Dictionnaire de théologie catholique/RÉFORME

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 303-304).
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RÉFORME. — Ce nom désigne en histoire la révolution protestante, tandis que le nom tout à fait impropre de contre-réforme est appliqué à la réforme

catholique. En pays catholique, on a régulièrement fait précéder le mot réforme, au sens protestant, de l’adjectif « prétendue ». On parlait en France de la R. P. R. pour dire la « Religion prétendue réformée », c’est-à-dire le protestantisme.

Pour tout ce qui concerne la révolution elle-même, nous renverrons aux mots Luther, Cvlvin, Anglicanisme, Zwingli, etc. — On traitera ici des causes de la révolution et des doctrines qu’elle a engendrées. I. Causes.

II. Doctrines (col. 2039).

I. Causes.

Il y a eu jusqu’ici trois manières d’envisager les causes de la réforme protestante : la manière protestante, la manière catholique, et, à une date relativement récente, la manière historique et psychologique.

I. thèse protestante.— A. première vue, il semble évident qu’il faille aller demander les causes de la Réforme à ceux qui l’ont’faite, à Luther, à Mélanchthon, en tant qu’auteur de la première confession protestante officielle, à Zwingli, à Calvin, aux auteurs des trente-neuf articles ». Pourquoi ont-ils quitté l’Église romaine ? Pourquoi ont-ils fondé des Églises dissidentes ? A cette question, leur réponse est unanime : « la cause essentielle de la Réforme que nous avons voulu faire, répondent-ils en substance, c’est la corruption de la foi et du culte au sein de l’Église romaine ». C’est donc pour une raison théologique qu’ils ont rompu avec nous. Et ils mettent, du même coup, en cause le dogme capital de l’infaillibilité et de l’indéfectibilité de l’Église.

Même lorsque les soi-disant réformateurs parlent des abus de l’Église romaine, ils ne songent pas en première ligne à des manquements à la discipline, à une déviation de l’esprit évangéliquj, à un relâchement de la morale du Christ au sein de l’Église, ils n’ont pas en vue les scandales de la cour romaine, les désordres du clergé tant séculier que régulier, le retour à des mœurs païennes d’un trop grand nombre de fidèles, à commencer par les princes. Non, il s’agit toujours pour eux, principalement, et presque exclusivement, de doctrines humaines substituées à la doctrine du Christ, d’une apostasie effective de la cour de Rome, au point que le pape ne puisse plus être considéré que comme l’Antéchrist, donc de prévarications dans l’ordre théologique.

A entendre les réformateurs, il est clair que l’Église de leur temps est nettement infidèle à sa mission, qu’elle a perdu le vrai sens des Écritures et surtout de l’Évangile.

Luther et Mélanchthon.

- Il suffit d’examiner

même très superficiellement les œuvres de Luther et des autres chefs de la révolution, pour s’assurer que telle est bien leur pensée. Dès le Manifeste à la noblesse chrétienne d’Allemagne, qui est des premiers jours d’août 1520, Luther appelle les seigneurs allemands et tous les chrétiens à l’assaut des « trois murailles » derrière lesquelles s’est embusqué le « romanisme » : la distinction des clercs et des laïques, le droit exclusif d’interpréter la Bible, le droit exclusif de convoquer le concile. Or, ce sont bien là des « murailles dogmatiques ». Sans doute le reste du Manifeste est consacré à la description d’abus au sens propre du terme, tels que les « Griefs de la nation allemande » les énuméraient depuis un siècle. Mais, dans ses écrits ultérieurs, Luther n’insiste que rarement sur ces objets secondaires. Dans le Prélude sur la captivité babylonienne de l’Église, le second de ses grands écrits « réformateurs », il accuse l’Église d’avoir perverti le culte et d’avoir inventé des sacrements nouveaux, tout en corrompant le sens réel des sacrements authentiques. La cause de la « réforme luthérienne », la voici donc : c’est que « la papauté est une usurpation de l’évêque de Rome », Papatm est robusla venalio Romani episcopi (Luthers

Werke, éd. de Weimar, t. vi, p. 484 sq.), c’est que, par Rome, « l’Église a été dépouillée de toute liberté », c’est que " des sacrements inventés ont été ajoutés aux trois seuls que l’Écriture établit, et ces trois sacrements eux-mêmes, le baptême, la pénitence et le pain, ont été plongés dans une captivité lamentable ». Ibid. (Dans la suite de cet article, l’édition de Weimar des œuvres de Luther sera abréviativement désignée par W. et le Corpus reformatorum par C. R.).

Et à partir de ce moment, plus Luther approfondit les problèmes qui s’offrent à lui, plus il croit constater que l’Église a trahi son mandat divin, qu’elle s’est mise en opposition formelle avec l’Écriture, qu’elle a perdu le véritable sens des enseignements apostoliques. C’est pourquoi, à la diète de Worms, le 18 avril 1521, il répondait aux sommations de l’official Jean d’Ecken : « Je suis lié par les textes que j’ai apportés et ma conscience est captive dans les paroles de Dieu. Je ne puis ni ne veux rien rétracter, car il n’est ni sûr ni honnête d’aller contre sa conscience… » Voir Cristiani, Du luthéranisme au protestantisme, Paris, 1911, p. 223.

Neuf ans plus tard, l’empereur Charles-Quint a réussi à mettre en face les uns des autres les tenants des nouvelles doctrines et les fidèles de l’ancienne. Il aspire au rôle de médiateur entre les camps opposés. Il demande aux princes protestants de présenter le sommaire de leurs croyances par écrit. C’est le fin Mélanchthon qui tient la plume en leur nom. Luther, toujours sous le coup du bannissement, n’a pu assister à la diète d’Augsbourg. Mélanchthon met sur pied la première Confession officielle du parti (25 juin 1530).

Il est à noter que Mélanchthon n’est pas un homme de combat. Il a un caractère conciliant et pacifique. Il recherche les transactions et il adoucit sur des points importants la rigueur des doctrines de son maître, Martin Luther. Cela ne l’empêche pas, quand il veut expliquer pourquoi lui et les siens se sont séparés de Rome, de faire appel à la même cause fondamentale que Luther.

Il déclare s’en tenir à la « pure parole de Dieu ». Il veut bien répondre de ses doctrines devant « un concile général, libre et chrétien ». Et, après son préambule, lorsqu’il en vient à exposer la théologie de son parti, il divise son rapport en deux sections : dans la première, il rappelle les « principaux articles de foi sur Dieu, le péché originel, le Fils de Dieu, la justification, le ministère ecclésiastique, l’obéissance nouvelle, le baptême et les sacrements.

Ce n’est pas sur tous ces points qu’il diffère de sentiment avec l’Église romaine. Il a mélangé adroitement les croyances communes aux « réformateurs » et à l’ancienne Église avec les problèmes controversés. Mais il accuse en somme l’Église des oublis les plus graves en ce qui concerne la doctrine du Christ. On devine sans peine ce qui le frappe le plus. Son exposé nous aiguille vers la cause la plus profonde de la révolution. Le texte est à citer pour cette raison même. Il s’agit de la théorie de la justification par la foi seule et il écrit : « Cette doctrine peut être méprisée par les gens sans expérience. Mais les consciences pieuses et sensibles savent quelle consolation elle leur apporte, car les consciences ne peuvent être tranquillisées par aucune sorte d’oeuvres, mais seulement par la foi qui les assure que le Christ leur est devenu propice… Toute cette doctrine doit être mise en rapport avec le combat intime de la conscience terrifiée par les jugements divins et ne saurait être comprise sans ce combat. .. Jadis les consciences étaient tourmentées par la doctrine des œuvres. Elles n’entendaient pas parler de la consolation par l’Évangile… Il était donc nécessaire de publier et de renouveler cette doctrine de la foi en Christ, pour ne pas laisser sans consolation les consciences timorées mais pour leur apprendre que par la