Dictionnaire de théologie catholique/ORIENTALE (MESSE) I. Généralités

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 150-153).

ORIENTALE (MESSE). — Le but de cet article est exclusivement de décrire la messe, telle qu’elle est célébrée aujourd’hui dans les différentes liturgies orientales. On laissera donc aux publications spéciales relatives à la liturgie les questions parfois fort difficiles qui se rapportent à l’origine et au développement des diverses cérémonies et l’on n’insistera sur les rapprochements entre une liturgie et les voisines, que dans le cas où ces rapprochements sont tout à fait obvies. Pour ce qui est de l’état primitif des liturgies orientales, l’essentiel a été dit à art. Messe (dans la liturgie), t. x, col. 1345-1365. —


I. Généralités.
II. La messe dans le rit antiochien (col. 1440).
III. La messe dans le rit byzantin (col. 1465).
IV. La messe dans le rit alexandrin (col. 1476).
V. Conclusions (col. 1485).

I. Généralités. —

1° Différences avec les liturgies latines. —

Il ne nous appartient pas de soulever le. problème si intéressant et si débattu de la correspondance que pourraient avoir ces liturgies entre elles ; mais les divergences peuvent se ramener à deux points principaux : la composition de la liturgie, et les paroles de la consécration.

1. Le calendrier a guidé la composition des liturgies latines ; c’est pourquoi on trouve le temporal et le sanctoral, avec des parties qui varient d’un jour à l’autre. Outre les lectures, ce sont les oraisons, les préfaces, les secrètes ; ce sera l’omission du Gloria ou du Credo. Au contraire le canon est invariable, sauf quelques légères exceptions.

Dans les liturgies orientales, la composition de la messe est indépendante de la fête des saints ou du calendrier. — Il est vrai que dans quelques rits on trouve une hymne propre à la solennité, mais qui n’est pas obligatoire, et l’on peut se servir tous les jours

de l’hymne commune. — Aussi, dans les liturgies orientales, à l’exception des lectures, la messe des catéchumènes est invariable ; par contre l’anaphore — partie correspondant au canon de la messe romaine — l’anaphore varie. Le célébrant peut choisir, ad libitum, une des anaphores du rit. Toujours dans le même cadre et avec le même thème, les différentes parties de l’anaphore ont un développement plus ou moins grand. Le nombre des anaphores varie d’un rit à l’autre. La liturgie arménienne n’en a qu’une, alors que les jacobites en possèdent plus de cent.

2. Quoique toutes ces anaphores soient différentes, cependant le récit de la cène et les paroles de la consécration sont toujours empruntés à saint Paul, I Cor., xi, 23, in qua nocte tradebatur…, alors que les latins se sont servis de la formule : qui pridie quam pateretur… A la fin de la consécration du pain, on ajoute, en Orient, quod datur vobis in remissioncm peccatorum et in vitam œternam. Amen. Voilà le second point de divergence entre les deux liturgies. Ce sont là deux points distinctifs ; si l’on en tient compte, on peut sans trop de difficultés distinguer une liturgie orientale d’une occidentale. Si l’une des liturgies a perdu avec le temps la formule primitive en adoptant l’autre, cela ne change en rien sa nature : ainsi trouve-t-on dans quelques manuscrits de la liturgie mozarabe, la formule orientale, comme on trouve le pridie… dans les liturgies maronite, chaldéenne et syro-malabare ; cf. art. Mozarabe (Liturgie), t. x, col. 2540.

Nombre des liturgies orientales.

Ces caractères

communs aux liturgies orientales ne s’appliquent pourtant pas à une liturgie unique.

En effet, en Orient, on est en face de deux grandes familles liturgiques : la liturgie d’AntiocheJérusalem et celle d’Alexandrie, toutes deux antérieures au ive siècle. Chacune formera dans la suite plusieurs types de liturgies que nous appelons rit. (Cette transcription du mot rit sera même maintenue au pluriel pour établir une distinction entre rite, mot réservé dans cet article pour désigner les cérémonies liturgiques par exemple : les bénédictions, la messe, etc., et rit, type d’une famille liturgique : exemple : le rit arménien, persan…, etc.) Dans la liturgie d’Antioche on a actuellement trois rits syriaques : syriaque pur ou jacobite, maronite et nestorien ou persan. Cette même liturgie d’Antioche, avec une influence marquée de l'Église de Césarée de Çappadoce, donnera le rit byzantin pur. Quant au rit arménien il a subi la double influence de Césarée et d'Édesse.

La liturgie alexandrine, de son côté, n’a donné que deux rits : le rit copte et le rit éthiopien ou abyssin.

Chaque rit a subi, avec le temps, l’influence des rits voisins et quelquefois cette influence est réciproque. 3° La différence entre les rits orientaux.

Ce qui

diversifie un rit d’un autre, ce n’est pas la langue dans laquelle il est célébré. La même liturgie byzantine est célébrée en grec, slavon, arabe, roumain… en français et même en chinois. Elle le fut à un moment, en syriaque. Cf. un manuscrit en cette langue, à la bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban). Le rit n’est pas devenu pour cela, slave, arabe ou syriaque. Ni la liturgie de saint Jacques n’est devenue byzantine pour être rédigée en grec.

L’usage de se servir de deux langues existe dans quelques rils. Les Grecs de Syrie et d’Egypte se servent simultanément dans la même liturgie du grec et de l’arabe ; les maronites et les jacobites uniates, du syriaque et de l’arabe. Quant aux coptes, ils emploient le copte et l’arabe. On peut conclure qu’en Orient la question de la langue, dans la liturgie, n’a pas une importance aussi grande qu’en Occident et que les Orientaux se sont toujours accommodés à la langue du peuple.

La divergence réelle entre les liturgies eucharistiques consiste dans l’arrangement différent des actes, dans leur omission ou bien dans l’introduction de nouveaux actes. Quant au fond, c’est le développement spécial plus ou moins grand donné à telles ou telles prières, avec les mêmes parties essentielles à toute liturgie. 4° Origine des rits.

Pourquoi cette multiplicité

de rits, en Orient, alors qu’au ive siècle on n’avait que deux familles liturgiques : à Antioche et à Alexandrie ? Si nous parlons de la liturgie d’Antioche et de celle d’Alexandrie, il ne faut pas croire, pour cela, que toutes les Églises fdiales de l’une ou de l’autre métropole se servaient d’un texte identique ; à ce moment on n’avait pas les conceptions strictes de la liturgie, que nous avons, et l’on était plus ou moins libre de modifier les prières et les rites. Penser que les diverses communautés avaient un missel approuvé par le métropolitain et identique à celui de l'Église-mère, c’est prêter au ive siècle des conceptions toutes modernes. Cette époque touche à la période où la liturgie était encore improvisée.

La divergence est nettement marquée entre Antioche et Alexandrie, parce que ce sont deux métropoles indépendantes, ayant eu un passé liturgique à part, et — ne l’oublions pas — ayant eu deux écoles continuellement en lutte.

Ce qui amènera dans chaque famtlle la distinction de plusieurs rits, ce seront principalement les schismes qui ont déchiré pendant trois siècles l’Orient. C’est donc le fait qu’une « nation » a rompu ses rapports avec la nation voisine ou sa métropole ecclésiastique, par particularisme national, à l’occasion d’une condamnation fulminée par un concile. La question de l’origine n’est pourtant pas claire pour tous les rits. 5° Classement des rits orientaux.

1. La liturgie

d’Antioche. — a) Le rit persan. — L’anaphore de saint Jacques, qui est proprement celle d’Antioche, semble avoir été déjà en usage, dans le texte grec et peut-être syriaque, quand Nestorius fut condamné au Concile d'Éphèse (431). L'Église de Perse, dans le demi-siècle qui suivit, se trouva séparée de la catholicité ; mais cela n’amena qu’assez lentement la distinction entre rit antiochien pur et rit persan ou nestorien ; car c’est bien tard que l’on trouve l’anaphore des « Apôtres Addée et Maris » révisée par le catholicos Iso’yahb 111 (650), cf. Janin : Les Églises orientales et les rites orientaux, p. 533-534.

Ce rit existe encore en Perse et Mésopotamie, c’est pourquoi on le désigne sous le nom de nestorien, pt rsan, ou rit des Syriens orientaux. Le nom de chaldéen est réservé à la branche revenue à l’unité catholique, depuis Je xvie siècle (1553). Elle garde sa liturgie primitive. La liturgie persane a subi avec le temps l’influence byzantine.

On rencontre une autre branche, sur la côte malabare ; cette fois, c’est une influence romanisante qui s’est exercée sur ce rit, par les missionnaires latins ; le synode de Diamper (1599) accentua encore la latinisation de ce rit, qui a reçu le nom de Syro-malabare. Cf. art. Nestorienne (Église). Pour les corrections faites au rit malabare, voir Le Brun, Explication de la messe, t. iii, p. 451-467.

b) Le rit jacobite ou syriaque pur. — En Syrie, là branche restée fidèle au Concile d'Éphèse (431) était du rit syriaque pur : elle célébrait sa liturgie en grec, à Antioche, et en syriaque peut-être à Édesse et dans les petites localités. L’hérésie monophysite divisa à son tour cette branche catholique en deux groupes : les catholiques, partisans du concile de Chalcédoine (451) et de l’empereur, recevront le nom de « melkites », quant aux monophysites, ils seront nommés, en Syrie jacobites, probablement du nom de Jacques Baradai († 578). Ce dernier groupe se servira dorénavant de la

liturgie' de saint Jacques, dans le texte syriaque, et la conservera assez pure, jusqu'à nos jours ; une branche est revenue à la vraie foi au xviiie siècle, tout en gardant sa liturgie primitive. Ses fidèles sont appelés indifféremment : Syriens catholiques, Uniates et même Syriens tout court ; le rit est dit rit des Syriens occidentaux, par opposition aux Syriens orientaux, les nestoriens. Cf. Janin, op. cit., c. xiii, p. 489 sq. ; cf. art. Monophysisme, t. x, col. 2216-2251.

c) Le rit maronite. — Un petit groupe des melkites de Syrie, cantonné dans les montagnes du Liban, où l’usage du syriaque était exclusif, conserva jusqu'à nos jours, sa foi et sa liturgie d’Antioche. Ce sont les Maronites. Les croisades d’abord, plus tard l’action de leurs sujets qui allèrent étudier à Rome, celle des délégués du Saint-Siège et des religieux latins amenèrent une sérieuse romanisation de toute leur liturgie, chose très regrettable à cause de ce mélange incohérent de rites romains et syriaques ; cf. art. Maronite (Église), t. x, col. 1 sq. ; Revue des sciences religieuses, 1924, p. 429-439.

d) Le rit byzantin. — Les Maronites — on le sait — échappèrent au grand schisme d’Orient ; ce ne fut pas le cas de l’autre groupe melkite, qui, jusqu’au xiie siècle, avait gardé la liturgie de saint Jacques, même après sa séparation de Rome. Il a fallu, semble-t-il, l’avènement d’un Byzantin au siège d’Antioche, Théodore III Balsamon (entre 1185 et 1191), pour imposer la liturgie byzantine dans le patriarcat grec d’Antioche et de Jérusalem. Son opposition à toute liturgie qui n'était pas byzantine, est très marquée dans une lettre à son collègue d’Alexandrie, Marc II (1195). P. G., t. cxxxviii, col. 954. Cf. Dict. d’archéol. et de liturgie, art. Antioche, t. i, col. 2429.

La résidence des patriarches d’Antioche à Constantinople, pendant deux siècles, depuis Jean V (1098), semble encore expliquer le mouvement de byzantinisation, dans leur patriarcat. Cf. Dict. d’archéol., t. vi, col. 1607.

Chose curieuse, les prêtres grecs de Jérusalem et de Chypre ont gardé un vestige de leur ancien rit antiochien, en célébrant la messe, à la fête de saint Jacques (23 oct.), avec l’anaphore attribuée à ce saint.

Dès ce moment le rit byzantin remplaça la liturgie de saint Jacques. Une partie de ces grecs melkites revint à l’unité, tout en conservant la liturgie byzantine, traduite, à un moment, en syriaque, pour les habitants de la campagne et célébrée actuellement, soit en arabe, soit en grec, soit dans les deux langues à la fois.

En Egypte, ceux qui ne passèrent pas au monophysisme gardèrent le rit alexandrin en langue grecque. L’influence de Byzance se fit sentir néanmoins et tous durent passer au schisme de Michel Cerulaire († 1058). Au début du xme siècle, ils reçurent le rit byzantin’par leur patriarche Marc II, après un voyage de celui-ci à Byzance (1203-1204), cf. Dict. d’archéol., art. Alexandrie, 1. 1, col. 1187 sq. ; Dict. d’histoire et de géographie ecclés., t. ii, col. 326. Théodore III Balsamon raconte que Marc II avait promis d’adopter le rit byzantin dans son Église d’Alexandrie. P. G., t. cxxxvii, col. 621.

Ceux qui sont revenus à la vraie foi sont sous la juridiction du patriarche grec-catholique d’Antioche, qui a reçu aussi le titre de patriarche d’Alexandrie.

Nous avons parlé du rit byzantin, en Syrie et en Egypte, comme provenant de Byzance. Mais comment ce rit s'était-il formé dans la capitale, et de quelle famille liturgique descendait-il ? L’opinion la plus courante rattache ce rit à la liturgie d’Antioche. Cf. ici art. Liturgie, t. ix, col. 817 ; L. Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 72 sq. Ce serait une importation faite par les nombreux évêques de Byzance, soit origi naires d’Antioche ou de Césarée de Cappadoce, soit formés à l'école d’Antioche : Euioxe, Grégoire de Nazianze, Nectaire, Jean Chrysostome, Nestorius.

En passant par Césarée, cette liturgie a évolué avant d’arriver à Byzance. Elle recevra, dans la suite un développement tout particulier qui rappelle la pompe et la magnificence des empereurs de Byzance. Ce rit se propagera dans les Balkans et les pays slaves. Pour dom Moreau, la liturgie byzantine est à l’origine de toutes les liturgies orientales. Dom Moreau, Les liturgies eucharistiques, p. 29. Cette opinion ne semble pas tenir compte des données liturgiques.

e) Le rit arménien. — - Quant à la liturgie arménienne, elle semble procéder de la liturgie de Césarée et d'Édesse ; cela se comprend à cause de la proximité de ces villes, de l’Arménie. L. Duchesne, loc. cit., p. 75, y voit un stade ancien de la liturgie byzantine. Le cachet byzantin est nettement accusé, peut-être plus encore de nos jours à cause des emprunts postérieurs. Elle est en usage chez les Grégoriens ou Arméniens monophysites et dans un groupe converti à l'Église catholique au xviiie siècle, cf. art. Arménie, t. i, col. 1892 sq., 1954 sq.

2. La liturgie d’Alexandrie.

a) Le rit copte. —

L'Église d’Alexandrie a sa liturgie propre, entièrement indépendante de celle d’Antioche. Toutefois à pa"tir d’une certaine date, elle a subi l’influence byzantine.

La liturgie la plus ancienne et dont on se sert encore est attribuée à saint Marc ; elle a été revisée par saint Cyrille († 441). Lorsque l'Église d’Alexandrie passa, en grande partie, au schisme monophysite antichalcédonien, elle se servait du grec — du moins dans les villes — pour la célébration de sa liturgie. La faction hérétique pour garder son indépendance et marquer son nationalisme et sa séparation, adopta la langue copte, qui semble avoir été déjà en usage dans la célébration de cette liturgie à la campagne.

b) Le rit éthiopien ou abyssin. — Au ive siècle, l’Abyssinie se convertissait et venait demander sa hiérarchie à l'Église d’Alexandrie. C’est ainsi qu’elle reçut la liturgie alexandrine, puis le schisme monophysite ; mais la langue ghez fut substituée au copte.

Après plusieurs tentatives de conversion, une minime partie de l'Église copte fut convertie et reçut sa hiérarchie à la fin du xixe siècle. Un groupe abyssin ou éthiopien catholique s’est également formé ; il est encore sous la juridiction d’un délégué apostolique ; cf. Janin, op.cit., c. xvii, p. 637 sq.

C’est par ces deux groupes catholiques que l’ancien rit d’Alexandrie reprend sa place dans l'Église catholique.

Les anciennes anaphores orientales.

Il ne s’agit

pas des très anciennes liturgies orientales, telles que la liturgie des Constitutions apostoliques et celle de Sérapion, qui ne sont plus du tout en usage et dont on a parlé à l’article Messe, t. x, col. 1346-1365 ; mais simplement des quelques anaphores encore en usage quoique dans un texte remanié.

De l’anaphore de saint Jacques, on possède deux rédactions : l’une syriaque, l’autre grecque. La première est en usage dans les rits jacobite, maronite et syriaque uniate. La rédaction grecque ne sert plus qu’aux Byzantins de Jérusalem et de Chypre et seulement pour le 23 octobre, fête de saint Jacques.

Déjà saint Cyrille de Jérusalem (315-386), décrit une liturgie pratiquée de son temps à Jérusalem, qui a plus d’un point de rapport avec celle de saint Jacques ; cf. Çatech., xxiii (v myst.), P. G., t. xxxiii, col. 1110 sq.

Les liturgies attribuées à saint Basile et à saint Jean Chrysostome, sont employées par les Byzantins, les Arméniens exceptés. Les anaphores attribuées à ces saints et en usage dans les autres rits syriaques et

coptes n’ont rien de byzantin ; elles sont plutôt calquées, sur l’anaphore de saint Jacques ou de saint Cyrille.

Avant le schisme monophysite, les Alexandrins se servaient du texte grec de la liturgie de saint Marc, retouché par saint Cyrille. Depuis lors, les coptes célèbrent leur liturgie, en copte et en arabe ; le texte est presque une traduction de l’ancien texte grec.

Jusqu'à présent on ne possède pas d'études approfondies sur chacune de ces anaphores, ni un texte critique. C’est pourquoi il est impossible de faire, maintenant, une étude d’ensemble sur ces différentes anaphores. CA.Dict. d’archéol., ail. Alexandrie (Liturgieà") ; Grecque (Liturgie) ; saint Jacques (Liturgie de).

7° Valeur de l’argument théulugique emprunté à la liturgie orientale. — Dès le xvii° siècle, avec les auteurs de la Perpétuité de la foi, et de nos jours encore, on voit certains théologiens catholiques faire appel à l’existence d’une fête, d’un sacrement, d’un rite en usage chez les Orientaux séparés pour conclure d’emblée à son existence dans l'Église universelle avant la séparation de ces hérétiques. La raison qu’ils en donnent se ramène à ceci : ces hérétiques n’ont pu recevoir ces particularités de l'Église catholique après la séparation, puisqu’ils ne considéraient pas celle-ci comme la véritable Église. Donc ils les possédaient avant la séparation.

Il faut l’avouer, l’argument est liés spécieux, mais il n’en est pas moins inexact. Il ne prouve pas, car les faits d’une influence réelle de l'Église catholique sur les hérétiques et d’une influence mutuelle d’une secte sur une autre ruinent toute cette argumentation. Il suffit de se rappeler que plusieurs livres catholiques de spiritualité et même de catéchisme ont été simplement traduits par les schismatiques.

La Confession de Pierre de Moghila, cf. art. Moghila, t. x, col. 2076, ne peut donner une idée exacte du développement du dogme au moment de la séparation ; par exemple sur le nombre des sacrements limité à sept ; sur les conditions, ministres, sujets et effets de chaque sacrement.

Les nestoriens ne sont pas unis aux byzantins, pourtant l’influence byzantine sur leur liturgie est claire. L'Église d’Alexandrie, on le sait, a toujours été en lutte avec le siège de Constantinople. Ce qui n’empêche pas de constater que les Coptes empruntèrent la solennité de leur prothèse à la liturgie byzantine. Aussi nous n’avons pas le droit de dire que la prothèse existait avec toute sa solennité dès l’origine de la liturgie d’Alexandrie et d’Antioche.

Tout ceci ne veut pas dire qu’on ne puisse jamais se servir de l’argument liturgique ; bien au contraire, il est à souhaiter que l’on s’en serve plus souvent, et surtout des liturgies orientales qui ont généralement mieux conservé leur texte ancien. L’argument liturgique a une grande valeur, surtout s’il est empiunté aux anciennes anaphores, dont on a parlé plus haut. C’est le cas d’employer l’adage : lex orandi, lex credendi, mais il faut prouver d’abord, documents en mains, l’authenticité du texte ou l’antiquité de la fête liturgique. Pour le moins on doit prouver que la secte qui pratique ces rites ou utilise ces textes, ne les a pas reçus de l'Église romaine après la séparation.

Manuscrits et éditions.

Les théologiens désireux d'établir l’authenticité des textes trouveront

dans le Dictionnaire d’archéologie et de liturgie, toutes les références nécessaires pour retrouver les manuscrits, les éditions et les traductions de toutes les liturgies anciennes et modenies.

Liturgie grecque de saint Jacques : ail. Antioche, t. i, col. 2432 sq. ; pour la liturgie syriaque du même saint, ibid., col. 2436 sq. On y trouvera l’indication de tous les manuscrits des jacobites, maronites et syriens

uniates. — Pour la liturgie byzantine, voir art. Grecque (Liturgie), t. vi, col. 1643 sq., 1647 sq., 1650 sq. — Pour la liturgie arménienne, ibid., col. 1646 sq., 1650 sq. ; art. Caucase, t. ii, col. 2680. — Pour le rit copte : cf. art. Alexandrie, t. i, col. 1194 sq., 1197 sq. — Pour le rit éthiopien, loc. cit., col. 1201 sq.

9° Remarques sur le rôle du diacre et du peuple dans les liturgies orientales. — Pour bien comprendre les liturgies orientales, il faut faire grand cas du rôle qu’accomplit le diacre ; car, il faut le remarquer, les liturgies orientales devraient toujours être célébrées solennellement. C’est ce que font encore les dissidents, en ne célébrant qu’une liturgie par église et seulement les dimanches et fêtes. Les uniates disent la messe quotidiennement et font passer au seul servant de messe les trois rôles, qui devraient être remplis par le diacre, les chantres et le peuple. C’est le servant qui lit les épîtres, adresse la parole au peuple, au célébrant, répond pour l’assistance, chante les psaumes et les hymnes… Les offices du diacre qu’un laïque ne peut pas remplir sont réservés au célébrant, car le diacre chante une grande partie des prières de la messe avec le prêtre, lit dans certains rits, l'évangile. Le diacre est surtout ministre du calice. C’est lui qui le prépare, qui l'élève, qui le porte vers l’assemblée, qui souvent distribue lui-même le précieux sang. D’ailleurs c’est le rôle des diacres, dans les anciennes liturgies, et dans l'Église des premiers siècles.

De par son ordination, le diacre est le ministre de l’assemblée des fidèles. Après avoir prêté son concours au célébrant, le diacre revient vers les fidèles. Il doit les avertir des moments solennels de la messe, de ce qu’ils doivent faire, leur lire les Écritures et surtout faire participer l’assemblée au sacrifice. C’est pourquoi on l’entend répéter les mêmes litanies, les mêmes demandes auxquelles le peuple répond par le : Kyrie eleison. Les prières sous la forme de conversation reviennent continuellement dans les liturgies orientales. La messe romaine en garde un vestige dans le dialogue qui précède la préface. Les fidèles, en Orient, sont conscients que le prêtre offre le sacrifice en leur nom. Comme la prière du diacre, celle des fidèles est une partie essentielle à la liturgie orientale. Outre les réponses aux litanies, les fidèles font d’autres acclamations, récitent le Credo. Comme le diacre, avec lui et sous sa direction, ils prennent une part à la célébration de la liturgie. La messe orientale garde ainsi, toute sa signification d’acte public.