Dictionnaire de théologie catholique/RELIGIEUX ET RELIGIEUSES II. Définition et division

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 375-378).

II. Définition et division. —

1° Définition des termes. - —

La signification des différents termes en usage pour désigner les diverses formes de la vie religieuse a fort évolué au cours des âges. Aussi constatait-on jadis des hésitations, parfois même le désaccord, chez les auteurs traitant cette matière. La jurisprudence ecclésiastique n’était d’ailleurs pas toujours logique avec elle-même et n’employait pas les mots dans un sens uniforme. Pour mettre fin à ces flottements qui souvent engendraient la confusion, le Code canonique a donné des différents termes en usage une définition officielle et précise qu’il n’est plus permis d’ignorer, et à laquelle désormais écrivains et commentateurs devront se tenir. Cf. can. 488.

1. Religion. —

Avant le Code, le mot religion (en latin religio, surtout si on y ajoutait le qualificatif formalis) était une appellation réservée aux familles religieuses à vœux solennels. Le terme institut avait au contraire une portée générale et servait à désigner n’importe quelle famille religieuse, soit à vœux simples soit à vœux solennels. Aujourd’hui, les deux tenues sont synonymes et ont tous deux une signification générique ; on les emploie indifféremment l’un pour l’autre, du moins en français. Le Code définit une religion : « une société, approuvée par l’autorité ecclésiastique légitime, dont les membres, conformément aux lois propres de cette société, émettent des vœux publics, perpétuels ou temporaires — ces derniers devant être renouvelés quand le temps est écoulé — et tendent ainsi à la perfection évangélique. » Cette définition convient également à l’institut religieux, expression plus couramment employée en français que le terme religion, encore qu’elle ne se trouve pas dans le Code.

2. Le titre d’ordre religieux est réservé aux religions dans lesquelles les membres, ou seulement quelques-uns d’entre eux, selon les règles ou constitutions, émettent des vœux solennels. Le fait que, dans un institut, certains religieux ne prononcent que des vœux simples (par exemple dans la Compagnie de Jésus), ne l’empêche pas d’être un ordre au sens strict. C’est d’ailleurs une règle imposée par Pie IX, 19 mars 1857, à tous les ordres d’hommes, et par Léon XIII, 3 mai 1902, à tous les ordres de femmes, que tous les sujets émettent, avant la profession solennelle, une profession simple et même temporaire.

Un institut dans lequel ne sont émis que des vœux simples, soit temporaires, soit perpétuels, est à proprement parler une congrégation ; on dit habituellement congrégation religieuse, pour la distinguer des congrégations romaines. On se gardera également de confondre cette expression avec la dénomination de congrégation monastique, qui sert à désigner « le groupement ou réunion d’un certain nombre de monastères indépendants sous un même supérieur ». Ces groupements affectent les monastères eux-mêmes en tant que personnes morales et non les religieux en tant qu’individus ; leur but est de conserver la régularité de l’observance et d’éviter le relâchement grâce aux visites faites par le supérieur de la congrégation, sans préjudice de l’autonomie des maisons particulières. Ainsi sont organisées les anciennes congrégations françaises d’ursulines, par exemple celle de Bordeaux, etc. De même les congrégations bénédictines du Mont-Cassin, de Solesmes, de Beuron ; ces dernières sont, de plus, unies en une fédération sous la présidence d’un abbé-primat qui réside à Rome.

3. Une religion est dite exemple lorsqu’elle est soustraite à la juridiction de l’Ordinaire du lieu. L’exemption appartient de droit commun à tous les ordres religieux d’hommes et de femmes, pourvu que, s’il s’agit de femmes, les moniales soient soumises à des supérieurs réguliers. Can. 615 et 488, 7°. Cependant les moniales de France et de Belgique, qui n’ont plus les vœux solennels, ne jouissent pas de l’exemption. Les simples congrégations religieuses ne sont pas exemptes de droit ; certaines d’entre elles bénéficient pourtant de l’exemption, en vertu d’un induit ou d’une concession spéciale : de ce nombre sont les rédemptoristes, les passionistes, etc.

4. Les instituts religieux sont de droit pontifical ou de droit diocésain. Sont de droit pontifical ceux qui ont obtenu du Saint-Siège l’approbation, ou du moins le « décret de louange ». Ceux qui, érigés par les évêques, n’ont pas obtenu ce décret sont dits de droit diocésain.

5. On appelle religion cléricale ou « institut de clercs » une religion dont la plupart des membres sont prêtres ou se destinent à la prêtrise ; sinon, la religion est dite laïque. Il faut remarquer cependant que le nombre des religieux clercs ou laïcs ne suffit pas à lui seul à déterminer le caractère d’un institut ; on tient compte pratiquement de la prépondérance donnée aux uns ou aux autres dans le gouvernement : ainsi, une religion garde le titre de « cléricale », même si les prêtres ou les clercs y sont moins nombreux que les frères laïcs, pourvu que les premiers conservent la part principale dans le gouvernement. Ainsi en est-il des frères de Saint-Vincent de Paul, des marianistes (fondés par le P. Chaminade). Inversement une religion est dite « laïque », même si parmi ses membres se trouvent quelques prêtres chargés du service religieux, lesquels prêtres d’ailleurs ne prennent, sauf dispense spéciale, aucune part dans le gouvernement de l’institut ; tels les frères de Saint-Jean de Dieu.

6. Maison religieuse est un terme absolument général qui sert à désigner tout domicile particulier d’une religion. Maison de réguliers indique la maison d’un ordre. Maison formée désigne une maison religieuse dans laquelle résident au moins six religieux profès, dont quatre au moins sont prêtres s’il s’agit d’une religion cléricale. Pour les instituts de frères ou de religieuses, les exigences du droit sont différentes : il n’est pas requis que la majorité des membres demeurant dans la maison appartiennent à la catégorie de ceux qui peuvent gouverner l’institut ; on admet pratiquement que trois religieuses professes de chœur et trois professes converses suffisent à constituer une maison formée.

Le Gode se sert parfois du mot monastère pour désigner certaines maisons religieuses. Le terme s’applio" non seulement aux maisons de moines ou de moniales (can. 494-497, 512), mais encore à des établissements religieux « sui juris ». Can. 632. Juridiquement parlant (et quoi qu’il en soit de l’usage vulgaire}, l’appellation de monastère est réservée aux maisons d’un ordre religieux et ne saurait être employée pour désigner celle d’un simple institut. La S. C. des Religieux a l’habitude de supprimer ce terme lorsqu’elle le rencontre dans les constitutions d’un institut à vœux simples que l’on soumet à son approbation.

Les monastères d’hommes sont aussi appelés abbayes lorsqu’à leur tête se trouve un abbé.

Le terme courent désigne proprement une maison de religieux mendiants, encore que dans le langage courant il ait une acception plus large. — De plus, beaucoup de maisons religieuses tirent leur nom de leur destination ; on dit un noviciat, un collège, une résidence. La maison généralice est celle qui sert de résidence au supérieur général. Chez les religieuses, on l’appelle aussi maison-mère, même si cette maison n’est plus le berceau de la communauté.

L’expression maison filiale est susceptible de plusieurs significations : au sens le plus large, elle désigne toute maison qui tire son origine d’une autre d’où elle a essaimé, sans que pourtant cette (iliation implique aucune dépendance. Au sens moins large, les maisons filiales sont toutes celles qui dépendent de quelque manière d’une maison centrale, maison-mère ou maison généralice. Au sens strict (qui e<-t le sens usité dans les documents émanant de la S. C. des Religieux, cf. Acta ap. Sedis, t. xvi, 1924, p. 95), une maison filiale est une maison religieuse totalement dépendante d’une autre à laquelle elle est rattachée de tellesorte qu’elle ne forme pas une communauté distincte quant aux biens et quant au gouvernement ; telle est souvent la condition des nouvelles fondations qui n’ont pas encore des religieux en nombre suffisant ni les ressources nécessaires à leur subsistance ; c’est aussi le cas, dans certains ordres, des fermes établies avec trois ou quatre religieux pour les faire valoir, et aussi des simples prieurés ; il faut en dire autant, pour certaines congrégations, des écoles, ouvroirs, dispensaires où quelques religieuses sont détachées de façon permanente ou seulement intermittente.

7. La province est le groupement, sous un supérieur unique, de plusieurs maisons appartenant au même institut religieux. Cette division administrative, qui porte parfois le nom de vicarie, circarie, district, avant l’organisation définitive en province, marque une dépendance très étroite des supérieurs locaux et de leurs maisons vis-à-vis du supérieur provincial. Cette organisation hiérarchique se rencontre dès le xme siècle dans les ordres franciscain et dominicain.

Un monastère indépendant (sui juris) est une maison religieuse dont le gouvernement intérieur est autonome ; cette autonomie est incompatible avec l’organisation en province dont on vient de parler ; elle n’exclut pas cependant la dépendance d’un généralat même à pouvoirs très étendus, comme c’est le cas pour les chartreux et les camaldules. En général, les monastères de moniales sont indépendants ; toutefois les pouvoirs de l’abbesse ou de la prieure sont limités par ceux que le droit reconnaît aux Ordinaires et aux supérieurs réguliers dont dépendent ces monastères.

8. D’après la définition donnée par le Code, le nom générique de religieux convient à tous ceux qui ont émis des vœux dans un institut quelconque, can. 488, 7° ; les novices, à strictement parler, n’ont pas droit à ce titre, à moins que l’on ne dise « les religieux novices ». On appelle religieux de vœux simples ceux qui ont fait profession (temporaire ou perpétuelle) dans une congrégation, — et réguliers ceux qui ont fait profession se : * r, e vœux simples soit de vœux solennel, ’::::., un ordre. Avant le Coùe.ie icime » leligicux » était, dans son sens strict, réservé aux seuls réguliers ; aujourd’hui il a, de par le droit, une signification tout à fait générale. Une déclaration solennelle de Grégoire XIII. 25 mai 1584, reconnut la qualité de réguliers à tous les membres de la Compagnie de Jésus, même aux scol astiques et aux coadjuteurs qui ne font que des vœux simple. Constit. Ascendenle Domino.

Les sœurs sont des religieuses à vœux simples. Les moniales sont des religieuses à vœux solennels ; ce dernier terme désigne aussi, sauf si le contexte ou la natuie des choses indiquent le contraire, les religieuses appartenant à un institut à vœux solennels, mais dent les vœux sont simples dans certaines régions, en vertu d’une prescription du Saint-Siège. Le mot « religieuses » est général et peut désigner des sœurs ou des moniales. Sont moniales au sens du droit : les bénédictines, clarisses, colettines, certaines chanoinesses de Saint-Augustin, les carmélites, les dominicaines du sec< nd ordre, les ursulines (celles qui fuient fondées avant la Révolution), les visitandines, etc. Bien que, depuis le début du xixe siècle, les membiesde ces instituts ne puissent plus en France (Nice et la Savoie exceptées) et en Belgique émettre des vœux solennels, le droit leur conserve le titie de moniales. De plus, un déciet de la S. C. des Religieux, en date du 23 juin 1923. les autorise à demander au Saint-Sièi_e la faculté d’émettre à nouveau la profession solennelle qui est de règle d’après leurs constitution’- ; leur clôture devient alors papale. — Aux Etats-Unis, les vœux solennels ne sont autorisés pour les femmes que dans quelques monastères de la Visitation.

9. Les supérieurs majeurs sont, aux teimes du Code : l’abbé-primat, l’abbé supérieur d’une congrégation monastique, l’abbé d’un monastère autonome même affilié à une congrégation monastique, le supérieur général d’une religion, le provincial, leurs vicaires et tous ceux qui possèdent une autorité semblable à celle des provinciaux (comme sont, par exemple, les visiteurs dans certains ordres).

Ce qui est dit dans le droit au sujet des religieux s’applique aussi aux religieuses, à moins que le contexte ou l’objet n’y contredisent évidemment. Mais la réciproque n’est pas vraie. Can. 490.

10. A côté des instituts religieux proprement dits, il existe des sociétés soit d’hommes soit de femir.es dont les membres vivent en commun à la façon des religieux sous l’autorité d’un supérieur et selon des constitut ions approuvées, mais sans être liés par des vœux. Le Code les assimile souvent aux religieux, bien que ce nom ne leur onvienne pas à proprement parler. Ces sociétés peuvent être cléricales ou laïques, de droit pontifical ou de droit diocésain. Citons parmi elles les oratoriens, sulpiciens, pères blancs, filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul, etc.

11. En termes de droit ecclésiastique, on réserve le nom de règle à l’ensemble des principes ou normes de vie selon la perfection évangélique, qui furent proposés à leur disciples par les premiers organisateurs delà vie religieuse ; c’est dans ce sens que l’on parle de la règle de Saint-Benoit, de Saint-Basile, etc. Les cons/itulions sont les lois ou prescriptions particulières aux divers instituts qui se rattachent à une même règle. La règle sert donc souvent de fondement aux constitutions ; toutefois, depuis le xvie siècle, beaucoup d’instituts ne suivent aucune des anciennes règles et n’ont d’autre norme que les constitutions pour diriger leur activité. Dans le langage courant on confond souvent règle et constitutions, bien que la distinction juridique subsiste, même après le Code.

Aux constitutions viennent souvent s’ajouter le directoire et le coutumier. Dans le premier sont développés les principes ascétiques dont s’inspire l’institut. Le second est un recueii où sont détaillées les actions quotidiennes, la réglementation propre à certains jours ou à certains offices.

Division des religieux.

Tous les instituts religieux,

si nombreux et si variés dans l’Église, se ressemblent quant à la substance. Ils ont même but premier et général : s’efforcer d’aimer davantage Dieu et le prochain, imiter et suivre le Sauveur, modèle divin propisé aux hommes ; [mêmes moyens essentiels : renoncer publiquement au siècle par la profession des trois vœux, qui consacrent l’homme tout entier au service de Dieu.

La diversité des religions ne peut donc venir que d’un but secondaire et particulier poursuivi, ou bien de moyens spéciaux mis en œuvre pour atteindre ce but. Cf. Sum. theot., ll a —ll^, q. clxxxviii, a. 1. Les causes qui sont à l’origine de cette diversité sont d’ordres différents : i ; i c’est un’essai de réforme, de retour à l’esprit primitif qui a créé un nouvel institut ; là ce sont des besoins nouveaux de l’Église ou de la société qui ont fait surgir une fondation ; d’autres fois on a voulu répondre à des exigences ou aspirations spirituelles qui ne trouvaient pas leur satisfaction dans les formules existantes, ou bien encore, on s’est adapté à des dispositions physiques de tempéraments qui demandaient un adoucissement des règles anciennes. A vrai dire, ces divergences sont souvent plus accidentelles que substantielles, et la distinction entre les divers instituts religieux est moins une question d’espèce qu’une question de nombre et de régime ou gouvernement. Cf. Suarez, op. cit., tr. ix, t. I, c. i, n. 6.

Cette variété des formes de la vie religieuse, surprenante au premier abord, ne doit cependant pas nous étonner. Elle est un signe de l’extraordinaire fécondité de l’Église qui, en proposant à ses fidèles un modèle infiniment parfait, les laisse libres de s’attacher à l’aspect qui convient le mieux aux forces, au tempérament et aux besoins de chacun. Pour les uns c’est l’esprit d’oraison ou de pénitence, pour d’autres les œuvres de miséricorde spirituelle ou corporelle, pour d’autres enfin le zèle pour la conversion des pécheurs, des infidèles, des hérétiques, pour l’instruction et l’éducation de la jeunesse, etc. Sons doute, cette variété, si raisonnable et même si souhaitable, pourrait facilement tourner à l’excès si elle n’était maintenue dans de jus les limites ; aussi l’Église ne se f ; iit pas faute de réprimer dans le présent, comme dans le passé, la multiplication abusive des instituts. Cf. Décret., t. III, tit. xxxvi, c. 9 ; t. III, tit. xvii, cap. unie, in Sexto. C’est ainsi qu’en 1897 la S. C. des Évêques et Réguliers a adopté des règlements très sages pour prévenir une floraison par trop exubérante de nouveaux instituts. Un décret de Pie X, Dei prouidenlis, 16 juillet 1906, fit aux Ordinaires une obligation d’obtenir la permission du Saint-Siège avant d’autoriser ou d’approuver une nouvelle fondation. Dans le même sens le canon 492 exige que les évêques avertissent le Saint-Siège avant l’érection de toute nouvelle congrégation.

1. Une des plus anciennes divisions de l’état religieux fut celle qui établit une distinction entre les hommes et les femmes relativement aux obligations et au genre de vie. Bien que les femmes soient, au même titre que les hommes, aptes à la poursuite de la perfection, il reste vrai qu’elles sont exclues de l’état clérical et qu’en général elles ne peuvent suivre servilement les règles qui conviennent aux hommes. C’est pourquoi, dès les premiers siècles de l’Église, les ordres religieux furent divisés en deux groupes : les réguliers et les moniales. Il arriva souvent dans la suite que les règles du même fondateur furent suivies par les religieux hommes et, dans la mesure du possible, par les femmes, de sorte que l’on eut comme deux branches même ordre, celui des hommes étant la principale ; on l’appelle parfois pour cette raison le « premier ordre », les moniales formant le « second ordre ». Celle division des religieux des deux sexes apparaît beaucoup plus marquée dans les simples congrégations.

2. A. considérer l’essence même de l’état religieux, il faut, avec le code, distinguer un triple groupe :

a) D’abord les ordres religieux (soit d’hommes soit de femmes), appelés aussi religions « formelles », parce qu’en eux se retrouve l’état religieux strictement complet dans toute son essence. Leurs profès, qui émettent des vœux solennels, constituent la catégorie des réguliers proprement dits. De ce nombre sont les ordres de Saint-Basile, de Saint-Benoit, de Saint-Dominique, de Saint-François, les barnabites, les jésuites, etc.

b) A leur suite se placent les congrégations religieuses, lesquelles conservent encore l’essentiel de l’état religieux complet, mais de façon moins stricte et moins ferme, puisque leurs vœux n’étant pas solennels constituent un lien moins étroit et dont on obtient plus facilement dispense. Ces vœux restent des vœux publics, c’est-à-dire reçus au nom de l’Église, mais simples, dépourvus de cette solennité à laquelle la tradition ecclésiastique reconnaît une plus grande fermeté. Les membres de cette catégorie sont appelés religieux, par opposition aux réguliers. De ce nombre sont les passionisles, les rédemptoristes, etc.

c) Enfin viennent les associations religieuses dans lesquelles on ne retrouve l’essence de l’état religieux qu’au sens large ou seulement de façon partielle : les sujets n’y émettent que l’un ou l’autre des trois vœux, ou bien, s’ils font profession complète, ne la font que pour un temps, ou seulement de façon privée, sans reconnaissance officielle de l’Église. Parfois aussi ils se contentent de la vie commune avec promesse ou serment de stabilité ou de persévérance. A cette catégorie appartiennent des associations de fondation assez récente, auxquelles on donne vulgairement (non au sens canonique) le nom d’institut, congrégation, société. Ainsi les lazaristes, les oratoriens, les sulpiciens les filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul, les oblats de Saint-Philippe-de-Néri, chez lesquels il n’y a pas de profession religieuse proprement dite.

2. D’après le genre de vie que mènent les sujets et la lin prochaine à laquelle ils tendent, on distingue :

a) les ordres contemplatifs, dont les membres sont voués principalement et d’après leur institution, à la prière et à la contemplation des mystères divins : tels les basiliene, les bénédictins, les cisterciens, lescamaldules, les chartreux, etc.

b) Les ordres actifs, fondés spécialement pour exercer les œuvres de miséricorde temporelle ou spirituelle : ordres hospitaliers ou militaires, congrégations enseignantes.

c) Les ordres appelés mixtes qui unissent la vie active à la vie contemplative : chanoines et clercs réguliers, mendiants (prémontrés, carmes, franciscains, dominicains, théatins, barnabites, jésuites et beaucoup d’autres spécialement parmi les congrégations de fondation récente). Il faut remarquer que plusieurs instituts religieux qui sont aujourd’hui de caractère mixte, menaient à l’origine et lors de leur fondation une vie plutôt contemplative. Le changement survenu tient le plus souvent à l’habitude que prirent peu à peu leurs membres de recevoir les ordres sacrés ; à l’origine ils étaient laïques ; l’ordination les orienta tout naturellement vers le ministère des âmes.

A noter aussi que cette division en ordres contemplatifs et actifs ne doit pas faire croire qu’il y a entre les deux genres de vie une cloison étanche ; ainsi que le remarque saint Thomas, la vie contemplative do ; * directement ou indirectement conduire à l’action et l’action, si elle veut n’être point stérile, doit s’appuyer sur la contemplation. Il a -II £e, q. clxxx-clxxxi ; q. clxxxii, a. 1 ; q. clxxxviii, a. 6.

4. A considérer la règle, on distingue d’une part les ordres religieux qui observent les quatre règles anciennes, et d’autre part les instituts qui ont leurs constitutions propres ou des règles autres que les quatre principales, tels les chartreux, barnabites, jésuites, camilliens, etc.

Les quatre règles anciennes sont :
a) celle de Saint-Basile, suivie surtout par les moines orientaux ;


b) celle de Saint-Benoît, qui fut adoptée par les camaldules, les cisterciens, les olivétains et nombre d’autres familles religieuses ;

c) celle de Saint-Augustin (tirée de ses écrits, car lui-même n’écrivit aucune règle) est encore généralement observée par les chanoines réguliers (du Latran, de l’Immaculée-Conception, prémontrés) et aussi par les théatins, somasques, dominicains, servîtes, etc. ;
d) la règle de Saint-François, laquelle est triple. Celle du premier ordre, pour les hommes, régit aujourd’hui trois familles : les frères mineurs, les conventuels, les capucins. Celle du second ordre est destinée aux femmes : clarisses et colettines (réformées) à vœux solennels. Enfin la règle du troisième ordre ou tiers ordre, qui peut être séculier (pour les chrétiens de l’un ou l’autre sexe vivant dans le monde) ou régu lier, englobe un nombre imposant de congrégations d’hommes ou de femmes. Cf. la constitution Rerum conditio, du 4 octobre 1927, par laquelle Pie XI approuve la nouvelle règle du tiers ordre régulier franciscain et abroge l’antique règle remontant à Léon X, Acla ap. Sedis, t. xix, 1927, p. 361.

5. Sous le rapport de la pauvreté, on distingue les religieux non-mendiants et les mendiants ; ces derniers peuvent l’être au sens large ou au sens strict. Sont mendiants au sens strict les ordres religieux qui, de par leur institution primitive et de par leurs constitutions, ne peuvent posséder en commun aucun bien meuble ou immeuble dont ils pourraient tirer un revenu stable ; ils n’ont d’autres ressources que le hasard de la mendicité. Le concile de Trente, sess. xxv, c. 3 de régal., ayant accordé aux monastères de mendiants le droit de posséder en commun des immeubles, une exception formelle fut faite pour les frères mineurs et les capucins, qui restent les seuls mendiants au sens strict. D’autres ordres, par exemple les jésuites et les carmes déchaussés, ont renoncé au moins partiellement au privilège accordé par le concile de Trente et s’engagent par vœu à ne posséder que les biens meubles reçus en aumône, du moins dans les maisons professes.

6. Sous le rapport de l’administration intérieure et de la forme des constitutions, les instituts sont les uns centralisés, possédant une hiérarchie interne qui les relie au supérieur général, au provincial, au supérieur local ; les autres sont constitués de maisons autonomes, n’ayant que des liens assez lâches les unes avec les autres, mais sans interdépendance ; ce sont ordinairement des ordres de chanoines réguliers ou de moines.

7. Au point de vue du gouvernement extérieur, c’est-à-dire des rapports avec les Ordinaires des lieux, les religieux sont exempts s’ils sont soustraits à la juridiction épiscopale ; dans ce cas ils sont soumis immédiatement au souverain pontife, sauf dans les cas où celui-ci délègue de façon habituelle ses pouvoirs aux évêques. Sur les religieux non-exempts l’évêque peut exercer son pouvoir ordinaire ou délégué ; cependant ce pouvoir même est soumis à certaines limitations lorsque l’institut a reçu du Saint-Siège l’approbation de ses règles ; dans ce cas, l’évêque ne peut ni changer celles-ci, ni supprimer l’institut ou même une de ses maisons.

On se gardera d’assimiler dans tous les cas religion exempte avec religion de droit pontifical : un institut religiei’^ peut être de droit pontifical (anr^’.._^.^i de louang/ ixp^rooauuhY sans être pour autant complètement soustrait à l’autorité de l’évêque.

L’antique division des religieux en cénobites et anachorètes ou ermites n’a plus de raison d’être aujourd’hui ; d’après le droit actuel, tous les religieux sont nécessairement cénobites, la vie commune étant une condition essentielle à l’état religieux. Les ermites ou solitaires, s’il en existe encore, ne sont pas reconnus par l’Église comme ayant la qualité de religieux. Cf. Suarez, op. cit., tract, ix, t. i, c. n.