Dictionnaire de théologie catholique/PERSÉVÉRANCE-GRÂCE

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 12.1 : PAUL Ier - PHILOPALDp. 636-659).

II. PERSÉVÉRANCE-GRACE.

Le problème théologique de la grâce de la persévérance peut être envisagé du côté de la cause suprême de la persévérance, qui n’est autre que la prédestination. Ce premier aspect sera étudié à l’art. Prédestination. Mais le problème de la persévérance peut être envisagé du côté de sa cause prochaine, c’est-à-dire de la volonté humaine, soutenue par la grâce de Dieu. Ici encore, les théologiens introduisent, dans le problème de la persévérance, de multiples distinctions qu’il est opportun de signaler de prime abord. On distingue la persévérance imparfaite ou temporaire, par laquelle l’homme se maintient, pendant un temps assez long, en état de grâce, sans cependant se maintenir jusqu’à l’heure de la mort ; et la persévérance parfaite ou finale, qui, quelle que soit sa durée antérieure, aboutit à l’état de grâce à l’heure de la mort. Cette persévérance peut derechef être envisagée sous son aspect actif ou sous son aspect passif. La persévérance est dite active, quand on la considère par rapport à l’exercice des vertus et des bonnes œuvres nécessaires à la conservation et à l’accroissement de l’état de grâce : cette persévérance active est le fait des adultes. Elle est dite passive, quand on la considère par rapport à la conjonction opportune de l’instant de la mort avec l’état de grâce, abstraction faite de l’exercice des vertus, qui constitue la persévérance active et sans lequel, à la rigueur, la persévérance passive peut seule exister, par exemple chez les petits enfants baptisés et morts avant l’âge de raison, ou chez les adultes décédant peu après avoir reçu ou récupéré la justilication :


Ces distinctions n’ont qu’une importance très secondaire et surtout scolastique par rapport au courant de renseignement traditionnel sur la grâce de la persévérance. Bien que. « lu côté de Dieu, il n’y ait qu’une grâce de la pcrsé éi aucc. celle qui conduit effectivement l’homme au salui (el nous verrons combien saint Augustin insiste sur ce point), on peut, cependant, du (iiic (le l’homme, envisager la persévérance sous un double aspect, tout d’abord le passe perseverare, qui n’implique pas encore nécessairement l’acte final de la persévérance, puis cet acte lui-même. Les deux aspects sont d’ailleurs inséparables dans l’enseignement (le saint Augustin, ci c’est le concile de Trente qui a mis en un relief particulier le poste perseverare. Nous chercherons donc ici a préciser le développement et la suite de renseignement traditionnel sur la grâce de la persévérance, depuis les assertions encore générales de J’Kerilurr et des l’eres antérieurs a saint

Augustin, jusqu’aux dernières précisions du concile de Trente et des théologiens modernes. D’où les divisions suivantes :
1° Comment s’est précisé le problème, des apôtres aux théologiens du Moyen Age ;
2° la doctrine du concile de Trente ;
3° les cadres de la théologie moderne ;
4° le problème spécial de la persévérance finale. Nous ajouterons
5° des considérations sur quelques concepts extra-théologiques relatifs à la persévérance finale.

I. Comment s’est précisé le problème. —

A l’origine, le problème de la grâce de la persévérance ne s’est pas posé dans les termes mêmes où le progrès doctrinal l’a amené au concile de Trente. Nos modernes traités de la grâce ont construit des cadres où la pensée théologique affirme un souci des nuances qu’elle ne pouvait connaître à l’époque patristique. C’est ce progrès de dix siècles qui a permis aux théologiens de poser, en des termes de plus en plus exacts, le problème du pouvoir qu’ont les justes de persévérer dans la justice. Primitivement, le problème était implicitement posé et résolu dans la question plus générale de la nécessité pour l’homme de recourir à l’aide de Dieu pour éviter le péché et accomplir les actes nécessaires à cette fin. C’est sous cet aspect qu’on le découvre, dans l’Écriture, chez les Pères antérieurs à la controverse pélagienne et semi-pélagienne. Mais cette controverse même fera apparaître, principalement sous la plume de saint Augustin, le point de vue très particulier du don de la persévérance finale. Le magistère ecclésiastique intervient alors à plusieurs reprises pour formuler, contre pélagiens et semi-pélagiens, les exigences du dogme. Enfin, les théologiens du Moyen Age, et particulièrement saint Thomas d’Aquin, achèvent l’évolution qui aboutira aux précisions de la théologie moderne. On retracera ici les stades de cette évolution : f. Le fondement scripturaire ; 2. Les Pères avant la controverse pélagienne ; 3. Les Pères pendant la controverse pélagienne ; 4. Les documents du magistère ; 5. La théologie du Moyen Age.

I. LE FONDEMENT SCRIPTURAIRE.

Nous négligerons de parti pris les enseignements de l’Ancien Testament relatifs à la nécessité de la grâce pour le salut, pour nous en tenir au double fondement qu’on peut recueillir dans le Nouveau Testament :
1. L’impossibilité pour l’homme d’observer la loi sans le secours de Dieu ;
2. la nécessité, pour les justes eux-mêmes, de recourir à ce secours divin s’ils veulent surmonter les périls spirituels..

L’impossibilité pour l’homme d’observer la loi sans la grâce de Dieu trouve son fondement scripturaire dans saint Paul, Rom., vii, 12-24. L’intelligence de cette péricope suppose une doctrine plus générale, dont l’énoncé se trouve reporté au c. v, 1-2 : "Justifiés par la foi…, nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des enfants de Dieu. » Mais à cette espérance de la gloire s’opposent des obstacles énumérés aux c. v-vn, que d’un mot l’Apôtre résume dans le « règne du péché » qui, depuis Adam, s’étend sur le monde entier : c’est le péché, Y) àp-apTÎa. avec ses satel Utes, la mort, la chair, la loi (car le péché abuse de la loi mosaïque pour mettre à mort spirituellement les hommes). La grâce de Dieu doit triompher de Ions ces obstacles, v-vi, passion. De l’Influence néfaste de la chair et de la nocivité de la loi sans la grâce, saint Paul parle dans le c. vu. Voici le texte Important :

12. Ainsi donc la loi est sainte, et le commandement saint et juste et bon. fil. Ce qui est bon est-il dune devenu pour moi la mort ? Loin de là. Mais le péché, afm de paraître péché, m’a donné la mort an moyen d’une chose bonne, afin que le péché soit (tenu) pour coupable à l’excès, par le fait du commandement, i i l ar nous snnm que lu loi est spirituelle ; mail moi je suis charnel, vendu au service du péclié. 15. Car ce que je fais, je ne le suis pas ; rai |riic fuis pas ce que |e veux, mais je fuis ce « pie |e hais. 16. si donc |e fais ce’pie je ne veux pas. Je reconnais que la lui est bonne 17. Mais alors ce n’est plus moi qui le fais, niais le pèche qui habite en nue 18. < ar je sais que ce n’est l’as le bien (|lli lia In te en moi, (’est a « lire dans ma (hall. I n elle !. le i.ulmi . ^t.. ma portée, nuit non la pratique du bien, 19. cai [ait pas le bien que |e veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. 20. si donc je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi <|ui le fais, mais le péché i h î habite en mol. 21. Moi qui voudrais faire le bien, je constate cette loi que c’est le mal qui esi à ma portée ; 22. car je prends plaisir a la loi de Dieu,

selon l’homme intérieur, 2.Î. niais J’aperçois dans mes membres une autre loi qui lutle contre la loi de ma raison cl qui m’enchaîne à la loi du péché qui est dans nus membres.

2 1. Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort’.' 2.">. Grâces soient rendues a Dieu, par Jésus-Christ Noire-Seigneur ! (Trad. J. Lagrange, Éptlre aux Humain*, Paris, 1916, p. 171 sq.)

On connaît les deux interprétations de ce texte. Lagrange, p. 172. De crainte que les pélagiens n’abusassent des ꝟ. 18 (le vouloir est à ma portée) et 22 (je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur), saint Augustin, sur la fin de sa carrière, opinait que l’Apôtre parlait, en ce passage, au nom de l’homme déjà justifié et obligé de lutter contre les mouvements indélibérés de la concupiscence. Cf. Contra duas epist. pelag., t. I, n. 16-23, P. L., t. xliv, col. 559-562, et Rétractât., t. I, c. xxiii, xxiv, xxvi ; t. II, c. î, t. xxxii, col. 621, 622, 62 4, 629 ; Contra Julianum, ]. VI, n. 11-12, t. xliv, col. 829, et De prædest. sanctorum, n. 8, id., col. 966. L’interprétation la plus littérale et la plus communément admise est que Paul parle ici au nom du juif harcelé par la Loi et conscient de sa faiblesse. C’est l’interprétation de saint Irénée, Cont. hæres., t. III, c. xx, n. 3, P. G., t. vii, col. 944 ; de Tertullien, De pudicitia, c. vii, P. L., t. ii, col. 1045 ; de saint Ambroise, De Abraham, t. II, c. vi ; De Isaac, c. n ; De Jacob, t. I, c. iv, P. L., t. xiv, col. 490, 529, 634 ; de saint Jérôme, In Danielem, c. ni, t. 29, P. L., t. xxv, col. 532 ; Epist., cxxi, c. viii, P. L., t. xxii, col. 1022 sq., et même de saint Augustin dans ses premiers temps, Expositio quarumdam propos, ex epist. ad Rom., prop. xxxviii-xlvi ; Comment, in epist. ad Galatas, n. 47, P. L., t. xxxv, col. 2070-2072, 2139 ; De Lxxxiir diversis quxstionibus, q. lxvi ; De diversis quæstionibus ad Simplicianum, t. I, q. ii, n. 7 et 9, t. xl, col. 60 sq., 115-117. Dans son commentaire sur l’épître aux Romains, saint Thomas expose les deux manières, mais, en raison de l’autorité de saint Augustin, à la fin de sa carrière, préfère la première. On ne doit citer que pour mémoire l’interprétation jadis soutenue par saint Méthode d’Olympe, De resurrectione, II, 1-8, édit. Bonwetsch, p. 189-204, et reprise par Cajétan, d’après laquelle le moi de ce chapitre vu désignerait l’humanité enfermée dans le premier homme. Malgré le rajeunissement qu’en a tenté le P. Lagrange, op. cit., p. 168, cette exégèse ne paraît pas devoir être prise en considération. Sur tous ces points, voir F. Prat, La théologie de saint Paul, t. î (17e édit.), Paris, 1930, p. 272-275.

La signification littérale du texte de saint Paul est claire : le juif, placé sous la loi mosaïque, mais abandonné à l’infirmité de sa chair sans la grâce du Christ, peut ressentir un attrait vers le bien, et le vouloir même d’une manière inefficace ; il ne peut l’accomplir en réalité. Le mal lui est si intimement présent, comme une loi existant dans ses membres et s’opposant à la loi de Dieu (qu’il connaît cependant et qu’il approuve), il le tient tellement captif sous la loi du péché que, loin de faire le bien, il pèche plutôt contre la loi de Dieu (ꝟ. 21-23) d’une façon qui lui est imputable et le voue à la mort spirituelle (ꝟ. 11). Les expressions « ce que je ne veux pas » du ꝟ. 16 et « ce n’est plus moi qui le fais » du ꝟ. 17 n’impliquent pas la négation de tout volontaire, mais désignent simplement un involontaire secundum quid. De cette triste condition, seule la grâce du Christ délivre. Cette affirmation n’est qu’implicitement contenue dans la formule eù^ocpiaTio tîo ©eôj du ꝟ. 25, mais se retrouve explicitement plus loin, viii, 2. Sur cette interprétation, voir Lagrange, Prat, loc. cit., et Hermann Lange, De gralia, Fribourgen-B. , 1929, n. 144.

I Je l’interprél ai ion lit térale du texte, il est facile de passer a la doctrine. Ce qui est vrai pour le juif soumis à la loi mosaïque est vrai pour le païen, qui ne connatt que la loi naturelle, et même, dans une certaine mesure, pour le juste déjà sous l’influence de la grûee. Pour le païen, nous avons l’assertion explicite de saint Paul. Les païens connaissent une certaine loi divine, la loi naturelle : sans la loi (mosaïque), ils pèchent et périssent, Rom., n. 12 : car ils sont à eux-mêmes leur loi et ils portent, inscrit dans leur cœur, ce que la Loi commande, il, 15. Ce qui. au c. vii, est dit du juif sous la loi mosaïque peut donc être transposé au païen sous la loi naturelle. Quant aux chrétiens de la loi nouvelle, il est inadmissible que des docteurs comme Augustin et Thomas se soient égarés sur la doctrine elle-même. Il faut leur concéder que ce conflit est possible, même sous la grâce… L’argument de Paul prouve donc que toute loi divine est imparfaite, même dans l’ordre de la grâce ? Oui, car, d’après saint Thomas, IMI 86, q. xevin, a. 1, une loi divine atteint le fond de l’homme, c’est-à-dire les actes intérieurs de la volonté, qu’elle ne peut cependant assister pour les rendre meilleurs. De sorte que la grâce est toujours le recours nécessaire dans tous les états… L’opinion des saints docteurs a aussi cela de juste que les sentiments du moi, mis en scène par Paul, sont trop élevés, malgré leur imperfection, pour être ceux d’un gentil ou même d’un juif assujetti au péché dans le style des c. î et n ou vi. Làbas on avait pris son parti du vice ; on était affranchi vis-à-vis de la justice, vi, 20. Maintenant la pauvre âme, même quand elle se laisse entraîner au mal, soupire, gémit, jette un regard vers la loi de Dieu, dont on l’éloigné comme malgré elle. Est-ce le langage « l’un païen ancré dans le désordre ? » Lagrange, op. cit.. p. 172-173.

Ainsi, d’une manière générale, la grâce, qui nous vient par le Christ, est le seul moyen d’éviter le péché, de vaincre la concupiscence, d’observerlaLoi.Cf. ICor., xv, 56, 57 ; II Cor., iii, 6 ; Gal., ii, 16, 21 ; iii, lu. Il : Rom., viii, 3-5.

2° La transposition doctrinale, opérée par saint Augustin et saint Thomas, trouve une légitimation scripturaire dans l’affirmation, fréquemment répétée, que les justes eux-mêmes doivent recourir à la grâce pour surmonter les périls spirituels. — Le diable, lion rugissant, tourne autour d’eux pour les dévorer, I Pet., v, 8 ; il se transforme en ange de lumière, II Cor., xi, 14, et sème sous les pas des justes des embûches. Eph., vi, 11-12. De là, pour le juste lui-même, de multiples tentations, contre lesquelles Jésus-Christ lui-même met en garde ses disciples, Matth., xxvi, 41 ; et que les apôtres indiquent d’un mot. Eph., vi, 10 sq. ; Rom., vii, 23 sq. : I Pet., v, 8-9 ; I Joa., ii, 16 ; Jac, I, 2, 12-15. De la aussi la nécessité d’un combat. Eph., vi, 11, 13 sq. ; cf. I Cor., ix, 26 ; II Tim., ii, 3 sq. ; cf. I Tim., î. 18 : Jac, iv, 7. Les armes dont le juste se servira sont des armes divines. Eph., vi, 11, 13 ; cf. II Cor., n. I. Saint Paul les énumère, Eph., vi, 14-18 : « Soyez fermes, ceignant vos reins de la vérité (cf. I Pet., i, 13 ; Luc, xxii, 35) et revêtant la cuirasse de la justice, et chaussant vos pieds pour vous préparer à l’évangile de la paix : prenant surtout le bouclier de la foi (cf. I Pet., v, 9 ; Jac, i, 3-4 ; I Cor., xvi. 14 ; I Thess., v. S : I Joa., v, 4), dans lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin. Prenez aussi le casque du salut et le glaive de l’Esprit, qui est la parole de Dieu (cf. Heb., iv, 12) ; priant en esprit en tous temps (cf. Matth., vi, 13 ; Luc, xviii, 1 ; xxii, 40), par toute sorte de prière et de supplication pour tous les saints. » La vigilance est aussi recommandée, I Cor., xvi. 14 : cf. x, 12 ; Matth., xxvi. 41 ; I Pet., v, 8.

Beaucoup de ces textes laissent entendre qu’avec le secours divin l’homme peut avoir l’espérance du salut,

I Thess., v, 8, et triompher par la foi. I Joa., v, 4. Saint Paul dit expressément que ce qui était impossible à la Loi seule devient possible par « la loi de l’esprit de vie dans le Christ Jésus ». Rom., viii, 2. La Loi était sans force à cause de la chair ; mais Jésus, revêtant notre chair, nous a donné le moyen d’accomplir la justice en nous. Id., 3-4. Cf. Gal., ii, 21. « Dieu, dit encore saint Paul, est fidèle et ne souffrira pas que vous soyez tentés par-dessus vos forces ; mais il vous fera tirer profit de la tentation elle-même, afin que vous puissiez persévérer. » I Cor., x, 13 ; cf. II Pet., î, 10. Cette espérance n’est pas une certitude absolue, id., 12 ; cf. Phil., ii, 13, puisqu’elle laisse subsister une appréhension. Néanmoins, la persévérance est possible et le salut est au bout. Matth., x, 22 ; xxiv, 13 ; Marc, xiii, 13. Sur le sens très général de ces derniers textes, voir Lagrange, Évangile selon saint Marc, Paris, 1920, p. 317.

Enfin, la possibilité de la persévérance ne rend pas, même avec le secours de la grâce, l’homme juste impeccable. Des péchés, péchés de surprise et de faiblesse, lui échappent encore : FloXXà yàp 7tzodoy.zi àrravreç. Jac, iii, 2. L’expression TTrateiv dénote cette surprise, cette faiblesse dans le péché. Cf. Matth., vi, 12 ; Luc, xr, 4 ; Marc, xi, 25 ; Ps., cxlii, 2 ; II Par., vi, 36, et peut-être Eccl., vii, 21 ; sur les textes dont le sens est douteux ou forcé, voir Ch. Pesch, Præleeliones dogmaiieæ, t. v, n. 177. Ces péchés sont ceux que nous nommons véniels.

II. LES PÈRES AVANT LA CONTROVERSE PÊLA QIBNNB. — 1° Les Pères apostoliques n’envisagent pas directement le problème de la vie chrétienne sous l’aspect de l’impossibilité morale où se trouve l’homme, même justifié, d’accomplir tout son devoir sans le secours de Dieu. Leurs exhortations présupposent toujours ce secours accorde : le souvenir du salut apporté par Jésus-Christ est encore très vivace et le retour du Sauveur est espéré si proche ! Néanmoins, ils connaissent les obstacles à la vie chrétienne. Ce sont toutes les fautes de la voie de mort. Didachè, v, commises par « ceux qui sont en éveil non pour le bien, mais pour le mal ». v, 2. L’auteur de la Didachè ne met pas en doute que le chrétien puisse accomplir toute la loi de Jésus-Christ, préceptes et conseils, ou tout au moins « ce qui est possible » à tous indistinctement, c’est-à-dire les préceptes, vi, 2. Les recommandations de vigilance qui terminent l’écrit concernent de toute évidence le prochain retour du Chris !  : mais, au point de vue moral, n’est-ce pas le même conseil qui convient à la persévérance dans le bien ?

La même préoccupation, persévérer dans la voie du salut pour être prêt au jour du jugement, se fait jour chez l’auteur de YÉpttre de Barnabe. Cf. iv. 1-14. Tout le c. v montre comment Dieu, par Jésus-Christ, nous en a donné les moyens, de telle sorte que périt justement l’homme qui, axant connaissance de la voie de la justice, se tourne vers la voie des ténèbres ». v. I.

Mêmes recommandations dans la / Cor. (le Clément, xxviii xxix. La seule chose importante pour l’homme est d’elle trouvé au nombre de ceux qui attendent le Seigneur. XXXV, I. Cela sera réalisé par la fidélité à

la voie de la vérité qui éloigne l’homme de tout ce qui est odieux à Dieu, xxxv, 5-6. En cela. Jésus Christ est

le protecteur et le soutien de notre faiblesse. XXXVI, 1.

c est lui qui ouvre les yeus de notre cœur, qui lionne la lumière a notre Intelligence privée de clarté

et de sagesse Id., 2. Il faut donc combat t re de toutes nos forées, en nous maintenant, tels (les soldais dlscl

plinés. dans l’ordre voulu par Dieu, xxxvii, i. L’impuissance de l’homme, laisse a lui naine, transparaît

dans les citations de Job, i. 16 sq. el. 15, faites par Clément, xxxix. La prière est le moyen d’obtenir a

tous de se conformer à la divine volonté, lvi, 1. et c’est l’obéissance aux préceptes divins qui nous placera au nombre de ceux qui sont sauvés par Jésus-Christ, i.viii. Dieu devant être, dans cette œuvre de salut, l’aide et le soutien des élus, lix en entier.

On trouve quelques traits analogues dans Ignace d’Antioche. La persévérance dans la prière et dans la foi est particulièrement recommandée aux Éphésiens, x, en vue du jugement prochain, xi, 1. Selon la forte expression de YÉpitre aux Magnésiens, c’est en se salant » en Jésus-Christ (àXîoOiQTS èv aÙTÔi) qu’on sera préservé de la corruption, x, 2. Ignace lui-même ne peut supporter ses souffrances que soutenu par Jésus Christ. Smyrn., iv, 2. L’Épitrc à Polycarpe, décrivant les armes nécessaires au combat de la vie chrétienne, vi, 2, rappelle Eph., vi, 11-17.

2° Des Pères apologistes il est suflisant de citer le plus représentatif, saint Justin. Bien que le péché originel reste en dehors des vues de l’apologiste, l’impossibilité pour l’homme d’accomplir, sans la grâce, les œuvres nécessaires au salut est clairement proclamée : « C’est près de Dieu seul qu’il faut chercher le salut et le secours. » Dial., c. en, P. G., t. vi, col. 713, et Apol., i, c. lxv : » Que les chrétiens prient, afin que ceux qui ont appris la vérité y ajoutent la pratique des bonnes œuvres et l’observation des préceptes ». Col. 428. Voir aussi les deux beaux textes cités ici, t. viii, col. 2268.

3° Parmi les controversistes, saint Irénée mérite une mention spéciale. L’essentiel de la doctrine catholique sur la nécessité de la grâce pour faire le salut se trouve dans l’enseignement de l’évêque de Lyon. Voir t. vii, col. 2487 sq. Par ailleurs, Irénée affirme la possibilité pour tous, avec l’aide de Dieu, de parvenir au salut et. d’autre part, il enseigne explicitement que l’observation de l’économie providentielle, c’est-à-dire de la loi divine, justifie l’homme qui a foi en Dieu et cherche à lui plaire. Cf. col. 2101. Malgré leur vague et leur insuffisance relative, ces indications montrent néanmoins que la doctrine catholique, sur l’impossibilité d’observer la loi et de ne pas pécher sans le secours de la grâce, se trouve déjà tout au moins Implicitement affirmée.

Clément d’Alexandrie et Origenc.

Le maître

d’Origène enseigne déjà que, « sans une grâce abondante, l’âme ne reçoit pas d’ailes et ne peut s’élever vers les choses d’en-haut ». Strom., t. V, c. xiii. éd. Stâhlin, t. ii, p. 381 ; P. G., t. ix, col. 124. Mais Origène est plus explicite. Bien qu’exaltant le libre arbitre. il n’ignore pas que l’homme a besoin du secours de Dieu pour vaincre les obstacles au salut. La lutte que le chrétien doit soutenir contre les démons et les tentations qu’ils suscitent est terrible. In tib. Jesu Navc, homil., xiv. l. P. (.’., t. xii, col. 802 ; xv, 5, col. 902 : éd.Bahrens. t. ii, p. 376-377, 389-390. Mais Dieu se sert de ces tentations et de ces luttes nécessaires pour procurer notre bien, c’est ; i dire notre triomphe sur le mal. 7/i Numéros, homil. iv, 2. ibid., p. 123, PG-. t- xii, col. i)77. Car ce qui manquera par suite à l’humaine faiblesse, lorsque nous aurons fait ce qui est en notre pouvoir, Dieu l’achèvera, lui qui coopère en tout avec ceux qui l’aiment en vue du bien (cf. Boni., viii, 28), avec ceux dont il connaît d’avance, selon son infaillible prescience, ce qu’ils seront. De oratione, n. 20 (fin), edit. Kœtschau, t. n. p. 392 ; P. <-’..t. xi, col. 545. La liberté humaine toute seule est impuissante à achever le bien (car elle est amenée a la perfection par un secours di in i. I lieu lui donne des aunes spii il uelles. Uràce auxquelles elle doit triompher « les puissances adverses. Ce sont les armes éiiunierees dans Eph., VI, Il sq. Cf. />< principtis, I. III. c. n. n. 2, I’. G., t. xi, col. 306 ; In Numéro », homil. vii, "> ».’dit. Bsehrens, i. n. p. bi is. P. G., t. mi. col. 618 620. ussi devons

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nous avoir confiance : Je récit de la tempête apaisée nous y invite. In Matth. commentarii, xi, G, P. G., t. xiii, col. ()2(i s(j. Sur ces textes d’Origène et la suite des idées, voir G. Hardy, Origène (coll. Les moralistes chrétiens). Paris, 1932, p. 44-77. Une phrase typique résume bien la pensée d’Origène : « Le vouloir et le courir de l’homme ne sufïisent pas pour remporter le prix. C’est Dieu qui achève la victoire par son secours. Notre perfection n’a pas son couronnement de nousmêmes : c’est Dieu qui en est le principal artisan. » De principiis, t. III, c. i, n. 18, P. G., t. xi, col. 289.

5° Les Pères grecs du IVe siècle. — Bien qu’ils s’attachent surtout à venger la liberté humaine des attaques manichéennes et gnostiques, les Pères grecs du ive siècle ont cependant reconnu l’impossibilité pour l’homme, sans la grâce de Dieu, de se maintenir ferme dans l’accomplissement du devoir. « Chaque jour, écrit saint Athanase, le Christ nous entraîne à la piété, nous incite à la vertu, nous enflamme du désir des choses célestes, nous révèle la connaissance du Père, nous inspire la force contre la mort. » Orat. de incarnatione, xxxi, P. G., t. xxv, col. 139. Saint Basile est plus précis : « Ceux qui auparavant étaient stériles et destinés aux flammes (de l’enfer), dès qu’ils ont revêtu le Christ, ont recouvert la stérilité de leur vie par la grâce du Christ. » Homil. in ps. XXVIII, n. 5, P. G. t. xxix, col. 296. « Personne ne peut combattre le démon, à moins de recourir à la protection de la puissance du souverain Maître, pour frapper l’ennemi par la foi. » In ps. xxxi i, n. 3, col. 328. Et, dans les tentations, c’est dans la grâce de Dieu qu’il faut placer notre espérance. Cf. Epist., cxl, n. 1 ; clxxiv, in fine ; ccxix, n. 1 ; ccxx, P. G., t. xxxii. col. 585 sq., 652, 812, 813 sq. Cf. E. Scholl, Die Lehre des hl. Basilius von der Gnade, Fribourg-en-B., 1881, p. 113 sq. « Pour vouloir le bien, dit saint Grégoire de Nazianze, se référant à Rom., ix, 10 (plus exactement, pour vouloir bien, PoùXecrOat xa>toç), l’homme a besoin du secours de Dieu ; le choix du bien est un don de la divine miséricorde. » Orat.. xxxvii, 13, P. G., t. xxxvi, col. 297. Saint Grégoire de Nysse, d’une part, affirme l’insuffisance de notre nature, De prop. sec. Deum, P. G., t. xlvi, col. 289 sq. ; d’autre part, la possibilité avec la grâce d’accomplir intégralement le devoir, car la loi divine n’oblige pas l’homme à ce qui dépasse la nature : « Il ne nous demande pas de devenir oiseau, ne nous ayant pas donné des ailes. » De beatitudinibus, orat. vi, P. G., t. xliv, col. 1265. Cf. J.-B. Aufhauser, Die Heilslehre des hl. Gregorius von Nissct, Munich, 1910, p. 164 sq.

Même note chez saint Jean Chrysostome : « Dix mille efforts ne peuvent nous faire produire le bien, si nous n’avons pas le secours d’en-haut. » In Gen., homil. lviii, 5, P. G., t. liv, col. 513. Impossibilité de vaincre les tentations. In I Cor., homil. xxiv, 1, P. G., t. lxi, col. 198 ; Homil. in paralytic, 2, P. G., t. li, col. 51. Mais, par contre, avec la grâce, possibilité de surmonter les tentations, loc. cit., et de parvenir à la persévérance finale. In Gen., homil. xxv, 8, P. G., t. lui, col. 228. Cf. In Act., homil. xxiii, 3, P. G., t. lx, col. 182 ; In Heb., homil. xvi, 4, P. G., t. lxiii, col. 126 ; In Matth., homil. lxxvi (lxxvii), 4, et In I Cor., homil. ix, 2, P. G., t. lviii, col. 699 ; lxi, col. 77.

Sur la doctrine de saint Cyrille d’Alexandrie, voir Weigl, Die Heilslehre des hl. Cyrillus von Alexandria, dans Forschungen zur christl. Lit. und Dogmengeschichte d’Ehrhard-Kirsch, t. v, fasc. 2-3 (1905), p. 251 sq.

6° Les Pères latins antérieurs à la controverse péla gienne exaltent encore, eux aussi, le libre arbitre, sans

négliger toutefois la nécessité du secours divin pour

agir conformément aux exigences de la vertu.

Tertullièn enseigne non seulement la nécessité et

l’efficacité de la grâce par rapport a nos libres décisions, De anima, c. xi.i, P.L. (1805 ;. t. ii, col. 764, mais encore la possibilité de persévérer pour celui qui a reçu le baptême avec une vraie pénitence, be pœnitenlia,

c. vi, P. L.. t. i, col. 1349-1350, S’adressant aux mai tyrs, il insiste sur le dur combat qu’ils sont obligés de livrer pour garder toujours l’Esprit saint en eux, et sur la nécessité de fortifier leur esprit contre les trahisons de la chair. Ad martyres, c. i, /'. L., t. i, col. 691 sq. Cf. A. d’Alès, L'/ théologie de Tertullièn. Paris. 1905, p. 270-272.

Avec saint Cyprien. nous avons une doctrine plus complète et plus précise. Commentant les paroles de l’oraison dominicale : « Pour que la volonté divine soit faite en nous, écrit-il, il est besoin de son secours et de sa protection, parce que personne n’est fort par ses propres forces. » De dominica orutione, c. xiv, P. L. (édit. 1865), t. iv, col. 545. La grâce baptismale lui a fait comprendre à lui-même que tout ce que nous pouvons vient de Dieu ». Epist. ad Donalum, 4, édit. Hartel, t. i, p. 6 ; cf. Testimoniorum, t. III, c. iv, id., p. 116. Le baptême, en effet, donne, par la grâce, le pouvoir de faire ce qui, avant le baptême, était impossible. Ad Donalum, loc. cit. On sait d’ailleurs que saint Augustin, dans la controverse pélagienne, cite fréquemment saint Cyprien, tout particulièrement la lettre Ad Donalum, 5, 14, 15. Ces textes, dit à juste titre A. d’Alès, « manifestent la continuité de la tradition chrétienne depuis saint Paul ». La théologie de saint Cyprien, Paris, 1922, p. 23. On consultera également le De dominica oralione, c. xii-xxvii ; cf. d’Alès, op. cit., p. 25-28.

La pensée de saint Hilaire est également très nette : « Il faut que nous soyons aidés et dirigés par la grâce, pour réaliser en nous l’ordre des justifications prescrites. » In ps. cxrin, lit. i, n. 12, P. L., t. ix, col. 509. « La miséricorde nous est donnée pour que nous demeurions fidèles au service de Dieu. » Id., lit. xvi, n. 10, col. 610.

Saint Ambroise : « Voyez, partout et toujours la force divine coopère aux efforts humains ; personne ne peut édifier sans le Seigneur, personne ne peut se préserver sans le Seigneur, personne ne peut commencer quelque chose sans le Seigneur. » In Luc, t. II, n. 84, P. L., t. xv, col. 1583. Cf. pour la résistance aux tentations, In ps. XLIII, 71, t. xiv, col. 1123.

Voir d’autres autorités citées par Lange, De gratia, n. 49, 179-180.

En résumé, jusqu'à Pelage, les formules sont encore générales ; elles affirment cependant, d’une manière explicite, la nécessité de la grâce pour faire son salut, pour demeurer fidèle à Dieu au cours de la vie, spécialement par la victoire sur les tentations. Sans Dieu, cette fidélité — disons cette persévérance — est impossible.

/II. LES PÈRES PENDANT LA COXTimrERSE PÉLAGIENNE. — 1° Saint Jérôme. — Dès le début de la controverse pélagienne, saint Jérôme prit position d’une façon très nette. Voir Pélagianisme, col. 689. Sa théologie n’est pas toujours précise ; dans certains passages du Dialogus adversus pelagianos, il ne distingue pas assez le secours spécial de la grâce du concours général requis pour tout acte de la créature. Cꝟ. t. I, n. 3, P. L., t. XXIII, col. 575. Mais, en ce qui concerne la nécessité de la grâce pour la persévérance dans le bien, il est très explicite : » D’après les pélagiens. dit-il ironiquement, le Christ n’aurait pas dû dire : veillez et priez, mais levez-vous et résistez, car vous avez votre libre arbitre et… vous n’avez pas besoin d’autre secours. » Id., t. II, n. 16, col. 552. Au t. III, n. 2. il affirme que l’impeccance absolue ne peut être attribuée qu'à Dieu et au Verbe incarné. Son raisonnement vaut pour la persévérance dans le bien : « Ce que je 126f

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA C ONT HO VERSE PELAGIENNË

1266

peux faire pendant quelques instants, tu ne me forceras pas à le faire toujours ; je puis jeûner, veiller, marcher, lire, chanter, m’asseoira dormir, mais le puisje perpétuellement ? » Col. 581. Voir la comparaison entre pélagiens et stoïciens. Epist., cxxxiii, n. 1, P. L., t. xxii, col. 1148.

Saint Augustin.

Il est incontestable que la doctrine

d’Augustin sur la persévérance des justes a subi une certaine évolution. Il serait toutefois exagéré de rattacher cette évolution au changement d’attitude qu’on observe chez Augustin par rapport à la première bonne disposition de la volonté, changement décrit ici. voir t. i, col. 2378. Elle n’est pas non plus en corrélation avec le concept de péché attribué par Augustin à toute œuvre, même bonne, des infidèles, concept repris et déformé par Baïus, voir ce mot, t. ii, col. 86 ; cf. Grâce, t. vi, col. 1578 sq.

La question de la persévérance des justes, en effet, est posée par les pélagiens avec assez de netteté, pour nous permettre de saisir, au cours de la controverse, la pensée de saint Augustin sur ce point précis. Pour les pélagiens, l’homme tient de Dieu la possibilité du bien ; mais il ne tient que de soi-même le bon usage de sa liberté, par conséquent, le pouvoir de ne pas pécher, d’observer les préceptes et de persévérer jusqu’à la mort dans cet état d’impeccance. Voir Pklagia NISME, Col. 68-1.

1. Il semble que d’abord saint Augustin n’ait pas prêté une attention suffisante à la nécessité d’un secours particulier de Dieu, en dehors de ce que nous appellerions aujourd’hui l’état de grâce. « Persévérer en l’Esprit saint, ce qui est au pouvoir du libre arbitre, entraîne le mérite de la vie éternelle. » E.vposit. quarumdam propositionum ex epist. ad Romanos, prop. 60, P. L., t. xxxv, col. 2079. Dans cette manière de s’exprimer, saint Augustin ne faisait que transférer

i l’humanité régénérée par le Christ ce qu’il enseignait

de l’humanité encore innocente en Adam, avant la faute originelle. Cf. Opus imperfection contra Julianum, I. III, c. ex ; De natura et gratta, c. xi.vin, n. 56 ; Dr Genesi ad lilteram, t. VIII, n. 25-26. P. 1… t. xi.v, c. 1.1291 ; xi.iv, col. 271 ; wxiv. col. 391.

2. Mais la controverse l’oblige bientôt à proclamer l’impuissance de l’homme, même ami de Dieu, à éviter le péché sans le secours divin, l.a doctrine générale d’Augustin est celle qui a été esquissée, ici même, t. i, col. 2385-2386, à propos de l’impeccantia pélagienne. Mais il n’est pas inutile de montrer comment saint Augustin propose déjà les arguments que la théologie moderne fera valoir en faveur de la nécessité morale de la grâce pour le posse perseverarc.

Le De spiritu et littera est en grande partie consacré .i montrer que le libre arbitre ne sullit pas pour vivre selon la Justice, Livré a lui seul, il ne saurait faire

autre chose que trébucher et pécher, s’il ne connail

pas la voie à suivre. Même celle-ci connue, il lui faut, en outre, la charité divine qui lui fera aimer cette voie m pour y progresser. Ainsi, le précepte donné de vivre selon la justice, sans l’esprit qui nous la fait aimer, c’esl la lettre qui lue. Car il est des choses qui. bien que théoriquement possibles en elles-mêmes.

ne peuvent, pour différents motifs, être réalisées en pratique. Et Augustin appuie son dire sur Rom.,

. 14-15. Cf. s u [ira. col. 1259. Chrétiens. Juifs, gentils,

tOUS ont un besoin indispensable de la grâce mérité* par Jésus Christ. Lire surtout, c. tv. n. 6 ; c. xix. n. 32 : (. x, n. 52. t. xr.iv. col. 203, 22(1. 233. D’autres textes peuvent être Invoqués en faveur de la aéces lité de la grâce divine pour soutenir et diriger le libre arbitre. Voir surtout />'’/rai m Christi, c viii, t. m. col. 364 ; De peccat. merlttt et remisiione, 1. II. c. v, n. 5. t. xi.iv. col. 153 (aux c vu. n. 7 : xvii. n. 26. i oi. 155, 167, ugiistiii indique nettement qu’avei la

grâce, la persévérance qui empêche de tomber dans le péché est possible à l’homme) ; De gral. et lib. arbitr.. c. vi. n. 13 : c. x. n. 22 : c. xi, n. 23, t. xliv, col. 889, 89-1, 895 ; Epist.. ci.vii, c. ii, n. 10 ; clxxv (lettre collective des évêques du concile de Cart liage à Innocent), n. 3 : ci.xxxvi. c. ix, n. 32. t. xxxiii, col. 677, 760, 827.

D’autre part, dans le De correptione et gralia. Augustin montre que le secours sans lequel Adam innocent n’aurait pu persévérer n’est plus suffisant, dans l’état actuel de l’humanité déchue et régénérée par le Christ, pour assurer la persévérance. Il faut un secours par lequel Dieu nous accorde et le pouvoir de persévérer et le fait de la persévérance. Ici-bas, au milieu de tant et de si fortes tentations inconnues au paradis terrestre, pour pouvoir vaincre le monde avec tous ses attraits, ses frayeurs, nous avons besoin d’une liberté plus forte, qui soit protégée et affermie par une grâce spéciale. Cf. c.xii, n. 38, t. xliv, col. 939. Ici, Augustin touche au problème de la persévérance finale. Sans elle, pas de véritable persévérance, et c’est la grâce qui donne à l’infirmité de la volonté humaine de ne pas succomber aux tentations, alors qu’elle pourrait y succomber et être vaincue par l’adversité. Ibid., cf. n. 35, col. 937. Dans le De natura et gratia, Augustin écrit déjà, contre les pélagiens, que, sans le secours du remède apporté par le Sauveur, le pouvoir de ne pas pécher était inconcevable, c. xi.viii, n. 56, t. xi.iv, col. 274, et, de cette infirmité de la nature, il trouve la raison dans les difficultés provenant des tentations. Cf. c. lui, n. 62, col. 277. Et, dans YEnarratio in ps. LZXXIX, n. 4, il propose la brève formule suivante : « Sans le secours divin, nous ne pouvons surmonter les tentations de cette vie par le libre arbitre de notre volonté. » T. xxxvii, col. Il 12.

3. Autant saint Augustin est ferme dans la doctrine de la nécessité de la grâce pour le simple po.sse perseverare, autant il est catégorique sur le fait que la grâce nécessaire ne manquera à personne. Si l’homme ne persévère pas, c’est que lui-même ne veut pas persévérer. De correptione et gralia, c. xiii, n. 42. t. xi.iv. col. 9 12. Dans ses sermons au peuple et dans ses premiers écrits contre les pélagiens. Augustin insiste sur cet aspect de la doctrine catholique. Dans le De natura cl gralia, il rappelle les prévenances et les soutiens de la Ljràce de Dieu, et conclut : Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais, en les conimandant.il l’avertit de faire ce que tu peux, et de demander ce que tu ne peux pas. « C. XXXI, n. 35 ; c. xi.ui. n. 50 ; t. xi.iv, col. 264, 271. Auparavant, il avait écrit dans le même sens : « Dieu, à moins d’être abandonné, n’abandonne personne de ceux qui veulent vivre, dans la pieté et la justice, i C. xxvi, n. 29, col. 261. Cf. De gratia et libero arbilrio, c. xvi, n. 32, col. 900 ; / ;  ; ps. LYl, n. I ; In ps. i, v/, l. n. 9, I. XXXVI, col. 661 ; I. XXXVII, col. 1890.

1. Enfin, sur la fin de sa carrière, saint Augustin précise sa pensée sur le don de la persévérance finale. Déjà, dans le De correptione et gratin, il donne à sa doctrine une expression plus parfaite ; mais les principes de cette doctrine avaient été déjà poses dans divers ouvrages antérieurs. Augustin renvoie lui-même au Dr diversis quæêtionibus ad Simplicianurn, 1. I ; aux lettres ci.xxxvi, ad Paulinum ; CXCIV, ’/(/ Snliim. Cf. De dont) prrsci<cranli ; c. v. xxi, n t. i. col. 1n’_'7. || aborde directement le problème

dans le De pradesltnatione tanctorum et surtout dans le Dedono perseveranttse qui en est la suite.

I, a pensée d’Augustin sur la persévérance linale est en relation étroite avec sa doctrine de la prédestination. Voir t. i. col. 2398. Nous nous boi aérons i< i aux traits concernant directement la persévérance finale. Dans le », correptione et gralia. le saint évêque

enseigne que c’est la grâce divine qui tire les élus de 1267

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA CONTROVERSE PÉLAGIENNE

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l’originelle damnation, leur procure le bienfait de la loi et leur assure la persévérance finale, s’ils viennent ; i quitter en coins de roule le droll chemin, la grâce les y ramène et c’est encore la grâce qui leur enlève la vie, à n’importe quel âge, pour les soustraire aux dangers de l’existence. C. vii, n. 13, t. xr.iv, col. 924. Ceux qui se perdent à la mort, même après avoir été quelque temps fidèles, n’ont jamais eu la persévérance finale, qui les eÛ1 séparés de la masse de perdition, n. 16, col. 925. Et c’est tellement la grâce qui opère en l’homme la persévérance finale, qu’il faut distinguer soigneusement cette grâce de celle qui. pour Adam innocent, était la condition de sa persévérance : la grâce d’Adam était le secours sine quo l’homme ne pouvait persévérer ; la grâce que reçoivent maintenant les élus est le secours quo /il ut persévèrent. C.xii, n. 34, 38, col. 936, 939.

Une doctrine analogue se retrouve dans le De donu perseveranlix, avec quelques traits nouveaux. Augustin affirme que la persévérance finale est pour l’homme un don de Dieu. Car c’est à la fin de la vie seulement qu’existe le grand danger de manquer le salut. Tant que l’homme est en vie, il est incertain s’il a ce don. Car, s’il vient à pécher avant de mourir, en toute vérité, il ne peut être dit avoir persévéré. Sans doute, c’est déjà une sorte de persévérance de passer un certain temps de sa vie sans pécher ; mais celui qui ne persévère pas jusqu’à la fin ne saurait être dit avoir la grâce de la persévérance. C. i, n. 1, t. xlv, col. 993 ; cf. c. vi, n. 10, col. 999. Cette grâce de la persévérance finale ne nous est pas accordée selon nos mérites, mais selon la volonté très secrète et en même temps très juste, très sage, très bienfaisante de Dieu. C. xiir, n. 33, col. 1012. Ce don de Dieu ne peut donc être obtenu que par nos supplications, suppliciter emereri potest. C. vi, n. 10 ; cf. xxiii, n. 64, col. 999, 1032. La persévérance finale est un don de Dieu, et qui ne dépend que de Dieu, parce qu’il appartient à Dieu seul d’imposer, quand il lui plaît, un terme à la vie ; c’est lui seul qui peut envoyer la mort à un homme, avant une chute qu’il prévoit, afin d’assurer sa persévérance. C. xvii, n. 41, col. 1018. Cf. Epist., ccxvii, ad Yilalem, c. vi, n. 21, t. xxxiii, col. 98(3.

C’est ce qui fait que, même pour les enfants baptisés et mourant avant l’usage de la raison, le simple fait de mourir en état de grâce constitue déjà le bienfait de la persévérance finale. Cf. Epist., cxciv, n. 32 ; ccxvii, n. 19 ; Contra Julianum, t. IV, c. viii, n. 42 ; De dono perseverantiæ, c.xii, n. 31, t. xxxiii, col. 885, 985 ; t. xliv, col. 759 ; t. xlv, col. 1011.

Après saint Augustin.

Les disciples d’Augustin

maintiennent intégralement ses affirmations. D’une part, ils affirment pour l’homme, pour le juste lui-même, l’impossibilité, sans la grâce de Dieu, d’éviter le péché et de surmonter les tentations au cours de l’existence. Cf. saint Prosper d’Aquitaine, Liber contra collalorem, c. xviii, n. 3, P. L., t. li, col. 265 ; l’auteur du De vocatione gentium, I. 1, c. vi, P. L., t. i.i, col. 652 ; saint Fulgence, Epist., iv, c. iv, n. 7, P. L., t. lxv, col. 341. D’autre part, le don de Dieu dans la prédestination et la persévérance finale est prêché dans le sens d’Augustin. Cf. Saint Prosper, Responsiones ad capitula objectionum Gallorum, ad 7um. P. /, .. t. li, col. 161 (xlv, col. 1836) ; saint Fulgence, Epist.. xvii, epilog., n. 67, P. L., t. lxv, col. 492.

4° Persévérance dans te bien et péché véniel, chez les Pères. — L’affirmation de la possibilité pour l’homme d’éviter, avec la grâce de Dieu, les fautes graves et de surmonter les difficultés morales, n’empêche pas les Pères, soit avant, soit surtout pendant la controverse pélagienne, de reconnaître qu’il est impossible à l’homme justifié, même avec le secours de la grâce, d’éviter absolument tout péché.

1. Avant lu controverse, nous trouvons cette doctrine déjà explicitement affirmée par de nombreux auteurs : Origène n’excepte quc Jésus-Christ, (.nuira Celsum, I. III, c lxii, P. C, t. xi, col. 1001 : Grégoire de Nazianze dit qu’être sans péché n’appartient qu’à Dieu, Or., xvi, ii. 15. P. (, .. t. xxxv, col. 953. Voir saint Jean Chrysostome, /n Genesim, homil. i.x. n. I, P. (’, ., I. i.i v. col. 524, et, chez les Latins, saint Cyprien, De opère et eleemosyna, n. 2. édit. Hartel, t. i. p. 374 ; De oratione dominica, n. 22. P. L. (édit. 1X65), col. 552 ; Optât de Milève, Deschism. donat., I. Vil, c. n. P. /… t. xi, col. 1085. Voir aussi les témoignages de Cyprien et d’Ambroise, rapportés par saint Augustin, (’.unira duas epist. pelag., I. IV. c. x, n. 27 sq. ; c. xi, n. 29-31, P. Y… t. xi. iv. col. 629 sq., 632-636.

2. Pendant la controverse, étant donnée l’orgueilleuse position prise par les pélagiens concernant le fait de l’impeccance parfaite, conçu comme possible pour l’homme libre, les Pères proclament hautement que cette impeccance absolue est un mythe. Voici, chronologiquement, les réactions de la pensée catholique contre l’assertion pélagienne. En 411, condamnation des erreurs de Célestius au concile de Cartilage, d’après les Actes publiés par Marius Mercator, c. vi : Posse esse hominem sine peccato et facile Dei mandata servait- ; c. vu : Quia et ante Christi adventum fuerunt hommes sine peccato…. P. L., t. xlv, col. 1681. En 412, saint Augustin réprouve la parfaite impeccance préconisée par les pélagiens, De peccatorum merilis et remissione, t. II, c. ii, n. 3, P. L.. t. xliv, col. 152 ; voir également c. vi, n. 7 ; c. xvii, n. 26, col. 155, 167. Dans le De spirilu et liltera, il reconnaît que la vie d’ici-bas ne peut pas être sans péchés véniels, mais que ces péchés n’empêchent pas les justes d’entrer dans la vie éternelle, c. xxvii. n. 48 ; cf. c. xxxv, n. 65, t. xliv, col. 229, 242. En 414, l’erreur de l’impeccance se répand en Sicile ; pour la réfuter, Augustin écrit la lettre clvii, t. xxxiii, col. 674. En 415, dans De natura et gratta, c. xxxvi, n. 42, il excepte la sainte Vierge, mais à tous les autres, il applique la parole de saint Jean, I Joa., i, 8, t. xliv, col. 267. Dans De perfectione justitiæ hominis, c. xxi, n. 44, il éprouve quelque difficulté à admettre qu’un juste, si parfait ait-il été, n’ait jamais commis le moindre péché : si cela était, il faudrait l’attribuer à un secours très particulier de Dieu. T. xliv. col. 316. En 415 également, le concile de Diospolis fait déclarer à Pelage qu’il « n’a pas dit qu’il ait existé quelqu’un qui. depuis son enfance jusqu’à sa vieillesse, n’eût jamais péché ». Voir ici col. 692 ; cf. saint Augustin, De gestis Pelagii. c. vi, n. 16 sq. ; c. xi, n. 23 sq., t. xliv. col. 329, 333. En 416. les Pères des conciles de Cartilage et de Milève et les cinq évêques écrivent leurs lettres à Innocent I er contre la justice parfaite des pélagiens (dans les lettres de saint Augustin i, Epist, , clxxv, n. 3 ; clxxvi, n. 2 : c.i.xxvii, n. 16-18, t. xxxiii. col. 760, 763, 771-772. En 117. Augustin écrit le !)< gestis Pelagii. lui 418, a lieu le grand concile de Cartilage, dont les canons 7-8 condamnent la doctrine île l’impeccance absolue. Voir Milève /Conciles de t. t. x, col. 1757. En 420. dans le Contra duas epist. pelag., Augustin ne se contente pas d’invoquer contre la thèse pélagienne les autorités de Cyprien et d’Ambroise : il affirme lui-même, avec beaucoup plus d’assurance qu’auparavant, la fausseté de la doctrine de l’impeccance : multi fidèles sunt sine crimine. sine peccato neminem dixerim, 1. I. c. xiv, n. 28 : et il compte parmi les erreurs de Pelage l’affirmation qu’en cette vie il existe des justes nullum habentes omnino peccatum, 1. IV. c. x. n. 27, t. xliv. col. 563 et 629. Dans VEnchiridion, écrit en 121, il proclame l’existence de ces péchés légers, sans lesquels la vie terrestre ne saurait exister, et que la prière suffit à remet Ire :

dclet omnino hsec oratio minima et quotidiana peccata, n. 71, t. xl, col. 265. Dans le De hæresibus (428), il oppose à la prétention des pélagiens la prière que doivent réciter tous les hommes sans exception : Dimitte nobis débita nostra, n. 88, P. L., t. xlii, col. 48. Ainsi, la doctrine d’Augustin est devenue de plus en plus ferme sur ce point. Voir Grâce, t. vi, col. 1594.

Saint Jérôme prit part, lui aussi, à l’affirmation catholique. Voir surtout Adversus Jovinianum, t. II, n. 30 sq., P. L., t. xxiii, col. 327. Citons également saint Léon le Grand, Serm., xv, c. i. P. L., t. liv, col. 174 ; saint Grégoire le Grand, Moral., I. XXI, c. xii. P. L., t. lxxvi, col. 201. Pour saint Cyrille d’Alexandrie, voir Weigl, op. cit., p. 272.

Cassien lui-même a longuement professé la doctrine catholique sur ce point, dans ses Collaliones, XXIII, c. xvii : quod sancti omnes veraciter immundos se et peccatores esse confessi sunt ; c. xviii : etiam justos et sanctos sine peccato non esse ; c. xix : ex dominiez precationis formula ostenditur neminem sine peccato vivere ; c. xx : quod in ipso quoque orationis tempore peccatum declinari vix possit. P. L., t. xlix, col. 12731278.

IV. LES PREMIER* DOCUMENTS DU MAG18TÈJIE. — La pensée officielle de l’Église se fait jour dans divers documents provoqués par les remous de la controverse pélagienne.

1° Déjà le synode de Diospolis avait contraint Pelage à avouer que l’homme, « converti de l’état de péché, pouvait, par ses propres efforts et la grâce de Dieu, ne plus pécher, sans prétendre, néanmoins, qu’il fût impeccable ». Voir Péi.agianisme, col. 092. Il est manifeste, dans ce document, que les Pères du concile exigent le secours de la grâce laquelle permet à l’homme justifié de persévérer dans le bien, sans pour cela le rendre totalement impeccable,

2° Le concile de Carthage de 418 affirme explicitement la nécessité de la grâce justifiante pour éviter les fautes à venir (can. 4) ; secours non seulement parce qu’elle éclaire notre intelligence et nous fait connaître ce que nous devons faire ou éviter, mais encore parce qu’elle nous donne la force indispensable pour aimer et pratiquer ce que nous savons être bon (can. 5). Il déclare enfin que la grâce (le la justification nous est donnée non seulement pour que nous puissions l’aire, avec plus de facilité, ce que nous devons (ou pouvons) faire par notre libre arbitre, niais parce que, sans elle, nous ne. pourrions aucunement le faire > (can. 6). Voir le texte de ces canons. I. x. col. 1750 ; 1 >cnL.-Bannv.. n. 103. 104, lo."> (can. 3, I. : > i : Cavallera. Thésaurus, n. 813.

(es canons sont dans l’esprit et même dans la lettre de la doctrine d’Augustin. La grâce de la justification n’est pas ici exclusivement ce que nous appellerions aujourd’hui la grâce sanct ifianle ; c’est toute espèce de secours surnaturel concourant a notre justification lui d’autres termes, le concile affirme la nécessité d’un secours spécifiquement surnaturel pour persévérer dans le bien et accomplir les préceptes divins.

3° Dans les capitula annexés à la lettre de Célestin I"

contre les semi pélagiens, voir t. ii, col. 2052 sq.. le c. m est le commentaire d’un passage de la lettre d’Innocent [ « aux eveques du concile de Cartilage. Le

secours divin j est affirmé nécessaire à la persévérance

dans une bonne vie, pour surmonter les embûches du

démon et vaincre les convoitises de la chair : Bien /pu Jésus-Christ Hit racheté l’homme de ses péchés passés, écril Innocent, sachant cependant qu’il pouvait pécher <nrore. il lui a réservé de nouvelles grâces pour réparer ses force » ri guérir ses blessures ! il nous offre donc, chaque mur, des remèdes, et ii nous n’appuyons pas tur ce tecours nos efforts rt notre confiance, nous ne

pourrons en aucune façon triompher des erreurs humaines. C’est l’inévitable loi ; avec, le secours de Dieu. nous sommes vainqueurs, sons lui nous sommes vaincus.

Le c. vu déclare que nul ne peut user du libre arbitre pour le bien que par la grâce du Christ.

Le c. ix rapporte également un texte du pape Zozime, proclamant la nécessité du secours divin contre les défaillances de la nature et les attaques des démons : commentaire de saint Paul, Eph., vi. Il sq., et Rom., vii, 12 sq.

Le c. x rapporte, en les approuvant, les canons ci-dessus cités du concile de Carthage de 118.

Le c. xi résume toute la doctrine et attribue à Dieu « le commencement dans la bonne volonté, le développement des efforts louables et leur persévérance jusqu’à la fin ».

4° Le deuxième concile d’Orange, voirt. xi.col. 1093 sq., vise surtout la doctrine de la nécessité de la grâce dans l’ordre spécifiquement surnaturel et de l’impuissance de la nature humaine à s’élever par elle-même à cet ordre. Toutefois, le can. 10 rappelle que les régénérés et les saints doivent, eux aussi, toujours implorer l’aide de Dieu, afin de pouvoir parvenir à une bonne fin et pouvoir persévérer dans le bien. Denz.-Bannw., n. 183 ; Cavallera. n. 854. On a fait observer, t. xi, col. 1096, que ce canon tend à parer au reproche, adressé par Fauste à la doctrine augustinienne. qu’elle rend la prière inutile. Néanmoins, il implique que le secours de Dieu est nécessaire pour persévérer dans le bien et parvenir à une bonne fin : à cet égard, il offre une base doctrinale sérieuse à la question théologique de la persévérance dans l’état de grâce.

La conclusion du concile affirme, au nom de la foi catholique, « qu’avec l’aide et la coopération du Christ, tous les baptisés peuvent et doivent, en vertu de la grâce revue au baptême, accomplir tout ce qui est nécessaire au salut de l’âme, s’ils veulent fidèlement y travailler ». Mais c’est Dieu qui, « antérieurement à tout mérite de notre part, nous inspire la fin (à laquelle nous devons tendre) et l’amour (que nous devons avoir) pour lui. afin « pic nous recherchions le baptême et qu’après le baptême nous soyons capables de faire, avec son aide, ce qui lui plaît >.

5° Aucun document ne sanctionne officiellement la doctrine de la persévérance finale, telle que l’expose saint Augustin. Néanmoins, il convient de rappeler les éloges adressés à la doctrine de saint Augustin par Gélase I er, dans Thiel. Epist. rom. pont., p. 571 : cf. P. L., t. i ix. col. 30 sq.. par llorniisdas, Denz.-Bannw. , n. 3027 ; Cavallera, n. 851. par Boniface 11. P. /… I. xi.v. col. 1700 ; DcnL. Bannw.. n. 3030 ; Cavallera, n. 857. On peut en ((inclure que la doctrine d’Augustin est pour le moins fortement recommandée.

6° Les controverses ultérieures sur la prédestination ont eu pour effet, au point de vue qui nous Intéresse, de mettre en relief l’infirmité de la volonté humaine, libre encore sans doute après le péché, mais d’une

liberté atténuée et affaiblie, et qui, par conséquent,

a besoin du secours de Dieu pour lui rester fidèle.

A la fin du Ve siècle, déjà, nous avons en ce sens foule une partie de la rétractation imposée par le concile d’Arles au piètre Lucidus. Cavallera, n. 847, P.L., t. in i. col. 683. Voir art. Lucidus, t.ix. col. 1023 Au IX’siècle, lois de la querelle autour de (iollschalk. lis deux partis, auguslinicn et anl iaugust inien. I’.ii dence de Troves. licniv de l, on. l’.bon de Grenoble, d’une part. Ilincmar et ses fidèles, de l’autre, ont affirmé unanimement, malgré certaines contradictions

plus verbales que réelles, la possibilité pour le libre arbitre, même après la (bute, de se diriger dans la voie i bien avec le secours de la grâce divine. Voir coin île de Quierzy, ’an. 2. Denz. Bannw., n. 317 ; Cavallera.

11. 861 ; de Valence, eau. 6, Denz.-Bannw., n. 325 ; Cavallera, n. 862 ; concile de Tuzey, Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, I. iv, j). 230. Les expressions du traité De tribus epistolis, manifeste de l’Église de Lyon, sont particulièrement remarquables. Voir c. xxxvii et xxxviii, P. L., t. cxxi, col. 1048 sq. Plus nettes encore celles du De tenenda Scriptwse veritate, qui est du même auteur. Voir c. XI, ibid., col. 1112.

V. LA TBÈOLOOIE DV UOÏBN A.OJS. — Pour bien comprendre le progrès qui s’accomplit alors, de Pierre Lombard à saint Thomas et à ses commentateurs ou à ses contradicteurs, il faut se souvenir que notre terminologie actuelle : grâce sanctifiante ou habituelle, grâce actuelle, n’existe pas encore au début du xme siècle. Bien des équivoques ou des obscurités peuvent subsister si l’on ne prête pas attention à ce fait. Sans doute, quant à la chose elle-même, la doctrine d’un secours divin permanent et d’un secours passager existait, même chez saint Augustin. Cf. P. Dumont, Le surnaturel dans la théologie de saint Augustin, dans Revue des sciences religieuses, 1931 et 1932. Mais, jusqu’à Alexandre de Halès, la terminologie était variable.

Pour Pierre Lombard, la grâce sanctifiante paraît être la charité, identifiée avec le Saint-Esprit lui-même, gratia gratis dans, tandis que la grâce actuelle serait gratia gratis data. Sententiarum, t. II, dist. XXVII, n. 4.

Alexandre de Halès réagit contre cette conception. Il établit ce qu’il y a d’habituel dans la grâce sanctifiante, qui, distincte du Saint-Esprit et grâce créée, rend l’homme agréable à Dieu et semblable à lui. De toute évidence, l’influence de la philosophie aristotélicienne se fait sentir dans les concepts qu’Alexandre introduit dans la théologie de la grâce. La grâce est, pour lui, une forme qui perfectionne l’âme et ses puissances. Sum. theol., III », q. lxi, m. 6, a. 1 ; cf. m. 2, a. 4. Cf. Karl Heim, Das Wesen der Gnade… bei Alexander Halesius, Leipzig, 1907, p. 37 sq. Alexandre appelle grâces gratis datæ les autres grâces, actuelles ou habituelles (foi et espérance informes, charismes de la primitive Église). A l’égard du libre arbitre, la grâce est rectificans, comptais, élevons. Sum. theol. II a, q. xci, m. 1, a. 3.

Saint Bonaventure adopte la terminologie d’Alexandre, gratia gratum faciens, et gratia gratis data. La grâce gratum faciens, don créé et distinct de la grâce incréée, est le principe informant l’âme pour la vivifier et la réformer, In II » m Sent., dist. XXVI, a. 1, q. il. Sous le nom de grâce gratis data, il comprend quidquid illud sit, quod superadditum est naturalibus, adjuvans aliquomodo et prxparans voluntatem ad habitum vel usum gratia’, sive… sit habitus, sicut timor servilis, vel pietas aliquorum visceribus inserta ab infantia, sive sit etiam aliquis actus, sicut aliqua vocatio vel loculio, qua Deus excitât animam hominis ut se requirat. Id., dist. XXVIII, a. 2, q. i. La grâce gratum faciens est quelque chose de divin dans l’âme, au-dessus du libre arbitre ; la grâce gratis data tient le milieu entre le don de la grâce sanctifiante et la liberté naturelle de la volonté. Id., ibid. Voir aussi Breviloquium, part. V, c. i. Cf. F. Mitzka, S. J., Die Lehre des hl. Bonavenlura von der Vorbereitung au/ die heiligmachendc Gnade, dans Zeilschr. fur kathol. Theol, t. l, 1926, p. 27-72, 220-252, et dans Scholaslik (Fribourgen-B. ), t. i, 1926, p. 619 sq.

Albert le Grand réserve aussi le nom de gratia gratum faciens au don habituel, créé, qui constitue une habitude infuse, rendant notre âme capable d’accomplir des œuvres méritoires pour le ciel. //) IIum Sent., dist. XXVI, a. 1, 2, 3 ; cf. Sum. theol., l q. xxvi, a. 1 ; lia, q. xcviii, m. 1 et 2. On ne trouve pas chez Albert d’expression particulière répondant à notre concept de

grâce actuelle. Cel aspect de la grâce est chez lui négligé.

Avec saint Thomas, nous avons à la fois une doctrine plus ferme et une terminologie plus précise. Il distingue la grâce gratum faciens. et la grâce gratis data. La grâce gratum faciens. ayant pour effet de rendre l’homme agréable a Dieu ou de le disposer a le devenir ou à le demeurer, est tout secours divin, d’ordre surnaturel, habituel ou actuel. C’est la grâce créée, qui doit être distinguée de la volonté divine, laquelle, en un certain sens, peut encore être appelée gratum faciens. De verilale, q. xxvii, a. 5. On voit que. pour saint Thomas, la grâce gratum faciens, créée, comporte ce que nous appelons « grâce habituelle » et grâce actuelle ». On trouve déjà, sous la plume de saint Thomas, le nom de donum habituale, cf. Sum. theol., I a -II ; e, q. cix, a. 0. Mais la grâce actuelle n’a pas encore de dénomination propre : elle est décrite comme un auxilium graluilum Dei inlerius moventis sive inspirantis bonum propositum. Ibid.

La terminologie scotiste n’est pas encore définitive. Scot accepte la division proposée par saint Thomas, et distingue grâces gratis datæ et grâces gratum facientes ; ces dernières de deux espèces : gratum faciens vel actualiter, vel dispositive. In I V’um Sent., dist. VI, q. v, n. 11. La première est la grâce habituelle, la seconde, la grâce actuelle. Voir ici t. iv, col. 1899. Mais on trouve aussi gratia tout simplement, ou auxilium graliæ, ou encore adjutorium ad salutem, pour désigner la grâce actuelle. Cf. Minges, Compend. theol. dogm. spec, t. ii, Batisbonne, 1922, n. 54, 57, 58 ; Die Gnadenlehre des Duns Scotus au/ ihren angeblichen Pelagianismus und Semipelagianismus geprùft, Munster, 1906 ; Joseph Klein, Franziskanische Studien, t. viii, 1921. p. 260 sq.

De l’école occamiste nous n’avons rien à retenir, la grâce actuelle y étant méconnue et confondue avec le concours général de Dieu, voir Scheeben, Dogmalik, t. iii, n. 41 ; Denifle, Luther und Luthertum, t. i, p. 577 sq., 586 sq. ; sauf peut-être chez Marsile d’Inghen ; cf. Gerh. Bitter, Studien zur Spàlscholaslik. I. Marsilius von Inghen und die okkamistische Schule in Deulschland, Heidelberg, 1921. Pour les autres occamistes, voir aussi K. Feckes, Die Stellung der nominal. Schule zur aktuellen Gnade, dans Romische Quartalschrift, t. xxxii, 1924, p. 157-165, et Die Rechtfertigungslehre des Gabriel Biel, Munster, 1925.

C’est à Capréolus († 1444) qu’il faut rapporter l’origine de la terminologie actuelle : Non enim oportet, quod dispositio positiva ad graliam. scil. detestatio peccati et appetitus gratia ! et justifia’, procédât ex gratia habitua li gratum faciente ; serf su/fuit, quod procédât ex gratia acluali gratis data, qux est aliqua motio, ut oslendil S. Thomas, / » -// », q. CXII, a. 2. Defensio theol. D. Thomæ In IV U’= Sent., dist. XIV, q. ii, a. 3, ad lum, édit. de Tours, t. vi, 1906, p. 321.

Les autres théologiens immédiatement antérieurs au protestantisme parlent de la motion divine, gratia motionis divinse ou du secours divin gratuito movens. Cf. Lange, De gratia, n. 500.

Dans l’exposé des doctrines scolastiques, il conviendra de se souvenir de cette terminologie mouvante et parfois peu concordante.

Avant saint Thomas.

Dans son dialogue De

libero arbilrio, saint Anselme (| 1109) ne fait que rappeler les principes généraux sur lesquels s’appuiera, au xme siècle, la théologie de la persévérance. Par suite du péché originel, le libre arbitre a perdu la rectitude, c. iii, P. L., t. clViii, col. 494 ; aucune tentation, cependant, ne le force à pécher, c. v, col. 496 ; et, néanmoins, la volonté paraît impuissante devant la tentation, c. vi, col. 498. La rectitude ne peut être rendue que par celui qui l’avait donnée, c. x, col. 502.

1273

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA THEOLOGIE MÉDIÉVALE

Dans le traité suivant, Traclatus de concordia præscienliæ et prædestinationis necnon graliæ Dei cum libero arbitrio, Anselme déclare que la rectitude ne peut être conservée qu’avec le secours de la grâce, en raison des tentations que doit repousser le chrétien ; à plus forte raison, que la grâce est nécessaire à son accroissement. Q’. ni, c. iv, col. 525. Au sujet de la persévérance finale, Anselme a une phrase suggestive à propos de la fidélité des bons anges : Ille angélus qui stelit in veritate, sicut ideo perseveravit, quia perseverantiam habuit, ita ideo perseverantiam habuit quia accepit, et ideo aecepit, quia Deus dédit. De casu diaboli, c. ii, col. 328.

Saint Bernard († 1153), dans son traité De gratia et libero arbitrio, est plus orateur que théologien. P. L., t. clxxxii. Le libre arbitre n’a pas été détruit par le péché originel, mais s’il demeure, c’est dans un état misérable. Il lui faut donc le secours de la grâce : ipsa liberum excitât arbitrium, cum seminat cogitatum ; sanat, cum immutat afjectum ; roborat ut perducat ad actum ; servat, ne sentiat defectum. De grat., n. -17, col. 1026.

C’est Pierre Lombard († 1160) qui, le premier, écrivit un traité didactique de la grâce, Sententiarum, t. II, dist. XXIV-XXVIII. La dist. XXIV est consacrée à l’étude du libre arbitre et de ses possibilités de chute. La dist. XXV montre, dans le libre arbitre, les ravages du péché originel. Avant la chute, l’homme pouvait ne pas pécher : il possédait la liberté a miseria et a peccato ; après le péché, il conserve sans doute sa liberté, mais il a perdu cette liberté qui le préservait facilement du péché. Aussi les pélagiens doivent-ils être condamnés pour avoir dit que l’homme déchu peut accomplir les préceptes de la loi sans le secours de la grâce. La grâce est donc nécessaire à l’homme pour vaincre ses tentations et ses vices. Dist. XXVIII, n. 2. C’est sur ce thème que les commentateurs broderont leurs variations concernant la nécessité de la grâce pour la persévérance active.

Si la doctrine d’Albert le Grand (1206-1280) accuse un réel progrès dans la conception de la grâce habituelle, don créé, habitas surnaturel perfectionnant essence et puissances de l’âme, communiquant une vie nouvelle à l’âme, In IIum Sent., dist. XXVI. a. 1-5 ; cf. Sum., l a, q. xxvi, a. 1 ; II 1. q. xc.vin. m. 1. 2, elle est assez timide, pour ne pas dire muette, sur le rôle de la grâce actuelle dans l’œuvre « le notre persévérance. A prendre a la lettre les assertions d’Albert, U semblerait que le pécheur seul ne peut résister aux tentations et remplir, même d’une façon naturellement honnête, les préceptes de la loi. Dist. XXVIII, a.’Sum., I I- 1. q. c m. 2. Celle imprécision appelle des

réserves et sera corrigée par les théologiens contemporains ou postérieurs.

Alexandre de I laies († 1245) distingue, on l’a VU, grâce Incréée et grâce créée, grâce gratum /ariens et grâce gratis data. Voir col. 1271. D’une manière gêné raie, c’est la grâce qui excite notre libre arbitre en le faisant coopérer a l’action divine en nous, Sum. theol., III », q. i.xi, a. : i. I ; elle nous fait ainsi éviter le péché

mortel, a..">. Les assertions d’Alexandre relatives an posse peneverare se trouvent dans la IV* partie de sa Somme. On peut les ramener a trois : a) Il est impossible de fixer le libre arbitre dans le bien sans détruire par là même les conditions normales de la nature humaine, q. xc.i, m. 1. a. 2. S.’î, résol. ; b) Sans la

grâce, même dans l’état d’innocence ci. a plus forte

raison, dans l’étal présent, eu égard aux difficultés

qu’il comporte, l’bomme ne saurait progresser dans le bien, ld., m. 1. a. : î. s > résol. : c) Cette grâce néces aire est la grâce sanctifiante, ld., m. 2. a. t. résol.

Saint Bona vent urc < : - 1274) est plus précis. In

// » Sent., dist. in. n expose que, sans la

sanctifiante (gratum jaciente), l’on peut résister au diable avec le secours de la grâce actuelle (gratis data), mais non pas le vaincre. Vaincre le diable comporte, en effet, en plus de la résistance, un acte méritoire du ciel, ce qui suppose la grâce sanctifiante. A. 1, q. ri. Cette opinion de Bonaventure a été rappelée avecéloges dans les discussions du concile de Trente. Conc. Trid., éd. Elises, t. v. p. 571. La grâce gratis data (qui renferme, en plus de la grâce actuelle, des secours habituels, mais non encore informés par la charité, voir ci-dessus, col. 127 1). cette grâce gratis data est encore nécessaire à l’homme déchu pour observer les commandements d’une observance purement naturelle (quoad substanliam operisj. A. 1, q. ni. Aussi est-il faux de prétendre, comme quelques-uns l’ont soutenu, que, sans le secours de la grâce, le libre arbitre est capable de résister à toute tentation par ses seules forces. Une telle assertion est fausse et contraire â la sainte Écriture et au témoignage des saints. La continence et la foi, nécessaires pour résister aux tentations de luxure et d’infidélité, ne peuvent exister sans le don de la divine grâce. A. 2, q. n. Toutefois, il ne faut pas tomber dans l’excès opposé et dire que, laissé à ses seules forces, le libre arbitre est incapable de résister à une tentation. L’expérience montre qu’il n’en est pas ainsi. Aussi faut-il affirmer que le libre arbitre, d’une part, ne peut, en raison de sa faiblesse et de sa versatilité, résister à toutes les tentations, mais, d’autre part, ne doit pas nécessairement succomber â toute tentation. Ibid. Ailleurs, saint Bonaventure semble affirmer la nécessité du don habituel de la grâce. In Ill am Sent., dist. XXX, q. î. Les grandes tentations, du moins, exigent un accroissement de grâce sanctifiante : la résistance initiale procure, â la fin de la tentation, cet accroissement. Ibid. Voir, sur le manque de précision de saint Bonaventure sur ce point, la note de ses éditeurs, édit. de Quaracchi. t. III, ]). 659. Et, précisément, l’accroissement de grâce habituelle montre que, dans la pensée de saint Bonaventure, la persévérance est toujours possible aux justes : Deus hominrm habentem carilalem minquain deserit, nisi ille voluniarie ab eo recédât ; quin potins secundum quod augetur tentationis bellum, operatur Deus caritatis augmentum. In II Ium Sent., dist. XXX, q. î.

Saint Thomas d’Aquin.

Le Docteur angélique

réalise, dans la question de la persévérance, un progrès considérable. A part la terminologie, il envisagera pour ainsi dire tout l’essentiel du problème moderne, tel que le concile de Trente le proposera à la théologie cali dique. Le cadre de la doctrine de saint Thomas esl très nettement tracé dans la Somme théologique. I’-ll. q. CIX, a. 1. S. ! » et III.

Dans l’article 8, saint Thomas se demande si l’homme, sans la grâce, peut ne pas pécher i et. dans l’article 0, si « celui, qui est déjà arrivé a la grâce, peut, de lui-même et sans un autre secours de la grâce, faire le bien el éviter le mal. c’est-à-dire persévérer ? Dans l’article 10, il se demande si l’homme en étal i< grâce a besoin d’un secours nouveau de grâce pour persévérer > jusqu’à la fin de la vie. Ce sont bien là les deux aspects du problème de la persévérance : le pouvoir de persévérer, la persévérance finale.

I. Le premier aspect, du problème, chez saint

Thomas, est inséparable, en fait, de la question

abordée à l’article I : Sans la grâce, el par ses seules forces naturelles, l’homme peut-il accomplir les pu eeptes de l ; i loi. même quaii ! a la simple SUbstfUlG

des actes’? c.ei accomplissement dis préceptes est. en effet. nécessaire pour que l’homme fasse le bien et évite

le mal.

Sur ce premier point, il y a eu, chei saint Thomas,

une 1res réelle évolution. Dans le Commentaire sur 1rs  !..<

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA THÉOLOGIE MÉDIÉVALE

L276

Sentences, il admet qu’à l’homme déchu sullit le secours <ic la grâce actuelle, pour éviter tout péché mortel, même pendanl longtemps ; ce ne sera point avec la même facilité que dans l’état de nature intègre, mais la Chose es1 possible, lu II""’Seul., dist. XXVII] a. 2. el surtout a. 3 : Præcepta Irais, quantum ad id quod directe sub preecepto cadit, potest aliquis implere ptr liberuxii arbitrium sine gratia gratis data vel gratum faciente, si tamen gratia accipiatur pro aliquo habitu infusa… Sed si gratia pro divina voluntate gratis in nobis omnia bona causante accipiatur, tune… neutro modo (ni quant à la substance de l’acte, ni quant au mode surnaturel) homo sine gratia pnecepta implere potest. Cf. In cpist. ad Rom., c ii, lect. 3.

l’ius tard, saint Thomas modifie sa pensée ; il ne lui semble plus possible de persévérer sans pécher, si l’on n’est soutenu par l’état de grâce. Nous nous acheminons ainsi vers la position moderne du problème : le passe perseverare de l’homme déjà justifié. Dans le De veritate, q. xxii, a. 5, ad 7um ; q. xxiv, a. 1, ad 10 ii, n et ad 12um, il propose encore deux opinions. Mais à la q. xxiv, a. 12, il traite derechef et ex professo la question et la résout en affirmant la nécessité de la grâce habituelle. Il commence par rappeler que la doctrine catholique se tient à égale distance de deux erreurs contraires : celle de Pelage, qui affirme que le libre arbitre suffit : celle qui prétend que l’impossibilité d’éviter le péché enlève à l’homme son libre arbitre. Les mouvements passionnels, prévenant la délibération, provoquent les péchés véniels qu’il est ainsi impossible d’éviter totalement. De même, par suite de l’existence du péché habituel en l’âme, il se crée une sorte de propension vers la faute grave qu’il est possible de réprimer, pour chaque cas particulier pris à part, mais qui amènera fatalement une chute grave dans l’ensemble des cas qui pourront se présenter. C’est la doctrine qu’il reprendra dans la Somme théologique, Ia-II®, q. cix, a. 8.

Dans cet article de la Somme, saint Thomas exprime la raison psychologique sur laquelle se base son sentiment :

De même que l’appétit inférieur doit être soumis à la raison, celle-ci, à son tour, doit être soumise à Dieu et placer en lui la fin de ses vouloirs. C’est la fin, en effet, qui doit régulariser tous les actes humains, comme c’est le jugement de la raison qui doit régulariser les mouvements de l’appétit inférieur. Or, de même que l’appétit inférieur n’étant pas pleinement sous la domination de la raison, il s’ensuit inévitablement des mouvements désordonnés dans cet appétit sensitif ; de même aussi, quand la raison de l’homme n’est pas pleinement soumise à Dieu, il s’ensuit beaucoup d’actes désordonnés dans l’exercice même de la raison. Du moment, en effet, que l’homme n’a pas son cœur vraiment affermi en Dieu, de telle sorte qu’il ne consente à s’en séparer, quel que soit le bien ou le mal qui se présente, il survient une multitude d’objets qui, ou bien parce qu’ils l’attirent ou parce qu’ils lui répugnent, le font s’écarter de Dieu en ne tenant pas compte de ses préceptes, et c’est le péché mortel. Étant donné surtout que, dans les cas qui se présentent inopinément, l’homme agit d’après la fin qui est déjà dans sa pensée et selon l’habitude préexistante, comme l’observe Aristote. Sans doute, par un acte réfléchi de sa raison, il est capable de se déterminer à rencontre de cette fin antérieure et de cette inclination de l’habitude. Mais il ne peut pas toujours se tenir dans un semblable état d’attention sur l’acte qu’il va accomplir. C’est pourquoi il n’est pas possible qu’il demeure longtemps sans taire un acte dans le sens de cette volonté désordonnée et détournée de Dieu… Pris en particulier, chaque péché peut être évité ; mais, pour les éviter tous, il faut la grâce. Luc. cit., a. 8 et ad l" iii, trad. Mulard, édit. de la Revue des jeunes.

Cette citation était utile pour faire connaître la raison sur laquelle, depuis saint Thomas, s’appuient tous les théologiens de son école, pour affirmer la nécessité de la grâce habituelle pour éviter tout péché mortel. Dans ce sens, ce n’est pas une pure tautologie

de dire que la grâce habituelle est nécessaire a la persévérance dans le bien. Voir également le comment aire In I Cor., e. xii. lect. 1.

2. Cette première conclusion n’épuise pas le sujet. Lue grâce autre que la grâce habituelle est-elle in saire à l’homme justifié, pour demeurer longtemps sans offenser gravement Dieu ? Les textes qu’on vient de citer sembleraient indiquer que saint Thomas, disciple d’Albert le Grand, a négligé cet aspect du problème de la persévérance. L’article 9 remet toutes choses au point.

Cependant, il est juste d’allirmer qu’ici encore la pensée de saint Thomas a évolué. Dans le Commentaire sur les Sentences, il paraît ne pas se préoccuper d’un secours spécial. Cf. In II" m Sent., dist. XXIX. a. 3, ad 2 IJ "’: dist. XL III. a. 3, ad 3° » ’; In /// « " Sent., dist. XXXIII, q. iii, a. 3, ad » ""> ; dist. XXXVI. a. 2, ad fum. Dans le De veritate, q. xxiv, a. 13, il distingue nettement posse abstinere a peccato, qui semble ne nécessiter que le secours de la grâce habituelle, et posse perseverare usque ad finem vilæ in abstinentia a peccato, qui n’est pas au pouvoir du libre arbitre, même soutenu par la grâce sanctifiante. Dans la q. xxvii, a. 5, ad 3um, il parle plus nettement : outre [’habitas de la grâce, nous avons besoin d’une opération divine à cause de l’infirmité de notre nature et de la multitude des obstacles : aussi, habens gratiam necesse habet petere divinum auxilium, quod ad gratiam cooperantem perlinet. Dans la Somme contre les gentils, t. III, c. clv, il veut, par cinq raisons différentes, prouver que l’homme juste a besoin d’un secours divin, autre que la grâce habituelle, pour persévérer dans le bien. Entre autres raisons, il affirme que les habitas infus ne stabilisent pas suffisamment l’homme dans le bien. Aussi habitis omnibus habitibus gratuitis adhuc indiget homo divinæ providentise auxilio exterius gubernantis.

Dans la Somme théologique, I-’-II », saint Thomas abandonne la distinction entre abstinentiam a peccato et perseverantiam in hac abslinentia ; il ne reprend pas les raisons apportées dans la Somme contre les gentils. Mais il fait reposer la nécessité d’un secours autre que la grâce sanctifiante principalement sur l’infirmité de la nature humaine que ne guérit pas complètement le don habituel de la grâce.

Pour bien vivre, l’homme a besoin d’un double secours de Dieu. Le premier, c’est le don habituel, qui guérit fa nature corrompue et, après f’avoir remise en état, i’étève pour lui permettre d’accompiir des œuvres qui méritent la vie éternelfe, ce qui est au-dessus des aptitudes de fa nature. Le second est un secours de grâce par lequel Dieu meut à l’action (grâce actuelle). Évidemment, celui qui se trouve déjà en état de grâce n’a pas besoin d’une nouvelle grâce habitueffe infuse. Mais il reste qu’il a besoin de la seconde sorte de grâce, c’est-à-dire que Dieu le meuve à bien agir. Et c’est nécessaire pour deux raisons. La première se tire de la loi générale… qui veut qu’aucune créature ne puisse arriver à un acte, quel qu’il soit, si ce n’est en vertu d’une motion divine (sur cette raison, voir aussi L’-It*, q. lxviii, a. 2, avec le commentaire de Cajétan). La seconde est une raison spéciale qui vient de la condition présente de la nature humaine. La grâce (habituelle), en effet, a bien pu guérir notre esprit, fa corruption et i’infection demeurent dans notre chair… Et, même dans l’intellect, règne encore une part d’obscurité et d’ignorance qui fait que… nous ne savons pas adresser la prière qu’il faut (Rom., viii, 26)… Voilà pourquoi il est nécessaire que Dieu nous dirige et nous protège, lui qui sait et peut tout. [a-Il », q. cix, a.’. : Cf. ad’l" m et ad 2 U, U.

Le même argument fondamental, tiré de l’impuissance de la volonté â réprimer tous les mouvements de la sensibilité, servira â saint Thomas pour montrer l’impossibilité où se trouve l’homme justifié d’éviter tous les péchés véniels. I » -II », q. cix. a. 8 : De veritate. q. xxiv, a. 12. Voir un beau commentaire de la doc 78

trine de saint Thomas par Bossuet, Réfutation du catéchisme du sieur Paul Ferry, sect. ii, c. v, Œuvres complètes, t. ix, Besançon, 1835, p. 25.

3. Sur la question de la persévérance finale, voir plus loin, col. 1294 sq.

Après saint Thomas.

L’école thomiste ne fait

guère que répéter les conclusions du maître dans la Somme : nécessité de l’état de grâce pour éviter le péché mortel, nécessité de la grâce actuelle (motion divine ou secours divin) pour persévérer : grâce spéciale pour la persévérance finale.

Au point de vue doctrinal, il faut signaler le commentaire de Cajétan sur la Somme, touchant l’influence de la grâce sanctifiante pour faire le bien et éviter le mal. Cette influence, dit-il en substance, n’est pas décisive. Elle peut bien suffire à nous faire agir correctement, nunc et ad hoc, c’est-à-dire pour un cas particulier. Mais elle laisse la chair infirme et l’esprit obscurci, d’où la nécessité d’un secours spécial de Dieu, même pour le juste. In /a™-//*, q. lxviii, a. 2.

Voir, pour les autres auteurs postérieurs à saint Thomas, Denifle, Luther und Luthertum. t. i, p. 544 sq.

Au point de vue critique, il convient de signaler l’interprétation de la doctrine de saint Thomas par Capréolus († 1444), Defensio théologies thom., In Ilum Sent., dist. XXYIII. q. i. a. 3, § 4. Capréolus reconnaît qu’il y a contradiction entre l’opinion de saint Thomas dans ses premières œuvres et celle qu’il professe dans les dernières, notamment dans la Somme théologique. Au début du xvie siècle, cette interprétation est acceptée dans l’école thomiste. Voir Diègue Deza († 1523), In II"’" Sent., dist. XXVIII, q. i. a. 3, nota 1.

Ij’école scotisle présente des particularités intéressantes. Duns Scot, en effet, accuse des divergences assez sérieuses avec saint Thomas. On l’a même accusé de favoriser le pélagianisnie. Voir t. iv, col. 1899. S’il est avéré qu’il ne préconise pas pour l’homme la nécessité de l’état de grâce pour observer les commandements quant à la substance des actes et pour éviter le péché mortel, il n’es ! point vrai qu’il nie la nécessit é d’un secours divin, répondant à notre concept de la grâce actuelle. Voir les textes à Duns Scot, t. iv. col. 1899-190(1. Aux textes expliqués dans cet article, il faut ajouter ici deux citations qui montrent claire ment que le Docteur subtil maintient l’essentiel de la doctrine catholique, à savoir la nécessité d’un secours de la grâce divine pour observer les commandements, éviter le péché, persévérer dans le bien. Pro statu ttattwa lapsëe, écrit Scot. net potest profleere homo in bono nre diu a pecealo sibi cauere sine auxitio avalise, quia natura talis infirma est propter peccatum, licet /orte in statu innocenliic possel stare et a perr(do sine graiia sibi cavere. Report.. I. III. dist. XVIII, q. a, a. l. Xuttus est qui aligna commitlat, qutn altus possel eadem commtllere, nisi prteservaretur : igitur ille. cm’ilimitlitur, tenetur plus dilir/rre. supplr r.r causa remissionis ; scit a lias tenetur diliqerc ex alin causa, quia non liiibuit dimittenda, quod sine prteærvalione divina rsse non potest, et li.rc requirit simplii iter majorent gn tltudinem. Comm, Oxon., i, IV, dist. XXII, n. 17. Cf. P, Minges, Compend. theol. dogm. spec, t. n. p. 25 ; Die Gnadenlehre des Dans Scatus auf ihren angeblichen Pelagtanismus und Semipelagtanismus geprùft, Munster, 1906, p, 59 sq. Quant à la persévé rance Bnale, Scol n’j fait qu’une brève allusion à propos de l’ange confirmé an grâce, il cite saint Anselme, voir ci-dessus, col. I2~ : î : Quia Drus dédit peneveranliam bono angelo, (deo bonus angélus habutt, in l Sent., dist. XLIII, a. I.

Pour les inities Kotistes et occamistes, voir les ouvrage et dessus cités de Ritter et de K. Feckes, col. 1272.

En résumé, la théologie du.Moyen Age a marqué un progrès considérable dans l’exposé des conditions requises pour la persévérance. Sous l’influence de la philosophie aristotélicienne, elle a distingué plus nettement la » ràce incréée et la grâce créée et. dans celle-ci. la grâce habituelle et la motion transitoire. Elle a envisagé le problème de la persévérance sous ses aspects psychologiques les plus divers : possibilité, pour le pécheur, d’observer les préceptes divins et, par là, d’éviter de nouveaux péchés ; possibilité, pour le juste, de se maintenir dans la voie du bien et de parvenir ainsi jusqu’à la mort. On proclame la nécessité du secours divin, et, chez les thomistes, on précise que ce secours n’est pas uniquement constitué par la grâce habituelle.

II. La doctrine du concile de Trente. Le concile de Trente va recueillir ces données de la théologie médiévale et les opposer aux assertions protestantes. Sa doctrine sur la persévérance est insérée dans la session vi sur la justification. C’est logique. Luther, en effet, rapportait à la foi seule le principe de la justification, méprisant les œuvres et n’y voyant qu’un moyen de minimiser l’œuvre divine. Voir t. viii, col. 2140 sq. Il était donc nécessaire de rappeler à la fois le rôle de la grâce et celui des œuvres dans la justification et dans la persévérance en l’état de justice.

Les six articles sur la justification, soumis, le 22 juin 154(3, à l’examen des théologiens mineurs, étaient encore assez vagues. Voir Coneilium Tridentinum, édit. Ehses, t. v. Fribourg-en-B.. 1911. p. 261. Seuls les articles 4 et 5 concernaient le rôle des œuvres et des sacrements avant et après la justification et. en général, tout ce qui pouvait accompagner ou suivre la justification. Mais, bientôt, les précisions se firent jour. Le 30 juin, les légats proposent une division de trois stades dans la justification, assemblant, dans le deuxième stade, les enseignements de l’Église sur la manière dont l’homme adulte, déjà justifié, peut et doit conserver la justice, y progresser fidèlement et couronner l’espérance de la gloire, dans laquelle la justification l’a fait renaître, par l’obtention même de cette gloire. Ils signalent les erreurs concernant ce second stade de la justification et nous y relevons les suivantes, qui touchent à notre sujet : 1. L’homme justifié peut, sans un secours spécial de Dieu, persévérer et éviter tous les péchés, même les véniels… : 4. L’homme justifié n’est pas tenu à l’accomplissement des préceptes, surtout s’il est parfait, et la promesse de la gloire renfermée dans l’Évangile est faite à celui qui croit, d’une manière absolue et non sous la condition de garder les commandements ; 5. Toutes les oeuvres de l’homme justifié sont péchés et méritent l’enfer : (i. Toutes les œuvres bonnes, faites en vue de la récompense OU par crainte du châtiment, sont niau aises. A ces erreurs, on doit joindre l’erreur cataloguée, pour le premier stade, sous le n. 3 : Par nos pro pies forces, nous sommes justifiés, nous pouvons éviter

tous les péchés, accomplir les préceptes, ci persévérer,

et mériter la gloire, sans que nous avons besoin de la coopération de la grâce, sauf pour connaître plus fari

leineiit et plus facilement accomplir les préceptes. Cône. Trid., p. 281-282.

Les articles du second slade furent examines le

ni juillet et les jours suivants, et déjà, dans les déclarât ions des l’ères, qui se réfèrent aux enseignements de l’Église contre les pélagiens, apparaissent nettement les grandes lignes des doctrines que le concile s’apprête

i définir. nécessité de la grâce pour persévère ! dans ta

justice, pour observer les commandements, pour évitei

le péché mortel dans les tenlaliolls graves. ImpOSStbl

Nié d’éviter complètement le péché véniel, etc. L’autorité de saint Augustin est fréquemment Invoqué* 1279

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LE CONCILE DE TRENTE

L280

surtout dans le remarquable rapport de Seripandi,

23 juillet, p. 371, où le général des ermites « le Saint-Augustin insiste sur le don précieux qu’est la persévérance finale, p. 373.

Des documents définitivement promulgués par le concile, nous n’avons à retenir ici que le chapitre xi concernant la nécessité et la possibilité de l’observance des préceptes pour assurer la persévérance « lu juste, et le chapitre xiii, concernant l’incertitude de la persévérance jusqu’à la fin. A ces chapitres doctrinaux doivent être joints les canons qui leur correspondent, notamment les canons 22 et lli. Nous nous servons ici exclusivement du texte de Mgr Khscs, lequel diffère sur un ou deux points de détail du texte reçu et publié par Denziger ou par Cavallera.

I. m : l’observance des préceptes ; de sa nécessité ET DE SA POSSIBILITÉ (C XI).

Nemo autem, quantumvis

justificatus, libcrum se esse ab observatione manda torum putarc débet, nemo temeraria illa et a patribus sub anathemate prohibita voce ut i, Dei præcepta bomini juslifieato ad observandum esse impossibilia. Xam Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, et facere quod possis, et peterc quod nen possis, et adjuvat ut possis ; cujus mandata gravia non sunt (cf. I. Joa., v, 3), cujus jugum suave est et omis levé (cf. Matth., xi, 12). Qui enim sunt filii Dei, Christum diligimt ; qui autem diligunt eum (ut ipsemet testatur, cf. Joa., xiv, 23), servant sermones ejus, quod utique cura divino auxilio præstare

Que personne, si justifié soil-il, ne se tienne pour exempté d’observer les commandements ; que personne n’ose se servir de cette téméraire parole anathématiséc par les Pères, à savoir que les préceptes imposés par Dieu sont, pour l’homme Justine, impossibles à observer. Car Dieu ne commande pas des choses impossibles, mais, en commandant, il avertit l’homme de faire ce qui est en son pouvoir, et de lui demander ce qui dépasse ce pouvoir, Dieu accordant le secours nécessaire. Ses commandements ne sont pas insupportables ; son joug est suave et son fardeau léger. Ceux qui sont les enfants de Dieu aiment le Christ, et

possunt. Licet enim in hac ceux qui l’aiment (il en té mortali vita, quantumvis sancti et justi, in levia saltem et quotidiana, quæ etiam venialia dicuntur, peccata quandoque cadant, non propterea desinunt esse justi. Nam justorum illa vox est et humilis et verax : Dimitte nobis débita nostra (Matth., vi, 12). Quo fit, ut justi ipsi eo inagis se obligatos ad ambulandum in via justitiæ senlire debeant, quo liberali jam ii peccalo, servi autem fæti Ueo (Rom., vi. 22),

inoigne lui-même) sont fidèles à ses enseignements, ce qui, avec l’aide du secours divin, est toujours possible. Sans doute, dans cette vie mortelle, si saints et si justes soient-ils, les (chrétiens) ne peuvent pas ne pas parfois tomber dans ces péchés légers et quotidiens, qu’on appelle aussi véniels, sans pour autant cesser d’être justes. Par là, elle appartient aussi aux justes cette prière à la fois humble et

sobrie et juste et pie viventes vraie : « Pardonnez-nous nos

(Tit., ii, 12), proficcre possunt per Christum Jesum, per quem accessum habuerunt in gratiam istam(Rom., v, 2). Deus namque sua gratia semel justificatos non (lèsent, nisi ib lis prius deseratur.

ltaquc nemo sihi in sola fide blandiri débet, putans sola fide se lneredem esse conslitu tum hæreditatemque

péchés. » Aussi, les justes eux-mêmes doivent-ils se sentir d’autant plus obligés à marcher dans la voie de la justice, que : U y lUhvrts du péché, pour devenir les serviteurs de Dieu, par une vie sobre, juste et pieuse », ils peuvent progresser par Jésus-Christ, par qui ils ont eu accès à la grâce même. Car Dieu n’abandonne pas ceux qu’il a une fois justifiés, à moins d’être auparavant par eux abandonné.

Que personne donc ne se repose dans la foi seule, estimant que, par la foi seule, il est constitué héritier et qu’il

consecuturum, etiamsi Chrisrecevra l’héritage même s’il

to non compatiatur, ut et ne s’associe pas aux souf conglorilicetur (Rom., viii, frances du Christ pour être

7). Nain et Christus ipse (ut glorifié avec lui. Car, affirme

inquit ApOStollUJ, nim tssei

Filins I ><i, didit il ex hit, tiii.r passus est, obedientlam, et consummatus factus esi omnibus obtemperanlibus sibi causa sniiitis œlemse < 1 1 < i >. » , s-iij. Propterea Apostolus

ipse monet justificatos rlicens : Nescilis quod ii, qui in studio i iirruni, omîtes quidem currunt sed uniu accipii bravium ; sic currlte, ul compreliendaiis. Ego igitur sic eurro, non ipinsi in ineerlum, sic pugno, non quasi aerem verberans, sed castigo corpus meitm et in seroitutem redigo, né forte, eum aliis prædicauerim, ipse reprobus efficiar (I Cor., ix, 2ꝟ. 20-27). Item prùiceps apostolorum, Pctrus : Salugile, ut per bona opéra certain vestram vocationem et electionem facialis ; hœc enim facientes, non peccabitis uiiquando (II Pet., i, 10). Unde constat, eos orthodoxie religionis doctrina : adversari, <iui dicunt, justum in omni bono opère saltem venialiter peccare, aut (quod intolerabilius est) pœnas seternas mercri ; atque etiam eos, qui statuunt, in omnibus operibus justos peccare, si in illis suam ipsorum socordiam cxcitando et sese ad currendum in stadio cohortando, eum hoc, ut in primis glorificetur Deus, mercedem quoque intuentur aîternam, eum scriptum sit : Inclinavi cor meuin ad faciendas j usti ficationcs tuas propter retributionem (Ps. cxviii, 112), et de Mose dicat Apostolus, quod aspiciebat in remuneratione (Heb., xi, 26). Conc. Trid., t. v, p. 795 ; Denz.-Bannw., n. 804 ; Cavallera, n. 881.

l’Apôtre, le Christ lui-même, quoiqu’il fût le Fils de Dieu, a appris l’obéissance p qu’il a souffert ; et, par - ; i consommation, est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel . Au^si, le même Apôtre

avertit les justes eu.. termes : Ne savez-vous pal que ceux qui courent dans la lice courent tous, mais qu’un si ni remporte le prix ? Courez donc, mais de telle sorte que vous le remportiez… Pour moi, je cours aussi, mais non comme au hasard ; je combats, mais non comme frappant l’air ; mais je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’apn avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprou <. De même, le prince dei apôtres, saint Pierre : Appliquez-vous davantage à rendre certaines, par vos bonne* œuvres, votre vocation et votre élection ; car, agissant ainsi, vous ne pécherez jamais. D’où il apparaît clairement que ceux-là s’opposent à la doctrine orthodoxe de la religion, qui affirment que le juste, en chacune dises œuvres, pèche au moins vénicllement ou (ce qui est plus intolérable) mérite les peines éternelles. De même, ceux qui enseignent que lejustes pèchent dans toute-leurs actions, si, en elles, secouant leur propre indolence et s’exhortant à couru dans la lice, avec le souci de chercher d’abord la gloire de Dieu, ils considèrent aussi la récompense éternelle. N’est-il pas écrit : « J’ai incliné mon cœur à accomplir pour jamais vos justifications, a cause de la récompense ; et de Moïse, l’Apôtre n’a-t-il pas dit, « qu’il envisageait la récompense » 7

On sait que le décret sur la justification, avant de revêtir sa forme définitive, a passé par trois rédactions successives. Voir Justification, t. viii, col. 2167.

Dans la première rédaction, les canons, au nombre de 18, sont précédés d’une courte profession de foi en trois points. Conc. Trid., p. 385-386. Au n. 3 se trouve déjà l’affirmation augustiuienne que personne n’est abandonné de Dieu, s’il n’abandonne Dieu auparavant. Chaque canon est suivi d’une explication doctrinale ; c’est dans l’explication du can. 10 (13) qu’on trouve la substance doctrinale, qui devait former, dans la rédaction définitive, le c. xi. Le canon lui-même était ainsi conçu : Si quis autem dixerit, jusli/icaiitm homînem etiam quamlibet perfection, non tencri ad observationem omnium mandatorum Dei. qux in cvuii(jelio preecipiuntur, sed tantum ad credendum ul sit hseres vitæ œtermv, A. S. L’explication marquait expressément que celui-là seul serait sauvé, qui persévérerait jusqu’à la fin. Conc. Trid., p. 388-389.

Dans le deuxième projet, la rédaction comporte deux chapitres, vin et ix. Au c. viii, nous trouvons déjà bon nombre de traits qui ont été conservés dans le texte définitif, notamment la défense solennelle de se servir de la parole téméraire condamnée par les

Pères : » Dieu impose à l’homme justifié des préceptes dont l’accomplissement est impossible. » Il s’agit ici de la défense portée par les Pères du IIe concile d’Orange, voir ci-dessus, col. 1270 ; Denz.-Bannw., n. 200 ; Cavallera, n. 855. Déjà, on rappelait la célèbre formule augustinienne : Deus impossibilia non jubet. sed jubendo monet, etc. Cf. ci-dessus, col. 1266. Le chapitre se continuait par l’exposé de la doctrine catholique sur l’incertitude de la prédestination et de la persévérance finale, et sur la nécessité, pour celui qui est régénéré dans l’espérance de la gloire qu’il ne possède pas encore, de lutter contre les tentations et les difficultés. Bien qu’il ne puisse éviter tous les péchés véniels, il peut être certain, avec la grâce de Dieu, de remporter la victoire. Conc. Trid., p. 424425. Dans ce projet, les canons étaient disjoints des chapitres. Répondaient au c. viii, les can. 10-14, p. 427.

Le c. ix continuait l’exposé du c. vin. Les justes doivent se considérer comme obligés à l’observance des divins préceptes et ils ne peuvent se flatter d’obtenir l’héritage céleste, s’ils ne s’associent pas au Christ souffrant pour mériter d’en partager la gloire. On y trouve déjà les textes : Rom., viii, 17 ; Heb., v, 8-9 ; I Cor., ix, 24, 26-27 ; II Pet., i, 10. La finale reproduisait, à peu de choses près, la finale de notre texte définitif et condamnait ceux qui accusent les justes de pécher en chacune de leurs œuvres et leur interdisent, même s’ils ont en vue la gloire de Dieu, de penser aussi à la récompense. Conc. Trid., p. 425. Les canons correspondants étaient catalogués sous les n. 15 et 20, p. 427.

Tenant compte des remarques faites par les évêques, Seripandi (qui fut, on le sait, le grand artisan de ce décret sur la justification) rédigea entre temps (31 octobre 1546) un projet distinct de la deuxième rédaction, dans lequel l’exposé doctrinal se présente sous une forme nette et concise, viii-ix, avec les canons correspondants, 12, 14, 15, 17, 18. 19, 21, 24, 30. Conc. Trid., p. 513-514, 516. Cet essai doit être signalé à cause de l’influence visible des canons de Seripandi sur les canons de la troisième rédaction conciliaire.

Cette troisième rédaction est, quant aux chapitres doctrinaux, presque définitive. Conc. Trid., p. 634641. Elle ne se distingue du texte officiel, promulgué dans la vie session, que par des détails insignifiants et l’absence du texte Ileb., xi, 26, sur Moïse, dans la finale. Les canons, au nombre de 31, reproduisent, avec quelques interversions et de légères modifications de forme, les 32 canons du projet de Seripandi (dont le 29° est omis).

Au cours de ces rédactions successives, la pensée du concile s’est faite de plus en plus claire et précise.

Le concile affirme que la justification doit être complétée par l’accomplissement des préceptes divins, pour que le juste puisse espérer la gloire ; que les préceptes divins ne sont impraticables pour personne ; que, si l’observance des préceptes dépasse les forces de la nature déchue, Dieu est là qui accorde les secours nécessaires pour l’accomplissement du devoir, toujours possible de cette manière aux enfants de Dieu. Par là, si le juste ne peut se fiai ter d’éviter tous fl’s péchés véniels, du moins il peut et doit, avec le secours divin, éviter tons les péchél mortels et persévérer ainsi dans la justice, (.’est la un article de. foi

défini par le concile. Saint lugustin ; i : iii écrll : Deus Impossibilia non jubet, srd jubendo monet, ci facere quod possis ri petere quod non possis, Le concile ajoute.

pour mieux marquer sa pensée : ri iidjtirnl ni possis.

Cet article de foi s’oppose à [’hérésie protestante, qui

ptétend que la foi seule rend l’homme digne de l’héritage ((’leste. Prétention inadmissible quc condamnent lainl Paul, marquant par l’exemple de Jésus christ

D1CT, Dl rHBOl ( 1 1IOL.

lui-même la nécessité des œuvres, principalement des œuvres de pénitence, et saint Pierre, recommandant d’assurer, par de bonnes œuvres, notre vocation et notre élection.

La doctrine des deux apôtres condamne pareillement l’impiété luthérienne affirmant que le juste, dans ses actes bons, pèche toujours, au moins véniellement, et même mérite les châtiments éternels, voir t. vin] col. 2150 ; elle condamne aussi le rigorisme des novateurs, d’après lequel l’espérance d’une récompense suffit à vicier l’acte bon accompli principalement à la gloire de Dieu, voir Espékange, t. v, col. 657 ; Mérite, t. x, col. 7Il sq., et surtout col. 760. A ce trait doctrinal (qui concerne plutôt l’honnêteté de la vertu d’espérance, et qu’on retrouve au c. vi. cf. Denz.-Bannw. , n. 809 ; Cavallera. n. 889) correspond, dans le décret De juslificatione. le can. 31, Denz.-Bannw. n. 841 ; Cavallera, n. 892.

Multiples sont les canons qui se réfèrent à ce chapitre. Ils n’intéressent pas tous au même degré la question de la persévérance.

Can. 20. — Si quis homiSi quelqu’un dit que

nem justificatum et quanl’homme justifié et aussi par tumlibet perfectum dixerit fait qu’on voudra n’est pas

non teneri ad observantiam tenu à l’observance des coni mandatorum Dei et Ecclemandements de Dieu et de

siæ sed tantum ad credenl’Église ; qu’il lui suffit de

dum, quasi vero Evangelium croire, comme si l’Évangile

sit nuda et absoluta promis- était la simple et absolue

sio vitæ alterna ; sine condipromesse de la vie éternelle

tione observationis mandasans condition de l’obser torum, A. S. Denz.-Bannw., vance des commandements,

n. 830 ; Cavallera, n. 892. qu’il soit anathème.

La foi ne suffit pas au juste pour assurer sa persévérance dans la justice : il faut encore les œuvres, c’est-à-dire l’accomplissement des préceptes de Dieu et de l’Église. La promesse évangélique de la vie éternelle est faite sous cette condition absolue. Soutenir le contraire serait une hérésie. Ce canon est d’ailleurs encadré des canons 19 et 21 qui affirment l’existence de préceptes s’imposant aux chrétiens. La même idée principale inspire ces deux canons : l’Évangile exige autre chose que la foi, les œuvres ne sont pas indifférentes pour le chrétien, et les dix com mandements le concernent. Jésus a été donné aux hommes aussi bien comme législateur que comme rédempteur. Pour se garder dans la justice, la foi ne suffit donc pas ; il faut la pratique des bonnes œuvres et l’obéissance aux préceptes.

Mais une objection se présente naturellement. Cette pratique est-elle possible ? Est-elle possible, même à l’homme déjà justifié ? Dans le c. m. le concile a déjà répondu à cette question. Le canon 18 anathématisera la réponse négative des réformateurs.

Can. 18. — Si quis dixerit, si quelqu’un dit qu’à Dei prsecepta homini etiam l’homme justifié et constitué Justiflcato < ! aub gniiia conen grâce, l’accomplissement

stituto esse ad observandimi des Commandements (le Dieu

impossibilia, A. s. Deux.- est impossible, qu’il soit ana-Bannw. , n. X2X-, Cavallera, thème, n. 892.

Les protestants avaient proclame a l’cnvi l’impossibilité de pratiquer la loi divine, même pour l’homme justifié ; et ils en concluaient qu’il n’j a en nous aucune justice actuelle et quc. de leur nature, toutes les œuvres des jusles sont des péchés mortels. Cf. Luther,

issert. ortie., 2, 31. 32..iti. édlt. de Welmar, i. vii, p. 103, 136 sq. ; Mélanchthon, Loct, ! nrtas. De peecato, dans Corp. reform., i xxi, p. 1 15 ; Apolog. confessionis aug., ! >< tmpleitont legis, ibid., i. jcxvi, p. i » 0 ; Calvin. Antidoium concilii Tridenttnl, sess. m. c m. ibid., i. xxxv. p. 158 sq. ; Institution chrétienne, I. il. c. mi. "> : i. in. i xi. 9 ; i xxxt, p, 101 sq : i kxxh

i — XII — 41

1 283

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LE CONCILE DE TRENTE

1284

p. 281 sq. Le canon IX réprouve la prétendue impossibilité. L’anathème est brièvement formulé) car les

explications utiles ont été fournies dans le c. xi : le texte de saint Augustin, De natura et gratia, xi.m, 50, est à la base des explications. La doctrine ici formulée eoncerne uniquement te juste ; elle laisse donc intacte la controverse entre thomistes et scotistes sur l’impossibilité, pour le pécheur, d’observer intégralement la loi, uniquement avec le secours de la grâce actuelle. Voir ci-dessus, col. 1277.

L’Église sera amenée, plus tard, à reprendre cette condamnation d’une prétendue impossibilité pour le juste, par rapport à l’accomplissement des préceptes divins, dans les querelles baïanistes et jansénistes. Voir la 54e proposition de Baius, condamnée par Pie V ; ici, t. ii, col. 96 et la l re prop. de Jansénius, condamnée par Innocent X, ici, t. viii, col. 479.

Puisque les justes peuvent, avec le secours de Dieu, accomplir les préceptes divins et éviter ainsi le péché, il est donc faux d’affirmer que leurs bonnes œuvres soient des péchés au moins véniels et même (ce qui est plus intolérable encore) des péchés mortels méritant les peines éternelles. Can. 25, Denz.-Bannw., n. 835 ; Cavallera, n. 892. Voir bulle Exsurge Domine, prop. 31, 32, 35, 36, Denz.-Bannw., n. 771, 772, 775, 776 ; Cavallera, n. 869. Pour la justification historique des assertions luthériennes et calvinistes, voir Justification, t. viii, col. 2132, 2137-2138 ; et Calvinisme, t. ii, col. 1401-1403. De même, il est contraire à la foi d’affirmer que le juste pèche en agissant en vue de la récompense éternelle. Can. 31, Denz.-Bannw., n. 841 ; Cavallera, n. 892.

Ainsi donc, s’il le veut, s’il n’abandonne pas Dieu le premier, le juste pourra pratiquer son devoir et assurer ainsi sa persévérance dans le bien. Sans doute, il ne pourra pas éviter tout péché véniel, ce privilège ayant été, selon la croyance de l’Église, le partage de la sainte Vierge. Can. 23, Denz.-Bannw., n. 833 ; Cavallera, n. 892 ; voir Grâce, t. vi, col. 1594. Mais il résulte de tout ce qui précède que c’est un article de foi que le juste peut éviter le péché mortel, c’est-à-dire persévérer dans le bien.

II. DU SECOURS « SPÉCIAL » NÉCESSAIRE A LA PER-SÉVÉRANCE. — Pour qu’il ne demeurât aucun doute au sujet de la persévérance du juste, le concile a promulgué le célèbre canon 22, qui, en quelques mots, condense la doctrine de l’Église sur ce point :

Si quelqu’un dit que

l’homme justifié ou bien

peut, sans un secours spécial

de Dieu, persévérer dans la

justice reçue, ou bien, avec

ce secours, ne peut pas persé vérer, qu’il soit anathème.

Can. 22. — Si quis dixerit,

justificatum vel sine speciali

auxilio Dei in accepta justi tia perseverare posse, vel

cum eo non posse, A. S.

Denz.-Bannw., n. 832 ; Ca vallera, n. 892.

Le sens général du canon est clair et n’a pas besoin d’explication : la persévérance est possible aux justes, mais avec un secours spécial de Dieu. Il est aussi faux de prétendre que, sans ce secours, le juste peut persévérer que d’affirmer qu’il ne le peut pas avec ce secours.

Toute la difficulté réside dans l’interprétation du mot « spécial ».

Les actes du concile nous apprennent peu de chose sur la pensée des Pères. On se souvient que les légats avaient dénoncé de prime abord l’erreur, selon laquelle l’homme justifié pouvait, sans un secours spécial de Dieu, persévérer et éviter tous les péchés, même véniels. Les théologiens n’avaient pas retenu l’expression : secours spécial. Dans le premier projet, le canon était ainsi rédigé : Si quis dixerit, quod justiftcali vel sine gratia Dei perseverare possunt, vel cum Dei gratia non possunt, A. S. Conc. Trid., p.389. L’explication annexée rappelait qu’avec la grâce de Dieu et la pratique des mortifications le juste pouvait parvenir

a éloigner de lui tout amour contraire à l’amour de Dieu, c’est-à-dire tout péché mortel. On notait aussi l’utilité de la communion, p. 390. Les théologiens consultés sur ce canon (16) ne firent aucune observalion : placet decretum cum suis probalionibus. 1’. 393.

La première forme du décret ayant déplu à un certain nombre de Pères, voir p. 408-410, la même doctrine était reprise dans le second projet. Dans le c nui, le projet aflirmait : Justificati ergo ex hac ftde et amici Dei ac domestici fucli, in accepta gratia perseverare et proficere debent ; polerunt enim per D..Y..lesum Christian, per quem habuerunt accessum in gratiam islam. Nam Deus sua gratia semel justificalos non deserit nisi ab eis prius deseratur… Xam Deus impossibilia non jubet, sed jubendo monet, etc. Et le canon correspondant reprenait l’expression : secours spécial » : Si quis dixerit, justificatum vel sine speciali auxilio Dei perseverare posse in accepta justitia, vel cum eo non posse, A. S. (can. 12), Conc. Trid., p. 424, 427. Cette nouvelle rédaction est l’œuvre de Seripandi, Conc. Trid., p. 418, note 1. Il n’y a rien d’étonnant que Seripandi ait puisé dans sa doctrine augustinienne l’expression spéciale auxilium. La première remarque faite au sujet de ce canon est de l’évêque des Canaries. Antonio de Cruce. P. 509. Le prélat demande qu’en parlant ainsi du concours divin on ne jette point le blâme sur différents théologiens qui ne pensent pas ainsi. Seripandi qui, dans son projet personnel (que nous avons intercalé entre la seconde et la troisième rédaction, voir col. 1281), avait maintenu textuellement le canon 12 du second projet officiel (can. 21 de son projet personnel, p. 516), répondit à l’évêque des Canaries que, « dans ce canon.il n’était nullementquestion du concours divin, et qu’en conséquence aucun docteur ne pouvait paraître être condamné ». P. 522. Dans la troisième rédaction, le texte du canon fut maintenu intégralement, can. 21 (d’après Conc. (ms.), 17, d’après Theiner, 22). P. 641. L’évêque des Canaries revint à la charge et demanda la substitution de sine gratia Dei à sine auxilio speciali. Conc. Trid., p. 720. Le 6 janvier 1547, à la majorité de 12 voix (dont celle de Seripandi ) contre quatre, l’expression spéciale auxilium est maintenue de préférence à gratia Dei. Mais les actes ne nous donnent aucune explication. Cf. Jos. Hefner. Die Entstehungsgeschichte des Trienter Rechlfertigungsdekretes, Paderborn, 1909, p. 352, note 1 ; Fr. Hùnermann, Wesen und Notuyendigkeit der akluellen Gnade nach den Konzil von Trient, Paderborn, 1926, p. 26.

Une grande liberté est donc laissée aux théologiens dans l’interprétation de ce canon, en ce qui concerne le sens précis à donner à l’expression « secours spécial ».

Tout le monde est d’accord sur deux points : ce secours spécial est distinct de la grâce sanctifiante et s’y ajoute. Le canon du concile serait inintelligible s’il n’avait ce sens. Et c’est bien là l’enseignement de l’Écriture qui veut que les justes eux-mêmes prient encore Dieu de les aider pour ne pas succomber au mal. Cf. Malth., vi, 13 ; Joa., xvii, 15 ; Matth., xxvi. 41 ; Eph., vi, 18. Voir ci-dessus, col. 1260. A cet enseignement scripturaire, les théologiens ajoutent le raisonnement formulé par saint Thomas, I a -II*. q. cix. a. 9. Voir col. 1276.

Ce secours spécial ne saurait être confondu avec le concours général prêté par Dieu à toute activité créée. En dehors du non-sens que représenterait pareille interprétation, nous avons, dans les débats mêmes du concile, l’affirmation de Seripandi à l’évêque Antonio de Cruce. Sur ces deux points, voir Straub, Ueber den Sinn des 22. Canons der VI. Sitzung des Konzils von Trient, dans Zeitschr. fur kathol. Theol., t. xxi, 1897, p. 108 sq., 121 sq.

Ces deux points admis, commencent les divergences.

Un bon nombre de théologiens, généralement thomistes, voient dans ce secours spécial la grâce actuelle efficace, nécessaire à la persévérance finale. Jean de Saint-Thomas, De gratia, disp. XXI, a. 2, n. 1, Cursus theologicus, t. vi, Paris, 1885, p. 785 ; Gonet, Clypeus theol. Ihom., tract. VII, a. 8, n. 350, t. iv, Paris, 1876, p. 681 ; Salmanticenses, Cursus theologicus, tract. XIV, De gratia, disp. III, n. 234, t. ix, Paris, 1878, p. 495 ; Billuart, Theologia, De gratia, dissert. III, a. 10, t. iii, Paris, 1878, p. 365 ; Del Prado, De gratia et libero arbitrio, t. i, Fribourg (Suisse), 1907, p. 121 ; Hugon, Tractatus dagmatici, t. ii, Paris, 1927, p. 140 sq. On peut ajouter les anciens thomistes indiqués par les Salmanticenses, op. cit., p. 494 et, parmi les auteurs contemporains, en dehors de l’école dominicaine : L. Janssens, Summa theologica, t. ix, De gratia Dei et Christi, p. 229 sq. ; Lépicier, Tractatus de gratia, Paris, 1907, p. 87-88. A cette interprétation, il est possible de faire quelques objections. Sans doute, la doctrine du concile n’exclut pas ici l’idée de la persévérance finale, avec le secours très spécial qu’elle comporte, voir col. 1286 sq. On peut même penser que cette préoccupation était prédominante dans l’esprit de Seripandi et des Pères qui votèrent avec lui. Néanmoins, le texte même du canon, sans exclure cette préoccupation, né paraît pas la viser directement. Il s’agit du « pouvoir persévérer » et le canon ne parle pas expressément de persévérance filiale : ce « pouvoir persévérer » suppose un secours spécial de Dieu non en raison de la coïncidence de la mort avec l’état de grâce, mais en raison des difficultés, dont le concile a parlé au début de la seconde partie du c. xi, voir col. 1279, et qui rendent à l’adulte, même justifié, l’observance des préceptes et la victoire sur toutes les tentations graves moralement impossibles, au moins s’il s’agit d’une longue durée. Le concile dit également qu’avec la grâce de Dieu cette victoire est possible et possible cette observance. Aussi d’excellents interprètes pensent-ils que le « secours spécial » du canon 22 ne saurait s’appliquer à ce que le concile de Trente appelle plus loin magnum perseverantiæ donum. Cf. Van der Meersch, Tractatus de divina gratia, Bruges, 1910, p. 319 ; Straub, op. cit., p. 114, 188, 221.

On a tenté d’interpréter le canon 22 comme si le secours « spécial » désignait la grâce actuelle qu’on prétend être toujours nécessaire, même à l’homme justifié, pour faire un acte surnaturel. Trouver dans une simple opinion théologique (car la nécessité d’une grâce actuelle élevante pour chaque acte surnaturel de l’homme justifié n’est qu’une opinion, voir Grâce, t. vi, col. 1678-1(>85) l’interprétation d’un document conciliaire semblera à coup sûr exagéré, tendancieux et incompatible avec la valeur doctrinale du document. C’est la tentative faite par Km. I. ingens, S. J., dans Zeitsehr. fur kathol. Theol., 1896, p. 40 sq., et

réfutée par Anl. Strauh, op. cit., p. 107-140. Le concours surnaturel dont parle le P. Llngens est aussi connaturel à l’homme justifie que le concours naturel <ie Dieu l’est dans l’activité naturelle « les êtres. Or, le

secours spécial dont parle le concile de Trente, tout en étant au pouvoir « les justes, doit cependant cire demandé par eux à Dieu. cf. canon 1 1 : petere quod non posais. C’est donc un secours qui doit s’ajouter aux

dons surnaturels habituels et au concours nie me surnaturel qui accompagne l’étal de grâce. Ci. Lange. De gratin. p. | 10. note.

D’autres théologiens, tout en demeurant dans la

considération du pouvoir persévérer ». affirment que

le secours -spécial -n’est pas iti i secours et raordin aire.

distinct de la collection des grâces act u elles nécessaires à l’homme jnstiiie pour surmonter les difficultés,

Vaincre les tentations, du moins pendant la longue

durée qui peut justifier le mot de persévérait

Interprétation assez commune chez les théologiens modernes de la Compagnie de Jésus : Hurter, Theologia specialis, disp. De gratia, n. 35 ; Mazzella, De gratia Christi, n. 315 ; Ch. Pesch, Pra’lectiones dogm., t. v, n. 184 ; B. Beraza, Tractatus de gratia Christi, n. 230, 236. Ce dernier auteur s’efforce de démontrer que Suarez, malgré les apparences contraires, De gratia, t. X, c. ii, Opéra, Paris, 1858, p. 571 sq., ne s’est pas écarté de ce sentiment. Le secours spécial serait dans la continuité même des secours, par ailleurs requis pour que le juste ne pèche pas.

Billot attaque vivement cette manière d’interpréter le texte conciliaire. De gratia Christi, thèse v. Le texte conciliaire, venant en complément des documents qui affirment fa nécessité de fa grâce pour accomplir les commandements, pour vaincre les tentations, signifie certainement quelque chose d’autre, sans quoi il se révélerait inutile. De plus, les grâces requises pour que le juste ne pèche pas ne font pas encore qu’il persévère : la fidélité du juste en chacune de ses actions n’épuise pas le concept de persévérance. Aussi Billot voit-il, dans le secours spécial du canon 22, « un instinct spécial de l’Esprit saint, gui s’ajoute à toutes les grâces actuelles », pour disposer l’âme à en user selon les exigences de la persévérance dans le bien. Cette thèse est développée surtout dans De virtutibus infusis, Borne, 1905, p. 171 sq. Elle peut être une excellente explication du 22e canon ; mais elle reflète beaucoup plus la doctrine de saint Thomas, IMlæ, q. ixviii, a. 2, ad 3um, que le sens obvie du texte conciliaire. Il est même douteux que les Pères de Trente aient pensé aux dons du Saint-Esprit en parlant de « secours spécial ».

Van Noort pense trouver l’explication de Vauailium spéciale dans ce fait que le secours nécessaire à la persévérance n’est pas, de par la nature des choses, un secours de grâce élevante, mais un secours de grâce médicinale. C’est donc en tant que la grâce ajouterait un caractère médicinal au caractère proprement surnaturel du secours accordé, que ce secours devrait être dit « spécial ». De gratia Christi. Amsterdam, 1911, n. 42.

Ne serait-il pas plus simple de considérer que le secours « spécial » s’explique par cette providence particulière dont Dieu entoure les justes, providence qui comprend tout un ensemble de grâces intérieures et de grâces extérieures, de grâces élevantes et de grâces médicinales, nécessaires â la volonté humaine pour se maintenir dans le bien, nonobstant les difficultés et les tentations, d’une part, et sa faiblesse, d’autre part ? Le terme auxilium dont les Pères se sont servis et qu’ils ont systématiquement préféré au terme « grâce » semble, en effet, postuler une explication très large. Le secours spécial serait ainsi tout l’ensemble des grâces diverses accordées â l’homme, mais précisément considérées dans cette suile et cette coordination providentielles, qui assurent, dans les desseins de Dieu, la

persévérance de qui en est le bénéficiaire. Cette explication, qui n’exclut aucune des théories proposées, semble rentrer dans les vues île Suarez, Inc. cit. m. l>r DOS DB PERSÊYÊRAJtCE (c. iii).

Slmlliter de perses cnuiPareillement, du don de

tiss niunere, de quo serinpersévérance, dont il est

lum esi : Qui perseoenweril écrit : Celui qui persévérera

usque ai flnem, hiesedou » eril Jusqu’à la tin sein sauvé. de

(Miiith., x, 22 ; xxiv, 13) ce don qu’on ne peut obtenir

(quod quidam aliunde haberl que de celui qui : > le pouvoii

non potest, nisi ; di en, qui de soutenu <|ui est de lioul et

potena est, eum, qui stat, de le maintenir ainsi, et de

statuera (Rom., iv, 80) ; m relever celui qui tombe ; de

persweranter stet, et eum, ce don. per s o n ne ne peut se

qui cadit, restituera), nemn promettre rien de certain,

~>in rerti aliquld armoluta d’une absolue certitude, bien

certitudlnc poWceatur, que tous doivent en former

mctsi in Dei auxilio firmissiniam spem collocare et repo nere omnes debent. Dcus

enim, nisi ipsi illius gratlae defucrint, sicut cœpit opus

bonuin, ita perflciet (cf.

Phil., i, 6), operans velle et perlicere (cf. Phil., ii, 13). Verumtamen qui se existi mant stare, vidcant ne ca dant (I Cor., x, 12) et cum

tremore et timoré salutem

suam operentur (Phil., ii,

12), in laboribus, in vigiliis, in eleemosynis, in orationi bus et oblationibus, in jeju niis et castitate (II Cor., vi, 5-6). Formidare enim debent

scientes, quod in spem glo rise (cf. I Pet., i, 3) et nondum in gloria renati sunt, de

pugna, qua : superest cum

carne, cum mundo, cum dia bolo, in qua victores esse non possunt, nisi cum Dei gratia

Apostolo obtempèrent di centi : Debilores sumus non

carni, ut secundum carnem vi vamus. Si enim secundum

carnem vixeritis, moriemini.

Si autem Spirilu facta carnis

mortificaveritis, vivetis(Iom., vin, 12-13). Conc. Trid.,

p. 795 ; Denzinger-Bannw.,

n. 806 ; Cavallera, n. 886.

et placer l’espérance très

ferme dans le secours de

Dieu. Car Dieu, à moins que

les qustes) eux-mêmes soient

infidèles à sa grâce, achèvera l’œuvre de leur salut, comme

il l’a commencé, opérant le

vouloir et le faire, (.(peu

dant, que celui qui croit être debout prenne garde de tom ber, et que tous lia vaillent à leur salut avec crainte et

tremblement : dans les tra vaux, dans les veilles, par les aumônes, par les prières et

les offrandes, par les jeûnes

et dans la chasteté. Sachant

que leur renaissance (spiri tuelle) est faite dans l’espérance, mais non encore dans

la possession de la gloire, ils doivent toujours redouter

l’issue du combat qu’il leur

faut encore soutenir contre

la chair, contre le monde,

contre le diable, et dans

lequel ils ne peuvent être victorieux qu’en obéissant, avec

la grâce divine, à l’Apôtre

disant : « Nous ne sommes

point redevable à la chair

pour vivre selon la chair :

car, si vous vivez selon la

chair, vous mourrez ; mais si,

par l’Esprit, vous faites

mourir les œuvres de la chair

vous vivrez. »

L’intelligence de ce texte se rattache étroitement au chapitre précédent, xii, exhortant les fidèles à se garder d’une téméraire présomption au sujet de leur prédestination. Ce c. xii se terminait par ces mots expressifs : « Sans une révélation spéciale, on ne peut connaître ceux que Dieu a choisis. » Nous avons dit que, du côté de la cause suprême, la persévérance se rattachait à la prédestination, col. 1257. Il est donc logique d’admettre, avec le concile, que l’incertitude de notre prédestination rejaillit sur l’incertitude de notre persévérance. De là la formule du début du c. xiii : Similiter de perseverantiæ munere…

Ce n’est d’ailleurs que peu à peu, au cours des discussions préparatoires, que cette question de la certitude de la persévérance a été envisagée. On y trouve une allusion assez nette dans la première rédaction du décret, n. 18 : « Tant que nous vivons, dans cette vallée de larmes, où nous sommes entourés d’ennemis, il n’y a pour nous aucune sécurité… Il nous faut marcher entre l’espérance et la crainte et avoir présente à notre esprit la pensée non seulement de la divine miséricorde, ce qui serait présomption, mais encore de la divine justice, ce qui est vraie piété et religion… D’où il faut exclure cette erreur, qui prétend que les justes peuvent non seulement conjecturer, mais encore savoir avec certitude leur prédestination et leur état de grâce. » Conc. Trid., p. 390. Cette certitude de la persévérance est, dans les discussions du concile, étroitement mêlée à la certitude de la justification. Pour les discussions, on se reportera à l’article Justification, t. viii, col. 2186-2188. Dans la deuxième rédaction du décret, les déclarations doctrinales et les canons ont envisagé directement la question. Après avoir rappelé que les justes, même après avoir recouvré l’amitié divine, sont obligés, pour la conserver et l’accroître, d’observer les préceptes, le texte proposé ajoute que nul ne doit présumer des secrets décrets de la prédestination, pour s’affirmer, d’une façon certaine, au nombre des prédestinés, Dieu ayant voulu que cela demeurât dans l’inconnu, tant que nous sommes en cette vie mor telle. Et, rapprochant les deux points de vue, le texte ajoute : Du don de persévérance finale, qu’on ne peut obtenir que de celui qui a le pouvoir de soutenir qui est debout et de le maintenir ainsi, et de relever celui qui tombe, que personne également ne se promette rien de certain. > On le voit, c’est déjà presque le texte définitif. Le canon 8 réunissait sous le même anathème la double présomption quant à la certitude, et de la prédestination, et de la persévérance finale. Conc. Trid., p. 424, 427.

Dans la refonte du décret, opérée par Seripandi, il convient de noter une addition qui sera conservée dans le décret définitif. Après avoir énoncé l’incertitude de la persévérance finale, le général des ermites de Saint-Augustin ajoute cette raison : « Car Dieu, dans le secours duquel il faut placer toute espérance, comme il a commencé en eux (les élus) le vouloir, il le réalisera et l’achèvera selon sa volonté bienveillante. » N. (t, p. 513. Les autres considérations développées se retrouvent également dans le texte définitif. Mais, ici encore, la certitude de la persévérance, tout en demeurant en relation étroite avec celle de la prédestination, est abordée dans un paragraphe spécial. De même, le canon 8 du second projet est dédoublé et donne les canons Il et 12, le premier condamnant ceux qui obligent l’homme justifié à croire de foi divine qu’il est au nombre des prédestinés, le second anathématisant qui se flatte de posséder le don de persévérance finale (hormis le cas où une révélation spéciale l’en aurait assuré). P. 516. Dans la troisième rédaction du décret, est exposé, en trois chapitres distincts, ix, xii, xiii, l’enseignement catholique sur la certitude de la justification, de la prédestination, de la persévérance finale. P. 637-638. Les canons Il et 12 de Seripandi sont devenus les canons 12 et 13 du concile, p. 640, et seront maintenus dans la rédaction définitive, canons 15 et 16, avec quelques additions et précisions.

Notre chapitre sur la persévérance finale est rédigé d’une manière prudente. La doctrine de la persévérance finale, si intimement connexe à celle de la prédestination, ne reçoit aucune définition expresse. On rappelle la doctrine concernant le posse perseverare : l’obligation d’être vigilant dans la lutte qui s’impose avec la chair, le monde, le démon ; la nécessité de la grâce divine pour surmonter ces difficultés ; l’absence de certitude absolue d’y parvenir, quoiqu’il faille placer en Dieu, qui ne nous abandonnera pas, une très ferme espérance. Mais le fait de la persévérance actuelle à l’instant de la mort est à peine touché d’une brève allusion : il s’agit bien cependant ici de la persévérance finale, puisque le concile invoque Matth., x, 22 ; xxiv, 13, persévérance que Dieu seul peut accorder ; c’est lui, en effet, qui doit parfaire l’œuvre commencée.

Le canon 16 insiste sur ce caractère de don vraiment grand que possède la persévérance finale. L’expression, introduite par Seripandi, est très certainement empruntée à saint Augustin et, par conséquent, doit être normalement entendue au sens d’Augustin. Néanmoins, le concile n’a rien défini sur ce point et laisse la porte ouverte aux opinions d’écoles, qui s’efforcent de pénétrer « le mystère caché de la divine prédestination », cf. c.xii, Denz.-Bannw., n. 805 ; Cavall.. n. 885. Quant à la certitude de la persévérance finale, le dernier projet la condamnait en ces termes : Si quis magnum illud usque in finem perseverantiæ donum se certo habiturum præsumpseril nisi hoc ex speciali revelatione didicerit, A. S. La forme définitive du canon est plus précise, et avait été acquise à la séance du 15 décembre. Conc. Trid., p. 715.

Can. 16 : Si quis magnum Si quelqu’un dit qu’il est illud usque in finem persevecertain, d’une certitude abrantiæ donum se certo habisolue et infaillible, de posaé

turum absoluta et infallibili der plus tard le grand don de

cerlitudine dixerit, nisi hoc la persévérance finale (à

ex speciali revelatione didimoins qu’il ne l’ait appris

cerit, A. S. Conc. Trid., par une révélation spéciale),

p. 798 ; Denz.-Bannw., n. 826 ; qu’il soit anathème. Cavallera, n. 885.

L’addition absoluta et infallibili cerlitudine fut introduite, vraisemblablement, dans l’intention de ne pas opposer l’absence de certitude à la fermeté de l’espérance (Zaius, p. 658) et à la confiance morale qui en découle (archevêque d’Armagh, p. 679). C’est là une précision non négligeable. Du mérite possible de l’homme justifié relativement à la persévérance finale, le concile n’a rien statué directement, ni dans la doctrine, ni dans les canons.

III. Les cadres de la théologie moderne.

La théologie moderne a systématisé les doctrines précédemment exposées et qui, toutes, convergent vers l’explication du grand don de la persévérance finale accordé par Dieu à ses élus. De là découlent la plupart des thèses concernant la nécessité de la grâce. A vrai dire, la théologie posttridentine n’a pas inventé le cadre où elle évolue ; ce cadre, elle le doit avant tout à saint Thomas, Sum. theol., Ia-II », q. cix.

Toutefois, les positions doctrinales sanctionnées au concile de Trente ont obligé les théologiens à exposer avec plus de précision le rôle et la nature des secours divins nécessaires à la persévérance. Les concepts de grâce médicinale et de grâce élevante, de grâce suffisante et de grâce efficace, concepts d’origine assez moderne, ont été invoqués pour justifier les divergences d’explication. Certaines expositions ont dû être revues avec soin en face des exagérations ou des erreurs jansénistes et baïanistes. De là, un progrès, accidentel sans doute, mais très réel, dans la théologie posttridentine de la grâce nécessaire à la persévérance du juste.

Nous n’avons strictement à étudier, dans ce paragraphe, que les cadres où s’insèrent les thèses relatives à cette persévérance du juste dans le bien. Néanmoins, la connexion des idées oblige souvent les théologiens modernes à se reporter à des thèses concernant les infidèles et les pécheurs. Nous devrons donc indiquer, subsidiairement, les connexions inévitables.

1° La possibilité des actes moralement bons pour le juste, dans l’étal actuel de la nature déchue et réparée. — C’est le premier problème que pose la persévérance des justes dans le bien. Pour persévérer, il faut, en effet, tout d’-abord, que le juste puisse agir conformément aux exigences de la morale, même simplement naturelle.

Cette possibilité, OH l’a vii, est niée par les réformateurs. Voir ci-dessus, col. 1282. Pour Luther et ses disciples, le libre arbitre est tellement corrompu par le péché originel et tellement orienté vers le mal que le juste, même dans ses actions bonnes, pèche mortellement ou, tout au moins, vénlellement. D’ailleurs, en agissant en vue d’une récompense éternelle, même s’il a l’intention de glorifier Dieu, le juste commet une faute. Denz.-Bannw., n. 771. 772. 776, 804, 826, 841 ; Cavallera, n. 669, 884, 892.

Cette possibilité est restreinte, dans des proportions qui la rendent souvent illusoire pour l’état de nature déchue et réparée, par la théologie de l’..iius. pour

Baius, non seulement c’est tomber dans l’erreur péla gienne que d’admettre la moindre bonne action chez

les Infidèles, mais encore il faut affirmer que, sans la grâce, le libre arbil re ne peut que pécher, de telle sorte pue, dans la vie morale de l’homme, même justifié, il n’y a aucun Intermédiaire entre les œuvres accomplies par amour sumal urei de i >i>'ii et lis péchés procédant de la cupidité vicieuse. Voti Bah s, t. ii, col. 83, 90. Des disciples de Baius et de Jarisénlus ont soutenu, dans

la suite, les mêmes erreurs. Voir Alexandre VIII, t. i, col. 754. Voir aussi, parmi les erreurs du synode janséniste de Pistoie, condamnées par Pie VI, les prop. 23 et 24 ; Denz.-Bannw. n. 1523, 1524 ; Cavallera, n. 918.

Les jansénistes non seulement acceptent ces vues, mais les aggravent avec leur concept inadéquat de la grâce suffisante et surtout avec leur théorie du libre arbitre, rendu par le péché incapable de se décider pour le bien, n’ayant de pouvoir que pour le mal et subissant d’une manière nécessaire l’attrait de la délectation victorieuse. Voir Jansénisme, t. viii, col. 388 sq. D’où il résulte que, en l’absence d’une délectation victorieuse, les justes sont dans l’impuissance d’éviter le mal et de faire le bien. Col. 392, 479. Le fondement de cette assertion est que, « par le péché originel, l’homme est tombé dans l’impuissance volontaire de faire aucun bien, d’observer les commandements, parce que sa volonté est dominée par la cupidité ». Col. 481. De là. les deux premières propositions de Jansénius, condamnées par Innocent X, Denz.-Bannw., n. 1092 et 1093 ; Cavallera, n. 903.

La théologie moderne a placé ces doctrines désespérantes, pour en réfuter le principe, dans le cadre plus général tracé par saint Thomas, toc. cit., a. 1 et 2. En montrant que l’homme même déchu, même laissé à ses seules forces naturelles, est capable, sans la grâce. de connaître quelques vérités religieuses, d’accomplir quelque bien, les théologiens montrent que la thèse fondamentale de Luther, de Baius et de Jansénius sur la corruption radicale et l’impuissance du libre arbitre est insoutenable. Cette démonstration, replacée en son cadre, a été exposée ici à l’article Grâce, t. VI, col. 1578-1580.

La théologie catholique enseigne donc que la nature humaine, quoique déchue, est capable de faire quelque bien d’ordre naturel sans le secours de la grâce. Quant à la qualification de cette doctrine, si on la prend dans sa plus large compréhension, à savoir l’hypothèse du bien accompli sans le secours d’aucune grâce, les auteurs la considèrent comme doctrine moralement certaine et commune. Mais, quand ils envisagent certaines catégories d’individus, la noie théologique, en raison de la condamnation des propositions contradictoires, s’aflirme avec plus de précisions. La possibilité, pour l’infidèle, de faire des bonnes ouvres sans le secours de la grâce de la foi est une doctrine catholique théologiquement certaine. Cf. Denz.-Bannw., n. 1025 ; Cavallera, n. 895. La possibilité pour le pécheur de

faire de bonnes œuvres sans le secours de la grâce sanctifiante est une doctrine de foi. Cf. Denz. -Bannw., n. 817 : Cavallera, n. 892. A plus forte raison donc, la possibilité, pour le juste, d’accomplir de bonnes ouvres sans le secours de la grâce actuelle doit être considérée comme un dogme de foi ; aussi les propositions contradictoires de Luther ont elles été anathématisées. Denz.-Bannw., n. 835. 841 ; Cavallera, n. 892. Cet anathème laisse entière’la controverse

entre théologiens sur la nécessité, pour le juste, d’une grâce actuelle pour chaque acte non seulement bon. mais surnaturel. Voir GRÂCE, t. VI, col. 1678 sq. foute fois, si l’acte moralement bon. du pécheur comme du juste, ne requiert pas absolument le’secours d’une

grâce Improprement dite au sens de Vasquez, col. 1581,

ou proprement dite, riu moins en fait, au sens de Ripalda, col. 1582, il semble exact d’observer avec Billuart, après Bancel et Goudin, « pic la simple motion

riu concours général de Dieu, nécessaire a l’homme

pour accomplir un acte moi aleineiil licm. est déjà, par

rapport a celui cpii accomplit cet acte, un ICCOU1

cial. puisque Dieu aurait pu ne pas diriger sa liberté

en ce sens. Trætatvu de gratia, dissert. IN. n. 8. Cf. saint Thomas, De oerttate, q. xxtv, a. i I.

1291

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE

1292

2° La possibilité pour le juste d’éviter le péché. L’analyse du concept de la persévérance continue dans le Ijii’ii implique, on l’a vii, un double élément) un élénieni statique, la possession de la grâce sanctifiante, un élément dynamique, le pouvoir de prolonger longtemps cet état. Cet élément dynamique n’est concevable, même pour le juste, qu’avec le secours de la grâce divine.

1. Il ne saurait être question, même avec le secours de la grâce, d’éviter tout péché véniel. Aussi, l’un des cadres de la théologie moderne, en conformité avec les décisions du concile de Carthagc, voir col. 1269. et du concile de Trente, voir col. 1279, concerne-t-il l’impossibilité pour le juste d’éviter, pendant toute sa vie, tous les péchés véniels, à moins d’un privilège très spécial qui, selon le sentiment général, n’a été accordé qu’à la très sainte Vierge. Denz.-Bannw., n. 106, 107, 108, 804, 833 ; Cavallera, n. 843, 884, 892. La thèse est notée comme de foi.

2. En ce qui concerne le péché mortel, la théologie moderne rattache la possibilité pour les justes de l’éviter, même complètement, au cours de toute la vie, à différentes doctrines qui, sans concerner spécialement les justes, posent néanmoins les principes d’après lesquels peut être dirimé leur cas spécial.

a) L’accomplissement des préceptes de la loi divine n’est moralement possible à l’homme déchu qu’avec le secours de la grâce ; même s’il s’agit de leur accomplissement quoad substantiam, c’est-à-dire abstraction faite de tout mérite surnaturel. La note théologique de cette thèse varie suivant les auteurs, depuis la certitude Ihéologique (Suarez, De gratia, t. I, c. xxvi, n. 12) jusqu’à la doctrine de foi (Van der Meersch, ici, t. vi, col. 1584, se référant à Billot, De gratia, th. ii, § 2) ; en passant par la note doctrine catholique (Perrone, De gratia, part. I, c. ii, prop. 2, édit. Migne, t. i, col. 1253). Voir, sur cette question, l’article Grâce, t. vi, col. 1583 sq. Mais le juste, déjà en possession de la grâce sanctifiante, peut-il, avec le soutien de cette seule grâce, remplir tous les commandements ?

b) La théologie fait observer, à cette occasion, que le juste lui-même rencontre sur son chemin tant de tentations graves que, vu la faiblesse de la nature humaine, même réparée par le Christ, le secours d’une grâce proportionnée lui est indispensable pour vaincre les tentations plus graves. Sur la raison psychologique invoquée par la théologie, voir saint Thomas, ici, col. 1275. Cette doctrine catholique se fonde sur V Indiculus de gratia, c. vi, et sur les déclarations du concile de Trente, sess. vi, c. xiii (in fine), Denz.-Bannw. , n. 132, 806 ; Cavallera, n. 886. Ci-dessus, col. 1287.

c) D’où, la thèse catholique de la nécessité de la grâce actuelle, en plus de la grâce habituelle, pour que le juste puisse éviter tous les péchés mortels au cours de sa vie. Voir t. vi, col. 1677-1678. Avec le secours de cette grâce, les commandements de Dieu ne sont plus, pour le juste, impossibles à observer. Cône, de Trente, sess. vi, can. 18 ; Denz.-Bannw., n. 828 ; Cavallera, n. 892. La seule discussion (plus théorique que pratique ) qu’agitent, sur ce point, les théologiens, est de préciser la nature de cette grâce actuelle, médicinale ou élevante ? Voir l’exposé de la question, t. vi, col. 1586-1590.

3. Nous aboutissons ainsi au cadre propre à notre question : le pouvoir de persévérance n’existe pour les justes qu’avec un secours particulier de Dieu, secours qui n’est refusé à aucun d’entre eux. Les deux assertions composant cette doctrine sont de foi. On invoque le IIe concile d’Orange, can. 10 et 25, concl. ; le concile de Trente, sess. vi, c. xi, xiii ; can. 22, voir ci-dessus, col. 1270, 1279, 1286. La deuxième partie de l’assertion, à savoir oue le secou.r= nécessaire n’est refusé à

aucun juste, se rattache à la question de la distribution de la grâce, voir t. vi, col. 159°) sq.

La discussion entre théologiens vise simplement a déterminer l’essence de ce secours spécial ». On a donné plus haut les différentes interprétations de Vauxilium spéciale préconisé au concile de Trente. Voir col. 1284 sq.

La théologie de la persévérance et lu liturgie.

La

plupart des théologiens modernes font ressortir l’accord de la liturgie et de la théologie dans la question de la nécessité de la grâce pour la persévérance du juste.

Quelques exemples :

Libéra nos quasumus, Domine, ab omnibus malis…, ut ope misericordiæ tuaadjuti, et a peccato simus semper Uberi et ab omni perturbations securi (canon de la messe).

Vota, quæsumus Domine, supplicantis populi cselesti pietate prosequere ; ut et quæ agenda sunt, videant, et ad implenda quæ viderint, convalescant (dim. dans l’octave de l’Epiphanie, secrète).

Deus, qui nos in tantis periculis constitutos, pro luimana scis fragilitate non posse subsistere (IVe dim. après l’Epiphanie, collecte).

Deus, qui conspicis omni nos virtute destitui… (11’dim. de carême, collecte).

Deus, a quo bona cuncta procedunt, largire supplicibus tuis : ut cogitemus, te inspirante, quæ recta sunt, et te gubernante, eadeni faciamus (V dim. après Pâques, collecte).

Deus, in te sperantium fortitudo, adesto propitius invocationibus nostris : et quia sine te nihil potest mortalis infirmitas, pra ?sta auxilium gratiatua ;, ut in exequendis mandatis tuis, et voluntate tibi et actione placeamus (1 er dim. après la Pentecôte, collecte).

Nunquam tua gubernatione destituis, quos in soliditate tuse dilectionis instituis (dim. dans l’octave du Saint-Sacrement, collecte).

Protector in te sperantium Deus, sine quo nihil est validum (IIP dim. après la Pentecôte, collecte).

Largire nobis, quæsumus, Domine, semper spiritum cogitandi quæ recta sunt, propitius, et agendi… (VHP dim. après la Pentecôte, collecte.)

…quia sine te labitur humana mortalitas, tuis semper auxiliis, et abstrahatur a noxiis, et ad salutaria dirigatur (XIVe dim. après la Pentecôte, collecte).

Deus, qui conspicis, quia ex nulla nostra virtute subsistimus. .. (Fêle de saint Martin, évêque, collecte.)

Et, pour terminer, la célèbre strophe, d’une saveur bien augùstinienne, de la séquence Veni sancte Spiri lus :

Sine tuo numine.

Nihil est in homine,

Nihil est innoxium.

IV. Lk problème spécial de la persévérance finale. — L’acte même de la persévérance finale est étudié à part par les théologiens. Cet acte, en effet, ajoute quelque chose au posse perseverare dont il a été question jusqu’ici.

D’une manière générale, la persévérance finale ajoute, au pouvoir de persévérer longtemps dans le bien, des dispositions spéciales de la Providence, faisant coïncider l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce, et une grâce particulière, donnant à l’âme non seulement de pouvoir persévérer en ict état, mais d’y persévérer effectivement au moment ultime de l’existence. Or, ces deux éléments spécifiques de la persévérance finale échappent complètement au pouvoir du libre arbitre, même soutenu par la grâce, car il n’est jamais au pouvoir du libre arbitre de s’immobiliser dans le bien au moment précis de la mort, moment dont la détermination elle-même lui échappe.

C’est donc 1° sous cet aspect général que se présente le concept de persévérance finale, lequel : 1. a ses racines dans l’Ecriture sainte : 2. a été mis en relief par saint Augustin ; 3. a été retenu par la théologie médié

vale et surtout par saint Thomas ; 4. a été sanctionné par le concile de Trente et enfin ô. a reçu de la théologie posttridentine, par l’application de la doctrine de la grâce efficace, son dernier complément, où il apparaît bien que la grâce de la persévérance finale mérite le nom de « grand don de Dieu ». Mais, 2° de cette analyse, il résulte : 1. que personne ne peut être assuré de s ; i persévérance finale et 2. que la grâce de la persévérance finale ne saurait être l’objet d’un mérite proprement dit.

I. LE « GRAND DON » DE LA PERSÉVÉRANCE FINALE.

— 1° L’enseignement de l’Écriture. — Tous les textes relatifs à l’élection gratuite des prédestinés, à la grâce et à la gloire, impliquent qu’à Dieu seul doit être attribuée la conservation de l’état de grâce jusqu’à l’instant de la mort. Voir surtout Rom., viii, 28-33 ; ix, 6-24, et Prédestination. Mais la réalisation même de la prédestination, c’est-à-dire l’acte de la persévérance finale est rapporté expressément à Dieu seul : « Je rends grâces à mon Dieu, écrit saint Paul aux Philippiens, i, 3-6, en plein souvenir de vous…, ayant cette confiance que celui qui a commencé en vous la bonne œuvre la perfectionnera jusqu’au jour du Christ Jésus. » Et saint Pierre, rattachant la persévérance finale à la prédestination : « Le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, vous perfectionnera lui-même, vous fortifiera et vous affermira. » I Pet., v, 10. Cf. Jer., xxxii, 40. Plus spécialement, c’est à Dieu qu’est attribuée la coïncidence de l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce. Cf. Sap., iv, 11, 14.

L’enseignement de saint Augustin.

 On a exposé

plus haut la doctrine générale de saint Augustin sur la persévérance finale, voir col. 1266 sq. Il suffit dénoter ici les particularités qui, déjà chez Augustin, mettent en relief les éléments spécifiques de cette persévérance.

Nous avons distingué, dès le début de cet article, la persévérance passive et la persévérance active. Déjà, la persévérance finale purement passive est un don de Dieu : le seul fait que Dieu impose à la vie humaine l’instant final qu’il veut est déjà une grâce pour ceux que cet instant final trouvera dans l’amitié de Dieu. Ce premier élément est mis en relief dans le De dono perseverantiæ, c. xiii. n. 32 ; c. xiv. n. 35 ; c. xvii, ii. 41. P. /… t. xi.v. col. 1012, 1014, 1018. Voir aussi ci-dessus, col. 1’207. Mais il y a plus : chez les adultes, capables d’actes de volonté libre, la persévérance finale comporte une grâce, qui fixera la volonté dans la foi et le choix du bien. Id., c. xxii, n. 58, col. 1029. (’.clic grâce s’exerce évidemment surtout a l’heure de la mort ; mais elle consiste également dans tout l’ensemble « les secours, externes et Internes, parlesquels Dieu soutient l’infirmité humaine et dispose toutes choses de manière a diriger la volonté de l’homme tndeclinabililer et insuperabiliier, de manière a l’empêcher de faiblir et de se laisser vaincre par quelque

adversité. De correptione ri gratia, cxii, n. 38. P. l.. t. xi. iv, col. 939. insi. c’esl à la grâce que la liberté

doit de persévérer et d’aï -quérir la continuité el la

forée invincible dans la persévérance. Ibid., c. viii, n. 17, col. 926. Comment celle grâce n’offense pas la liberté, on l’a dit t. i. col. 2390 sq.

Ce don de la persévérance, acquis à celui que Dieu a prédestiné, ne saurait donc, par rapport à ce décret de la prédestination, être conçu comme amissible : le prédestiné aura certainement, il a déjà, le don de la persévérance finale. /><- dono perseverantiæ, c. vi, n. 11. 12. t. xi.v, col. 999. Voir ci-dessus, col. 1207. Mais, tant qu’il esi sur terre, en butte aux tentations et aux

périls de toutes sortes, l’homme ne peut savoir avec

certitude s’il persévérera. Ceux qui doivent persévérer

el (eux qui ne persévéreront pal sont , pour ainsi dire,

mélangés dans la volonté iris providente de Dieu : par

là, nous devons apprendre l’humilité et chercher à accomplir notre salut avec crainte et tremblement. Id., n. 33, col. 1012.

Sur l’impossibilité de mériter le don de persévérance et la possibilité de l’obtenir par nos supplications, voir col. 1267.

Doctrine de saint Thomas.

Les théologiens du

Moyen Age sont, en général, sobres d’explications sur le fait de la persévérance finale. Ils répètent volontiers la formule anselmienne de la persévérance de l’ange fidèle : Ideo perseveravit. quia perseverantiam habuit ; ita ideo perseverantiam habuit, quia accepit et ideo acecpit, quiaDeus dédit. Cf. supra, col. 1273. Saint Thomas, cependant, a fourni des éléments nouveaux.

Tout d’abord, il marque bien la différence entre le posse perseverarc et la persévérance finale actuelle. » 11 en est, écrit-il, qui reçoivent la grâce, mais sans la persévérance dans cette grâce. » Sum. theol., I-MI*, q. cix, a. 10. Et, plus expressément : « Beaucoup reçoivent la grâce qui leur permet de persévérer tquo perseverare possunt ) et, de plus, il leur est donné de persévérer en fait (quod persévèrent j. a Ibid.. ad 3um. Toutefois, dans cet article de la Somme, où il traite ex professo de la persévérance finale, saint Thomas n’est pas très explicite sur la nécessité d’une grâce actuelle spéciale, qui donne à l’homme le fait de la persévérance. « La persévérance, écrit-il, c’est la continuation effective du bien jusqu’au terme de la vie. Et, pour obtenir pareille persévérance, un homme, déjà établi dans la grâce, a besoin non pas d’une nouvelle grâce habituelle, mais d’un secours divin le dirigeant et le protégeant contre l’assaut des tentations. Ceci, ajoute saint Thomas, ressort des considérations faites à l’article précédent. » Or, l’article précédent ne s’occupe que du posse perseverare. La pensée du Docteur angélique apparaît plus complètement tout d’abord dans la q. c.xiv, a. 9, où il enseigne que la persévérance finale implique une motion divine inclinant l’homme au bien jusqu’à la liii, et surtout dans la H a -II : ’. q. cxxxvii, a. 4, où il déclare que le secours spécial de Dieu est requis dans la persévérance finale, « parce que le libre arbitre est, de soi. changeant et que, même réparé par la grâce, il ne peut se fixer immuablement dans le bien : en son pouvoir est l’élection, mais non l’exécution. « Se fixer dans le bien, condition nécessaire à la persévérance finale pour l’adulte à l’article de la mort, n’est pas au pouvoir du libre arbitre : c’est la raison qu’exploitera la théologie posttridentine. Saint Thomas la rappelle encore. Sum. cont. gent., I. 111. c. ci.v ; De veritate, q. nxiv. a. 13. Les Salmanticenses ont justement noté que certaines raisons apportées par saint Thomas sont souvent moins complètes que celles de la théologie moderne et qu’elles touchent plutôl la difficulté pour l’homme de surmonter les tentations qui s’opposent à la persévérance pendant une longue

durée de la vie plutôl que le fait même de la persévé

rance finale. Cette remarque s’applique parfaitement

au texte de la DM-, q. MX. Salmanticenses. De gratia, disp. III. dub. xi. n. 235, I. ix. p. 195.

Par contre, saint Thomas est très cxplieiie sur l’impossibilité, pour le juste, de mériter la pci rance finale :

Étant donne ((ne. de par sn nature, le libre arbitre (le l’homme penche soit vers le bien, soit vers le mal, il j a deux maniéi es pour obtenir de i Meu la perses érance dans le bien. I : i première, c’est que le libre arbitre soit déterminé an

bien par la grâce Consommée ; Ici scia le cas des saints dans la gloire, La seconde, c’esl que la motion di me incline l’homme an bien jusqu’à la lin. Or. d’après Ce que nous

avons dii. nous poui ons mériter ce qui se présente comme un terme du mouvement de notre libre arbitré mû et dirigé

par Dieu, mais non pas ce ipii se trouve an principe même

.i. ce mouvement. Il apparaît dès lors que la perses.

de la gloirr. qui est le terme dn mouvement dont non

ions, peut être méritée, mail que la persévérance d’ici-bas ne peut pas êl re l’objet du mérite, pane qu’elle dépend seulement de la motion divine qui est le principe du mérite. Ceux à qui Dieu accorde le bienfait de cette persévérance le rcroiu-ni gratuitement, l^-l l iii, q. cxiv, a. 9. Trad. Mulard.

Toutefois, nous pouvons l’obtenir par la prière : En demandant (le don de la persévérance), on l’obi ient pour soi ou pour autrui, sans pouvoir néanmoins le mériter. » Ibid., ad l" m.

Saint Thomas n’a pas aborde 1 spécialement la question de l’incertitude où nous sommes concernant le don de notre persévérance..Mais il a posé le principe de solution touchant cette question, dans la Somme théologique, Ia-IIæ, q. exii, a. 5, et les endroits parallèles de ses autres œuvres : l’trum liomo possit scire se habere gratiam ?

Parmi les disciples de saint Thomas, antérieurs au concile de Trente, il faut signaler Cajétan, pour sa démonstration particulière de l’existence d’une grâce spéciale dans le don de persévérance finale. Cette persévérance, fait observer Cajétan, consiste dans la conservation de la grâce et cette conservation n’est pas autre chose que sa production ininterrompue. L’action par laquelle Dieu conserve les créatures est la même entilative que celle par laquelle il les produit. Dès lors, la persévérance finale ou la conservation à l’article de la mort de la grâce sanctifiante est la même chose, entilative. que la production ou infusion de cette grâce. Aussi est-elle le principe, non l’objet du mérite. In /am-j/æ, q. exiv, a. 9.

La doctrine du concile de Trente.

On devra se

référer aux textes rapportés plus haut, col. 1283 sq. Le concile, on l’a vii, ne formule, à proprement parler, aucune doctrine sur la nature du don de persévérance. Ses enseignements peuvent se résumer dans les points suivants :

1. Nécessité d’un secours : spécial, dont la nature n’est pas déterminée, pour permettre au juste de persévérer dans le bien. Et, dans l’esprit du concile, cette persévérance inclut le fait même de la persévérance actuelle à l’instant de la mort. Can. 22.

2. La grâce de la persévérance finale est un don, par conséquent une grâce absolument gratuite de Dieu. On ne peut l’obtenir que de celui qui, d’après la doctrine de saint Paul lui-même, a le pouvoir de soutenir qui est debout et de le maintenir ainsi. C. xiii. Le canon 16 appelle même ce don de l’expression augustinienne de magnum donum.

3. La nature même de ce don gratuit, accordé par Dieu seul, exclut, pour le juste, la certitude de posséder la persévérance finale. Il peut simplement en avoir l’espérance très ferme et escompter le secours que Dieu ne refuse à aucun juste, Dieu achevant lui-même l’œuvre du salut qu’il a commencée, opérant dans l’âme le vouloir et le faire. C. xiii. Seule, une révélation spéciale pourrait donner à un homme la certitude de sa persévérance. Can. 16. Enfin, l’incertitude de la persévérance finale tient aussi à l’incertitude de notre persévérance active ; nous devons toujours redouter l’issue du combat que nous devons livrer à la chair, au monde, au démon. Et c’est avec crainte et tremblement que nous devons travailler à notre salut, dans les bonnes œuvres de toutes sortes. C. xiii.

4. La question du mérite de la persévérance finale n’est pas directement agitée par le concile. Mais l’incertitude même, dans laquelle nous sommes par rapport au don de la persévérance, montre que nous ne le pouvons mériter strictement. Can. 16.

On le voit, le concile est resté dans des formules générales, qui, tout en indiquant suffisamment que la persévérance finale se rattache à l’exécution du plan divin de la prédestination, laissent une liberté suffi sante aux théologiens pour expliquer ce « grand don conformément à leur système préféré sur la grâce efficace et la prédestination.

~i° La théologie postlridenline. — Les précisions des théologiens postérieurs au concile de Trente porteront sur deux points principaux : justification du magnum donum Dei par la doctrine de la grâce efficace appliquée à la persévérance finale : justification de cette doctrine dans chacune des opinions particulières sur l’efficacité de la grâce.

1. La théologie de la grâce efficace dans l’explication du magnum donum Dei ». — D’une manière générale, les théologiens modernes partent du fait que la persévérance finale ajoute toujours, et dans toute hypothèse, un secours spécial accordé par Dieu au sec ours du passe perseverare. On cite péniblement deux théologiens, un franciscain du xvie siècle, théologien et commentateur du concile de Trente, André de Véga, Traclatus De justificatione, De gralia, etc., t. XII, c. xxii, et, au début du xviie siècle, le sorbonniste André Duval, Traclatus De gralia, q. I, a. ult. (10), qui enseignent que, dans le cas où la mort suivrait à bref intervalle l’instant de la justification et que, en ce court intervalle, le juste n’aurait eu à subir aucune grave difficulté, aucune tentation sérieuse, la perséérance finale ne comporterait, exceptionnellement, aucune nouvelle grâce spéciale. Position périlleuse et peu sûre, dit Jean de Saint-Thomas, De gralia. disp. XXI. a. 2, n. 3.

La persévérance finale, avons-nous dit, col. 1292, ajoute au pouvoir de persévérer longtemps dans le bien deux éléments nouveaux : 1° les dispositions spéciales de la Providence faisant coïncider l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce : 2° la grâce particulière, donnant à l’âme non seulement de pouvoir persévérer, mais de persévérer effectivement à l’instant ultime de l’existence. Or, dans ces deux éléments, les théologiens posttridentins trouvent réalisée leur notion de la grâce efficace.

a) La conjonction de la mort avec la continuation de l’état de grâce est un secours efficace de Dieu. — Suarez a fort bien posé le problème de la persévérance finale sous ce premier aspect, et pour les enfants incapables encore d’user de la raison, et pour les adultes qui, dans la continuation de leur état de grâce, n’ont pas à faire usage de leur libre arbitre (par exemple dans le sommeil). De gratia. t. X, a. 4, n. 16 sq. La question peut se poser, à fortiori, pour les adultes aux prises avec les tentations et la difficulté d’éviter le péché. Bien qu’en certains cas la liberté humaine n’ait pas à s’exercer dans le sens du bien pour éviter le mal, il n’en est pas moins vrai que, dans la coïncidence de la mort avec la continuation, même simplement passive, de l’état de grâce, s’exerce déjà positivement un secours spécial, efficace, de Dieu. Ces enfants ou ces adultes déjà justifiés, incapables, à l’instant où les frappe la mort, de se décider dans le sens du mal, en seraient cependant devenus capables si l’heure de leur mort avait été retardée. Suarez, loc. cit.. n. 17 : Salmanticenses, op. cit., n. 241. Or, ni la vie, ni la mort ne sont au pouvoir du libre choix de l’homme : seul. Dieu peut ôterla vie à l’homme à l’instant qu’il lui plaît. Or. dans les cas envisagés, la coïncidence de l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce n’est pas, de la part de Dieu, une coïncidence fortuite, accidentelle : mais elle est positivement voulue, dans l’intention efficace de conduire à la gloire ceux qui en bénéficient. Il y a là. comme l’explique fort pertinemment Billuart. après Gonet, l’aboutissement de tout un jeu de dispositions divines, agencées de telle sorte que. finalement, l’instant de la mort coïncide avec la possession de la grâce. Et cette coïncidence procède, comme le disent les deux théologiens dominicains, ex 129 ;

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE

1298

efflcaci gloriæ intentione. Gonet, Clypeus, tract. De gratia, disp. I, a. 8, § 3, n. 357 : § 7, n. 386 : Billuart, Summa, tract. De gratia, dissert. III. a. 10, §5 ; cf. Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 6.

Évidemment, ce secours efficace est d’une nature spéciale, puisque, dans le fait de la conjonction de l’instant de la mort avec la continuation de l’état de grâce, il ne comporte pas nécessairement d’influence directe sur la volonté humaine. C’est, avons-nous dit, un aboutissement, le même pour tous, mais consécutif à des dispositions providentielles fort différentes selon les individus :

Dans son élément formel, qui est la conjonction de la grâce avec l’instant de la mort, conjonction voulue par Dieu en suite d’une intention efficace de glorifier le prédestiné, la persévérance finale est de même nature chez tous. Mais, dans ses éléments matériels, elle comporte des dispositions fort différentes selon les différents individus. En ceux qui meurent sans avoir eu l’usage de la raison, elle comporte simplement la providence divine, en vertu de laquelle les événements ont été disposés de manière que leur mort arrive avant qu’ils aient pu faire mauvais usage de leur raison. Pour les autres, elle comporte la collation de divers secours, soit pour les relever du péché, scit pour leur éviter le péché et les aider à surmonter les tentations ou à persévérer longtemps dans le bien, ou encore à se trouver en état de grâce, précisément au moment fixé par Dieu pour la mort. Gonet, n. 388.

C’est cet ensemble de secours intrinsèques et extrinsèques qui prépare la coïncidence de la mort et de l’état de grâce et réalise ainsi, par des moyens divers. le même résultai, identique pour tous les élus. Cf. Billuart, loc. cit.

b) L’immobilisation de la volonté dans le bien à l’instant de la mort marque le caractère efficace du secours divin constituant le don de la persévérance finale. — La persévérance passive qu’on vient d’expliquer n’épuise pas le contenu du don de persévérance accordé aux adultes. Leur volonté, même sanctifiée par la grâce habituelle, demeure, jusqu’au dernier moment, versatile et capable de se détourner de Dieu. Tant qu’elle se trouve in statu vise, elle demeure, antérieurement et postérieurement à l’acte bon qu’elle choisit sous l’influence de la grâce efficace — potentia antécédente et conséquente, disent les théologiens — - capable de se retourner vers le mal. Il n’est donc pas en son pouvoir. même aidée de la grâce habituelle et des grâces actuelles ordinaires, de se fixer dans le bien et de se rendre potentia conséquente incapable de choisir le mal, au moment où la mort va la saisir. Cf. Salmanticenses, n. 232 ; 235. lit. cependant, pour rendre pleinement raison du don de persévérance finale, cette fixation actuelle dans le bien est nécessaire, le fait de persévérer se superposant ici au pouvoir.

Saint Thomas, on l’a vu. avait esquissé cette preuve de la nécessité d’une grâce spéciale. Sum. theol., II a -II a’. q. CXXXVII, a. I : (’.ont. gent., I. III. c, CLV ; De verilate, q. xxiv, a. 13. Beaucoup de théologiens la

laissent dans l’ombre ; mais d’autres l’utilisent aec une logique rigoureuse (voir spécialement les Salman ticenses. n. 235 237) <t concluent que l’ultime grâce qui assure la persévérance finale est une grâce efficace spéciale. causant dans la volonté l’immobile per

sistaucc dans le bien i, N. 365. Or, une telle grâce ne peut être qu’un bienfait de Dieu.

Suarez a anal se plus complètement la grâce effli aie

qui constitue la persévérance finale, il rappelle tout

d’abord que le don de la persévérance finale ne saurait

être un habitua Infus avec la grâce sanctifiante, car les

justes, qui possèdent la grâce et les habit us qui raccompagnent, n’ont pas tous le don « le persévérance. De gratta, l. X. c. v, n. 1-2. D’ailleurs, par lui même.

l’habit us ne peut préserver le juste du pèche. c’esl l’usage de l’habit us qui cause la persévérance et cet

usage requiert l’intervention d’un secours actuel. De plus, l’adjonction d’un secours actuel à la grâce habituelle explique suffisamment la persévérance sans qu’il soit besoin de recourir à un habitus spécial. N. 3. Régulièrement, le don de persévérance n’est pas constitué par une seule grâce du dernier moment ; il suppose, au contraire, une série plds ou moins longue de grâces disposant efficacement l’homme à demeurer fidèle à Dieu et à persévérer dans cette fidélité. N. 4. Dans ces multiples secours, on peut distinguer les secours extrinsèques et les secours intrinsèques : extrinsèques quand Dieu, par sa providence, soustrait le juste aux occasions de péchés : intrinsèques, quand Dieu lui accorde les illuminations et motions surnaturelles nécessaires pour éviter le mal et faire le bien. N. 5. Il s’ensuit que le don de persévérance comprend des éléments très variables selon les différentes personnes. Quoi qu’il en soit, dans le cas des adultes, capables d’actes humains, le don de persévérance ajoute au pouvoir de persévérer les secours que Dieu sait devoir être efficaces : cui Deus vu.lt perseverantiam donare. illa prseparat effleacia auxilia, qui bus præscit usque in fmem perseveraturum. N. 8.

Sur ce point, entre théologiens posttridentins, les divergences n’existent pour ainsi dire pas. Les uns plus abondamment, les autres d’une façon plus succincte, tous considèrent que le secours spécial de la persévérance finale, au moins dans le cas d’une persévérance délibérée de la part du sujet, est un secours efficace qui fait que le juste persévère dans le bien. Cf. Van der Meersch. Traclatus de divina gratia. n. 346. Même les scotistes s’en tiennent â ce concept généralement admis. Voir Frassen, Scotus academicus, tract. III. De divinagratia’beneficio, disp. I. a. 3. q. il. concl. 1 et 2.

Il va de soi que le don de persévérance finale, quelle que soit l’efficacité des grâces qui le constituent, n’enlève en rien la liberté de l’homme et, là où la chose est possible, implique même sa coopérai ion. Suarez le démontre longuement contre l’opinion qu’il attribue à Diègue Alvarez, dominicain, et qui. en réalité, n’est pas autre que l’opinion de la grâce efficace ab intrinseco. Voir Suarez. op. cit.. c. vu : Alvarez. De auxiliis divinm gratise Rome, 1610, disp. CV.

Le seul point librement discuté entre théologiens est celui-ci : le secours spécial efficace, qui constitue, dans la persévérance active et délibérée des adultes. l’élément fixant leur volonté dans le bien pour l’instant de la mort, comporlc-t-il une ultime grâce efficace spéciale â l’instant du dernier acte libre, ou bien est-il suffisamment expliqué par tout l’ensemble des grâces efficaces précédemment accordées au juste, auxquelles s’ajoute simplement, â l’instant voulu par Dieu, l’opportune coïncidence de l’état de grâce et de la mort’1 Le problème est directement envisagé par fort peu d’auteurs, et doit être résolu d’après les principes admis pour l’interprétation du canon 22 du concile de Trente, voir ci-dessus, col. 1283. Cf. Lange. De gratta. n. 571, e. On pourrait cependant observer qu’un élément nouveau s’ajoute ici aux données du problème général posé par l’interprétation de ce canon : c’est la fixation de la volonté dans le bien. Il semble donc — c’esl la notre avis, s’il est permis de le formuler que la logique doive conduire le théologien à affirmer l’existence, dans le don de persévérance finale accordé

aux adultes, d’une ultime grâce efficace, qui est. par excellence, le grand don de la persévérance. Le P. Iltigon nous parait. SU1 ce point, avoir Irouvé la

formule exacte : Le don de persévérance Anale ne

consiste pas en une seule grâce indivisible, mais il ren

ferme beaucoup d’éléments. Chez les adultes. |] iup

pose, de la pari de Dieu, une providence spéciale dis posant toutes choses de sorte que l’clal de grâCC SOlt L299

    1. PERSÉVÉRANCE##


PERSÉVÉRANCE. LA PERSÉVÉRANCE FINALE

1300

joint à l’instant de la mort ; de la part de l’homme, il comporte une série de secours par lesquels l’homme, ou est préservé des I en talions, ou arrive à les surmonter, ou, s’il tombe, se relève en temps opportun. Et, enfin, il consiste en une ultime grâce efficace, qui relie le dernier mouvement de l’âme avec l’état de terme et qui, étant la grâce efficace par excellence, justifie, pour le don de persévérance, l’appellation de grand et insigne don de Dieu. > Tractatus theologici, t. n. Tract, de gratia, q. ii, a. 8, n. 7, p. 145. Cf. Jean de Saint-Thomas, loc. cit., n. 10.

Cette explication de l’efficacité de la grâce de la persévérance finale chez les adultes, par la fixation de la volonté dans le bien, amène, sous la plume des théologiens, des questions subsidiaires, que nous ne pouvons qu’indiquer ici.

Comment la perséuc’ranee finale se différencie-t-elle de la confirmation en grâce ? Évidemment, la persévérance finale est une sorte de confirmation en grâce ; mais ce n’est pas, à proprement parler, la véritable confirmation en grâce qui est un don bien plus spécial. Voir Impeccabilité, t. vii, col. 1272. On pourra consulter, sur ce point très particulier, Suarez, De gratia, t. X, c. vin ; Salmanticenses, De gratia, disp. III, dub. xi, § 5 ; Ch. Pesch, De gratia, n. 191 ; Schiffini, Tractatus De gratia divina, Fribourg-en-B., 1001, n. 124 ; Beraza, Tractatus De gratia Christi, Bilbao, 1916, n. 250 ; Lange, De gratia, n. 572.

La grâce de la persévérance finale eût-elle été nécessaire dans l’état d’innocence ? La réponse affirmative ne saurait faire de doute, en raison du IIe concile d’Orange, can. 19, voir t. xi, col. 1098, bien qu’elle doive affirmer une plus grande facilité pour l’homme innocent de se conserver dans le bien. Cf. Salmanticenses, op. cit., disp. III, dub. xi, § 4, n. 243-246 ; Gonet, De gratia, disp. I, a. 8, § 5. La persévérance finale, en tout état de cause, est un bienfait très spécial, soit pour l’ange, soit pour l’homme.

2. Justification de cette doctrine dans chacune des opinions particulières sur l’efficacité de la grâce. — Cette unanimité dans l’explication de la persévérance finale par la grâce efficace laisse subsister toutes les divergences d’école relativement à l’explication de cette efficacité. Et c’est dans cette explication que les théologiens modernes rattachent, chacun selon sa conception personnelle, le problème de la persévérance finale au problème de la prédestination. Ad solam ejus référendum esse voluntatem, cujus inscrutabilia judicia sunt, quique unum dilexit prse altero, graluitum ci confcrens donum, quod absque injustitia non contulit et alleri. Billot, De gratia, p. 125-126.

Suarez, De gratia, t. X, c. v, n. 8, a bien noté la parfaite liberté, gardée par les théologiens, d’expliquer, conformément à leur système de la grâce efficace, le secours spécial de la persévérance finale. « Ceux qui enseignent que le secours efficace ajoute le secours de la prédétermination physique de la part de Dieu, disent conséquemment que le don de persévérance ajoute un secours analogue, ou, plus exactement, un ensemble de secours analogues, proportionnant leur nombre au mode de persévérance, savoir pour un temps plus ou moins long, par des actes plus ou moins nombreux et même par un seul acte. Mais nous, avec la même logique et tenant compte des mêmes proportions, nous pensons que le don de persévérance ajoute la congruité d’un appel, ou de plusieurs appels, selon qu’il est nécessaire pour une persévérance plus ou moins longue. » Le grand théologien jésuite situe parfaitement ainsi la position des modernes et montre comment le dernier aspect de la grâce de la persévérance finale doit être, dans la théologie posttridentine, étudié en fonction des différents systèmes sur l’efficacité de la grâce et sur la prédestination. Cet aspect a

déjà été étudié ici. Voir Grâce, t. vi, col. 1662-1077 ; CONGRtTISME, t. m. col. 1120 s(|. ; MOLINISME, t. X,

col. 2160 s(|. ; Prédestination.

Quoi qu’il en soit des objections qu’on peut légitimement adresser a chacun des systèmes en cours dans renseignement catholique, tous s’efforcent de mettre en relief la gratuité de la prédestination et de la grâce efficace. Tous concluent donc que cette grâce eflicace par excellence, qui assure, à l’heure de la mort, l’exécution de la prédestination, mérite l’appellation que lui donna saint Augustin et qu’a consacrée le concile de Trente, magnum donum Dei.

II. CONSÉQUENCES DE CETTE DOCTRINE.

1° DlCeT titude de lu persévérance finale. — Cette incertitude, proclamée par le concile de Trente, voir col. 1288, se tient tout entière du côté de l’homme, qui, tant qu’il est sur cette terre, demeure dans l’ignorance des secrets desseins de Dieu sur lui et dans l’impossibilité de prévoir sa fidélité à la grâce. C’est un dogme de foi, connexe au dogme de l’incertitude de notre prédestination. Voir ci-dessus, col. 1287. Il est clairement indiqué dans l’Écriture, I Cor., x, 12 ; Phil., ii, 12.

Cette doctrine n’empêche pas qu’à l’aide de certains signes l’homme ne puisse concevoir quelque confiance au sujet de sa persévérance finale et de sa prédestination ; Jésus-Christ nous y invite lui-même dans le sermon sur les béatitudes. Matth., v, 3. Ces signes sont, d’une manière générale, le souci de pratiquer les bonnes œuvres et de s’exercer dans la vertu. On peut énumérer les signes suivants : 1. Un constant souci de conserver la pureté de la conscience ; cf. I. Joa., iii, 21 ; Rom., vin, 16. 2. L’esprit de prière et de méditation ; cf. Eccli., vii, 40. 3. Une véritable humilité, qui est le meilleur gage de la grâce et de la garde des vertus ; cf. Jac, iv, 6. 4. La patience chrétienne dans l’adversité ; cf. Rom., viii, 17 ; II Tim., ii, 12. 5. lue charité agissante à l’égard du prochain et un fréquent exercice des œuvres de miséricorde spirituelles et temporelles ; cf. Tobie, IV, 11 ; Jac, v, 20. 6. Une dévotion sincère envers le Christ rédempteur, eucharistie, passion, Sacré-Cœur, envers la très sainte Vierge, mère de la divine grâce et refuge des pécheurs, envers l’Église, dispensatrice de la grâce et de la vérité. Cf. Van Xoort, De gratia, n. 107 ; Einig, De Deo uno ci trino, Trêves, 1906, p. 116 ; Van der Meersch, op. cit., n. 348.

Cette confiance est elle-même suggérée par le concile de Trente : Nemo sibi certi aliquid absoluta ceriitudine polliceatur, tametsi in Dei auxilio firmissimam spem collocare et reponere omnes debeant.

2° Impossibilité de mériter « de condigno » la persévérance finale. — L’impossibilité de mériter, d’un mérite proprement dit, le don de la persévérance finale, vient de ce que ce don est constitué par une série de grâces efficaces ou par une seule grâce efficace. Or, tous les théologiens excluent la grâce eflicace de l’objet du mérite de condignité. Voir Salmanticenses. De merito, disp. VI, dub. v ; Suarez, De gratia, t. XII, c. xxvi, n. 24-25 ; Ch. Pesch, De gratia, n. 425 ; Billot, De gratia, th. xxii. § 2 : Beraza, De gratia. n. 1036 ; Van Noort. De gratia, n. 219, etc. C’est là une doctrine commune et certaine. Beraza, loc. cit.

En conséquence, bien que rien ne soit défini par l’Église à ce sujet, les théologiens posttridentins considèrent, les uns comme de foi, Gonet, De justificatione et de merito. disp. IL a. 9, n. 217, la plupart comme au moins théologiquemeiit certain, que la persévérance finale ne puisse être l’objet d’un mérite de condignité. Cf. Suarez, loc. cit., et Ripalda, De ente supernaturali, I. IV, disp. XC1V, sect. i. La raison de cette note théologique est que le concile de Trente, sess. vi, c. xiii et can. 16, voir ci-dessus, col. 1286-1289, a décrit le don de persévérance finale de telle sorte qu’il apparaît manifestement qu’il ne peut être la récompense due à un mérite. C’est un « présent », un « grand don », sur lequel « personne ne peut se promettre rien de certain d’une absolue certitude » ; en vue duquel « chacun doit faire son salut avec crainte et tremblement », etc. Tout cela exclut l’idée du mérite proprement dit. Ajoutons que, dans le can. 32, indiquant la vie éternelle comme objet du mérite de condignité, le concile ajoute cette condition : si tamen in gralia decesserit, ce qui implique que la condition n’appartient pas à l’objet du mérite.

De plus, les théologiens font appel au raisonnement pour démontrer que les grâces efficaces qui constituent le don de persévérance finale ne sauraient, ni collectivement, ni distributivement, constituer un objet du mérite de condignité. Ni collectivement, car il faudrait pour cela que l’homme put mériter de condigno la première grâce efficace de toute la série ; ni distributivement, car, dans l’hypothèse que le juste, muni de la première grâce efficace, pourrait mériter d’un mérite proprement dit les grâces efficaces suivantes, il se fixerait ainsi de lui-même dans I’impeccance, ce qui ne se réalise, dans le don de persévérance finale, qu’à l’ultime moment de l’état de voie, et uniquement par l’efficacité de la grâce.

En bref, l’argument de saint Thomas, IMI*, q. cxiv, a. 9, reste le fond de toute argumentation. La grâce de la persévérance finale est le principe du mouvement vers la persévérance, elle ne saurait donc être au terme du mouvement, seul objet possible du mérite. Voir col. 1294.

Faut-il faire du don de la persévérance finale un objet du mérite de congruité ?

Nombre de théologiens l’admettent, certains en spécifiant que ce mérite de congruité est essentiellement faillible. Bellarmin, Controversiæ de jiistificatione, t. V, c. xxii, Opéra, t. vi, Paris, 1870, p. 385 (s’appuyant sur saint Thomas, In epist. ad Heb., c. vi, leçon 3) ; Suarez, De gratta, t. XII, c. xxxviii, n. 14, qui adoucit son affirmation en rappelant que, à proprement parler, il n’y a pas de mérite même de congruité à un moment déterminé de la vie ou dans tels actes particuliers, mais plutôt une succession d’actes, au cours de toute la vie, partiellement méritoires, d’un mérite de simple congruité ; et d’autres théologiens, principalement jésuites. L’opinion est accueillie avec faveur par Lange, De gratia, n. 717. Elle s’appuie sur II Pet., i. 10 : Satagite, ut per bona opéra certain vestram vocationem et electionrrn /ariatis. Et, d’ailleurs, saint Augustin a lui-même employé le mot mérite » : supplicilrr BMBRERI. Cf. Van Noort, n. 220.

La plupart des théologiens, cependant, suivent saint Thomas, I » -l ! ". q, xiv. a. 10. et enseignent que la persévérance finale ne saurait être méritée, même d’un simple mérite de congruité, à moins d’entendre ici le mot « mérite dans un sens tOUl a fait impropre. Le mérite de congruité. en effet, suppose une certaine convenance de la récompense. Or, même en simple convenance. Dieu ne doit la prédestination et la per sévérance finale a personne. Ce sont la des dons absoi unent gratuits. Gonet, De justifleatione, disp. II. De merllo, a. 9, n. 228 ; Billuart, De gratia. diss. VIII, a. 5 (OÙ l’auteur reconnaît que, même chez les Iho mistes, U j a désaccord). Le P. del Prado semble toi muler une appréciation exacte en disant que la formule du mérite de congruité appliquée au don de la persévérance finale recouvre une équivoque. De gratin il libero arbitrio, t. i. p. 66 l.

Il conviendrait donc, après Gonel et Billuart, « le dire que, eu lonle hypothèse, il ne pourrai ! être ques tlon que d’un mérite de commuté improprement dit’I.ni.en, l.n Et, par la. nous rejoignons la doctrine Commune" ment admise, re » certisiima, dit Suarez, toc. <it.. n. 12. et enseignée par tous les théologiens sans exception, que la grâce de la persévérance finale peut être obtenue par nos prières et nos supplications : suppliciter rmereri potest. Il est inutile de donner ici des références, puisque c’est l’unanimité qui est en cause.

Janssens trouve opportunément dans la liturgie la conclusion de cet enseignement. Dans le missel romain, est insérée la messe ad postulandam gratiam bene moriendi. Le mot gratia indique ici la gratuité de la persévérance finale, qui ne tombe pas sous l’objet du mérite. Sans doute, les derniers mots de l’Evangile pourraient faire quelque difficulté : Yigilate itaque, omni tempore orantes, ut digni habeamini /ugere isla omnia qmv futura sunt et stare ante Filium iwminis. Luc, xxi, 3(5. Mais le mot digni n’implique ici aucun titre strict à la persévérance, comme on peut s’en rendre compte en lisant la dernière oraison : Qiursumus clemenliam tuam, omnipotens Dcus : ut jier hujus l’irlulem sacramenti nos famulos tuos gratia tua con/irmare digneris ; ut in hora morlis nostriv non prsevaleat contra nos adversarius, sed cum angelis tuis transitant habere mereamur ad vitain. De gratia Dei et Christi, p. 502.

V. Quelques concepts extra-théologiques relatifs a la persévérance finale. —

1° Les révélations privées et la certitude de la persévérance finale. —

Certaines révélations privées apporteraient à une catégorie de chrétiens la certitude d’éviter les flammes de l’enfer. Ainsi, la révélation faite par la sainte Vierge à saint Simon Stock en faveur de ceux qui mourraient revêtus du scapulaire du mont Carmel. Sur l’authenticité et la portée de cette révélation, voir Terrien, Lu Mère des hommes, t. ii, Paris, p. 300 sq. ; pour la controverse relative à l’authenticité, art. Marioldlric, dans le Dicl. apol. de la foi catbol., t. iii, col. 310. Ainsi, la révélation faite par le Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie, en faveur de ceux qui communieraient en l’honneur du Sacré-Cœur neuf fois de suite, le premier vendredi. Sur le texte, le sens, la portée de cette « grande promesse », voir J.-V. Bainvel, La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Paris, 1910. avec toutes les références de la p. 85.

On se rappellera tout d’abord que les révélations privées ne n’imposent à l’adhésion des fidèles que dans la mesure où elles corroborent la révélation publique, close dans l’Église catholique avec la mort du dernier des apôtres. Voir I. vi, col. 146-149. D’autre part, même lorsqu’elles ont. pour ainsi dire, reçu le laissczpasser rie l’Église, elles ne se présentent encore qu’avec ries garanties humaines d’authenticité, l’autorité de l’Église D’étant jamais engagée sur ce point.

En admettant l’authenticité des révélations faites à saint Simon Stock et a sainte Marguerite-Marie, il ne s’ensuit pas que la doctrine promulguée au concile rie Trente soit Infirmée pour une catégorie de chrétiens. La promesse doit être Interprétée d’après l’analogie rie la foi et. quelle que soit l’interprétation donnée au sens de ces révélations, il restera toujours vrai qu’il ne s’agit pas de cerl il uric absolue, mais de confiance fondée SUT la miséricorde et la bonté divines et conditionnée par l’accomplissement des devoirs qu’impose le salut. Nous avons u plus haut. col. 1300, que la dévotion envers Marie est un des signes de la | ii destination et de la persévérance finale, l.a révélation Concernant le scapulaire doit être comprise en ce sens. Quant à la promesse, il semble qu’elle doive être interprétée dans un sens analogue, file supposerait donc l’accomplissement des autres œuvres et la fidélité aux grâces, dont dépend, dans les miséricordieux desseins de Dieu, la persévérance finale. L’évangile rie saint Jean nous fournit un exemple de promesse de ce genre ; Jésus y promet la vie étemelle et la résurrectli n gloi n use a i eux qui mangeront sa chair et boiront son sang, c. vi, i. 51-52, 55. Et, pourtant, celle promesse solennelle, consignée flans la révélation publique, laisse intactes toutes les autres conditions <lu salut. De même, Notre-Seigneur attache la promesse de la persévérance finale aux neufs communions, marquant par là que celui-là assurera bien mieux son salut qui communiera plus fréquemment et plus pieusement en son honneur ; mais il sous-entend certainement la nécessité des œuvres, de toutes les œuvres que le souci de notre salut nous impose : « Souvent la sainte Écriture, écrit Bellarmin, attribue à différents moyens la vertu de justifier une âme, ou même de lui assurer son salut. Cela ne veut pas dire que ces moyens puissent, par eux seuls, justifier et sauver quelqu’un, mais seulement qu’ils ont la vertu de contribuer à la justification et à la vie éternelle, pourvu qu’ils soient accompagnés des autres moyens de salut, comme sont la foi. l’état de grâce, l’observance des commandements. » De psenitentia, t. ii, c. vil. Ceux qui admettent que le Sacré-Cœur a fait une promesse spéciale et attribuent la persévérance finale à la seule pratique des neuf communions sont obligés d’en restreindre la certitude aux limites qu’impose la foi et qui précisent heureusement la portée de leur interprétation. Voir surtout Vermeersch, Pratique et doctrine de la dévotion au Sacré-Cœur, Tournai, 1908, p. 217 sq.

2° La persévérance finale étendue normalement à la presque totalité des hommes. —

C’est la vieille thèse miséricordieuse, voir t. i, col. 2443-2445, 2450-2452, et t. v, col. 77 sq., mais renouvelée sous une forme nouvelle en connexion avec la grâce spéciale de la persévérance finale. On suppose qu’à l’heure de la mort l’âme reçoit normalement de Dieu le bienfait d’une illumination suprême, qui la met à même de se déterminer en connaissance de cause soit pour Dieu, soit contre Dieu ; et l’illumination est si puissante que la conversion vers Dieu suit nécessairement. Une première manifestation de cette hypothèse se rencontre dans une proposition condamnée en 1368 par Simon Langham, archevêque de Cantorbéry : Quilibel viator, iam adullus quam non adultus, Saracenus, Judseus et paganus, etiam in utero materno defunctus. habebit elaram visionem Dei ante mortem suam, qua visione manente habebit electionem liberam convertendi se ad Deum, vel diverlendi se ab eo ; et si pro tune elegerit converti ad Deum, salvabitur, sin autem minus damnabitur. Texte dans Noël Alexandre, Hist. eccl., sn ?c. xiv, c. iii, a. 21, t. xv, p. 213. Cette opinion fut reprise au xixe siècle par Klee en faveur des enfants morts sans baptême, pour leur permettre le baptême de désir. Katholische Dogmatik, t. iii, Mayence, 1835, p. 119. Thèse renouvelée avec une nuance de modération par Karl-Maria Mayrhofer, Das dreieine Leben in Gotl und jeglichem Geschôpfe, t. i, Ratisbone, 1851, p. 246-251 ; par Laurent, Grôsserer Katechismus der romiseh-katholischen Religion fur das Bistum Luxemburg, 3e édit., Luxembourg, 1879, p. 288 ; plus récemment, en faveur des adultes, par dom Démarét, Les morts peu rassurantes, motifs d’espérance et de prière, Montligeon, 1923 ; et, dernièrement, dans une communication au liulletin de la Société médicale de Saint-Luc, Saint-Côme et Saint-Damien, mai 1930 ; voir Documentation catholique, 5 décembre 1931, col. 1043-1054.

Une telle hypothèse ne semble guère admissible ; de plus, en face des textes scripturaires qui inculquent aux hommes la nécessité d’être toujours prêts et de se tenir en garde, cf. Matth., xxv, 13, coll. xxiv, 42. Il : Luc, xii, 39 ; I Thess., v, 2, 6 ; II Pet., iii, 14 ; Apoc, m, 3 ; xvi, 15, elle semble doctrinalement téméraire. Avec elle, deviendraient inintelligibles les graves avertissements du Christ, illustrant la nécessité de la vigilance en attendant son retour. Matth., xviii, 8, 9 ; Marc, ix, 42-47 ; Luc, xiv, 27 ; xxi, 31. Enfin, sans insister sur le fait que l’Évangile suppose qu’un assez grand nombre d’hommes seront damnés, cf. Matth., XXV, 32 sq., (cite universalité de la grâce de la conversion finale met en péril le dogme de l’incertitude de cette persévérance, sans compter qu’elle constitue un grave danger pour la pratique de la morale. Les faits physiologiques sur lesquels on prélend l’appuyer ont été repris ei interprétés d’une façon correcte par le 1’. Roure, Au-delà, Paris, 1932. Cf. Ami du clergé, 1932, ». 130 sq.

La bibliographie théologique sur la question de la persévérance sérail Immense. On se contentera d’indiquer ici :
1° les travaux modernes sur la pensée de saint Augustin ;
2° les principaux ouvrages de systématisation théologique dérives de saint Thomas et du concile de Trente.

I. Sur saint Augustin.- —

A. Koch, Der hl. 1 austus Bisehof von liiez, c. v, Die AuloriiBi des hl. Augustin, Stuttgart, 1895 ;.1. Rottmanner, Der Augusliuismus, Munich, 1892 ; Fr. Saint-Martin, La pensée de saint Augustin sur la prédestination gratuite et infaillible des élus a la gloire d’après ses derniers écrits, Paris, 1930, principalement p. 81-140 ; Ch. Boyer, Le système de saint Augustin sur la grâce d’après le De rorreptione et gratia r, dans Recherches de science religieuse, 1930 ; X. Merlin, Saint Augustin et tes dogmes du péché originel et de la grâce, Paris, 1931, surtout IVe et V 1’parties, c. m-v. On devra aussi consulter’fixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 498 sq. ; Cayré, Précis de patrologie, t. i, Paris, 1927, p. 670 sq. ; et ici Augustin (Saint), t. i, col. 2384 sq.

II. La systématisation théologique. —

Les commentateurs de saint Thomas, Ia-II « , q. cix, a. 1-2, 4, 9-10 ; q. exiv, a. 9 ; Ila-Iiæ q. cxxxvii, a. 3 (notamment les commentaires de Cajétan) et Cont. genl., t. III, c. clv (commentaire de Sylvestre de Ferrare). On se reportera aux grands théologiens cités, notamment Suarez, Jean de Saint-Thomas, les Salmanticenses, Gonet, Billuart, et, parmi les auteurs plus récents, aux traités de la grâce de Schiflini, Mazzella, Palmieri, Pesch, Janssens, Billot, Beraza, Van der Meersch et surtout Lange.

A. Michel.