 sq., P. G., col. 863-895. Il ne sera pas question ici des décrets synodaux promulgués par Beccos durant son patriarcat, car ils ne sont pas son œuvre personnelle ; par contre il y a lieu de signaler son portrait reproduit par Goar dans son Euchologium sive Riluale Grsecorum, Paris, 1646, Venise, 1730, et par Gédéon, d’après Goar, dans ses Tables patriarcales, en grec, Constantinople, 1888, p. 396, C’est à dessein que nous ne parlons pas de certains traités attribues a Beccos par Nicolas Comnène Papadopoli, Prsenoliones mystagogicee, Padoue, 1697, p. l l et 2 12 ; ils ont été forgés de toutes pièces par cet effronté faussaire, et l’on est surpris de voir non seulement le bon laliricius, niais a l hrhard lui-même se laisser prendre au piège. Et dire que ce salmigondis constitue encore de nos jours, dans certains milieux italiens, une autorité canonique de tout premier ordre.
Pour la bibliographie ancienne, voir U. Chevalier, Répertoire, au mot Jean Veccus, à compléter par les indications suivantes : Poussines (Possinus), notes diverses dans son édition de l’histoire de Pachymère, reproduite dans le Corpus de Bonn ; Georges Metochites, Historia dogmatica, dans A. Mai et J. Cozza-Luzi, Nova Patrum bibliotlieca, Rome, 1871, t. viii, 2e partie, p. 1-227, et Rome, 1905, t. x, Ie partie, p. 319-370 ; L. Allatius, De Ecclesiee occidentalis atque orientalis pcrj>etua consensione, Cologne, 1648, p. 751769, et pour la période du concile de Lyon, p. 727-752 ; A. Ehrhard, dans K. Krumbacher, Geschichte der byzantinisclien Litteratur, Munich, 1897, p. 96-97 ; Hurter, Nomenclator, 3’édit., 1900, t. ii, p. 402-404 ; et les articles spéciaux de J. Dràseke, Der Kirebeneinigungsversuch des Kaisers Michæl VIII Palàologos, dans’.a Zeilschrift jùr wisscnschaftliche Théologie, t. xxxiv, p. 325-355 ; S’ikolaos von Méthane im Vrtcile der I-ricdensschrift des Jolianncs Bekkos, ibid., t. XLm, 1900, p. 105-141 ; Johannes Phurnes bei Bekkos, ibid., p. 237-257 ; Drei Kapitelaus der I-ricdensschrift des Patriarchen Johannes Bekkos vont Jahrc 1275, YVandsbec ! ;, Osterprogramm, 1907, in-4o, 18 p., avec une bibliographie sur Beccos ; Johannes Bekkos Widcrlegung der Syllogismen des Photios, eingeleitet und ù6er.se(z/, Beilage des Jahresberichls des k. Matthias Claudius Gymnasiums, Wandsbeck, 1912, 10 p. Voir le compte rendu de l’auteur lui-même dans la Wcchenschrifi für klassische Philologie, 1912, t. xxix, p. 1013 sq ; R. Souarn, Tentatives d’union avec Rome : un patriarche grec catholique au XIII’siècle, danles Echos d’Orient, 1900, t. ii, p. 229-237, 351-360.
29. JEAN CHRYSOSTOME (Saint), archevêque de Constantinople (3447-407), Père et docteur de l’Église I. Vie de saint Jean Chrysostome. — II. Ses écrits (col. 667). — III. Son enseignement théologique (col. 672). — IV. Sa prédication et sa doctrine morale (col. 684).
t. Vie. — 1° Les sources. — La vie de Jean Chrysostome est une des mieux connues parmi celles des Pères du ive siècle. Les renseignements les plus précieux nous sont fournis par les œuvres mêmes de Jean. La plupart sont des écrits de circonstance, sermons ou lettres, qui portent avec eux leur date et nous font pénétrer dans l’intimité de leur auteur. Mais à côté de ces sources immédiates, d’autres documents nous permettent de reconstituer aussi exactement que possible l’histoire de l’évêque de Constantinople : le grand rôle qu’il avait joué dans la capitale, les luttes politiques qu’il avait dû soutenir, lui valurent de trouver immédiatement après sa mort des historiens plutôt que des panégyristes inconscients, et c’est ainsi que nous a été conservée la vraie image de Jean. La plus importante de ces sources, du moins pour l’histoire de la vie de Jean après son élévation au siège de Constantinople est le Dialogus de vita S. Joannis Chrysostomi, P. G., t. xlvii, col. 5-82. Cet ouvrage, qui est censé reproduire un dialogue tenu à Rome en 407 ou 408 entre un évêque oriental et le diacre romain Théodore, a été écrit dès avant 425 ; et il est l’œuvre de Palladius, évêque d’Hclenopolis en Bithynie, l’auteur de l’Histoire lausiaque, el un fidèle ami du saint. E. C. Butler, Authorship of the Dialogus de vita Chrysostomi, dans : Χρυσοστομιϰά, Studi c ricerche intorno a S. Giovanni Crisostomo a cura del Comitato per il 15° centenario délia sua inorlc, Rome, L908, fasc. t, p. 35-46. On y trouve le récit d’un témoin oculaire, qui raconte les événements auxquels il a assisté. S’il manifeste son admiration et sa sympathie pour Jean, son mépris pour les ennemis qui l’ont accablé il croit en même temps, trouver dans la simple vérité la meilleure justification de son héros. Précieux également est un panégyrique de Jean, édité pour la première fois en 1848 par Mai, sous le nom de Martyrius. P. G., t. xlvii, col. xliii-liv. Le morceau doit avoir été écrit tout de suite après la mort du saint, alors que les premières nouvelles de sa fin solitaire commençaient à arriver à Constantinople, donc à la fin de 407 ou au début de 408. Aussi n’a-t-il sans doute pas pour auteur Martyrius qui fut évêque d’Antioche entre 449 et 471. Mais si nous n’en connaissons pas l’origine exacte, nous y trouvons d’utiles renseignements sur la situation religieuse à Constantinople, au temps de la mort de Jean et des premiers débuts de son successeur.
Parmi les historiens du ve siècle, Socrate et Sozomène méritent une mention spéciale à cause de la place importante qu’ils consacrent à Jean dans leurs histoires, Socrate, Hist. Eccl, vi, 2-23 ; vii, 25 et 45 ; P. G., t. lxvii. col. 661-736, 793, 836 ; Sozomène, Hist. Eccl., viii, 2-28, P. G., t. lxvti, col. 1513-1592, et de leurs accointances avec les milieux ecclésiastiques de Constantinople. Socrate pourtant semble moins bien informé que Sozomène, sur le détail de la vie de l’archevêque et mérite moins de créance. Quant à Théodoret son récit est volontairement écourté et contient peu de renseignements intéressants. H. E., v, 27-36, voir surtout 34, 2, édit. Parmentier, p. 334 ; P. G., t. lxxxii, col. 1256-1269. Cf. F. Geppert, Die Quellen des Kirchenhistorikers Sokrates, Leipzig, 1898, p. 129 sq.
Les écrivains postérieurs ne méritent qu’une mention rapide, parce qu’ils sont moins des historiens que des hagiographes, préoccupés de chanter la gloire de leur héros. La Vita S. Joannis Chrysostomi, d’un certain Georges d’Alexandrie, qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, Is patriarche Georges II, 621-631, est un mélange de légendes, d’anecdotes, et surtout d’histoires de miracles. Éditée par H. Savile, Chrysostomi opéra omnia, t. viii, p. 157-265, Eton, 1612. La Laudatio sancti Joannis Chrysostomi, de l’empereur Léon le Sage (886-911) n’est guère qu’un résumé consciencieux de l’œuvre de Georges. P. G., t. cvii, col. 228-292. Siméon Métaphraste enfin se contente à peu près de reproduire ce qui a été écrit avant lui, P. G., t. exiv, col. 1045-1209 ; sa source principale est un anonyme, édité par Savile, op. cit., t. viii, p. 293371, qui s’inspire lui-même de Georges et le complète en ajoutant à son récit de nouvelles histoires de miracles.
2° Les premières années de Jean. — L’année de la naissance de Jean ne peut être fixée avec certitude. Ce fut vraisemblablement en 344 qu’il vit le jour à Antioche. Son père Secundus était magister militum Orientis ; mais il mourut peu de temps après la naissance de l’enfant, laissant veuve, à l’âge de 20 ans, sa femme Anthusa. Celle-ci, qui était chrétienne, se donna tout entière à l’éducation de son fils ; elle y apporta un dévouement qui excitait l’admiration de Libanius lui-même. Jean Chrysostôme, Ad vid. jun., 2, P. G., t. xlviii, col. 601. Lorsque Jean eut grandi, il fréquenta l’école du philosophe Andragathius, et surtout celle du rhéteur Libanius, qui était alors la lumière d’Antioche. L’enseignement qu’il reçut auprès de ce dernier maître excita l’enthousiasme de ses vingt ans, Le sacerd., i, 1, P. G., t. xlviii, col. 623 ; pourtant la rhétorique païenne ne parvint pas à le retenir ; et quoiqu’il ne fut pas encore baptisé, il commença à se livrer avec ardeur à l’étude des saintes Écritures sous la conduite de Diodore de Tarse et de Mélèce d’Antioche ; il suivit aussi à cette époque les leçons d’un certain Carterius qui dirigeait à Antioche avec Diodore un ἀσϰητήριον ; c’est là qu’il prit le goût de la vie religieuse et de ses austérités. Palladius, Dialog. 5.
Baptisé par Mélèce aux environs de 369, Jean fut peu après ordonné lecteur. Il aurait voulu renoncer à la vie du monde et se réfugier dans la solitude ; il fut empêché de réaliser son rêve par sa mère qui le supplia de ne pas la rendre veuve une seconde fois. De sacerd., i, 4, P. G., t. XLviii, col. 624 : du moins commença-t-il à mener dans sa demeure une existence austère, aussi semblable que possible à celle d’un moine. S’il fallait considérer comme un récit historique les premières pages du traité De sacerdotio, on placerait vers 373 l’incident qui y est rapporté. La réputation de Jean et celle d’un de ses amis, du nom de Basile, se serait répandue en dehors d’Antioche assez pour qu’on ait voulu faire de l’un et de l’autre des évêques : Basile se serait en effet laissé consacrer, tandis que Jean aurait échappé par la fuite au lourd honneur qui lui était offert. Le De sacerdotio, est précisément consacré à expliquer les motifs de cette conduite, et à rappeler à Basile la grandeur des devoirs épiscopaux. Il est plus vraisemblable cependant que le récit en question n’est qu’une fiction littéraire, et que l’on doit renoncer à y trouver des indications historiques sur la conduite dufutur évêque. A. Nægle, Zeit und Veranlassung der Abfassung des Chrysostoms Dialogs de sacerdotio. Kommt der von Chrysostomus sclbsl angegebenen Veranlassung historischer oder bloss lilerarischer Charakler zu, dans Historisches Jahrbuch, 1916, t. xxxvii.p. 1-48. J. Stiglmayr, Die historische Unterlage der Schrift des hl. Chrysostomus ùber das Prieslerltim dans Zeitschrift für kalholische Théologie, 1917, p. 413-449.
Ce qui est sûr, c’est qu’en 374 ou 375 — sans doute sa mère était-elle morte à ce moment — Jean réalisa le rêve longtemps caressé de vie solitaire. Il se réfugia dans la montagne aux environs d’Antioche, et pendant quatre ans, il y mena l’existence d’un ermite, dans la compagnie et sous la direction d’un vieux moine ; puis, voulant pousser plus loin son effort vers la perfection, il se retira dans une caverne où il vécut seul pendant deux ans encore jusqu’à ce que la pratique de telles austérités eût gravement affaibli une santé naturellement délicate et l’eût obligé à rentrer à Antioche. Palladius, Dialog., 5, P. G., t. xlvii, col. 18.
Dès son retour dans la ville, Jean fut ordonné diacre par Mélèce (381). Il écrivit beaucoup pendant les années de son diaconat, car presque tous ses traités datent de cette époque. G. Bauschen, Jahrbùcher der christlichen Kirche unter dem Kaiser Theodosius dem grossen, Versuch einer Erneuerung der Annales Ecclesiastici des Baronius für die Jahre 378-395, Fribourg-en-B., 1897, AnhangII, Z)ie Schriftslellerische Tàtigkeit desJ. Chrys. vor seinem ôffentlichen Auflreten als Predigerzu Antiochien, p. 565-574. Au commencement de 386, Flavien qui venait de succéder à Mélèce sur le siège d’Antioche l’éleva au sacerdoce tt lui confia la charge de prédicateur qu’il devait remplir pendant douze années.
3° La prédication de Jean à Antioche. — « Jean était né orateur, et dès ses débuts il conquit et charma le peuple d’Antioche. Entre tous les maîtres de la parole, soit profane, soit sacrée, il est certainement un des plus grands. Il a d’abord une facilité prodigieuse, et nous pouvons nous en rendre compte aujourd’hui encore ; car ses homélies qu’il n’a point d’ordinaire pris la peine de revoir nous apparaissent manifestement comme d’admirables improvisations. Toute cette abondante parole est entraînée par un mouvement rapide, comme elle est colorée et échauffée par une vive passion ; la période n’est point ramassée et vigoureusement condensée comme la période latine ou comme celle de Démosthène, elle se développe au contraire par degrés successifs, avec des reprises imprévues, avec un certain abandon, mais un abandon plein de grâce. » A. Puech, Saint Jean Chrysostôme, Paris, 1900, p. 38.
La première année de son ministère pastoral fut surtout employée à des controverses doctrinales. Il s’en fallait de beaucoup que la paix régnât dans l’Église d’Antioche. Non seulement le schisme qui divisait les catholiques depuis l’élection de Mélèce n’était pas apaisé, mais les ariens étaient turbulents et nombreux ; les Juifs s’agitaient, et parmi les chrétiens un grand nombre se croyaient autorisés à célébrer avec les Juifs les fêtes du mois de Tisri, le nouvel an, l’expiation et les tabernacles, ou encore à commencer la solennité de J Pâques le 1 1 Nisan (Protopaschites). C’est contre les Juifs que Jean dirigea ses premières campagnes, et l’on peut croire que le peuple d’Antioche, si amoureux des querelles théologiques, ne lui ménagea pas ses applaudissements. Sur la chronologie des homélies de Jean pendant cette période, G. Bauschen, op. cit., Excurs XIII, Die PrùdigUùtigkeii des Joannes Chrysoslomos in Antiochien, bis zum Aufstande des Jahres 387, p. 495-512.
Un événement inattendu allait changer le cours de son activité, et l’amener à renouveler sa manière. Au commencement de 387. à propos de quelque impôt nouveau, la populace d’Antioche se souleva : dans un mouvement de colère irréfléchie, des imprudents se se portèrent sur l’agora et jetèrent bas les statues de l’empereur Théodose, de son père, de ses fils et de la défunte impératrice Flaccilla. Il était aisé de prévoir que le châtiment ne se ferait pas attendre et qu’il serait terrible. Le vieil évêque Flavien partit en toute hâte pour Constantinople, afin de fléchir la colère de l’empereur. Pendant son absence, Jean eut fort à faire pour calmer le peuple, pour lui rendre courage, pour l’exhorter à la pratique plus exacte des vertus chrétiennes. Le carême avait commencé peu de jours après la sédition : c’était naturellement la période où les prédications étaient plus fréquentes et où les dispositions des auditeurs étaient meilleures. Suivant les événements, on passait à Antioche de l’abattement le plus absolu aux espoirs les plus irraisonnés. L’arrivée des commissaires impériaux, leur jugement qui enlevait a Antioche le titre de métropole de Syrie et qui ordonnait la fermeture immédiate du théâtre, du cirque et des bains. L’emprisonnement des sénateurs, avaient excité la crainte ; lorsque, vers la fin du carême, on apprit des nouvelles plus rassurantes, on commença a manifester une joie sans retenue. Jean était l’âme de cette foule en émoi. Plusieurs fois par semaine, il prenait la parole pour exhorter, pour fortifier, pour élever. Plus loin que les événements actuels, il rappelai !
les grands devoirs chrétiens. Enfin le jour de Pâques, Flavien était’le retour, apportant une pleine amnistie. Lue dernière lois Jean monta en chaire pour rappeler la mission accomplie par Pévêque, et tirer les conclusions de tous les événements récents. Désormais entre lui et le peuple d’Antioche s’étaient formés d’indissolubles liens. Des 21 homélies De siimis dans P. (i.. t. xi. l. col. 15-222, Celle qui porte le n 19 n’a aucun rapport avec le reste de la collection. Pour l’ordre chronologique Je ces discours voir, G. Rauschen, op. cit., Excurs XIV, Zeitbeslimmung des Auftlandes m Antiochien undder 21 Homilien des Chrysostomos liber die Bildsatllen, p. 512-520.
Les années suivantes furent pour Jean le temps d’une merveilleuse activité pastorale. Il se sentait le maître de son peuple, dont il connaissait les bons et les mauvais côtés, qu’il pouvait manier a sa guise et dont il avait acquis le droit de reprendre tes défauts ou les vices, avec une Familiarité sûre d’elle-même. C’est de cette période féconde que datent les plus nombreuses des homélies de Jean : les 67 homélies sur la Genèse ; P, G., t. liii-liv, en 388 ou peu après ; les li homélies sur Anne, t. iiv. col. 631-676 ; la I’de ces homélies perdue ; les.’; homélies sur David et Saûl, i. uv, COl. 675-708, après le carême de 3.S7 ; plus tard les homélies sur lys psaumes. I. i. ; les 90 homélies sur saint Matthieu, t Lvn-Lvm, aux environs de 390 ; les k.h homélies sur saint Jean, t. ux, vers la même époque bien d’autres encore, quoiqu’il soit difficile de préciser avec certitude la date de tel ou tel groupe. G. Rauschen, op. cit., Excurs XV, Die Predigltulligkeit des Joannes Chrysostomos zu Antiochien seit dem Aufstande 387, p. 520-529.
Le plus habituellement, l’orateur prenait son point de départ dans un texte de l’Écriture sainte. L’explication littérale de ce texte, selon la méthode exégétique d’Antioche formait la première partie du sermon qui était ainsi doctrinale, et qui s’efforçait de rappeler aux auditeurs les grandes vérités de la foi chrétienne. Mais après avoir ainsi enseigné, Jean ne manquait pas d’aborder les problèmes moraux, et c’est là surtout qu’il manifestait sa souveraine maîtrise sur des âmes qu’il connaissait si bien. Il n’avait pas son pareil pour flageller les vices, pour ramener au devoir les indifférents ou les pécheurs ; se faisant tout à tous, sans épargner sa peine. Et l’on comprend sans peine que sa réputation ait franchi les murs d’Antioche et se soif répandue dans tout le monde oriental.
4o L’épiscopat. — Pendant douze ans, de 386 à 398, Jean exerça ainsi son ministère à Antioche. Le 27 septembre 397. le patriarche de Constantinople, Nectaire, vint à mourir. Suivant le désir d’Areadius et de la cour, Jean fut présenté au suffrage des évêques et du peuple pour recueillir sa succession. Socrate, llist. Eccl., vi, 2, P. (i.. 1. lxvii. col. 661. Lorsqu’il fut élu, on dut l’enlever d’Antioche par surprise et l’amener de force à la capitale. Il y fut sacré le 26 février 398 par Théophile d’Alexandrie. Palladius. Dial., 5 ; Socrate, Hist. Eccl., m. 2 : P. G., t. lxvii, col. 661-664 ; Sozomène, Hist. BccZ., viii, 2, 13 sq ; P. G., t. lxvii. col. 1517. Le travail ne manquait pas au nouvel évêque. Non seulement les païens et les hérétiques étaient encore nombreux et remuants dans la capitale, mais parmi les fidèles eux-mêmes, et jusque dans les rangs du clergé s’étaient glissés des clercs que la sage et paresseuse vieillesse de Nectaire n’avait jamais cherché à corriger. Dès son installation, Jean entreprit la réforme des mœurs : à ses prêtres il interdit la cohabitation avec les sœurs agapètes ; aux moines qui ne cessaient de courir la ville, il imposa la retraite dans les monastères, aux riches, il prêcha plus énergiquement que jamais le grand devoir de la charité. Un zèle si ardent, fortifié par une éloquence de jour en jour plus entraînante, ne devait pas tarder à faire au nouveau patriarche, avec des admirateurs enthousiastes, des ennemis puissants. L’asile qu’il accorda le 17 janvier 399 à l’eunuque Eutrope qui venait d’être brutalement disgracié par l’empereur. Sozomène, Hist. Eccl., viii, 7. P. ( ;., t. lxvii. col. 1533 ; Socrate, Hist. Eccl., vi, 5, P. (L, t. lxvii, col. <173, les deux discours qu’il prononça à cette occasion sur la vanité des richesses et des puissances de ce inonde, émurent vivement l’opinion. P. G., t. LU, col. 391-414. Les moines qu’il avait fait rentrer dans leurs cellules, les coquettes dont il avait condamné le luxe insolent, bien d’autres encore se liguèrent contre lui. Son Intervention dans les affaires de l’Église d’Éphèse i h’!). Palladius, Dialog. 13. puis la protection qu’il accorda aux moines égyptiens persécutés par Théophile d’Alexandrie, achevèrent d’attiser les haines.
Bientôt commença la tragédie. Cf. Isidore de Péluse, Epist., i, 152, P. G., t. lxxviii, col. 284. Le faible empereur Arcadius. l’orgueilleuse impératrice Eudoxie, l’intrigant patriarche Théophile en furent les principaux acteurs. L’historien Socrate, Hist. Eccl., vi. 2 sq., P. G., t. i xvii, col. liti I. est ime que Jean ne fut pas sans avoir sa part de responsabilité dans les épreuves qui l’attendaient, el que sa trop grande liberté de parole contribua a hâter sa perle : du moins est-il sur que ses ennemis attentifs surent profiler de toutes les occasions. Un Jour que, dans une homélie, il avait parlé de Jézabel, on prétendit qu’il avait visé l’impératrice elle-même.
L’évêque d’Alexandrie envoya d’abord à Constantinople saint Épiphane de Salamine. Celui-ci avait quatre-vingt-dix ans ; mais il était toujours prêt à la défense de l’orthodoxie. On lui représenta que Jean, en donnant asile aux moines de Nitrie, avait manifesté quelque attachement à l’origénisme. Il eut la faiblesse de le croire. À Constantinople, saint Épiphane, après avoir refusé l’hospitalité de l’archevêque, se mit en devoir de recueillir des signatures contre Origène. Il alla même jusqu’à annoncer une grande réunion à la basilique des Apôtres : il devait y fulminer contre Origène, contre, les moines de Nitrie, et contre Jean lui-même. Au dernier moment, cette assemblée fut interdite, et Épiphane dut reprendre le chemin de son île : il mourut en route.
Mais il avait déjà accru le trouble des esprits, et multiplié les forces des ennemis de Jean. Théophile d’Alexandrie jugea le moment favorable pour agir personnellement contre son adversaire. Il débarqua à Constantinople au début de 403, amenant avec lui une trentaine d’évêques égyptiens.
Selon le rescrit impérial qui l’avait convoqué, il venait en accusé, pour comparaître devant un synode présidé par Jean et s’expliquer au sujet des mesures violentes prises par lui contre des moines de Nitrie. Bientôt son habileté, les présents généreux qu’il distribua à propos, l’influence qu’il sut prendre sur l’impératrice, renversèrent les rôles. Peu après son arrivée, ce fut lui, qui présida un concile réuni à la villa du Chêne près de Chalcédoine, et qui procéda au jugement de Jean. Palladius, Dialog., 8. Celui-ci avait d’avance récusé l’autorité de ses adversaires : il refusa de paraître au Chêne. On le condamna, en son absence, à la déposition ; et comme parmi les charges relevées contre lui se trouvait l’accusation de lèse-majesté, on remit à l’empereur le soin de le châtier. Cf. Photius, Bibl., ux, P. G., t. cm. col. 1(15-113, dont le témoignage repose sur les actes authentiques du synode. Arcadius prononça une sentence de bannissement. Jean se livra aux soldats chargés de le conduire en exil, après avoir publiquement protesté contre le jugement des évêques, P. G., t. lii, col. 427-430, et fut envoyé à Prænetum sur le golfe de Nicomédie. Mais le peuple de Constantinople n’acceptait pas d’être séparé de son évêque, des émeutes accueillirent le retour de Théophile qui fut obligé de repasser le Bosphore ; un accident mystérieux, qui survint dans le palais, effraya la famille impériale. Palladius, Dialog., 9. Eudoxie demanda et obtint d’Arcadius des lettres de rappel en faveur de l’exilé ; elle lui écrivit elle-même pour protester de son innocence et déclarer qu’elle n’était pour rien dans tout ce qui venait d’arriver. Jean se laissa ramener. Il fut porté dans Constantinople par l’acclamation de la multitude enthousiaste : l’homélie qu’il prononça alors, P. G., t. i.ii, col. 413-448, est comme un chant de triomphe et de reconnaissance à son Église fidèle.
Mais la paix ne devait pas durer bien longtemps. Les rancunes amassées contre Jean étaient trop puissantes pour avoir cédé de façon définitive ; et l’évêque lui-même n’avait pas un tempérament capable de garder des ménagements dans la lutte qu’il avait entreprise contre le mal. Dès le mois d’août 403, l’hostilité était plus vive que jamais entre lui et l’impératrice. Socrate, Hisl. EccL, vi, 18, P. G., t. lxvii, col. 71 G ; et Sozomène, Hisl. Eccl., viii, 20 ; P. G., t. lxvii, col. 1568, racontent que Jean, prêchant sur la décollation de saint Jean-Baptiste, commença son homélie en ces termes : « De nouveau Hérodiade fait rage, de nouveau elle s’emporte, de nouveau elle danse, de nouveau elle demande à recevoir sur un plateau la tête de Jean. » Nous avons en effet, dans les œuvres de Jean une homélie qui débute ainsi, P. G., t. lix, col. 485-490, mais qui n’est certainement pas authentique. On ne sait donc pas au juste quels furent les vrais discours de l’archevêque. Il est sûr qu’il fit des imprudences. Théophile d’autre part faisait partout crier que le retour du patriarche était contraire aux canons de l’Église. Cette situation troublée persista jusqu’aux premiers mois de 404. Le samedi-saint il y eut du sang versé dans l’église et les fidèles de Jean durent célébrer la fête de Pâques en pleine campagne. Palladius, Dialog., 8. Enfin, le 9 juin 404 l’empereur lança contre le patriarche un nouvel ordre d’exil. Celui-ci partit définitivement le 20 juin, après avoir adressé un suprême adieu aux évêques qui lui étaient restés fidèles, à ses diaconesses, à tous ses chers fidèles.
5° L’exil et la mort. — Le lieu assigné à Jean pour sa nouvelle résidence était la petite ville de Cucuse, en Arménie mineure, « l’endroit le plus désert de toute la terre. » Epist., ccxxxiv, P. G., t. un, col. 739. Le voyage du proscrit fut long et pénible. Après une halte de quatre semaines à Nicée, la traversée de la Galatie et de la Cappadoce apporta à l’archevêque de grandes fatigues physiques et de grandes tristesses morales ; le mauvais accueil des évêques d’Ancyre et de Césarée l’affligea particulièrement. On parvint enfin à Cucuse, où l’on put essayer de s’installer. Pendant ce temps, Arsace, un frère de Nectaire, le prédécesseur de Jean, avait été intronisé patriarche de Constantinople : après sa mort qui ne tarda pas, il fut remplacé par un certain Atticus (14 novembre 405). Arsace et Atticus profitèrent de leur autorité pour faire la vie dure aux partisans de Jean, qui restaient nombreux et fidèlement attachés à son souvenir. Une persécution qui rappelait les plus mauvais jours de Néron et de Domitien s’abattit sur eux. Palladius, Dialog., 10. En vain, chercha-t-on à intéresser l’Occident à la cause de l’exilé. Théophile d’Alexandrie avait le premier écrit au pape Innocent pour l’informer des événements (404). Jean lui écrivit à son tour, en réclamant son appui. Innocent cassa la sentence du concile du Chêne, et pensa un instant réunir un nouveau synode pour reprendre l’examen du procès ; finalement, ce synode ne put se tenir ; le pape se contenta de rompre la communion avec les adversaires de Jean et de consoler de son mieux, par ses lettres affectueuses, le malheureux exilé.
Le séjour de Jean à Cucuse fut très pénible. Rien ne manquait à ses souffrances : ni les rigueurs du climat, ni les fréquentes invasions des barbares Isauriens qui l’obligèrent quelque temps à se réfugier dans la citadelle d’Arabissos, ni le délabrement de sa santé qui, toujours délicate, devenait de plus en plus chancelante. Pourtant, il s’attachait à la vie et continuait à s’intéresser à tout : à la conversion des Goths dont il s’était beaucoup occupé à Constantinople, aux missions de Phénicie, à la situation religieuse d’Antioche, et par-dessus tout à son Église de Constantinople dont il persistait à se regarder comme le chef, et d’où il recevait de fréquentes nouvelles. Ne pouvant plus prêcher, il écrivait : la plupart des lettres qui constituent sa correspondance datent de ces années d’exil, et témoignent de la vivacité de son zèle toujours en éveil. D’ailleurs, on venait le voir, dans sa solitude, ses anciens amis d’Antioche. ses fidèles de Constantinople, lui rendaient de Fréquentes visites, d’où ils rapportaient une énergie renouvelée pour la lutte.
Le gouvernement impérial finit par prendre ombrage de cette popularité persistante. Il fut décidé que Jean quitterait Cucuse et serait transféré à Pityonte, localité situé sur le Pont-Euxin, au pied du Caucase, tout à fait en dehors des voies de communications et du monde civilisé. Mais l’exilé ne « levait pas arriver en ce pays sauvage. Sous la garde de deux soldais, il quitta Cucuse vers la fin de juin 107. Le voyage se fit lentement, car au début de septembre on était seulement aux abords de la petite ville de Comane, dans le l’ont Jean dormit sa dernière nuit dans une chapelle de campagne, dédiée à un martyr local, saint Basilisque. Il vit en rêve ce saint qui l’invitait à le rejoindre le lendemain. En effet, le lendemain, il se trouva plus mal. Malgré ses plaintes, ses gardiens exigèrent qu’il ve mit en route et précipitèrent le départ. Mais au bout de quelques milles, le pauvre évêque était en un tel état que force fut de revenir à la petite chapelle. Il y mourut le jour même (14 septembre 407). « Gloire à Dieu en toutes choses ! » telles furent les dernières paroles qui sortirent de la bouche d’or. L. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, t. iii, p. 104.
La mort de Jean ne ramena pas immédiatement la paix à Constantinople. Ses partisans continuèrent leur schisme. Il fallut que le nom du saint patriarche fut rétabli sur les diptyques pour que le pape consentit à rendre sa communion à Atticus et à ses amis. Mais les johannites ne furent complètement satisfaits que lorsque le 27 janvier 438 les restes de leur évêque bienaimé eurent été ramenés dans la capitale et déposés triomphalement dans l’église des Saints-Apôtres. Théodoret. Hist. lùcL.x. 36 ; P. G., t. lxxxii, col. 1265-1269. Ainsi se trouvait réhabilitée la mémoire du vaillant lutteur, qui avait tant souffert par la liberté de l’Église.
II. Les écrits de saint Jean Chrysostome. — 1o Diffusion et tradition de l’œuvre littéraire de Jean. — L’héritage littéraire de Jean est immense. Aucun Père de l’Église grecque, Origène excepté, n’a autant écrit que lui, ou autant dicté. La plupart des homélies en effet n’ont pas été écrites par Jean, mais simplement recueillies telles qu’elles étaient prononcées par des sténographes et l’on trouve encore dans plusieurs d’entre elles des notes ou des remarques dues à ces scribes. Cf. S. Ilaidacher, dans Leilschrifl fur katholische Théologie, 1907, I. xxxi, p. 1 42 sq. ; A. Wikenhauser, Der hl. Chrysostomus und die Tachygraphie dans Archiu fur Sténographie, 1907, t. lviii, p. 268 sq.
De très bonne heure, les œuvres de Jean se répandirent partout. Saint Jérôme leur plus ancien témoin peut écrire en 392 dans le De vir. ill. 129, P. L., I. xxiii, col. 754 : Joannes, Antiochenæ ecclesim presbyter, Eusebii Diodorique seclator multa componere dtcitur, de quibus περὶ ἱερωσύνης tantum legi. Palladius place sur les livres de Théodore cette formule : « Je le connaissais non seulement de renom mais encore par ses traités, ses homélies et ses lettres, συγγράμματα, ὁμιλίαι, ἐπιστολαί, qui nous étaient parvenus. » Dialog., 12 ; P… t. i.vn. col. 40. En Orient, comme en Occident, on lit ces écrits, on les cite, on les regarde comme taisant autorité : les florilèges patristiques en rapportent de nombreux fragments, et il est curieux de noter que c’est Cyrille d’Alexandrie, le neveu et le successeur de Théophile, qui. pour la première lois, en 429 OU 130, tire un argument doctrinal d’un texte de Jean. De recta fuie ml reginas, i, P. (.’.. t. lxxvi, COl. 1216. A l’envi, papes et conciles se réclament du grand orateur. Le IIe concile de Nicée en 787 va jusqu’à proclamer : « Si Jean Chrysostome parle ainsi des images, qui donc osera encore parler contre elles ? i Mansi, Coneil., i. xiii. col. 8. Dès le vr siècle, le nom de Chrysostome sert à désigner l’auteur éloquent de tant livres parfaites ; au xie siècle, peut-être au x". Jean figure a côté de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze comme un des trois hiérarques quel’Église grecque honore d’une fête spéciale.
Cette popularité ne fut pas le résultat d’une vogue passagère. Elle se maintint le long des siècles, ainsi qu’en témoigne le nombre exceptionnellement considérable de manuscrits qui nous ont transmis les de Jean. Dans les catalogues imprimes des grandes bibliothèques, Baur a relevé 1917 manuscrits copiés du viiie au xvie siècle et dont chacun contient au moins un sermon du prédicateur, dont la plupart sont même exclusivement consacrés à ses ouvrages. La seule Bibliothèque nationale de Paris possède 455 de ces mss. Il faudrait ajouter encore, a tant de témoins, les chaînes scripturaires ou les florilèges dogmatiques, pour qui Jean constitue souvent la principale autorité, et qui manifestent à leur manière l’extraordinaire diffusion de ses écrits.
En même temps que l’on copiait le texte grec des livres de Chrysostome on le traduisait dans la plupart des langues chrétiennes. Entre 415 et 419, le pélagien Anianus donne une version latine des sept homélies sur saint Paul, de l’homélie Ad neophytos, qui a été éditée par S. Haidacher, Eine unbeachtete Rede des hl. Chrysostomus an Neugetaufte, dans Zeilschrift fur katholische Théologie, 1904, t. xxxviii, p. 168193, une série d’autres homélies marquées dans les premières éditions latines comme étant l’œuvre incerti inlcrpretis, enfin vers 419 les 25 premières homélies sur saint Matthieu. Chrysostome Baur, L’entrée littéraire de saint Chrysostome dans le monde latin dans Revue d’Histoire ecclésiastique, 1907, t. viii, p. 249-265 ; A. Yilmart, La collection des 38 homélies latines de saint Jean Chrysostome, dans Journal of theological Siudies, juillet 1918, t. xix, p. 305 sq. Peut-être est-ce au même Anianus que l’on est redevable de la traduction de trois opuscules : De compunctione, De reparatione lapsi, Quod nemo lœditur nisi a scipso. Au vre siècle, sur l’ordre du Cassiodore, Mutianus traduit encore les 34 homélies sur l’épître aux Hébreux, Institutiones, i, 8, P. L., t. lxx, col. 1120, et peut-être les 55 homélies sur les Actes des apôtres, ibid., col. 1122. La version latine des deux écrits Ad Theodorum lapsum est anonyme, mais certainement très ancienne.
On sait jusqu’à présent peu de choses des traductions de Jean, en armémien, en syriaque ou en copte. Les versions syriaques surtout, dont l’existence est assurée, demanderaient une étude détaillée. Cf. J. S. Assémani, Bibliotheca orientalis, t. iii, pars 1, p. 24 sq. ; W. Wrigth, Catalogue oj the syriac mss in the British Muséum, 1872, t. iii, Index, sub verbo.
Sur la diffusion des écrits de saint Jean Chrysostome dans l’Eglise grecque et dans l’Église latine, il faut consulter surtout l’étude de Chr. Baur. Saint Jean Chrysostome et ses œuvres dans i histoire littéraire. Essai présenté à l’occasion du XV’centenaire de Saint Jean Chrysostome, Louvain et Paris. 1907, p. 3-82. Cet ouvrage pourrait sans doute être perfectionné : tel qu’il est. il renferme une foule de renseignements précieux pour l’histoire littéraire de Jean. On complétera l’ouvrage de Baur pour ce qui regarde les littératures arménienne, arabe, russe et géorgienne par les études di’A. Aucher, C. Bâcha, A. l’almicri, M. Tamarati, dans Χρυσοστομιϰά, Studie ricerche intorno a S. Giovanni Crisostomo, a cura del comitato per il XV" centenario délia sua morte Rome, L908, fasc. i. p. 143-216.
L’ouvrage de Chr. Baur, S’. Jean Chrysostome et ses œuvres dans l’histoire littéraire, donne une longue et curieuse liste des éditions grecques (31>7), latines (297). allemandes ( 16), anglaises (50), arabes (3), arméniennes (8), bohémiennes (1 1). bulgares (2). coptes (3). espagnoles) » françaises (94), glagolitiques (2), hollandaises (5), hongroise (1), Italiennes ( H>), polonaises (3). russes (3). ruthènes (1). slaves (4), suédoise (1), turque (1). valaque’1), parues jusqu’en 1908 (p. 82222). Sur les éditions courantes voir la bibliographie.
Malgré le grand nombre de ces éditions, on peut dire qu’un immense travail reste à faire pour donner enfin un texte exact et sûr des œuvres de Jean. La critique des manuscrits n’a pas été, jusqu’ici, tentée de manière scientifique ; beaucoup d’entre eux, et non des moins importants n’ont pas été étudiés avec le soin qu’il aurait fallu. Bref ni te texte de Savile, ni celui de Mont faucon ne sont satisfaisants, et une bonne édition complète des écrits de Jean est un des desiderata les plus urgents de la littérature et de la théologie patristiques.
Ce n’est pas seulement la critique textuelle des œuvres de Jean qui est à faire, mais aussi, dans un très grand nombre de cas, la critique d’authenticité. La plus grande partie des écrits de Jean sont des homélies : c’est dire la facilité avec laquelle des apocryphes ont pu se glisser dans les manuscrits.au milieu des sermons authentiques. Dès 421, Saint Augustin, dans le Contra Julianum, citait comme étant de Jean des passages de deux homélies apocryphes. Depuis le siècle, nombreux sont les discours qui ont circulé le nom de Jean et que les manuscrits nous ont transmis ^ràce à ce subterfuge. Déjà les premiers éditeurs, Savile et surtout Montfaucon se sont donné bien du mal pour discerner l’ivraie du bon grain ; mais leur travail est loin d’être complet. Des progrès considérables ont été accomplis récemment par S. Haidacher, dont les nombreuses études, parues entre 1894 et 1908 dans la Zeitschrift für katholische Théologie doivent retenir l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’étude des homélies de Jean. On trouvera la liste et l’analyse de ces travaux dans Chr. Baur, op. cit., p. 258 sq.
On peut distinguer dans l’œuvre de Jean des homélies exégétiques, des discours indépendants, des traités et des lettres.
2o Les homélies exégétiques. — La plus grande partie des écrits de Jean est formée d’homélies sur les écrits bibliques ou de commentaires en forme d’homélies. La plupart remontent à la période antiochienne de son activité.
Sur la Genèse, deux séries l’une de neuf, l’autre de soixante-sept homélies : les premières peuvent être de 386 ; les autres datent de 388 d’après Rauschen ; de 395 selon Tillemont et Montfaucon. P. G., t. liv, col. 581-630 et t. un et liv.
Sur les livres des Rois : cinq homélies sur Anne, et trois homélies De Davide et Saule, les unes et les autres de 387. T. liv, col. 631-675, 675-708.
Sur les Psaumes, nous possédons des homélies sur une soixantaine de psaumes : iv-xii ; xun-XLix : cvm-cxvii ; cxix-cl, qui datent de la fin de la carrière antiochienne. On ne saurait dire avec certitude si Jean avait ou non expliqué tout le psautier. T. LV.
Sur Job et sur les Proverbes, les fragments extraits des chaînes et publiés sous le nom de Jean proviennent dans la mesure où ils sont authentiques d’ouvrages du saint qui ne sont pas des homélies ou des commentaires relatifs à ces deux livres. T. lxiv, col. 505-G56 ; et 659.
Sur les prophètes en général, deux homélies De prophetiarum obscuritate, des années 386 ou 382. T. lvi, col. 163-192.
Sur Isaïe, i-vi. six homélies prononcées les unes à Antioche, les autres à Constantinople. T. lvi, col. 97142. Un commentaire sur Isaïe, conservé en arménien, sauf le début et la fin, demanderait une étude spéciale.
Sur Jérémie et sur Daniel, des fragments extraits des chaînes, et qui doivent provenir lorsqu’ils sont authentiques, d’homélies ou de livres différents. P. G., t. lxiv, col. 1038 : t. lvi, col. 193-246.
Sur saint Matthieu, 90 homélies prononcées à Antioche vers 390. T. lvii-i.viii.
Sur saint Luc, 7 homélies De Lazaro, probablement T. xlviii, col. 963-1054.
Sur saint Jean 88 homélies qui doivent appartenir à l’année 389. T. i.ix.
Sur les Actes des apôtres, 55 homélies prêchées à Constantinople en 400 ou 401, P. G., t. lx ; de plus quatre homélies In principium Actorum Apostolorum, et quatre homélies De mutatione nominum, qui ont été prononcées à Antioche après Pâques 388. T. li, col. 65112. et 113-156.
Sur les lettres de saint Paul : 32 homélies sur l’épître aux Romains, t. lx ; deux séries de 44 et 30 homélies sur les épîtres aux Corinthiens, t. lxi, auxquelles il faut ajouter 3 homélies sur I Cor., vii, 1 sq., t. li, col. 207-242, et 3 homélies sur II Cor., iv, 13, t. li, col. 271-302 ; un commentaire, formé plus tard de passages empruntés à des homélies distinctes, sur l’épître aux Galates, t. lxi ; 24 homélies sur l’épître aux Éphésiens ; 15 sur l’épître aux Philippiens ; 12 sur l’épître aux Colossiens ; deux séries de Il et de 5, sur chacune des épîtres aux Thessaloniciens ; deux séries de 18 et de 10 sur les deux lettres à Timothée ; 6 sur l’épître à Tite ; 3 sur l’épître à Philémon ; et 34 sur l’épître aux Hébreux. Ces diverses homélies viennent les unes d’Antioche, les autres de Constantinople. T. LXII-LXIII.
3o Les discours indépendants. — Un grand nombre d’homélies, plus d’une centaine, n’ont pas pour thème l’explication de l’Écriture. Leur contenu est très divers.
1. La plupart sont des serinons moraux et ascétiques, parmi lesquels on citera les 9 homélies sur la Pénitence, prêches en différentes circonstances, t. xlix, col. 277-350, les serinons sur les calendes, t. xlviii, col. 953-962 ; contre les jeux du cirque et les théâtres, t. lvi, col. 263-270 ; sur l’aumône, t. li, col. 161-270.
2. D’autres sont dogmatiques et polémiques : ainsi les 12 homélies Contra anomœos de incomprehrnsibili, t. xlviii, col. 701-812, et les huit homélies contre les Juifs. T. xLvm, col. 843-942.
3. Parmi les sermons pour les fêtes chrétiennes on mentionnera des homélies Innatalem Domini, t. xlix, col. 351-362, 2 homélies De prodilione Judw, dont l’une est le décalque de l’autre, t. xlix, col. 373-392 ; De cruce et lalrone, même remarque, t. xlix, col. 393-418 ; 2 homélies sur Pâques, dont la seconde est d’authenticité douteuse. T. l, col. 433-442, et. lii, col. 765-772.
4. Des panégyriques sur les personnages de l’Ancien Testament, Job, Éléazar, les Macchabées, et sur les saints particulièrement honorés dans l’Église d’Antioche : Romain, Julien, Pélagie, Bereniké et Prosdoké, Ignace, Babylas, Philogone, etc. Les plus remarquables de ces discours sont ceux, au nombre de sept, qui ont pour objet les louanges de saint Paul. T. l, col. 473-514.
5. Enfin des discours de circonstance, ceux qui ont assuré au prédicateur ses plus éclatants triomphes, surtout les 21 discours sur les statues, t. xlix, col. 15222 ; les deux discours sur les vanités humaines après la chute d’Eutrope, t. lii, col. 391-414, les deux discours avant et après le premier exil de Jean. T. lii, col. 427-430 ; 443-448.
4o Les traités. — La plupart des traités, assez courts d’ailleurs, rédigés par Jean remontent à l’époque de son diaconat et traitent des questions de morale.
1. On signalera d’abord ceux qui s’occupent de la vie monastique : les deux Parœneses ad Thcodorum lapsum, entre 371 et 378, t. xlvii, col. 277-316 ; le De compunctione en deux livres, entre 381 et 385 ( ?). t. xlvii, col. 393-422 ; Aducrsus oppugnalores vitse monaslicæ, en 3 livres, entre 381 et 385 ( ?). T. xi.vii, col. 319-386.
2. D’autres livres ont pour sujet la virginité et la continence : De virginitate, écrit à Antioche, t. xlviii, col. 533-596 ; Ad viduam juniorem, vers 380, t. xlviii, col. 599-610 ; De non ilerando conjugio, t. xi.vm, col. 609-620.
3. Le plus célèbre de tous les traités de Jean est l’ouvrage en 6 livres de Sacerdotio écrit sans doute à Antioche entre 381 et 385, sous forme de dialogue entre l’auteur lui-même et un de ses amis du nom de Basile, t. xlvii, 623-692 ; la meilleure édition est actuellement celle de J. A. Nairn, De Sacerdotio of St John Chrysostome, dans les Cambridge patristic texts, 1906.
1. Sur l’éducation, il faut signaler un petit traité intitulé De educandis pueris liber aureus, dans l’édition de Fr. Combefis (1656). Ce traité qui ne figure pas dans P. G., a été publié en grec par Fr. Schulte, Joanna Chrysostomus, De inani gloria et de educandis liberis. Münster. 1914.
5. Trois livres Ad Stagirium a dæmone vexatum, écrits entre 381 et 385, P. G., t. xlvii, col. 423-194, sont à rapprocher plus par leur sujet que par l’époque de leur composition de deux autres traités qui parlent aussi de l’utilité des souffrances : Quod nemo lœditur nisi a seipso, t. lu. col. 459-480, et Ad eos qui scandalizati tunt ob adversilates, t. tu, col. 179-528. Ces deux derniers livres ont été composés en 405 ou 406 pendant l’exil de Jean.
6. Deux ouvrages de Jean ont un caractère apologétique : l’un De sancto Babyla contra Juliunum et gentiles, est dirigé contre Julien l’apostat et les païens, t. i, col. 533-572 ; l’autre Contra Judœos et Gentiles quod Christus sit Deus, est une démonstration par les prophéties de la divinité du Sauveur. T. xlviii, col. 813-838.
7. Enfin deux écrits disciplinaires datant des premiers temps de l’élévation de Jean au patriarcat : Adversus eos qui apud se habent virgines subintroductas, t. xi. vu. col. 19.5-51 l, et : Quod regulares feminse viris cohabilare non debeant, t. xi.vu, 513-532.
5° Les lettres. Il nous reste de Jean environ 240 lettres, généralement assez courtes et qui datent toutes de la période de son second exil (404-407). La plupart de ces lettres sont des écrits de consolation ou d’encouragement, destinés autant à maintenir intacte l’énergie des amis de l’archevêque exilé, qu’à leur donner de ses nouvelles. Les plus intéressantes sont deux lettres au pape Innocent Ier, P. G., t. lii, col. 529-536, et dix-sept lettres à Olympias, une riche veuve de Constantinople qui s’était montrée pleine de dévouement pour son évêque. T. lii, col. 549-623.
6° Parmi les Écrits inauthentiques qui portent le nom de Jean trois doivent être signalés ici, parce qu’il ont spécialement importants, et que le problème de leur origine n’est pas en : ore clairement élucidé.
1. Le premier est la liturgie de saint Jean Chrysostome qui est employée dans les églises grecques-catholiques d’Orient. Le concile quinisexte de 692 ne connaît pas encore de Liturgie de saint Chrysostome : et l’on ne sait ni de quelle date est cet ensemble de prières, ni quand on a commencé à y voir l’œuvre de Jean. Voir les diverses études publiées à ce sujet dans Χρυσοστομιϰά, Rome, 1908, fasc. 2. en particulier, celle de Pl. de Meester, Les origines et les développements du texte grec de la liturgie de saint Jean Chrysostome, p. 245-357.
2. Un manuel d’introduction biblique, sous le titre de Synopsis Veteris et Novi Testamenti n’a été jusqu’ici publié, et peut être ne subsiste que dans un texte lacuneux et Fautif, P. G., t. i.i. col. 313 386 ; l’édition de Montfaucon a été complétée par Bryennios et par Klostermann qui ont fait connaître de nouveaux manuscrits de cet ouvrage, dont l’origine demeure inconnue. E. Klostermann, Analecta zur Sepluaginta, Hexapla mut Patristik 1895, p. 77 sq. ; Th. Zahn, Geschichte des N. T. Kanons, t. ii. p. 326 sq.
3. Quant à l’Opus imperfectum in Mathæum, commentaire latin, d’ailleurs incomplet sur le Ier évangile, et qui est généralement annexé aux œuvres de Saint Jean Chrysostome, P. G., t. i.vi, col. 615-946, c’est à coup sûr l’œuvre originale d’un écrivain latin sans aucun doute arien et d’origine barbare. On a essayé récemment de le porter au compte de l’évêque goth Maximin. On trouvera les indications nécessaires et la littérature la plus récente dans J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes de l’Empire romain. Paris. 1918, p. 474-482.
III. L’enseignement théologique de Jean Chrysostome. — On se tromperait du tout au tout, si l’on voulait voir dans Jean un théologien au sens strict de ce mot. Les controverses ne l’intéressent pas et n’ont aucune prise sur lui. Il vit d’ailleurs à une époque et dans un milieu où il n’y a pas de grand problème à résoudre : au lendemain des luttes sur la Trinité contre les ariens : à la veille des luttes sur l’Incarnation contre les nestoriens et les eutychiens. Mais son tempérament suffit à expliquer l’indifférence qu’il manifeste pour la spéculation : il est avant tout homme d’action, prédicateur et moraliste. Il enseigne a bien vivre, plutôt qu’à bien penser, coi 1 liant que ceux-là penseront bien qui vivront bien.
Aussi n’est-il pas de ceux qui ont fait progresser la théologie. Il est loin d’avoir dans l’histoire des dogmes l’importance d’un saint Basile ou d’un saint Grégoire de Nysse. On pourrait écrire cette histoire, sans presque citer son nom, rien ne manquerait pour l’intelligence du développement doctrinal. L’intérêt qu’il y a à étudier la théologie de Jean est ailleurs, il vient précisément de ce que cette théologie n’est pas la sienne, mais celle de tout le monde, celle de l’Église d’Antioche où il a été élevé et dans Laquelle il enseigne, celle des simples chrétiens qui ne cherchent qu’à bien vivre sans vouloir expliquer les mystères insondables.
1° Le point de départ de tout l’enseignement de Jean c’est l’Écriture Sainte. Sa prédication est avant tout une exégèse. S’il n’a pas composé de commentaire des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, il a fait, pour le plus grand nombre d’entre eux. ce commentaire en le prêchant. Il n’aurait pas été Antiochien s’il ne s’était pas attaché d’abord à l’explication littérale des textes : de là l’importance qu’il attribue à la solution des difficultés grammaticales, à la discussion des variantes entre les manuscrits, à l’indication des circonstances historiques qui ont accoini l’apparition de tel ou tel livre. Il connaît l’allégorie, si fort en honneur dans l’école d’Alexandrie, mais il préfère de beaucoup l’interprétation littérale qui est plus vraie. In Is., i, 22 ; P. G., t. lvi. col. 23. À propos d’Isaïe, v, 7, il déclare que la sainte Écriture elle-même donne clairement à connaître quand et où l’explication tropologique est permise ou même ordonnée : si elle allégorise, elle explique aussi l’allégorie : ibid., col. 60. Sur Isaïe, vi, 6 sq. après avoir mentionné une interprétation figurée, il poursuit : pour nous, nous nous en tenons à l’histoire : ᾑμεῖς δὲ τέως τῆς ἱστορία ἐχόμεθα. Ibid., col. 72.
Malgré ces déclarations, Jean ne se refuse pas à montrer souvent le caractère allégorique de l’Ancien Testament, et après avoir donné le sens littéral d’un passage de montrer comment il peut s’interpréter ϰατ’ἀναγωγήν ou μυστιϰῶς. Le type est pour lui une prophétie voulue par l’Esprit Saint, prophétie qui ne se distingue de l’autre que parce qu’elle est recouverte non par des mots, mais par des choses Hom. vi de pænit., t. xlix. col. 320. Ainsi dit-il par exemple de l’arche de Noé t : Toul cela avait une signification mystérieuse ; c’était une image de l’avenir : dans l’arche était préfigurée l’Église, dans Noé. le Christ, dans la Colombe, le Saint Esprit, dans la feuille d’olivier. l’amour de Dieu pour les hommes. Hom. vi de Lazaro, 7. t. xlviii. col. 1037. De même interprète-t-il le sacrifice d’Isaac, Hom. xlvii, in Gen., 3, t. liv, col. 432 ; cf. Expos. in Psalm. XLVI, t. lv, col. 209 : l’histoire de Joseph, Hom. lxi, in Gen., 3, t. liv, col. 528, etc.
Surtout, l’Écriture Sainte, est pour lui le thème d’un enseignement moral sans cesse renouvelé. Nul n’a su, aussi bien que cet unique directeur d’âmes, mettre en relief la richesse des leçons morales contenues dans les histoires de l’Ancien et du Nouveau Testament. Lorsqu’il a expliqué le sens littéral des textes, il passe sans effort aux conclusions pratiques que doivent vivre ses auditeurs ; c’est de la Bible, des paroles du Saint-Esprit, que se tirent toutes les règles de conduite comme d’ailleurs tous les enseignements de vérité : « N’attends pas un autre maître, déclare Jean, tu possèdes les paroles de Dieu ; nul ne t’instruira comme elles. » Hom. ix, 777 Ep. ad Col., 1, t. lxii, col. 361. Grâce à la bonté divine, à sa condescendance, les préceptes bibliques sont merveilleusement adaptés à la faiblesse humaine. Hom. xviii, in Gen., 3. t. un, col. 152 : cf. Hom. iii, in Ep. ud TH., 2. t. lxii, col. 678. Si les chrétiens ne sont plus tenus à pratiquer à la lettre les observances judaïques qui sont périmées, ils doivent sans cesse en garder l’esprit, car c’est par leur moyen que Dieu a peu à peu élevé l’humanité. Hom. in Psalm. XLix, 4. t. lv, col. 247 ; in Is., i, 4, sq., t. lvi, col. 19.
L’autorité suprême de l’Écriture lui vient de ce qu’elle est inspirée par Dieu. Jean « semble parfois représenter l’inspiration comme un envahissement total par le Saint-Esprit des facultés de l’écrivain, envahissement qui réduirait celui-ci à un état purement passif, In Psalm. XL1V, 1, t. lv, col. 184, mais ce n’est pas l’idée qu’il s’en fait d’ordinaire. Il met précisément cette différence entre la prophétie et la divination païenne que le devin ou la pythonisse sont passifs et hors d’eux-mêmes, tandis que le prophète reste maître de soi et conscient de ce qu’il annonce. Hom. xxix, j’n I Cor., 1, t. lxi, col. 241. Il maintient à l’auteur humain, dans la composition des livres saints, une part qui explique les différences ou même les divergences, que présentent ces livres. Homii. i, in Malth.. 2, t. Lvn, col. l(i. » J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 12. Cf. S. Haidacher, Die Lettre des heiligen Joannes Chrysostomus ùber die Schri/linspiration, Salzbourg, 1897.
Nulle part, Jean n’indique expressément quels sont les livres qu’il considère comme inspirés ; il semble d’ailleurs que son canon de l’Ancien Testament, aussi bien que celui du Nouveau Testament, soit complet et reçoive les deutéro-canoniques sans aucune hésitation. Cf. L. Dennefeld, Der allestamentliche Kanon der antiochenischen Schule, dans Biblische Sludien, Eribourg, 1909, t. xiv, n. 4, p. 29-44.
2o L’enseignement christologique de Jean mérite de retenir l’attention. On a vu qu’il avait été le disciple de Diodore de Tarse. Il resta fidèle à son ancien maître. Une homélie prononcée avant 392 est consacrée à l’éloge de celui qu’il appelle un nouveau Jean-Baptiste. P. G., t. Ln, col. 761-766. C’est assez dire que sa christologie est celle de l’école antiochienne, et attire l’attention plutôt sur les deux natures du Verbe incarné que sur l’unité de la personne. Pourtant, tandis que Diodore de Tarse et Théodore de Mopsueste s’efforcent de montrer que l’union des deux natures ne peut être qu’une union morale et non une union physique, Jean qui est un prédicateur, se contente d’expressions plus communes, plus populaires et plus indéterminées : ainsi se tient-il en garde contre les formules précises et inexactes de son maître. Si l’on peut relever chez lui des mots peu corrects, ce n’est qu’en passant, et tout de suite la foi populaire retrouve le droit chemin : il écrit par exemple que l’humanité est le temple de la divinité, Hom. ïfi Psalm. XL1V, 2, t. lv, col. 1 s t, ; qu’elle est sa tente ; et il ajoute : ii n’y a donc ni confusion, ni disparition des substances ; mais cependant par l’union et le rapprochement, le Verbe divin et la chair sont un, τῇ ἑνώσει ϰαὶ τῇ συναφείᾳ ἕν ἐστιν ὁ θεὸς λόγος ϰαὶ ἡ σάρξ. Comment s’accomplit cette unité ? inutile de le chercher, le Christ seul le sait : τὸ δέ ὅπως, μὴ ζήτει ἐγένετο γὰρ ὡς οἶδεν αὐτός. Hom. xi, in Joan., 2 t. lix, col. 80.
Le Fils est de la même substance que le Père, τῆς αὐτῆς οὐσίας τῷ πατρί, Hom. i, in Matth., 2, t. lvii, col. 17 ; il possède en même temps une chair humaine, qui est semblable à notre chair pécheresse, mais qui est sans péché tout en étant consubstantielle à la nôtre, Hom. xiii, in Ep. ad Rom., 5, t. lx, col. 515, οὔτε γὰρ ἁμαρτωλόν σάρϰα εἶχεν ὁ Χριστός, ἀλλ’ὁμοίαν μὲν τῇ ἡμετέρᾳ τῇ ἁμαρτωλῷ ἀναμάρτητον δὲ ϰαὶ τῇ φύσει τὴν αὐτὴν ὁμοούσιον ἡμῖν. Son humanité est une vraie humanité, non pas une apparence, ou une imagination, ou une ombre, ou une fiction ; voilà ce que crient bien haut ses souffrances, sa mort, son tombeau, son dénûment. Car il a eu faim, il a eu soif, il s’est reposé ; il a mangé, il a bu ; il est mort aussi pour montrer son humanité et la faiblesse de la nature. In illud : Pater si possibile est, 4.t.Li, col. 37 sq. Cf. InJoan., hom.yn, 2, t. lix, col. 80 ; /iom.Lxiii, 1, 2, col. 349 sq. ; (’(L, lxvii, 1, 2, col. 371 ; ; ’<L, lxxxvii, 1, col. 474 ; hom. in ascens., 3, t.L, col. 446. Il est vrai que, si le Christ a connu de notre humanité toutes les infirmités corporelles, il n’a pas senti peser sur lui le fardeau de ses faiblesses spirituelles : non seulement le péché n’a pas eu de prise sur lui, mais l’ignorance non plus. Lors même qu’il dit ne pas connaître le jour du jugement, il parle ainsi par prudence, afin d’arrêter les interrogations indiscrètes des apôtres. Hom. lxxvii, in Matth., t. lviii, col. 702-703.
Bien que les deux natures subsistent en lui sans confusion ni disparition des substances, il n’y a pourtant qu’un seul Christ : « Restant ce qu’il était, il a pris ce qu’il n’était pas ; et devenu chair, il est resté Dieu le Verbe, ἔμενε θεὸς λόγος ὤν… Il est devenu l’un (homme) ; cela (l’humanité) il l’a pris ; l’autre (Dieu) il l’était. Ainsi aucun mélange, mais non plus aucune séparation. Un Dieu, un Christ, le Fils de Dieu ; cf. I Tim., ii, 5. Mais quand je dis un Christ, je veux signifier une union, non un mélange, ἕνωσιν λέγω, parce que l’une des deux natures n’est pas changée en l’autre, mais qu’elle a été unie avec l’autre. » Hom. vii, in Ep. ad Philip., 2, 3, t. lxii, col. 231 sq ; cf. Hom. vii, cont anom., 6, t. xlviii, col. 765.
Jean ne cherche pas à préciser davantage ce qu’il faut entendre par cette expression εἶς Χριστός ; et sans doute, s’il avait dû l’expliquer, aurait-il penché vers les formules antiochiennes plutôt que vers la terminologie chère à l’Église d’Alexandrie. Il est vrai qu’en 430, saint Cyrille d’Alexandrie, pour plaire aux impératrices et aux théologiens de Constantinople, invoqua le témoignage de Jean contre Nestorius ; malheureusement les deux fragments qu’il en cite proviennent d’une homélie d’authenticité douteuse, et ne disent rien de plus sinon que Dieu le Verbe s’est incarné dcMa Vierge. Cyrille, De recta fuie ad reginas, i, P. G., t. lxxvi, col. 1216 ; cf. Jean Chrysostome, Hom. in natiu. Christi, P. G., t. lvi, col. 385 sq.
3o La mariologie de Jean doit nous retenir un instant, car elle est plus pauvre que celle de la plupart de ses contemporains, et il est remarquable de voir le peu de place que tient, dans ses écrits ou dans ses homélies, la Vierge-Mère. On ne s’étonnera pas de ne pas trouver chez lui l’expression θεοτόϰος. L’homélie De législature à la fin de laquelle ce mot est employé est inauthentique. P. G., t. lvi, col. 409. Le mot était suspect aux théologiens d’Antioche ; et d’ailleurs Jean n’adopte pas davantage le terme ἀνθρωποτόϰος dont la précision inexacte pouvait trop facilement être mal Interprétée. Mais, dans ses homélies sur saint Matthieu et sur saint Jean, il est loin de reconnaître l’éminente dignité de Marie. Sans doute celle-ci est la mère du Christ, et son Fils ne la renie jamais : « Lorsque la femme crie : bienheureux le sein qui t’a porté, Jésus ne dit pas : elle n’est pas ma mère, mais : si elle veut être heureuse, qu’elle fasse la volonté de mon Hom. xuv, in Matth., 2, t. lvii, col. 466. Lorsqu’aux noces de Cana, il transforme l’eau en viii, Jésus fait ce que lui demande sa mère, par honneur pour elle, pour ne pas paraître la contredire, pour ne pas rougir d’elle devant une telle assistance. Hom. xxii, in Joan., 1, t. lix, col. 131. Enfin, sur la croix, la dernière pensée de Jésus est pour sa mère qu’il confie au disciple, afin de nous apprendre que jusqu’à notre dernier souffle nous devons avoir soin de nos parents ; et Jean ajoute : « Quel honneur fait au disciple 1 Combien celui-ci n’est-il pas honoré ! > Hom. lxxxv, in Joan., 2. t. lix, col. 461 sq.
Mais en même temps, Jean insiste sur les sentiments humains de la Vierge en des termes qui surprennent. Lorsque Marie demande à l’ange comment se réalise a sa promesse, c’est qu’elle a des sentiments humains, ἀνθρώπινόν τι πάσχει ; cf. la même expression, Hom., xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 130 ; c’est qu’elle doute de l’accomplissement du message divin. L’ange pourtant vient l’avertir avant la conception : n’aurait-elle pas été troublée, si elle n’avait pas été prévenue et si elle s’était tout d’un coup aperçue du miracle : elle aurait pu recourir au couteau ou à la corde pour ne pas porter sa honte : ϰαὶ γὰρ εἶϰος ἧν, τὸ σαφὲς οὐϰ εἰδυῖαν ϰαὶ βουλεύσασθαι τι περὶ ἑαυτῆς ἄτοπον, ϰαὶ ἑπὶ βρόχον ἐλθεῖν ϰαὶ ἑπὶ ξίφος, οὐ φέρουσαν τὴν αἰσχύνην. Hom. iv, in Matth., 5, t. i.vu, col. 45. Jean va jusqu’à dire que la Vierge avait sur son Fils des sentiments bas, Hom. xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 131 ; qu’elle s’enorgueillissait de son Fils, Hom. xxi, in Joan., 2, t. lix, col. 130 ; qu’en cherchant Jésus au milieu de la foule, elle faisait preuve de beaucoup d’orgueil, parce qu’elle voulait montrer au peuple que celui-ci lui obéissait. Hom. xi.iv, in Matth., t. lvii, col. 465. A propos de quoi, saint Thomas d’Aquin fait simplement cette remarque : in verbis illis, Chri/soslomiis excessit. Sum. theol., ur, q. xxvii, a. 4, ad 3um.
4o La Rédemption est le motif suprême de l’Incarnation. « Il a pris notre chair uniquement par amour, pour avoir pitié de nous. Il n’y a pas d’autre cause de l’Incarnation que celle-là. » Hom. v, in Ep. ad Hebr., 1. t. lxiii, col, 17. Deux aspects du salut : l’un positif : « Le Fils de Dieu s’est fait Fils de l’homme afin que les lils de l’homme devinssent Bis de Dieu. Hom. xi, in Joan., 1, t. lix, col. 7’.) : l’autre négatif, sur lequel insiste beaucoup plus Jean et qui consiste dans la délivrance du péché. « Nous étions tous sous le coup de la condamnation divine, nous méritions le dernier supplice. I.i loi nous accusait et Dieu nous avait condamnés. Nous devions périr comme aux jours du déluge ; nous étions déjà virtuellement mort-. J Christ nous a arrachés à la mort en se livrant lui-même à la mort. La présence du Christ a arrêté la colère divine. » Ilnm.u, inEp.ad Gui., 8, t. lxi, col. 646. Les sacrifices de l’ancienne loi étaient incapables d’opérer cette délivrance ; par un seul sacrifice, le Christ nous a Hom. xv, inEp. ad Hebr., 2, t. lxiii.col. 1 19 sq. ; Hom. xvii, in Ep. ad Hebr., 1-3. t. lxiii. col. 129 sq.
Pour accomplir notre salut, le Christ s’est en quelque manière substitué à nous. « Pour les nombreux outrages dont nous l’avons abreuvé, malgré ses ! faits, non seulement il ne nous a pas punis, mais il non. a donné son Fils, il l’a fait péché pour nous. c’esi -i due il l’a laissé condamner comme pécheur, mourir comme inaudit. Il a fait pécheur et péché celui qui ne connaissait même pas le péché, loin de l’avoir commis… Un roi voyant un brigand près de subir sa peine, envoie à la mort son Fils unique et chéri. Il transporte sur lui non seulement la mort, mais la faute, μετὰ τοῦ θανάτου ϰαὶ τὴν αἰτίαν μετήνεγϰεν ; et cela pour sauver le coupable et l’élever ensuite à une grande dignité. » Hom. xi, in Ep. II ad Cor., 3-4. t. lxi, col. 478 sq. « Les hommes devaient être punis : Dieu ne l’a pas fait. Ils devaient périr : il a donné son Fils à leur place. " Hom. vii, in Ep. I ad Tim.. ;.. t. lxii, col. 537.
Cette substitution a sans doute été faite par le Père : mais elle a été librement et volontairement acceptée par le Christ, et l’on ne saurait dire que le Père ait fait à son Fils un précepte de mourir : les textes sacrés qui semblent mentionner l’existence d’un tel commandement indiquent en réalité l’accord parfait des volontés chez le Père et chez le Fils. Hom. lx, in Joan., 2-3. t. lix, col. 330 sq. C’est par amour que Dieu nous a sauvés : « Si, en effet, personne peut-être ne voudrait mourir pour un homme vertueux, considérez l’amour de notre Sauveur qui est mort pour des pécheurs et pour des ennemis. Je vois là deux, trois, une foule de bienfaits. Il est mort pour des impies ! il nous a réconciliés, sauvés, justifiés, rendus immortels, fils et héritiers de. Dieu. S’il n’avait fait que mourir pour nous, ce serait déjà une grande preuve d’amour. Mais en mourant, il nous prodigue de tels dons, et à de tels misérables que ce bienfait délie toute hyperbole et doit conduire à la foi même le plus insensible. » Hom. xxvi, in Joan., 1-2, t. lix, col. 158 sq. ; cf. Hom. xv, in Ep. ad Rom., 2, t. lx, col. 543 ; Hom. xx, in Ep. ad Ephes., 2, t. lxii, col. 137.
Le sacrifice du Christ a une efficacité surabondante : « Un créancier met en prison un débiteur qui lui devait dix oboles — et non pas lui seulement, mais sa femme, ses fils et ses serviteurs. Un tiers survenant donne les dix oboles, et en plus dix mille talents d’or… Le créancier pourrait-il encore se souvenir des dix oboles ? Ainsi pour nous. Le Christ a payé plus que nous ne devions, autant que l’Océan surpasse en grandeur une goutte d’eau." Hom. x, in Ep. ad Rom., 2, t. lx, col. 477 ; cf. Hom. xvii, in Ep. ad Hebr.. 2, t. lxiii, col. 129.
Il n’y a rien en tout cela de très original. Jean exprime, au sujet de la Rédemption, les idées de son époque, insistant surtout sur le caractère expiatoire de la mort du Christ et sur le rachat du péché. Son admirable éloquence, son ardent amour pour le Christ, donnent seulement à ses idées une force et une puisque l’on ne rencontre pas ailleurs. Cf. J. Rivière, Le dogme de la Rédemption, Essai d’étude historique, Paris, 1905. p. 180 sq.
5o Plus importante à étudier est la théorie de Jean sur le péché originel et sur la grâce. Dès 415, Pi I dans le De natura. citait un passage de Jean en faveur de sa doctrine. Fn répondant à l’hérétique, saint Augustin, qui connaissait encore mal les œuvres de l’archevêque de Constantinople, se borna à dire que le passage invoqué ne prouvait rien contre la doctrine catholique. De natura et gratia, 64, P. L., t. xliv, col. 28.">. Les années suivantes, les pélagiens continuèrent à se servir de l’autorité de Jean. L’un des leurs, tisit en latin plusieurs de ses homélies entre ll"> et 419 ; les auteurs du Libellas fidei et Julien d’Éclane, en 1 18, employèrent surtout l’homélie ml neophytos, pour démontrer leur thèse. Le pas capital de cette homélie était le suivant : διὰ τοῦτο ϰαὶ τὰ παιδία βαπτίζομεν, ϰαίτοι ἁμαρτήματα οὐϰ ἔχοντα. Dans saint Augustin, Contra Julian., i, 6, 22, P. L., t. xliv, col, 656 ; ce que Julien traduisait : hac de causa etiam infantulos baptizamus cum non sint coinquinati peccato. Naturellement Augustin, en répondant à Julien, se hâta de rétablir le pluriel du texte original, et d’expliquer qu’il s’agissait non du péché originel, mais des fautes personnelles ; et il ajoute cette importante remarque : At inquies : Cur non ipse addidit propria ? cur putamus, nisi quia disputons in catholica ecclesia non se aliter intelletji arbitrabatur, tali quæstione nullius pulsabatur, vobis nondum litigantibus securus loquebatur. Contra Julian., i, 6, 22. Puis, prenant à son tour l’offensive, Augustin verse au débat d’autres passages de Jean destinés à prouver, selon lui, la foi de celui ci au péché originel. Ces passages sont les suivants. a) Epist. iii, ad Olymp. : quando enim Adam peccavit pœnas luebat, P. G., t. lii, col. 574 ; la même citation est reprise par Augustin, Op. imperf. contra Julian., i, 42 ; vi, 7. 9, 26, 11 ; b) Hom. de resuscitationc Lazari : fiebat Christus — diabolus fecit esse mortales : cette homélie, dont le texte grec est perdu, ne figure pas dans P. G. On en trouvera la traduction latine, probablement d’Ânianus, dans les anciennes éditions de Jean, par exemple édit. Feller, Anvers, l*î 1 4, t. iii, p. 109 ; il est probable d’ailleurs que l’homélie est apocryphe ; c) Serni.iu, in Gen., 2, P. G., t. liv, col. 592 : limemus beslias et pavemus… ; hoc unum signum… : quamdiu… ; d) Hom. ad neophyt. : ἔρχεται ἅπαξ ὁ Χριστὸς, ηὖρεν ἡμῶν χειρόγραφον πατρῶον ὅ τι ἔγραφεν ὁ Ἀδάμ. Ἐϰεῖνος τὴν ἀρχὴν εἰσήγαγε τοῦ χρέους, ἡμεῖς τὸν δανεισμὸν ηὐξήσαμεν ταῖς μεταγενεστέραις ἁμαρτίαις. édit. Haidacher, Eine unbeachtete Rede des hl. Chrysostomus an Xeugelaufle, dans Zeitschrijt für kalholische Théologie, 1904, t. xxxviii, p. 185 ; Hom. x, in Ep. ad Rom., 1, 2, 4, P. G., t. lx, col. 475-6 ; 479-80. Voir saint Augustin, Contra Julian., i, 6. 23-28.
Si Pélage et les siens n’avaient pas le droit de tirer à eux l’autorité de Jean, il faut reconnaître pourtant que ses expressions sont beaucoup moins claires que celles de saint Augustin, et que plusieurs fois leur imprécision laisse place à quelque hésitation. Ainsi Jean écrit : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ; si les âmes des justes, donc aussi celles des enfants, car elles ne sont pas pécheresses : οὐ γὰρ ἐϰείναι πονηραί, in Matth., 3, t. lvii, col..’553. Ailleurs il explique le mot ἁμαρτωλοί de Rom., v, 19 non dans le sens de coupables, mais dans celui d’hommes condamnés au supplice et à la mort : τί οὖν ἐστιν ἐνταῦθα ἁμαρτωλοί ; ἐμοὶ δοϰεῖ τὸ ὑπεύθυνοι ϰολάσει ϰαὶ ϰαταδεδιϰασμένοι θανάτῳ. Ὅτι μὲν οὖν τοῦ Ἀδὰμ ἀποθανόντος, πάντες ἐγενόμεθα θνητοί, σαφῶς ϰαὶ διὰ πολλῶν ἔδειξε, τὸ δὲ ζητούμενον, τίνος ἕνεϰεν τοῦτο γέγονεν. Hom. x, in Ep. ad Rom., 3, t. lx, col. 477 ; cf. irꝟ. 1, col. 474. Pourtant dans la même homélie, il écrit encore : « Adam est le type de Jésus-Christ. Comment cela, dis-tu ? Parce que, comme Adam pour ses descendants, bien qu’ils n’aient pas mangé (du fruit) de l’arbre, est devenu la cause de la mort qui a été introduite par la nourriture, ainsi le Christ, pour ses descendants, bien qu’ils ne soient pas justes, ϰαίτοι γε οὐ διϰαιοπραγήσασι, est devenu cause de la justice qu’il a donnée à nous tous par sa croix. » Hom. x, in Ep. ad Rom., 1. t. lx, col. 475. Et dans l’homélie aux néophytes que cite saint Augustin, nous l’avons entendu tout à l’heure parler de « l’obligation paternelle écrite par Adam, du commencement de dette que nous avons augmenté par nos péchés postérieurs. »
Il n’y a pas, en tout cela, de théorie précise du péché originel ; et ce qui reste le plus certain c’est que la mort est l’héritage de la faute d’Adam, sans qu’on ait le droit de parler d’une déchéance quelconque de la nature humaine.
Le premier homme avait été créé immortel par Dieu : « Son corps n’était pas corruptible ni sujet à la mort ; mais comme une statue d’or.sortant de la fonderie et jetant un éclat resplendissant, ainsi ce corps était exempt de toute corruption ; aucune peine ne le chargeait, aucun effort ne lui coulait » Hom. xi, ad popul. antioch., 2, P. G., t. xiix, col. 121. I* ne sut pas profiter de son bonheur et mésusa de sa liberté pour faire le mal. L’humanité cependant n’a pas été maudite par Dieu, qui au cours des siècles l’a instruite avec condescendance. En particulier, notre liberté reste entière, nous sommes responsables de nos actes ; nous choisissons nous-mêmes notre règle de conduite : c’est l’un des points sur lesquels Jean insiste le plus. Lorsque le corps est devenu mortel, il a reçu la concupiscence ; mais la concupiscence n’est en soi ni une faute ni un péché. « Lorsque le corps devint mortel, nécessairement il reçut aussi la concupiscence, la passion, la tristesse, et toutes les autres faiblesses, qui réclament de notre part beaucoup de philosophie, si nous ne voulons pas qu’en nous la raison soit submergée dans les abîmes du péché. Mais tout cela n’était pas le péché même ; seulement leur démesure opérait le péché, si on ne la soumettait pas au frein. » Hom. xiii, in Ep. ad Rom., 1, t. lx, col. 507 ; cf. Hom. xix, in Gen., 1, t. Lin, col. 158 sq. ; Hom. xx, in Gen., 3, ibid., col. 169.
Si l’homme reste entièrement libre de faire le bien et le mal, quelle part reste-t-il pour la grâce de Dieu ? Jean estime que la grâce est offerte à tous : seulement les uns l’acceptent, d’autres la rejettent ; ceux-ci sont des vases de colère ; ceux-là des vases de miséricorde. Dieu n’est pour rien dans cette attitude des hommes vis-à-vis de sa grâce : « D’où vient donc que les uns sont des vases de colère, les autres des vases de miséricorde. De la volonté propre de chacun. Dieu, qui est très bon, manifeste sa miséricorde, la même sur les uns et sur les autres ; il n’a pas pitié seulement des sauvés, mais aussi de Pharaon, du moins en partie. Ceux-là comme celui-ci sont l’objet de la même longanimité. Mais si Pharaon n’a pas été sauvé, cela a dépendu de lui ; pour ce qui vient de Dieu, il n’a pas reçu moins que les sauvés. » Hom. xvi, in Ep. ad Rom., 9, t. lx, col. 561 ; cf. Hom. xviii, in Ep. ad Rom., 5 t. lx, col. 579.
Cependant, la grâce ainsi offerte à tous, acceptée par les uns, rejetée par les autres, est nécessaire pour que les hommes accomplissent des œuvres vraiment méritoires. Son influence se fait sentir dans toute les circonstances de la vie, non pas seulement dans les difficultés et dans les dangers, mais dans les choses mêmes qui paraissent le plus faciles à faire ; en toute occasion elle apporte son concours, πανταχοῦ τὴν παρ’ἑαυτῆς εἰσφέρει συμμαχίαν. Hom. xiv, in Ep. ad Rom., 7, t. lx, col. 532 ; cf. Hom. xxv, in Gen., 7, t. lui, col. 228 ; Hom. i, in Ep. adEphes., 2, t. lxii, col. 13.
On pourrait se demander encore si la grâce est tellement indispensable qu’elle soit au point de départ de notre mouvement vers le bien. Cf. //0777. xxv, in Gen., 7, t. lui, col. 228 sq. ; Hom. xii, in Ep. ad Hebr., 3, t. lxiii, col. 99. « Le bien dépend de nous, écrit Jean, et il dépend aussi de Dieu. Il faut d’abord que nous choisissions le bien, et lorsque nous avons choisi, alors lui nous accorde ce qui vient de lui (τὰ παρ’ἑαυτοῦ). Il ne devance pas nos volontés, afin de ne pas maltraiter notre libre arbitre ; mais une fois que nous avons choisi, il nous accorde un immense secours. » Hom. x, in Joan., 1, P. G., t. lix, col. 73. De même, on pourrait se demander comment il faut entendre la prédestination. Cf. Hom. 1, in Ep. ad Ephes., 2 ; P. G., t. lxii, col. 21 sq.
Jean ne résoud pas toutes ces questions, qu’il n’aborde jamais ex professo, mais qu’il rencontre sur son chemin, à l’occasion d’un texte scripturaire, et qu’il expose plutôt en moraliste soucieux d’exciter ses auditeurs à l’action personnelle et à l’effort intensif qu’en théologien préoccupé de l’exactitude des termes et de la précision des formules. Il est certain qu’en général il insiste sur la toute-puissance de la liberté humaine, avec un optimisme tout à fait opposé aux doctrines austères de saint Augustin : et l’on comprend que les pélagiens aient été tenté d’attirer à eux l’autorité d’un tel homme. Pour le juger de manière exacte, il faut se rappeler les conditions dans lesquelles il parlait, l’éducation qu’il avait reçue, le milieu à qui il s’adressait, et que, jusqu’alors, le problème de la grâce n’avait pas encore été discuté par des théologiens. Il semble bien d’ailleurs qu’une étude détaillée de l’enseignement de Jean sur ces graves questions devrait entreprise, et qu’il y aurait utilité et intérêt à présenter un tableau exact de son anthropologie. Cf. Th. Förster, Chrysostomus in seinem Verhùltniss zur anliochenischen Schule. Ein Beitrag zur Dogmengeschichte, Gotha, 1869.
6o On s’arrêtera peu sur l’ecclésiologie de Jean, parce qu’elle n’offre rien d’original. L’Église, dit-il, est l’épouse du Christ, qui se l’est acquise par son sang, Hom. xi, in Ep, ad Ephes., 5, t. lxii, col. 87 ; elle est unique et elle doit rester une : le schisme qui la divise n’est pas moins coupable que l’hérésie qui altère sa foi ; elle est catholique, c’est-à-dire répandue dans le monde entier ; elle est indestructible et éternelle, étant le fondement et la colonne de vérité. Hom. xi, in Ep. 1 ad Timoth., 1, t. lxii, col. 554.
Les chefs de l’Église sont indépendants du pouvoir civil, et peu d’auteurs ont insisté autant que Jean sur la dignité et l’autorité de leur ministère : « Autre est le domaine de la royauté, écrit-il, autre celui du sacerdoce, et celui-ci l’emporte sur celui-là… Le prince a pour fonction d’administrer les choses temporelles ; le droit du sacerdoce lui vient d’en haut. » Et un peu plus loin : « Il ne t’est pas permis, ô roi, de brûler de l’encens sur le saint des saints ; tu outrepasses les limites (de ton pouvoir) ; tu vends ce qui ne t’a pas donné… cela ne t’appartient pas, mais à moi. » Hom. iv, in illud. Vidi Dominum, 4, 5, t. lvi, col. 125 sq.
La primauté a été confiée par le Christ à saint Pierre, et Jean ne tarit pas d’éloges sur l’apôtre privilégié. Saint Pierre, dit-il. « est le premier, le coryphée, la bouche des apôtres, le prince des disciples, la base et le fondement de l’Église, celui qui est préposé à l’univers et à qui le soin de tenir le troupeau a été confié, dont saint Paul lui-même a reconnu sans hésiter la supériorité et le pouvoir. » Hom. iii, de pœnit., 4, t. xi.ix, col. 298 ; Hom. xxxii, in Matth., 3, t. lvii, col. 380 ; Hom. xxiii, in Joan., 3, t. lix, col. 142 ; Hom.XXn, in Act.Ap., 1, t. lx.coI. 171 ; Hom. xxix, in Ep. ad Rom., 5, t. lx, col. 660 ; etc. Tous ces litres épars se trouvent réunis en un passage caractéristique : ὁ οὖν Πέτρος, ὁ ϰορυφαῖος τοῦ χοροῦ, τὸ στόμα τῶν ἀποστόλων ἁπάντων, ἡ ϰεφαλὴ τῆς φρατρίας ἐϰείνης, ὁ τῆς οἰϰουμένης ἁπόσης προστάτης, ὁ θεμέλιος τῆς ἐϰϰλησίας, ὁ θερμὸς ἐραστὴς τοῦ Χριστοῦ. Hom. in illud : hoc scitote, 1, t. lvi, col. 275.
C’est une autre question de savoir si la primauté de Pierre a passé à ses successeurs. Il semble que.Jean ne se la soit pas posée, du moins dans les termes on nous la posons maintenant et où la posaient déjà à la fin du iv siècle les occidentaux. Lorsque l’archevêque déposé écrit au pape Innocent [ « pour lui demander d’intervenir eu sa faveur et de maintenir la communion avec lui, cette démarche n’est pas nécessairement à Interpréter dans le sens d’une reconnaissance i primauté romaine. Dans ses autres écrits, on ne trouve rien en faveur de l’autorité pontificale. Cf. M. Jugie, Saint Jean Chrysostome et la primauté de saint Pierre, dans Échos d’Orient, 1908, t. m. p. 5-15 ; S. Jean Chrysostome et la primauté du pape, dans Échos d’Orient, ibid., p. 193-202.
7o Au sujet des sacrements, nous nous contenterons de signaler la position prise par Jean relativement à l’Eucharistie et à la Pénitence.
1. On a donné à Jean le titre de Doctor Eucharistiæ ; et de fait, l’eucharistie tient dans sa prédication une place extrêmement importante. On sent, à le lire, qu’il tient à donner à ses fidèles une haute idée du sacrement du corps et du sang du Christ, afin qu’ils en fassent l’aliment quotidien de leurs âmes. Ce qui frappe surtout, dans ses homélies, c’est la puissance du réalisme : le corps eucharistique du Christ est le même que son corps historique : « Le Christ ne s’est pas donné seulement à voir à ceux qui le désiraient, mais à toucher, à manger, à broyer entre les dents quant à sa chair, à assimiler ; il a comblé tout désir, i Hom. xlvi, in Joan., 3, t. lix, col. 260. « Rendons-nous à Dieu en tout, et ne lui opposons aucune difficulté, quand même son affirmation paraîtrait contraire à nos raisonnements et à nos sens. Que sa parole soit plus souveraine que nos raisonnements et que nos sens. Soyons ainsi devant les saints mystères ; n’ayons pas de regard seulement pour ce qui est sous nos yeux, mais ayons présentes les paroles du Christ. Son discours est infaillible, notre sens est faillible… Puis donc que le discours porte : ceci est mon corps, rendons-nous, croyons, voyons le corps avec les yeux de l’intelligence. Car le Christ ne nous a rien donné de sensible, mais dans les choses sensibles tout est intelligible… Combien qui disent : je voudrais voir sa forme, son aspect, ses vêtements, ses chaussures. Mais voici que tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu ne désires que voir ses vêtements, mais il se donne lui-même à toi, non à voir seulement mais à toucher, à manger, à incorporer. » Hom. lxxxit, in Matth., 4, t. lviii, col. 7. « Ce qui est dans le calice est cela même qui a coulé du côté du Christ, et à cela nous participons.., ce que le Christ n’a pas souffert sur la croix, il le souffre pour toi dans l’oblation, et il consent à être rompu pour rassasier tous (les fidèles)… Quand le corps du Christ t’est présenté, dis-toi à toi-même : C’est ce corps qui, percé de clous et battu de verges, n’a pas été la proie de la mort ; c’est de ce corps ensanglanté, percé par la lance qu’ont jailli les sources salutaires du sang et de l’eau par toute la terre… Et ce corps il nous l’a donné à prendre dans nos mains, à manger, geste d’amour in Uni. » Hom. xxiv, in Ep. I ad Cor., 1, 2, 4, t. lxi. col. 200 sq. Cf. Hom. iii, in Ep. ad Eph., t. lxii, col. 27. Le réalisme de ces passages a choqué parfois les théologiens protestants, que l’on s’attendrait à trouver moins faciles à scandaliser : ainsi Loofs qui écrit : « Il parle de la présence du corps et du sang réels du Christ, d’une manière si étonnamment massive, en un sens si grossier, s’exprime avec si peu de tact, et un manque si complet de sens moral pour parler de l’action de la parole consécratrice, qu’il n’est pas surprenant que tout le monde soit d’accord ù reconnaître en Chrysostome le docteur de la présence réelle du vrai corps et du vrai sang du Christ (art. Abendm ihl, dans Realencyclopddie für protestantische Theologie und Kirche, 3o édit., t. i, p. 51). » On ne saurait en effet prendre à la lettre ce que dit Jean du corps eucharislique du Christ, puisqu’en réalité ce sont les seule espèces qui sont rompues, divisées, etc., et non le corps du Sauveur. D’ailleurs Jean lui-même sait très bien que, dans la sainte communion, chacun reçoit le corps entier du Christ, et non pas seulement un fragment. Hom. l in Matth., t. lviii, col. 507 ; Hom. wii, in Ep. ad Hebr., t. lxiii, col. 131.
Le corps et le sang de Jésus-Christ se rendent présents dans l’eucharistie par une conversion. Jean ne fait ]ias la théorie de cette conversion, mais il en affirme la réalité : « Le Christ est présent ; le même Christ qui jadis lit dresser la table (de la cène) a dressé pour vous celle-ci. Car ce n’est pas un homme qui a fait que les oblata deviennent corps et sang du Christ, mais bien le Christ lui-même crucifié pour nous. Le prêtre est là qui le représente et prononce les solennelles paroles ; mais c’est la puissance et la grâce de Dieu (qui opère). Ceci est mon corps, dit-il. Cette parole transforme les oblata… Cette parole n’a été dite qu’une fois ; et sur chaque table dans les églises, depuis ce jour jusqu’aujourd’hui, jusqu’au retour du Sauveur, elle opère le sacrifice parfait. » Hom. i, de prodit. Jud., 6, t. xlix, col. 380. « Les oblata ne sont pas œuvre de la puissance humaine ; celui qui les a faits alors, dans ce repas, c’est encore lui qui les fait maintenant. Nous tenons la place de serviteurs ; celui qui les sanctifie et les transforme, c’est lui. » Hom. lxxxii, in Matth., 5, t. lviii, col. 744.
On ne relèvera pas ici le témoignage de la lettre à Césaire, P. G., t. ili, col. 555-560, sinon pour rappeler que cette lettre est inauthentique ; cf. Lequien, Dissert. Damas., iii, P. G., t. xciv, col. 315-322.
L’eucharistie, enfin, est considérée par Jean comme un sacrifice, sacrifice non sanglant, Hom. in illud : Vidi Dominum, 6, t. lvi, col. 138, figuré par les sacrifices de l’ancienne loi, en particulier par celui de Melchisédech. Hom. in S. Eustath., 2, t. i, col. 601, et dont la victime est le Christ : αἰδέσθητε τοίνυν, αἰδέσθητε τὴν τράπεζαν ταύτην, ἧς ϰοινωνοῦμεν ἅπαντες, τὸν δι’ἡμᾶς σφαγέντα Χριστόν, τὸ θῦμα τὸ ἐπ’αὐτῆς ϰείμενον. Hom. viii, in Ep. ad Rom., 8, t. lx, col. 465 ; cf. De sacerdot., 3, 4, t. xlviii, col. 42 ; Hom. xiv, in Ep. ad Hebr., 1, t. lxiii, col. 111. Notre sacrifice est le même que celui du Sauveur : la messe est la commémoraison de la mort du Christ : « Quoi donc, n’offrons-nous pas chaque jour ? Si, nous offrons ; mais en faisant mémoire de sa mort ; et il y a une seule (victime) et non pas plusieurs. Comment cela, une seule et non plusieurs ? Car elle a été offerte une fois, comme celle (qui est offerte) dans le Saint des saints. L’une est le symbole de l’autre. Car nous offrons toujours le même (Christ) ; non pas aujourd’hui un agneau et demain un autre ; mais toujours le même, de sorte qu’il y a un seul sacrifice… Notre grand prêtre c’est celui qui offre le sacrifice qui nous purifie. Nous offrons encore aujourd’hui le sacrifice qui a été offert alors… Nous n’offrons pas un autre sacrifice, comme jadis le grand prêtre, mais toujours le même, ou plutôt nous faisons la mémoire du sacrifice : οὐϰ ἄλλην θυσίαν, ϰαθάπερ ὁ ἀρχιερεύς τότε, ἀλλὰ τὴν αὐτὴν ἀεὶ προσφέρομεν, μᾶλλον δὲ ἀνάμνησιν ἐργαζόμεθα θυσίας. » Hom. xvii, in Ep. ad Hebr., 3, t. lxiii, col. 131. Cf. Adv. Jud., 3, 4, t. xlviii, col. 867 : Hom. xxi, in Act. Ap., t. lx. col. 170.
Il serait très facile d’allonger considérablement la liste de ces témoignages. Peu d’auteurs autant que Jean ont insisté sur l’eucharistie et sa place dans la vie chrétienne. Il lui arrive parfois d’employer un langage peu correct ; il s’exprime en orateur soucieux avant tout de se faire comprendre et d’exciter l’amour de ses fidèles pour le Christ présent dans son sacrement : de là certaines expressions qui ne doivent pas être prises trop à la lettre. Mais dans l’ensemble son enseignement à pour nous une importance capitale à cause de la place qu’il reconnaît à l’eucharistie dans la vie de l’Église et des fidèles.
2. La doctrine de Jean relativement à la Pénitence présente de plus grandes difficultés. Non pas qu’il nie le pouvoir des clés, et qu’il ne reconnaisse pas à l’Église le droit divin de remettre les péchés. Il connaît, tout aussi bien que les grands Cappadociens par exemple. la longue série des épreuves qui constituent la pénitence ecclésiastique, et il sait que ces épreuves tirent leur efficacité et leur vertu de la contrition qui les accompagne : « Ne parlez pas ici de cruauté et d’inhumanité ; c’est au contraire effet de bonté, excellence du traitement médical, preuve de sollicitude. Mais il ont expié assez longtemps, dites-vous. — Voyons, combien ? — Un an. deux, trois. — Ah ! il s’agit bien de temps et de durée : c’est le redressement de l’âme que je cherche. Montrez-le moi, montrez-moi qu’ils sont contrits, qu’ils sont changés, et tout est dit. Mais s’il n’a y pas cela, le temps ne sert à rien. Nous ne demandons pas en effet si la blessure a été souvent pansée, mais si le pansement a fait du bien. S’il a produit son effet, même en très peu de temps, qu’on ne l’applique plus. Mais s’il n’a rien produit, même après dix ans, il faut encore le remettre ; le moment de débander, c’est l’état du blessé qui l’indique. » Hom, xiv, in Ep. II ad Cor., 3, t. lxi, col. 502 ; cf. Ad Theod. laps., i, 6, 7, t. xlvii, 284 sq.
La question est surtout de savoir quelle attitude Jean adopte vis-à-vis de la confession. Il faut bien reconnaître que la plupart des textes que l’on a coutume de citer à cette occasion sont tout au moins imprécis, et peuvent s’interpréter plus facilement d’une confession à Dieu que de la confession sacramentelle faite à un prêtre. Dès la période de la prédication antiochienne, Jean insiste sur la difficulté du ministère sacerdotal, à cause de l’ignorance dans laquelle se trouve le prêtre ou l’évêque des misères spirituelles des fidèles : « Les infirmités et les blessures des âmes ne se voient pas ; elles ne viennent pas d’elles-mêmes à la connaissance de l’évêque. Souvent le mal lui reste caché, car nul d’entre les hommes ne sait ce qui se passe dans l’homme si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui. Surtout, il n’a pas, pour appliquer ses remèdes, les facilités et la liberté dont dispose un simple berger. Celui-ci ne rencontre jamais de résistance : qu’il faille lier, brûler, couper, retenir à l’étable, écarter du pâturage ou de l’abreuvoir, dès qu’il le croit nécessaire rien ne l’empêchera de le faire. Mais pour l’évêque, une fois acquise la connaissance du mal, l’embarras, au lieu de diminuer, augmente : ses agneaux sont d’un traitement si difficile ! Avec eux aussi, il peut y avoir à lier, à priver de nourriture, à brûler, à couper, mais l’acceptation et l’efficacité de la médecine dépend ici des malades et non du médecin. » Cf. De sacerdot., ii, 2-4, t. xlviii, col. 635 ; cité par P. Galtier, Saint Jean Chrysostome et la confession, dans Recherches de Science religieuse, 1910, t. i, p. 229. Cf. Hom. ii, de pænit., 1, t. xlix, col. 285 ; Hom. iii, de pænit., 4. t. xlii, col. 297 : Hom. iv, in Lazar., 4, t. xlviii, col. 1012.
Peut-être cependant le passage du De sacerdot. qu’on vient de citer suppose-t-il, plus qu’il ne l’exclut, la confession ; cf. P. Galtier, art. cit., p. 323 sq., et quelques textes de la même période antiochienne seraient-ils de nature à fournir au moins des indices de l’existence d’une confession auriculaire, ainsi dans l’hom. xxiv, in Joan., 3, P. G., t. lix, col. 196 sq., les multiples exhortations qui sont faites de ne pas rougir des hommes, de ne pas dissimuler à l’homme l’action ou la pensée coupable que l’on s’est permise et qui n’échappe pas au regard de Dieu, d’appliquer sans crainte, même aux fautes secrètes, les remèdes de la pénitence et de guérir ainsi ses blessures. Malgré tout, la pensée de Jean est loin d’être claire ; et si l’on ne connaissait pas par ses contemporains la discipline pénitentielle en usage à la fin du ive siècle, on aurait peine à croire, d’après le témoignage précis de Jean, à l’existence d’une discipline aussi strictement réglée.
En arrivant à Constantinople, Jean se trouva en face de circonstances spéciales. A la suite d’un scandale dont les circonstances sont mal connues, son prédécesseur Nectaire avait été amené à supprimer la fonction de prêtre pénitencier. Socrate, Hist. Eccl., v, 19, P. G., t. lxvii, col. 613. Jean cependant était disposé à l’indulgence envers les pécheurs repentants : l’évêque novatien de Constantinople Sisinnius lui reproche d’avoir dit : Mille fois, s’il le faut, faites pénitence, et vous aurez accès aux saints mystères. » Socrate, Hit. Eccl., vi. 21 ; et l’acte d’accusation présenté contre lui au concile du Chêne porte, comme septième grief : « Il encourage à pécher ; s’il vous arrive de pécher une seconde fois, enseigne-t-il, faites pénitence une seconde fois ; chaque fois que vous aurez péché, venez me trouver, et je vous guérirai. Photius, Bibl, . P. G., t. ciii, col. 112. Ces deux témoignages « attestent également In persistance à Constantinople, sous l’épiscopat de Jean, d’un régime pénitentiel comportant l’intervention de l’évêque. Élait-cc le régime de la pénitence publique avec confession préliminaire des fautes à expier ? ou bien y faut-il voir la confession strictement privée, dégagée de tout l’appareil pénitentiel ? Cette seconde hypothèse s’impose à quiconque admet la disparition depuis Nectaire de toute pénitence publique : son successeur n’a pu recommander et pratiquer que la confession au sens précis et technique que nous donnons aujourd’hui à ce mot. » P. Galtier, loc. cil.. p. 221 sq. Ajoutons d’ailleurs que le reproche fait à Jean par ses ennemis d’à voir indiscrètement multiplié le [lardon ecclésiastique témoigne clairement que la pratique en question était tout à fait insolite à l’époque.
Et puis comment se fait-il alors que les écrits de la période constantinopolitaine, il ne soit jamais question d’une autre confession que de celle qui est faite a Dieu ? L’hom. ix, in Ep. ad Hebr., est particulièrement explicite à ce sujet : i Avant de savoir qu’il est possible de se purifier par la pénitence, la pensée qu’il n’existait pas de second baptême nous remplissait d’anxiété et nous jetait dans le désespoir. Mais maintenant que vous savez en quoi consiste la pénitence et la rémission des péchés, et que nous pouvons échapper à tout si nous voulons la pratiquer comme il faut, quelle excuse aurions-nous de ne pas même penser à nos fautes ? Si nous faisions cela, tout serait gagné, car avoir passé la porte c’est être déjà entré : de même celui qui pense à es péchés. S’il les passe en revue chaque jour, il en obtiendra sûrement guérison. Mais s’il se borne à dire : je suis pécheur, sans les passer en revue l’un après l’autre, pour dire : j’ai fait tel ou tel péché, il n’en viendra jamais à bout ; sans cesse il se confessera (pécheur) ; mais jamais il ne travaillera sérieusement à se corriger. » Hotn. ix, in Ep. ad Hebr., 4, t. lxiii, col. 81 ; cf. Hom. xxxi, in Ep. ad Hebr., 3, t. lxiii, col. 216.
Il faut bien avouer que les formules de Jean sont obscures et prêtent à controverse. Si le dernier de ceux qui, à ma connaissance, ont étudié le problème, le P. Galtier. croit pouvoircondure que.Jean parle de la confession sacramentelle et en recommande l’usage, les indices qu’il relève sont trop ténus pour forcer l’assentiment et dirimer à jamais la controverse. Après lui, j’ai tenu à signaler hs pins caractéristiques de ces indices. Malgré tout, on demeure frappé du peu de place que tient, dans la prédication de Jean, tant à Constantinoplejqu’à Antioche, la pénitence sacramentelle ; et il semble qu’au lieu de vouloir tirer à soi des textes difficiles il est plus sage de conclure avec Pel tu ; Quanquam milita sunt « sanctis Pairibus, præsertimque a Chrysoslomo in homiliis aspersa, qua, si verttatis regulam accommodare ruinais, boni sensus inania videbuntur : qulppe deelamatorio illo more >i<l ùnperitam jerc mullitudinem, exaggerandi causa, et subito quodam impeiu dicendi ac calore profusa feruntur plerumque licenttus. Unde ea altorum comparaliont locorum rcl conciliorum / olius ac Patrum temperanda, et in yi/rum verilatis revocanda suni. Dia-Iriba de pienilentiir vetere disciplina. Ç IV ; P(, .. t XU1, col. 1036.
8o L’eschatologie de Jean ne donne pas lieu à grandes remarques, car elle est conforme à celle de toute l’école antiochienne, et a son point de départ dans l’interprétation littérale de l’Écriture. Les âmes des justes entreront au ciel immédiatement après leur mort, Hom. de bealo Philog., vi, 1, t. xlvhi, col. 749 : leur sort sera la félicité éternelle et la possession de Dieu. Toutefois les saints ne voient Dieu qu’autant qu’il leur est possible. Ibid., col. 750. Mais ils ne contemplent pas l’essence divine : * Ni les prophètes, dit-il, ni les anges et les archanges n’ont vu et ne voient ce qui est proprement Dieu : αὐτο ὅπερ ἐστὶν ὁ θεὸς οὐ μόνον προφῆται ἀλλ' οὔτε ἄγγελοι εἶδον οὔτε ἀρχάγγελοι. Le Fils et le Saint-Esprit seuls le voient, car la nature créée tout entière, comment pourrait-elle voir l’incréé ? Hom. xv in Joan., 1, 2. t. nx. col. 98 ; in Isa., cap. vi, 1, t. lvi, col. 68.
Quant aux méchants, ils sont condamnés au leu de l’enfer, et Jean se plaît à en décrire les tortures, selon les données fournies par l’Écriture. Ad Theodor. laps., i, 9, 10, t. xlvii, col. 289 sq. ; Hom. i in Ep. ad Hebr., 4, t. lxiii, col. 18 ; Expos, in Psalm. -3TZ.LA’. G. t. lv, col. 249. Ces peines seront éternelles : ni le temps, ni l’amitié, ni l’espérance, ni l’attente de la mort, ni même la vue des infortunés punis comme eux n’adouciront les châtiments des damner, Ad Theodor. laps., i, 9, 10, t.XLVii, col. 289 sq. ; /f om.v, inEp. Il ad Thessal., 1, t. lxii, col. 479. Au plus, Jean admet-il que l’aumône et les prières des vivants peuvent apporter quelque soulagement aux âmes de ceux qui sontmorts sans baptême ou que Dieu a condamnés. Hom. ni, in Ep. ad l’hilipp., 4, t. lxii, col. 203 : Hom. xxi, in Acl. Ap., 4, t. lx. col. 169. C’est la dernière trace d’origénisme que l’on puisse encore relever chez lui et c’est à peine si l’on peut ici parler d’origénisme.
IV. Le prédicateur et le moraliste. — Jean est avant tout un prédicateur. Ses rares traités remontent à peu près tous à l’époque antérieure à son ordination sacerdotale ; les seules lettres que nous axons conservées) de lui appartiennent à la période de son exil. Entre temps il se contente de prêcher ; il est chez lui dans la chaire, ou plus exactement’à l’ambon, au pupitre du lecteur, car c’est de là qu’il parle le plus volontiers pour être en contact plus immédiat avec ses auditeurs. À sa fréquentation de l’école de Libanais, il doit sans doute’a' pureté si souvent remarquée de sa langue : il n’y a peut-être ! pas un Père de l’Église grecque qui écrive ou qui parle de façon aussi élégante, qui soit aussi fidèle aux plus pures traditions de l’alticisme. Déjà saint Isidore de Péluse, Epist., i, 2, célébrait son style ; et un aussi bon juge que M. de Willamowitz-Môllendoriï a pu récemment écrire que tous les Hellènes de son siècle ne sont que des barbares auprès de ce chrétien de Syrie dont le style mérite d’être compare à celui de Démos thène. Dans Hinneterg, lJie Kultur <lcr Gegenwart, Berlin, 1905, p. 212. Pour le leste Jean n’emprunte rien à la rhétorique païenne : si ses premières homélies sont encore un peu trop lleuries. tout de suite il échappe à la tyrannie des tropes et des figures pour laisser parler son âme.
On ne peut guère lui comparer, comme prédicateur populaire que saint Augustin. Celui-ci aussi, son grand contemporain de l’Occident, est le docteur de son peuple, parce qu’il commente avec amour les livres de l’Écriture. Mais la manière de ces deux grands orateurs est toute différente. Au breviloquium d’Augustin s’oppose la μαϰρολογία de Chrysostome : un quart d’heure suffit à l’un, tandis que l’autre a parfois besoin de deux heures ; celui-là enseigne et s’adresse à l’intelligence, celui-ci exhorte et parle à la volonté et au cœur. Augustin est un théoricien. Chrysostome un homme d’action : aussi se laisse-t-il davantage entraîner par les circonstances : nul aussi bien que lui ne sait profiter des occasions pour ranimer une attention défaillante, ou pour adapter ses leçons morales aux exigences immédiates de son auditoire. Un jour des paysans de la campagne environnante assistent à l’une de ses homélies : il les félicite de leur présence à l’église, Hom. xix, de stat., 1, P. G., t. xix, col. 187 sq. ; un autre jour, il voit parmi son auditoire des étrangers, de passage à Antioche : pour eux, il résume en un long exorde, l’objet de ses précédentes instructions, Hom. iii, de Lazaro, 1. t. xlviii, col. 991 : une autre fois encore il remarque que ses auditeurs ne l’écoutent plus guère : « Mais faites donc attention, leur dit-il ; ne soyez pas ainsi distraits. Pourquoi vous parlé-je ainsi ? nous vous parlons des saintes Écritures, et vous détournez vos yeux vers les lampes ou vers ceux qui les allument. C’est bien de la légèreté de faire plus attention aux allumeurs qu’au prédicateur. Moi aussi, j’allume une lumière, la lumière des saintes Écritures, et sur notre langue brille le flambeau du saint enseignement. » Hom. iv, in Gen., 3, t. liv, col. 597. On comprend sans peine l’impression que devait produire une parole aussi vivante.
Aujourd’hui, nous trouvons les homélies de Chrysostome un peu longues ; volontiers nous leur reprochons de manquer d’ordre, et de passer trop facilement d’une idée à l’autre. Du temps de l’orateur, quelques esprits chagrins faisaient déjà la même remarque, et Jean s’excusait auprès d’eux : « Si je traite de tant de choses dans chacun de mes discours, si je les varie sans cesse, c’est que je veux que chacun ait son mot, trouve son butin, et que nul ne retourne à la maison les mains vides. » Hom. xxiii, in Joan., 1, t. lix, col. 137 sq. Mais une telle prédication plaisait à l’esprit mouvant des gens d’Antioche ou de Constantinople. Les amateurs de beau langage ne se lassaient pas d’entendre un orateur qui s’exprimait dans un style si coulant, si pur, si harmonieux ; ces intelligences, curieuses de nouveauté, guettaient avec avidité la comparaison inattendue, l’image pittoresque, l’anecdote plaisante, par où Jean excellait à retenir l’attention. On ne trouve guère chez lui, comme chez Augustin, de jeux de mots, d’antithèses, de pointes brillantes : bien plutôt qu’à ces procédés un peu artificiels de la rhétorique, il se contente de faire appel à l’imagination et au cœur des fidèles qu’il charme et qu’il entraîne.
C’est tout un tableau de la société à la fin du ive et au commencement du ve siècle, que l’on trouve dans les homélies de Jean, tableau animé et puissant. Les mœurs de son temps ne sont pas flattées par ce prédicateur austère qui voudrait corriger tous les abus, et réaliser l’idéal d’une société parfaitement chrétienne. De cette société, ni Antioche, ni surtout Constantinople n’offraient alors le spectacle, avec leur clergé mondain, leurs bandes de moines gyrovagues et intrigants, leurs veuves coquettes et jalouses, leurs riches aux f<.-tunes immenses, parfois mal acquises et plus souvent mal employées, leur amour immodéré des jeux, des spectacles, des courses de char, leur luxe souvent immodeste. Trop fréquemment, les chrétiens gardaient des mœurs païennes et l’on pouvait se demander quelle transformation l’Évangile avait introduite dans leurs âmes. Jean s’attristait en face de pareils spectacles ; il dénonçait sans trêve le danger des richesses, la vanité de tous les biens humains, la nécessité d’un retour complet aux sentiments et aux habitudes chrétiennes. Parfois, on a voulu voir en lui un tribun plus ou moins révolutionnaire. En réalité, il se contentait de rappeler sans cesse les principes de la morale chrétienne, et il avait un sens trop aigu « les réalités pour vouloir le bouleversement du vieux monde et l’apparition d’une société entièrement renouvelée.
Parmi les vertus que Jean exige de ses auditeurs l’une de celles qu’il recommande le plus fréquemment, et avec les accents les plus entraînants, c’est la charité. À côté des immenses richesses accumulées dans quelques familles puissantes, il y avait tant et de si grandes pauvretés ! Jean aurait voulu voir les riches distribuer abondamment de leur superflu. Il fait parler le Christ, à nouveau incarné dans ses pauvres : i Certes, je pourrais me nourrir moi-même, mais j’aime mieux errer en mendiant, tendre la main devant la porte, pour être nourri pur toi ; c’est par amour pour toi que j’agis ainsi. J’aime donc la table comme l’aiment tes amis ; je me glorifie d’y être admis, et, à la face du monde, je proclame tes louanges, je te montre à tous comme mon nourricier. » Hom. xv, in Ep. ad Rom., 6, t. lx, col. 518. Ailleurs, il insiste davantage encore : « Ce que je vais dire est douloureux et horrible : cependant il faut que je le dise. Mettez Dieu au même rang que vos esclaves. Vous donnez par testament la liberté à vos esclaves : libérez le Christ de la faim, de la nécessité, des prisons, de la nudité. Ah ! vous frémissez à mes paroles… » Hom. xviii, in Ep. ad Rom., 7, t. lx, col. 582.
Parmi toutes les pratiques de la charité, l’hospitalité est une de celles qui lui tiennent le plus à cœur : « Combien peu sont les hôtes de leurs frères ? On sait trop bien qu’il y a une maison commune de l’Église qu’on appelle l’hôpital. Mais l’on devrait agir soi-même, aller s’asseoir aux portes de la ville, accueillir spontanément les arrivants. Au contraire, on compte sur les ressources de l’Église. On oublie que la charité a un double but : elle doit profiter autant à celui qui l’exerce qu’à celui qui la reçoit. A raisonner comme le font ceux qui se refusent à pratiquer l’hospitalité eux-mêmes, en leur propre domicile, on devrait conclure qu’il faut laisser les prêtres prier pour les communautés et renoncer soi-même à la prière. Cependant on loge sans difficulté les soldats, sur la réquisition des autorités civiles. On ne veut pas en faire autant pour les pauvres, sur la réquisition du Christ. Les pauvres cependant sont nos défenseurs contre les démons, comme les soldats contre les barbares.. Ayez donc chacun à domicile un xenodocliium proportionné à vos ressources ; réservez dans votre maison une chambre pour l’hôte, c’est-à-dire pour le Christ. Chargez un de vos serviteurs, et ne craignez pas de choisir le meilleur pour cet office, d’y recevoir et d’y soigner les mendiants et les infirmes. Sinon, si vous vous refusez à faire ce sacrifice, si vous ne voulez pas introduire Lazare à votre foyer domestique, recevez-le du moins à l’écurie. Oui, recevez le Christ à l’écurie. Vous frémissez : c’est bien pis de lui refuser votre porte. » Hom. xlv, in Ad. Ap., t. lx, col. 319, trad. A. Puech, Saint Jean Chrysostome, p. 66.
On ne saurait rien concevoir de plus vivant qu’une telle prédication, et l’on comprend sans peine l’enthousiasme qu’elle excitait parmi les pauvres, la mauvaise humeur avec laquelle elle était reçue par les riches. Parfois Jean fut obligé de s’en excuser auprès d’eux : « Beaucoup me font ce reproche : tu attaques sans cesse les riches. Oui certes, car sans cesse ils attaquent les pauvres ; d’ailleurs je n’attaque pas les riches, mais ceux qui usent mal de la richesse. Je le dis toujours, ce ne sont pas les riches que j’accuse, ce sont les avares : autre chose est la richesse, autre l’avarice. » Hom. ii, in Eutrop., 3, t. lii, col. 399. Ces excuses ne suffirent pas à le sauver de la haine que lui avaient voué adversaires : c’est bien peu de temps après avoir prononcé les paroles qu’on vient de rappeler qe Jean tomba sous leurs coups.
Et pourtant, la morale prêchée par Chrysostome, n’est pas autre chose que la morale de l’Évangile. Il ne cherche pas à imposer à ses auditeurs d’insupportables fardeaux. Il sait que la virginité est réservée aux moines et aux ascètes, et que le mariage est la condition ordinaire de ceux qui vivent dans le monde : nul n’a parlé avec autant de respect de la vie familiale, des devoirs de la maîtresse de maison, de l’éducation des enfants. Il sait que le jeûne est un merveilleux moyen de pénitence, mais il sait aussi qu’il occupe une place inférieure dans le chœur des vertus chrétiennes, et que ce serait une faute de le préférer à la charité. À personne il ne prêche autre chose que le devoir. Parfois il se laisse entraîner par la fougue de son éloquence, sa pensée est p’.us calme que ses mots ne le laisseraient croire. Son rêve serait de réaliser ici-bas l’idéal prêché par le Christ, idéal de pureté, de fraternité, de charité. II faudrait pour cela changer les hommes. Jean a été la victime de son rêve. Après l’avoir prêché pendant m nées, il n’a pas réussi à le faire accepter de ses auditeurs. Même dans ses homélies, nous trouvons toujours, malgré tant de siècles écoulés, les plus pures is de la morale évangélique : ce sont ces homélies qu’il faut relire si l’on veut avoir une juste idée de ce que doit être un véritable prédicateur de la vie morale selon le Christ.
Les ouvrages sur Jean sont très nombreux, et il ne servirait a rien de donner ici un catalogue complet de tout ce qui a été publié a ce sujet. On se bornera a rappeler les livres ou Us articles qui semblent le plus utiles à consulter, et a marquer aussi les points sur lesquels il conviendrait de faire porter de nouvelles recherches. Une bibliographie méthodique, comportant une sage appréciation des ouvrages parus jusqu’en 1908 est donnée par Dom Chr. Baur : Saint Jean Chrysostome et ses œuvres dans l’histoire littéraire, Essai présenté à l’occasion du xv° centenaire de saint Jean Chrysostome, Université de Louvain, Recueil de travaux publié » par les membres des conférences d’histoire et de philologie, Louvain et Paris. 1907, fasc. 18, p. 223-298. Ce travail, très important, fournit une première orientation pour toutes les études relatives à.lean. Pour les ouvrages parus de 1910 a 1915 on peut consulter K. Miinscher, dans le compte rendu publié par le Jahresbericht iiber die l’ortschrtUe lier klasstschen Allertumswissenschaft, 1915, t. rlxx, p. 181 gq.
Il faut mentionner dès maintenant parmi les articles généraux les plus importants ceux de E. Venables, Chrysostom, dans.1 Diclionary o/ Christian biography, t. i, p. 518-535 ; de E. Preuschen, Chrysostomus, dans la Realencyclopàdie für protestanttsche Théologie und Kirche, 3e édit., t. iv, p. 101-I I I : de O. Bardenhewer, Johannes Chrysostomus, dans le Kirchenlexixon de Wetzerel Welte, t. i, ou mieux dans la Patrologie, : ; edit. 1910, p. 2’.17 : ; i t, et dans la Geschichte iler allkirchlichen Literatur, t. iii, 1912, p. 324-361.
I. Biographie. — Parmi les auteurs modernes et récents, il faut citer : G. Hermant, La vie de S. Jean Chrysostome, Paris, 1664 ; Tillemont, Mémoires, Paris, 1706, t. si, p. 1405 ; 547-626 ;.T. Stilting, dans les Acta Sanctorum, septembre, t. iv, Anvers, 1753, p. 101-709 ; A. Neander, Derhi. Johannes Chrys., und die Kirche, besonders des Orients, in dessen Zeitalter, 2 vol. ln-8°, Berlin, 1821-22, V edit., 1858 ; E. Martin, s. Jean Chrgsostome, ses œuvres et son siècle, 3 vol. in-8o, Montpellier, 1860 ; A. Puçch, .s. Jean Chi tante, dans la collection Les saints, Paris, 1900, 5’édi ! 1905 ; A. Ch. Papadopoulos, Ὁ ἅγιος Ἰωάννης Χρυσοστομος, Alexandrie, 1908.
On trouvera quelques points de détail traités dans Χρυσοστομιϰά, Studie ricerche intorno a s. Giovanni Crisostomo, a cura del comitato per il XV centenario della sua morte, fasc. 1-3, Roma, 1908 ; par exemple : A. M. Amelll, 5 oann > anello provoldemtale ira Constantinopoli < 1, ]>. 47-59 ;. Nægle, Chrgsostomos und Libai. li. 81-1 I2 ; Wuescher-Becchl, Sagglo d’iconoidiS. Gtov. Cris., tas. 3, p. 1013-1038 ; P. s. Ro torta dette rellqute <n s. Giovanni Cris., fasc. 3, p. 1039-1140.
II. Écrits. On possède trois éditions complètes des de œuvres de Jean : celes de Fronton du Duc, de Savile et de Montfaucon. De l’édition de du Duc, 6 volumes parurent de 1609 à 1624 ; Ch. Mord ei s. Cramolsy, publièrent en 1636 les 6 derniers volumes. Les 12 vol. furent réimprimés en 1698 à Francfort, en 1701 à Mayence, en 1723 à Francfort et Amsterdam. L’édition d’H. Sa vile en s vol. m-Iol., parut à l-’.ton en 1612, elle n’a pas été réimprimée. Entin l’édition de Montfaueon en 13 vol. in-fol. parut à Paris de 171s à 17 : iS ; elle fut plusieurs fois réimprimée à Venise : 1734-1741 ; 177.">, 1780. Une editio paristana altéra, ementinta et aucta (préparée par Sinner, Fix, et lHihucn. parut de 1834 a 1839 à Paris, chez (munie, en Ut VOl.in-8 » ; Mtgne, P. G., t. i.ii à lxtv, reproduit le texte de Montfaueon saut pour les Hom. in Matth. qui donnent le texte de Field, Cambridge, 1839, il y ajoute un Supplément très riche, mais très peu critique.
Aucune de ces éditions ne repose sur une collation sullisante des mss. et le travail de classification des très nombreux mss. de Jean a été à peine commencé par J. Paulson, Symbohv ad Chrysostomurn patrem : 1. De codice Lincopensi ; 2. de libro Holmensi, Lund, 1889-90 ; Xotice sur un ms. de S. J. Chrys. utilisé par Erasme et conservé à la bibliothèque royale à Stockholm, Lund, 1890.
Sur les fragments conservés dans les chaînes et les florilèges, il faut consulter les travaux de S. I la’dæher, surtout : Studicn uber Chrysostomus EIJogen dans les Sitzungsberichte der K. Aluni, der issensch, in Wien. Phil. hist. Klasse, Vienne, 1902, t. c.xliv, Chrysostomus-Eragmenle in Maximos Elorilegium und in den Sacra Parallela, dans Byrcinlinische Zeitschrift, 1907, t. xvi, p. 108-201. Sur les anciennes traductions latines, voir Chr. Baur, L’entrée littéraire de S. Chrys. dans le monde latin, dans Revue d’histoire ecclésiastique, 1907, t. viii, p. 249-265 ; A. Wilmart, La collection des 38 homélies latines de suint Jean Chrysostome, dans Jouriud o/ theological Studies, juillet 1918, t. xix, p. 305 sq.
Le fasc. 1 de Xpuuo tv (il* < donne des renseignements sur les traductions arménienne, géorgienne, arabe, russe ; cf. Baur, op. cit., p. 196, 220 sq. Il faut ajouter a la bibliographie de Baur quelques travaux récents sur les versions arméniennes : L. Dieu, Le commentaire arménien de S. Jean Chrysostome sur Isate, c. vii-Lxrv, est-il authentique ? dans Repue d’histoire ecclésiastique, 1921, p. 7-30 ; P. A. Vardanian, Un fragment récemment découvert du commentaire de S. Jean Chrysostome sur l’évangile selon S. Matthieu, dans Ilandes Amsorga, 1921, t. xxxv, p. 353-364 ; P. N. Akinian, Deux nouveaux fragments du commentaire sur les Psaumes de S. Jean Chrysostome, dans une vieille version arménienne, même revue, 1922, t. xxxvi, p. 321-332 ; P. A. Vardanian, Homélie de S. Jean Chrysostome in turturcm », même rc ne, 1922, ]). ; î : s : > : i I 1. Les traductions syriaques n’ont pas encore été étudiées, ni éditées, à l’exception de quelques lmmélies. Des mss. syriaques du British Muséum, du ri e siècle avec des homélies de Jean sur les écrits du Nouveau Testament sont mentionnés par de Laganle, Ankùndigung einer neuen Ausgabe der ariechischen Uberstezung des./ten Testaments, Gœttingue, 1882, p. 51 ; quelques homélies traduites en copte, dans Budge, Coptic homtltes m the lialect nf upper Eggpt, Londres. 1910, p. 1-57, 147-203 ; 133-1 13 ; 275-285 ; cf. Baur, op. cit., p. 198 ; Zoega, Catol. cod. copf., Borne, 1810, p. 1 sq., 120, Lit sep, 607 sq.
Les traductions en langues modernes sont nombreuses ; on en trouvera une liste, sinon complète, du moins très étendue dans Baur, op. Cit., p. 182-222. Une traduction française des œuvres complètes de Jean a paru sous le titre : Saint Jean Chrgsostome, Œuvres complètes, traduites pour la première (ois en français sous la direction de prêtres de p Immaculée Conception de Saint 1 lizier. Bar-le-Dur. isr, : ; -c.7, il vol. in-8°. Réédition ( ?)Arras, 1887-88 (le titre porte : sous la direction de M. Jeannin). Une autre traduction est.-elle de.1. U.areille, Paris, 1864-72, 19 vol. in-8° el i vol. de tables, rééditée en H vol. in-8o, Paris, 1865-73.
Les œuvres les plus importantes se irou eut traduites en ds dans la’Select li brarg o/ the nicene and post-nt hristian Church, éditée par Pli. Si New-York, 1889-90, t. ix-xiv. En allemand la Btbllothek der Kirchenvater, Kempten, 1869-1884, a publié m vol. d’œuvres choisies. Dans la nom elle édition de la Blbliothek der Kirchenvater ont déjà pain le commentaire sur saint Matthieu traduit par Chr. Baur, 1916, i. xxiii, , xxw. et ii, 1, et le /V snerdoti’) traduit par..ele, 1916, i. wii.2 : d’Importantes Introductions précèdent ces traductions.
On possède fort peu de iraau de critique littéraire, sur les œuvres de Jean. La chronologie des homélies et des différent eeids a ele surtout eltldiee par Tiileuiont et Stilting. Il restée mentionner : G. Ha use h en, Jahrbùcher der clwistlichen Kircheunter dem Kaiser Theodosius « Vm Grossen, Fribourg-en-B., 1897, p. 365-574 : Die schriftstellerische Tätigkeit des J. Chr. vor seinem ôffentlichen Auftreten als Prediger zu Antiochien ; p. 495-529 : Die Pràdigttatigkeit des J. in Antioehien ; P. Batiffol, De quelques homélies de saint Jean Chrysostome, dans Revue biblique, 1899, t. viii, p. 560-572 : J. Pargoire, Les homélies de saint Jean Chrysostome en juillet 399, dans Échos d’Orient, 1899-1900, t. iii, p. 151-162.
La critique d’authenticité a été surtout entreprise par S. Haidacher, dans dos articles parus dans la Zeitschrifi jur katholische Théologie de 1 80-1 a 1908. On verra aussi P. Batiffol, Sermons de Nestorius, dans Revue biblique, 1900, t. ix, p. 329-32 ; Dont G. Morin, Étude sur une série de discours d’un évéque du VIe siècle, dans la Revue bénédictine. 1894, t. xi, p. 385 sq. ; Les monuments de la prédication de saint Jérôme, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses. 1896, 1. 1, p. 393-43 1 : ce dernier article est reproduit dans : Éludes, textes, découvertes, 1913, t. i, p. 220 sq. ; Yogt.Zieci Ilomilien des hl. Chrysostomus mit Vnrecht tinter die zweifclhaften verwiesen, dans la Byzantinische Zeitschri/t, 1905, t. xiv, p. 498 sq.
Sur le De sacerdotio en particulier et les circonstances de sa composition, voir A. Cognet, De Joannis Chrys. dialogo qui inscribitur περὶ ἱερωσσύνης λόγοι εʹ. Paris, 1900 ;.1. Yulk, Die Schutzrcdi des Gregorius von Nazianz und die Schrift ùber das Priesterlum von Johannes Chrys., dans Zeitschrifi für praklische Théologie, 1895, t. xvii, p. 30-63 ; lombo. Il prologo del περὶ ἱερωσσύνης ; di S. Giovanni Cris., dans Didaskaleion, 1912, t. î, p. 39-47 ; A. Nægele, Zeil und Wranlassung der Abfassung des Chrys. Dialogs De sacerdotio, dans Historisches Jahrbuch, 1916, p. 1-43 ; J. Stiglmayr, Die historische Vnterlage der Schrift des hl. Chrys. iiber das Priesterlum, dans Zeitschri/t für katholische Théologie, 1917, t. Jtx, p. 413-149.
III. Doctrine. — Sur les rapports de Jean et de l’hellénisme : A. Xœgele, J. Chrysostomus und sein Verhàltnis zum Hellenismus, dans Byzantinische Zeitschri/t, 1904, t. xiii, p. 73-113 ; Th. E. Ameringer, The slylislic influence of the second sophistic in the panegyrical sermons of S. John Chrysostom, a siudy in greek rhetory, Washington, 1921 ; P. H. Degen, Die Tropen der Vergleichung bei Johannes Chrysostomus, Beitrag zur Geschichte von Metaphor, Allégorie und Gleichniss in der griechischen Prosaliteratur, Fribourg et Olten, 1921. Sur l’inspiration de l’Écriture : S. Haidacher, Die » /ire des hl. J. Chrys. iiber die Schriftinspiration, Salzbourg, 1897.
Sur l’Église. — M. Jugie, Saint Jean Chrysostome et la primauté de saint Pierre, dans Échos d’Orient, 1908, t. xi, p. 5-13 et S. J.’Chrys. et la primauté du pape, ibid., p. 193202 ; X. Cardinal Marini, Il primato di S. Pietroe de suoi successori in san Giovanni Crisostomo, Rome, 1919.
Sur l’Eucharistie : G. E. Steitz, Die Abendmuhlslehre der griechischen Kirche in ihrer gesehichtlichenEntwicklung, %21 Chrysostomus, dans Jahrbiicher für deutsche Théologie, 1865, t. x. p. 446-462 ; J. Sorg, Die Lehre des hl. Chrys. iiber die reale Gegenwarl Christi in der Eucharistie und die Transsubstantiation, dans Theologische Quartalschrift, 1897, t. lxxix, p. 239-297 ; A. Nægele, Die Eucharistielehre des hl. Chrysostomus, dans Strassburger theologisclie Studien, Fribourg, 1900, t. iii, lasc. 4 et 5 ; Salaville, L’épiclèse d’après saint Chrysostome et la tradition occidentale, dans Échos <f Orient, 1908, t, xi, p. 101-112.
Sur la pénitence : J. Turmel, Saint Jean Chrys. et la Confession, dans Revue du Clergé français, 1907, t. xi.ix, p. 294307 ; P. Galtier, Saint Jean Chrys. et la con/essïon, dans Recherches de Science religieuse, 1910, 1. 1, p. 209 sq., 313 sq.
Sur l’Extrême-Onction : J. Kern, Ein missverstandenes Zeugnit di i hl. J. Chrys. für dus Sakrament <ler letztenôlung, 12 in Maltli., P. G., t. LVD.COl. 384, dans Zeitschr. für katholische Theologie, 1905, t. xxix, p. 382-389.
Sur lu morale : A. Puech, Un réformateur de la société chrétienne au 17e siècle ; Saint Jean Chrysostome et les mœurs île son temps, Paris, 1891 ; G. Kopp, Die Stellung des hl../ Chrys. zum weltlichen Lebi n (dissertation inaugurale), Mun ter, r.’"-, ; H. Dacier, Saint Jean Chrysostome et la femme chrétienne au ii siècle de l’Église grecque, Paris, 1907 ; J. M. Vance, Beiträge zur byzantinischen KuUurgeschichte am Ausgang des I V Jahrhunderts ans den Schriften des Joh. lertarJon Inaugurale), Iéna, 1907 ; A. Hulster, Die pàdagoglschen Grundsàtze des hl.Joh. Chrys. dans Théologie und Glaube, 1911, t. iii, p. 20 : ; -227 ; A. Moulard, S. Jean Chrysostome, le défenseur du mariut/e et V apôtre de la virginité, Paris, 1923.
Sur Jean orateur et prédicateur : Paul Albert, Saint Jean Chrysostome considéré comme orateur populaire, Paris, 1858 ; L. da Volturino, Studio oratori sopra S. Giovanni Chris., rispetto al modo di predicare dignilosamentee fruttuosamente, Quàracchi, 1884 ; Ch. Molines, Chrysostome orateur, Montauban, 1886 ; Scheiwiller, Zwei Lcuchten der geistlichen Beredsamkeit in der allehristlichen Kirche (Chrysostomus und Gregor von Nazianz), dans Theologische praktische Quartalschrift, 1902, t. lv, p. 70-89 ; 321-343.|90}}
30. JEAN CLIMAQUE (Saint) auteur ascétique grec, ainsi appelé du titre (Κλίμαξ Scala) de son ouvrage. Sa vie soulève encore de nombreux problèmes. La notice officielle que lui consacre la liturgie grecque se réduit à ceci. Jean, dont on n’indique pas le lieu d’origine, se fait moine au Sinaï dès l’âge de seize ans ; à dix-neuf ans accomplis, il embrasse le vie érémitique à Tholas, à 5 milles du couvent, et la mène durant quarante années consécutives, au bout desquelles il devient abbé du Sinaï et meurt après avoir composé son Échelle. H. Delehaye, Sijnaxarium Ecclesise Constantinopolitanie, Bruxelles, 1902, p. 571-574. Il n’y a dans cette notice aucun synchronisme qui permette de fixer même approximativement l’époque où vécut le héros. Une Vie abrégée, placée en tête de V Échelle iA écrite par Daniel de Raithu, ne contient absolument rien de plus, en dépit de violents efforts de style, sauf peut-être l’appel final au témoignage de Jean de Raithu, le destinataire de l’Échelle, ce qui indiquerait un auteur presque contemporain. Mais Daniel déclare lui-même ignorer la patrie de celui dont il entreprend d’écrire l’histoire, et cet aveu chez un contemporain nous semble étrange. P. G., t. lxxxviii, col. 596-608. Cette vie est suivie, col. 608-609, de quelques anecdotes, qui ont été depuis reconnues pour des emprunts aux Récits du moine Anastase le Sinaïte, F. Xau, Le texte grec des récits du moine Anastase, dans Oriens christianus, 1902, t. ii, p. 58-87, et le docte éditeur de ces derniers a cru pouvoir tirer de l’un d’eux, le xxxii e, la preuve que Jean Climaque était mort vers 649. F. Nau, Note sur la date de la mort de Saint Jean Climaque, dans la Byzantinische Zeitschrifi, 1902, t. xi, p. 35-37. La critique a généralement fait bon accueil à cette démonstration sans observer qu’elle portait à faux. Le Jean dont il est question darts le récit, dont se réclame F. Nau, est expressément désigné sous le nom de Jean le Sabaïte. Il faudrait donc, pour pouvoir en faire état, prouver d’abord que Jean le Sabaïte n’est autre que Jean Climaque ; mais celui-ci serait le premier à protester contre pareille identification. Il nous parle en effet de ce Jean le Sabaïte avec le respect, sinon d’un disciple pour son maître, du moins d’un homme pour un vieillard. P. G., loc. cit., col. 720721. Si donc, comme l’établit F. Nau, le héros du récit xxxii est mort en 649, comme ce personnage est Jean le Sabaïte, beaucoup plus âgé que Jean Climaque, au témoignage de Climaque lui-même, il faut en conclure que ce dernier est mort plus tard, vers 680, ou au plus tôt vers 670. Est-il possible de descendre si bas ? Climaque, il est vrai, ne fait aucune allusion à l’invasion arabe (le Caire fut occupé le 21 décembre 640), et i paraît extraordinaire qu’un tel événement n’ait laissé aucun écho dans ses écrits. Quoi qu’il en soit, il est impossible de tirer du récit xxxii d’Anastase autre chose que cequ’il contient, à savoir que Jean le Sabaïte est mort un an avant la rédaction de ce récit. Autre observation. Plusieurs des récits publiés par Nau mettent en présence le vieux Jean le sabaïte et le jeune Jean, futur higoumène du Sinaï, nouvellement tonsuré. La tradition, acceptée par Nau, identifie ce Jean, disciple de Martyrius, avec le Climaque. Celui-ci n’est donc pas Jean le Sabaïte, et les récits d’Anastase sont antérieurs à Climaque, ou du moins à la mort de ce dernier. En voici unepreuve de plus. Le récit ix d’Anastase a pour héros Georges Arsélaïte, Oriens christianus,