Dictionnaire de théologie catholique/RÉVÉLATION I. Concept de la révélation 3. Conceptions erronées sur la révélation

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 589-591).

III. CONCEPTIONS ERRONÉES SUR LA RÉVÉLATION.

Les premiers protestants.

Ceux-ci paraissent, au premier abord, exalter le caractère surnaturel de la révélation, mais en réalité ils le diminuent. En effet, à la révélation proposée par le magistère infaillible de l’Église, ils substituent l’inspiration privée, faite directement par le Saint-Esprit à chacun des fidèles.

Comme on le voit il s’agit beaucoup plus de l’interprétation des vérités révélées telles que les fournit l’Écriture, que de la révélation en son premier état. Mais, poussées à l’extrême, les affirmations de Luther (nous ne disons pas de Calvin) sur le libre examen, pourraient amener chaque fidèle à se considérer comme le sujet direct de la révélation. Le principe du libre examen, que prônait Luther contenait d’ailleurs en germe ceux du rationalisme et de l’individualisme.

Les positions rationalistes.

Le naturalisme,

communément appelé rationalisme, est le système philosophique qui ne reconnaît que le monde et les lois naturelles qui le régissent. Il proclame l’indépendance absolue de la raison humaine ; poussé à bout, il pourrait aller jusqu’à nier l’existence d’une Intelligence supérieure cause et mesure de toute vérité, arrivant ainsi à l’athéisme. Le rationalisme est absolu ou mitigé.

Le rationalisme mitigé ou, comme on l’a appelé, le semi-rationalisme est représenté par la doctrine des penseurs catholiques Hermès, Gunther et Frohschammer. Ils sont bien éloignés de nier la révélation ; pour eux le Christ a véritablement transmis aux hommes un message de vérité, qu’il faut recevoir avec attention et piété. Ils admettent donc une révélation. Mais celle-ci est surnaturelle uniquement dans son mode, car tous les objets qu’elle manifeste, une fois connus, peuvent être démontrés pat la raison. Le message du Christ n’est à proprement parler qu’un excitant et un adjuvant de la raison humaine. Sollicitée par lui. celle-ci se reconnaît dans les vérités que le Christ est venu manifester. En d’autres termes, il n’y a point dans la révélation de mystères proprement dits. La trinilé même et l’incarnation, une fois proposées par la révélation, se démontrent par la raison.

L’évolutionnisme panthéistique ri l’agnosticisme sont des Formes du rationalisme absolu. Le fondement de l’ordre surnaturel est nié par les panthéistes évolutionnistes puisqu’ils Ident i lient l’essence de Dieu avec celle de révolution créatrice. Puisque l’univers et Dieu ne tout qu’un, la raison humaine n’est pas substantiellement distincte de la raison divine <t peut de l’ail connaître tout dans son évolution naturelle. Les partisans de l’évolutionnisme absolu, comme les hégéliens, conservent sans doute le mot de révélation, mais ils le vident de son sens théologique, étant donné qu’ils considèrent que la religion catholique qui la propose et la synthétise ne marque qu’un moment de l’évolution de la raison, qui est en progression continuelle. Ce système philosophique, incompatible avec l’élévation de l’homme à un ordre surnaturel, a été condamné par le concile du Vatican : Si quis dixerit, divinam essenliam sui manifeslalione vel evolutione fieri omnia ; aut denique Deum esse ens universale seu indefinilum, quod sese dclerminando constituât rerum universitatem in gênera, species et individua distinctam : A. S. De fide rathol., can. 4, Denz.-Bannw., n. 1804.

L’agnosticisme, qui est aussi radical, sous une autre forme de pensée, que le panthéisme, est la négation de toute philosophie transcendante ; car, pour lui, tout ce qui dépasse l’ordre des phénomènes est inconnaissable au moins pour la raison théorique. L’encyclique Pascendi du 8 septembre 1907 a marqué avec netteté la position intellectuelle des agnostiques dans le passage suivant : Yi hujus humana ratio pheenomenis omnino includitur, rébus videlicet, quæ apparent eaque specie, qua apparent, earundem prætergredi terminos nec jus nec polesiedem habet. Quare nec ad Deum se erigere potis est, nec illius existentiam, ut-ut per ea quie videntur, agnoscere. Hinc infertur, Deum scientise objectum directe nullatenus esse posse ; ad historiam vero quod cdlinet, Deum subjectum historicum minime censendum esse. Ilis autem posilis, quid de naturali theologia, quid de motivis credibilitatis, quid de exlerna revclatione fiai, facile quisque perspiciet. Denz.-Bannw., n. 2072.

Pour le philosophe agnostique la spéculation religieuse est donc vaine et la révélation externe ne peut exister. Lorsqu’il est croyant, il cherche l’explication de sa foi en lui-même et en vient ainsi à l’immanence …et quoniam rcligio vitæ quædam est forma, in vila omnino hominis reperienda est. Ex hoc immanentise religiosse principium asseritur. Encyclique Pascendi, ibidem.

A l’agnosticisme, attitude négative, le modernisme a adjoint en effet une partie positive, l’immanence vitale, selon laquelle la religion naît du sens religieux. Cette forme de pensée demande à être étudiée, afin que soit mieux saisie la valeur réelle de l’expérience dans la révélation.

Le modernisme.

1. Exposé. —

Pour les modernistes, si tant est que l’on puisse user de ce terme, vraiment trop général, la révélation n’est pas la manifestation divine d’une vérité, mais l’excitation du sens religieux ; c’est un phénomène d’ordre naturel, vu qu’il procède de la nature et qu’il a pour rôle de satisfaire une de ses exigences. « C’est, pour ces auteurs, écrit le R. P. Lebreton, une émotion, une poussée du sentiment religieux, qui, à certains moments, afïleure, pour ainsi dire des profondeurs de la subconsciencc et où le croyant reconnaît une touche divine ». Lebreton, art. Modernisme, dans Diction, apol, t. iii, col. 676. Pour A. Loisy, par exemple, la révélation est : « une intuition et une expérience religieuse » qui a… « pour objet propre et direct les vérités simples contenues dans les assertions de foi. » Autour d’un petit livre, p. 200. Ces vérités se ramènent « au rapport essentiel qui doit exister entre l’homme conscient de lui-même et Dieu présent derrière le monde phénoménal ». Ibidem, p. 196 sq.

La révélation n’a donc pu être « que la conscience acquise par l’homme de son rapport avec Dieu ». Ibidem, p. 195 ; voir la proposition 20 du décret Lamentabili, qui reprend celle définition donnée par Loisy et qui est commentée par le 1’.. P. Léonce de Grandmaison, art. Modernisme, ibid., co. 602-606 : « L’individu conscient, écrit encore A. Loisy, peut être représenté prèsqueindifféremment comme la conscience de Dieu dans le monde, par une sorte d’incarnation de Dieu dans l’humanité et comme la conscience du monde subsistant en Dieu par une sorte de concentration de l’univers dans l’homme. » Quelques lettres, p. 150.

Par une réaction instinctive, l’émotion intérieure détermine chez le sujet une représentation imaginative ou intellectuelle conforme à sa mentalité particulière : il ne saurait donc plus ici être question d’une connaissance ab extrinseco ; une telle connaissance ne peut être reçue par l’homme, il faut absolument substituer à la notion traditionnelle de révélation extérieure et physique celle qui vient de l’intérieur. « Par rapport à ces conceptions et à ces visions, écrit Tyrrell, le sujet est à peu près aussi passif, aussi déterminé qu’au regard de l’émotion psychique, qui y est contenue. » Tyrrell, Righis and limits of theology, dans Quarterly Review, octobre 1905, p. 400 ; et aussi Through Scylla and Charybdis. Londres, 1907. p. 208.

Dès lors toutes les vérités religieuses sont implicitement contenues dans la conscience de l’homme : « Parce que l’homme est une partie et une parcelle de l’univers spirituel et de l’ordre surnaturel… la vérité de la religion est en lui implicitement… s’il pouvait lire les besoins de son esprit et de sa conscience, il pourrait se passer de maître. Mais ce n’est qu’en tâtonnant, en essayant telle ou telle suggestion de la raison ou de la tradition qu’il découvre ses besoins réels. » Through Scylla and Charybdis. p. 277. « C’est toujours et nécessairement nous-mêmes qui nous parlons à nous-mêmes, qui (aidés sans doute par le Dieu immanent) élaborons pour nous-mêmes la vérité. » Ibidem, p. 281.

Pour le moderniste, les dogmes proposés par l’Église comme révélés ne sont donc pas des « vérités tombées du ciel » (prop. 22 du décret Lamentabili) mais une certaine interprétation del’expérience religieuse, résultat d’un laborieux effort, nullement garanti par Dieu. Toutefois la révélation reste un bienfait du Seigneur parce que l’homme y est plus patient qu’agent. Ce don est aussi surnaturel, car ce qu’il fait appréhender n’a pas trait au monde naturel et visible, mais à une réalité plus sublime, plus élevée et plus secrète. Pour avoir un aperçu des définitions erronées qui ont été données sur la révélation, en particulier par les auteurs allemands, on peut consulter Pfleiderer, Grundriss der christlichen (ilaubens-und Sittenlehre. 3e édit., Berlin, 1886, p. 18 sq. Il se trouve en effet que le modernisme a fait des emprunts non déguisés à la pensée religieuse telle qu’elle a évolué au sein du protestantisme libéral en Allemagne.

Les modernistes, qui nient le surnaturel, font grand état au contraire de la philosophie de l’immanence. Aussi bien font-ils sortir de la conscience individuelle — ou tout au moins des profondeurs de lasubconscicnce — toute connaissance, jusqu’à la révélation surnaturelle elle-même. Celle-ci leur apparaît comme un simple épanouissement ou une évolution naturelle de notre besoin du divin ou de notre commerce intime avec lui. La révélation est identifiée à l’effort que fait la divinité pour s’exprimer en nous : « Subconsciente la plupart du temps, étouffée et comme opprimée par la masse des concepts ou d’images qu’elle doit soulever pour se faire jour, elle (la divinité) réussit parfois à faire irruption clans la conscience ; l’âme alors se sent envahie par un flot de pensées dont elle ignore la source, elle a l’impression que ce n’est pas elle qui pense, mais qu’on pense en elle et par elle. » Valensin, art. Panthéisme du Diction, apol., col. 1321. Comparer ce que dit Pfleiderer, Zut F rage nach Anfang und Entiuicklung der Religion, Leipzig, 1875, p. 68, où il écrit : « Nous savons maintenant, que nous ne pouvons plus recourir à la révélation divine comme à un principe extrinsèque à l’esprit humain : mais cette révélation ne se manifeste que dans l’esprit de l’homme, nous devons nous en tenir là, et, omettant tous les facteurs surnaturels, rechercher la marche historique de l’évolution purement naturelle par laquelle l’homme parvient au développement de ses facultés religieuses. »

Certains individus seulement prennent conscience de la révélation. Le Christ est celui d’entre eux qui a atteint le plus de richesses dans ses émotions religieuses : il est unique par sa transcendance. Il a eu le don également de pouvoir transmettre ses expériences personnelles aux autres. Ceux-ci à leur tour les ont vécues. Dès lors, les religions, qui ne sont que l’expression des émotions internes, ne diffèrent pas essentiellement les unes des autres, malgré les apparences, parfois importantes, qui permettent d’établir entre elles une hiérarchie. Parmi elles, le christianisme occupe une place de choix, à cause du prestige de son fondateur, de ses puissances d’adaptation universelle ; pourtant, malgré ses qualités remarquables de permanence, sa valeur n’est que relative.

2. Critique. —

Cet exposé montre combien la thèse moderniste et immanentiste est opposée à la doctrine catholique de la révélation. Pour en mieux saisir la faiblesse, il est indispensable de savoir ce que valent les expériences religieuses. Par là on entend < toute impression éprouvée dans les actes ou états que l’on nomme religieux : sensation de dépendance, de délivrance, illumination, sentiment de joie ou de tristesse, considérés dans leur aspect affectif, indépendamment de toute interprétation spéculative ». H. Pinard, art. Expérience religieuse, dans Dicticn. apol., t. i, col. 1816. Cette expérience, même si elle est produite d’une façon surnaturelle par Dieu et si elle accompagne la manifestation de la vérité, n’est pas à identifier avec la révélation. Noir ici, du même auteur, l’art. Expérience religieuse, t. v. col. 1786-1868.

De fait l’émotion religieuse, à supposer qu’elle soit surnaturelle — et nul écrivain mystique ne conteste la réalité de telles expériences — est purement individuelle et subjective. Elle suppose un objet de connaissance ou une vérité, car elle n’est que la réaction de la volonté ou du cœur à l’activité de l’intelligence ou des sens. Cet objet de connaissance peut d’ailleurs n’être entrevu que d’une manière fort imprécise ; il n’en existe pas moins. Par ailleurs, comme le caractère surnaturel d’un effet ne tombe pas sous l’expérience, au moins d’après les lois ordinaires, la conscience est incapable de distinguer avec certitude une émotion naturelle de celle d’un ordre supérieur. La distinction conjecturée ne se présentera avec une sérieuse probabilité que dans les circonstances où le sujet saura qu’il v a eu manifestation de vérités nouvelles, c’est-à-dire qu’il a reçu une révélation. Enfin une expérience subjective et affective est essentiellement relative. Même pour le sujet qui l’éprouve, le sentiment est aveugle : il varie suivant les dispositions du moment, il plaît ou mécontente et ne peut dès lors constituer un motif suffisant pour donner raisonnablement son assentiment.

Ces réserves ne tendent nullement à nier le rôle utile que jouent, dans la vie spirituelle et morale des individus, les émotions religieuses, quand elles dt meurent subordonnées et soumises aux lumières de la foi et de la raison. Voir Pinard, Diction, apol., col. 1851 et surtout col. 1857 sq. En effet, « ce sont les expériences commencées qui préparent à comprendre et à accepter les idées… Celle de chasteté est incompréhensible à un impudique, celle de félicité spirituelle, à qui n’a jamais ressenti l’insuffisance des biens présents. De même, certaines expériences au moins confuses, certain goût sensible du vrai, du beau et du bien sont nécessaires, avant qu’on n’arrive à concevoir Dieu dans la conscience claire, autrement que comme un mot sans goût. » Mais, au demeurant, et quelle que soit la nature des phénomènes affectifs qui l’accompagnent, la révélation demeure avant tout une manifestation de connaissances.

IV. ESPÈCES.

Par rapport au sujet auquel une vérité est dévoilée, la révélation est immédiate ou médiate.

Elle, est immédiate quand elle est faite directement à quelqu’un. Dieu s’est révélé à Abraham, le Christ a parlé à ses disciples lors de son passage sur la terre. La révélation faite aux hommes par les anges est communément appelée immédiate. Les anges, en effet, agissent non seulement sur l’ordre divin mais aussi d’euxmêmes, lorsque Dieu les autorise. Puisqu’ils savent beaucoup de choses ils peuvent ainsi les révéler. En ce cas, s’ils interviennent seulement par permission de Dieu, la révélation est immédiate ; lorsque c’est sur ordre de Dieu et en qualité de légats leur révélation est médiate. Dorsch, Institutiones theoloqiæ fundamentalis, p. 301, qui renvoie lui-même à Schilfini, De. virtutibus infusis, p. 120, n. 80 ; voir aussi en même sens Ottiger, Theologia fundamentalis, t. i, p. 47, contre Jansen, Prœtectioncs théologies fundamentalis, Utrccht, 18751876, p. 118 et les autres.

La révélation immédiate est interne ou externe selon que Dieu agit sur la faculté intellectuelle elle-même ou produit quelque connaissance chez l’homme en lui proposant extérieurement quelques objets (voir plus haut les modes de la Révélation).

Elle est médiate pour ceux à qui le prophète, après avoir reçu communication d’une vérité, transmet le message divin. Ce fut le cas des prophètes de l’Ancien Testament ou des apôtres, messagers de la bonne nouvelle à travers le monde. La mission du légat n’est remplie avec fruit que s’il a une autorité suffisante auprès des foules et s’il ne peut pas tomber dans l’erreur. Pour que l’envoyé obtienne créance, Dieu confirme sa parole par des signes de crédibilité, tels que les miracles ou les prophéties. Pour qu’il ne se trompe pas, ne déforme pas son message et ne l’exprime pas d’une manière inadéquate, il reçoit le don de l’infaillibilité.

II. Possibilité de la révélation.

Il faut considérer successivement la révélation immédiate et celle que nous avons appelée médiate.

I. LA RÉVÉLATION IMMÉDIATE EST POSSIBLE.

Non seulement, en effet, elle ne présente pas de contradictions internes ou externes, elle ne « répugne » pas, comim disent les logiciens, mais, tout au contraire, elle convient.

Elle ne répugne pas.

Ontologiquement, la possibilité, considérée d’une manière générale, est la même chose que l’aptitude à l’existence. Elle est interne quand il n’y a pas de contradiction ou de répugnance dans les éléments constitutifs d’une chose : entre dans cette catégorie tout ce qui peut être pensé. Elle est externe lorsque la cause efficiente a la force suffisante pour faire passer à l’existence ce qui est pensable. Une chose est physiquement possible, si elle l’est intérieurement et extérieurement. Il y a possibilité morale, quand la cause (créée) ellieiente est douée de raison et qu’elle est apte à faire passer à l’existence ce qui est possible intérieurement et extérieurement, malgré les circonstances et les tendances du milieu et en dépit de ses habitudes propres. Ce qui est physiquement possible peut donc parfois, à cause de difficultés et d’obstacles de toute sorte, être m iralement impossible. La révélation immédiate et médiate, telle que nous l’avons analytiquement définie, est-elle physiquement et moralement possible ? Elle l’est, car elle ne répugne ni de la part de Dieu, ni de celle de l’homme, ni de celle de l’objet.

1. La révélation ne répugne pas de la part de Dieu. —

a) Elle, est physiquement possible. —

Dieu, qui a créé l’homme et lui a donné la faculté de la parole, est à même de faire par lui-même et immédiatement ce qu’il a accordé à la créature. Il en a la puissance physique. Une affirmation contraire serait absurde et rappellerait à l’esprit les paroles du psalmiste :

Celui qui a planté l’oreille n’entendrait-il pas ? Celui qui a formé l’œil ne verrait-il pas ? [trait-il pas ? Celui qui donne à l’homme l’intelligence ne reconnai (Ps. xr.iv, 9-11).

Rien ne s’oppose à ce que Dieu, être personnel et vérité absolue, dévoile ses connaissances de la façon et dans la mesure où il le veut à un sujet capable de les recevoir. Possible, en tant qu’elle est la parole divine, la révélation l’est également si l’on considère l’influx divin de la lumière intérieure, qui permet au prophète de porter un jugement infaillible sur l’origine des vérités qui lui sont dévoilées.

Dieu, en effet, qui gouverne le monde des êtres matériels et le monde des esprits selon les lois qu’il a lui-même établies, demeure absolument libre et jouit du plein pouvoir d’y faire ce qu’il veut. Rien ne l’empêche donc d’exercer sur l’intelligence de l’homme, qui lui demeure soumise, un influx immédiat, comme celui qui est requis dans la révélation. Sans doute cette lumière intérieure est d’ordre surnaturel, mais rien n’y répugne, car, si les causes secondes agissent selon des lois qui sont considérées comme stables et constantes, elles peuvent cependant varier dans leurs effets, sous l’action de la cause première. La révélation apparaît ainsi comme un miracle d’ordre intellectuel. Dieu y meut d’une manière surnaturelle l’intelligence du prophète, objectivement en agençant et en ordonnant ses idées, subjectivement en l’éclairant, afin qu’il juge sans erreur du caractère surhumain de la communication qui lui est faite. A cela rien ne s’oppose ; l’intervention divine peut s’exercer en dehors des lois physiques et psychologiques, étant donné que celles-ci ne sont qu’hypothétiquement nécessaires. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. cv, a. 3 ; a. 6 ; Cont. gent., t. III, c. c. Pour le détail se reporter à l’art Miracle.

Malgré les difficultés opposées par le déisme, les variations, introduites par la révélation dans l’orientation des créatures vers Dieu, n’affectent nullement l’immutabilité, la sagesse et la majesté divines. Au contraire, elles permettent d’entrevoir sa puissance et ne pas l’admettre serait la limiter arbitrairement. Toutefois, remarquons-le, Dieu, en lui-même, n’a pas changé ; ses conseils demeurent immuables ; ceci est vrai du miracle physique, tout autant que du miracle intellectuel. A ce sujet le cardinal MaLzella écrit : Quemadmodum igitur, ab œterno cursum natures modumque naturalis cognitionis Deus constitua, ita etiam ab œterno decrevil per revelationem supernaturalem homini veritates communicare, atque duplicem hune tum naturalis tum supernaturalis cognitionis ordinem harmonice disposait. De religione et Ecclesia, p. C3.

L’acte divin, en effet, est unique, simple et éternel. Il atteint, comme il convient, tout ce que Dieu fait en dehors de lui, mais d’une manière diverse selon les circonstances de temps, de lieu et autres. Par la révélation, dans laquelle il est tenu compte de la nature de l’intelligence et de la volonté humaines, s’ajoute une nouvelle relation externe, qui perfectionne l’ordre naturel, mais il ne se produit aucun changement interne en Dieu. Saint Thomas montre avec clarté que la révélation ne contredit nullement à l’immutabilité divine : Aliud est mutare voluntatem et aliud est velle aliquarum rcrum mntationem. Potesl enim aliquis eadem voluntate immobiliter permanente velle, quod nunc fiât hoc. et postea fiai conlrarium. Sed tune volunlas mutarctur, si aliquis inciperel velle. quod prius non volait, vel desineret velle, quod voluit. Sum. theol., I 8, q. xix, a. 7.