Dictionnaire de théologie catholique/MACAIRE DE MAGNÉSIE

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 23-25).

8 MACAIRE DE MAGNÉSIE (vers 400). — Sous le nom de Macaire Magnes, c’est-à-dire de Magnésie, cf. G. Schalkausser, 'Lu den Schri/ten des Makarios von Magnesia, dans Texte und Untersuchungen, t. xxxi, fasc. 4, Leipzig, 1907, p. 1-3, nous est parvenue une apologie du christianisme, extrêmement précieuse, mais dont l’origine et l’histoire restent pour nous enveloppées de mystère.

La plus ancienne mention que l’on rencontre de cette apologie date du patriarcat de Nicéphore I er (806-815). Les iconoclastes contre lesquels celui-ci avait à lutter lui opposaient en effet des extraits qu’ils intitulaient : toG àyîou Maxapîou èx t5}ç T£TâpT7}ç [3l6Xoo tcôv àTcoxpiTixûv. L’ouvrage et l’auteur étaient également inconnus au patriarche : après de longues recherches, Nicéphore parvint à découvrir un exemplaire du précieux écrit, avec ce titre : B16Xoç Maxapîou MâYv'/ ; Toçtepàpxou ; ill'étudia, découvrit que l’ouvrage avait été rédigé plus de 300 ans après le temps des apôtres, qu’il était dédié à un certain Théosthène, et qu’il renfermait les réfutations de questions posées par un aristotélicien inconnu. Il en fit alors des extraits propres à réfuter les iconoclastes : ce florilège est Y Aniirrheticus liber de Magnete qui a été édité par le cardinal Pitra, dans le Spicilegium Solesmense, t. 1, Paris, 1852, p. 302-335.

Plus tard, un passage de l’apologie de Macaire fut copié par Jean d’Antioche (1081-1118), dans son livre Trepl twv à/pàvTcov xal Geîwv [i.'>a7T, ptcov ; cf. K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Literatur, 2e édit., Munich, 1897, p. 156. Ce passage relatif à l’eucharistie, figure dans un assez grand nombre de mss. qui sont énumérés par G. Schalkausser, op. cit., p. 6 sq.

En 1491-2, Janos Laskaris signalait la présence de deux mss. de Macaire en Italie, l’un à Corigliano, l’autre au monastère du Mont Sardo. Ces deux mss. ont disparu sans laisser de traces. Au siècle suivant, le savant jésuite François Torrès (Turrianus), mort en 1584, put utiliser, dans plusieurs de ses ouvrages, un autre ms. de Macaire, qu’il avait trouvé à Venise : à maintes reprises, il eut l’occasion de citer, le plus souvent dans une traduction latine, parfois dans le texte original, des fragments plus ou moins longs,  !

M VC AIRE DE MAGNÉS1 1

apologie de Macalre ; et. * Schalkauser. op. cit..

l> 18-81. Parmi malheureux basant, le ms. dont l'était

lisparut âpres lui. Des le xviie siècle, il

était impossible de le découvrir, et on n’a Jamais

l>u savoir ce qu’il était devenu.

t-ce avec joie que le monde savant apprit, la découverte d’un nouveau ms. de Macaire l'érudit français C. Blondel, qui l’avait trouvé » vrai duc. était incomplet ; il commençait au milieu d’un mot au c vu du livre Il et rminait au milieu d’un mot au chapitra xxx et . livre IV. Les livres 1 et V et les 6 premiers du livre II avaient donc disparu. Blondel put toutefois préparer une édition, la première, de ire, eette édition parut après la mort du savant. ins de P. Foucart : Mæarii Magnetis quæ rstinl ex inedilo ctxlice tdidit C. Blondel, Taris, m tour le ms. dont s'était servi Blonde ! a perdu, si bien qu’aujourd’hui nous ne connais. re de Macaire Magnés que par le texte Imprimé.

de Macalre comprend cinq lires qui sont produire la discussion de l’auteur avec

un philosophe païen. Celui-ci oppose a son adversaire une série de passages du Nouveau Testament, empruntes surtout aux Évangiles et aux Actes des pO| Itlque tantôt sérieuse, tantôt plaisante

est toujours pénétrante ; le chrétien s’efforce île répondre aux objections et de faire voir que les livres du Nouveau Testament ne renferment pas de contradictions, et exposent une doctrine digne d'être acceptée même par les sages de ce inonde. Le titre le plus complet de l’ouvrage paraît avoir été le suivant : Maxapto’j Mérrvirroc. 'AiroxpmxOç ïj Movoycv^ç rcpoc. "EXXr.vxç

vtov èv Tfj xaivfj AixOr.xr ; -tjtï)-ztxri. Il indique donc que cet écrit fait

partie de la très riche littérature des Quæstiones et resporuiones. Cf. G. Heinrici, 'Lut patristischen Aporienliteratur, dans les A bhandl der k.sachs. Gesellsch.der Wiss., philoL Mit. Klas., t. xxvii, Leipzig, 1909, p. 841-860. Le terme jiovovevr ; fait cependant difficulté. O. Bardenherver estime que la partie perdue de l’ouvrage pouvait en expliquer le sens. Putrologie, 3e édit., Frll>ourg, 1910, p. 368. Plus raisonnablement, A. Harnack, Krilik des neuen Testaments von einem Griechischen l’hilosophen des J Jahrhunderts, dans Texte und l’ntersuchunyen, t. xxxvii.fasc. 4, Leipzig, 1911, p. 7, 8, remarque que les titres anciens sont souvent conçus de manière à piquer la curiosité des lecteurs, et qu’ici l’on pourrait traduire : Képonse de Macaire, ou plutôt le Monogène (lui-même) répondant aux Grecs.

L'époque à laquelle a été composé YApncrilicus est vraisemblablement la fin du iv siècle. Au livre IV, le païen remarque que le -Sauveur a annoncé la venue de taux christs, mais que depuis 300 ans et plus, o, on n’en a point vu. Cette date imprénous conduit seulement au iv » siècle. Par ailleurs, l’ouvrage nous montre que le monachisme est partout répandu en Orient et exerce une grande influence, . qu’il y a des manichéens dans le monde entier et qu’il constituent un danger pour l'Église, iii, 13 ; iv, 15, que le paganisme est encore en possession de l’influence intellectuelle. La théologie trinitaire de l’auteur est celle des Cappadociens. Il y a en ellet une seule oùoia en Dieu et les trois 'rnoa-c&oaç : sv Svopoc L'. tcô -i.-.y. v.-j.. -.<, 7-i<) —jt’yj.y.z'. jTOOTàoeoiv ïi-. : Lt. : ôvouuxvz-.-t.<. t6 t. Apocnt., iv, 25, p. 209 ; cf. iii, 11, p. 91 ; m, 11, p Ti’p On a remarqué encore certaines ressemblances entre sa doctrine christologique et eschat « logique et celle de saint (, régoire de Nysse ; cf. Moller, dans la Theolog. Literaturzeitung, 1877, col. 523.

DICT. DE THI.OL. CATHOL.

ie payi dans lequel a vécu Macalre a donne lieu a discussion, l.. Duchesne, De Macarlo Magnete et

SCrlptiteflU, Paris. 1877, p. 11. 1J. se prononce pour le voisinage d'ÉdOSSC. I a plupart des historiens penchent pour l’Asie Mineure. On connaît précisément,

à la fin du in et au début du V* Siècle, un certain

Macaire qui fut evèque de Ma iicmc, sans qu’il soil

d’ailleurs possible de préciser, s’il s’agit de Magnésie de Carie, ou de Magnésie de Lycie, Ce Macalre, d’après Photius. />/7>//i)f/i..cod., /'. G., t. ciii, col. 105, figura au conc le du Chêne, en 403, comme accusateur de l'évêque Héracllde d'Éphèse, l’ami de saint Iran Chrysostome. Nous ne savons rien de plus sur son compte. Mais il n’est pas Invraisemblable que ce

personnage ait pu écrire V Apocriticus.

Sans doute. T. W. Crafer, Maccwius Magnes >i neglected apologist, dans The Journal <>/ theological studies, t. viii, |>. 101-123, 546-570, n’accepte pas ces conclusions : il estime que Macaire a dû écrire tout à la fin du nr siècle ou durant les premières années du iv*. On ne saurait ici insister sur une thèse cpii a pour elle bien peu de vraisemblance.

Ce qui fait surtout l’intérêt de l’apologie de Macaire, ce sont les objections auxquelles elle répond. Ces objections supposent de la part du philosophe païen qui les exprime une connaissance très sérieuse du Nouveau Testament. Or, elles ne sont pas imaginaires, et n’ont pas été inventées par l'écrivain pour les besoins de sa cause. Elles ont été empruntées textuellement à un ouvrage de polémique antichrétienne ; de sorte que, grâce à Macaire, nous possédons encore d’importants fragments d’un de ces livres que l'Église, lors de son triomphe, mit tant de soins à faire disparaître. On a pensé à Identifier cet adversaire du christianisme avec Hiéroclès, qui avait rédigé un ouvrage Ad christianos et qui fut un des partisans les plus acharnés de la persécution de Dioclétien, Lactance, Dio. Instit., V, ii, 12, P. L., t. vi, col. 555 ; cf. Eusèbe, Adversus Hieroclem, P. G., t. xxii, col. 795-868. Telle est l’opinion de L. Duchesne et de T. W. Crafer. J. Geffcken, Zivei griechische Apologeten, Leipzig et Berlin, 1907, p. 301-304, refuse de prononcer aucun nom ; il croit seulement que lo controversiste inconnu écrivait au milieu du iv » siècle et utilisait surtout les livres de Porphyre contre les chrétiens. C’est aussi à Porphyre que se rallie A. Harnack. Celui-ci écrit d’ailleurs que Macaire n’avait pas entre les mains l’ouvrage authentique du philosophe, mais qu’il n’en possédait que des extraits, groupés au début du iv c siècle et qu’il réfuta ces extraits sans même se douter qu’il avait affaire en réalité au célèbre adversaire du christianisme. A. Harnack, Krilik des neuen Testaments von einem griecliischen Phitosophen, p. 137-111 ; Porphyrius Gegen clic Christen « 15 Rucher ; Y.euqnisse, Fragmente und Refende, dans les Abhandlungen der kgl, Prcuss. Akad. der Wissensch., philos, hisl. KL, 1916, fasc. 1. Appuyée sur une argumentation détaillée, l’opinion de Harnack paraît devoir être définitivement retenue.

Sous le nom de Macaire, nous possédons quelques fragments d’homélies sur la Genèse, ces fragments ont été édités par L. Duchesne. De Macario Magnete, p. 39-43, et par J.-B. Pitra, Analccta sacra et classica, Paris, 1888, part. I, p. 31-37. G. Schalkhausser qui en a fait un examen approfondi, op. cit., p. 113-185, a montré qu’ils n'étaient pas authentiques, de sorte qu’il n’y a pas besoin d’y insister ici.

La théologie de Macaire de Magnésie n’offre rien de particulier. L’Apocriticus n’est pas une œuvre de théologie, ni d’exégèse ; il est un écrit apologétique. Macaire a en face de lui un Grec, qui trouve dans un certain nombre de passagesde l'Écriture un prétexte de raillerie ou d’incrédulité. Comme <e philosophe interprète le Nouveau Testament au sens le plus littéral,

IX.

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il est tout naturel que Macaire soit amené à proposer des explications allégoriques. D’ailleurs, on doit ajouter que l’allégorie tient une si grande place dans sa réponse, qu’elle est évidemment conforme à la tournure de son esprit, à son éducation, à sa manière de penser. D’une façon générale, l’auteur de YApocrilicus se tient dans la ligne marquée par les Cappadociens

On peut seulement retenir l’attention sur un passage consacré à l’eucharistie, Apocr., iii, 23, p. 103 sq. : « Le Christ ayant pris le pain et le calice dit : Ceci est mon corps et mon sang, non la figure (tût : oç) du corps, ou la figure du sang, comme certains inconsidérément l’ont supposé, mais le corps et le sang en vérité. » On voit là que Macaire refuse d’admettre le mot tùtcoç, qui avait cependant été accepté par de fort bons auteurs, et même qu’il connaît l’existence d’une erreur eucharistique dont ce terme aurait été le prétexte. Cf. P. Batifïol, L’Eucharistie, 7e édit., Paris, 1920, p. 390, 391.

Le texte de VApocriticus est édité par C.Blondel, Mœxacéo’j MàyvT.to ; a7roy.sitiy.fi ; y, Movo^evi, ?, Macurii Magnelis quae supersunt ex inedito codice edidit C. Blondcl, Paris, 1876. Sur la tradition manuscrite, voir l’ouvrage exhaustif de G. Schalkausser, Zu den Schrijten des Makarios von Magnesta, dans Texte und Untersuchungen, t. xxxi, fasc. 4, Leipzig, 1907.

Sur la composition de l’Apologie : L. Duchesne, De Macario Magnete et scriplis ejus, Paris, 1877 ; T. W. Crafer, Macarius Magnes, a neglected apologisl, dans The Journal 0/ Iheological studies, t. viii, p. 401-423 ; 546570.

Sur l’adversaire de Macaire ; J. Geffcken, Zwei griechische Apologeten, Leipzig et Berlin, 1907, p. 301 sq. ; H. Hauschildt, Z)e Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologetæ christiani in libris àitoxpiTixàiv auctore, Heidelberg, 1907 ; A. Harnack, Kritik des Neuen Testaments von einem griechischenPhilosophendes 3.Jahrhunderls, d&ns Texte und Untersuchungen, t. xxxvii, fasc. 4. Leipzig, 1911 ; G. Bardy, Les objections d’un philosophe païen d’après l' Apocrilicus de Macaire de Magnésie, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, t. iii, 1913, p. 95-111 ; A. Harnack, Porphyrius Gegen die Christen 15 Bûcher, Zeugnisse, Fragmente und Referale, dans les Abhandl. der kgl. preus. Akad. der Wissensch., philos, hist. KL, 1916, fasc. 1.

G. Bardy