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Dictionnaire de théologie catholique/ROUMANIE

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané ( Tome 14.1 : ROSNY - SCHNEIDERp. 16-58).
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ROUMANIE. — Le présent article n’a pas le dessein d’étudier au complet la situation religieuse du royaume de Roumanie, tel que l’ont fait les récents événements. Encore que les traités qui ont terminé la Grande Guerre lui aient donné un nombre important de catholiques, le nouvel État ne laisse pas de demeurer une puissance s orthodoxe ». Orthodoxe était dans son immense majorité la population de l’ancien royaume ; à cette masse sont venus s’ajouter de nombreux orthodoxes des provinces réunies. Groupés maintenant sous un seul chef, qui prend le titre de patriarche, tous ces fidèles forment l’Église roumaine autocéphale, ne se rattachant plus que par des liens fort lâches au patriarcat œcuménique. De cette Eglise de beaucoup la plus importante de Roumanie, il ne sera guère question ici.

L’ancien royaume comptait aussi un nombre restreint de catholiques, la plupart de rite latin. Le retour à la patrie roumaine de la Transylvanie et de portions importantes du Banat et de la Bukovine vient d’adjoindre à ceux-ci une masse considérable de frères, les uns, c’est la majorité, de rite gréco-roumain (liturgie byzantine en langue roumaine), les autres de rite latin, quelques-uns de rite arménien. C’est de cette Église catholique de Roumanie, mi-partie gréco-roumaine, mi-partie latine que l’on s’occupera surtout dans l’article.

I. Renseignements historiques.
II. Rapports entre l’Église et l’État (col. 23).
III. Enseignement et éducation ecclésiastiques (col. 30). IV. Les ordres religieux (co 61).
V. L’action catholique (col. 75).
VI. Rapports avec l’orthodoxie (col. 77).
VII. Le protestantisme et les sectes (10I. 94).

I. Renseignements historiques.

Les origines religieuses.

Le christianisme, en Roumanie, comme en général chez les peuples du proche Orient, est assez ancien. Le lexique de la langue roumaine prouve l’ancienneté du christianisme chez ce peuple. Ce sont vraisemblablement les missionnaires de Rome qui ont christianisé les Roumains. Parmi eux, saint Nicétas de Rémésiana, près de Nich (Yougoslavie) († 420) est vénéré comme l’apôtre des Roumains. Voir son article, t. xi, col. 477-479.

De l’ancienne vie chrétienne, on trouve d’importants vestiges dans la Dobroudja actuelle, l’ancienne Scythie mineure. De Tomi, l’actuelle Constanza, on connaît huit archevêques, unis d’amitié, non seulement avec Constantinople, la Nouvelle Rome, et en particulier avec son archevêque saint Jean Chrysostome, mais encore avec les papes de Rome. D’autre part, Rémé siana, siège résidentiel de saint Nicétas, fut placé plus tard sous l’autorité de l’archevêque de Justiniana Prima et, par conséquent, sous la dépendance directe du Saint-Siège. De Tomi, également, il nous reste la liste de soixante-cinq martyrs. De cette Scythie mineure on connaît près de trente localités, parmi lesquelles Silistra (Doroslorum), Adamclissi (Tropœum Trajani), Hinog (Axiopolis), Isaccea (Noviodunum), etc., ayant d’anciens monuments chrétiens. Jusque vers la fin du vme siècle, il existe une vie chrétienne romaine dans toute la vallée du Bas-Danube. Au VIIe concile général, à Nicée en 787, on trouve parmi les évêques, Ursus d’Abritus, en Scythie mineure.

Presque aussitôt après l’installation des Serbes et surtout des Bulgares au sud du Danube, la situation changea. Les Roumains, en vivant avec ces peuples, et en formant même avec eux, en particulier avec les Bulgares, un État, partagèrent naturellement leur sort. Quand les Bulgares, d’abord hésitants entre Rome et Constantinople, passèrent sous l’autorité de cette dernière, les Roumains les suivirent. Ceci devait avoir de funestes conséquences tant au point de vue religieux qu’au point de vue culturel.

A la suite de ces événements, en effet, les Roumains sortirent de la zone de culture et de civilisation romaine d’Occident. Après la mort des apôtres des Slaves, les saints Cyrille († 868) et Méthode († 885), leurs disciples, persécutés en Bohême et en Moravie, vinrent en Bulgarie où ils furent bien reçus. Là ils introduisirent la langue slavonne (médio-bulgare) dans l’Eglise et dans l’État, ainsi que l’alphabet cyrillique. C’est des Bulgares que les Roumains les reçurent à leur tour. La langue slavonne a dominé en Roumanie jusqu’au xviie siècle et l’alphabet cyrillique jusqu’en 1860. Quant à l’organisation ecclésiastique, quand elle se reconstitue après les multiples invasions que le pays voit défiler, elle demeure en dépendance soit directe, soit indirecte (par les Serbes) du patriarcat de Constantinople. La Roumanie est une des provinces de l’Église gréco-slave, encore qu’il y subsiste des îlots catholiques.

Au xvie et xvne siècle, les Saxons luthériens d’une part, et les Magyars calvinistes d’autre part, influents, sinon très nombreux dans la région transylvaine, cherchent à convertir à leur confession les Roumains qui sont la nation la plus considérable entre le Dniester et la Tissa, les Carpathes du Nord et la mer Noire. Les calvinistes impriment une multitude de livres pour les Roumains, imposent aux évêques, pour leur nomination, des conditions extrêmement humiliantes, oppriment les consciences d’une manière inouïe, font de l’Église roumaine un vrai monstre : Église orientale dans les formes extérieures, calviniste au fond.

Cet état de choses change en 1688, quand la Transylvanie passe sous la domination des Habsbourg. Comme ceux-ci faisaient partie de la « Ligue chrétienne » fondée par le pape pour arrêter la diffusion de la Réforme et aussi pour chasser les Turcs d’Europe, ils cherchèrent sans doute à encourager l’élément catholique à peu près complètement détruit pendant la longue et impitoyable domination calviniste, mais ils pensèrent aussi à ramener au catholicisme les Roumains orthodoxes. Dès 1595, avait eu lieu l’union à Rome des Ruthènes ou Ukrainiens et, en 1648, celle des populations ruthènes des Carpathes du Nord. L’union des populations arméniennes de Transylvanie devait s’effectuer seulement en 1701.

L’union avec Rome.

En conformité avec cette politique religieuse, l’empereur Léopold Ier (1657-1705), libérateur de la Hongrie et de la Transylvanie du joug des Turcs, publiait, le 23 août 1692, un décret en vertu duquel les prêtres et les fidèles roumains jouiraient des mêmes droits que les prêtres et les fidèles de

l’Église catholique, s’ils venaient à confesser la même foi. La différence entre la façon dont les Roumains étaient traités par les princes calvinistes et la manière dont usaient les Habsbourg catholiques était énorme ; les propositions de ceux-ci. habilement présentées parles jésuites, furent retenues.

Théophile Sérémi, noble de Teius, fut le premier archevêque qui tint un synode pour l’union, à Alba-Julia, en l(ii » 7. Cet archevêque étant mort subitement, on a soupçonné les calvinistes de l’avoir empoisonné. L’idée de l’union fut reprise et sa mise à exécution vigoureusement poussée par son successeur, Athanase Anghel (1697-1713). Bien qu’au commencement il eût été soutenu par les calvinistes et qu’il eût été consacré évêque, suivant l’usage, à Bucarest, il trouva, de retour dans sa patrie, qu’il n’y avait rien de plus important que de continuer l’œuvre de l’union commencée par son prédécesseur, Théophile. Il réunit deux synodes d’union, l’un en 1(> !)8 et l’autre en 1700. Ce dernier est entièrement dirigé contre le parlement provincial de Transylvanie, alors composé en grande majorité de calvinistes qui ne pouvaient se résoudre à voir les Roumains leur échapper et s’unir aux « papistes ». Dans ce synode, on rédigea une importante protestation de foi qui fut signée et par l’évêque et par cinquante-quatre doyens représentant mille cinq cent quatre-vingt-deux prêtres et deux cent mille fidèles à peu près. C’est, sans aucun doute, l’acte le [dus important de tout le passé du peuple roumain. En voici l’essentiel :

Nous soussignés, évêque, doyens et tout le clergé de l’Église roumaine de Transylvanie, nous faisons savoir à qui de droit et surtout aux dignitaires de l’Étal [au parlement ! du pays de Transylvanie que, tenanl compte de 1 instabilité de la vu humaine, de I immortalité de l’âme dont nous devons avoir le plus grand soin, libres, de bon gré el portés à cela par l’Kspril-Saint, nous nous sommes unis à l’Église romano-catholique et par la teneur des présentes nous Confessons en être les membres, recevant, confessant et croyant tout ee qu’elle reçoit, confesse et croit elle-même et particulièrement les quatre points sur lesquels nous paraissions jusqu’à maintenant séparés.

Par cet acte historique, tous les Roumains de Transylvanie, l’élite du clergé en tête, se déclarent unis à l’Église romaine, renouant, après des centaines d’années de séparai ion, les liens de foi et d’amour chrétiens avec le Saint-Siège, fondement de l’Église. Pendant plus d’un demi-siècle, après cette union, il n’est plus question d’Église orthodoxe ou non-unie en Transylvanie. Les statistiques en font foi. En 1733, d’après la statistique de l’évêque Jean-Innocent Micu-Klein, il y a 22 !) 1 prêtres unis pour 158 non-unis seulement ; or, en 1750, d’après le dénombrement de l’évêque Pierre-Paul Aron, sur 569 722 Roumains, il yen a 543 657 unis à Home, pour 25 005 non unis. Cette année-là, également, il y a 170 1 églises unies, pour 1 1 non-unies. I.a vérité de ces statistiques, qui de prime abord paraissent lout à fait surprenantes, se trouve vérifiée par les dénominations populaires encore usitées en Transylvanie, d’ « anciens » pour les unis ; fie « nouveaux » pour les non-unis.

Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui les Roumains de Transylvanie soient divisés en deux confessions religieuses : les unis ou catholiques de rite roumain et les orthodoxes ? Des circonstances historiques expliquent leur division confessionnelle.

Arrivant des bancs de l’école au siège épiscopal, Jean-Innocent.Micu-Klein (1728-1751) s’emploie de toutes ses forces à obtenir l’accomplissement des promesses faites par les I labsbourg à l’occasion de l’union. Les instances du fougueux évêque ne donnent pas les résultats espérés, mais lui l’onl une multitude d’ennemis dans tous les partis. I.’évêque uni, disent les

représentants des trois nations (Magyars, Séklers et Saxons) au parlement provincial de Transylvanie, nous demande ce que personne jusqu’à présent n’a jamais osé demander et ce qui ne se peut accorder sans détruire toute notre constitution. L’acharnement de ics parlementaires contre l’évêque uni, seul représentant de son peuple roumain au milieu d’eux, est si grand que, dans une séance à Sibiu (1744), ils veulent le jeter par la fenêtre pour s’en débarrasser. L’intensité de la lutte engagée par l’évêque est telle, que son clergé, qui s’en rend compte, écrit dans un mémoire adressé à l’impératrice Marie-Thérèse (1740-1780) qu’il ne serait pas étonnant qu’un beau jour le bon évêque ne perdît la tête.

Pour se débarrasser de cet ennemi impétueux, ses adversaires sans distinction de nationalité ou de religion — il y a même parmi eux des Magyars catholiques — conspirent contre lui. Les Serbes orthodoxes, d’accord avec les Magyars calvinistes et les Saxons luthériens, envoient un moine fanatique, Bessarion Saraï, qui met le trouble parmi le peuple, depuis la région de Dobra-Ilunedoara jusqu’à celle de Sàliste-Sibiu. Il dit que l’union avec Rome est chose exécrable ; que l’âme des unis brûle au feu de l’enfer, parce qu’ils se sont écartés de la foi des ancêtres ; que les prêtres unis perdent, par leur union, la grâce du sacerdoce, et que, par conséquent, aucun de leurs actes sacerdotaux n’a de valeur. Bien que l’évêque Micu-Klein ait demandé l’arrestation du perturbateur et qu’il l’ait admonesté personnellement dans sa prison de Sibiu, il est dénoncé à l’impératrice comme complice de l’agitateur et appelé à Vienne pour se justifier. La commission devant laquelle il comparaît est exclusivement composée de laïcs hostiles. Sur le conseil du nonce de Vienne, il refuse de se justifier devant cette commission anticanonique. En secret, il se rend à Rome, avec l’espoir qu’avec l’aide du pape, il pourra, de là, travailler davantage pour l’Église et son pays. Cette démarche lit mauvais effet et fut interprétée comme une preuve de culpabilité. Après de longues et pénibles tractations, l’évêque renonce finalement à son siège, à la grande joie de ses ennemis. Après la démission forcée de l’évêque si populaire des unis, les paysans, ignorants des choses de la religion, en signe de protestation, quittent en masse l’union en criant sans cesse :

« Notre évêque ! Notre évêque » ! Pour apaiser ces

mécontents, durant l’hiver de 1745-1746, l’évêque ruthène uni, Emmanuel Olsavsky, vint les visiter. Il déclare dans son rapport que tous les troubles cesseront si l’on permet le retour dans le pays de l’évêque aimé, Innocent. C’est peine perdue.

Ses ennemis, encouragés par ce succès, en cherchent d’autres. Ils organisent toute une série de coups pour anéantir l’Église unie, foyer du mouvement d’émancipation nationale. Le métropolite serbe, Paul Nenadovich, en 1751, profite de ce que le pasteur uni Micu-Klein n’est pas au milieu de son troupeau pour envoyer une lettre pastorale non signée aux Roumains, leur disant de quitter l’union, s’ils ne veulent pas devenir

« tout à fait allemands ». Il trouve des agents perturbateurs

même parmi les prêtres, tels que Cosme de Deal et Jean d’Aciliu. Cependant, l’adversaire le plus acharné de l’union est le moine Sophrone, de son vrai nom Stan Popovici, de Cioara-I Iunedoara. Profitant de l’embarras de Marie-Thérèse, en lutte avec Frédéric 11. roi de Prusse, il entreprend une vraie guerre d’extermination contre l’Église unie, il n’éloigne pas seulement tous les prêtres unis de leurs paroisses, mais il fait quitter sa résidence de Blaj au nouvel évêque, Pierre-Paul Aron (1752-1764). Par crainte, le gouvernement provincial de Sibiu accorde à l’agitateur un sauf-conduit », qui lui donne le droit d’avoir avec lui une force armée. Au commencement

de l’année 1791, il convoque un synode à Alba-Julia avec ordre à chaque village d’envoyer deux représentants et d’apporter quelques ducats pour lui et pour les nécessites de l'Église. Les partisans de Sophrone vont jusqu'à s’emparer de l'église unie de Fâgâras, déclarée par la bulle Ralioni eongruit (1721) église cathédrale.

Tout le monde croit que l'Église unie est tout à fait détruite en Transylvanie. Seul l'évêque Aron ne désespère pas. Pour mettre fin à ces troubles qui avaient pris des proportions de guerre civile, Marie-Thérèse détache quelques compagnies de soldats sous les ordres du général Adolph Bucov et les envoie en Transylvanie. Celui-ci pacifie « militairement » la province. La vraie paix cependant est apportée par le zèle de l'évêque et des religieux basiliens de Blaj, nouveau centre de l'évêché uni. En 1754, PierrePaul Aron ouvre les « sources des grâces », les écoles de Blaj, voir ci-dessous, col. 32 sq. Les successeurs d’Aron ont pris soin de ces écoles précieuses entre toutes.

Certains ont eu soin aussi de la diffusion de l’union et en particulier, Grégoire Maïor (1772-1782) qui a joui d’une aussi grande popularité que son prédécesseur Innocent Micu-Klein. Le 8 juin 1774, il écrit à la Congrégation de la Propagande, à Borne : « Plus de trois cents villages viennent d’embrasser la sainte union. » Le 2 janvier 1775, il relate encore à la même Congrégation : « A l’occasion de la visite canonique.

« lu 10 août au 10 septembre, dans la vallée de Somes,

quarante villages se sont convertis, et ainsi l’on peut à présent compter cinq cents villages revenus à l’union ». Par les efforts apostoliques de l'évêque Gr. Maïor, aidé des pieux et savants religieux, Ignace Darabant et Samuel Micu-Klein, presque toute la Transylvanie du Nord, le Maramures et Satu Mare, embrassent de nouveau et définitivement la foi religieuse de Borne. Ces efforts ne sont pas du goût des grands et en particulier des nombreux seigneurs calvinistes, pour lors grands propriétaires et hommes de gouvernement, détenteurs de presque toutes les charges du pays. Ils conspirent contre l'évêque auprès du gouvernement et l’obligent à renoncer à son évêché. Le fils de Marie-Thérèse, l’empereur Joseph II (1780-1790) n’est pas, tant s’en faut, l’ami des religieux. Il ne nomme pas à l'évêché uni vacant un religieux comme c'était jusqu’alors la coutume, mais un prêtre séculier, Jean Bob (1782-1830), alors doyen de Târgul-Mures. Durant son long épiscopat, celui-ci fait de bonne besogne (entretien des écoles, fondation d’un chapitre de chanoines, etc.), mais il donne le coup de grâce au monachisme uni, qui arrive à peine à se reconstituer aujourd’hui.

Pour les Roumains unis de la région de Crisana, Pie VI, à la demande de Marie-Thérèse, par la bulle Inde/essum du 6 ~juin 1777, avait créé un nouveau diocèse comprenant toute la frontière de l’ouest de la Roumanie d’aujourd’hui. Le zèle missionnaire n’a pas manqué non plus aux évêques d’Oradéa, siège du nouvel évêché : Moïse Dragos (1776-1787), Ignace Darabant (1788-1805), Samuel Vulcan (1806-1839), Basile Erdelyi-Ardeleanu (1842-1862) et.Joseph Popp Szilagy ou Pop Sàlâjanul (1863-1873). Aucun de leurs successeurs n’a manqué de zèle. Leurs noms se retrouveront plus loin. Ces évêques, et particulièrement les premiers, ont rencontré des difficultés imprévues. Les évêques serbes d’Arad qui, depuis les troubles religieux signalés plus haut, tenaient sous leur autorité les Boumains non unis, venaient en visite canonique accompagnés de soldats en armes. Ils réussirent même à se fixer dans « Venise », quartier de la ville résidentielle d’Oradéa, d’où ils terrrorisaient toute la région Les catholiques de rite latin, complètement débarras sés de la longue domination turque et calviniste, ne prêtèrent pas, quoiqu’ils détinssent de hauts emplois dans l'État, une aide assez grande à la diffusion de l’union. Malgré cela, sous l'épiscopat d’Ignace Darabant, douze paroisses embrassent l’Union ; sous celui de Vulcan, il s’en ajoute soixante-douze ; sous Basile Erdelyi-Ardeleanu, vingt-deux dans les limites du Banat, etc.

L’Assemblée nationale réunie, au Champ de la liberté, à Blaj, le 3-15 mai 1848, ayant exprimé, entre autres, le désir de voir rétabli l’archevêché roumain, l'évêque Basile Erdelyi Ardeleanu prit pour cela, la guerre civile terminée, les initiatives nécessaires. Les négociations commencèrent le 18 novembre 1850, et, le 26 novembre 1853, Pie IX, par la bulle Ecclesiam Christi, érigeait l’ancien évêché de Fâgâras au rang d’archevêché et de métropole avec le titre historique d’Alba Julia et Fâgâras, mais avec résidence à Blaj et avec le roumain comme langue liturgique, lui soumettant comme suffragants, à côté de l’ancien évêché d’Oradéa, ceux de Gherla et Lugoj récemment créés.

Après la guerre mondiale, la Roumanie conclut un concordat avec le Saint-Siège, le 10 mai 1927. Dans ce concordat, entre autres, fut prévue la fondation d’un nouveau diocèse pour les nombreux Boumains unis de la Transylvanie du Nord et aussi une nouvelle délimitation de tous les diocèses roumains unis, plus appropriée aux circonstances de la Roumanie reconstituée. Ce nouvel arrangement est fixé par la bulle Solemni convenlione du 5 juin 1930. Acla apost. Sedis, 1930, p. 381-386.

Cette constitution apostolique fixe la situai ion ecclésiastique de l'Église roumaine unie de la manière suivante : archidiocèse de Fâgâras-Alba Julia (avec résidence à Blaj) ayant comme suffragants les diocèses d’Oradéa-Mare, de Cluj-Gherla, de Lugoj, anciennement existants, et le diocèse de Maramures, créé par la bulle elle-même. Les limites coïncident avec les frontières de l'État roumain. Aucun Ordinaire d’un pays étranger n’a plus juridiction sur territoire roumain et vice-versa aucun Ordinaire roumain sur des territoires étrangers. Les limites de ces diocèses les uns par rapport aux autres ont été sérieusement remaniées.

Le même document réorganise également la distribution des évêchés latins existant soit dans l’ancien royaume, soit dans les parties réunies. Passent sous la juridiction métropolitaine de l’archevêque latin de Bucarest : le diocèse latin d’Alba Julia ; le diocèse latin de Temisoara créé par amputation du diocèse latin de Csanad ; le diocèse latin de Satu-Mare cl Oradéa-Mare formé par la fusion des deux anciens évêchés de ce nom (en hongrois Szatmàr et Nagyvarad), amputés de leurs territoires demeurés à la Hongrie ; enlin le diocèse latin de Iassy, augmenté de la partie de la Bukovine attribuée à la Boumanie et qui est détachée de l' archidiocèse latin de Léopol (Lwow). Les évêchés de l’ancien royaume (Bucarest et Iassy) qui relevaient jusqu'à présent de la Propagande, passent sous l’autorité de la Consistoriale.

Enfin les Arméniens unis seront gouvernés par un administrateur apostolique dont la résidence habituelle est fixée à Gherla.

Comparer cette division avec celle qui est donnée au mot Hongrie, t. vii, col. 54-55, en tenant compte des équivalences suivantes : Alba Julia = Gyulafelicrvàr ; OradéaMare = Nagyvarad ; Satu-Mare = Szatmàr ; Lugos = Lugoj ; Gherla = Szàmos-Ujvàr. I.a carte, t. ix, col. 1.">t>8, qui fournit les délimitations des anciens diocèses latins de la région roumaine soumise aux Hongrois avant la Grande Guerre, donnera une idée des circonscriptions acl uelles pour les latins ; elle ne tient pas compte des circonscriptions des gréco-roumains. II. Les bases.juridiques des rapports entre l'Église et l'État. — A la suite de la guerre mondiale, le Vieux-Royaume roumain a vu s’accroître son territoire et sa population presque d’un tiers.

La Roumanie d’aujourd’hui a une surface de 291 967 kilomètres carrés. Le recensement de 1930 relève 18)26 000 habitants. Ceux-ci se répartissent du point de vue ethnographique comme suit :

Roumains 13 1 GO 000

Magyars 1 388 000

Juifs 822 000

Allemands 770 000

Ruthènes 10 !) 000

Bulgares 378 000

Russes 324 000

Turcs 235 000

La statistique des confessions religieuses donne les chiffres suivants :

Orthodoxes 13 067 000 (72, 2 %)

Unis (catholiques de rit

roumain) 1 350 000 ( 7, 3 %) |

Catholiques de rit latin… 1 200 000 ( 6, 6 %) | ' '** '"

Calvinistes 717 000 ( 3, 9 %)

Luthériens 360 000 ( 2, 2 %)

Unitaires (anti-trinilaires). 72 000 ( 0, 4 %)

Israélites 984 000 ( 5, 5 %)

Musulmans 23 t 000 ( 1, 6 %)

Arméniens grégoriens 60 000 ( 0, 3 %)

Autres sectes 82 000 ( 0, 5 %)

18 126 000

Pour résoudre les contradictions apparentes de cette stat istique.il faut remarquer que les orthodoxes ne sont pas tous d’origine ethnique roumaine, et que tous les Roumains ne sont pas orthodoxes. Cependant les unis, à l’exception des 60 000 Ruthènes sont tous Roumains d’origine ethnique. Les catholiques de rit latin sont en partie Roumains, en partie Allemands, Magyars, Bulgares, Français, Polonais, Italiens. La même remarque doit être faite pour la religion mosaïque. Les dernières statistiques ecclésiastiques notent un accroissement considérable de fidèles. Les unis, par exemple, comptent 1 685 000 fidèles. On voit donc clairement la nécessité des 2 statistiques : religieuse et ethnique.

Les rapports de droit entre l'Église et l'État nous sont connus par les quatre sources suivantes : 1. La constitution de la Roumanie de 1923 ; 2. La loi pour l’organisation de l'Église orthodoxe roumaine de 1925 ; 3. La loi pour le régime général des cultes de 1928 ; 4. Le concordat entre la Roumanie et le SaintSiège, conclu en 1927, ratifié en 1929.

La constitution.

Elle déclare, à l’article 22, que « la liberté de conscience est absolue ». Cependant l’article 70 apporte une restriction, en ce qui concerne l'éducation des enfants de la dynastie du roi Charles I er de Hohenzollern-Sigmaringen, qui devra se faire dans la religion orthodoxe roumaine, et non dans la religion catholique romaine. De plus « l'Étal garantit pareillement à tous les cultes liberté et protection sous réserve que leur exercice n’apporte aucune atteinte à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux lois (l’organisât ion de l'État. L'Église chrétienne orthodoxe, e1 l'Église gréco-catholique sont reconnues Églises roumaines. L'Église orthodoxe roumaine étant la religion de la majorité des Roumains, est déclarée Église dominante dans l'État roumain, et l'Église grécocatholique a la priorité sur les autres cultes. »

Prenant la parole au nom du gouvernement. Alexandre Consl nul inesco, ministre de l' Agriculture et des domaines, a déclaré dans la séance du Sénat du 1(1 mars 1923 que le mot dominant ne signifie pas que l'Église orthodoxe soit maîtresse sur les autres Eglises ; il indique seulement que l'Église orthodoxe est l'Église de la majorité de la population de l'État roumain. »

Au même moment, le professeur C.-G. Dissesco, rapporteur du projet de constitution, donnait les explications suivantes : « Qu’entendons-nous par Église dominante ? L'Église souveraine qui commande el se soumet les autres, ou une Église qui prévaut par la puissance du nombre ? Il est certain qu’il n’est pas question d’une force souveraine, d’autant que l'État n’a pas à se faire le juge des croyants et à donner des prix aux uns contre les autres et sur les autres ; en d’autres termes, il n’est pas question de dominari in aliqucm, in adversarios. »

M. Constantin Banu, ministre des Cultes et des beaux-arts, dit entre autres : « Nous, Roumains, nous nous présentions dans le Vieux-Royaume comme un seul bloc du point de vue confessionnel. Aujourd’hui, nous nous présentons comme deux blocs. D’une part, l'Église orthodoxe, d’autre part, l'Église grécocatholique. Quoi qu’on dise, l'Église gréco-catholique est une réalité ; c’est l'Église roumaine qui, bien qu’elle n’ait pas derrière elle un passé aussi ancien que l'Église orthodoxe, a cependant un passé important, et des mérites historiques indéniables. » Un peu plus haut, l’orateur énumérait les trois idées nationales rédemptrices qui forment l’apport de l'Église unie à Rome : l’unité de la race, l’origine romaine et la présence constante du peuple roumain sur le territoire de la vieille Dacie.

Le métropolite-primat de Roumanie, Mgr Miron Cristea, lui-même, dans la séance du Sénat du 20 mars 1923, reconnaît qu’en ce qui concerne l’explication du mot dominante, il est en parfait accord avec le rapporteur Dissesco : « Nous ne voyons pas en cela, dit-il, en conformité avec le caractère tolérant de notre Église, un effort de domination. » Il donne comme exemple une chaîne de montagnes. Chaque montagne a ses forêts, ses sources., ses vallées et ses sommets, mais l’une, plus haute, domine la situation. D’où il suit que si, avec le temps, la proportion numérique des tidèles des deux Églises roumaines vient à changer, il faudra changer aussi la dénomination.

Le texte de la constitution continue : t L'Église orthodoxe roumaine est et demeure dégagée de toute hiérarchie étrangère, tout en conservant pour le dogme l’unité avec l'Église œcuménique d’Orient. Dans tout le royaume de Roumanie, l'Église chrétienne orthodoxe aura une organisation unitaire, avec la participation de ses éléments constitutifs, les clercs et les laïcs. — Une loi spéciale fixera les principes fondamentaux de cette organisation unitaire, comme aussi la modalité d’après laquelle l'Église réglementera, conduira et administrera, par ses organes propres et sous le contrôle de l'État, ses affaires religieuses et culturelles, les fondations et les épitropies. — Les questions spirituelles et canoniques de l'Église orthodoxe roumaine seront réglées par une seule autorité synodale centrale. — Les métropolites et les évoques de l'Église orthodoxe roumaine seront élus suivant une loi spéciale unique. — Les rapports entre les différents cultes et l’Etat seront fixés par la loi. »

La loi de 1921 pour l’organisation de l'Église orthodoxe roumain.

Elle comporte certaines dispositions d’intérêt général. L’article 1 répète que cette Église, étant celle de la majorité des Roumains, est dominante dans l'État. Elle est et reste autocéphale, c’est-à-dire qu’elle n’est liée à aucune hiérarchie extérieure, tout en gardant, pour le dogme, l’unité de croyance avec l'Église œcuménique d’Orient. D’après le droit canonique et en conformité avec la constitution du pays, l'Église orthodoxe roumaine réglemente, conduit et administre par ses propres organes et sous le contrôle de l'État, ses affaires religieuses et

culturelles, ses fondations et épitropies. — Le contrôle de l’Église et de ses organes s’exerce par le ministère des Cultes (art. 4). — A la tête de l’Église orthodoxe se trouve le Saint-Synode, la plus haute autorité pour les questions spirituelles et canoniques, et sur suprême pour les questions ecclésiastiques de toutes natures qui, selon les lois et règlements, tombent sous sa compétence. Le Saint-Synode se compose de tous les métropolites, évêques et vicaires en fonction, il est présidé par le métropolite de Ungro-Yalachie, en tant que patriarche de l’Église orthodoxe roumaine (art. 5). — La corpotation centrale qui représente toute l’Église roumaine orthodoxe pour les affaires administratives, culturelles, les fondations et épitropies est le congrès national ecclésiastique, composé de six représentants de chaque diocèse fdeux clercs et quatre laïques) délégués par les assemblées diocésaines pour une durée de six ans, pris parmi leurs membres, ou d’autres fidèles des éparchies respectives. Les membres du Saint-Synode font partie de droit du congrès national ecclésiastique. Le congrès fixe les normes obligatoires pour toute l’Église orthodoxe roumaine (art. 6). — L’élection des évêques et archevêques métropolites dépend d’un collège électoral composé des membres du congrès national ecclésiastique, et des membres de l’assemblée diocésaine de l’éparchie vacante. A l’élection prendront part, comme membres de droit, s’ils sont orthodoxes, le président du Conseil des ministres, le ministre des Cultes, le président du Sénat, le président de la Chambre des députés, le premier président de la Cour de cassation, le président de l’Académie roumaine, les recteurs des universités et les doyens des facultés de théologie. L’examen canonique des élus est réservé au Saint-Synode et leur confirmation, sur la proposition du ministre des Cultes, au roi, qui donne ensuite, selon les coutumes du pays, l’investiture (art. 12). — La session du Saint-Synode s’ouvre par le message royal. Le ministre des Cultes peut participer aux travaux et jouit de voix consultative. On voit, d’après ces dispositions de la loi, combien l’Église orthodoxe est unie à l’État roumain, mais aussi combien elle dépend de lui.

La loi pour le régime général des cultes de 1928.

Elle tient compte des suggestions de la constitution. Elle se divise en trois parties. La première partie comprend des dispositions générales (art. 1-20) ; la deuxième, les rapports entre l’État et les cultes (art. 21-40) ; la troisième, les relations entre les cultes (art. 41-50). Les articles 51 à 59 contiennent quelques dispositions finales. Nous donnons ici les points les plus importants.

L’État garantit à tous les cultes sans distinction liberté et protection, pourvu que leur exercice ne contrevienne pas à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux lois d’organisation de l’État (art. 1). — L’entrave au libre exercice de quelque culte que ce soit relève du Code pénal. Les croyances religieuses ne peuvent empêcher personne d’obtenir ou d’exercer ses droits civils et politiques et ne peuvent libérer qui que ce soit des obligations imposées par les lois (art. 2 et 3). — Il est interdit de constituer des organisations politiques à base confessionnelle, comme aussi à un culte d’entretenir des relations de dépendance envers une autorité ou une organisation ecclésiastique étrangère. Exception est faite pour le culte catholique — le seul dans le pays qui ait une pareille dépendance — dont les relations avec l’État seront fixées par un accord spécial qui sera soumis à l’approbation des assemblées législatives (art. 6-9). — Les membres du clergé, des organes de direction et les fonctionnaires de toutes les catégories des cultes et de leurs institutions, doivent être citoyens roumains (art. 10). — Les organisations des cultes historiques, créées et représentées, en confor mité avec leurs systèmes d’organisation, et pourvues de statuts (communautés, paroisses, doyennés, monastères, chapitres, évêchés, archevêchés, métropoles, etc.) sont personnes juridiques (art. 11). — Les cultes gèrent leurs affaires intérieures, en conformité avec leur statut d’organisation approuvé dans les conditions de la présente loi. L’administration des patrimoines et de leurs fondations est entre les mains des organes compétents des cultes sous la surveillance des autorités ecclésiastiques supérieures. Les fondations sont administrées conformément aux actes de fondation ou aux dispositions testamentaires et ne peuvent être utilisées que dans les buts spéciaux qui leur ont été assignés. Les acquisitions par les cultes à titre gratuit de biens meubles et immeubles seront soumises aux dispositions des articles 811 et 817 du Code civil roumain (art. 12). — Les cultes peuvent créer et diriger des instituts spéciaux pour la préparation de leur clergé. Les programmes des études théologiques seront fixés par l’autorité ecclésiastique compétente et seront communiqués au ministère des Cultes. L’étude de l’histoire, de la langue et de la littérature roumaines, de la constitution du pays sont obligatoires dans ces instituts, suivant un programme fixé par l’autorité ecclésiastique compétente, en accord avec le ministère des Cultes et le ministère de l’Instruction publique, de telle sorte qu’elle ne gêne en rien la préparation théologique spéciale et qu’elle soit compatible avec le caractère religieux et moral de ces instituts. Les diplômes de préparation théologiques obtenus à l’étranger devront être homologués sur la base d’un examen spécial comprenant les matières d’histoire, de langue et littérature roumaines, de constitution du pays, obligatoires dans les instituts théologiques des cultes respectifs du pays. Les examens pour l’équivalence des diplômes étrangers se tiendront, aux premiers instituts théologiques des cultes respectifs, devant une commission aux travaux de laquelle assistera un représentant du ministère des Cultes (art. 15).

Les cultes ont le droit de donner l’instruction religieuse aux élèves de leur confession des écoles publiques et particulières. Pareillement, ils ont le droit de célébrer, à l’armée, dans les hôpitaux civils et militaires, orphelinats, écoles correctionnelles et pénitenciers, pour leurs fidèles, des services religieux de toute nature, dans l’observation des lois ou règlements en vigueur dans ces institutions (art. 16). — Tous les cultes sont obligés de célébrer des services religieux aux fêtes nationales et à celles de la famille régnante (art. 18). — Les églises (maisons de prière), cours, cimetières, biens sacrés, ne peuvent être poursuivis, ni séquestrés, sous quelque forme que ce soit (art. 19). — Les associations religieuses et leur fonctionnement sont sous le régime des lois concernant les associations en général et les réunions publiques. Les autorisations pour le fonctionnement des associations religieuses seront accordées par les autorités compétentes sur avis conforme du ministère des Cultes, auquel ces associations sont obligées d’envoyer ou de présenter tout acte et compte rendu de leur activité (art. 24). — L’État a sur tous les cultes le droit de surveillance et de contrôle ; ce droit sera exercé par le ministre des Cultes. Les autorités de tous les cultes sont obligées d’envoyer et de donner à ce ministère ou à ses délégués autorisés, tout document officiel et toute information qui leur seraient demandés (art. 25). — Les chefs des cultes (métropolites, évêques, etc.), élus ou nommés en conformité avec leurs statuts organiques, ne seront reconnus et introduits en fonction, qu’après avoir reçu l’approbation royale, qui leur sera donnée sur la recommandation du ministère des Cultes, et qu’après avoir prêté serment de fidélité au souverain et de soumission à la ((institution et aux lois du pays (art. 27). — Les ordres et les congrégations religieuses existant sur le territoire de l’État roumain avant la promulgation de cette loi conserveront leurs maisons actuelles, s’ils remplissent les conditions des lois en vigueur et si le supérieur (provincial) et les membres sont citoyens roumains et résident dans le pays. Les supérieurs (provinciaux) et les membres qui ne voudront pas ou ne pourront pas obtenir la nationalité roumaine ne pourront pas rester dans le pays comme membres de l’ordre ou de la congrégation respective. Le terme accordé pour remplir ces conditions sera fixé par le ministère des Cultes. Des maisons ou monastères nouveaux ne pourront être ouverts qu’avec l’autorisation du gouvernement. Des ordres et des congrégations nouvelles ne pourront s’installer dans le pays, que sur la base d’une loi (art. 36).

En ce qui concerne les relations entre les cultes, quiconque a atteint l’âge de 18 ans peut passer d’un culte à l’autre, en observant les formes établies parla loi. Les femmes mariées peuvent changer de religion, avant même d’avoir atteint l’âge de IX ans. Le passage d’un culte à l’autre se l’ait par un procès-verbal dressé par l’officier d’état-civil, en présence de deux témoins. Dans les huit jours, on enverra une copie de ce procès-verbal au prêtre à qui appartient le déclarant. Si, dans les trente jours, ce dernier ne revient pas sur sa déclaration, celle-ci est valable. Quiconque passe <’un culte à l’autre est obligé de supporter les charges matérielles vis-à-vis du culte abandonné, jusqu’à la fin de l’année en cours (art. 44l (i). — — Les enfants dont les parents sont de même religion, suivent la religion des parents. Si l’un des époux passe au culte de l’autre époux, les enfants de moins de 18 ans suivent la religion commune des parents. Si l’un des époux change de culte, les enfants du même sexe que lui, qui ont moins de 18 ans, sont inscrits au nouveau culte. Si les parents ne sont pas de même religion, le père a le droit de déterminer, pour chaque enfant, en particulier, à laquelle des deux religions il appartient. Ceci une fois pour toutes, à savoir, au moment de l’inscription de l’enfant sur les registres de l’état-civil Toute convention antérieure au mariage (reversale) par laquelle on aurait fixé la religion des enfants, sera nulle et non avenue (art. 47). — Les enfants illégitimes suivent la religion de la mère (art. 48).

Les dispositions de cette loi sont obligatoires, non seulement pour les cultes minoritaires (art.. r >l). mais aussi pour l’Église orthodoxe (art. 57).

Le concordai entre la Roumanie et le Saint-Siège.

C’est le premier qui ail été conclu, après la guerre mondiale, avec une nation schismatique. Avant la guerre on en mentionne trois : le concordat conclu entre le pape Pie IX et le tzar de Russie Nicolas I er, en 1847, le concordat monténégrin du 18 août 1881 ! et le concordat serbe de 1914, demeuré inappliqué à cause de la guerre.

L’idée d’un concordat roumain est assez ancienne. Au temps déjà où Ignace l’aoli élail évêque de Nicopolis. avec résidence à Bucarest (187(1-1885), [’Augsburger allgemeine Zeitung donnait quelques détails au sujet de pourparlers ouverts à Home, dans ce sens (voir Nersel Marianu, dans Pravoslavia românâ, p. 14).

Le gouvernement national de lassy. lonel lirai iunil-Také Ionesco, examina (lès I !)17 la question (le savoir s’il ne sérail pas bon que la Roumanie conclût un concordai avec le Saint-Siège, avant même d’avoir conquis son intégrité nationale. Dans ce but, I.-G. Duea, ancien ministre des Cultes et de l’Instruction publique, demanda au P. Jean Bâlan, en ce temps-là eurc roumain-uni de Bucarest, aujourd’hui évêque de Lugoj, de dresser un projet de concordat. Lorsque, vers la fin de 1918, Mgr Jules Hossu, évêque de Cluj-Gherla, membre de la délégation des quatre représentants de la Transylvanie, apporta à Bucarest l’acte d’union de cette province avec la mère patrie, il reçut du roi Ferdinand I er et des hommes d’État, lirai iano, Duea, etc., l’assurance que la Roumanie conclurait un concordat. De fait, en 1920, la Roumanie envoyait un ministre plénipotentiaire au Vatican, et le Saint-Père, la même année, créait la nonciature apostolique de Bucarest, dont le premier titulaire fut Mgr Francesco Marmaggi. Ses successeurs fureiil Mgr Angelo M. Dolci et Mgr Valerio Valeri, depuis novembre 1936, nonce apostolique à Paris. Le titulaire actuel (décembre 1036) est Mgr André Cassulo.

Les négociations furent longues, pénibles, pleines de péripéties. Commencées en 1920, elles se prolongèrent jusqu’à la fin de 1928. En mai 1929, le concordat était ratifié par les Chambres. Il entrait en vigueur le 7 juillet de la même année. Les discussions qui eurent lieu à ce sujet au Parlement fournirent aux hommes d’État roumains l’occasion de préciser en face de l’opposition faite par l’Église orthodoxe, les raisons de droit et aussi d’opportunité qui militaient en faveur d’un accord entre l’État roumain et le Saint-Siège. L’afflux soudain dans le royaume de nombreux catholiques, le loyalisme de ceux-ci à l’égard de la patrie roumaine, l’impossibilité de régler d’une manière unilatérale leur statut civil-ecclésiastique, tout concourait à rendre indispensable une entente avec Rome. Také Ionesco, l’un des fondateurs de la Petite Entente, disait à ce propos que le concordat était nécessaire non pas pour le Saint-Siège, mais pour l’État.

Nous donnons ci-dessous les principales dispositions de ce concordat : « La religion catholique apostolique romaine, de tout rite, sera pratiquée et exercée librement et publiquement dans tout le royaume de Roumanie (art. 1). — La communication directe des évoques, du Clergé et du peuple avec le Saint-Siège, et vice-versa, en matière spirituelle et en affaires ecclésiastiques, sera absolument libre (ail. I). — Ceux qui seront appelés à gouverner les diocèses, aussi bien cpie leurs coadjuteurs avec future succession, ainsi que le chef spirituel des Arméniens, devront être citoyens roumains, sauf les exceptions admises d’un commun accord par le Saint-Siège et le gouvernement royal. Le Saint-Siège, avant leur nomination, notifiera au gouvernement royal la personne à nommer pour constater, d’un commun accord, s’il n’y aurait pas contre elle des raisons d’ordre politique (art. 5). — Les Ordinaires auront pleine liberté dans l’exercice des fonctions ecclésiastiques et dans le gouvernement de leur propre diocèse. Ils pourront exercer tous les droits et prérogatives propres au ministère pastoral conformément à la discipline approuvée par l’Église catholique et seront libres de donner les instructions religieuses, morales et ecclésiastiques comme leur ministère sacré l’exige. Dans le cas où elles seraient d’un intérêt général et publiées par eux, elles seront ensuite portées également à la connaissance du ministère des Cultes. D’eux dépendront exclusivement les autres membres du clergé catholique dans tout ce qui concerne leur nomination et l’exercice du ministère sacré (art. 8). — — L’État reconnaît à l’Église catholique, représentée par ses Légitimes autorités hiérarchiques, la personnalité juridique, selon le droit commun du pays. En conséquence, les paroisses, archiprêtrés, monastères, chapitres, prévôtés, abbayes, évêchés, métropoles et autres organisations canoni quement et légalement constituées sont personnes juridiques et la pleine propriété de leurs biens, de quelque nature qu’ils soient, csi garantie par l’État, selon la constitution du royaume, à l’Église catholique, représentée par ses légitimes autorités hiérarchiques (art. 9). — Les Ordinaires seront libres d’ériger de nom elles paroisses, d’établir ou fonder des églises filiales ; cependant, s’ils demandent la contribution de l’État, ils devront procéder d’accord avec le gouvernement, lequel donnera son consentement s’il s’agit de quatre cents familles pour les villes et de deux cents familles pour les villages. Dans des cas spéciaux, le gouvernement pourra donner son consentement même pour un nombre inférieur de familles. La nomination des curés, qui devront être citoyens roumains et n’avoir pas subi de condamnation par sentence définitive, pour crimes contre la sécurité de l’État, est de la compétence exclusive de l’Ordinaire. Le consentement du gouvernement sera demandé au cas où il s’agirait de nommer curé un étranger, qui devra néanmoins acquérir, ultérieurement, la qualité de citoyen roumain (art. 12).

Un patrimoine sacré interdiocésain sera constitué en titres de rente roumaine qui appartiennent actuellement aux prébendes des évêques, chanoines, curés et séminaires théologiques. Ce patrimoine sacré sera administré par le conseil des évêques diocésains selon les statuts rédigés par eux-mêmes, et approuvés par le Saint-Siège et par le gouvernement. Il jouira de la personnalité juridique conformément au droit commun du pays (art. 13). — Les droits et les obligations de patronat de toute catégorie sont et restent abolis sans aucune indemnité (art. 15). — Les ordres et les congrégations religieuses ont la personnalité juridique, pourvu qu’ils remplissent les conditions établies par les lois en vigueur (art. 17). — L’Église catholique a le droit de créer et de maintenir à ses propres frais des écoles primaires et secondaires, qui seront sous la dépendance des Ordinaires respectifs et sous la surveillance et le contrôle du ministère de l’Instruction publique. L’Église catholique a le droit de donner l’instruction religieuse aux élèves catholiques, dans toutes les écoles publiques et particulières du royaume ; cette instruction religieuse leur sera donnée dans leur langue maternelle (art. 19-20).

Un accord spécial pour l’interprétation de l’article 9 du concordat est intervenu entre les deux parties contractantes le 30 mai 1930, en ce qui concerne le Status romano-catholicus Transilvaniensis. Ce Sialus était une institution sui generis dans laquelle les laïques (2/3) et le clergé (1/3), administraient les affaires scolaires et économiques de l’évêché catholique de rite latin de Transylvanie, aujourd’hui Alba-Julia. Né du patronat des notabilités laïques, à la fin du XVIIe siècle, pour la défense des droits de l’Église catholique que mettait alors en échec l’autorité calviniste, ce SUi/us prétendait être autonome et démocratique. Aussi des malentendus s’étaient-ils élevés au sujet de son but, et en particulier on se demandait s’il pouvait être personne juridique, dans le sens des canons 100 et 1520-1521 du Code canonique. Par l’accord précité, l’ancien Status a été supprimé, pour devenir le conseil du diocèse catholique de rite latin d’Alba-Julia. Sous sa nouvelle forme, il est conforme aux prescriptions des canons 1520 et 1521 du Code canonique, comme aussi à l’article 9 du concordat et comme tel reconnu par l’État. La gestion financière de ce conseil est sous la surveillance et le contrôle de l’archevêque catholique de rite latin de Bucarest.

Al. Lascarov-Moldovan et D. Sergiu Ionesco, Constitutziunea României din 1023… [La constitution de lu Roumanie de 1923, annulée par les débuts parlementaires et les jurisprudences, dans Biblioth. des lois usuelles annotées, t. Il], 1925 ; Gr. Racoviceanu, Constitutziunea Homàniei [La constitution de la Roumanie] (annotée), préface du professeur Paul Negulesco ; extrait des Pandcetes roumains, n. 1-5 et 6-7 de 1935, Bucarest, 1935, p. 17-18 ; Lege penlru reijimnl gênerai ai cultelor [Loi pour le régime général des cultes], dans le Moniteur officiel, n.’J du 22 avril 1928 ; n. 170 du 3 août 1929 ; n. 219 du 2 octobre 1929 ; tirage à part, éd. du ministère des Cultes, Bucarest, 1928, 20 p. ; en trad. franc., dans La documentation catholique, t. ii, Paris, 1929, col. 975 sq. ; Dr. Nicolas Brinzeu, Cultele in Ronidnia [Les cultes en Roumanie], Lugoj, 1925 ; Lege si sttdutul pentru organizarea Risericii ortodoxe romane [Loi et statut pour l’organisation de l’Église orthodoxe roumaine], dans le Moniteur officiel, Bucarest, n. 97 du C mai 1925 ; n. 96 du 3 mai 1929 ; n. 61 du 11 mars 1931 ; pareillement dans C. Ilamangiu, Codul gênerai al României [Le code général de Roumanie], nouvelles lois d’unification, t. xi-xii, 1922-1926, p. 196-525 ; Valère Moldovan, Le nouveau régime des cultes en Roumanie et les minorités confessionnelles, dans Revue de Transylvanie, 1934-1935, p. 287-299.

Concordat avec le Vatican, dans Acta apostolicee Sedis, 1929, p. 1 11-456 ; texte de l’accord, ibid., 1932, p. 209-218 ; anonyme, De concordato inter Sanctam Sedem et Romunium dans Apollinaris, Rome, 1930, p. 581-600 ; Marins Theodorian-Carada, Actziunea Sfdntului Scaun in Romdnia de ucum si de totdeauna [L’action du Suint-Siège en Roumanie de nos jours et jadis], Bucarest, 1936 ; Jean Georgesco, M ornente in muta Risericii imite in ultimii zeee uni [Quelques laits île la Dis de l Églisi unie, dans U~ dix jirnr.n ::années, 19 1 1-1928], Bucarest-Blaj, S. Unire, 1929 ; Amédéc Gianini, H concordato rwneno. Rome, P.Kio, dans Pubblicazioni dell’Instituto per l’Europa orientale, IVe sér., Leggi fondamentale trattati internazionali, XI ; le même, L’accordo per l’interpretuzione dell’art. il del concordato rumeno, Rome, 1932, ibid., XI bis, 21 p., in-8 » ; Basile (ioldis, Concordatul [Le concordat], Arad, 1927 ; Elemer de (’.varias, L’Église catholique en Transylvanie, conférence donnée a Paris à la Conférence Olivain, le 24 mai 190.7, avec une préface de Mgr Charles de Maylàth, Diciosànmaitin, 192(1 ; le même, Statusul catolîc ardelean si acordul de la Roma [Le statut catholique d’Ardéal et l’accord de Ruine], recoins de l’évêché catholique de rit latin d’Alba Julia contre la sentence N’r. 51/1932 du 1 juillet 1933 du tribunal de Cluj, ivte une introd. du Dr ! ( ailïs, ( lu j 1 ; Dr Lazare Jacob, Cultul catolic in România ; Concordatul eu Vaticanul [Le culte catholique en Roumanie ; I.e concordat unir l< Vatican], Oradéa, 1933 ;.1. Mateiu, Contributzii la istoria dreptului bisericesc [Contributions à l’histoire du droit canonique ], t. i, Bucarest, 1922 ; le même, Dreptul bisericesc de stal in România intregita [Le itroit ecclésiastique d’État dans la Roumanie reconstituée], Bucarest, 1926 ; le même. Valoarea concordatului incheiat eu Vaticanul [La valeur du concordai conclu avec le Vatican], Sibiu, 1929 ; le même, Politica bisericeasca a statului romdnesc [La politique ecclésiastique de l’État roumain], Sibiu, 1931 ; A. Ottaviani, Instituliones iuris publici ecclesiastici, t. ii, Jus publicum exlernum (Ecclesia et Status), editio altéra emendala el aucta, Vatican, 1936 ; A. Perugini, Conventio de interprelalione art. 9 concordait die lu maii 1027 inter Sunclam Sedem el Romaniæ regnum initi, dans Apollinaris, Rome, 1932, p. 143-457 ; le même. Concordata vigentia notis historicis et juridicis declarata. Moine, 19.il ; V. Pop, Acordul delà Roma [L’accord de Home], Cluj, 19 : ’, I. 159-163 p.

Les nombreux ouvrages ou brochures que M. O. Ghibu, professeur a l’université de Cluj, membre correspondant de l’Académie roumaine, a publiés contre le catholicisme, en général et contre le concordat et l’accord avec le Vatican en particulier, ne méritent pas de retenir l’attention, a cause de leur manque total d’objectivité.

III. Enseignement et éducation ecclésiastiques.

L’Église catholique accomplit, en Roumanie, une œuvre considérable d’enseignement et d’éducation, que nous allons essayer d’esquisser ici. Pour certaines institutions d’enseignement et d’éducation nous avons de précieuses monographies qui, pour d’autres, quelquefois les plus anciennes et les plus méritoires, font défaut. Dans de pareilles conditions, on comprendra l’insuffisance et le manque de justes proportions de notre esquisse.

Nous commençons par l’Église unie, qui, malgré le nombre plus réduit de ses institutions d’enseignement et d’éducation, a le plus grand nombre de fidèles el jouit d’une priorité accordée par la constitution du pays et le concordat.


I. L’ÉGLISE CATHOLIQUE DE RITE ROUMAIN.

L’archevêché d’Alba Julia et Fǎgǎras (avec résidence à Blaj).

Il a les plus anciennes institutions roumaines d’enseignement et d’éducation. Sans doute, les écoles de cet archevêché ne sont pas les premières connues en Roumanie, d’autres sont plus anciennes, mais il leur manque soit la continuité, soit le caractère roumain, tandis que les écoles de Blaj ont l’une et l’autre de ces qualités.

A peine de retour de son voyage à Vienne, le premier évêque roumain uni, Athanase Anghel (1697-1713) demande la création d’écoles roumaines latines, non seulement dans sa ville épiscopale, mais encore dans d’autres centres : Ha|eg, Fâgâras, etc. Pour Alba Julia en particulier, il demande qu’on lui cède, dans ce but, un immeuble qui est la propriété du fisc de Vienne. Les circonstances difficiles de son épiscopat — la révolte de François Rakoczi II contre les Habsbourg — ne permettent pas la réalisation de ce dessein, qui n’est pas réservée non plus à son successeur, le deuxième évêque roumain uni, Jean Giurgiu Pataki (1715-1727). Tout ce que cet évêque peut obtenir, c’est la reconnaissance du nouvel évêché uni de Fâgâras ; il dut, sur l’insistance des évêques de rite latin de cette ville, quitter Alba Julia à la suite de la bulle Balioni congruil de 1721.

Le troisième évêque, Jean-Innocent Micu-Klein (1728-1751) put enfin réaliser le désir de ses deux prédécesseurs. Sur les conseils de Pierre Dobra, directeur au ministère des Finances, cet évêque demanda en échange des domaines de Sàmbâta Fâgâras et Gherla-Somes, éloignés l’un de l’autre et difficiles à administrer, le domaine de Blaj, presque au centre de la Transylvanie, et plus convenable à d’autres points de vue. Il l’obtint, et y transporta sa résidence (1737). Désormais ce petit bourg devint le centre de la vie religieuse et culturelle, « la petite Rome » de la nation roumaine.

Dans le diplôme de fondation de l’empereur Charles VI (Vienne, 21 août 1738), les articles 3 et 4 prévoient que, des revenus de 6 000 florins de la ferme de Blaj, 3 000 seront consacrés à l’entretien de l’évêque, et le reste à l’entretien de onze moines basiliens, vingt élèves à Blaj et trois à Rome. Les moines devront donner aux élèves le bon exemple et l’enseignement. Ce domaine épiscopal de Blaj est le point de départ de tout ce qui se fera au point de vue scolaire et culturel. Mais, comme les revenus ne suffisent point à tous les besoins, le clergé diocésain, réuni en synode (20 janvier 1738) « promet, de sa pauvreté, 25 000 florins ». Grâce à cette somme ajoutée aux revenus de ses domaines, l’évêque Micu-Klein pose les fondements de l’imposante cité scolaire de Blaj. Ses successeurs tiennent compte de son plan. Il est le fondateur d’une ville et le créateur d’une nouvelle conscience roumaine.

Il est réservé au quatrième évêque uni, Pierre-Paul Aron (1752-1764) d’annoncer le 11 octobre 1754, à tous les fidèles « du pays de l’Ardéal et des parties y annexées que, conformément aux désirs chrétiens de l’autorité » — manifestés aussi dans la loi scolaire — il « ouvre le cycle des études, et pourvoit à l’entretien des ( ; lèves nécessiteux ». Hvêque, il se rappelle que le commencement de la sagesse, c’est la crainte de Dieu. Aussi il ordonne que l’on procède avec piété aux cérémonies religieuses, qui seront à la charge de l’ecclési arque, l’archimandrite Léon Moschonas, originaire de file de Naxos. Suit un programme d’enseignement, que l’on « devra lire, répéter, expliquer ». Les points en sont : 1. Les commandements de Dieu. 2. Les sacrements et les commandements de l’Église. 3. La foi et la vérité de l’Union à Rome. 4. L’étude des langues et des sciences.

On enseignera avec zèle ces matières, » sans attendre de récompense ». Cet évêque répond, en vérité « à l’attente de la nation, et aux besoins de l’Église », en ouvrant ces « fontaines de grâces ». Les évêques successeurs y travaillent aussi. Grégoire Maïor (1772-1782) crée « la fondation du pain » : Jean Bob (1784-1830) accepte un programme analytique plus développé ; Jean Lemeni (1833-1850) est le fondateur du cours de philosophie et du baccalauréat ; Alexandre Sterca Siulutiu (1850-1867) développe l’école normale ; Jean Vancea (1808-1892) érige les internats ; Victor Mihalyi (1893-1918) les défend contre les chicanes du gouvernement magyar ; Basile Suciu (1920-1935) est le plus grand constructeur des édifices scolaires.

L’enseignement des langues et des sciences est confié au hiéromoine Grégoire Maïor ; celui de la foi et de l’union, au hiéromoine Athanase Rednic ; Constantin Dimitrievici est nommé instituteur de l’école pour le peuple. Le hiéromoine Silvestre Caliani, « préfet », grand intendant des écoles ; le hiéromoine Géronte Cotorea, « préfet de la table » et de l’administration. Comme nous le voyons, ces écoles de Blaj ont dès le début tous les degrés et nuances : a) primaire (école pour le peuple) ; b) secondaire (enseignement des langues et des sciences) : c) supérieur (grand séminaire, académie théologique). Que ces « fontaines de grâces » aient été les bienvenues, nous en avons la preuve dans ! e grand nombre des élèves venus de toutes parts s’abreuver à leurs eaux. De soixante-quatorze la première année, il monte à plus de trois cents l’année suivante.

Blaj a la bonne fortune de voir, dès le début, à la tête de ses institutions scolaires des personnalités de premier rang. Le premier professeur, le hiéromoine Grégoire Maïor est une personnalité unique, inégalée encore chez les Roumains, pour le charme et la puissance de conviction. Par ses sermons, il convertit à l’union religieuse avec l’Église de Rom ; plus de 50 000 familles, à peu près 250 000 âmes ! Sa popularité est si grande, que, lors de son incarcération dans le monastère de Muncaciu, le peuple roumain de la Transylvanie lui consacre de mélancoliques chansons. Si ce professeur a une telle puissance de fascination sur les masses qu’il n’aborde que raremsnt, nous pouvons nous faire une idée de l’influence bienfaisante qu’il peut avoir sur les élèves qu’il nourrit chaque jour de son enseignement. D’autant qu’il est « bon père, doux envers tous, de bonne disposition, parlant volontiers à tous, sa porte ouverte à tous », comme, dira le moine-professeur Samuel Micu-Klein.

On ne peut non plus passer sous silence les autres professeurs de Blaj. L’évêque Aron sait, de fait, choisir ses hommes : Athanase Rednic. moine austère et humble, lui-même évêque plus tard, successeur d’Aron, qui est vraiment un professeur zélé. Il est fauteur de deux ouvrages : Contre les schismatiques et.Sur l’étal de l’Église des Roumains en Ardéal. Le préfet de la table, Géronte Cotorea, a les mêmes qualités. Nous lui devons plusieurs ouvrages : De la religion et des mœurs des Turcs ; Enseignement chrétien ou grand catéchisme ; Histoire du schisme, des grecs d’après Maimbourg ; La Pravila d’après l’ordre des lettres et l’alphabet ; Les petits articles en discussion [tous en roumain]. Comme le démontre le chanoine Augustin Bunea (Les évêques Aron et Novacovici, p 368-373), ces ouvrages ne sont pas de simples compilations, mais ils contiennent une foule de réflexions, d’observations et d’applications aux circonstances locales. Silvestre Caliani n’est, pas connu comme auteur, mais il est, lui aussi, une personnalité distinguée. Il est probable qu’il a sa part dans l’ouvrage La fleur de la vérité, connu des théologiens occidentaux par une édition latine. Flosculus veritatis, rééditée plus tard par le cardinal Pitra. Dans cet ouvrage, on discute les quatre points de divergence entre orthodoxes et catholiques, à l’aide de textes appropriés des livres rituels de l’Église orthodoxe.

A la suite de ceux-ci, il faut signaler le « triumvirat » de la renaissance culturelle roumaine : Samuel Micu-Klein, Georges Sincaï et Pierre Maïor.

1. Samuel Micu-Klein († 1806), après de brillantes études faites à Blaj et à Vienne, en 1772, est professeur de mathématiques et d’éthique à Blaj, enfin correcteur de l’imprimerie de l’université de Buda (Hongrie). Ses ouvrages, au nombre de plus de quarante, remplissent de nombreux volumes dont quelques-uns in-folio. Peu de Roumains ont développé une activité aussi féconde que ce véritable « bénédictin » de la jeune littérature roumaine. Ces ouvrages appartiennent à tous les domaines : théologie, philosophie, histoire et philologie. Nous ne ferons mémoire que des plus importants : Ouvrages de théologie philosophie : Dissertatio canonica de malrimonio juxla disciplinam grœcæ orienlalis Ecclesiæ, Vienne, 1781 : Dissertatio de jeiuniis græcæ orienlalis Ecclesiæ, Vienne, 1782 ; Théologie morale [en roumain], Blaj, 1796 ; Dissertatio de statu et polilia religiosorum et monachorum orienlalis Ecclesiæ [inédit] ; Sermons funèbres [en roumain], Blaj, 1784 : Pratique consistoriale [inédit] ; La Bible, ou la divine Écriture de l’ancienne et nouvelle Loi, Blaj, 1795 ; Acathiste ou livre de prières pour la dévotion de chaque chrétien, Sibiu, 1801 ; Les canons de tous les conciles reconnus dans l’Église d’Orient [inédit] ; Histoire de l’Église d’après Fleury [inédit] ; Histoire religieuse des Roumains de Transylvanie ; Histoire du concile de Florence ; Histoire de l’union entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident [inédit] ; De metropoli Transylvanica ; Logica, Buda : Melaphysica ; Le droit naturel ; Arithmelica. De tous ces ouvrages, celui Sur le mariage, publié en latin à Vienne, est souvent cité par les théologiens catholiques de partout.

Pour les Roumains la traduction de la Bible est de grande importance. Dans la préface, S. Micu-Klein fait mention non seulement de la Bible de Serban Vodâ Cantacuzino(1688), mais aussi de la traduction d’après la Vulgate restée en manuscrit, de l’évêque Aron. Mais, parce que plusieurs parties de cette traduction sont perdues, il se voit obligé de traduire en entier la sainte Écriture, d’après le texte grec des Septante. Cette traduction, approuvée par l’évêque J. Bob, contient aussi des prolégomènes sur les auteurs et les livres saints, ainsi que de courtes notes et observations. Il faut regretter que la traduction de S. Micu-Klein — pour l’Ancien Testament — ne soit pas faite d’après l’original hébreu, mais d’après un texte qui, malgré son prestige, n’est lui-même qu’une traduction. Elle n’en garde pas moins sa valeur, et reste encore aujouid’hui indispensable. Les éditions qui la suivent, celles de Saint-Pétersbourg, de Buzâu, etc., si elles ne sont pas des rééditions exactes, ne présentent du moins que des variantes peu importantes de la sienne.

La Théologie morale est elle aussi un ouvrage important. Elle fut en usage aux cours de théologie morale de Blaj — cours de deux ans seukment pour la préparation des prêtres des paroisses pauvres — jusqu’en 1850. L’auteur y recueille tout ce qu’il trouve de meilleur dans les Écritures, les conciles, les Pères et les écrits des maîtres approuvés par l’Église. Son ouvrage est dédié à Ignace Darabant, généreux Mécène, d’abord vicaire général sous trois évêques, grand prédicateur, puis évêque roumain uni d’Oradéa, fondateur du séminaire uni de cette ville, animateur du mouvement politique national connu dans l’histoire sous le nom de Suppl"X libellus Vallachorum. Cette dédicace et celle surtout qu’il fit au métropolite orthodoxe serbe de Karlovctz de l’un de ses ouvrages d’histoire ecclésiastique lui causèrent de grandes difficultés, qui le forcèrent même à quitter Blaj, pour s’établir à Buda. Le gouvernement de Transylvanie de Cluj (note 3640 du 30 mai 1796) demande à l’évêque Bob d’empêcher le moine et prêtre S. Micu-Klein de fréquenter dorénavant Sibiu, à cause des intrigues qu’il y trame et aussi parce qu’il convoite l’évêché orthodoxe de là-bas. L’évêque Bob qui n’a guère d’amitié pour aucun de ces savants ecclésiastiques, demande qu’il soit interné dans le couvent de Muncaciu. Le gouvernement trouva cette mesure trop dure et se contenta d’une surveillance plus étroite, à Blaj. S. Micu-Klein présenta son apologie, de laquelle nous ne retenons que ce qui suit : ce n’esi pas lui qui complote et ourdit les intrigues, mais un certain Démétrius Serkovits, ancien secrétaire de l’évêque serbe Gérasime Adamovits. C’est ce secrétaire qui s’acharne à haïr tout ce qui est roumain, à plus forte raison donc tous les unis. Il trouve mauvais le fait que le clergé orthodoxe roumain ait comme secrétaire un uni, surtout pour la correspondance avec le gouvernement dans la personne de Aron Buda’). C’est ce même Démétrius qui cherche à tyranniser Je clergé roumain orthodoxe. Et en vérité, après toutes les tristes épreuves endurées sous tant de chefs serbes, le clergé orthodoxe roumain semble plus incliné que jamais à conclure l’union religieuse avec l’Église de Rome.

L’alteslalum de Sibiu portant, à côté de celle du notaire Budaï, la signature du président Jean Popovich (22 avril 1798) remarque « la très faible poussée de cœur et le très faible souci pour le bien du peuple de ces évêques serbes devenus étrangers à sa cause ».

Par malheur, Bob ne possède point le zèle de son devancier Maïor et lorsque S. Micu-Klein signale à l’évêque cet état favorable d’esprit du clergé orthodoxe roumain, qui a déclaré préférer un Roumain, même uni, à un Serbe orthodoxe, on lui répond ejue, si les orthodoxes veulent l’union, ils n’ont qu’à traiter directement avec les catholiques du rite latin. De cette manière ils délivreront les unis de tout soupçon de coquetterie avec les schismatiques. (lllmus Pnvsul reposuit Lalinos magis debere solicitas esse hac de re, nam si nos cum disunilis agamus, apud Lalinos suspicionem incurrimus, quasi non essemus vere unili.)

S. Micu-Klein insiste pour que l’on fasse dans les régions méridionales de la Transylvanie une série de visites canoniques pareilles à celles ele Gr. Maïor dans le nord de cette province, lorsque plus ele 50 000 familles se sont converties à l’Église de Rome. Lui-même s’était tenu alors à côté do son noble patron Ignace Darabant, le partisan enflammé de la sainte union. En ce moment même il avait reçu l’invitation des Râsinàreni et des Sâlisteni — deux grandes paroisses orthodoxes proches ele Sibiu — à venir chez eux et à leur prêcher la parole ele vérité et de vie. Pour les catholiques hongrois du rite latin — et bien plus encore pour les calvinistes, les luthériens et les unit arien s — l’union religieuse de tous les Roumains sous la soumission du Saint-Siège de Rome ne pouvait être préconisée ; ils comprenaient bien quelle source d’intarissable énergie spirituelle cette union apporterait aux Roumains A cause de cela, ils préféraient les voir faibles et partagés entre eux, selon l’antique adage : Divide et impera.

S. Micu-Klein requiert quelqu’un d’entre les moines de Blaj pour l’accompagner dans cette entreprise apostolique (cum aliquo de noslro gremio). Mais au lieu de l’encourager, on le suspecte et on le menace. Il renonce alors à son idéal apostolique. Pour ce qui est de la défection à la foi catholique dont on l’accuse, il se justifie en alléguant une multitude de preuves et de témoignages puisés dans l’Église roumaine entière. Si vraiment il avait des penchants vers le schisme, comment l’évêque l’aurait-il admis pour célébrer la sainte liturgie et pour prêcher au peuple croyant ? Pour écarter dorénavant jusqu’au moindre soupçon de schisme, il demande l’autorisation d’embrasser à son âge — c’est déjà un vieillard — le rite latin. Sa requête ne lui est pas accordée, preuve que l’accusation était dénuée de fondement.

Nous rappelons tout ce conflit regrettable parce que, plus tard, il reparaîtra de nouveau, sous une autre forme, pendant le règne des métropolites Alex. Stcrca Sulutiu et Jean Vancea.

Vers cette époque, le moine Samuel Dragsin partit de la Strâmba Fizesuluî (du département de Somes) en pèlerinage ] our Jérusalem et s’arrêta chez les Roumains d’entre Vidin et Timoc (dans la Bulgarie d’aujourd’hui), où ces malheureux confrères vivaient exposés à un double danger : celui de perdre leur nationalité par la slavisation, et leur religion par le schisme. Il convertit à la sainte union plus de 15 000 âmes et demanda les secours de Bucarest, de Blaj, d’Oradéa et de Vienne, afin d’élever une église et une école à Vidin. Au début, il reçut quelques secours, principalement d’Oradéa, de l’évêque zélé Joseph Papp Szilagyi (Sfdâjanul). Mais bientôt après, il fut non seulement empêché dans son travail, mais encore révoqué. Le consulat autrichien à Vidin déclara nettement cpie, si les orthodoxes voulaient se faire catholiques, ils n’avaient qu’à embrasser le rite latin.

S. Micu-Klein est aussi l’auteur de travaux historiques. Rappelons : Brevis nolitia hisloriæ Valaclwrum ; Histoire des Roumains de la Dacie ou histoire des Roumains transylvains, vainques et moldaves, conjointement aux actions des princes [en roumain]. En dehors des actions des princes, il traite encore des principales institutions roumaines et consacre quelques développements au couvent de la Sainte-Trinité de Blaj « où les Roumains ont commencé à se pénétrer de la science et de la loi de Dieu », décrivant les progrès qu’ont apportés les écoles dans la connaissance du latin.

De ses travaux philologiques, nous citerons Elemenla linguie daco-roumanæ sive valachicæ, Vienne, 1780, et deux dictionnaires : l’un latin-roumainallemand, l’autre roumain-latin-hongrois-allemand. Spécialement important est le premier ouvrage, publié en collaboration avec son ami Georges Sincaï. C’est le premier livre où s’affirment les principes de la littérature roumaine.

2. Georges Sincaï († 1816) tient la seconde place dans le glorieux triumvirat de la renaissance roumaine. Après de solides études faites à Cluj, Târgul-Mures, Blaj et Rome, il suit, par ordre de l’empereur Joseph II, les cours de droit canonique et de pédagogie de Vienne (1779). On se défie, à Vienne, de la formation reçue dans la Ville éternelle. Il ne laisse pas de poursuivre ses recherches historiques commencées à Rome, avec les secours du cardinal Stefano Borgia. Entre 1782-179 1, il est directeur des écoles roumaines de Transylvanie. Durant douze ans il travaille avec succès pour la multiplication et la consolidation de ces écoles. Dans ce but, il compose et en partie imprime une quantité de livres didactiques : catéchismes, alphabets, abécédaires, grammaires, ouvrages d’arithmétique, d’histoire naturelle, etc. Il organise aussi les premières conférences pédagogiques avec des maîtres roumains. Cette œuvre considérable de réveil national est pourtant la cause principale de son éloignement des écoles et le commencement d’une longue série de persécutions.

Dans l’Orodias, son auto-biographie écrite en vers latins, il dit qu’il est accusé d’antigennanisme, A ce conflit d’ordre politique vient s’ajouter un autre d’ordre personne], avec l’évêque.1. Bob. qui n’est point l’ami des prêtres instruits. Son tempérament trop vif

entraîne Sincaï à certains actes inconsidérés. Il laisse échapper des paroles qui le découvrent imprudemment comme le chef d’une conjuration. Après la révolution paysanne sous la conduite de Horia, Closca et Crisan (1784) et en pleine Révolution française, de telles paroles et attitudes eurent les conséquences les plus graves. Le sous-préfet d’Aïud, Alex. Gyujto, l’invective et le frappe si cruellement qu’il lui brise la mâchoire. « Sale chien de Vainque et Hare, lui crie-t-il, est-ce que je n’ai pas frappé de plus grands chefs que toi. dès qu’ils m’ont offensé en quoi que ce soit ?… » Sincaï fut jeté en prison et y. resta plus de dix mois. Quand il sorlit de son cachot, cet aristocrate de Sinca Veche-Fâgâras, ce clerc, docteur en philosophie et en théologie, ce missionnaire apostolique, ancien directeur de plus de trois cents écoles roumaines de la grande principauté de Transylvanie, était devenu une ruine. Il ne lui reste plus dorénavant qu’à mendier. Pendant quelque temps il est précepteur des enfants du comte Vass de Czega en Sinea, ensuite aide-correcteur de son ami S. Micu-Klein à la typographie de l’université de Buda. Il erre après de Buda à Oradéa, d’Oradéa à Blaj. Sa situation empire par la publication de son étude Responsum ad crisim I.-C. Eder in supplicem libellum Valaclwrum, où il essaie de combattre les contre-vérités par lesquelles ce dernier auteur croit infirmer les justes requêtes des Roumains. Le fait encore qu’il compose et qu’il envoie par l’entremise d’un ambassadeur français un poème en l’honneur de l’empereur Napoléon I er, lors de son couronnement (1804), ne peut que produire une impression défavorable dans les cercles dirigeants de Buda et de Vienne. Vainement donc il sollicite la revision de son procès et son rétablissement dans ses anciens droits. Il reste proscrit. La tradition nous rapporte cependant que, partout où il va, il emporte avec lui son œuvre monumentale : La chronique des Roumains et d’autres nations, la complétant, la revisant, la perfectionnant continuellement. Quand, vers la fin de sa vie, il ose présenter à la censure de Transylvanie l’ouvrage en question, Joseph Martonfi, le chef de cette censure, évêque catholique de rite latin et de nationalité hongroise, trouve que cet ouvrage ne peut s’imprimer, étant sans valeur et dangereux pour l’État.

Les Roumains ne partagent pas cette opinion. Ils sont persuadés que Sincaï avec sa chronique est pour eux ce qu’est Muratori pour les Italiens, ce que sont les bénédictins pour les Français. Michel Kogàlniccanu, historien et homme politique important, l’un des fondateurs de la Roumanie moderne affirme que, tant que les Roumains n’auront pas imprimé cet ouvrage, ils ne peuvent posséder une histoire propre. Edgar Quinet place le chroniqueur roumain dans la lignée des créateurs de la grande école historique du xixe siècle. Son biographe et panégyriste de l’Académie roumaine, Alex. Papiu Ilarianu, l’appelle même le prophète et l’évangéliste de son peuple.

Malgré tous ces éloges et la bienveillance qui ne lui manquent pas, l’impression des chroniques de Sincaï se fit attendre assez longtemps. Elle s’est faite d’abord à Iassy, capitale de la Moldavie, aux frais du prince de ce pays, Grégoire Vodâ Ghica, en 1853 et sous les auspices d’un comité de cinq personnes, dont fit partie, à côté de Michel Kogâlniceanu, le professeur universitaire et surveillant de la presse, Auguste Treboniu Laurian, plus tard membre de l’Académie roumaine. La seconde édition parut à Bucarest en 1886 et s’augmenta des variantes du manuscrit de Cluj.

Œuvre d’érudition qui a conservé bien des documents aujourd’hui disparus, c’est encore un monument de jugement sain et de véritable discernement critique. En expliquant les enseignements si précieux mais si oubliés du passé, Sincaï trouve des accents d’une prophétique grandeur. Il devient ainsi le précurseur de l’idée d’union nationale, union qui se réalisa pour la première fois en 1859 et de nos jours après la Grande Guerre.

3. Pierre Maïor († 1821) est le dernier et le plus grand des trois hommes de la renaissance roumaine. Il fréquente à l’exception de celle de Cluj, les mêmes écoles que son aîné G. Sincaï, qui est en même temps son camarade de classe. Pendant quatre ans (17801784) il est professeur de logique, de métaphysique et de droit naturel aux écoles de Blas. Il y travaille avec tant de zèle, que bientôt ses disciples arrivent à être « la fleur des Roumains dans le clergé et dans le monde ». Mais l’atmosphère de Bla, au temps de l’évêque Jean Bob ne lui convient pas à lui non plus. Comme ses devanciers, S. Mien-Klein et G. Sincaï, comme son ami le poète Jean Budaï Deleanul, il quitte la ville de la résidence épiscopale pour s’établir d’abord dans la paroisse de Reghin-Mures ; ensuite pour travailler à la revision des livres religieux à l’imprimerie de l’université de Buda. Nous rappellerons seulement qu’en sa qualité d’archiprêtre à Giurgiu, il éteint par son affabilité et par sa sagesse, comme S. Mien-Klein, toute haine entre les orthodoxes et les unis, si bien que, de son temps, loin de se persécuter les uns les autres, ils vécurent entre eux comme des frères.

Son activité se répandit en directions diverses. Il écrivit d’abord des œuvres théologiques : Enseignements, ou sermons pour l’éducation des jeunes aux enterrements des morts prématurés [en roumain], Buda, 1809. L’auteur qui est bon psychologue se rend bien compte que l’ébranlement causé dans l’âme par des morts précoces peut servir au redressement moral. On trouve aussi dans ce livre des remarques très fines sur la nécessité de commencer de bonne heure l’éducation morale, sur les dangers que présentent les rencontres fréquentes et prolongées entre jeunes gens et jeunes filles, sur les pièges que l’amour tend si aisément à la jeunesse et ainsi de suite.

Dans le même ordre d’idées, il faut citer la traduction des Aventures de Télémaque, Buda, 1818, exécutée d’après une traduction italienne ; Sermons, ou méditations pour les dimanches et fêles de l’année, Buda, t. Modèle:Sont, 1810 ; t. n et Modèle:Sont, 1811 ; édition nouvelle en caractères latins à Clu, 1905, par le P. Élie Dâianu ; Sermons ou oraisons funèbres [tous en roumain], Buda, 1908, où l’auteur s’élève énergiquement contre les devins, les incantatrices et les sorcières, et où il soutient la cause des classes ouvrières, alléguant les paroles de la sainte Écriture : « Tout travailleur a droit à son salaire. Que les marchands s’enrichissent, mais non par la faim et le froid de l’ouvrier. »

Le théologien orthodoxe Constantin Erbiceanu estime beaucoup le Procanon de P. Maïor, ouvrage inachevé de 1783, où se remarque pourtant (p. x) l’influence joséphiste et gallicane que subit l’auteur, au temps où il suivait le cours de droit canonique, imposé par l’empereur Joseph II (1779-1780). Il traduisit en roumain, plutôt pour des raisons nationales que théologiques, tous les décrets de réforme que fit cet empereur. Si l’on tient compte de ces influences, on saisira mieux le contenu de cette œuvre. Sans doute elle s’élève contre l’infaillibilité personnelle du pape. Mais de cette affirmation on ne saurait tirer la conséquence des convictions anti-catholiques de l’auteur. Avant le concile du Vatican l’infaillibilité personnelle du pape pouvait encore se discuter. D’ailleurs l’ouvrage est inachevé et dès lors on ne saurait se faire une idée juste des vraies convictions de l’auteur, par ces fragments isolés. Ces convictions se reflètent avec plus de clarté dans les lettres qu’il a adressées à la Congrégation de la Propagande, ainsi que dans son testament. « De même que jusqu’ici, grâce au modeste talent qui m’a été donné, je l’ai fait de vive voix, ainsi dorénavant encore, avec l’aide de Dieu, par la plume, je ne me lasserai pas de prêcher toujours la foi catholique », écrit-il entre autres, de Reghin, à la dite Congrégation, le l’er décembre 1808, avant de s’établir à Buda. Pareillement dans son testament, il lègue au séminaire catholique de rite latin de Târgul Muresului, la somme de 3 700 florins pour l’éducation de la jeunesse roumaine, appartenant de préférence à la noblesse, soit grecque, soit romano-catholique. Tous ses autres legs sont faits pour des buts exclusivement catholiques. Ce sont de petits détails qui échappent à ceux qui, avec Papiu Ilarian, redisent sans cesse que ces trois grands fondateurs de l’école transylvaine ne chantent que la vieille Rome, celle des empereurs, et qu’ils se détournent entièrement de la nouvelle Rome des papes. La vérité c’est plutôt que la Rome des papes leur a fourni l’occasion de connaître la Rome impériale, et c’est toujours la foi catholique qui réveille en leur âme la conscience nationale et latino-romaine. M. G. Obedenariu le dit fort bien dans une lettre adressée au P. Nilles, S. J. ; c’est aux unis que les Roumains doivent leurs premiers livres de culture européenne, occidentale et latine. Sincaï et Maïor leur ont ouvert les yeux à tous. S’ils étaient restés tranquillement dans leurs villages, ainsi que l’ont fait les prêtres orthodoxes, ils n’eussent appris qu’à sonner les cloches et à chanter les litanies, comme ceux-ci. C’est bien Rome qui les a élevés et réveillés. « Si les unis ne nous avaient pas ouvert les yeux, pour pouvoir contempler la civilisation latine, nous serions aujourd’hui peut-être avaks par les Russes. Kiev, c’est l’antipode de Rome… »

L’histoire de l’Église [en roumain]. Buda, 1820, de P. Maïor, bien que trop rapidement écrite, ne laisse pas d’être une œuvre de valeur. Elle a conservé une quantité de documents écrits et de renseignements oraux, aujourd’hui disparus. Mais cet ouvrage reste encore inachevé, à cause du conflit avec l’évêque Bob, qui intervent pour faire confisquer l’édition entière. De la partie demeurée inédite, T. Cipariu a publié quelques fragments dans Actes et fragments. La première partie contient l’histoire de la piété ou de la foi chrétienne chez les Roumains ; la deuxième partie traite de la hiérarchie. S’élevant contre Joh. Christian Engel (Geschichle der Moldau und der Wallachei, Halle, 1809) et contre F.-J. Sulzer (Gesch. des transalpinischen Daciens), il allègue des preuves tirées de la philologie, pour l’ancienneté du christianisme roumain et son origine romaine.

Ses ouvrages philologiques sont : Orlhojraphia romana sive salino-valachica una cum clavi, le Dialogue sur le commencement de la langue roumaine, Buda, 1819, et le Dictionnaire roumain-latin-hongrois-allemand, Buda, 1825. A la différence de ses devanciers (Mien-Klein et Sincaï), P. Maïor est persuadé — et c’est là son grand apport scientifique, surprenant pour l’époque — que la langue roumaine tire son origine de la langue latine populaire, non de la langue classique. L’histoire de l’origine et de la formation des premiers Roumains en Dacie [en roumain], Buda, 1812 ; 2e éd., 1834 ; 3e éd., 1883, est, au point de vue national, la plus importante de ses œuvres. Elle se lit partout avec profit. C’est dans celle-ci qu’apprit le roumain le grand seigneur moldave Constantin Negruzzi, le créateur de la prose littéraire roumaine, qui avant de l’avoir lue ne savait que le grec et le français. Afin que les Roumains sortis de l’école hongroise (vers 1831) pussent la lire eux aussi, on la traduisit en hongrois. « Cette jeunesse la lit et l’écoute comme un « oracle », relatent les contemporains, elle ravive son enthousiasme patriotique et sa flamme de combattre pour leur cause. »

Par les efforts de cette triade de professeurs écrivains, auxquels s’en sont ajoutés d’autres par la suite, les Roumains — comme l’a dit de nos jours O. Densusianu — sont arrivés à comprendre leur réalité nationale ; à affirmer leur existence ethnique avec fierté, à se pénétrer de cette conviction commune à tout peuple qui demande sa place dans l’histoire de la civilisation. Et c’est par ces fouilles dans le passé de l’histoire — parfois conduites avec une moindre habileté scientifique, mais animées toujours de ces sentiments qui conquièrent les âmes — que les triumvirs de la Transylvanie ont préparé au peuple roumain l’avenir qui lui est dû. Aussi, c’est à juste titre que l’historien anglais R.-W. Seton Watson appelle ceux-ci les pères spirituels de la Roumanie réunie d’aujourd’hui.

4. En dehors de ces hautes personnalités, les écoles de Blaj peuvent s’enorgueillir encore de toute une lignée de professeurs glorieux, dans les annales de la civilisation roumaine. Nous citons entre bien d’autres, Basile Neagoe de Brosteni (Tàrnava-Mica). Aveugle à l’âge de deux ans, mais doué d’une mémoire merveilleuse, il sait par cœur le Nouveau Testament, une bonne partie de l’Ancien, le bréviaire, les litanies, etc., il fait des sermons qui émerveillent le monde. S. Micu-Klein le compare au célèbre écrivain chrétien Didyme. Basile Filipan, professeur et chanoine à Blaj, est regardé par ses contemporains, étrangers et Roumains, comme le meilleur latiniste de l’Ardéal. Joseph Pop, dont les connaissances variées sont admirées par l’écrivain français A. de Gcrando, dans son ouvrage La Transylvanie et ses habitants en 1839, lorsqu’il visite la ville de Blaj ; Siméon Barnut^iu, excellent orateur, qui le premier, introduit la langue roumaine dans ces écoles ; Georges Barit^iu, le londateur de la presse périodique roumaine de Transylvanie ; le chanoine Al. V. Grama ; Jean Micu Moldovanu, historien habile ; Augustin Bunea, historien et orateur ecclésiastique, Jacques Muresianu, compositeur ; Emile Viciu, pédagogue ; Jean Ratiu, historien littéraire et culturel ; Alexandre (Jura, prosateur, et bien d’autres encore qui mériteraient de retenir l’attention. Mais l’espace nous manque, et afin de donner une idée aussi précise que possible sur le Blaj plus rapproché de nous, nous nous arrêterons seulement à l’une des personnalités qui le caractérisent le mieux : Timolhée Cipariu († 1887).

Celui-ci achève ses études à Blaj, où il demeure presque sans interruption. A peine a-t-il fini les cours de l’académie théologique de cette localité, en ce temps-là un village comptant à peine 2 000 habitants, qu’en 1825-1826 on le retrouve professeur au lycée et plus tard, au cours académique de philosophie et de théologie. De 1854 à 1 ! S7.">, il est directeur de lycée. Il crée et conduit quatre périodiques. Le Maître du peuple, l’Organe de la lumière, devenu ensuite YOrgane national (1847-1898) et Les archives de la philologie de l’histoire (1807-1872) [tous en roumain ]. Il est l’un des secrétaires généraux de l’assemblée nationale qui a lieu sur le champ de la liberté de Blaj (3-15 mai 1818), rédacteur du nouveau programme politique, délégué en compagnie de vingt-neuf membres pour présenter à l’empereur de Vienne les décisions de l’assemblée ; rapporteur de la loi pour les droits égaux des Roumains vis-à-vis des autres peuples de Transylvanie au parlement des provinces de Sibiu, 1863-1864, président de l’Association transylvaine pour la littérature et la culture du peuple roumain ; membre de la Deutsch-Morgent ûndische Gesellscha/l, comptant des relations scientifiques, non seulement avec les orientalistes allemands, mais encore avec ceux de l’Orient ci des pays Scandinaves. A Blaj, il reçoit les visiles aussi bien des Roumains que des personnalités étrangères de Lout premier ordre, tel le célèbre historien allemand Théodore Mommsen ou l’ethnographe Rudolf Bergner.

Comme professeur surtout et comme directeur, il exerce sur les élèves une influence profonde. A cet égard, il surpasse même les grands triumvirs. Et l’on peut parler à juste titre d’une « école ciparienne » chez les Roumains, pendant la seconde moitié du siècle dernier. A côté de l’histoire et de la philologie, il cultive les questions religieuses et se fait l’ardent champion de l’idée nationale dans sa patrie si durement opprimée par les Hongrois et l’infatigable propagateur de la langue roumaine.

Ses professions de foi soulèvent les critiques acharnées de K. [Krevary Lâzlô], historien hongrois de Cluj. Mais Cipariu ne le ménage pas en ses réponses :

« Je suis fier d’appartenir à la même confession que

tout ce qui est latin et que la plus grande partie des peuples civilisés », déclare-t-il à l’inauguration de l’Association roumaine de Transylvanie, Blaj, 1862, p. 31. Une autre fois, en refaisant les Éléments de philosophie, après W.-T. Krug, Blaj, 2 vol., 1861 et 1863, il n’oublie pas de faire remarquer au lecteur roumain, qu’il ne faut pas accepter tout ce que l’auteur allemand affirme en faveur du protestantisme.

Les ouvrages théologiques de Cipariu sont : La science de la sainte Écriture, Blaj, 1854, introduction à l’étude biblique ; Actes et fragments latins-roumains à l’usage de l’histoire de l’Église roumaine unie, Blaj. 1855 ; Histoire sainte ou bibligue, Blaj, 1859 ; Les débuts de l’évangclisalion chez les Roumains, Blaj, 1866 [tous en roumain], contribution historique particulièrement précieuse.

La Roumanie le considère surtout comme « le père de la philologie ». Par ses œuvres : Éléments de la langue roumaine d’après les dialectes et monuments anciens, Blaj, 1884 ; Chrestomathie ou analecla littéraires tirés des livres roumains anciens et nouveaux, Blaj, 1858 ; Principes de langue et d’écriture. Blaj, 1866, où il crée pour les Roumains une science nouvelle, l’histoire de la langue. Son domaine s’étend encore sur la phonétique, la morphologie et la syntaxe roumaines, dans ses deux volumes de Grammaire roumaine, Bucarest et Blaj, 1869-1877 [tous en roumain].

Propagateur actif de l’enseignement roumain, combattant courageux pour les droits politiques de son peuple, philologue très au fait des langues et littératures classiques (latine et grecque) et orientales (hébraïque, syriaque et arabe), explorateur habile des secrets anciens de la langue, prêtre convaincu de sa religion catholique, T. Cipariu, nous le redisons avec Al. I. Odobesco, « mérite louanges et admiration ; il s’élève comme une figure sympathique et originale, énergique et noble, parmi les hommes les plus considérables de la Roumanie ».

Mais ce ne sont pas les professeurs, si nombreux et si distingués soient-ils, qui constituent la vraie valeur des institutions scolaires, ce sont les élèves. Dj ce point de vue, ni quantitativement ni qualitativement, il n’existe d’institution scolaire roumaine qui puisse se comparer à celle de Blaj.

Quantitativement, il est sorti de ces écoles plus de 80 000 Roumains. Parlant à la séance du Sénat roumain, le 12 mars 1923, lors de la discussion de l’article 22 de la constitution, le métropolite Basile Suciu fournit quelques données statistiques fort précieuses sur ces écoles. Voici les plus importantes. Jusqu’en 1920, le nombre des élèves sortis de ces écoles surpasse 70 000. De l’école primaire appelée jadis l’école de commune, où se recrutaient aussi les instituteurs du temps passé, jusqu’à la reconstitution de la Roumanie, il est sorti 20 771 élèves. L’école normale créée dans sa forme actuelle en 1865 a donné 6 857 élèves ; l’école supérieure de filles créée en 1861, 9 170 élèves ; le lycée de garçons a été fréquenté par 45 4C2 élèves. L’académie théologique depuis 1807 jusqu’à 1936 en a donné 2 603. (Les registres antérieurs manquent.) En outre, fonctionne avec intermittence un cours de théologie morale au début de deux, ensuite de trois ans, pour la préparation des prêtres destinés aux paroisses pauvres qu’il est difficile de pourvoir de prêtres ayant fait des études académiques.

Depuis la réunion de la Roumanie, le nombre des élèves de Blaj s’est considérablement accru. Par les soins du métropolite B. Suciu, le lycée de garçons a doublé toutes ses classes ; l’école civile et supérieure est devenue lycée de filles à huit classes secondaires ; on a créé ensuite une école ménagère à quatre classes. Pour les filles, il y a encore une école commerciale supérieure et une école normale. Toutes ces écoles sont abritées à l’institut de la Reconnaissance, dirigé par la congrégation de la Sainte-Yierge-Marie des sœurs de Blaj. Pour les garçons, outre l’école commerciale supérieure, qui de 1930 à 1937 eut 594 élèves, on a créé une école Saint— Joseph d’arts et métiers. Le nombre annuel des élèves de toutes ces écoles est d’environ deux mille.

Cette affluence aux écoles de Blaj s’explique tant par la valeur de l’enseignement que par les facilités d’ordre matériel dont bénéficient nombre d’élèves. L’enseignement en ces écoles, de la fondation (1754) à 1859, était complètement gratuit, les professeurs du début étant des religieux qui n’avaient pas besoin d’appointements. Les édifices scolaires étaient entretenus par les évêques. De 1854 à 1889, on payait une taxe de quatre couronnes d’or par an. Mais bien des élèves étaient non seulement dispensés de paiement, mais encore assistés. L’évêque Aron et ses continuateurs sur le siège métropolitain étaient non seulement de nom, mais aussi de fait, « les pères des pauvres ». Ainsi s’expliquent les milliers et les milliers d’élèves de Blaj. L’évêque Grégoire Maïor avait réglé les

« fonds de pain », en 1773, de telle manière que, chaque

année, en pussent bénéficier 200 élèves roumains sans différence de confession religieuse. A la suite de ce règlement, tous les cinq jours les élèves reçoivent chacun un pain de 3 k. 600 appelé Izipûu. De 1867 à 1921, deux cent cinquante élèves bénéficièrent même de ce pain. Ce fut un grand bienfait pendant la guerre mondiale (1914-1919), lors des contingentements prescrits par les autorités. En 1921, à l’occasion de la réforme agraire, ce bénéfice fut aboli par expropriation mais ce ne fut que temporairement. Le 14 février 1928, par la bienveillance du ministre de l’Agriculture, Georges Cipâianu, lui-même élève du lycée de Blaj et bénéficiaire jadis des fonds de pain, la fondation fut rétablie en des cadres plus modestes, il est vrai, pour soixante élèves du lycée et vingt de l’école normale.

De plus grande signification que la quantité, sont la qualité et l’esprit que, de ces institutions, retirent les élèves. De Blaj sont sortis nombre de pionniers de la culture roumaine. Il serait trop long d’entrer dans les détails ; ce serait faire une bonne partie de l’histoire de toute la civilisation roumaine. Nous rappelons seulement que de Blaj sont venus à Oradéa les grands évêques fondateurs d’établissements : Moïse Dragos, fondateur de l’école normale ; Ignace Darabant, fondateur du séminaire diocésain, et Samuel Vulcanu, fondateur du lycée de garçons de Beius. C’est de Blaj que Georges Asaki, directeur de l’enseignement de Moldavie appela les professeurs : Basile Fabian-Bob, Jean Costea, Joseph Manfi, et le Dr Basile Pop pour la réorganisation du séminaire de Socola et tout l’enseignement de cette province. Élèves de Blaj sont les professeurs de Iassy : Siméon Bârnutiu ; Al. Papiu Ilarianu, Jean Paul, etc. De Blaj, Aron Pummul va à Cernâut, i [Czernovitz] en Bukovine. La célébrité de cette cité sco laire attire pour un instant Michel Eminesco, le grand poète roumain. Entre les élèves de Blaj se distinguent encore à Bucarest et en d’autres parties du pays Aron Florian, le fondateur du premier quotidien roumain ; Jean Maioresco, apôtre de l’idée nationale dans trois provinces roumaines ; son fils, Titus Maioresco, important critique littéraire et homme politique ; JeanBianu, professeur universitaire, bibliothécaire, puis président de l’Académie roumaine ; Denys P. Martian, fondateur et directeur de la première publication statistique roumaine ; Georges Secaseanu, président d’une société

« d’Iridente » roumaine qui, depuis 1885, veut libérer

tous les Roumains ; la dynastie des journalistes : André. Jacques et Aurèle Murescanu, collaborateurs, puis propriétaires-directeurs de la Gazelle de Transylvanie à Brasov, qui paraît depuis cent ans. La lointaine Istrie acquiert de Blaj, pour ses villages istro-roumains aux pieds du Monte-Maggiore, le premier auteur roumain en dialecte régional, André Glavina. Les élèves de Blaj arrivent comme prêtres missionnaires jusqu’au delà de l’Océan, en Amérique. C’est doncen toute vérité que Blaj est appelé « cité d’écoles »,

« Bethléem », « Jérusalem », « Oxford », « petite Rome » 

des Roumains, « Source de l’eau vive », etc. Et ces surnoms ne lui sont pas donnés par des hommes inconnus, dénués de valeur, mais par des ministres, des académiciens, des journalistes de premier ordre.

Mais celui qui a le plus fidèlement exprimé les sentiments de reconnaissance du peuple roumain pour l’ecuvre historique de Blaj, c’est S. M. le roi Carol IL Comme délégué du roi Ferdinand I er, il assista à la consécration du premier métropolite uni de la grande Roumanie, dans la cathédrale de Blaj, le 1 er janvier 1920 : « Je suis très heureux d’avoir eu l’occasion d’assister à cette imposante solennité, dit-il. Je ne puis venir en cette ville sans être profondément ému. Au nom de Sa Majesté le Roi, je vous salue aujourd’hui dans la citadelle de la culture roumaine d’au-delà des Carpathes. vous, le premier métropolite uni de la Roumanie, à jamais réunie. Le Tout-Puissant a donné à votre Excellence d’incorporer le rêve des ancêtres. Dans la personne du métropolite d’aujourd’hui, la Roumanie salue avec vénération ses prédécesseurs et ceux qui ont combattu et se sont sacrifiés pour la nation. Vous recevez un beau et glorieux héritage. Vous recevez avec le siège métropolitain, l’héritage de la source la plus abondante de la culture roumaine. »

L’évêché roumain uni d’Oradéa.

Il possède, lui aussi, ses institutions d’enseignement et d’éducation. Celles-ci sont plus récentes, mais elles ont aussi leurs mérites indiscutables, et d’autant plus qu’elles fonctionnent en des conditions moins favorables.

Cet évêché a quatre établissements importants pour l’enseignement et l’éducation : deux au centre, à Oradéa ; deux à Beiuç.

1. L’école normale roumaine d’Oradéa.

Elle est l’un des plus anciens établissements. A la Pentecôte 1934, elle fêtait son jubilé de 150 années. Elle a toutefois des racines plus anciennes. Le premier qui s’occupa de la création d’une école primaire, au début, pour les Roumains unis de Crishana, fut l’archidiacre catholique de rite latin, Paul Laszlo, charRé de l’organisation de ces Roumains, trente-deux ans après la victoire remportée sur les Turcs à Oradéa. Mais l’école prévue dans ce mémoire du 13 février 1724 ne se réalisa qu’en 1733, lorsque le comte Paul Forgach, archidiacre lui aussi, fit don en ce but de sa ferme et de sa maison paternelle.

Au temps de Mélèce Covaci (1748-1775) vicaireévêque du rite roumain uni, cette école primaire d’Oradéa devint le modèle pour d’autres écoles primaires de la région : Vadul Crisului, Beius, Beliu, etc. Le curé de Haïeu-Bihor en était le directeur. Trois ans plus tard (1779) on organisa dans cette école un cours pour familiariser tous les instituteurs roumains, sans différence de confession religieuse, avec la méthode du pédagogue autrichien Sagan.

Le premier évêque titulaire de l’évêché d’Oradéa, fondé en 1777, Moïse Dragos (1777-1787), répara le vieil édifice scolaire ruiné. De nos jours, Mgr Valère Trajan Frentiu a inauguré les constructions nouvelles, véritable ornement de sa ville épiscopale. L’inauguration du nouvel édifice s’est faitee : i très grande pompe à la Pentecôte 1934, en présence des ministres, le Dr Constantin Angelesco, Alex. I. Lapedatu, Iulius Valaori et des représentants de toutes les autorités civiles et militaires de la ville. Cel événement important, fut relevé non seulement par la presse roumaine, mais aussi par celle de l’étranger : YOssrriHitore rnmano, 18-19 juin 1934 ; Y Illustrazione Valicana, l or -15 septembre 1934 ; la Croix, etc.

a) Systèmes pédagogiques. — Ce qui est intéressant à suivre dans le développement de cette école, c’est la variété de systèmes pédagogiques essayés d’après les époques, les courants et les personnalités. Nous avons rappelé le cours Sagan, organisé dans les vacances île la Pentecôte 1779, malgré l’évêque serbe d’Arad, Pacôme Knezevich, qui protesta contre cette mesure (cf. N. Fini, Données et documents pour servir à l’histoire des écoles roumaines de Bihor, p. 40), nouvelle preuve de la triste vérité constatée par Démétrius Tzikindeal, dans une lettre adressée à Samuel Vulcan : « Les Serbes ne veulent pas que les Roumains s’éclairent. » Depuis sa fondation (1733-1734) jusqu’en 1780, se succèdent à la tête de cette école, plusieurs directeurs, tels que : Gergelyfi, Silvasi, Paul Bercghi et Jean Ciontos. Entre 1780 et 1790, Siméon Maghiar prend cette place. C’est un pédagogue cultivé, connaissant les langues française, allemande, grecque, latine, serbe, hongroise et roumaine. Ayant grand besoin de livres scolaires roumains, l’inspecteur royal Charles Luby le pria de traduire en roumain plusieurs manuels, en lui proposant une rémunération d’argent pour ses travaux et dépenses ; il la refusa. Ses services sont d’autant plus précieux, qu’il les apportait en un temps où le gouvernement tenait à dessein les Roumains dans les ténèbres de l’ignorance, sous prétexte que leur langue ne se prêtait pas aux enseignements plus élevés. Entre les années 1780 et 1785, S. Maghiar compose neuf livres didactiques.

Une autre personnalité qui présida longtemps aux destinées de cette école ce fut Jean Corneli († 1848), ami, collaborateur et protecteur des grands triumvirs : S. Micu-Klein, G. Sincaï et P. Maïor. Il avait fait ses études à Vienne, Agria, Lemberg (Lwow), se familiarisant avec les langues latine, grecque, allemande, hongroise, française et roumaine. Pour un temps, il fut aumônier militaire de la garnison d’Oradéa, puis curé de Ghida-Bihor. Malgré les insistances de ses paroissiens, l’évêque Ignace Darabant (1788-1805) le recommanda aux autorités scolaires et en mai 1792, le gouvernement le nomma inspecteur des écoles nationales et directeur de l’école normale. A partir de cette date jusqu’en 1848, il travaillera sans cesse pour la culture roumaine et chrétienne dans ces contrées. II apporte un soin tout particulier à la construction des écoles. Il sait ce que signifie une construction convenable, non seulement pour le progrès culturel de la jeunesse, mais du peuple entier. Il sacrifie beaucoup aussi de ses modestes moyens matériels.

Toutefois, en 1800. il est remplacé par Jean Molnar, professeur à Carei-Sfilaj. Son ami G. Sincaï l’avait prévenu deux ans auparavant. Le conseiller du gouvernement de Buda, Pelô. avait dit en effet, dès 180 1, à Sincaï et à Tarkovits que J. Corneli perdrait son poste de directeur de l’école roumaine parce qu’il était prêtre.

Sincaï comprit tout de suite la pointe anticléricale de la mesure du gouvernement austro-hongrois. Ce gouvernement n’a pas besoin de prêtres dans l’enseignement, il préfère des laïcs qui n’accordent aux évêques que des égards extérieurs et ne sont soumis qu’au directeur royal des écoles. Après J. Molnar sont directeurs de l’école, Michel Benes (1808-1814) et Nicolas Borbola (1814-1816). En 1817, J. Corneli est enfin réintégré.

Dès 1806, il avait été prié de faire au gouvernement de Buda des propositions relatives à l’écriture de la langue roumaine, et sa requête fut présentée par le vicaire préposé G. Fârcas. Après avoir affirmé l’identité d’origine, de langue, de nationalité et d’aspirations du peuple roumain entier de la Tissa jusqu’au Dniester et à la Crimée, J. Corneli plaidait non seulement pour la réduction des lettres slaves de 45 à 34. mais aussi pour leur remplacement systématique par les lettres latines. Il proposait pour l’organisation de l’enseignement primaire une compréhension fraternelle entre les représentants des deux Églises roumaines. II prévoyait dans le programme de cet enseignement l’histoire de la nation daco-roumaine, afin que la jeunesse pût en tirer des exemples dans les luttes de la vie.

En dehors de ces ouvrages officiels, J. Corneli, a écrit encore deux volumes de recueils de sentences et de morceaux littéraires, demeurés manuscrits, et conservés à la bibliothèque épiscopale roumaine unie d’Oradéa (n. 119 et 120) : Congestarume variis auetoribus de variis maleriis scribenlibus phrasium pars i a ; et… pars II*. Il s’agit d’extraits des principaux classiques latins, destinés à fournir des modèles de style. Il s’y trouve encore une ode latine, à la mémoire de Paul-Pierre Aron, le fondateur des écoles de Blaj, par Joseph Pop de Daïa. Il y a aussi des vers latins d’occasion sur Marie-Thérèse, Joseph II, Frédéric II ; une pièce latine à l’adresse du prince roumain Nicolas-Alexandre Maurocordatus et, chose rare à l’époque, quelques citations d’auteurs français. Après tant de mérites, l’évêque Basile Erdelyi-Ardeleanu obtint du pape la croix pastorale d’or, pour le prévôt J. Corneli, croix que portent tous ses successeurs dans cette dignité. Après la guerre civile de 1848-1849, c’est l’époque de l’absolutisme autrichien. Elle amène l’égal asservissement de tous les citoyens et pourtant, en comparaison de l’envahissement hongrois précédent, elle représente un adoucissement. Le régime autrichien se rend mieux compte de la signification de l’instruction pour les peuples et préconise une préparation aussi solide que possible des futurs instituteurs. L’enseignement normal est séparé du primaire. Nul ne peut être instituteur, s’il n’a fait pendant deux années des études systématiques de pédagogie à une école normale. A la place de la langue hongroise, on introduit l’allemand. En ce temps de liberté nationale relative, le savant chanoine d’Oradéa, Joseph Papp Szilâgyi (Pop Sâlâjeanul) est nommé inspecteur scolaire ; il est l’auteur d’un célèbre traité de droit canonique, Enchiridion juris Ecclesiæ orientalis catholicu, Oradéa, 1862 ; 2° éd., 1880. Par l’intermédiaire de l’évêque B. Erdelyi-Ardeleanu. le nouvel inspecteur présente un projet pour la réorganisation de renseignement épiscopal. A côté de l’école normale, fonctionnera une école d’application, où les normaliens devront s’exercer à faire des leçons. Pour se bien péni trer des chants et des rites ecclésiastiques, les normaliens, en dehors des deux heures de cours théoriques dans ce but, feront des exercices aux vêpres du jour cpii précède les dimanches et les fêtes de l’année. En dehors d’une quantité de mesures d’ordre administratif et économique (édifices scolaires, leur entretien, appoint cineut des instituteurs et chantres de paroisse-., terres de culture, etc.), le projet donne, comme de Juste,

un programme détaillé applicable aux trois catégories d’élèves : commençants, moyens et grands. Il prévoit encore l’institution d’un conseil scolaire composé d’hommes compétents, et de professeurs ayant fait des études spéciales.

b) Personnalités sorties de cette école. — Parmi les personnalités de l’enseignement sorties de cette école, nous rappellerons : Jean Vancea, né à Vasad-Bihor, d’abord prêtre à Macau [Makô] (Hongrie), professeur à cette école, ensuite chanoine et évêque de Gherla, et finalement métropolite de Blaj. Il a écrit un dialogue sur la constitution de l’Église et une biographie de l’évêque B. Erdelyi-Ardeleanu. Pendant qu’il exerce à cette école comme professeur, le vicaire apostolique de Sahle (Liban), passe, le 21 novembre 1852, par Oradi a. Il prononce un discours en langue arabe, que traduit le jeune professeur J. Vancea, promu récemment docteur en théologie à l’université de Vienne. Jean Sabo, professeur et plus tard chanoine puis évêque de Gherla, a laissé aussi le souvenir d’une personnalité bien douée et d’une mémoire prodigieuse. Augustin Lauran travailla aussi à cette école pendant un quart de siècle et davantage. Il a fait imprimer un excellent ouvrage : Le chrétien gréco-catholique, instruit de sa foi, manuel catéchislique et historique pour les guides du peuple concernant spécialement l’histoire des querelles grecques [en roumain], Oradéa, 1 878. La première partie de l’ouvrage est faite d’après les controverses de Bellarmin ; la seconde d’après un ouvrage similaire du chanoine Jean Nogâll et d’après 11 trionfo délia rcligione de saint Alphonse de Liguori. Le même auteur a rendu de signalés services à l’enseignement normal roumain et particulièrement à cette école, en traduisant et refaisant Le livre des instituteurs, manuel de l’auteur hongrois Ignace Barany. Jean Butean fut directeur de l’école à l’époque qui précéda l’union (1907-1914). Éducateur de grand prestige, il apportait du lycée de Beius-Bihor, au service duquel il s’était dévoué comme professeur et directeur, une expérience pédagogique des plus précieuses. En décembre 1908, à l’occasion de l’inauguration des locaux qui serviront jusqu’en 1933, jetant un coup d’œil rétrospectif sur le développement de cette école, il espère en toute justice que l’avenir rapproché va devenir encore meilleur. En attendant cet avenir meilleur, l’école passe, durant la guerre mondiale, par des humiliations et des chicanes qui constituent le plus sombre de tout son passé. Sous le prétexte qu’après l’entrée de l’armée roumaine dans la guerre aux côtés des puissances occidentales, ciuelques instituteurs et professeurs roumains unis ont passé dans le camp ennemi, le comte Adalbert Apponyi, alors ministre des Cultes et de l’Instruction publique de Hongrie, institue le contrôle « patriotique » permanent pour toutes les écoles normales roumaines. Le 17 juillet 1917, il adresse au métropolite Victor Mihalyi de Blaj. une lettre, où il dit : « J’ai décidé de nommer pour chacune d’entre elles [les écoles normales des Roumains], un commissaire ministériel spécial, en l’investissant des attributions qui s’étendent à toutes les branches de l’enseignement, tant du point de vue de l’éducation que de la pédagogie en général et de la didactique en particulier. » Il s’agit avant tout, la lettre n’en fait pas mystère, d’empêcher les écoles gréco-catholiques de Transylvanie d’infuser à la jeunesse l’esprit national roumain. Contre cette mesure abusive, équivalant à une confiscation de l’enseignement normal, confessionnel, l’Église roumaine unie proteste énergiquement et avec dignité, d’autant plus que d’autres mesures viennent aggraver la première : le règlement spécial de ces commissariats, approuvé par le même ministère, n. 139, 932-1917, VI, du 18 septembre 1917, directives et ordonnances faites par le ministre lui-même.

« La loi, disent les cvêques, admet le droit d’inspection du ministère deux fois par an et plus souvent, dans des cas exceptionnels. Contrairement à la loi, le ministre Apponyi ne se contente pas de quelques inspections, plus sérieuses et plus détaillées, mais il institue des commissariats permanents près de chaque école normale confessionnelle. De plus, le commissaire a le droit d’assister à toutes les leçons, de surveiller les professeurs et les élèves, ces derniers même à la maison, d’être appelé à toutes les conférences et d’y présenter ses observations. Il est plus infaillible que le pape. » En dépit de ces protestations, le système fut instauré et la personnalité même du commissaire ministériel François Tégiâssyne contribua guère à son bon fonctionnement. Ses premiers contacts avec le directeur et les professeurs de l’école furent pénibles et amenèrent de nouvelles protestations. I ! ne se priva pas de faire à tout propos et hors de propos les observations les plus tendancieuses, prétendant même assister non seulement aux cours de religion, mais au service divin et aux sermons, enlevant à l’autorité ecclésiastique, patronne de l’école, toute initiative et toute direction, multipliant les dénonciations et les mesures arbiti aires.

Les autres personnalités qui fournissent leur apport au développement de l’école normale unie d’Oradc’a sont : Florian Stan, docteur en droit canonique, prévôt du chapitre, vicaire général. Il enseigne la langue française gratuitement d’ailleurs, comme il l’a fait aussi au lycée de Beius. Il faut signaler le courage avec lequel il s’élève, en pleine guerre, quand les internements et emprisonnements sont à l’ordre du jour, contre la mesure prise par le ministre Apponyi, de supprimer l’élément roumain de la frontière orientale de la Transylvanie, par la création d’une « zone culturelle » magyare, ce qui à l’époque signifiait la magyarisation forcée de plus de trois cents écoles roumaines. Dans une interview au journal Pcsti Naplô du 15 août 1917. il déclare : « L’ordre ministériel que nous a transmis la métropole de Blaj nous a fait frémir. Nous ne pouvons l’accepter. Écrivez, je vous prie, que moi, vicaire général, j’attribue exclusivement cet ordre à ce fait que Apponyi a soixante et onze ans ». En petit, Florian Stan joue ici le rôle qu’à la même époque tiennent avec tant d’éclat le cardinal Mercier en Belgieme et le cardinal La Fontaine à Venise. Après la guerre, devant l’incompréhension du rôle joué par l’école et les professeurs, Florian Stan écrit au ministère de Bucarest :

« Cet institut, par ses mérites impérissables dans le

passé, est devenu pour nous un sanctuaire, et les professeurs des oints du Seigneur. Aussi directeurs et secré1 aires généraux du ministère ne sont dignes d’entrer dans cette école que la tête découverte et nu-pieds. »

Élie Stan, chanoine, est pendant quelque temps professeur de religion. Ici, comme au lycée de garçons et au lycée de filles de Beius, il se rend compte que, pour développer le sentiment religieux dans l’âme de la jeunesse scolaire, il n’est pas besoin de multiplier les heures de catéchisme, mais qu’il faut mettre en concordance avec cette matière principale toutes les autres matières d’enseignement.

Jacques Radu, vicaire général, prévôt du chapitre, prélat, est lui aussi pendant quelque temps professeur d’histoire et de droit constitutionnel. Il est d’ailleurs dans son élément puisque c’est un historien averti. Parmi ses œuvres rappelons : L’histoire du vicariat gréco-catholique de Halzeg, Lugoj, 1912 ; L’Église de la sainte Union de Tdmpâhaza-Uifalâu (aujourd’hui Râdesti), Oradéa, 1911 ; Monographie de la ville d’Oradéa, dans le Bulletin de la Société, royale roumaine de géographie, Bucarest, 1921 ; La vie et les œuvres de l’évêque Démétrius Radu. Oradéa, 1923 ; Les manuscrits de la bibliothèque de l’évêché uni d’Oradéa et Deux étoiles vagabondes : S. Micu et G. Sincaï, dans Annales de l’Académie roumaine. Bucarest, 1023, etc. ; Y Histoire du diocèse gréco-catholique, d’Oradéa, Oradéa, 1930, etc. [tous en roumain]. Il est intéressant de noter que sous le régime bolchevique de Bela-Kun, il est, ainsi que son neveu le professeur Jean Teiusan, condamné à mort. Il ne doit son salut qu’à l’entrée inopinée de l’armée roumaine à Oradéa.

Pour les élèves de l’école normale unie d’Oradéa, la statistique dressée à l’occasion de son jubilé de 150 ans (Pentecôte 1934) donne le nombre de 3 669, ce qui fait une moyenne de vingt-cinq diplômés par an. Ils se recrutent d’abord dans les villages du Bihor roumain, mais aussi des autres départements. De là l’influence aussi de l’école : les instituteurs qu’elle forme développent une activité féconde non seulement dans leurs départements d’origine, mais dans les départements voisins : Salaj, Satu-Mare, Maramures, à Arad, à Biquis [Békés] et Sabolci [Szaboles] (en Hongrie), et dans les départements du Banat : Garas, Séverin, Timis et Torontal. Dans ces derniers particulièrement les normaliens d’Oradéa jouissent d’une grande considération. Bien préparés pour la musique vocale et instrumentale, ils fondent des chœurs et des fanfares, et contribuent ainsi dans une large mesure au développement de la culture musicale dans cette province.

Dans les autres régions du pays, les normaliens d’Oradéa laissent des traces durables d’une activité féconde sur laquelle, à partir surtout du cours systématique de deux ans, sous l’épiscopat de B. Erdelyi-Ardeleanu, de trois ans sous les évêques Pavel et Radu, toujours avec quatre classes secondaires à la base, nous avons d’assez riches informations.

2. Le séminaire roumain-uni d’Oradéa.

Il est chronologiquement le deuxième institut diocésain d’éducation. Le fondateur en est l’évêque Ignace Darabant. Apôtre de l’union avec le Saint-Siège et nationaliste infatigable, il se rendit compte de la nécessité de cet institut. Aussi, dès le début, il entretint à la curie épiscopale une douzaine de jeunes gens, pour faire d’eux de vrais prêtres. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait demandé avec insistance et finalement obtenu de l’empereur d’Autriche, Léopold II, la vieille maison des jésuites, devenue déserte par la suppression de l’ordre. Le 30 janvier 1792, le conseil royal de lieutenance de Bude communiquait le décret de fondation qui répondait aux demandes de l’évêque.

Le 29 octobre 1792, l’évoque Ignace Darabant présidait une séance pour l’admission des premiers séminaristes ; à cette séance prenaient part aussi le chanoine Joseph Szilagyi (Sâlâgcan), directeur du nouveau séminaire ; les assesseurs consistoriaux Jean Radnothy et Zacharie Szilagyi ; le secrétaire Siméon Bran. Étaient admis d’abord les six élèves présents à la curie épiscopale, puis dix autres ; au total seize séminaristes. Ce nombre devait plus tard s’accroître considérablement. La rédaction du règlement est très sage. La première est contemporaine de la fondation ; la seconde de 1852. Relevons-en quelques points se rapportant à l’esprit de l’institut. Le séminaire doit être la demeure de la religion, de la science, de la culture de l’esprit, du cœur, comme aussi de l’amour de la nation et de la patrie. On prescrit aux directeurs de s’efforcer de connaître le tempérament de chaque élève, ce qui leur sera d’un grand secours pour l’éducation. Les directeurs prendront particulièrement soin de ce que les séminaristes soient animés de l’esprit national (ut juvenrs zelo nationali animati sint). Dans ce but, ils développeront leur connaissance de la langue et de la littérature roumaines, écriront en roumain, et les meilleurs travaux seront présentés par leurs auteurs devanl an public choisi. Il en résultera que la société

de lecture de la jeunesse scolaire d’Oradéa, sous la direction des professeurs Al. Roman, Denys Pàscut, iii Justin Popfin d’abord, plus tard des professeurs Moïse Nés, Félicien Bran, Constantin Pavel, donnera de nombreuses preuves d’activité. A ses débuts cette société édite trois almanachs, et ensuite la revue lithographiée Fluturele (Le papillon). On prêtera une particulière attention aux beaux-arts : la calligraphie, le dessin, le chant. Le règlement des séminaristes prévoit que chaque élève a le devoir de se confesser et de communier au moins cinq fois par an ; au début de l’année scolaire, au carême de Noël, à Pâques, à la Saint-Pierre et à la fermeture des cours.

En 1794, sont reçus au séminaire vingt-six élèves, dont deux payants (convictores). Avec le temps le nombre des payants augmente, l’admission au séminaire se fait avec grande solennité. En raison du bien commun, non seulement l’on admet dans l’internat des écoles secondaires d’Oradéa des orthodoxes (ex non unitis), mais aussi des élèves d’autres confessions religieuses. C’est ainsi qu’en l’année 183Ï-1836, on y trouve un élève de religion israélite.

Samuel Vulcan (1806-1839), évêque du diocèse durant les guerres napoléoniennes, se voit obligé d’élever la taxe d’entretien dans le séminaire ou de demander à ceux qui sont dans l’impossibilité de la payer, une compensation en nature. Sous son épiscopat, soixante-douze paroisses unies du diocèse de Muncaciu (Munkacevo), sont incorporées à celui d’Oradéa et, de ce fait, le séminaire acquiert une fondation de 2 805 florins 14 kreuzers. L’évêque lui-même achète pour le séminaire un vignoble. Son exemple est suivi par des notabilités laïques comme Démétrius Meciu, Gabriel Caba et Théodore Tart, a qui enrichissent le séminaire de fondations.

Son successeur, l’évêque B. Erdelyi-Ardeleanu (18421862), obtient de l’administration du fonds de religion catholique la construction d’un nouveau local pour l’institut, parce que l’ancien menace ruine. Cet évêque a le mérite d’avoir fondé la Société de lecture des élèves, et la chaire de religion et de langue roumaines au lycée des religieux prémontrés d’Oradéa, ainsi qu’à l’université de Budapest. Pendant les sept ans qu’il dirige le séminaire d’Oradéa, les séminaristes sont vraiment exemplaires tant au point de vue de la conduite que des études. Évêque, il veille de près à la bonne marche du séminaire. Ses successeurs ne .s’en désintéressent point. Joseph Papp Szilagyi (Pop Sâlâgean, 1863-1873) fait une fondation, Michel Pavel (1879-1902) une autre, Démétrius Radu (19031920) construit le local de l’académie de théologie ainsi que les salles d’études actuelles, à la place du vieux collège des jésuites. L’évêque actuel achève le local de l’académie, et élève d’un étage l’ancien séminaire bâti par B. Erdelyi-Ardeleanu. Tous les évêques désirent avoir leur propre séminaire, selon l’ordonnance du concile de Trente. Les intérêts du diocèse et de l’Église le leur imposent aussi. Déjà le fondateur Ignace Darabant avait insisté dans ce sens. Le gouver nement, au contraire, tenait fort à ce que les clercs roumains unis fissent leurs études avec ceux du rite latin. Cette mesure a ses avantages ; mais elle a aussi ses inconvénients. « Le zèle national », dont parle le règlement du séminaire, et l’ordre de l’Église orientale sont souvent gênés par la présence des clercs de rite latin. Dans la nuit du 8 août 1893, lors de la présentation à l’empereur de Sienne du fameux memoran dum des Roumains, par une délégation de trois cents personnes, la plèbe judéo-magyare d’Orad a, à l’instigation d’une presse irresponsable, crible de pierres les maisons des notabilités roumaines de cette ville, et en particulier le séminaire et la résidence de l’évêque roumain uni, .Michel Pavel. Celui-ci est désigné

« comme le plus dangereux agitateur daco-roumain »,

et on cherche à le tuer, ainsi que le directeur du séminaire, Augustin Lauran. Ils doivent à leur absence d’échapper à la mort. Grande effervescence aussi en 1894, à la mort de Kossuth Lajos. le chef de la révolution hongroise de 1848 ; une délégation de séminaristes unis vient trouver le directeur Augustin Lauran, pour lui exprimer le désir que l’on n’arbore pas le drapeau noir et que l’on ne participe pas au deuil

« national ». « Le séminaire fondé par l’empereur

Léopold II ne peut pas regretter Kossuth, qui a détrôné la dynastie des Habsbourg, en 1848 », dit la délégation. « Le séminaire gréco-catholique ne peut pas regretter le calviniste et le franc-maçon Kossuth, le plus grand ennemi de l’Église catholique qui a déclaré que, pour introduire le mariage civil en Hongrie, il faut, au besoin, faire alliance contre l’Église avec le diable. Le séminaire de la jeunesse roumaine, qui porte ce titre depuis l’époque de l’empereur Léopold II, ne peut regretter ce Kossuth qui persécutait les Roumains et qui fit massacrer à Aïud, les tribuns de ce peuple, martyrs de la liberté nationale. »

« Oui, vous avez raison », répond, les larmes aux yeux,

le directeur Lauran, « mais voulez— vous que l’on ferme ou que l’on démolisse ce séminaire, où depuis plus de cent ans, tant de jeunes Roumains et vous-mêmes avez fait votre éducation ? Ne serions-nous pas des criminels ? » Les délégués comprennent, l’attitude de leur directeur et se résignent.

A partir de 1890, l’année du millénaire magyar, les conflits entre les séminaristes roumains et les Magyars se multiplient. Le 8 février 1912, tous les étudiants en théologie roumains, au nombre de seize, sont éliminés de l’académie de rite latin d’Oradéa, parce qu’ils ont osé parler roumain entre eux, dans cette langue qui est non seulement la langue de leur nation, mais la langue liturgique de leur église. Le recteur de cette académie, Joseph Lanyi, est à ce point acharné à en finir avec les Roumains qu’il les met à la porte à neuf heures du soir, sans que l’intervention des chanoines Florian Stan et Jean Butean puisse le déterminer à suspendre l’exécution de la sentence. Cette circonstance décide le ministre de l’Instruction publique et des Cultes de Hongrie, le comte Zichy lânos, à permettre par l’ordre n. 74345-1912 la construction d’un séminaire particulier pour les étudiants en théologie unis. Les travaux commencent mais sont interrompus par la guerre. Il reste que les études et les examens se feront jusqu’en 1918-1919 à la même académie de théologie de rite latin. Ce n’est qu’en 1924, le 30 septembre, que les cours de philosophie et de théologie seront donnés à la nouvelle académie unie de théologie. En douze ans de fonctionnement, cette académie donne 147 diplômes.

En l’absence d’une académie de théologie, le diocèse roumain uni a dû confier ses clercs à d’autres collèges et instituts : le collège de Propagande, celui de Saint-Athanase de Rome ; Sainte-Barbe et l’Augustineum de Vienne ; le séminaire gréco-catholique ruthène de Lemberg (Lwow) ; le séminaire central de Budapest ; le séminaire primatial de Tyrnavia (Tchécoslovaquie ") et d’Esztergom (Hongrie), les séminaires archiépiscopaux de Calocea (Kalocsa en Hongrie) et Blaj ; les séminaires épiscopaux d’Oradéa (latin), de Satu-Mare. d’Ungwar (Ujorod en Tchécoslovaquie) et Gherla.

En dehors des évêques, les directeurs ont les plus grands mérites dans l’organisation et la direction du séminaire roumain uni d’Oradéa. Une attention spéciale est due à Joseph Szilagyi, le premier directeur. Pendant trente-trois ans il donne à ce séminaire un prestige et une tradition de grande importance pour l’avenir. Il sait choisir les séminaristes. A sa mort, il

laisse en testament un prix pour les plus méritants. Son exemple de généreux donateur est imité par ses successeurs dans la charge : Grégoire Koevari, Joseph Papp Szilagyi (Pop Sâlâgean), Jean Sabo, Augustin Lauran, etc.

Parmi les milliers de séminaristes sortis d’Oradéa, remarquons le futur métropolite Jean Vancea, créateur de tant d’institutions à Blaj et sage organisateur, par les deux premiers synodes (1872 et 1882) de la province ecclésiastique d’Alba Julia et Fâgâras : l’évêque Basile Erdelyi-Ardeleanu, fin diplomate, à qui l’on doit entre autres la création de la métropole roumaine unie d’Alba Julia et Fâgâras avec résidence à Blaj, ainsi que la création en 1853 de deux nouveaux évêchés : Gherla et Lugoj. Élèves de ce séminaire sont aussi les premiers évêques de Gherla (Jean Alexi) et de Lugoj (Alexandre Dobra) ; Alexis Pocsay, évêque de Muncaciu ; Jean Sabo, autre évêque de Gherla ; le vicaire général Florian Stan. Des cinquante et un chanoines d’Oradéa, trente-trois sont élèves du séminaire, ainsi qu’à peu près tous les directeurs et professeurs du lycée roumain uni de Beius. Notons encore le chanoine Nicolas Borbola, pendant dix-sept ans professeur de sciences politiques à l’académie de droit d’Oradéa ; Alexandre Roman, professeur universitaire, académicien, journaliste de grand mérite ; les poètes et écrivains : Démétrius Sfura et Moïse Soran Novae ; le journaliste député Sigismond Pop ; le professeur et historien Alexandre Gavra ; l’écrivain ecclésiastique Jean Gcn^, traducteur de Massillon en roumain, auteur d’un cucologe très répandu, La consolation du chrétien ; Georges Pop de Basesti, président du grand plébiscite national de Transylvanie, tenu à Alba Julia le I e’décembre 1918, où fut proclamée l’union des provinces roumaines ciscarpathiques avec le Vieux-Royaume roumain ; les martyrs nationalistes : Jean Ciordas, avocat à Beius, Isidore Silaghi, prêtre, de Bicàu (Satu-Mare), et Michel Dânilâ, prêtre de Dijir (Bihor).

L’évêché roumain uni d’Oradéa possède encore à Beius, d’importantes institutions d’enseignement et d’éducation.

3. Le lycée Samuel Vulcan.

C’est le plus ancien établissement. Le 10 février 1781, l’évêque Moïse Dragos obtint de l’empereur Joseph II, comme dot pour l’évêché fondé par la mère de celui-ci quatre ans auparavant, le domaine de Beius. Par ce don impérial, Beius recevait une mission historique. Dragos et son successeur Darabant ont de beaux projets, mais, trop occupés d’autres grands problèmes au centre de leur jeune diocèse, ils laissent à leur successeur, Samuel Vulcan le soin de fonder, le octobre 1828, un pœdagogium ou (/i/mnasium minus avec quatre classes secondaires, en conformité avec les règlements de la loi scolaire de 1777. L’évêque ouvre ce gymnase « poulie profit de la culture de la nation valaque (roumaine) complètement dénuée ». Il choisit Bciuç, éloigné d’Oradéa de 80 km., pour faciliter l’accès à la civilisation aux Roumains de la région montagneuse du Bihor. En fait, autour de Beius gravitent les 338 villages roumains du Bihor, ceux d’Arad, de quatre départements du Banat (Timis, Torontal, Caras et Séverin), de Salaj, Satu-Mare et Maramures. Toute la région frontière occidentale de la Roumanie d’aujourd’hui ne possédera, de longues années durant, d’autre lycée roumain que celui que fonda Samuel Vulcan à Beius : ce n’est qu’en 1 809, que s’ouvre le gymnase deBrad-Hunedoara.

En 1828-1829, date de son ouveituiv, le gymnase compte vingt-cinq élèves dont quinze sont d’origine ethnique étrangère, et dix à peine roumains. Devant la réserve témoignée par ses compatriotes, Samuel Vulcan leur envoie d’abord une lettre de reproche, il recommande ensuite à l’administrateur du domaine, au

directeur et aux professeurs du gymnase de pousser les paysans roumains à envoyer leurs enfants à l’école. L’évêque qui se rend compte que la misère les en empêche, prend soin que ces enfants pauvres aient gratuitement les livres, le papier, le logement et la nourriture. Dans l’acte de fondation il demande que l’on enseigne, entre autres matières, la grammaire et la littérature roumaines, ainsi quc l’orthographe de cette langue en lettres latines. Cet acte qui paraît hien avant celui du prince régnant Alexandre Jean Cuza (1859-1866) est la première recommandation d’abandonner l’alphabet slavon, qui durant des siècles avait déformé l’apparence de la langue roumaine. La cour de cet évêque éclairé est une véritable académie scientifique. Autour de lui gravitent non seulement les grands astres de l’école de Blaj, ainsi que tous les clercs unis cultivés, mais les orthodoxes eux-mêmes. Démétrius Tzikindcal, le premier professeur de l’école normale orthodoxe d’Arad, lui écrit : « Miséricordieux patron ! fais-nous sortir de la terre d’Egypte et de la maison d’esclavage ! » L’esclavage d’Egypte c’est, pour les compatriotes orthodoxes, la hiérarchie serbe étrangère. Samuel Vulcan fait encore une fondation de 75 000 florins-or, d’un revenu annuel de 4 500 thalers. Le Gymnasium minus de 1828 devient, en 1836, gymnasium ma jus avec six classes secondaires, comme toutes les institutions semblables du pays. Il peut donc porter sur son frontispice l’inscription suivante : Educationi juventutis hujus provincise posuil Samuel Vulcan cppus g. r. c. M. Varadinensis.

Son successeur sur le siège épiseopal, B. Erdelyi-Ardcleanu, ajoute aux mérites que nous avons déjà signalés à son actif, celui d’achever à Beius l’œuvre scolaire de son prédécesseur. Ici, comme à Oradéa, il porte les classes du cours primaire de deux à quatre, et celles du cours secondaire de six à huit, obtenant aussi le droit de donner le diplôme de baccalauréat. Le premier examen de baccalauréat est passé au lycée de Beius, le 5 août 1853. Pour renforcer la fondation de S. Vulcan, B. Erdelyi-Ardcleanu la porte de 75 000 florins à 90 000 florins, et à la place de la langue latine il introduit comme langue d’enseignement la langue roumaine. Dans le reste du diocèse, il fonde 44 autres écoles primaires. Malgré ces apparences favorables, le gouvernement absolutiste autrichien soulève beaucoup de difficultés pour les Roumains. S’il accorde un modeste secours annuel de 3 550 florins du fonds des études, il demande par l’ordre 2952-1854, que la langue d’enseignement dans les classes supérieures du lycée soit de préférence la langue allemande. La conférence des professeurs proteste, montrant l’impossibilité que, dans une seule et même école, on fasse les leçons en trois langues à la fois : en roumain et latin dans les classes inférieures, en allemand dans les (lasses supérieures. La conférence est convaincue qu’un peuple arrive plus facilement à la véritable civilisation à l’aide de sa propre langue. Mais le gouvernement l’ait la sourde oreille.

Le gouvernement magyar est encore plus irréductible, Le parlement hongrois supprime le modeste secours annuel que le gouvernement autrichien accordait au lycée de Beius. Les Magyars, maîtres de la situation après le compromis austro-hongrois de 1867, cherchent à supprimer toutes les institutions culturelles des nations non magyares. C’est alors que, sous le long gouvernement de Colonial) Tisza, ils ferment les écoles slovaques de Turceanskv Saint Mart iii, Zniograd, etc., interdisent loule manifestai ion culturelle dans Us cadres de l’association Slovenska Malica. Ils favorisent des espions qui dénoncent les manifestations

« antipatriotiques » des nations cohabitantes.

C’est à la suite d’une de ces manifestations que, par un ordre n. 21 335 du 2 juillet IKJS9, le ministère de

l’Instruction publique de Budapest impose à l’évêque, M. Pavel, qu’à l’avenir, au lycée de Beius « toutes les matières, à l’exception de la religion et de la langue roumaine, soient enseignées en hongrois ». Après le grand mouvement mémorandiste qui préoccupe l’opinion publique de l’Europe entière, le cas du lycée de Beius est sans cesse à l’ordre du jour dans la presse et la conscience publique roumaine dans les dix dernières années du siècle passé. L’évêque atténue les suites désastreuses de l’ordre arbitraire, en fondant près du lycée, en 1891, un internat pour une centaine d’élèves pauvres et, en 1896, une école supérieure catholique pour les filles, avec le roumain comme langue d’enseignement. La mesure abusive du gouvernement magyar est maintenue jusqu’après la guerre. Le 23 novembre 1918, après une prohibition de trente ans, la langue roumaine est réintroduite dans ses droits par le décret historique de l’évêquc-patron Démétrius Radu. Cet acte provoque un enthousiasme général. La pensée et les sentiments de tous sont exprimés dans un élan de reconnaissance envers l’évêque par le président du Conseil national roumain de Beius. Jean Ciordas.

A Beius comme au centre du diocèse, l’évêque actuel Mgr Valère Trajan Frentiu, apporte des améliorations extrêmement heureuses. Il confie les chaires de langue et de littérature françaises, ainsi que la direction de l’internat « Pavel », à des prêtres professeurs de l’ordre des assomptionnistes. Par cette heureuse mesure, la renommée historique du lycée croît ; et celui-ci y gagne de nombreuses liaisons culturelles avec l’Occident civilisé et en particulier avec le monde catholique français. Les fêtes de son jubilé centenaire, le 31 mai 1928. furent très solennelles. Y participèrent les représentants du gouvernement, du parlement, des autorités locales, de l’Église orthodoxe, ainsi que le général Berthelot, ancien chef de la mission militaire française en Roumanie, qui fut proclamé membre d’honneur du corps professoral. Devant la multitude assemblée pour cette fête, le ministre de l’Instruction publique, le Dr Constantin Angclesco, montra dans son discours « l’influence de l’Église sur l’école », et glorifia l’œuvre immortelle de Samuel Vulcan. Le ministre des Cultes, Alexandre Lapedatu, se dit heureux de constater, après vingt-cinq ans, qu’il ne s’est pas trompé dans sa jeunesse, quand, dans un rapport à l’Académie roumaine, il montrait que l’union avec l’Église de Rome avait été pour le plus grand profit des intérêts nationaux et culturels roumains. « Si nous vivons, dit-il, en pleine tradition culturelle, si nous pouvons célébrer de pareils centenaires à Blaj, à Beius, à Bucarest, à Iassy, nous le devons aux résultats que l’union avec Rome a eus pour notre vie culturelle. De ces résultats ont bénéficié par milliers ceux qui ont préparé la lutte contre notre esclavage. » Les paroles des représentai) I s de l’Église orthodoxe ne sont pas moins émouvantes. Faisant ressortir le contraste existant entre l’aspect rustique mais sain des écoles roumaines de Beius, et l’aspect somptueux des écoles hongroises de Seghedin et d’Oradéa, l’évêque orthodoxe, Romain Ciorogariu, d’Oradéa, justifie comme suit sa participation aux fêtes : « Je n’ai pas eu le bonheur d’être l’élève de cette école, dit-il, mais en ma qualité d’évêque, je tiens à déposer [’hommage de la reconnaissance de mon Église, pour toutes les générations qui ont grandi dans cette école roumaine, à la mémoire de son fondateur, S. Vulcan, cl de ses successeurs qui l’ont développée, à évoquer la mémoire des héros anonymes, modèles de ceux d’aujourd’hui qui ont été les professeurs de cette école, b l.a vérité de ces paroles épiscopales est confirmée par les preuves qu’apporte le prêtre orthodoxe Georges Ciuhandu, représentant de l’évêché orthodoxe roumain d’Arad : De mille cinq cents prêtres qui font

partie de cet évêché, quatre cent quarante-neuf, près du tiers, sont d’anciens élèves du lycée de Beius.

Parmi les directeurs et professeurs distingués de ce lycée rappelons Mathieu Kiss, auteur d’une remarquable étude sur l’emploi des mathématiques ; Georges Vlas. le premier historien de cet établissement : Jean Munteanu, bibliophile et bibliographe de valeur ; Jean Vodâ Sâlâgeanu, auteur de bons manuels scolaires, l’antagoniste de Robert Rôsster dont il dit qu’à l’avenir il ne doit plus intituler son livre Eumànische Studien, mais Judaische Handlerei ; Ignace Sârbu, un protagoniste de la cause de l’enseignement ; Théodore Rosiu, bon polémiste pour l’histoire ; Moïse Nesiu, prédicateur populaire inégalé ; Basile Dumbrâva. naturaliste et promoteur de l’éducation physique ; Basile Stefânica, mathématicien et pédagogue distingué ; Jean et Coriolan Ardeleanu avec Trajan Fârcâsiu. historiographes ; Démétrius Fekete, auteur d’odes latines : Jean Fersigan et Antoine Cighi, philologues classiques ; Théodore Bulc, auteur de remarquables notes de voyage ; Jean Chéri, pédagogue et auteur de chrestomathies ; Radu Gédéon et Constantin Pavel, publicistes, etc.

D’après la statistique de l’année jubilaire de 1928, pendant cent ans, le lycée Samuel Vulcan a compté 22 732 élèves, nombre qui s’élève aujourd’hui à 25 000. Dans ce grand nombre, remarquons les métropolites orthodoxes Miron Romanul et Basile Mangra ; les évêques Jean Ign. Popp d’Arad ; Philarète Musta de Caransebeç ; le folkloriste Siméon FloreaMarian, membre de l’Académie roumaine ; l’écrivain du cercle littéraire Junimea, Miron Pompiliu : les leaders nationalistes : Parténie Cosma, Coriolan Brediceanu, Nicolas Oncu, Michel Velici, François Hossu Longin ; les publicistes : Georges Candrea, Tit Bud, A.-C. Popovici, Augustin Paul, Basile Ranta Buticesco, etc.

4. Le lycée roumain uni de filles de Bcius.

Il a quarante ans d’existence. Le 22 septembre 1896, l’évêque d’Oradéa, Michel Pavel, ouvrait une école de filles à quatre classes secondaires. Cette école fonctionne ainsi jusqu’à l’année scolaire 1918-1919. Jusqu’à cette date l’école avait vu passer 417 élèves. En 1919-1920, grâce à la sollicitude de l’évêque Démétrius Radu, cette école fut transformée en lycée à huit classes secondaires. De 1922-1923 jusqu’à ce jour, le lycée a compté 188 élèves diplômées. La direction de l’internat, qui abrite à peu près toutes les élèves catholiques de l’école, est confiée aux sœurs oblates de l’Assomption. Pour les élèves orthodoxes, il existe depuis 1929 un petit internat, que soutient la Société orthodoxe des femmes roumaines. En 1928, à l’occasion des fêtes du centenaire du lycée de garçons Samuel Vulcan, l’école reçut la visite du général Berthelot, du ministre de l’Instruction publique, le Dr Constantin Angelesco, du ministre des Cultes, Alex. Lapedatu, des évêques unis de Gherla et de Lugoj, ainsi que d’autres personnalités illustres. Tous exprimèrent leur satisfaction en visitant les belles expositions de dessin et de travail manuel. D’autres visiteurs non moins illustres ont témoigné ultérieurement leur admiration.

3° L’évêché roumain uni de Cluj— Gherla. — Il a été fondé par la bulle Ad apostolicam Sedem de Pie IX, du 20 novembre 1853, qui élevait l’évêché de Fâgâras au rang d’archidiocèse et métropole, avec le titre d’Alba Julia et Fâgâras, et résidence à Blaj. Par malheur cet évêché, à sa création, ne fut pas doté. C’est avec beaucoup de difficulté qu’il put maintenir ses institutions d’enseignement et d’éducation. Ce n’est qu’en 1921, à l’occasion de la réforme agraire, qu’il put recevoir de l’État à peu près 100 hectares de terre arable et 300 hectares de forêts. Après le concordat, l’évêché transporte son siège de Gherla à

Cluj. Malgré toutes ces difficultés, l’évêché fonde et soutient les institutions suivantes.

1. L’académie de théologie.

Elle fut fondée par le premier évêque Jean Alexi (1854-1863), auteur d’une célèbre grammaire roumaine, en latin, imprimée à Vienne en 1826. Pour pouvoir entretenir son séminaire, cet évêque reçut l’abbaye de Leker. Ses successeurs sur le siège épiscopal, obtinrent chacun une petite subvention du gouvernement, qui atteignit, vers la fin, la somme de 30 000 couronnes par an. C’est à l’automne de 1859 qu’on inaugura l’académie dans une maison louée près de la paroisse arménienne catholique de Gherla, insuffisante pour les besoins de l’institut. Les évêques successeurs, Jean Vancea et Michel Pavel, ne purent y remédier, bien que, plus tard, le premier ait construit plusieurs édifices scolaires monumentaux à Blaj, et le second à Oradéa et à Beius. C’est à peine si plus tard l’évêque Jean Sabo (18791911) put louer le palais plus convenable des comtes Karncsonyi. L’évêque actuel, en 1919. acheta cet immeuble. Son prédécesseur Basile Hossu (1912-1916) avait voulu construire une cathédrale, un palais épiscopal, un séminaire et des écoles normalps. Il en posa les fondations, mais la guerre mondiale et la mort prématurée de l’évêque arrêtèrent la réalisation de ces plans. En transportant sa résidence de Gherla à Cluj, capitale de la Transylvanie, conformément aux prescriptions du concordat, l’évêque actuel construisit à Cluj un nouveau séminaire, près de la cathédrale de la Transfiguration. Au début, les professeurs en furent les chanoines ; l’on nomma plus tard des professeurs n’ayant pas d’autre occupation.

Parmi les premiers professeurs de cette académie de théologie, nous remarquons Michel Serban, polyglotte, peintre, compositeur, homme doué d’une puissance extraordinaire de travail, occupant à la fois le poste de directeur de l’école normale, de professeur et directeur à l’académie de théologie, inspecteur de toutes les écoles du diocèse. Victor Mihalyi, historien et canoniste érudit, devint plus tard métropolite de Blaj. Athanase Demian et Eusèbe Cartice ont donné des cours très appréciés, d’une haute tenue scientifique. Jean Simon a produit un ouvrage solide de droit ecclésiastique. Basile Moldovan a décrit la visite canonique que fit l’évêque Basile Hossu dans le Maramures.

Durant ses soixante-dix-sept années d’existence, cette académie a produit au total 15(11 diplômés, c’est-à-dire une moyenne annuelle de quatorze apôtres de l’idée nationale et catholique, au sein de la nation roumaine.

2. L’école normale roumaine unie de garçons de Gherla. — Elle a pris naissance dans les cours préparatoires semestriels ouverts à côté de l’école principale de Nâsàud (1837-1850). Après la révolution de 1848, on sentait de plus en plus le besoin d’instituteurs. A la demande de l’évêque J. Alexi, le gouvernement de Vienne décida (26 octobre 1858) la création d’une école normale gréco-catholique à Nâsâud. Le 2 janvier 1859, elle fut inaugurée dans cette petite ville, où elle fonctionna jusqu’en 1869. Mais les évêques estimèrent qu’il vaudrait mieux que les futurs instituteurs reçussent leur éducation et leur instruction sous leur protection et leur surveillance immédiate. Le 15 octobre 1859, l’école fut transférée à Gherla, alors siège épiscopal. De 1859 jusqu’en 1936, le nombre des élèves ayant passé par celle-ci est de 1507, aides précieux des prêtres.

3. L’école normale roumaine unie des filles de Gherla.

— Elle est plus récente. Elle date du 1 er septembre 1915, du temps de la guerre mondiale. A peu près tous les instituteurs ayant été appelés sous les drapeaux, les écoles tombaient à la charge des prêtres. Mais leur devoir pastoral nuisait à la bonne marche de l’enseiROUMANIE. ENSEIGNEMENT, RITE LATIN

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gncment. Aussi sentit-on le besoin d’institutrices. De la date de sa création jusqu’en 1 ! >30, cette école compte 477 diplômées : c’est grâce à son actuel patron. Son Exe. Mgr Jules IIossu. que l’école obtient en 1931 un local à elle, aménagé <le façon moderne.

L’évèché roumain uni de Lugoj.

lia été créé par

Pie IX par la bulle Apostolicum minislerium du 26 novembre 1853. Il a connu les mêmes difficultés matérielles qlie l’évèché de Gbcrla. De plus, une longue occupation turque et le fanatisme de la hiérarchie orthodoxe serbe empêchèrent tout mouvement unioniste ; aussi l’élément uni est-il encore sporadique, spécialement dans le Banat. Ces circonstances expliquent l’absence à peu près totale d’institutions d’enseignement et d’éducation dans ce diocèse.

1. L’internai roumain uni de I.ugoj. — Il s’est ouvert en 1910 sous le nom de convict diocésain. Jusqu’en 1913, il occupait une modeste maison achetée avec les offrandes du clergé du diocèse. A cette date, il s’installa dans une partie du séminaire alors construit. Depuis 1919, il se trouve dans le local qu’il occupe aujourd’hui. Au début il n’y avait de place que pour quarante élèves. Depuis 1931, il est devenu l’un des plus beaux édifices de la ville épiscopale. Jusqu’en 1926, des prêtres séculiers le dirigeaient. A cette date, il passe aux mains des PP. assomptionnistes français de rite roumain, appelés dans ce but par Son Ex. Mgr Nicolesco, alors évêque de Lugoj, actuellement métropolite de Blaj. La nouvelle direction a introduit le français comme langue de conversation, ce qui donne aux élèves une réelle supériorité aux examens de baccalauréat. Les élèves se distinguent aussi par leur piété et leur bonne conduite. De la fondation jusqu’en 1936 sont sortis de l’internat 192 élèves, aujourd’hui membres distingués du clergé, de la magistrature, de renseignement, de la médecine.

2. Entre 1914-1915 et 1918-1919, cet évêché posséda aussi une école normale roumaine unie de Mlles, créée pour la même raison que celle de Gherla. Patronnée par Son Exe. Mgr Valèrc Trajan Frentiu, alors évêque de Lugoj, et sous l’habile direction de Mlle Elisabeth Butean, maintenant Mme Nicola, cette école est en vérité une institution d’élite pour l’Église unie.

A peu près à la même date, fonctionna durant quatre ans, à Lugoj, une académie de théologie. Cette académie n’existe plus. Les grands séminaristes de Lugoj font leurs études théologiques à l’académie de Blaj.

5° L’évèché roumain uni du Maramures avec siège à Baïa Mare (départ, de Salu Mare). — Il a été créé, à la suite du concordat, par la bulle Solemni conventione du 5 juin 1930 par Pic XL En ces quelques années d’existence, l’évèché n’a pu encore fonder aucun institut d’enseignement et d’éducation. Les grands séminaristes suivent les cours des académies de théologie de Blaj, Oradéa, Cluj.

lin résumé, l’archevêché d’Alba Julia et Fâgaras avec siège à Blaj possède, dès 1754, une école primaire, un lycée de garçons, un séminaire de théologie ; dès 1865, une école normale de garçons ; après guerre, une école commerciale supérieure et une école d’arts cl métiers ; dès 1855, un lycée de filles ; plus récemment, une école commerciale, une école normale et une école ménagère : en tout environ 2 000 élèves par an.

L’évèché roumain uni d’Oradéa possède ; à Oradéa une école normale et une école d’application pour les garçons, fondées en 1784 ; un petit séminaire et dès 192 1 une académie de théologie ; à Beius, un lycée de garçons datant de 1828 et un lycée de lilles datant de 1896, avec une population scolaire de plus de 1200 élèves par an

L’évèché roumain uni de Cluj -Gherla possède une académie de théologie dès 1859, et dcu (’((des nor males, une de garçons dès 1859, et une de filles dès 1915, avec environ 600 élèves par an.

Enfin, l’évèché roumain uni de Lugoj possède un internat de 40 élèves par an. Tel est l’actif du bilan ; au passif, après l’union nationale, l’Église roumaine unie a perdu 1 078 écoles primaires, confisquées après 1918, par l’État roumain.

/I. L’ÉGLISE CATHOLIQUE DE RITE LATIN. — 1° L’archevêché catholique de Bucarest. — II date du 27 février 1883. Avant cette date, la Munténie et la Bulgarie formaient ensemble un seul diocèse, administré par l’évêque de Nicopolis ad Istrum. En dépit de l’expansion turque, les principautés roumaines sauvegardaient leur autonomie. Aussi, ces évêques, vers la fin du xvine siècle (1792-1793), comme Paul Dovanlia. résidaient plus volontiers à Bucarest qu’en Bulgarie (il ne faut pas oublier que ce dernier pays n’existe comme principauté qu’à partir du traité de Berlin de 1878). L’évêque Joseph Molayoni (1825-1847) acheta même une propriété dans la capitale de la principauté roumaine ; ses successeurs l’agrandirent.

1. Les écoles.

C’est le religieux rédemptoriste Joseph Forthuber, appelé par l’évêque Fortunat Ercolani, qui ouvrit à Bucarest la première école primaire catholique, vers la fin de l’année 1816. Au début, les cours avaient lieu en plein air, ensuite, dans une maison louée. Il semble que cette école eut peu de succès. L’hétairie grecque, puis la révolution nationale de Théodore Vladimiresco n’étaient pas favorables aux écoles. En 1821, les rédemptoristes quittent Bucarest. En 1823, le franciscain Ambroise Babich, gardien et curé de la paroisse « BârâÇia » ouvre une nouvelle école. [Il est à noter que les

« Bârâ^ie » (couvents franciscains) de Bucarest,

Câmpulung et Bâmnicu-Vàlcea existent depuis plusieurs siècles ; en leur faveur, le vicaire apostolique de ce temps, Joseph Molayoni obtint une subvention annuelle de 200 florins de l’empereur d’Autriche.] Le 31 mars 1824, inauguration solennelle de l’école avec 80 élèves garçons et filles. Louis Bodor, prêtre catholique de Sibiu, connaissant plusieurs langues, est nommé instituteur. L’école est si bien tenue que toutes les notabilités roumaines veulent lui confier leurs enfants. L. Bodor, entrant chez les franciscains est nommé en 1830, curé de Craiova. L’école est alors soutenue par les franciscains de Bucarest. En 1847, un incendie détruit la résidence du vicaire apostolique Molayoni et l’école. Les franciscains construisent une nouvelle école dans la cour de leur monastère, où elle fonctionne jusqu’en 1858, date à laquelle l’évêque Angélus Parsi (1847-1863) construit un nouveau bâtiment. A cette époque le nombre des élèves est de 73 sous la direction du franciscain Bergmann. En 18591860, il y a 54 élèves. L’évêque se rend compte que, sous la direction des laïcs, l’école fait peu de progrès. Il pense la confier à des religieux comme, en 1852, il avait obtenu des « dames anglaises » pour l’école des filles. Il fait d’abord appel aux maristes, puis aux joséphistes, qui ne peuvent accepter. Il réussit enfin avec les frères des écoles chrétiennes, dont le visiteur de Vienne lui envoie un groupe de frères. Le 16 octobre 1861 les frères prennent en mains l’école qui compte à peine H) élèves de diverses nationalités. Le nombre des élèves augmente, lui mars 1862, il est de 120 : en septembre de la même année, de 150 ; en 1863, de 175 ; en 1864, de 188. L’évêque Parsi pense alors à ouvrir un internat. Sa mort prématurée l’empêche de réaliser son désir.

Le nouvel évêque Jos. Ant. Pluym (1863-1869), le 3 mai 1861, obtient des frères qu’ils ouvrent un demiinternat. L’internat ne peut fonctionner, faute d’inl crues. Par contre l’école du dimanche pour les adultes, inaugurée en 1862, a du succès. A la subvention de

l’empereur d’Autriche, qui s’élève maintenant à 500 florins, Alexandre Cuza, premier prince des Principautés-Unies, ajoute un don de 12 000 piastres. Depuis, l’école reçoit du gouvernement roumain une aide de 8 400 piastres, et ce jusqu’au 13 avril 1870.

Sous l’évêque Ignace Paoli (1870-1885), les frères des écoles chrétiennes sont rappelés à Vienne, où se fait sentir le besoin de professeurs. Le nouvel évêque donne des statuts à l’école, qui est mise sous la direction immédiate de l’évêque. En l’absence de frères, on choisit les instituteurs parmi les laïcs de marque, entre autres Giovanni Luigi Frollo, professeur de philologie romane à l’université de Bucarest. En 18721873, le P. Isidore van Stalle, un passionniste, prend la direction de l’école. A cette date, l’école gratuite est fondue avec l’école payante eV on lui ajoute une première classe de lycée ; cette classe sera augmentée de deux autres, dans les années suivantes. Pour les élèves qui habitent au loin, on ouvre une nouvelle école dans la cour achetée pour la cathédrale. Au début, elle n’a que deux classes ; mais bientôt on y ajoute les IIIe et IVe classes.

Passant par de nombreuses vicissitudes, l’école atteint en 1914 : le chiffre de 1 135 élèves dont 486 catholiques. L’archevêque actuel, Mgr Al. Th. Cisar, obtient le droit de « publicité », non seulement pour les écoles épiscopales de Bucarest, mais encore pour les écoles paroissiales de Craiova, Ploesti, Braila, Turnu-Severin et Pitesti. Sous la direction de frère Iulius Carol Breyer, autrichien romanisé, le vieux gymnase « réel » se transforme en lycée d’État Saint-Joseph.

Le 1 er septembre 1926 l’école archiépiscopale Saint-André obtient elle aussi le droit de publicité. Le 15 septembre 1932, elle reçoit l’autorisation du ministère d’ouvrir la Ve classe, pour devenir par degrés lycée à huit classes. L’école d’ailleurs se montre digne de cette confiance, par la préparation sérieuse des élèves.

L’enseignement féminin dans l’archevêché catholique de Bucarest est représenté par les « dames anglaises », religieuses de la province de Nymphenburg (Bavière). Elles viennent, dès novembre 1852, diriger l’école de filles de la résidence épiscopale. L’école compte de quatre-vingts à quatre-vingt-dix élèves. Le 22 mai 1853, l’évêque Parsi voulant annexer un internat à l’école, obtient encore six religieuses, dont l’une, Mère Barbara "Wùrdinger, est la véritable fondatrice de l’institution actuelle Sainte-Marie. L’internat s’ouvre modestement en octobre 1853, puis l’institut devenant prospère achète un terrain à son nom, sur lequel le 25 mars 1858, en présence du prince régnant Alexandre Ghica, des membres du gouvernement et des représentants des puissances étrangères, on posait la première pierre cle l’actuel institut de la rue Pitar Mos. De nos jours encore, l’institut jouit de la haute faveur de la maison régnante. La première création de l’institut est un orphelinat, commencé à Bucarest en 1864 avec neuf orphelines, et transporté ensuite à Cioplea, près de Bucarest, dans une maison construite par les religieuses, qui abrite au début 25 orphelines, et devient par la suite le noviciat des passionnistes. Pendant deux ans (1864-1866) les religieuses anglaises ont aussi la direction de l’asile « Elena Doamna » de Cotroceni-Bucarest. Les religieuses se dévouent encore à l’école primaire de la « Bàrâtié », où l’évêque Pluym leur construit une école. Le nombre des élèves dépassant 200, le besoin d’un nouveau local se fait sentir. Ce local est béni le 31 août 1891, par le curé Augustinus Struzina. qui en avait assuré les frais. Le 30 août 1879, on inaugure l’école Saint— Joseph de la rue de La Fontaine (aujourd’hui rue Général-Berthelot). A côté de l’école piimaire, on ouvre ici un cours de ménage, de travaux manuels et de couture, ainsi qu’un jardin

d’enfants. Depuis 1909, le local abrite aussi un orphelinat de filles. L’archevêque Paul Jos. Palma, passionniste (1885-1892), insiste pour que les sœurs fondent aussi des écoles en province. En 1885, à Braila ; en 1889, à Craiova ; en 1894, à Turnu-Severin. Tous ces instituts possèdent un cours primaire et un internat. En 1930, à Bucarest, de nouvelles constructions viennent s’ajouter aux anciennes. Les institutions de province sont aussi en plein progrès. C’est ainsi que celle de Braila va compléter ses cours primaires par un cours complet de lycée. En 1902, l’institut compte 237 religieuses, et 1588 élèves du cours primaire ; en 1914, 2 316 ; depuis, leur nombre se maintient au-dessus de 2 000. Le 9 juin 1934, le ministre de l’Instruction publique, M. Constantin Angelesco, accompagné du secrétaire général Jules Valaori, et du directeur général Augustin Caliani, assiste en personne aux examens de fin d’année et félicite la direction. Le 20 avril 1934, l’inspecteur général Al. Pteancu avait déjà fait un rapport très élogieux sur la marche de l’école.

Depuis longtemps existent à Galati et à Iassy les instituts des sœurs de Notre-Dame de Sion ; on sentait le besoin de leur présence dans la capitale du pays. En 1898, les religieuses de Sion prennent en location un immeuble, pour une école qui d’abord modeste finit par compter neuf classes. Entre temps, éclate entre la congrégation et le ministère des Cultes un regrettable conflit qui s’apaise d’ailleurs, en sorte qu’en 1906 on compte 1Ô3 élèves et’M religieuses. En 1914, il y a 46 religieuses et 2 17 élèves, dont 164 internes, 83 semiinternes ; en 1936-1937, plus de 400 élèves.

Pour ne pas faire concurrence à l’institut similaire de Sainte-Marie sous la direction des dames anglaises, l’institut de Notre-Dame de Sion recrute ses élèves dans la haute société roumaine.

L’institut de Sion est lui aussi soumis à des inspections officielles dont les rapports sont très élogieux, aussi n’est-il pas étonnant que la congrégation ait été priée d’ouvrir encore un institut à Oradéa, à la frontière ouest du pays. Cet institut, bien qu’à ses débuts, possède un très beau local, plus de deux cents élèves et un corps enseignant distingué.

2. Les écoles catholiques pour les Magyars.

Elles ont été créées avec l’aide de la société Saint-Ladislas de Budapest. Cette société prend en location des immeubles, achète eles terrains, construit, paie les instituteurs, développe une action immense, élans l’intérêt de ses nationaux habitant le Yieux-Hoyaume. C’est ainsi qu’en 1903, elle achète à Bucarest, une maison pour une école de filles avec deux classes et 115 élèves. En 1904, elle achète une autre maison, où se transporte l’école avec 2(>i élèves. En 1906, il y a cinq classes avec 335 élèves, 8 institutrices et un professeur de religion. Sur le même terrain on construit une école pour les garçons. Leur nombre croît chaque année. En 1914, ils sont 306. Au début, la direction en est confiée aux frères des écoles chrétiennes pour passer ensuite aux mains des laïcs. En 1903. on achète un immeuble scolaire à Tàrgoviste. En 1905, cette école compte 38 élèves ; à Turnu-Severin une trentaine d’élèves y viennent apprendre la langue hongroise. A Pitesti on annexe à l’école catholique une section magyare, pareillement à Craiova, où en 1904 elle compte 23 élèves. A Braila on crée une section magyare à l’institut Sainte-Marie des dames anglaises. Cette section est fréquentée par une cinquantaine d’élèves et dirigée par sœur Michaëla. Pour les garçons, on a loué, puis acheté un terrain dans la rue Bâlcesco, où l’on construit une école spéciale. En 1904, on ouvre à Bucarest un jardin d’enfants, dont la nécessité s’avère par le nombre de plus en plus grand des enfants qui la fréquentent. La même année, on fonde des écoles catholiques magyares

à Plocsli et à Giurgiu. Ces écoles sont construites sur un terrain appartenant à la paroisse. A Giurgiu, le curé Jean Balinth l’ait (onction d’instituteur, auprès de 33 élèves. A Ploesti, l’école est dirigée par le curé Julius Dwoucet, avec 11 élèves. En 1905, on fonde une école à Buzâu, mais elle est supprimée en 1911, faute d’élèves. Le succès de ces écoles est dû en grande partie au zèle de Mgr Augustinus Kuczka.

3. Le séminaire archiépiscopal.

Lorsque Ignace Paoli arrive de Rome à Bucarest, il trouve son diocèse sans prêtres. Il se rend compte aussitôt du besoin d’un clergé autochtone, qui connaisse la langue et les coutumes des fidèles. Aussi, dès novembre 1870, il reçoit le premier séminariste. Au début de l’année suivante, il en reçoit six autres, parmi lesquels Jules Ilering, aujourd’hui chanoine senior et chancelier épiscopal. Les séminaristes suivent les cours dans les écoles épiscopales ; pour le français et le latin, ils ont des cours spéciaux. En septembre 1872, Aloyse Irwin, passionniste, sépare les séminaristes des autres élèves, organisant un programme spécial qui prévoit, en plus de l’étude de la langue allemande, celle des langues hongroise et bulgare. Il ne faut pas oublier qu’à cette date la Bulgarie et la Munténie formaient un seul diocèse, et que pour une dizaine de villages bulgares, il fallait bien en savoir la langue.

Le séminaire, à ses débuts, est plutôt une école apostolique pour les passionnistes. Les élèves doivent apporter en entrant une déclaration de leurs parents permettant à leurs enfants de devenir religieux de cet institut. En 1874, le directeur se transporte avec quatre séminaristes à Cioplea, dans l’ancien orphelinat des dames anglaises. Ils y suivent les cours de philosophie et de théologie. C’est déjà le grand séminaire. Le petit séminaire avec 18 élèves, occupe toujours une partie de la résidence épiscopale de Bucarest, sous la direction d’un autre religieux. Ces séminaristes font partie de la famille religieuse de l’évêque qu’ils servent à la chapelle où le roi Carol I er vient faire ses dévotions le dimanche. A la fin de l’année scolaire, les examens sont publics, pour stimuler les élèves ; Mgr Ign. Paoli y invite d’habitude un représentant du corps diplomatique. Les discours se tenaient en français. Cependant en 1884 et en 1887, ils sont en latin.

Plus tard (1877-1878), Mgr Paoli voulut assurer l’existence matérielle du séminaire. Dans ce but il acheta les immeubles des franciscains de Câmpulung-Muscel et de Ràmnicul-Yàlcea. En 1886-1887 la direction du grand séminaire passa aux mains du prêtre roumain uni Démétrius Badu, plus tard évêque de Lugoj et d’Oradéa. Dans l’été de 1891, sur l’ordre de l’administrateur apostolique Constantinus Costa, les grands séminaristes furent dispersés dans divers grands séminaires à l’étranger et le petit séminaire se transporta à Cioplea, sous la direction du P. D. Radu. A la même époque on construisit un séminaire à Bucarest, qui fonctionna à partir de septembre 1893. Le séminaire 0< cupe son local actuel depuis l’automne 1926. Du grand séminaire sont sortis, depuis sa fondation. 89 prêtres.

2° L’évêché catholique de Iassij (Moldavie). — Il a d’anciennes origines. En 1228, l’évêché des Cumans est fondé et confié aux dominicains. En 1371, le pape Urbain v crée l’évêché du Siret. En 1401, cet évêché, sur la proposition du prince de Moldavie, Alexandre le Bon, transporte sa résidence à Bacàu. La Réforme, qui règne en Transylvanie, luthérienne chez les Saxons, calviniste et unitarienne chez les Magyars, menace gravement le catholicisme moldave. Celui-ci est sauvé par le prince de Moldavie, Pierre V le I toiteux, qui, par les décrets de Iassy, 22 août 1587. et de Tzupna 1588, appelle les jésuites à Cotnar, e1’es soutient durant ses courts passages sur le trône (1571-1579 et 1582-1591)

Le catholicisme en Moldavie est aussi soutenu par les visiteurs et préfets apostoliques de l’ordre des conventuels ; entre autres par Joseph Tomassi qui a sa résidence à Iassy ; par Joseph Salandari, évêque de Marcianopolis, zélé et savant, sachant bien cinq langues, dont le roumain. Ce dernier donne une grande attention a l’éducation catholique. C’est lui qui appelle à Iassy les religieuses de Notre-Dame de Sion, mettant à leur disposition deux maisons. En mars 1866, les filles passent de l’école primaire mixte qui fonctionnait déjà sous la direction d’un instituteur catholique à la nouvelle école des religieuses. En avril de la même année, un bon nombre de dames de l’élite de la société de Iassy demandent à l’évêque Salandari de bien vouloir ouvrir un institut sous la direction des mêmes religieuses pour les filles de la classe aisée. L’évêque transmet ce désir à la supérieure générale, qui accepte la proposition et en juillet 1866 envoie dix mères pour le nouvel institut. C’est le rectorat de l’université de Iassy qui transmet à l’évêque l’autorisation officielle.

L’institut comprend aujourd’hui : un pensionnat, cours primaire et lycée avec plus de 450 élèves ; un externat avec cinq classes secondaires, avec programme particulier et plus de 100 élèves ; une école pour les enfants pauvres ; quatre classes primaires, avec plus de 200 élèves ; une école complémentaire (atelier de couture) pour 150 élèves. L’institut entretient encore une école primaire à quatre classes pour 200 garçons pauvres ; un patronage pour 300 jeunes filles de onze à vingt ans ; une association des mères chrétiennes, avec une section pour les églises pauvres. En 1868, les religieuses de Notre-Dame de Sion ouvrent aussi une école à Galat-i-Covurlui, d’abord pour la population catholique pauvre, ensuite pour les bonnes familles du grand port danubien. Aujourd’hui l’institut comprend : un pensionnat, cours primaire et lycée, avec classes parallèles et langue française comme langue d’enseignement, avec à peu près 350 élèves ; une école pour les filles d’ouvriers avec quatre classes primaires et à peu près 200 élèves : un cours supplémentaire avec atelier de couture.

Mgr Salandari pense aussi à un séminaire pour le recrutement du clergé indigène nécessaire aux 89 églises et aux 12 chapelles que possède alors son diocèse. A sa mort (29 décembre 1873), la construction du séminaire est à peu près terminée.

Son successeur, Mgr Antoine M. Graselli, évêque de Trébizonde, imprime un compte rendu sur l’état de la mission moldave. Le diocèse comptait alors quatre doyennés :

Iassy avec 6 paroisses, pour 45 villages. Siret avec 9 paroisses, pour 25 villages. Bacau avec 7 paroisses, pour 49 villages. Trotus avec 5 paroisses, pour 103 villages. Soit au total 27 paroisses, pour 222 villages.

On voit encore que dans ces 222 villages il y a 101 églises, dont (i 1 de bois, 3 chapelles privées et 39 prêtres. En plus de l’institut Notre-Dame de Sion y sont mentionnés l’institut Saint-Antoine de Padoue, et l’institut Sain.t-André. On compte 58 829 fidèles, de langue française, roumaine, italienne, allemande, illyrique, polonaise, hongroise et ruthène ; quelques roumains unis.

Le 25 mars 1882, vient à Iassy Mgr Nicolas Joseph Camilli, évêque de Mosynople. Après la création de l’archidioeèse de Bucarest en 1883, il est nommé, le 14 juin 1881, premier évêque de Iassy.

Le 29 août 1880, il ouvre le séminaire diocésain de Iassy sous le patronage de l’archange saint Michel. Le 29 mars 1892, l’évêque élit solennellement saint Joseph comme patron de ses fidèles et du séminaire. Pour soutenir le séminaire, il entreprend de fatigants voyages en France, Italie, Belgique, Allemagne,

Autriche. L’évêque trouve une aide efficace pour son oeuvre, dans son confrère Joseph Malinowski.

Dès sa fondation, ce séminaire est confié aux soins des jésuites de la province de Galicie. Après une interruption de vingt-trois ans, ce sont des Pères de la Compagnie de Jésus qui le dirigent aujourd’hui encore. L’intérim a été fait par les prêtres de la mission (lazaristes), et surtout par les prêtres séculiers du diocèse.

Une mention spéciale est due à Mgr Dominique Jaquet, O. M. C, gardien du grand monastère de Fribourg (Suisse), consacré évêque de Iassy le 3 mars 1895. Pendant les huit années de son épiscopat, il construit le nouveau séminaire de Copou. Jusqu’alors le séminaire fonctionnait dans la résidence épiscopale. Après sa démission du siège de Iassy, il reprend son activité de professeur d’Écriture sainte à l’université de Fribourg, ensuite comme professeur d’histoire ecclésiastique au collège séraphique international de Rome.

En cinquante ans d’existence, quarante-six prêtres sont sortis du séminaire, parmi lesquels il faut noter Son Exe. Mgr Robu, évêque actuel de Iassy ; Mgr Cisar, archevêque de Bucarest, fut lui-même professeur au séminaire. Diomède Ulivi, après de brillantes études, est nommé professeur au gymnase épiscopal (18981900). Il complète à Fribourg les études faites dans le pays. Il voyage en Amérique, Italie, Pologne. A Venise, il découvre le fameux fragment Hic Dominus, le fragmentum Ulivianum de l’étude historique fameuse Fragmentum Fanluzzianum.

Antoine Gabor, prêtre, professeur lui aussi au séminaire, devient l’apôtre de la presse catholique de Moldavie. Il lance les revues Lumina Cresliniilui [La lumière du chrétien] et Senlinela calolicâ [La sentinelle catholique], crée l’institut de la Bonne-Presse de Iassy, avec succursale à Chisinâu [Kichenef] de Bessarabie, ardent champion de l’union des Églises. Jean FerenJ, collègue du précédent à l’université d’Inspruck, professeur au séminaire, est auteur d’études historiques de valeur. Dans la revue Cullura creslinâ de Blaj il a fait paraître une étude approfondie sur l’évêché des Cumans. Il est mort curé de Butea, dans la fleur de l’âge.

Parmi les écoles primaires confessionnelles de la Bukovine, qui d’après le concordat se rattachent au diocèse de Jassy, nous trouvons à Cernâu^i (Cernowitz ) une école confessionnelle catholique mixte, fondée en 1896 avec quatre classes primaires, et cinq secondaires, 10 instituteurs, 180 élèves. Trois langues d’enseignement : polonais, roumain et allemand, et droit de publicité. Cf. Dr. C. Angelesco, Loi de l’enseignement particulier [en français], Bucarest, 1925, p. 71.

Le P. Bonaventure Morariu, O. M. C, alors provincial de cet ordre, comme curé de Gala^i. a obtenu le droit de publicité pour l’école paroissiale de cette ville, fondée par son confrère François Orlando en 1914 pour cent cinquante élèves.

A Liuzi-Câlugâra (Bacâu). depuis 1923 fonctionne une école de chantres d’église, avec quatre classes. Ces chantres sont les collaborateurs des prêtres pour le catéchisme, la sacristie, le chant d’église. Une école semblable fonctionne aussi dans les mêmes conditions à Sàbâoani-Roman à partir de 1934, qui avait déjà existé en 1875.

3° Le diocèse catholique de rite latin de Salu-Mare et Oradéa. — Unis par le concordat, ils ont un seul grand séminaire, avec deux ans de philosophie à Satu-Mare, et quatre ans de théologie à Oradéa.

Ce séminaire reflète, naturellement, en grande partie le passé de ces deux diocèses. L’évêché de Satu-Mare date de 1804. Celui d’Oradéa plus ancien, avait été réorganisé après 1692, c’est-à-dire après qu’on eut

chassé les Turcs de cette ville. Au début les prêtres de ce diocèse recevaient leur éducation des jésuites de Casovia (Kaschau, Kosice). En 1740, l’évêque Nicolas Csaky ouvre dans sa résidence un séminaire pour douze clercs, sous la direction de deux professeurs de l’ordre des ermites. Un des buts de ce séminaire était la récitation des heures canoniales à la cathédrale, ainsi que l’étude du chant ecclésiastique et de la liturgie, aussi le séminaire suivit-il la cathédrale quand elle se transporta sur la rive droite du Crish rapide. En 1806, l’évêque François Miklôssy construit un immeuble réservé au séminaire dans lequel, sur l’ordre de l’empereur Léopold II, les clercs roumains unis suivirent les cours de théologie, jusqu’en 1918. En 1889, le cardinal évêque Laurentius Schlauch ajoute à l’ancienne construction une aile nouvelle. Ce bâtiment est occupé actuellement par la congrégation des sœurs sociales. En 1929, on affecta au séminaire le second étage de la résidence épiscopale. Jusqu’en 1930, les cours du grand séminaire duraient quatre ans ; depuis, on les fait précéder d’une année de philosophie, puis à partir de 1933, selon le désir du Saint-Siège, de deux années de philosophie.

Le séminaire de Satu-Mare a produit un grand nombre de prêtres, un évêque diocésain, Ladislas Birô (1866-1872), et les professeurs universitaires de Budapest : Aloyse Gryneus († 1860) et Aloysi ; Wolkenberg († 1935). Du séminaire d’Oradéa sortent les professeurs universitaires : François Stanczel, Etienne Székely († 1927), auteur d’études bibliques importantes, et Arnold Pataky. D’après la statistique de 1931, l’évêché de Satu-Mare compte 45 écoles, dont 42 primaires et 3 secondaires avec un total de 119 professeurs et 5 861 élèves ; celui d’Oradéa a 72 écoles, dont 66 primaires et 6 secondaires avec 159 professeurs et 4 936 élèves.

L’évêché catholique de Timisoara.

Il possède

lui aussi un petit et un grand séminaire, comme aussi d’autres institutions d’enseignement et d’éducation ecclésiastiques.

1. Les séminaires.

Comme dans les autres diocèses, l’histoire du séminaire est en étroite liaison avec celle de l’évêché lui-même. Cet évêché a ses origines au xie siècle. Du premier évêque qui est saint Gerhardus († 1046), titulaire de Morisena, jusqu’à l’évêque actuel, S. Exe. Mgr Augustin Pacha, on compte quatre-vingt-neuf évêques. Jusqu’en 1716, les Turcs sont souverains du territoire de l’évêché d’aujourd’hui. Ce n’est qu’après leur expulsion que viennent les colons allemands catholiques ; avec eux la vie catholique est en pleine efflorescence. Pendant longtemps, le diocèse n’a pas de séminaire propre. Ses séminaristes (deux au début, puis sept, et douze) sont élevés à Tyrnavia, Neutra, etc. Joseph II les éparpille à travers tous ses séminaires centraux de Buda, Zagreb, Bratislava, Tyrnavia, Agria, où il leur donne une éducation très libérale. En 1806, l’évêque Ladislas Kôszeghy de Remete (1800-1828) demande et obtient de l’empereur d’Autriche François I er, l’ancienne maison des jésuites, pour en faire un séminaire diocésain. Le nouveau séminaire contient 44, plus tard 48 séminaristes. L’empereur fait une fondation de 800 florins. L’évêque, le chapitre, les paroisses donneront le reste. Le premier directeur est le frère de l’évêque.

L’évêque Alexandre Csajâghy (1851-1860) crée à côté du grand séminaire, un petit séminaire ; compose un règlement écrit en langue latine classique : vie spirituelle, études, professeurs, examens, vacances, habillement, etc., rien n’échappe à son observation. Il met les séminaristes sous la protection céleste de l’Immaculée Conception. L’évêque se rendant compte que la population du diocèse est polyglotte, impose aux séminaristes de bien savoir au moins deux langues,

sous peine de n’être pas ordonnés prêtres. Il embellit la cathédrale, introduit les retraites cléricales, les missions pour le peuple. L’édifice actuel du séminaire est l’œuvre de Mgr Jules Glattfelder de Mor (1911-1930). Il en bénit la première pierre le 5 novembre 1913, et le livre à sa destination le 8 août 1914. L’évêque actuel S. Exe. Mgr Pacha inaugure « Banatia » (un internat de garçons, une école normale et primaire catholique de langue allemande). Ce séminaire, jusqu’à présent, avec un grand nombre de prêtres, a donné à l’Église six évêques diocésains (parmi lesquels L. Exe. Mgr Pacha de Timisoara, et Mgr Etienne Fiedlcr de Satu-Mare et Oradéa) ; ainsi que deux cardinaux : Joseph Mihnlovics, archevêque de Zagreb († 1891) et Laurent ius Schlauch, évêque de Satu Mare et ensuite d’Oradéa(† 1902).

2. Le lycée piarisle de Timisoara.

La maison et l’école piariste ont été fondées en 1750 dans la commune S. Ana (Arad). L’école, à ses débuts, avait trois classes seulement. En 1772, la veuve du fondateur, par une nouvelle fondation, ajoute aux classes existantes, deux classes d’humanités. En 1788 ou 1790, les autorités militaires occupent les édifices pour y établir un hôpital, et transportent les piaristes dans l’édifice des franciscains de Timisoara. En 1806, paraît la Ratio educationis qui élève à six le nombre des classes secondaires. Sur la base de YEnlivurf der Organisation der Gymnasien publié en 1850, le gymnase à six classes se transforme en lycée à huit classes. En 1852 est aussi réglée la question du personnel enseignant. Pour les classes de I à V, les professeurs sont de l’ordre des piaristes, et pour les classes VI-VIII, se sont des prêtres séculiers du diocèse nommé alors de Csanad. Cet état de choses dure jusqu’e i 1904, quand l’ordre des piaristes devient entièrement maître de l’école. Le nouvel édifice est construit en 1909, avec l’aide de la ville, de l’évêque, Mgr A. Dessewffy et de la fondation lîonaz. Dans le nouveau local, les cours commencent en 1909-1910. Avec l’année scolaire 19231924 commence une nouvelle phase, le roumain devenant langue d’enseignement. On enseigne aussi la langue hongroise. La religion est apprise aux élèves dans leur langue maternelle.

L’évèché catholique de rite latin d’Alba Julia.


Nommé auparavant de Transylvanie ; il a un séminaire appelé Incarnala sapientia.

1. Le séminaire.

("est l’évêque Sztoyka qui le fonda en 1753. Auparavant, non seulement le séminaire de théologie, mais l’évèché lui-même avaient été supprimés par les Magyars calvinistes et unitariens. Le local du séminaire est un ancien monastère bénédictin. Dans l’aile occidentale est installée l’ancienne bibliothèque, possédant jadis un observatoire astronomique, le Jlaltijancum ; à l’aile orientale, après divers autres établissements, le séminaire. Les dernières innovations sont dues à l’évêque Gustave-Charles Majlàth. Le pape Paul V avait envoyé à ses frais deux séminaristes diocésains à Vienne et à 01mùtz. Mais actuellement, ainsi que les autres institutions similaires, le séminaire souffre du manque des bourses qu’il possédait avant la guerre au Pazmaneum de Vienne et en d’autres inslituts. Présentement le séminaire comprend quarante-huit séminaristes avec baccalauréat, devant l’aire cinq ans de théologie ; à partir de l’année scolaire 1936-1937, le régime est établi de deux ans de philosophie et quatre ans rie théologie. L’évèché a encore quatre séminaristes au Collège germanique ainsi qu’à l’Apollinaire de Rome.

2. Le lycée de garçons catholique de rite latin d’Alba Julia. — C’est le plus ancien du pays. Ses origines remontent à 1550, époque où une école du chapitre des chanoines de cette ville préparait la Jeunesse à la carrière ecclésiastique. I.e vrai début date de 1579,

lorsque les jésuites ouvrirent, dans le vieux monastère dominicain, sur l’emplacement de l’école d’aujourd’hui, leur institut, dont le premier directeur fut le P. Jean Leleszi. L’école reste sous leur direction de 1579 à 1607. A cette date, après les expulsions répétées des Pères de la Compagnie, l’institut passa sous la direction de prêtres séculiers. Sur la base du décret Norma regia, la langue d’enseignement dans les deux classes inférieures était la langue magyare, et dans les deux classes supérieures la langue latine. L’empereur Joseph II en fit deux fois l’inspection, en 1783 et en 1780. Le roi François I er et la reine visitent le lycée et l’internat en 1817. Le 24 juin 1849, pendant le siège de la ville, l’immeuble est démoli mais est restauré immédiatement après par l’évêque Louis Haynald. Dans l’immeuble restauré, l’école fonctionne jusqu’en 1899, date à laquelle elle est transportée dans le local actuel, construit par le Status romano-catholicus transijluanicus.

Par ailleurs, l’évolution de cette école est à peu près la même que celle, des autres institutions catholiques similaires.

3. Le lycée de garçons catholique de rite latin d’Odorheiu.

— Il est la continuation de la vieille école dominicaine du Moyen Age, supprimée vers le milieu du xvie siècle, par la Réforme. Quarante ans après, en 1593, l’école revit grâce au zèle des jésuites. L’un d’eux, le P. A. Mediomontanus arrive sur les lieux à Noël 1592, pour restaurer le catholicisme, avec l’aide du commandant de la cité, Valentin Mindszenti, et de l’épouse de celui-ci Anne Ban fi. L’année suivante arrive le P. Gr. Marosvàsârbelyi, le traducteur du catéchisme du P. Canisius. En 1593, l’école comprend 100 élèves. Les jésuites élèvent la première construction pour cette école vers 1650. Eux-mêmes la dirigent jusqu’en 1774. Après la suppression de la Société, c’est la Catholica commissio. créée au sein du gouvernement provincial d’Ardéal pour administrer les fondations catholiques, qui prend soin de l’école. Cet état de choses se maintient jusqu’en 1866, quand la susdite commission est dissoute et remplacée par le Status romano-catholicus transylvanicus. L’école a, au début, l’organisation des vieilles écoles d’humini.éi. Entre 1809 et 1831, elle se nomme gymnasium regium. Dans les dix dernières années du siècle dernier, elle devient lycée catholique de rite latin. Le local actuel date de 1909-1910. L’entretien de l’école revient au conseil directeur du diocèse catholique de rite latin d’Alba Julia.

4. Le lycée de garçons catholique de rite latin de Micrcurea Crue. — Il a été fondé par les franciscains à Sumulcu-Ciuc vers le milieu du xviie siècle. Le premier local élevé par ces religieux est démoli par les Tatares en 1661. Il est reconstruit en 1669 et en deux fois. Ces religieux le dirigent jusqu’en 1774. A cette date, c’est la Catholica commissio du gouvernement d’Ardéal qui supporte les frais d’entretien, tandis que la direction didactique et pédagogique reste entre les mains des religieux jusqu’en 1852. A partir de 1853, on y trouve aussi des prêtres séculiers et même des laïcs. A partir de 1901, les religieux se retirent et laissent la place aux prêtres séculiers et aux laïcs. Après la suppression de la commission, le Status puis le conseil directeur de l’évèché ont pris en main l’entretien de l’école. Ce conseil a construit en 19091910 l’immeuble actuel.

5. Le lycée de garçons catholique de rite latin de Tdrgul Sâcuesc. — Il a été fondé en 1680 par Moïse Nagy, cure d’Estelnic. Près du lycée est construit un internat pour les jeunes nobles séklers. L’histoire de ce lycée a cinq périodes : entre les années 1080 et 1696, le lycée fonctionne à Estelnic ; entre 1696 et 1715, il se transporte à Tàrgul Sâcuesc ; entre 1745 et 1849, en plus des cours de gymnase, fonctionnent aussi les cours de

philosophie : entre 1862 et 1899, l’école fonctionne comme gymnase à quatre classes ; en septembre 1899, s’ouvre la Ve classe de lycée, puis les trois suivantes, qui portent le lycée à huit classes. L’école a le « droit de publicité », reconnu par le ministère de l’Instruction publique depuis 1928. Il existe encore dans cette ville une école normale, fondée en 1858 à Sumuleu-Ciuc par l’évêque L. Haynald et transférée, en 1923, à Miercurea-Ciuc. Depuis 1931, elle ne possède que les classes supérieures 1Y-Y1I, avec droit de publicité reconnu par le ministère.

6. Le lycée de garçons catholique de rile latin de Târgul-Mures. — Il fut fondé par les jésuites, à une date non encore précisée. Ce sont eux qui construisent le premier local de l’école entre 1704-1708. sur l’emplacement de l’église catholique actuelle. Le lycée reste sous leur direction jusqu’en 1774. Depuis cette date jusqu’en 1806. c’est la Catholica commissio qui s’en occupe, puis le Status, devenu conseil directeur du diocèse catholique d’Alba Julia. L’organisation est celle des écoles secondaires du temps. Entre 17041848, l’école se nomme gymnasium regium. ensuite gymnasium catholicum..Jusqu’en 1778. elle a trois classes ; à partir de 1778, cinq. En 1869-1870, elle devient gymnasium majus, avec six classes ; et en 1897-1898, gymnase supérieur avec huit classes. L’ancien bâtiment a servi entre 1784 et 1905. lui 1905, le Status construit l’immeuble actuel.

7. Le lycée de garçons catholique de rite latin de Cluj. — 11 a été fondé en 1579 par Stefan (Cristophorus) Bathory de Somlyô, alors prince d’Ardéal et roi de Pologne. L’acte de fondation est daté de Yilna (Pologne) le 12 mai 1581. Au début, l’école est ouverte par les jésuites dans un ancien monastère bénédictin. Puis on la transporte au centre de la ville vers 1700. A la même époque on construit l’internai et son église en style baroque. Pendant près d’un siècle et demi, l’école est dirigée par les jésuites, qui lui donnent l’organisation du cycle de six ans, de règle dans leurs instituts. La matière principale, après la religion, est la langue latine. On y enseigne aussi l’histoire, le grec, l’arithmétique et la géométrie. Pendant longtemps seule école catholique existante, elle est très recherchée par la jeunesse île tout l’Ardéal. lui 1776, les piaristes en prennent la direction. Le régime de l’enseignement suit en grande partie la Norma regia de 1781. L’école a possédé des professeurs renommés. Rappelons le P. Milanesi, professeur de médecine ; Stefan Szanto-Arator, traducteur de la Bible ; Mathias Sambar, écrivain ecclésiastique ; Martin Szentivanyi, professeur de droit ; David Szabo de Barot, écrivain ; Max Ilell, astronome ; Jean Molnar-Piuaru, oculiste ; Martin Bolla, historien ; Henri Finaly, linguiste ; Geza Czirbusz, géographe, etc.

Mentionnons parmi les anciens élèves, le célèbre cardinal Pierre Pazmany, métropolitain-primat de Hongrie ; les évêques catholiques de rite latin Joseph Martonfi, Nicolas Kovats, François Lonhart ; de rite roumain uni Jean Giurgiu de Patak et Jean Lemeni ; orthodoxes. Nicolas Popea et Basile Moga : le métropoli ! e orthodoxe Jean Metiano : les écrivains Clément Mikès, Pierre Apor, Farkas Cserey, Nie. Josika, Stefan Petelei, Georges Sincaï, Pierre Major, Georges Lazàr, Théodore Racocea, Georges Haritiu. Aron Pumnul, Jean Maïoresco, le juriste Carol Szasz, le héros national roumain Avrani Iancu, et d’autres.

//I. LES CATHOLIQUES DE RITE ARMÉNIEN. — Bien

que n’étant que 36 000 fidèles, ils possèdent depuis le 5 juin 1930 un administrateur apostolique, le P. Sahag Gokian (de la congrégation des mékitaristes de Vienne) qui relève directement du Saint-Siège. La cathédrale de la Sainte-Trinité, avec trois prêtres et la résidence de l’administrateur sont à Gherla-Somes. Il

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

y a encore cinq paroisses, toutes ayant leur titulaire. Les Arméniens catholiques possèdent encore huit chapelles et trois séminaristes. Ils possèdent une école primaire avec trois instituteurs et cinquante-quatre élèves ; deux orphelinats et deux asiles de vieillards ; des réunions de piété eucharistique, de Sainte-Anne, du Saint-Rosaire, du Sacré-Cœur. Les dissidents sont au nombre de 18 000, avec vingt-trois églises, cinq chapelles et vingt-quatre prêtres.

Voir les annuaires des écoles mentionnées dans le chapitre.

IV. Les ordres religieux.

I. DANS LES DIOCÈSES DE RITE ROUMAIN. — 1° L’ordre de Saint-Basile le Grand. — I ! existe dans l’Église roumaine unie depuis 17 17. Cette année-là, les premiers moines basiliens, Grégoire Mær (alias Maïor), Silvestre Caliani et Géronce Cotorea, entrèrent au monastère de la Sainte Trinité de Blaj. En 1750, Alhanase Rednic vint de Muncaciu. Grâce à ces moines, nous voyons s’ouvrir les écoles de Blaj. A partir de 1784, l’ordre, pour plusieurs raisons, mais surtout à cause du joséphisme niveleur, commence à vivoter et à végéter jusqu’en 1870. Depuis ce moment-ci, jusqu’à nos jours, l’ordre est à peu pies inexistant. Il est vrai que, de temps à autre, nous voyons des moines paraître, mais sans qu’ils puissent mener une vraie vie monastique, au point que la branche de l’ordre basilien de Blaj disparaît complètement.

1. Le monastère de Bixad.

lia été fondé en 1700 par l’archimandrite Isaïe de Trébizonde. De là, ce moine exerça une propagande active dans les régions cu nord-ouest du pays, surtout dans la région nomnue la terre de l’Oash », en faveur de l’union avec l’Église de Rome, lui 1701, l’archimandrite est tué perfidement par des brigands, poussés par les calvinistes qui veulent enrayer sa propagande religieuse. Apres sa mort, le monastère resta désert jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, moment où, à la suite des demandes réitérées de la population, le protohigoumène de.Muncaciu. dont dépendait Bixad, envoya quelques moines. Dès lors, il y a toujours eu des moines ici, soit roumains, soit appartenant a d’autres nationalités. En loin, le monastère devint complètement roumain, car les Rut hènes restèrent a peu près tous sous la domination tchécoslovaque. En 1925, à la mort du dernier hiéromoinc roumain de la commune observance, le monastère passa aux basiliens de la branche polonaise, réformée par ordre de Léon XIII. Pendant l’été de cette même année, trois hiéromoincs et un frère convers s’installèrent dans le monastère, ouvrant avec l’autorisation du Saint-Siège un noviciat particulier et commençant une activité missionnaire très intense. La nouvelle fondation fut très rapidement connue. Bixad étant le lieu de pèlerinage le plus connu dans le nord de la Transylvanie, possédant une icône miraculeuse très célèbre, dont le culte attire chaque année de 50 à 60 000 pèlerins.

En 1927, le monastère de Bixad reprend la publication de la revue pastorale : Cuininlul adevârului [Parole de la vérité], fondée par un moine basilien de Prislop en 1913. Cette revue est d’un grand secours aux prêtres du ministère. En 1932, le monastère organisa une imprimerie qui permit aux moines de s’adonner à la publication à bon marché de brochures populaires religieuses. De la fondation de l’imprimerie jusqu’à la fin de l’année 1936, les Pères ont pu publier 170 000 brochures populaires. En 1933, les moines lancèrent un petit bulletin Misionarul Eucharistie Lc missionnaire eucharistique], organe de l’association des prêtres adorateurs, dont le centre se trouve à Bixad. Les religieux entreprennent de nombreuses missions populaires dans de multiples paroisses de

T. — XIV. — 3.

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    1. ROUMANIE##


ROUMANIE. ORDRES RELIGIEUX

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la province métropolitaine, et souvent donnent des retraites aux prêtres et aux séminaristes dans les différents centres.

A présent, à Bixad se trouvent : le supérieur régional des basiliens de Roumanie avec quatre hiéro moines, quatorze moines et dix novices. A Rome se trouvent deux étudiants, et deux en Pologne. Bixad compte actuellement trente-trois religieux.

2. Le monastère de Moiseu.

Pendant l’été de 1933, les basiliens de Rixad ont pris la direction du monastère de Moiseu dans le Maramures, monastère ancien fondé avant 1600 et resté désert depuis de longues années. Le monastère abrite actuellement deux hiéromoines et quatre moines. C’est un centre de pèlerinage qui attire annuellement de 20 à 25 000 pèlerins.

3. Le monastère de Nicula.

Trois ans plus tard, les religieux de Bixad reprennent la direction du monastère de Nicula, fondé en 1000. On y vénère une célèbre icône miraculeuse. Le piariste André Yarjas dit, avec raison, que le miracle le plus important opéré par Notre-Dame de Nicula est le retour des Roumains, pendant longtemps dissidents, à l’unité romaine. De 1840 à 1936, le monastère, visité annuellement par 50 à 60 000 pèlerins, n’abrita aucun moine. Maintenant il compte deux hiéromoines et quatre moines.

4. Le monastère de Prislop.

L’ordre basilien possède encore le monastère de Prislop-Hunedoara, mais pour le moment il n’y a pas de religieux.

Le nombre total des basiliens roumains est de neuf hiéromoines, vingt-deux moines, quatre étudiants en théologie, dix novices, en tout quarante-cinq religieux.

La direction centrale de l’ordre basilien de la Stricte-Observance se trouve à Rome, 3 piazza Madonna dei Monti. L’ordre ne reçoit, comme frères de chœur, que des candidats ayant leur baccalauréat. Le noviciat dure deux ans suivi, pour les frères de chœur, de deux ans de philosophie et de quatre ans de théologie. Les frères convers doivent apprendre un métier ou bien aider à la bonne marche matérielle des maisons. La vie de l’ordre est caractérisée par une spiritualité profonde et, à l’intérieur du monastère, par un grand esprit de famille, au dehors par une activité intense, par la presse et la prédication.

Les auguslins de l’Assomption.

Ils ont été

appelés en Roumanie en 1923 par Mgr Suciu, métropolitain deBlaj. La Providence avait permis que celui qui dirige aujourd’hui la congrégation de l’Assomption, le R. P. Gervais Qucnard, se fut sacrifié, pendant la Grande Guerre, à soigner les soldats roumains atteints du typhus exanthématique. Nommé supérieur général, le P. Quenard ne put que se réjouir de répondre à l’invitation de I’épiscopat roumain uni, d’envoyer des professeurs de français aux lycées de Blaj et de Beius. En 1923, les deux premiers prêtres de l’Assomption arrivèrent à Blaj, et l’année d’après deux autres furent envoyés à Beius. En 1926, Mgr Nicolesco en demande deux pour la direction de l’internai diocésain de Lugoj. Dans chaque centre, les assomptionnistes, en plus de leurs occupations officielles, fondèrent des œuvres conformes à l’esprit de leur ordre. A Blaj, ils ouvrent le petit séminaire Casa Domnului et l’un d’entre eux fut nommé, pendant quelques années, recteur de l’internai Vancea de garçons, annexe au lycée Saint-Basile le Grand. A Beius, les assomplionnistes ont la direction de l’internat Pape ? de garçons, continu au lycée Samuel Valant, et d’un petit séminaire Cristos Rege. lui 1928, à l’occasion de l’année jubilaire du lycée, les Pères de Beius. l’ont paraître l’Observator, revue « le culture générale. Certains numéros spéciaux, comme ceux en l’honneur de saint Augustin (1930). fie la sainte Vierge 1193 !). du divin Rédempteur (l 933) et de sainte Bernadette ( 1 93 l ». oui été accueillis avec une grande sympathie par les catho liques. La bonne renommée de Beius a beaucoup gagné par l’arrivée de ces apôtres désintéressés. De même, l’enseignement du français est en honneur dans ces internats que les Pères dirigent selon l’esprit des pensionnats catholiques français.

Dans ces trois centres, en étroite collaboration avec le clergé diocésain, les assomptionnistes, passés au rite oriental, s’adonnent à un ministère fécond, à Blaj, dans la belle chapelle, qu’ils ont eux-mêmes bâtie, à Beius, dans une petite église historique en bois, apportée d’un village voisin et rebâtie dans leur propriété, enfin à Lugoj, dans la chapelle de l’internat. Ils prennent part aussi aux missions populaires et aident les prêtres dans leur œuvre d’apostolat. Voyant qu’un certain nombre de jeunes gens désiraient entrer chez eux, les Pères, avec l’autorisation du Saint-Siège, ont ouvert en 1926, un noviciat à Beius.

A Bucarest, depuis l’automne 1934, les assomptionnistes ont ouvert un foyer d’étudiants. Ceux-ci ont do c une maison où ils se sentent en famille et où ils trouvent une atmosphère religieuse, grâce à la présence d’une chapelle où se célèbrent les offices dans le rite roumain. Les Pères rendent volomiers service aux deux autres églises roumaines unies, quand le clergé leur demande leur concours. Ils espèrent être bientôt chargés d’une paroisse de rite roumain dans les environs de la gare du Nord. Les assomptionnistes ne font que commencer leur activité en Roumanie. Une fois établis, leur nombre ne pourra que s’accroître, grâce aux vocations roumaines et ils auront la possibilité d’exercer une belle activité, comme dans les autres pays. En Roumanie, pour le moment, on compte onze prêtres dont six roumains et cinq frères convers roumains, de plus dix religieux roumains à l’étranger qui font leurs études.

Tout récemment, par une délicate attention à l’égard du pays qui, après la Grande Guerre, avait pris l’initiative des congrès internationaux de byzantinologie en organisant le premier sur son sol, les assomptionnistes ont pris la résolution de transporter leur institut d’études byzantines de Kadi Keui (Constantinople ) à Bucarest. Leur vaste bibliothèque de spécialité byzantine y fut transportée ainsi que leur revue bien connue, les Échos d’Orient, qui en est à sa quarantième année d’existence. On attend beaucoup des fils de saint Augustin en Roumanie.

Les sœurs oblates de V Assomption, fondées en 1863 par le P. Emmanuel d’Alzon, pour être les auxiliaires des assomptionnistes dans leurs œuvres apostoliques, ont été appelées par Mgr Frentiu, évêque d’Oradéa, en 1925, pour prendre la direction de l’internat Pavel de jeunes filles annexé au lycée de filles de Beius. Elles oui également ouvert une maison pour postulantes et maintenant elles ont trois sœurs roumaines à Beius et dix autres qui se trouvent au noviciat en France. Elles pourront entreprendre, en s’adaptant à leur milieu, d’autres œuvres apostoliques.

La Société de Jésus.

Elle exerça son activité en

Roumanie du vivant même de saint Ignace de Loyola. En 1554, revenue de Transylvanie, Paul Bornemisa, lui demandait de fonder un collège dans cette région. La haine des calvinistes lit avorter le projet. En 1556, l’évêque fut exilé et ses biens séquestrés. Le prince Etienne Bathorv. plus tard roi de Pologne, fervent catholique, fonda, en 1579, un collège à Cluj et le confia a la Compagnie de Jésus. En 1581, ce collège fut élevé au rang d’université et occupa un nouveau local. Il devint aussi une école supérieure très célèbre : les jeunes ^ens des meilleures familles le fréquentaient et. parmi eux. on remarque le jésuite Pierre Pazmany († 1637). futur cardinal, âme de la contre-réforme en Hongrie. Entre 1581 et 1588, la Société de Jésus possédai ! a Cluj une imprimerie

importante. La résidence d’Alba Julia fut fondée en 1581. De là et de Cluj partirent les meilleurs prédicateurs de l’ordre pour prêcher des missions populaires dans toute la Transylvanie. Le P. Jean Leleszi prêcha des missions dans six cents paroisses. Le P. Alard, d’origine allemande, aidé par d’autres Pères, convertit de nombreux hérétiques. Les protestants virent de fort mauvais œil cette activité apostolique. La « Diète » ou réunion des représentants provinciaux, à Médias, en 1588, demanda l’expulsion des jésuites de Transylvanie. Une partie des religieux se retira en Moldavie et l’autre partie en Munténie. En 1588, ils organisèrent même une mission à Iassy. En 1590, le prince les rappelle en Transylvanie, à Cluj, à Alba Julia et à Oradéa, mais ils devaient être très prudents. Michel le Brave, premier grand réalisateur de l’unité roumaine, fait restituer aux Pères leurs biens. C’est à eux qu’il confie l’éducation de son fils Petrascu. Après sa mort, les jésuites sont de nouveau attaqués par les protestants en 1603. A Cluj, le frère sacristain est tué pendant qu’il défendait le Saint-Sacrement, tandis que le recteur du collège était blessé. En 1606, les jésuites sont encore expulsés de Transylvanie. Le prince Gabriel Bethlen, cependant, les rappelle et leur rend beaucoup d’églises et les résidences d’Alba-Julia et Cluj. A la même époque, s’organise la résidence de Caransebes ;, où un Père originaire de cette ville, Georges Buitul, roumain de naissance, exerce un fructueux apostolat. Ayant terminé ses études ecclésiastiques au Collège germanique de Rome, où il devint membre de la Compagnie, il prêche la parole de Dieu, d’abord dans la région de Caransebes, ensuite à Cluj-Manastur où il meurt en 1635. Les habitants de Caransebes, en apprenant sa mort, viennent à Cluj pour remporter avec respect les restes de leur apôtre aimé. Le P. G. Buitul, alors qu’il était encore élève à Rome, avait traduit en roumain le catéchisme de saint Pierre Canisius. En même temps, les jésuites forment une Missio Dacica en 1640, avec neuf prêtres, trois professeurs et deux frères.

En 1653, les religieux sont de nouveau expulsés de Transylvanie, mais, à l’avènement des Habsbourg, ils reviennent à Cluj et y reçoivent l’église de l’ancienne citadelle, aujourd’hui entre les mains des franciscains. Peu à peu, ils rachètent la petite propriété de Manastur, construisent l’église de l’université (17181724), ensuite le séminaire Bathory-Apor (1734) et l’internat des nobles (1735). Ces instituts sont dirigés par les Pères avec de grands succès, jusqu’à la suppression de la Société (1773). Vers le même temps (16831773), les Pères fondèrent une maison à Satu-Mare. Partout, ils accomplirent de grandes choses sur le terrain de l’éducation, des sciences et de la vie religieuse. Un Père d’origine transylvaine. Stefan Pongratz, mourut martyr pour la foi catholique, en 1619, à Casovia (Kosice en Tchécoslovaquie) et a été béatifié en 1906. A la fin du xviie siècle, les jésuites fondèrent un grand nombre de maisons en Transylvanie : Gheorgheni, 1689 ; Brasov, 1690 ; Orad’a et Sibiu, 1692 ; Timisoara, 1716 ; Baïa Mare, 1713 ; Baïa Sprié, 1730 ; à Sibiu et à Odorheiu. ils dirigèrent même un lycée et fondèrent et administrèrent les paroisses de Sibiu, Brasov, Odorheiu, Targui Mures et Satu —Mare.

L’événement le plus important à cette époque dans l’histoire du peuple roumain — l’union des Roumains transylvains avec l’Église de Rome — est dû à leur zèle. L’apostolat du P. G. Buitul excita une vive admiration pour leurs œuvres. C’est grâce à l’action apostolique du P. Paul Barani que l’on doit la réunion du synode de l’union, tenu à Alba Julia en 1697, sous le métropolite Théophile. A la mort de celui-ci, son successeur, Athanase Anghel, continua les tractations avec Rome et les mena à bonne lin. Jusqu’en 1 773,

les évêques roumains unis ont comme conseillers des jésuites. Certains d’entre eux sont très populaires, comme par exemple le P. Adam Fitter, à qui l’on offrait de devenir le successeur de l’évêque Jean Giurgiu de Patak et qui refusa par humilité.

La suppression de la Compagnie de Jésus (1773) fut un grand coup pour la vie et les institutions catholiques en Transylvanie. Jusqu’en 1858, sur le territoire de la Roumanie actuelle, il n’y eut plus de maison de la Compagnie, mais, en cette année, l’évêque de Satu-Mare, Jean Ham, leur confie l’internat du lycée qu’ils dirigèrent jusqu’en 1927, date où ils furent remplacés par des prêtres du diocèse. En 1924, s’organise la mission roumaine qui devint, en 1931, une vice-province. La Compagnie a une résidence à Bucarest, à Iassy, CernâutJ (Czernovitz), Cluj, Satu-Mare et Totesti-Hunedoara avec un total de vingt et un prêtres. Depuis 1930, les jésuites ont la direction du séminaire diocésain latin de Iassy. En 1924, ils ont ouvert un noviciat à Satu-Mare, puis à Totesti, où l’institution prit un caractère purement roumain. En 1927, s’organise la section roumaine de l’ordre, et la première maison de rit roumain est celle de Totesti. Les étudiants en philosophie et en théologie font leurs études en Pologne et en Belgique, et sont pour le moment au nombre de sept. Le nombre total des religieux de la Compagnie en Roumanie est de trente-huit.

4° La congrégation des sœurs de Sainte-Marie de Blaj. — Déjà le IIe concile provincial (Blaj, 1882) prévoyant au titre ni, c. i-ii, la restauration aussi rapide que possible de l’ordre des basiliens, montrait l’utilité des instituts de religieuses pour l’éducation de la jeunesse féminine des grandes villes, exprimait le désir de voir ces plans se réaliser et promettait de recueillir les fonds nécessaires. Cependant, pendant longtemps, rien ne se fit. La Grande Guerre cependant posa de nouveau ! a question de la fondation de religieuses.

Au printemps de 1910. le chanoine Basile Suciu, qui devait devenir en 1919 métropolite de Blaj, demandait l’avis du grand patriote Georges Pop de Bâsesti, sur l’organisation et la direction de l’orphelinat roumain uni de Blaj ; le grand homme roumain conseilla au métropolite de faire venir des religieuses. Après la guerre, en 1921, le métropolite obtint du pape que toutes les religieuses roumaines unies, qui se trouvaient dans les monastères de rite latin de l’cx-empirc austrohongrois, pourraient, si elles le voulaient, passer dans le monastère de Blaj. Trois sœurs répondirent à cet appel. Parmi elles, se trouvait sœur Marie Febronia Muresanu, originaire de Subcetate-Mures, appartenant à la congrégation bavaroise des franciscaines de Mallersdorf, ayant fait ses éludes de pédagogie supérieure à Kalocsa (Hongrie) et pour lors professeur à Târgul-Mures Elle fut chargée de l’organisation et de la direction de la nouvelle congrégation. Six autres candidates demandèrent leur admission. Ce fut Mgr Nicolesco, l’actuel métropolite de Blaj, alors chanoine, qui rédigea le premier règlement demeuré en vigueur jusqu’en 1935, date à laquelle Mgr Baian, l’évêque actuel de Lugoj, alors membre de la commission romaine pour la codification du droit canonique oriental, élabora en 1935 un nouveau statut qui attend l’approbation du Saint-Siège.

En quinze ans, cette congrégation s’est développée d’une façon extraordinaire. Au commencement, elle se trouvait à Obreja avec l’orphelinat dont elle était chargée. En automne de l’année 1927. elle vint se fixer à Blaj où elle prit la direction de l’internat des écoles secondaires de filles, abritées dans un magnifique bâtiment appelé Institut de lu reconnaissance. La congrégation compte quatre-vingts membres et sept 71

    1. ROUMANIE##


ROUMANIE. ORDRES RELIGIEUX

maisons ; quatorze élèves on1 embrassé la vie religieuse. A Cluj, capitale de la Transylvanie, les sœurs

ont deux maisons. La première es1 l’école ménagère supérieure, tanin’une école primaire, On trouve encore des sœurs à l’hôpital Michel le Brave de Craiova ; seize « l’entre elles au sanatorium pour tuberculeux à Aïud. el anlant à celui de Geoagiu de Jos (Hunedoara) ; six à l’hôpital départemental de Reghin-Miiii s. el onze à l’hôpital d’État de Sighisoara (Târnava Mare). A Sovata, la maison de Cluj possède une maison de repos pour les hôtes payants.

Les écoles dirigées par les saurs sont en bonnes mains, selon les paroles de M. Angelesco, ministre de l’Instruction publique. « lui visitant ces écoles (celles de Cluj), écrit-il, je suis resté sous l’impression d’une parfaite discipline scolaire, d’une admirable propreté el d’un ordre exceptionnel que rarement on trouve en d’autres écoles. J’ai été frappé, en particulier, de l’esprit de sacrifice et d’abnégation montré par les sœurs de la congrégation Sainte-Marie, qui, quoique recrutées souvent dans des familles dis ! influées, comprennent et savent néanmoins sacrifier tout ce qu’il y a de plus noble dans le cœur pour contribuer au progrès de la culture roumaine. J’ai trouvé, ici. ce qui m’était, en tant que ministre, un programme, c’est-à-dire une réalisation du suprême commandement pédagogique et didactique qui demande non seulement l’instruction mais surtout la culture du cœur, la formation et l’entraînement des caractères sur le chemin (racé par les vérités éternelles de la religion chrétienne, Je vois l’esprit de Blaj réalisé ici, comme je l’ai vu réalisé là-bas même, el je pense que, pour les écoles dirigées dans cet esprit, l’État n’a pas contribué autant qu’il l’aurait pu. »

/I. DA N8 l ES DIOCÈSES ! </ : RITE LA T/X. - 1° L’archidiocèse latin de Bucarest. En dehors de trois jésuiles. de deux lazaristes, de (rois Pères de Sleyl (S. Y. D.), un méchitariste, comptent encore les congrégations suivantes :

1. Les frères des écoles chrétiennes.

Ils ont des maisons : ! Bucaresl et vingt-quatre frères Pour donner aux candidats, en [dus de l’éducation morale et religieuse, une éducation vraiment nationale, les supérieurs ont ouvert un noviciat. A Oradéa, à côté de l’école normale roumaine unie, les frères ont la direction de l’internat et comptent trois anciens frères, dix-sept frères scolastiques, et trente-trois aspirants. A Craiova, il y a trois frères et quatre à Satu-Mare. au total quatre-vingt-quatre membres.

2. Les dames dites anglaises.

Elles sont au nombre de 292 religieuses, dans six maisons, dont trois à Bucarest et trois en province (Bràila, Craiova, Turnul Severin). La maison principale est à Bucarest, où se trouve aussi le noviciat.

En 1906, l’institut reçoit la médaille d’or et le diplôme d’honneur de l’exposition jubilaire roumaine, à cause des travaux que l’institut avait fait exposer. En 1913, à la demande de S. A. B. la princesse Marie, future reine, quatre sieurs de cet institut, en compagnie de quatre filles de la charité, partirent pour Zimnicea, pour soigner les soldats malades iu choléra, pendant la guerre balkanique. En 1916. pendant la Grande Guerre, les maisons des sieurs.sont transformées en hôpitaux pour les soldats. Les sieurs s’en OCCUpent avec beaucoup (le dévouement, l’.eau

coup d’entre elles furent victimes de leur dévouement

auprès des cholériques, el l’une d’elles succomba a celle maladie. Le 27 mai 1925, a lieu la consécration de la nouvelle chapelle de l’institut, en présence de s. M. Ferdinand I er. Pendant les années qui suivent, certaines améliorations oui pu être réalisées, dans l’institul même, qui adopte le programme de l’État pour toutes les (lasses, lai 1936, un grand nombre

de sieurs qui n’étaient pas encore citoyennes roumaines, le sont devenues. A côté de l’ordre, de la propreté, de la piété qui dominent dans les maisons de cette congrégation, les Roumains sont enchantés de voir son patriotisme et son attachement à la dynastie.

3. Les /illes de la charité. - Elles sont à Bucaresl depuis le 20 mai 1906 Au commencement, elles dirigeaient un dispensaire, [mis un ouvroir pour quarante élèves, enfin elles ouvrirent un orphelinat. La première supérieure fui sœur Élizabeth Pucci qui laissa un souvenir impérissable. Pendant les deux dernières guéries, elle rendit de grands services à sa patrie d’adoption, surtout pendant la guerre balkanique, en se dévouant auprès des soldais atteints du choléra. Quand à la fin, terrassée : ’i son tour par la maladie et la fatigue, elle succomba. S. M. la reine Marie de Roumanie, écrivit à sa mémoire une émouvante notice biographique.

Après la Grande Guerre, la congrégation s’est réorganisée et a continué son travail avec un plus grand zèle. L’ancienne clinique s’csi agrandie de deux nouvelles ailes en 1928 et 1934, et en 1936 se lève de terre un dispensaire et un hôpital à cinquante et un lits pour les pauvres non payants. Ici. chaque année, se donnent à peu près 10 000 consultations gratuites et environ 2(i ooo pauvres sont secourus. La clinique proprement dite compte soixante dix lits. En 1930, l’on construisit une église desservie par deux prêtres lazaristes et qui rendra de grands services aux malades et aux fidèles du quartier. La communauté de langue française dépend de Paris, par Constantinople, et compte une supérieure, quatorze sœurs, aidées par dix-huit infirmières.

2 U Le diocèse latin de lassiI. — Il compte sur son territoire les ordres et les congrégations suivants :

1. Les /rères mineurs conventuels. — Ils étaient dans le pays avant la fondation des deux principautés roumaines : la Munténie et la Moldavie. Leur fondateur lui-même avait pensé à l’évangélisation de ces régions. lui juillet 1221. il s’était mis en route pour » ’cntendre avec saint Dominique sur la conversion des Coumanes qui vivaient dans ces régions. La moi I inattendue de Dominique ne permit pas la réalisation de ce projet. Cependant, en 123 !), le pape Grégoire IX, par la bulle C.um hora undecima, envoie les fils de saint François évangéliser les Bulgareset les Coumanes. Jérôme Catalane évêque local, relaie en 1322 que, pendant qualrcvingts années, l’on a évangélisé les Talares et les Coumanes et bâti quarante églises. Lu 1227, eut lieu la fondation de l’évêché de Milcove (Mylcov) à la frontière des Talares, pour la conversion des Coumanes et de leurs voisins, t’n certain nombre de franciscains soullrirent te martyre pour leur foi. Ainsi Ange de Spoleto, tué par les Bulgares à Mauro-Casl ro ((’."tatea Alba) entre les années 1314 et 1320 : Lucas et N’aient ino, ensevelis le 12 février 1326 dans la ville de Siret : ici encore sont ensevelis en 1340 les mari vis Blasius el Marcus. Ions du monastère de la Sainte-Croix de Léopol (l.wow en Pologne). Ces moines convertirent au catholicisme LalLco, prince de Moldavie. A la demande de celui-ci. le pape l’rbain Y fonda, le mars 1371, l’évêché de Siret, en nonunanl comme premier évêque le franciscain André de Cracovie. Cet évêché resta à Siret jusqu’en 1400, date à laquelle le dominicain Jean Sartorius transféra le siège i Snyatin (Pologne). En l loi, cependant, le pape Boniface IX fonda l’évêché de Bacàu (Bacovia) qui disparut en i.on. à cause non seulement des guerres continuelles contre Selim, le sultan de Consl anl inople, mais aussi à cause des hussites. Entre 1 120-1 Mil. nous trouvons les traces d’un évêché catholique à Baïa, en Moldavie, axant comme évêques tantôt des dominicains et tantôt des franciscains. En 1517, la grande famille franciscaine se divise en deux branches, les récollets et les ROUMANIE. ORDRES RELIC.IEl X

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conventuels. Ce furent les premiers qui eurent les missions dans ces régions ; pas [jour longtemps, cependant, car certains membres du clergé tant régulier que séculier passèrent au hussitisme ou au calvinisme.

Le 28 novembre 1580, Benoît de (ialiano, marchand italien, trouve les catholiques de Munténie et de Moldavie dans un état lamentable. A sa demande, le religieux conventuel Jérôme Arsengo (Arsenghï) vient comme visiteur apostolique et, aidé par ses confrères, rebâtit le monastère de Bacàu laissé en ruines, par les récollets hongrois. Une fois entrés dans le pays, les conventuels ne le quittent plus, ni pendant les guerres a ec les Turcs, ni pendant les invasions barbares : ni la faim, ni la peste, ni d’autres fléaux ne les éloignent de leur centre d’apostolat. Parmi eux, se sont recrutés d’abord « les visiteurs apostoliques », ensuite « les préfets apostoliques » et cela pendant cent ans. En 1818, Rome supprime l’évèché de Bacàu et crée le vicariat apostolique de Moldavie. Le 17 juin 1881, par le bref Qiue in Christiani nominis incrementum, le pape Léon XIII crée l’actuel diocèse de lassy. lui 1895, la S. C. de la Propagatule élève la mission des conventuels » de Moldavie au rang de province avec le titre de Saint-Joseph ayant quatre custodies : Bacâu, Galati, Sàbâoani et Trotus, avec dix maisons ayant le soin spirituel des fidèles des paroisses respectives, ainsi que le droit de nommer eux-mêmes leurs supérieurs locaux. De même, ils reçoivent l’autorisation d’ouvrir un noviciat. En 181)7. ils bâtissent le séminaire (1 1 lâlàuccsti, qui commence avec dix élèves. Mentionnons qu en 192(> ils ouvrent un deuxième séminaire pour leurs novices à Sabaoani et, en 11)32. leur scolasticat de Liuzii-Càlugâra, avec onze théologiens, et seize philosophes.

En 1921), à la demande de Mgr Frentiu, évêque roumain uni d’Oradéa, six religieux embrassent le rite roumain et fondent deux monastères, l’un à Oradéa et l’autre à Drâgesti (Bihor). Dans cette dernière commune, ils ont pu construire une belle église en l’honneur de saint Antoine de Padoue avec le privilège de l’indulgence loties quoties, le dimanche qui suit la fête du patron et la fête de l’Assomption. Les Pères de Drâgesti administrent plusieurs paroisses voisines et exercent à Oradéa un ministère fécond. Entre les années 1897 et 1935, les conventuels ont reçu 226 élèves, parmi lesquels 132 sont entrés au noviciat, 87 ont fait les voeux simples, et 52 les vœux solennels ; 17 ont reçu l’ordination sacerdotale. Ils possèdent une maison d’édition Serafica », où ils impriment la revue Viata [La vie], un almanach, actuellement dans sa 25e année, ainsi qu’une bibliothèque populaire catholique.

L’orphelinat de Ilusi, est dirigé par dix securs franciscaines nommées del liglio et ce sont aussi les franciscaines qui s’occupent de la bonne marche matérielle du séminaire de Parchidiocèse de l’.ucarest.

2. La congrégation des sœurs de Notre-Dame de Mon. — Elle a. en Moldavie, deux fondations déjà anciennes, à Iassv et à Galati, qui datent du vivant même du fondateur Théodore Batisbonne. L’on a VU comment se sont réalisées ces deux fondations grâce à l’évêque, Mgr Salandari.

Dans le diocèse lai in de Salu-Mare et Oradéa.


1. L’ordre des piaristes.

A Carei-Sàlaj, il a une paroisse et un noviciat (quatre Pères).

2. Les /rires mineurs conventuels. — Ils ont un monastère et une église paroissiale à Baïa-Mare. avec un noviciat et un scolasticat (quatre Pères et onze étudiants). Ils administrent la paroisse Tâuil.i.

3. La congrégation d-’Saint-Jean de Dieu ( Misericordiens). — Elle a un monastère avec un hôpital (cinquante lits) et une pharmacie à Satu-Mare (trois religieux et deux novices), un autre à Oradéa

4. La congrégation des sieurs de rharilé. de Saint-Vinceni de Paul (congrégation locale). — Elle a sa maison mère à Satu-Mare (cent dix saurs, trente novices et trente postulantes). Elle dirige un lycée de filles, une école normale de filles, une école d’application, une école pour de petits enfants et un internat pour quatre-vingts élèves. Elle fournit aussi des infirmières à l’hôpital des frères de Saint-Jean de Dieu et à l’hôpital d’État, Elle dirige des écoles primaires et secondaires dans six autres paroisses du diocèse de Satu-Mare. dans douze paroisses du diocèse d’Alba Julia, dans trente et une paroisses en Hongrie, dans une paroisse en Autriche, dans dix-sept paroisses en Tchécoslovaquie et dans trente et une paroisses de l’Amérique du Nord.

5. L’ordre des prémontrés (douze religieux). -- Il administre deux paroisses.

(i. L’ordre des capucins (deux Pères et un frère). — Il a une église et s’adonne à l’œuvre des catéchismes.

7. La congrégation des insulines.

Elle dirige une école primaire, une école normale, un lycée de tilles. Elle a aussi un noviciat.

8. Les filles de la charité. - Elles dirigent l’institut Saint-Vincent, une école normale pour les institutrices, des jardins d’enfants, un lycée de tilles avec un internat. Elles ont aussi un asile pour les enfants abandonnés et un sanatorium. Elles ont encore deux de ces agiles à Betlia et à Sïniob. Elles comptent SU sœurs, et 12 candidates. Elles ont cinq maisons dans le diocèse d’Alba Julia.

9. Les sa’urs franciscaines. - Elles sont au nombre de treize dans l’hôpital départemental d’Oradéa avec deux novices et deux candidates. A Beius, il y a sept sœurs à l’hôpital.

I" Dans le diocèse latin de Timisoara. — 1. L’ordre des piaristes. — Quatorze religieux dirigent un lycée avec un internai pour la jeunesse scolaire.

2. Les frères mineurs conventuels.

Ils ont deux paroisses, l’une à Arad (seize religieux), l’autre à Lugoj (cinq religieux). Ils ont aussi des maisons à Aïud, Tàrgul-Mures et Tàrgul Secuese.

3. Les frères de Saint-Jean de Dieu (huit religieux). — Ils ont un hôpital et une pharmacie.

4. Les salvatoriens.

Ils administrent deux paroisses : Timisoara (douze religieux).

5. Les sieurs des écoles pauvres de Notre-Dame. Appelées de Munich par Mgr Csajaghy, en 1858, dirigent des lycées, des gymnases, des écoles primaires. Elles ont vingt et une maisons dont six à Timisoara et quinze dans d’autres paroisses. Il y a.">ii sœurs en trois COUVentS dans le diocèse d’Alba.Illlia.

0. Les filles de la charité. Elles ont des écoles

primaires et des asiles pour les vieillards a Comlosul Mare, Teremia Mare et.limbolia.

7. Les sœurs franciscaines. - - Elles s’occupent des malades dans deux hôpitaux de Timisoara, ensuite a Arad, Lipova, Badna et Lugoj.

8. Les sieurs de Saint-Benoît.

De la congrégation de Sainte-Lioba (douze) : elles s’occupent des pauvres el des malades, et dirigent des associations féminines.

Dans le diocèse latin d’Alba Julia.

1. Les

franciscains. — Ils ont 238 religieux dont 98 prêtres, répartis dans vingt-trois maisons. Ils font plutôt du ministère.

2. Les piaristes. - Ils ont à Cluj un lycée avec internat et aussi un foyer pour étudiants (vingt-trois religieux)

3. Les ursulines. Trente-neuf sieurs dirigent à Sibiu une école pour enfants, une école primaire avec sept classes, un gymnase et un cours d’études pendant deux ans pour les grandes.

4. Les sieurs franciscaines de Mallersdorf.

Elles ont leur centre à Brasov et sont 279 sieurs réparties 7 :.

    1. ROUMANIE##


ROUMANIE. ACTION CATHOLIQUE

76

en douze monastères. A Brasov, elles ont une école primaire, un gymnase de (illes et un patronage pour les servantes. A Sibiu, elles dirigent une école pour enfants, une école primaire avec sept classes, une école normale avec huit classes pour les institutrices, une école supérieure de commerce et un internat pour les différentes élèves.

5. Les sœurs sociales. — A Cluj, elles dirigent l’hôpital central, ont un noviciat à Oradéa, une maison à Timisoara et une autre à Bucarest pour l’a uvre de protection des servantes et celle des associations féminines. Elles publient les deux revues féminines.1 Nap [le SoIeil et Vasârnapi Harangszô. La noix de la cloche du dimanche].

Voir les annuaires diocésains respectifs.

V. L’action catholique. — L’action catholique est représentée en Roumanie, chez les Roumains unis, par l’Association générale des Roumains unis (A. G. R.U.), chez les Roumains de rite latin par les congrès catholiques.

Déjà le métropolite uni Jean Vancea (1868-1892), organisateur de la province ecclésiastique d’Alba Julia et Fâgâras, pensait à serrer les rangs des fidèles autour de l’Église, Il voulut convoquer un grand congrès religieux de tous les unis. L’autorité magyare ne lui en donna [joint l’autorisation. Tout ce qu’il put faire, ce fut de convoquer, en 1873, un congrès ecclésiastique mixte de prêtres et de laïcs appartenant exclusivement à l’archidiocèse pour y traiter des questions scolaires et, en 1875, un autre pour la dotation des paroisses pauvres. Rien qu’empêchés de se réunir et de s’organiser, les Roumains unis manifestèrent énergiquement chaque fois que l’autonomie catholique magyare menaça de les accaparer. Par exemple, lors de la conférence convoquée à Alba Julia, le 13 avril 1871, par le haron Rasile Pop, ancien vice-gouverneur de Transylvanie ; pareillement dans la conférence présidée à Cluj par Alexandre Roman, professeur universitaire membre de l’Académie roumaine, le 29 juin 1897. Au meeting d’Alba Julia, du 29 mai 1913, la participation des laïcs unis fut tout aussi mémorable, comme aussi la lutte menée par l’Église roumaine-unie, contre l’évèchc d’IIajdu-Dorog, créé sur l’insistance du gouvernement magyar, dans un but de dénationalisation.

A la chute de l’empire austro-hongrois en 1918, les Roumains acquirent leur entière liberté nationale. Lors du plébiscite d’Alba Julia, le 1° décembre 1918, qui proclamait l’union de la Transylvanie à la mèrepatrie, le 3e point des décisions a prévu comme principe fondamental à la formation du nouvel Étal roumain, les droits égaux et la pleine liberté confessionnelle pour I ont es les confessions de l’État : il reconnaît dans l’article 212 de la constitution le caractère roumain de l’Église unie et sa priorité par rapport aux autres cultes.

.Mais s’il en est ainsi en droit, autre est la situation’! ' Eait. La Roumanie étant un État à population en majorité orthodoxe, certains évêques orthodoxes el même quelques organes importants de l’Étal crurent dtycir faciliter 1umfi ; iticn religieuse au profit de l’Église orthodoxe. Le moment leur parut favorable, lors du vote de la loi des cultes (1928). Sous sa première forme, cette loi prévoyait qu’avec le passage des fidèles d’une religion a une autre, se ferait un transfert proportionnel des biens ecclésiastiques. Ce projet de loi provoqua une vive agitation parmi les fidèles roumains unis. Trières publiques et processions se succédèrent pour éloigner le danger qui menaçait. A l’occasion de la procession de Targui.Mures la police el la gendarmerie déchirent les bannières, brisent les

croix et frappent prêtres et fidèles, (’.'est de ces circonstances que surgil l’idée de l’Association gêné

raie des Roumains unis (A. G. H. U.) dans le but d’aider les évêques dans la défense de l’Église. Le congrès des unis, assemblé à Cluj (22 mars 1928) vote la motion suivante :

« 1. L’union avec Rome, réalisée en 1700 par nos

grands ancêtres en des heures graves, a sauvé l’Église roumaine de l’absorption calviniste, et notre nation de la dénationalisation. Dans son histoire de deux cents ans. l’Église unie n’a aucune page noire ; au contraire, elle y a inscrit les pages lumineuses de la renaissance de notre foi et de notre conscience nationale. Nous croyons fermement qu’elle seule, par ses liaisons spirituelles avec la latinité, garantit l’existence et la grandeur de la nation roumaine. Aussi nous confessons qu’aucune puissance humaine ne pourra briser les sceaux de notre union avec Rome, berceau de noire foi et de notre origine. »

Le 2 1’point de la motion flétrit les efforts de destruction de l’Église unie, tels que les manifeste la loi des cultes, tendance contraire à la justice et à la constitution et dangereuse pour la consolidation nationale. I.e 3 point assure les évêques de l’altection et du dévouement illimité de tous les fidèles, et le 4e point prévoit l’organisation des laïcs unis de la province métropolitaine entière en une association.

La nouvelle association est constituée à Blaj les 23 et 2 1 novembre 1929. L’épiscopat roumain uni tout entier est présent et la bénit. Elle réalise complètement les buis de l’action catholique préconisée par le pape Pie XI. comme une participation des laïcs à l’apostolal hiérarchique de l’Église. Les statuts approuvés par la conférence des évêques indiquent d’abord le nom de l’association et son siège à Cluj, puis précisent ses buts : a) Le soutien, la défense et la réalisation des intérêts de l’Église roumaine unie à Rome ; b) l’approfondissement de la vie spirituelle des membres et l’intensification de l’éducation religieuse : c) la ((induite de la vie publique et privée selon la morale chrétienne, dans le sentiment de l’amour de la nation et de la patrie : de la lutte contre les courants sociaux el religieux de tendances sectaires, destructrices, antinationales et antichrétiennes (art. 3). L’article 4 indique les moyens, moraux : réunions, conférences, livres, revues, journaux, etc., et matériels : cotisations, donations, etc. L’article 5 dit : > Dans le cadre de l’A. G. R. {]., on ne peut faire de politique de parti. » Les congrès généraux annuels de cette association sont remarquables par les impressionnantes manifestations religieuses, comme aussi par les professions de foi catholique dont ils sont l’occasion. On compte jusqu’à présent huit congrès de ce genre : Blaj (1929), Sighel (1930), Oradéa (1931), Aïud (1932), Dej (1933), Lugoj (1931), Carei (1935), Satu-.Marc (1937).

Au congrès de Lugoj prit part S..M. le roi Carol II. qui participa non seulement à la messe et à la consécration de la cathédrale unie de cette ville, mais aussi à la grandiose procession eucharistique qui termina la cérémonie religieuse. < Je suis né et j’ai été élevé dans la religion orthodoxe « , déclare le roi a cette occasion (6 octobre 1931), « mais je suis le souverain d’un pays dans lequel résident des citoyens d’autres confessions. Je suis décidé — et tous peuvent compter sur mon aide — à protéger avec la même fidélité et le même amour tous ceux qui seront les fidèles honnêtes de leur Pglise. »

Plus encore (tue les paroles les plus solennelles, comptent les exemples de foi. de piété, d’obéissance, et des autres vertus que donnent aux masses les notabilités laïques (avocats, médecins, ingénieurs, professeurs, journalistes, magistrats, fonctionnaires, etc.) en communiant et en participant aux diverses cérémonies religieuses. Pour les catholiques de rite latin, nous avons l’Association des catholiques de Bucarest ROUMANIE. ORTHODOXIE ET UNION

7 S

et le Kalholikus Kcpszouetség [La fédération populaire catholique], de Cluj.

A. G. R. U. : Bulletin de l’Association générale des Roumains unis (1930-1936).

VI. Ofthofoxie et union.

Dans la présente étude, nous nous garderons d’émettre une opinion personnelle : les faits seuls parleront. Au leeteur de tirer les conclusions qu’il jugera bonnes. Nous éviterons ainsi toute accusation de parti pris.

Parfois des incidents iedonnent de l’actualité à des problèmes anciens et font que le public s’intéresse un moment à cette question dis rapports entre les deux pari ies de l’Église gréco-roumaine, celle qui se rattache à Rome, celle qui est unie à l’Église orthodoxe. Cela ne si^ni lie pas cependant que, durant les longues périodes de trêve, les problèmes aient perdu de leur importance. Loin de là, le calme, le recueillement favorisent l’objectivité de la discussion : grâce au recul dans le temps et aussi dans l’espace, la vision est plus nette et les jugements sont mieux établis, In premier fait est à retenir : chaque fois que les Roumains ont voulu s’unir au Siège apostolique de Rome, les Grecs les en ont détournés. Quant aux Slaves, en particulier les Serbes et les Russes, c’est toujours d’un mauvais œil qu’ils ont vu cette union.

1’Grecs. — Mélèce Pigas, locumtenens du patriarche de Constantinople, apprenant que !e métropolite de Moldavie et Suceava. Georges Movila, frère du prince Jérémie, voulait, sous Finiluence de certains Polonais, s’unir à Rome, lui envoya le mandijas ((jtavSûav) aux quatre fleuves (ot TîOTajjiot) ainsi que la crosse de patriarche. L’envoi était accompagné d’une lettre (7 septembre 1507), dans laquelle il était recommandé au chef de l’Église roumaine de Moldavie de conserver « intact le trésor de la foi orthodoxe » et d’éviter « les innovations surtout celles de l’ancienne Rome…, car elles troublent les eaux de la foi orthodoxe ».

Si le seul bruit d’une éventuelle union avec Rome provoque une semblable démarche de la part des Grecs auprès des Roumains, que sera-ce quand ceux-ci s’uniront effectivement au pape ! F.n 1700, après l’union des Roumains de Transylvanie au siège de Rome, l’évêque Athanase Anghel, véritable fondateur de cette nouvelle confession roumaine, est excommunié non seulement par Théodose Vestémeanul, métro polite d’Ungro-Valachie, mais encore par tous les autres évêques orthodoxes, tel le patriarche de Constantinople, Callinique, qui l’appelle » loup ravisseur »,

« hypocrite, plein de malice », « fourbe », et jouant sur

son nom ne le nomme pas Athanase, mais Satanase. Quant à Dosithée, patriarche de Jérusalem, il vient lui-même en Transylvanie soulever les fidèles roumains contre leur pasteur. Durant son séjour prolongé à la cour hospitalière du voévode de Munténie, Constantin Rrancoveanu, il trouve les moyens de faire une intense propagande anticatholique.

Voici quelques-uns des principaux ouvrages composés ou inspirés par ce patriarche en vue de ruiner l’union religieuse des Roumains avec Rome. Dès 1690, à Bucarest, paraît pour être distribué gratuitement aux orthodoxes un Manuel contre le schisme des papistes (’Eyx£’.pî8(, ov xaxà toù v/ia[j.<xioç, t « v Tramatwv). La dédicace exprime la nécessité de détruire le papisme. En 1694, ce même patriarche transcrit, corrige, divise en chapitres et fait paraître à l’imprimerie de la Sainte Montagne de l’Athos, à Iassy (Moldavie), le discours de Jean Eugénicos contre le concile de Florence : Toù ttj ©£où yâptxi eÙctsSoùç vou.oç’jXaxoç’Iodwvoo Sioexôvoo toû Eùysvixoù Xôyoç

<XVTtppY)T !.XO< ; TO’J fiAOLdCfï^OU Y.7.1 tJjEl)80)JÇ OpOU TOÛ êv

OXopev-rî a ctuvt£0évtoç xarà t » ]v rrpôç AaTivouç aôvoSov…

Un autre ouvrage parut à la même époque, toujours à Iassy : Tome de conciliation (Tôjjioç xaTaXXayrjç). Six auteurs divers y réunissent leurs etïorts pour détruire

« en son fondement, le dogme papiste exécré de Dieu » 

(éx pàCpcov a’ipE’. Gsopuaèç 86yu.a TcaTriaxcôv). Le même patriarche publia encore à Iassy en 1698 le Tomede charité au sujet des Latins (Tôjxoç àya7TY)ç xoexà Aa-Lvcov). Ce qui précède laisse deviner ce que peut être cette < charité ». Sébastos de Trébizonde le Chimnite, dans son Enseignement dogmatique (Aoyp.a-Tixr, SiSaoxaXta), imprimé à Bucarest en 1703, insiste sur les points qui séparent et non sur ceux qui rapprochent Orientaux et Occidentaux au sujet de la sainte eucharistie. Sous le titre de Tome de joie (T6(i.oç Xoepâç). le patriarche Dosithée édite à Ràmnicul-Vâlcei une série de brochures anticatholiques. A propos de la papauté, le patriarche de Jérusalem dit, entre autres, qu’elle est une rupture avec le Dieu véritable et que dès lors l’union avec les papistes n’est évidemment qu’une union avec le démon : ô yàp TzemiG^bç… o"èv eîvai àXXo ii, rcxpà &ko toû àX7)61voù Hso’j ycûç’.erjj.oç. Kal q Oùvîoc [jiSTà tcôv roxmaTcov Sèv sîvat, àXXo ti 7TOTS, Trapà TCpocpâvï) (is-rà toù SiaoôXou CR>pi.<pcovta.

lui 1710, à Tàrgoviste paraît la Panoplie dogmatique (IlavoTrXîa 80yy.y-iy : r t). arsenal complet d’armes contre les Occidentaux. A propos de ces écrits, un historien roumain fait observer que jamais n’est sortie de Roumanie une théologie aussi pesante pour anéantir les défenses des chrétiens d’autres confessions.

Cependant de semblables armes continuent à être forgées même après la mort du patriarche Dosithée. Son élève et successeur sur le trône patriarcal, Chrysanthe, livre à l’impression à Bucarest, en 1715, L711’sloire des patriarches de Jérusalem (’laTopîa nspl twv èv’IspoaoXup.o(.ç 7raTpt, apyeijaâvTcov). Il mentionne, lui aussi, le schisme des papes de Rome » et la condamnation de leur pouvoir absolu et de leur infaillibilité. 11 espère ainsi, grâce à Etienne Iavorski, métropolite de Kazan et Mourom, obtenir l’appui du « puissant et immense empire russe ».

A ces attaques, les Roumains unis de Transylvanie attendirent longtemps avant de pouvoir répondre. De fait, pendant plus d’un demi-siècle ; ces Roumains n’eurent aucune imprimerie à leur disposition. Enfin, un moine réussit a apporter dans une serviette les caractères essentiels. Aussitôt l’évêque roumain uni, Pierre-Paul Aron, fondateur des écoles roumaines de Blaj, put imprimer en 1760 dans cette petite ville une Lettre pastorale ou enseignement dogmatique. L’auteur, mort en odeur de sainteté, y démontre que, là où n’existe pas d’union avec Rome, il n’y a ni Église, ni foi véritable. A l’appui de cette affirmation il cite un certain nombre « le textes extraits des livres liturgiques de l’Église orientale. Puis il fait à sa thèse une curieuse application des paroles de saint Méthode au sujet des icônes. < Il y a 7’2."> ans, avait dit le patriarche, que l’Église vénère les images saintes. Les saints Pères des six conciles œcuméniques ne les ont jamais réprouvées, mais bien au contraire leur ont rendu l’honneur qui leur est dû. Or, nous lisons dans le Triodion, le Synaxaire, Y Horologion, etc., que, depuis plus de dix-sept siècles, le patriarche de Rome a toujours été le juge suprême et le premier docteur dans l’Église du Christ et que, lorsque les Pères se sont réunis en concile, ils ne l’ont jamais condamné, mais bien plutôt honoré. Seuls Photius et Michel Cérulaire ont osé supprimer son nom dans les diptyques et l’outrager sans raison. » L’évêque Aron ne manque pas d’ailleurs de rappeler que ces deux auteurs du schisme oriental, selon la décision conservée dans la Pravila, ont été condamnés comme hérétiques. Mais, redisons-le, les Roumains unis à Rome étaient peu nombreux et

moins nombreuses encore leurs œuvres apologé tiques.

Celle année-là, lTiifi. on publia à Râmnicul-Vâlcei, un nouvel ouvrage anticatholique : Livre ou lumière avec témoignages probants relatifs à la Babylone mystérieuse qui est Rome, fie notre saint l’ère NU, archevêque de Satan, paru sans te règne de l’illustre prince la Scarlai Grégoire Ghica Voévode [en roumain !. L’intention de l’auteur est de démontrer que la scission entre l’Église romaine et les Églises orientales n’est due ni au hasard, ni à une cause quelconque, mais s’est produite à la suite d’une révélation divine.

Si les patriarches et autres dignitaires grecs, hôtes inévitables de la cour des voévodes roumains, furent les ennemis acharnés de l’union, les écoles grecques, longtemps à peu prés les seules écoles des principautés moldo-valaques, furent à leur tour des foyers de haine anticatholique et surtout antilatine. En voici quelques preuves.

En 1775, à Halle, parut une Réponse d’un orthodoxe à un frère au sujet de la domination des catholiques (’Atc6xp’. ciç ôpOoSô^ou tivoç Tûpôç —uva ocSeXçÔv Tiepl —rrjç tùv xa-roXixwv [sic] Suvoca-rsiaç). L’auteur de cette brochure, Nicéphore Théolokis, était alors métropolite de Kazan CRussie) et quelque temps auparavant professeur à l’académie grecque de Iassy. Voici comment cet évêque dépeint ses frères orientaux unis au Saint-Siège :

« Cinq ou dix individus débauchés, en réalité

aveugles et étrangers à leur race, qui se trouvent dans un collège à Home, écrit-il ; une dizaine ou une centaine de pauvres gens tailleurs de manteaux ou de capotes à Angora et autant à.Messine : à peu près deux cents Albanais, soldats du roi de Naples ; un ramassis d’étrangers, une centaine tout au plus, venus de divers pays et installés à Venise comme négociants : trois Valaques ignorants, désignés par l’almanach de Vienne comme évêques unis, avec probablement leur troupeau composé de ces malheureux Valaques qu’ils ont, il y a quelques années, arrachés à leur mère, l’Église orthodoxe, et sans leur consentement, car ce sont des gens de basse condition, simples, ignorants, incapables de comprendre ce qu’est l’union, >

Le métropolite Nicéphore Théotokis ajoute encore une note à ce tableau si peu fait pour unir les cœurs dans la charité et les esprits dans la vérité. Il cite le cas d’un évoque uni venu à Brasov en 17(ii) avec une escorte militaire. Le prélat aurait menacé du fouet tous (’eux qui n’adhéreraient pas à l’union. Le curieux historien de l’union en Transylvanie oublie de mentionner les bret leurs, agents de l’orthodoxie en ce pays, en particulier le moine Sophrone. vicaire du Saint-Synode de Larlovitz. Nicéphore Théotokis dénigre non seulement l’épiscopat « uniate » de Transylvanie, mais encore l’évêque uni de Muncaciu et Maramuros, Mgr de Lamillis, qu’il appelle Decamil ".Il l’accuse de se déguiser en négociant et d’enseigner le plus possible en roumain et en serbe à Semlin et de prêcher l’union. Cet ouvrage de Théotokis fui réimprimé en roumain cl en grec a Bucarest ( 1829).

Lu 1X21, éclate la révolution nationale de Théodore Vladimiresco. De tous les coins du pays, comme un vent de tempête, s’élève le cri : « Les Grecs en Grèce et les Roumains en Roumanie. » Les Turcs alors suzerains des provinces moldo-valaques lurent obligés de tenir compte du sentiment populaire. Les princes phanarioteS durent abandonner leur t rône de Mold.’ie et (le Munténle ci des dynastes autochtones prirent

leur succession. Des mesures lurent décrétées contre l’accaparement de l’Église roumaine orl hodoxe par ces Grecs insatiables. Boyards et évêques, sont a la tête du mouvement ; Grégoire IV. métropolite d’Ungro Valæhic (1 825), reconnaît que le pays « a souffert delà malice des Grecs, >yi jour où ils se sont Implantés sur

notre terre : l’on sait l’état lamentable où ils ont réduit les monastères de nos provinces ». Le document rappelle ensuite les effroyables sommes d’argent versées aux princes grecs et à leurs ministres, dont le total es ! si élevé que non seulement la métropole et les évêchés, mais aussi les monastères sont écrasés de del tes ».

Le protosyncelle Naïun de Râmnic visite les métochia du monastère Saint-Pantalémon et de la métropole de Bucarest, Il les trouve abandonnés, ruinés, dépouillés. Le skyte de Belejoïa, métochion de la métropole, n’a même plus de clôture : l’église a été transformée en écurie et l’ambon est couvert de fumier.

lui 1840, cet état de choses ne s’est guère amélioré et nous en avons un témoignage dans le passage d’un rapport du prince Barbu Stirbei : « Heureux le monas-I ère dans lequel on peut voir une lampe allumée devant l’autel ! Heureuse l’église où brûlent quelques cierges et où un prêtre en haillons sans traitement vient encore célébrer la messe ! » Le voévode Sturdza, prince de Moldavie, reçoit à cette époque un firman de Constantinople ordonnant « que tous les popes grecs soient chassés et expulsés » et « que soient détruits les fondements de tous ces maux, c’est-à-dire les écoles grecques ». L’ordre de la Sublime Porte était bien fondé et cependant nul ne l’exécuta. Bien du temps s’écoulera avant que soient éloignés du pays ces « popes grecs », dont l’administration cependant était une véritable ruine pour le pays, et c’est seulement en 1864 que le prince Luza Voda procédera à ce nettoyage nécessaire. Quant à l’école et à l’esprit d’intrigue byzantins, sources des malheurs roumains, on les y retrouve même aujourd’hui. De cet esprit de haine des Grecs contre le catholicisme nous trouvons d’autres témoignages dans des publications ultérieures. Par exemple : L’encyclique de Photius, patriarche de Constantinople aux évêques orientaux et deux discours concluants au sujet de la procession du Saini-Espril, par saint [sic] Grégoire Palamas, archevêque de Thessalonique |en roumain], Buzau, 18 : 52. Dans cet ouvrage, Photius et les autres responsables du schisme grec sont représentés comme des anges de paix et les (tapes de Rome ainsi que tous les Occidentaux comme la cause de tous les malheurs de la chrétienté.

La liste serait longue des manifestations de cet état d’esprit haineux. Nous n’en retiendrons que deux qui sont actuels. De nos jours, l’archevêque d’Athènes, Lhrysostome Papadopoulos, accusé à tort ou à raison d’usurpation par ses propres fidèles, ne laisse pas d’èl re considéré comme une autorité en théologie par les clercs de l’Église roumaine orl hodoxe. Ses œuvres anticatholiques sont traduites en roumain et abondamment commentées. La même considération est réservée aux ouvrages similaires du malheureux prêtre français devenu pope russe pravoslave. Vladimir Guet tée.

Comment s’étonner, en de telles conditions, de voir d’une part annihilées toutes les tentatives d’union comme celle de Malt bien Besarabe. prince de Munténie (1640), dont l’intermédiaire auprès de Borne élait le missionnaire croate Raphaël l.evakovich et d’entendre d’autre part d’humbles et zélés prélats roumains comme Joseph d’Arges qui, dans son Brei exposé îles dogmes divins, monastère de Ncamlu. 1816, traite encore les Roumains unis de chats-huants t et de < chauves-souris ». oiseaux de nuil qui aiment les ténèbres » et < redoutent la lumière ». Samuel Mien, Georges Sincaï, Pierre Maïor, Jean Budal Deleanul, gloires les plus pures de la littérature roumaine sont contemporains de l’auteur du Bref exposé. On ne saurait les accuser d’aimer les ténèbres et de fuir la lumière.

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Slaves.

Un autre obstacle au rapprochement

des Roumains avec Rome furent les Slaves. Quand nous disons : les Slaves, nous entendons les Serbes et les Russes. Dès le début du xvnr 3 siècle, les Serbes suscitèrent toute une série de révoltes contre l’épiscopat roumain uni. Les instruments dont ils se servirent lurent non seulement leurs compatriotes comme ce Bessarion Saraï reçu en grande pompe par les seigneurs magyars calvinistes et les autorités luthériennes, mais aussi quelques Roumains inconscients comme le pope Cosme de Deal, Jean d’Aciliu et surtout Stan Popovich de Cioara-Hunedoara, ce même moine Sophrone dont il a été question plus haut. Ces révoltés effrayèrent les paysans roumains ignorants : ils leur racontaient que s’ils embrassaient l’union, le pape et l’empereur les feraient allemands ». Au contraire, s’ils demeuraient « orthodoxes », sous la juridiction du métropolite serbe de Karlovitz, ils jouiraient des < privilèges illyriques ». Ces arguments exploités, non seulement par les Serbes, mais aussi par les Magyars calvinistes et les Saxons luthériens, ébranlèrent la jeune Église roumaine unie, lui firent subir de lourdes pertes, mais ne réussirent pas à la détruire.

Des que l’activité antiunioniste des Serbes se fut ralentie, commença celle des Russes. Déjà dans un document daté du 13 septembre 1687, l’archimandrite Isaïe du monastère athonien de Saint-Paul était intervenu auprès du tsar de Russie. Il conjurait le maître du grand empire orthodoxe de sauver ses coreligionnaires balkaniques de » l’union » dont les » menaçait » l’empereur d’Autriche Léopold I er, libérateur des chrétiens asservis au joug des Turcs. « Sous ce joug, conclut l’archimandrite Isaïe, il est pénible aux orthodoxes de vivre, c’est vrai, mais leur foi ne souffre ni violence, ni persécution. Or, ce qu’ils redoutent davantage, c’est de voir leurs métropolites, leurs évêques chassés de leurs sièges par les papistes et remplacés par leurs biscoups (évêques). »

Un autre ennemi acharné de l’union avec Rome fut Païse Yelicikovski († 1794), réformateur de la vie monastique en Roumanie et en Russie. Ses nombreux disciples héritèrent de sa haine. Parmi les quarante-quatre manuscrits qu’il leur a laissés et que ses confrères copièrent à de multiples exemplaires, signalons un traité sur la procession du Saint-Esprit, illustré de notes extraites des œuvres île Gennade Scholarios, de Dosithée de Jérusalem, de Marc d’Éphèse, etc. Un autre manuscrit dont les copies circulèrent le plus fut celui d’une Réponse des orthodoxes au sujet des persécutions exercées par les catholiques et au sujet de l’uniatisme. Dans quel esprit étaient composés ces traités de Païse, on peut le deviner d’après une lettre que leur auteur adressa à un prêtre uni, du nom de Jean, dont les convictions religieuses étaient ébranlées. Il s’efforce de lui expliquer de quelle hérésie sont coupables les papistes au sujet du Filioque ; puis il lui conseille de s’enfuir de « l’union », comme Loth de Sodome. » Ne regrette rien, continue Yelicikovski, ni tes biens, ni tes parents si ceux-ci ne veulent pas t’écouter. Avant tout, autant qu’il dépend de toi, sauve ton âme de la perdition… 11 vaut mieux vivre dans la misère que de blasphémer le Saint-Esprit comme font les papistes. Sors, fuis de l’uniatisme le plus vite possible : que la mort ne te surprenne pas dans son sein, car alors tu aurais le sort des hérétiques et non celui des chrétiens. Fuis, mais non pas seul : conseille de s’enfuir avec toi à ceux qui, à ton jugement, pourraient t’obéir… »

Les fréquentes occupations par les armées russes des deux principautés roumaines, le régime dit du

« Règlement organique » (1831-1858) introduit par le

général russe Paul Kisselef furent loin de favoriser le rapprochement avec Rome. Ce régime prit même en

mauvaise part l’activité littéraire de Jean Éliade Râdules.co, le père de la littérature roumaine, car cet auteur avait accentué l’origine romaine et le caractère néo-latin de son peuple.

Roumains.

Quoi d’étonnant dès lors si des

Roumains authentiques, soumis à ces influences, injurient leurs frères catholiques et en particulier les

« unis » et ignorent la justice dans leurs rapports avec

eux. Citons, par exemple, le moine Grégoire, plus tard métropolite d’Ungro-Valachie. Dans une œuvre composée en commun avec un certain Géronte : Bref commentaire… des antiennes de l’Ocloik [en roumain], monastère de Neamtu, 1817, il parle de « Blaj, privé de jugement et obscurci de fumée » ; quant aux prêtres roumains unis ce ne sont pour lui que « des popes honteux, ni papistes véritables, ni orientaux purs ; ils boitent des deux pieds. »

L’évêque orthodoxe de Sibiu, André Saguna, expédie le 23 février 1850, à Niphon, métropolite de Bucarest, un stock de livres édités dans son imprimerie. La lettre qui accompagne cet envoi attire l’attention du primat d’Ungro-Valachie sur le danger que représentent les unis. Non seulement ils ont « ravi » la métropole orthodoxe de Belgrade (Alba Julia), mais ils se sont « armés » de deux nouveaux évèchés ((Hurla et Lugoj). En réalité les unis n’avaient « ravi » aucune métropole. Ils avaient simplement réalisé une aspiration nationale récemment formulée lors de l’assemblée historique tenue à Blaj le 3/15 mai 1848 et à laquelle prirent part 40 000 Roumains unis et orthodoxes. Quant aux Roumains orthodoxes, ils devaient eux aussi obtenir en 1864 une métropole. Sibiu, et ultérieurement deux, puis quatre évèchés suffragants. Saguna sonne l’alarme : les unis ont pénétré même dans les deux principautés roumaines de Moldavie et de Yalachie ; ils sont professeurs non seulement dans des familles, mais encore dans des écoles publiques, voire dans des séminaires théologiques. « Les ennemis que notre Eglise orthodoxe de Roumanie doit redouter », écrit Saguna, « ce ne sont ni les papistes déclarés, ni les luthériens, ni les calvinistes ou autres hérétiques, mais ces quelques Roumains appelés unis. Ils ont conservé les formes du rite oriental, mais ce sont des papistes incarnés : sous le couvert de leur nom de Roumains, ils tâchent de nous attirer dans un abîme où notre Église et même notre nationalité trouveront un tombeau. »

Saguna affirme ensuite, gratuitement d’ailleurs, que le trouble jeté dans la conscience religieuse et l’indifférence en matière de religion des dirigeants des principautés roumaines sont dus aux Roumains unis.

De même les évêques orthodoxes anathématiseiit l’alphabet latin et interdisent à leurs fidèles de donner aux enfants d’antiques noms romains. Heureusement on ne les écouta pas.

1. Discussions autour de rétablissement de la hiérarchie catholique.— —Tout ce bruit était provoqué par la création d’un archevêché catholique de rite latin à Bucarest et d’un évèché de même rite a lassy en 1883. Melchisédech Stefanesco de Roman, « orgueil » de l’épiscopat orthodoxe roumain, rédigea un mémoire intitulé : Le papisme et l’étal actuel de I’Église orthodoxe au royaume de Roumanie [en roumain]. Ce mémoire imprimé fut adressé à toutes les autorités roumaines. 11 comprend deux parties. La première est un aperçu historique des relations séculaires entre l’Église et la nation : la seconde est toute d’actualité et contient les constatations faites par les évêques roumains et leurs propositions.

En premier lieu Melchisédech démontre, appuyé suides données historiques, « l’antipathie des Boumains à l’égard du catholicisme ». « Les termes de pape, papiste, papisme, dit-il, ont toujours été synonymes de haine implacable envers la nation et l’Église rou83

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inaiiic. d Après le concile de Florence (1439), ce sentiment s’accentua. Le patriarche Joseph, l’empereur Jean IV Paléologue et leurs adhérents avaient signé l’aete d’union, mais les Roumains et d’autres Orientaux le répudièrent. Bien plus ils renièrent le patriarcal de Constantinople et passèrent sous la juridiction du patriarche bulgare d’Ochrida, demeuré à l’écart du mouvement unioniste. Il es1 curieux d’observer que l’auteur de ce mémoire l’ait sienne l’opinion des s divans d de.Moldavie de 1815, LSI !), 1820 et 1826, à savoir que « l’on n’a jamais entendu dire qu’il y ait eu. en ce pays, un évêque catholique quelconque soil

résidentiel, soit in parlibllS. t La vérité est que les chroniques et les chartes consultées en ces divans » ne dataient pas de plus de deux cents ans. Que de sièges épiscopaux catholiques n’aurait-on pas trouvés en terre roumaine si des documents plus anciens avaient été étudiés : évèchés de Cumancs, d’Argès, de Milcov. de Bacâu, de Siret. de Baïa. Lien plus on aurait découvert que, durant les huit premiers siècles de l’ère chrétienne, non seulement les Roumains avaient été christianisés par des missionnaires latins, mais qu’ils étaient soumis, encore que d’assez, loin, à la juridict ion du Samt-Sitge. ( : t te vtrite historique Melchisédech la reconnaît, mais avec une restriction : i L’antique Rome chrétienne, dit-il. était vraiment apostolique et non papiste comme la Rome moderne. »

La seconde partie du mémoire traite des ennemis de l’orthodoxie. L’évêque de Roman signale l’athéisme, le matérialisme, le socialisme, mais aussi le papisme qui i est à la recherche de déserts pour les peupler lui seul ».

Comme la deuxième conclusion de ce « mémoire » demandait au gouvernement de ne pas permettre la création d’évèchés catholiques à Bucarest et à lassy, Rasile Boeresco, alors ministre des Affaires étrangères déclara que l’Église orthodoxe ne peut empêcher l’autorité ecclésiastique catholique d’organiser ses propres lidèles comme bon lui semble et. par suite, de donner à ses évoques les titres qui leur conviennent.

L’évêque orthodoxe reprochait ensuite au ministre des Cultes et de l’Instruction publique sa tolérance a l’égard des écoles catholiques où étudie une grande partie des enfants orthodoxes ». Le ministre lit la preuve du contraire. La grande majorité de la jeunesse fréquentait les l 000 écoles « le l’État. Si cependant quelques (’lèves orthodoxes suivent les COUTS des écoles catholiques, cela ne signifie pas, observe à juste titre le ministre, « que nos enfants soient devenus catholiques ».

lui plusieurs endroits de son mémoire, Melchisédech s’occupe des « unis ». Il commet l’erreur de croire que l’union est le premier pas vers le t catholicisme », comme il l’entend, c’est-à-dire la fusion des Roumains dans l’immense masse des catholiques par la suppression de leur rite et de leur caractère national. Il ignore la réponse catégorique de Clément XI au cardinal Kollonich, qui demandait l’autorisation pour les missionnaires de rite lai in de passer provisoirement au rite byzantin avec la possibilité de revenir plus tard à leur ancien rite. Le pape n’admit pas ce retour, contraire au décret des conciles œcuméniques et aux décisions de ses prédécesseurs. <— Si l’on examine la question d’après les principes solidement établis, écrivait ce pape, en particulier la possibilité pour les différents peuples de voir combien le Siège apostolique prend soin de conserver à jamais chaque rite, de le rendre même florissant, le désir ensuite de Home d’affirmer combien elle est éloignée de vouloir suppri mer un rite, de nuire à son intégrité par le mélange avec un autre rite, ce dont se sont plaints au Saint Siège et a plusieurs reprises les grecs catholiques a la suite de craintes, de soupçons perfidement semés parmi eux par les non-unis. Nous ne pouvons prendre une autre décision a cel égard

Cependant les évêques orthodoxes roumains s’entêtèrenl et reliisèrent d’admettre les témoignages des hommes d’État compétents en la matière. C’est alors qu’à la séance du 18 décembre 1884 de la Chambre des députés, le grand historien et homme politique, Michel Kogalniceanu ne craignil pas de parler de leur

« incapacité.

Le souci de la vérité nous oblige à reconnaître que Melchisédech a trouvé, a de nombreuses reprises, de bonnes paroles a l’égard <lu catholicisme. « Vous parlez du clergé catholique, écrit-il, dans une lettre. Sa force lui vient de son organisation séculaire exceptionnelle : de son indépendance à tous les degrés de la hiérarchie, de sa culture spécialisée, de sa situation matérielle et de son avenir assuré, de la richesse des moyens dont dispose l’Église catholique dans tous les domaines : matériel, culturel, politique, religieux et social, i

2. Les discussions theologiqu.es de 1X86. — En 1886, la discussion a repris. Cette fois, ce n’est plus au Parlement, mais directement entre les représentants des deux Églises. Voyons-en les principaux moments

Sous prétexte que la religion îles aïeux » était en péril, une association orthodoxe roumaine est fondée. Le prince Georges Bibesco publie, dans la Nouvelle revue de Paris. 25 novembre 188"), un article intitulé L’orthodoxie et le catholicisme en Orient, édité en même temps en roumain (Bucarest, F. Gobi). Il s’appuie sur le témoignage d’un anonyme allemand pour affirmer que ce n’est pas la Russie, mais l’Autriche aidée par l’Allemagne, qui est appelée a créer un vaste empire dans la péninsule balkanique. Dans ce bul l’Autriche va tenter d’éloigner les populations autochtones de la religion de leurs pères, assurée qu’en Roumanie elle ne rencontrera qu’une faible opposition. Effrayé par cette menace allemande anonyme, le prince Ribesco demande a lous les bons Roumains de se grouper dans la dite association et de crier : « En avant ! Avec l’aide du Dieu de la patrie ! i Aussitôt dans les écoles, dans la société, dans les milieux politiques commence une violente offensive contre le catholicisme. Dans les écoles, les professeurs débitent une foule de calomnies empruntées aux écrivains athées et rationalistes de l’Occident. Dans la société et les milieux politiques, la campagne est menée au moyen « des grâces et du charme du beau sexe » et aussi par l’espoir de hautes fondions et d’avantages matériels ».

En face de ce péril, l’archevêque catholique de Bucarest, Mgr Paul Joseph l’aima, lient a mettre ses lidèles en garde et, à l’occasion des solennités pascales en 1886, publie une lettre pastorale dans laquelle il affirme cette vérité que, hors de l’Église catholique, il n’y a point de salut. Il montre également que cette Église a été iw. puissant fadeur de la renaissance du peuple roumain, renaissance qui a reçu une vive impulsion de l’union des Roumains de Transylvanie avec Rome. Cel te lettre pastorale, cependant si modérée, si prudente, déchaîna une véritable tempête tant dans la presse que dans la haute hiérarchie orthodoxe. Nous rappellerons seulement que, en juin de la même année. Calliniq ic Miclesco, métropolite d’Ungro-Yalachie d primat de Roumanie, convaincu que la lettre de Mgr l’aima portail atteinte aux « intérêts de l’Église orthodoxe publia une < contre-pastorale », véritable polémique théologique d historique. Son argumentation était purement négative sans aucun fondement biblique ou scientifique.

Les catholiques roumains ne pouvaient la laisser sans réponse. Celle-ci lui donnée par un professeur de l’université de Bucarest, Giovanni Luigi Frollo, et parut celle même année en une brochure de 72 pages imprimée à Cernâuti (Czemovttz), chez C. Eckhardt Mue le pseudonyme de Dr Nerset Marian et le titre de

La pravoslavie roumaine en face de l’orlhodoxie romaine [en roumain]. La première partie de cet ouvrage reproduit intégralement le texte de la pastorale de Callinique Miclesco. La seconde présente des « observations pour la défense de l’orthodoxie romaine » et porte en épigraphe ces paroles de l’Ecclésiastique (rv, 24) :

« Lorsqu’il s’agit de ton âme, n’aie pas honte de dire la

vérité. » En voici le résumé. Après une introduction de circonstance, l’auteur met au point la question de la prétendue propagande catholique. Cette propagande, dit-il, est impossible faute de moyens utiles : argent, prêtres indigènes, églises spacieuses, pompe et assistance habituelle à l’église catholique, faute d’institutions auxiliaires (écoles, orphelinats, hôpitaux, hospices, etc.). Tous ces moyens, seuls l’État roumain et son Église dominante orthodoxe en disposent. Seule également cette dernière peut se permettre d’exercer une pression sociale et politique. La présence d’un jeune prêtre uni, Démétrius Radu, plus tard évêque de Lugoj, puis d’Oradia, au milieu de ses fidèles unis de la capitale n’est pas une provocation, mais l’accomplissement d’un devoir. Suit une rectification au sujet d’affirmation erronée concernant les jésuites qui, lisait-on dans un journal de l’époque, « fourmillent dans la capitale et de là se répandent dans tout le royaume et l’envahissent de leurs noires légions ». Le nom de jésuite observe N. Marian sonne bien et a l’avantage inappréciable de pouvoir s’appliquer à tout catholique zélé. Aux attaques contre les écoles catholiques a où s’égarent les sentiments roumains des enfants », comme 1’afiîrmait un autre journal, il répond :

« Les écoles catholiques de n’importe quelle

région sont destinées aux enfants catholiques : s’il plaît à certaines familles orthodoxes, protestantes ou israélites de nous confier leurs enfants, elles connaissent fort bien le motif qui les y poussent et ont le droit d’être absolument libres dans leur choix… Elles viennent à nous spontanément et non séduites par la ruse ou détournées d’autres écoles par des allégations mensongères. » Quant aux séminaires cpii, dit-on, < se peuplent et se multiplient selon une progression arithmétique », avec des ordinations « tous les dimanches », l’auteur déclare que de l’unique séminaire catholique, celui de la capitale, créé il y a seize ans sont sortis à peine vingt-cinq prêtres, en nombre donc insuffisant pour satisfaire aux besoins spirituels de la foule des fidèles. A quoi donc se réduit la propagande catholique ? A la lumière du bon exemple qui ici, comme ailleurs ne peut être mise sous le boisseau, mais sur le candélabre afin d’éclairer toute la maison.

Après ces précisions relatives à la propagande catholique, pierre de scandale alors comme de tout temps, N. Marian reprend les négations de (allinique et les réfute l’une après l’autre. Callinique prétendait que

« l’on ignorait où se dirigea l’apôtre Pierre après sa

sortie de prison, que rien ne prouvait qu’il eût été pape à Rome ». Marian aurait pu apporter un grand nombre de preuves contre cette énormité. Il se borna au témoignage classique de l’Église orientale, extrait de ses livres liturgiques ou autres. Ainsi dans les Menées et les Synaxaires on peut lire à la date du 29 juin :

« L’apôtre Pierre, le premier des disciples, prêcha

l’Évangile d’abord en Judée et à Antioche, puis dans Le Pont, la Galatie et la Cappadoce, l’Asie Mineure et la Bithynie, et de là alla jusqu’à Rome. Après avoir vaincu Simon le Magicien, il fut crucifié par Néron. » Un livre populaire, l’apocryphe Vision de la Mère du Seigneur, connu même des illettrés, dit encore : « J’ai vu Pierre à Rome et Paul à Damas. »

N. Marian prouve par six arguments la primauté de juridiction du pape, niée par Callinique : 1. Les dénominations des évêques de Rome et de leur siège ; 2. Le rôle des papes dans la rédaction des canons et l’obli gation imposée aux évêques de les respecter ; 3. Les appels au pape venus des évêques île tous 1rs pays ;

4. Les cas réservés au jugement du Saint-Siège ;

5. L’envoi par les papes de légats apostoliques aux conciles œcuméniques : (i. Les attributions propres aux évêques et le Saint-Siège apostolique de Rome.

Tous ces arguments sont appuyés sur des exemples caractéristiques choisis dans l’histoire de chaque siècle. X. Marian insiste, naturellement, sur les fondements dogmatiques de la primauté papale, niellant en relief le sens véritable des textes évangéliques (Matth., xvi, 18 et Joa.. xxi, 18). Il fait ensuite une sévère critique de l’esprit moderne hédonisl o-matérialiste en des pages où parfois on sent l’envolée du prophète. Pour le seul catholicisme, observe-t-il, l’ère des martyrs n’est jamais close. Aujourd’hui même le sang des missionnaires catholiques coule en plusieurs régions à la fois.

Ces preuves, si claires, si bien étayées soient-elles, tirent sur les contemporains moins d’impression que ses sept thèses historiques. Elles tirent le tour de la presse non seulement en Roumanie, mais dans une bonne partie de l’Europe. Nous les donnons ici, encore que les exagérations inévitables de la polémique V soient particulièrement sensibles. 1. L’Église orthodoxe a altéré au point de le compromettre, le caractère national roumain. Romains d’origine, les Roumains, à cause de leur religion pravoslave, ne l’ont plus partie de la famille spirituelle des peuples latins. Pour eux, Bulgares, Grecs, Serbes et Russes sont de meilleurs Roumains que les Italiens, Français ou Belges naturalisés depuis deux ou trois générations. 2. La langue roumaine, dans l’Église orthodoxe et par elle, a été déformée. Ce n’est qu’en dehors d’elle, par les réformés et les catholiques, que commença la culture du roumain. 3. L’Eglise orthodoxe est coupable de ce que la civilisation est en retard en Roumanie. L’ancienne civilisation du peuple roumain est slavo-byzantine, non roumaine, et bien inférieure à celle de l’Occident. Alors que le monachisme catholique est un facteur culturel de premier rang, les moines orthodoxes sont ici des étrangers en proie à un mysticisme maladif. L’évêque Vfelchisédech lui-même ne voit plus d’autre destination aux monastères que d’être a des asiles pour des vieillards qui, après avoir terminé leur rôle dans la société, désirent une fin tranquille à l’ombre du cloître. 1. Même actuellement (ceci était écrit il y a cinquante ans) l’Église orthodoxe, au lieu d’en être l’initiatrice, vient à la remorque de lous les mouvements nationalistes. Nous en avons une preuve dans les critiques incessantes que lui adresse non seulement la presse, mais des parlementaires comme Mârzesco. Sihleanu et même Kogâlniceanu. Ce dernier’déclare à la séance de la Chambre du 18 décembre 1884 :

A l’époque de notre renaissance, toutes les classes de la société ont progressé ; seule l’Église n’a pas lait un pas. » 5. L’Église orthodoxe a toujours fait des Roumains des instruments de l’ambition et des intérêts étrangers. Il a fallu qu’un laïc Théodore Yladimiresco vienne des montagnes de Gorj pour arracher l’Église à la honte d’être un repaire de Grecs. 6. L’Eglise orthodoxe a rendu et rend impossible la formation et la consolidation d’un puissant État roumain. En effet par la corruption qu’elle répand, elle traîne les Roumains à la remorque d’abord des Byzantins, puis des Turcs. 7. L’Église orthodoxe est un point d’appui assuré en cas d’un éventuel envahissement de la Roumanie par la Russie. Enfin l’auteur montre qu’à trois époques différentes le point de départ de la colonisation des provinces roumaines a été la Transylvanie, sous le règne de l’empereur Trajan ; au temps de Radu Negru et de Bogdan Vodâ, fondateurs des principautés de Munténie et de Moldavie ; récemment enfin, et d’une manière toute pacifique par les nombreux professeurs s ;

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transylvains, i unis pour la plupart, qui ont fait rayonner la pensée roumaine, V. Pop, Fabian, Manfl, Costea, Bnrnutiu. Papiu Elarian, Treboniu Laurian, G. Lazâr, I. Maioresco, etc.

L’apparition de cette œuvre de Frollo fut un véritable événement littéraire auquel s’intéressèrent un certain nombre de revues étrangères comme : l.u Difesade Venise, 27-28 avril 1887 ; la Germania de Merlin. 2 ! février 1887 : le Wiadomosci Katolickie de Lwow, lit avril 1887, etc. I.’ardente discussion publique qui s’ensuivit eut même certains résultats imprévus. El la presse se lit l’écho de bruits selon lesquels le métropolite primai de Roumanie aurait, peu avant sa mort (188(i). fait profession de foi catholique.

3. Le eus « Uiiurf ». Évidemment cet événement ne fut pas admis comme authentique par tout le monde et surtout par la hiérarchie orthodoxe. Aussi. quand le chanoine Joseph Baud, membre du chapitre de la cathédrale Saint-Joseph de Bucarest, l’affirma dans une lettre du 21) mars I il III reproduite par le journal Seara Le soir], il s’éleva une véritable tempête contre lui. Il fut obligé de quitter le pays. Pimen Georgesco, métropolite orthodoxe de Moldavie et Suceava en (it le sujet d’une interpellation au Sénat. Il traita même de « fou » et d’ « incongru » le chanoine qui, depuis trente ans, abusait de l’hospitalité revue en Roumanie. Dans sa réponse, Jean J.-C. Brâtiariu déclara qu’il ne fallait pas rendre responsable de la faute d’un homme, fùt-il prêtre. l’Église de Rome qui « est trop sage pour ne pas se rendre compte que la première condition d’une existence assurée dans le royaume de Roumanie est de respecter l’hospitalité qu’elle y reçoit… » I) continua en montrant que l’Église dominante n’avait à craindre aucun danger extérieur ». Toutefois il laissa entrevoir combien plus sérieux était celui qui la menaçait à l’intérieur. Quant au chanoine Baud, Brâtianu estimait qu’il avait été victime d’un état maladif et de certains agitateurs qui ignorent les véritables conditions vitales d’une Eglise, tout en croyant la servir ».

Signalons comme une conséquence du « cas » Baud, la fondation en cette même année 1910, de la Société des dames orthodoxes. Dans l’appel lancé à cet te occasion nous lisons l’affirmation suivante : « Il est temps, croyons-nous, de montrer à tous une fois pour toutes que les Roumains entendent rester jusqu’à la fin des siècles fidèles à la foi ancestrale de l’Église orthodoxe qui fut et sera la citadelle inexpugnable du peuple roumain. »

I. Création du patriarcat de Roumanie. Dans la Roumanie unifiée, en dehors de la discussion de l’article 22 de la nouvelle constitution, le problème de l’orthodoxie et de l’union se posa en plusieurs autres occasions. En février 1925 la création d’un patriarcal roumain fut décidée sur la proposition du Saint-Synode de Bucarest. Sans doute, Mgr Yisarion l’uiu, alors évêque de Hotin-Bâlti et depuis métropolite de Bukovine émit, dans un discours remarquable, l’idée que les patriarcats locaux et nationaux n’ont plus de raison d’être : le seul patriarcat digne de ce nom, étant donnée sa « formidable » organisation mondial, est celui de l’ancienne Borne, c’est-à-dire la papauté. Le projet de loi ne laissa pas d’être voté avec enthousiasme et a l’unanimité au Sénat et à la Chambre des députés. Banni les sénateurs unions M. Élie Dàianu, doyen des Roumains unis de Cluj, biographe du bienheureux Geremia Vallaco. Cette initiative trouva dans son cœur un écho fraternel » : ce vénérable prêtre catholique escomptait que la nouvelle Institution sérail une source de « prospérité pour le pays ». Il rendit hommage à » celle confirmation du principe de l’auto riié que l’Église, toute l’Église chrétienne, a la mission

de représenter ici-bas au nom de Dieu, source de-toute

autorité ». Cel hommage lui valut de chaleureuses félicitations de la part du Sénat (12 février 1925), en particulier du professeur C. Dissesco. Cet ancien ministre accentua de son côté la vérité des paroles de M. Dàianu. < Certes, dit-il, le patriarcat est quelque chose de bien grand, fie bien élevé, mais non moins grand, non moins élevé est notre idéal historique : autrefois notre nationalité a été divisée, mais maintenant nous constituons une nation puissante et unie : de même notre Hglise chrétienne encore divisée doit devenir une Kglise unique, unie dans la loi et dans le culte. » I.e nouveau patriarche prit en dernier lieu la parole. Il n’oublia pas de rappeler les mérites du peuple roumain et comment un patriarche, le pape de Borne Sixte IV. les appréciait à leur juste valeur : » Quand, après tant de victoires des voévodes roumains sur les ennemis de la chrétienté, dit-il. Sa Sainteté le patriarche pape de Boni.’a appelé le voévode Etienne le Grand, athlète de lu chrétienté entière, les mérites du peuple roumain devant le christianisme et la civilisation sont passés dans le domaine de l’histoire mondiale. »

Au banquet offert par le roi Ferdinand I er, en l’honneur du nouveau patriarche et des étrangers de marque venus à Bucarest à cette mémorable occasion, le regretté souverain, né, demeuré toute sa vie, et mort mais non enseveli, dans l’Église catholique à laquelle il fut toujours fidèle, prononça ces paroles : « Je crois rester dans l’esprit de mes prédécesseurs, les voévodes défenseurs ardents du christianisme, en souhaitant que les Kglises orthodoxes trouvent les moyens de se rapprocher de la chrétienté universelle : de cette union sortira la paix des peuples, donnée par le Sauveur, prèchée par l’Église et désirée de nous tous. »

5. Visite de Mgr d’Herbigny.

Durant l’été 1927 Mgr d’Herbigny, évêque in parti bus d’Ilion, président de l’Institut pontifical oriental de Borne, rendit visite aux patriarches orientaux. Il accorda une attention spéciale au patriarcat roumain, le plus récent de tous. 11 fut reçu en audience par Sa Béatitude Miron C.ristea, patriarche orthodoxe : Son Excellence Mgr Al. -Th. Cisar, archevêque latin de Bucarest l’accompagnait. Au cours de la conversation entre ces prélats. Mgr C.ristea parla en termes précis du danger de l’athéisme d’une part, et aussi de la division en sectes dont le protestantisme fait peser la menace sur l’Église orthodoxe. Parmi les sectes actives il nota les adveiilistes, les méthodistes, l’armée du salut, les lutteurs de l’esprit. Quant au clergé uni à Borne, voici l’intéressant témoignage, rapporté par Mgr d’Herbigny, que lui rendit le patriarche : Nous devons surtout admirer les catholiques des évêchés roumains de Transylvanie, à cause de leur esprit d’organisation, de leur développement intellectuel, de leur moralité, du souci qu’ils ont du bien commun, de leur esprit religieux, de la culture de leur clergé… C’est à ces patriotes roumains des diocèses catholiques que l’on a dû de soir la langue et la nation roumaines reconquérir leur place au soleil… » Cel’c interview l’ut, il est vrai, démentie dans VApostolul [L’apôtre], organe de l’archevêché orthodoxe de Bucarest et par l’archimandrite Jules Scriban dans la revue Biserica orlodoxâ românâ ] /, ’lùjlise orthodoxe roumaine] ( 1928).

li. Discussion autour de lu loi sur des cultes. - - Les discussions les plus passionnée i s’élevèrent en Ire orthodoxes et uni--, en mars et avril 1928. à l’occasion du vote de la loi sur les cultes. Il est impossible de citer Ions les discours prononcés en cette circonstance. Nous en signalerons seulement quelq : es passages plus caractéristiques. Ainsi celui de Mgr Roman Ciorogariu C 1936), évêque orthodoxe d’Oradéa qui, le premier,

au Sénat prit la parole le 17 mars 1928. Malheureusement, a la pensée du Vatican, il ne se posséda plus.

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On l’entendit parler de « l’herbe vénéneuse semée par le Vatican, notre plus grand ennemi », de la « théocratie papale », du « mépris manifesté par cette théocratie à l’égard des Roumains unis qui depuis deux cent trente ans n’ont pas eu un seul cardinal », etc. Seul, Blaj trouva grâce à se* yeux. « Notre renaissance est liée au nom de Blaj, dit-il : ce qui fait le mérite de Blaj, ce sont ses écoles. C’est là que Klein. Sincaï, Pierre Maïor ont suscité ces lignées de lettrés qui nous ont été si utiles. Aussi devanl vous, messieurs, devant mes frères je rends ce témoignage et j’apporte le tribut de notre reconnaissance à notre Église-sœur de Blaj, « Toutefois ce même orateur et plusieurs autres trouvèrent moyen de reprocher à cette même Église de Blaj d’avoir organisé des prières publiques, des processions pour obtenir de Dieu le vote de la loi en question.

Dans sa réponse. Mgr Valère Trajan Frentiu, évêque roumain uni d’Oradéa, rectifia certaines erreurs de ceux qui l’avaient précédé à la tribune du Sénat. Le catholicisme, selon le témoignage d’historiens comme Démétrius Cantemir et Michel Kogâlniceanu, n’est point inconnu aux Roumains, même sous sa forme latine et moins encore dans le rite roumain. Jusqu’au temps des phanariotes, le catholicisme latin élait In seconde religion du pays, l’n grand nombre de princes roumains ont fait de généreuses offrandes aux églises catholiques. Seuls les phanariotes avec leur instinct de destruction ont semé la haine entre ces deux confessions. Quanl à la conversion des Roumains en 170(1, elle ne fut pas un passage de l’orthodoxie à l’union (catholicisme), mais plutôi une évasion du calvinisme qui avait subjugué les consciences pendanl près d’un siècle et demi. L’orateur renouvela enfin sa proposition de réunir en synode commun les prélats des deux confessions roumaines en vue de rétablir l’union religieuse.

S. Exe. Mgr Al —Th. Cisar, ai chevêque latin de Bucarest, sénateur de droit, s’exprima à la tribune en termes généraux » (21 mars 1928). Il formula l’espoir que l’égalité et la liberté religieuse ne fussent pas seulement inscrites dans la loi, mais devinssent une réalité. Que l’État évite tout prosélytisme et ne lasse cuire les cultes aucune différence ! Il dit sa douleur d’entendre les injures proférés en plein Sénat a l’adresse de son Église et de son chef suprême et se plaignit que des sénateurs aient pu fabriquer une histoire qui n’a rien d’historique. Sa conclusion fut un émouvant appel à la solidarité civique.

L’évêque uni de Clu.j Gherla. Mgr.Iules I lossu insista tout d’abord sur l’importance de la loi en discussion. 11 fit ensuite allusion à certains orateurs qui prétendent faire et refaire à la hâte de longs procès historiques et nota que, dans le feu des débats, d’aucuns en étaient arrivés à prétendre que les Roumains unis à Rome étaient pires, du point de vue patriotique, que les minorités ethniques ; or, qui veut trop prouver ne prouve rien. Il insista sur la méfiance avec laquelle nous observent nos voisins, bien que cependant, ils n’en aient aucun motif, car nous n’essayons pas de les dénationaliser et de les convertir. Ces tentatives de prosélytisme sont réservées aux unis. Sans cesse on accuse l’État roumain d’ « injustice » sous prétexte qu’il aide davantage les unis que les orthodoxes. Or, Mgr Hossu demanda au Sénat, et à juste titre, de ne pas apprécier le taux de ces subventions d’après le nombre des fidèles des deux confessions dans le pays entier, mais seulement dans les provinces recouvrées. De cette façon, on pourrait voir que les unis ne sont pas du tout « favorisés ». Loin de là. Ainsi les orthodoxes en Transylvanie pour 1 800 000 fidèles possèdent cinq évêchés ; or les unis au nombre de 1 500 000 n’en ont que quatre. L’évêque uni de C.luj rappelle à ses

compatriotes orthodoxes les paroles de Basile (ioldis, ex-ministre des Cultes. « La jalousie de l’Église orthodoxe à l’égard de l’Église catholique romaine, dit celui-ci, est injustifiée. Qu’elle défende ses droits, c’est bien ; mais qu’elle ne nous demande pas d’attenter aux droits des autres. Au contraire, l’émulai ion, grâce aux autres cultes égaux en droits, lui donnera un surplus d’énergie et lui rendra cette vigueur qui lui a manqué jusqu’à présent ; ce sera peut-être le début d’une nouvelle ère de gloire. »

Comme on discutait ensuite la question des biens ecclésiastiques en cas de passages en masse d’un culte à un autre, l’orateur prouva que les Églises ne pouvaient avoir des droits inférieurs à ceux dont jouit une personnalité juridique privée. Or, la loi Màrzeseo de 1112-1. article 50, déclare que « les membres d’une association qui se retirent de la dite association ou en sont exclus, n’ont aucun droit sur l’avoir commun ; ils sont obligés d’acquit ter leur cotisation pour tout le temps qu’ils ont fait partie de l’association. »

S. ÉXC. Mgr Alexandre Nicolesco, alors évêque uni de Lugoj. présentement archevêque d’Alba Julia et Fâgàras en résidence à Blaj, lit valoir en faveur de la loi des arguments établis sur des documents sérieux. Dans son exposition remarquable par sa largeur de vue et sa force convaincante, il rappela l’aide que l’Église de Rome apportait à tous les peuples de la terre. Parmi les Américains, il note le cardinal Gibbons dont l’ancien président des États-Unis, Théodore Roosevelt, disait : « Quand je veux parler a un représentant authentique île la religion, je m’entretiens avec ce prince île l’Église romaine. « Quant aux mérites des cardinaux Mercier et Amélie, il n’y a pas à en parler, car ils soni trop connus en Roumanie. Récemment, Benoit XV a remis aux cardinaux polonais le cierge allumé par Pie IX lors de la canonisation de saint Josaphal et qui devait être conservé au Collège polonais de Rome jusqu’au jour où il sérail allumé de nouveau a Varsovie, redevenue capitale libre et indépendante de la Pologne ressuseitée. Ce geste, le pape le fit non seulement contre la Russie et la Prusse hétérodoxes, mais également contre l’Autriche catholique. C’est la force incomparable de l’Église catholique d’amener tous les peuples a frai enliser dans le Christ et de faire de l’humanité entière une seule famille. Le chef de l’Église roumaine unie passa en revue l’histoire du catholicisme roumain et lit observer qu’a côté des écoles de Blaj dont certains prélats orthodoxes avaient célébré les bienfaits, celles de Peins et d’Oradéa avaient, elles aussi, bien mérité de la nation roumaine. Lutin dans la dernière partie de son discours, l’orateur discuta la question de l’administration des biens ecclésiast iques.

Le lendemain (27 mars 1928) Mgr Nicolas Palan, métropolite orthodoxe d’Ardéal et de Sibiu, monta à la tribune. Après diverses considérations sur le problème religieux, tel qu’il se pose à l’heure actuelle, l’orateur constata qu’aujourd’hui « nous sommes bien pauvres en idéal et surtout en idéalistes ». Aussi voudrait-il nous élever « du monde de la haine qui de frères lait des ennemis, de la force qui détruit, de l’intérêt qui ravale », jusqu’au monde de l’amour qui nous fait fraterniser, de l’union qui fortifie, du sacrifice qui élève. Il affirma ensuite que tous les Roumains sont croyants. Si parfois il rencontre un incroyant, il se demande aussitôt : de quelle origine étrangère peut être ce malheureux ? Il se munira convaincu que l’idéal de l’unité chrétienne (Joa., xvii, 21) ne peut pas demeurer une vaine illusion, une chimère trompeuse. Or, cet idéal ne se réalisera jamais ni « par une soumission aveugle à une seule juridiction, à une autorité qui se prétend infaillible » (sous la forme catholique), ni par la reconnaissance d’un subjecti « M

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visme qui endette la vérité objective de la foi (sous la forme protestante), mais par la réunion de toutes les Églises nationales dans la véritable Église du Christ » (l’Église orthodoxe). Il se déclarait donc opposé au concordat. C’est un contrai international, donc un traitement de faveur réservé an culte catholique, alors que les autres confessions doivent se contenter d’une simple loi volée uniquement par les deux corps législatifs du pays..Mgr Bàlan demande ensuite que soit garantie la liberté religieuse non seulement pour les individus, mais aussi pour les collectivités, afin de permettre à des paroisses entières de passer de la religion « hybride » et « artificielle » des unis à la foi ancestrale » des orthodoxes. Répondant alors à l’archevêque Cisar navré des paroles amères prononcées au Sénat à l’adresse du pape, Mgr Bàlan lui demanda : « Et, depuis deux cent vingt-huit ans, que vient faire le patriarche de Rome au milieu de mon troupeau d’Ardéal’?… Nous ne sommes pas une colonie de nègres païens d’Afrique. Dès l’origine nous avons été un peuple chrétien et nous avons eu notre religion. C’est seulement parce qu’il a su profiter de la situation pénible dans laquelle se débattait notre peuple qu’il a pu créer ce schisme parmi nous. » « Pensez-vous que ce soit de la part du pape faire œuvre fie chrétien que de jeter la division parmi nous en arrachant les unis a l’Église du peuple roumain ? » 11 était aisé de lui répondre : « Oui, car quelle œuvre meilleure, plus rédemptrice que de répandre la vérité ? Les chrétiens véritables adorent Dieu « en esprit et en vérité » (Joa., iv, 3-1). Ce qui donc est le plus important pour les individus et les nations est de posséder une croyance vraie. Seule celle-ci peut nous sauver. Et c’est un devoir pour tous les bons chrétiens de répandre cette vérité dans le monde entier, non seulement dans les colonies, mais aussi parmi les Roumains qui gémissent sous le joug étranger. Qui donc d’une façon spéciale fut chargé par le Christ de confirmer ses frères dans la foi ? N’est-ce pas Simon-Pierre (Luc, xxii, 32) et ses successeurs les papes de Rome ? » D’ailleurs.Mgr Bàlan lui-même au début de son discours avait reconnu le bien fondé de celle théorie : « Si l’on croit, dit-il, que l’on est le dépositaire de la foi, comme nous le croyons, avec conviction et en toute justice quand il s’ag’t de l’Église orthodoxe, alors on a le devoir de ne pas mettre le flambeau sous le boisseau, mais de le montrer a tous et d’aider ainsi ses frères à arriver eux aussi à la connaissance de cette foi. » Malheureuseiuent la passion et l’élan oratoire aveuglaient le métropolite de Sibiu et on put l’entendre appeller l’Église unie une « création artificielle » due, non à la « conviction » religieuse, mais aux intérêts politiques de nations ennemies. Il lit même aux évêques unis ce reproche :

« C’est vous qui êtes la cause perpétuelle de ces divisions. » Le seul tort qu’il se reconnaissait, c’était de ne

pas avoir suffisamment prêché le passage en masse de l’union a l’orthodoxie.

Mgr Basile Suciu (ï 1935), archevêque uni d’Alba Julia et Fâgârasen résidence à Blaj, gravement malade prononça lui aussi un discours bref, mais approprié aux circonstances (28 mars 1028). Il élaii question de <vn Églises roumaines. On ne peut, dit ce prélat, détruire une Église consciente de sa vocal ion ri. moins quc toute autre, l’Église roumaine unie. Essayer de la supprimer signifierait déclencher une guerre religieuse plus terrible qu’aucune autre, car la foi religieuse est le trésor le plus précieux de l’âme humaine. Il insista sur ce fail historique bien connu, mais enseveli sous les ruines de l’indifférence, que le christianisme roumain est d’origine romaine.

7. L’intervention < ! <* ministres. - M. Alexandre I.apedalu. minisire des Cultes et des Beaux-Arts, après un bnf aperçu historique des luttes religieuses en

Roumanie, montra (29 mars 1928) la nécessité pour l’ordre public de la nouvelle loi sur les cultes. Ses observations au sujet des rapports entre les deux Églises roumaines sont justes : « Il est très vrai, dit-il, que l’union de 1700 s’est faite pour des fins politiques… Il est très vrai que cette union a relâché pour de longues années et même rompu les liens séculaires si solides et si précieux, culturels et politiques, qui unissaient les Roumains des provinces moldo-valaques à leurs frères de Transylvanie. Il est très vrai que par la suite, cette union a provoque, à l’avantage de la maison d’Autriche, une lut te violente entre les deux confessions roumaines, au cours de laquelle des églises et des monastères orthodoxes ont été détruits à coups de canon. Mais il est non moins vrai que nos frères de Transylvanie ont su tirer profit de cette union, si favorable fût-elle à la politique de l’Autriche, et l’exploiter pour le plus grand bien de la nation roumaine. En effet, l’union a pu briser les rapports entre les Roumains de Transylvanie et la métropole (de Bucarest ) tant au point de vue ecclésiastique que culturel, mais par contre elle nous a ouvert de nouvelles voies vers la lumière et la culture, la voie de l’Occident latin, ("est di’la qu’est sorti le réveil de notre conscience nationale : de la aussi la raison pour laquelle, après 1764, quand enfin cessèrent les luttes fratricides, on vit se rétablir peu à peu entre les deux confessions des rapports normaux, mieux que cela, des rapports fraternels et cette union a préparé ces succès obtenus dans le domaine national et politique de 1764 jusqu’à nos jours. » Les causes de ces luttes confessionnelles si regrettables ? A côté de celles indiquées d’une part par l’évêque roumain uni Hossu et d’autre part par l’archevêque orthodoxe Bàlan, l’orateur en signale d’autres : la supériorité culturelle de certains unis, et la supériorité de l’esprit national chez les orthodoxes, la différence d’éducation et le fanatisme.

L’union pourra-t-elle se faire entre ces deux Églises ? Oui, elle se fera « par la simple évolution des choses sans l’intervention de qui que ce soit, en tout cas sans violence ni contrainte ». C’est dans cette intention que

« nous voulons écarter toute inimitié et rendre vaine

toute lutte ».

M. Vintilâ l.-C. lbâlianu († 1930), président du Conseil, développa à la même séance (20 mars 1928) le programme de politique religieuse du gouvernement cl du parti national-libéral. Il lit ensuite l’éloge de l’Église roumaine unie qui adonné au peuple roumain l.s apôtres de sa renaissance, (1. Sincaï el I’. Maïor. Ils surent démontrer scientifiquement la latinité, l’unité et le destin commun de ce peuple. Aussi, malgré ses fautes, si elle en a commis, cette Église mérite la confiance entière des Roumains, vu les services inappréciables qu’elle a rendus à l’idée nationale.

Comme le ministre des Cultes lors du vote de la loi par ari icles reconnaissait la personnalité juridique aux organisai ions des cultes historiques (de la communauté et de l.i paroisse jusqu’à l’évêché et à la métropole) et l’application du droit commun au procès concernant les biens ecclésiastiques, l’archevêque Bàlan protesta (31 mars 1928). « Le ministre I.apedalu subit, dit-il, une évolution incompréhensible. Parti de la thèse de l’épiscopat orthodoxe, il est arrivé par suite de concessions et de rétractations à accepter le point de vire diamétralement opposé. D’ailleurs, continua-t-il, le Parlement se trouve placé dans une fausse position. Il est obligé de légiférer sans avoir pu auparavant s’assurer une pleine liberté de conscience et d’action. »

I.a réponse de M. I.apedalu. minisire des Cultes, ne se lit pas attendre : Comment voir, demanda-t-il, une contradiction entre la présente loi et celle de l’Église orthodoxe, alors que le métropolite Bàlan lui-même a commencé son discours en remerciant le gouvernement et le ministre compétent de présenter enfin ce projet de loi qui prévoit pour les autres cultes un régime en harmonie avec la loi de l’Église orthodoxe ? » D’ailleurs il connaît la mentalité de l’archevêque Bâlan, aussi sa déclaration ne peut ni le surprendre, ni l’étonner. Il conclut : « Nous n’avons nul besoin de conseillers et de défenseurs de la dignité et de la souveraineté nationales, tant que nous saurons et que nous pourrons seuls les représenter et les défendre, » Le Sénat joignit sa protestation à celle du ministre. « Je crois me faire l’interprète de vous tous, dit J. Purcareanu, vice-président de 1 1 haute assemblée, en protestant, au nom du Sénat contre de telles affirmations. Cette loi si importante a été débattue dans nos âmes et nos consciences. Notre vote sera dicté par le sentiment roumain le plus pur, car nous sommes conscients de la grandeur de notre devoir en face de cette loi qui vient d’être soumise à notre discussion. »

N. Iorga, futur président du Conseil, désapprouva à la Chambre des députés (4 avril 1928), les déclarations et le geste de l’archevêque Bâlan qui avait quitté ostensiblement la séance du Sénat, « geste d’un prélat anglais du xvi<e siècle, alors que catholiques et protestants se poursuivaient les uns les autres jusque sur les marches de l’échnfaud. Les représentants des cultes, continua-t-il, sont au Sénat afin d’y entretenir l’amour et l’esprit de fraternité et non les disputes et la haine. L’Église unie que certains voudraient réduire en miettes est d’une nécessité absolue pour la nation roumaine. D’abord en elle vibre une nme vraiment nationale ; ensuite elle nous est un précieux organe de liaison avec l’Occident civilisé. Nous avons besoin de rapports avec l’Occident. Or, les rapports établis par l’Église unie entre la Roumanie et les autres peuples de même sang, de même race, nous sont d’une tout autre utilité que ceux créés par de coûteuses missions ou des toasts de banquets ».

Telles sont les relations entre l’orthodoxie et l’union en Roumanie. Sain et vigoureux, mais intoxiqué grâce aux Grecs et aux Slaves par le virus du fanatisme antipapal, le peuple roumain a besoin pour vaincre la maladie et revenir à la santé, en dehors de la grâce de Dieu, du meilleur de tous les médecins qui s’appelle le temps. Un autre remède sera l’exemple donné par le clergé catholique, spécialement par le clergé uni, non seulement en Transylvanie, mais dans le pays entier. Étant donné son but providentiel, l’Église unie ne doit plus se confiner en Transylvanie, mais se répandre dans tout le royaume et dès lors son clergé doit avoir une excellente préparation missionnaire.

J. Bianu et E. Hodos, Bibliografia româneasca veche [Bibliographie roumaine ancienne], t. i, 1508-1716 ; t. Il, 1716-1808 ; t. m, 1809-1830 (de Dan Simonesco) ; Serge Cetfericov, Païse, supérieur du monastère de Neamtzu, en Moldavie ; sa vie, son enseignement, son influence sur l’Église orthodoxe, traduction du russe [en roumain], par l’évêque Nicodème, supérieur du monastère de Neamtzu, édition du monastère de Neamtzu, 1033 ;, )ean Georgesco, Istoria Bisericii crestine un.iversa.le… [Histoire de l’Église chrétienne universelle au point de vue spécial du passé de l’Église roumaine unie à Rome], 3e édit., Blaj, 1931 ; Id., Momente din viata Biscricei unité… [Quelques faits de la vie de l’Église unie, durant tes dix dernières années, l’JlS-1928], Bucarest, Cultura nationala, 1929 ; Id., Aspects de la presse périodique roumaine, Oradéa, 1936 ; Mgr d’HerbignyI. Sfarcociu, Une visite aux patriarches orientaux (Pastoral Sufletesc), Lugoj, 1930, n. Il sq. ; Nicolas Iorga, Istoria lileraturei rcligioase a Romànilor… [Histoire de la littérature religieuse des Roumains jusqu’il Mina), Bucarest, Socec., 1904 ; Id., Istoria lileraturei romane [Histoire de la littérature roumaine], 2e édit., t. n (1688-1780), Bucarest, et Istoria Bisericei… [Histoire de l’Église et de la vie religieuse des Roumains], 2 vol., Bucarest, 1928 ; Marianu Nerset, Pravoslavia romàna… [La pravoslavic roumaine en face de l’orthodoxie romaine], Cernovitz, 1880 ; Évoque Melchisédech Stefanesco, Papismul si starca actuala a Biscricei orlodoxe…,

[Le papisme et l’étal actuel de l’Église orthodoxe dans le royaume de Roumanie. Rapport lu au cours de la session de printemps du Saint-Synode en l.SSo], Bucarest, 1883.

Revues : Biseriea ortodoxa romana, Bucarest, 1870-1936 ; Monitorul oficial, débats parlementaires au Sénat et à la Chambre des députés, aux dates indiquées au cours du présent chapitre.

VII. Le protestantisme et les sectes.

1° Le protestantisme. — Le protestantisme est représenté en Roumanie par le luthéranisme, le calvinisme et l’unitarisme (antitrinitarisme).

1. Luthéranisme.

Ce fut d’abord le luthéranisme

qui se répandit dans le pays où les hussites assez nombreux avaient préparé le terrain. La jeunesse saxonne, formée à l’université de Wittenberg, en facilita l’expansion. Parmi ces jeunes, signalons Ambroise de Silésie et Jean Hecht ; cependant ce fut Jean Hontérus de Brasov qui reçut le nom de « réformateur de Transylvanie ». C’est lui qui y organisa l’imprimerie, l’église, l’école saxonnes, dans l’esprit de Martin Luther. À son exemple, Mathias Ramser, curé de Sibiu (1543), puis d’autres prêtres procédèrent de la même manière : et c’est ainsi que le « règlement ecclésiastique de tous les Allemands transylvains » élaboré par Hontérus prit, en 1550. force de loi pour tous les Saxons. Le premier évêque luthérien fut Paul Wiener (1553). Il était assisté de deux assemblées électives représentatives ; d’une part, les représentants du clergé (l’université spirituelle), et d’autre part les représentants des fidèles (l’université politique). En Transylvanie comme ailleurs, les endettements et les variations constituent l’histoire du protestantisme. A Cluj, où jusqu’alors dominait le luthéranisme, commencèrent d’interminables discussions publiques, quand Martin Santa de Kâlmâncseh y introduit le calvinisme. Les Magyars et les Séklers devinrent calvinistes, tandis que les Saxons restaient fidèles à Luther. François David, le premier évoque calviniste magyar, se fait unitarien ; a sa suite, nous voyons Gaspar Helt passer du luthéranisme au calvinisme, pour aboutir à l’unitarisme. L’évêque luthérien Matthias Hebler contribua beaucoup à conserver sa confession chez les Saxons par sa Brevis confessio de sacra cœna, approuvée par les universités allemandes de Wittenberg, Leipzig, Rostock, Francfort-surl’Oder. Les évêques luthériens ont longtemps habité à Biertan (Bierthâlm), auprès de Médias. Nous les trouvons en 18117 à Sibiu. Dès 1543, ils impriment aux frais de la ville de Sibiu, un catéchisme luthérien en roumain, et c’est leur premier essai pour attirer les Roumains vers eux. Toujours dans ce but, le diacre Coresi de Târgoviste vient imprimer à Brasov des explications protestantes sur les Évangiles. Enfin, rappelons la tentative du prince régnant de Moldavie, Héraclidès Despota, 1561-1563, pour fonder une école protestante à Cotnari, près de Iassy. Tous ces efforts furent vains. Les Roumains restèrent fidèles à la foi de leurs pères.

Le luthéranisme a son règlement organique approuvé en 1926 par le roi Ferdinand I er ; trois écoles normales ; deux de garçons et une de filles : une école pour les institutrices des jardins d’enfants ; neuf lycées ; sept de garçons et deux de filles et huit gymnases ; deux de garçons et six de filles.

Pour les 70 000 luthériens magyars, l’État roumain a fondé un nouvel évêché, différent de celui de Sibiu, duquel sous l’empire magyar dépendaient tous les luthériens.

2. Le calvinisme.

Bien que plus récent, il s’est répandu davantage et s’est organisé plus solidement, surtout chez les Magyars, d’où son nom de « religion magyare ». Bien que les lois magyares de 1523 et de 1525 fussent hostiles à la Réforme, on n’en tint pas

compte ; elles tombèrent complètement en désuétude lors du désastre de Mohâcs (1526), qui efface avec le catholicisme magyar le pays lui-même, réduil a l'état de province turque. Deux archevêques catholiques et cinq évêques périrent, les survivants n’eurent pas le courage de faire respecter les lois. Toujours sous l’jnDuence « réformée », on voit en novembre 1528, les lois magyares réclamer que les biens des prélats défunts et les revenus des évêchés catholiques vacants soient employés pour la défense nationale ; et ainsi est ouverte largement la voie à la sécularisation des biens d'Église et l’introduction de la Réforme. Les deux rois. Jean Zapoléa-Szapolyai et Ferdinand, n’ont d’autre soin que celui de leurs partisans politiques. Les évêques eux-mêmes comptent dans leurs rangs, de nombreuses défections. l’odmaniczliv et son successeur de N’entra. Dudicsde Pécs (Quinqueecclesi&), etc., prennent femme et passent à la Réforme. Les patrons de la nouvelle religion sont Georges de Brandebourg, tuteur du roi Louis IL Alexis Thurzô, ministre des Finances ;.Mare Pempflinger, notaire royal ; Jean Hecht, maire de Sibiu, etc. ; ainsi, a la fin du xvie siècle, il n’y a plus de dignité ou office important de l'État qui ne soit aux mains des seigneurs protestants, Les seigneurs d’abord luthériens, ensuite zwingliens, devinrent à la fin calvinistes. Le sont eux qui introduisent le principe Cufus regio, cjus religio. (C’est le maître du pays qui en détermine la religion.) L’application de ce principe fait passera la Réforme les paysans de leurs terres. Enfin, les synodes de Turda, 1563, et d’Aïad, 1564, reçoivent définitivement la confession genevoise de Calvin.

Ce calvinisme est agressif, appuyé qu’il est par de puissantes familles transylvaines. les Bocskaï, les Bel bien, lesRakoczi. Ces familles, qui font la guerre et signent des traités, font une intense propagande religieuse surtout parmi les Roumains. On imprime les catéchismes calvinistes de 1640, 1648, liiôii ; les explications des évangiles. 1641 ; le Nouveau Testament. 1648 ; le Psautier, 1651, etc., tout cela en roumain. Aussi le métropolite Barlaam, de.Moldavie, répond il à ces catéchismes. Puis c’est tout un mouvement littéraire qui prend naissance, pour aboutir à une stabilisation uniforme de la langue écrite roumaine, résultat tout aussi imprévu qu’indéniable du prosélytisme calviniste auprès des Roumains. Le désir de convertir ces derniers travaille plusieurs princes, parmi lesquels Gabriel Bethlen (1613-1629), qui va jusqu'à demander l’appui « lu patriarche de Constantinople, Cyrille Lucaris. Cet esprit agressif diminue avec l’arrivée des Habsbourg, 1691, mais il maintient une opposition souide contre ceux-ci. C’est avant tout à cause de l’opposition calviniste que les Roumains de Transylvanie se sont séparés en deux églises : l’unie (ancienne) et l’orthodoxe (nouvelle).

A en croire l'évèquc MakkaI Sàndor. Calvinisme conscient, ('.lu j, l ! 12(>, p. 17 [en hongrois], le culte serait de nos jours en pleine anarchie. D’une paroisse a l’autre, les différences sont immenses, et un fidèle qui change de résidence ne s’y reconnaît plus. Malgré tout les calvinistes ont en Roumanie : deux éveches (dont un créé par l'Étal roumain) ; une académie de théologie ; neuf lycées ; trois écoles normales ; une école ménagère : trois gymnases de filles et une école commerciale.

s. L’unitarisme (antitrinitarisme). il est encore

une des confessions historiques de Transylvanie (celles-ci étant le calvinisme, le luthéranisme, le cal ho licisme et l’unitarisme). Lu 1600, il apparaît dans sa forme actuelle. Son fondateur François David avait d’abord donné son nom a la confession (davidisme). chassé d’Italie, son pays d’origine, et de Suisse, il se réfugie en Pologne et en Transylvanie. Outre ce Ion

dateur, les principaux agents de la nouvelle croyance,

hostile aux dogmes de la sainte Trinité et de la divinité de Jésus-Christ, sont Georges Blandrata, Jacques PalaiologOS, Jean Sommer, etc. Protégés par Jean Sigismond, prince de Transylvanie, ils provoquèrent de nombreuses discussions publiques qui durèrent fort longtemps, quatre jours a AJba Julia, huit à Oradéa. En 1568, ils obtinrent droil de cité dans la législation transylvaine. Jusqu’en 1571, année de la mort de leur protecteur, leurs fidèles se sont multipliés ; mais, lors de la condamnation de leur fondateur (157 !)), leur puissance se brisa. Les sabbatistes, dégénérés en sectes judaïsantes extrémistes leur firent concurrence. Le résultat fut que à Dej (Complanatio deesiana) (1<>38), un grand nombre de leurs églises passa au calvinisme, et leur évéque n’eut plus le droil de faire les visites canoniques dans le département de Trei-Scaûné. Ils déploient cependant encore une activité littéraire relativement considérable, ayant trois périodiques pour un petit nombre de croyants.

Les sectes.

La Roumanie n’est pas un pays « à sectes », comme le sont les contrées protestantes ;

elle n’est pas cependant a l’abri de ce fléau, surtout depuis la constitution du nouvel État roumain (1918). L’opinion publique et la législation roumaine font une différence entre les cultes historiques et les sectes. Les premiers dont nous avons parlé ont leur lit creusé par les siècles et leur cours est normal. Les secondes sont des organisations dissidentes. Leur origine est parfois un simple schisme ; elles tombent ensuite très souvent dans l’hérésie, pour finir parfois dans une effroyable apostasie. Beaucoup de ces sectes, fondées sur un individualisme religieux rebelle, agressif, contiennent le germe d’une véritable anarchie spirituelle, préparant les voies a l’anarchie politique. Biles présentent un égal danger pour l'État et pour l'Église.

La loi sur les cultes les nomme « Associations religieuses » ; de son côté, le ministère des Cultes et des Beaux-Arts réglemente leur activité par des décrets spéciaux. Le plus récent, n. 4781, date du 17 avril 1937. Lu autre, fort important, parut en 1933. Tous deux interdisent les associations dites « millénistes » : 1' « association internationale des étudiants bibliques » ; les i témoins tu dieu Jéhova », la Société biblique » ; ensuite les » peut ecoslalisles », l’a Église apostolique de Lieu », les o pocaïtes », les « nazaréens », les

adventistes-réformistes », les (moissonneurs*, les i flagellants », les < innocentistes », enfin tes » stylistes ». Les décrets ministériels en question ne reconnaissent que trois sectes : les a<l eut istes, les baptisles et les

chrétiens selon l'Évangile ». Toutefois, les membres des sectes trouvent le moyen d'échapper aux rigueurs des décisions ministérielles en se constituant, par exemple, en sociétés anonymes, selon le Code du commerce. Ils savent également tourner les autres mesures prévues contre eux : défense d’avoir une maison de prières dans une rue où se trouve une église d’un autre culte ; obligation pour leurs prédicants d’avoir fait au moins quatre (lasses dans unv école secondaire, réglementât ion de leurs rapports avec l'étran

Sans entrer dans le détail de leurs doctrines et de leurs pratiques rituelles, qui sont celles bien connues de leurs coreligionnaires et rangers, advent istes aux États t nis. baptisles en Angleterre et en Allemagne ; « chré liens selon l'Évangile de Suisse, nous nous contenterons de quelques données sommaires, regrettant qu’aucune statistique exacte n’ait été publiée sur ce point. Remarquons-le également, parmi les sectes reconnues par l'État roumain, il en est qui ne sont nommées nulle part : ainsi les lipovèncs. les molocanes, les caraïmes. auxquels autrefois la Russie avait accordé la reconnaissance légale. Enfin, il y a quelques sectes spécifiquement roumaines, comme les innocentistes, les théodoristes et les stylistes.

1. Le baplisme.

Il pénétra en Roumanie vers 1870, grâce à des propagandistes étrangers. Le chef des baptistes roumains est actuellement Constantin Adorian, assisté de deux Américains, Everest Ghil et Dan T. Hurley. Ils ont un séminaire central à Bucarest, 29, rue Berzei, et une importante maison d'édition. Ils sont en rapports avec le Foreign mission board of Ihe Southern baplist convention in U. S. A. Cette mission étrangère dépenserait, afïirme-t-on, chaque année 40 000 000 de dollars, pour la propagande religieuse dans la péninsule balkanique. Leurs prédicants ont une préparation rudimentaire : sur 907 « missionnaires » enregistrés en 1927. 8()() n’avaient fait que des études primaires. Ainsi s’expliquent certains conflits regrettables entre les baptistes et les représentants d’autres cultes, en particulier ceux de l'Église orthodoxe. Ils ont 70 000 fidèles.

2. L’advenlisme.

Il fut introduit en Roumanie à peu près en même temps que le baptisme. Son chef est le major en retraite T. Paunesco, assisté de Daniel M. Wall. Les adventistes sont partagés en six régions ou « conférences ». Leur centre est à Bucarest.

3. Les chrétiens selon l'Évangile ou darbystes. — Grégoire Constant inesco est le chef actuel de la communauté de Bucarest (12 000 membres environ).

4. Les sectes non nommées dans la loi, mais reconnues de fait sont : a) Les lipovènes. — Ils forment une branche des raskolniks russes. Leur nom vient de celui d’un moine russe du monastère Vigoretsika, Filip, d’où filipovènes, puis lipovènes. Les uns ont des prêtres (popovlsi), d’autres n’en ont pas ( bezpopovtsi). Leur chef religieux réside à Fântânà-Albâ (Bukovine). Ils sont 85 à 90 000.

b) Les molocanes. — Ils font, eux aussi, partie des sectes héritées de l’ancien empire russe. Leur nom indique qu’ils mangent du laitage (moloco = lait) ; ils n’observent donc pas l’abstinence stricte prescrite par l'Église orientale. Ils n’apparurent en Bessarabie qu’après 1911. La statistique de Leu Botosàneanu ne leur attribue qu’un millier d’adhérents.

c) Les caralmes. — Ce sont des chrétiens circoncis, à la mode des juifs, seule pratique qu’ils aient empruntée à la loi mosaïque. Ils sont peu nombreux et cantonnés à Tighina (Bessarabie).

5. Les sectes d’origine roumaine sont : a) Les innocenlisles. — Le fondateur de cette secte est le moine Innocent, né à Cosauti-Soroca, le 24 février 1875. A vingt et un ans, afin d'échapper au service militaire, il entre au monastère de Dobrusa, ce qui ne l’empêcha pas de voyager, et beaucoup. Il vit le fameux moine russe, Héliodore de Tsaritsin, l’archiprêtre Jean Serghief de Cronstadt, etc. Il fixa ensuite sa résidence à Balta, en Podoîie, où il fut ordonné prêtre : c'était sous l’ancien régime russe. Il eut le courage de réciter les prières et surtout les exorcismes de saint Basile le Grand en roumain, ce qui fit une profonde impression sur les Moldaves de l’endroit. Il eut bientôt la réputation d’un « grand prophète », « bien plus élevé que Jean de Cronstadt » ; on voyait en lui la « réincarnation de saint Jean-Baptiste », « le temple de la sainte Trinité », le représentant de « Dieu le Père ». Attiré par la renommée du « petit Père Innocent », des milliers de paysans venaient de Bessarabie, de Podolie, de la Chersonèse, pour le voir et l'écouter. L'évêque Séraflm de Chisinâu (Bessarabie) obtint son transfert de Balta à MuromOlonetz. Les paysans le suivirent. Avant le départ, Innocent donna la sainte communion à plus de mille d’entre eux. Afin de le revoir, beaucoup se mettaient en route, après avoir vendu tous leurs biens. D’autres se contentaient d’offrir des cadeaux à la « petite Mère du Seigneur », la mère d’Innocent de Cosâutzi-Soroca.

A Murom, il passe pour « l’Esprit-Saint ». Sur une nouvelle intervention de l'évêque Sérafim, il est dirigé

DICT. DE THÉCL. CATHOL.

sur Petrozavodsk : ses fidèles fanatisés l’y suivirent. A un moment donné, plus de 1 500 Moldaves « innocentistes » se trouvèrent en détresse à Moscou. Le gouvernement dut mettre à leur disposition un train spécial, afin de les rapatrier. Ceux qui étaient restés chez eux achetèrent un terrain de 30 déciatines à Lipetsk, et y créèrent le « Paradis d’Innocent ». Cependant, à Petrozavodsk, le « saint » abjurait l’hérésie et faisait profession de foi orthodoxe. Néanmoins, il fut enfermé au monastère de Solovetz sur la mer Blanche ; délivré par la révolution de 1917, il revint dans son « Paradis » de Lipetsk (Cherson). Bientôt, blessé au côté par un soldat, il mourait (30 décembre 1917) et fut enterré en grande pompe le surlendemain. D’après Leu Botosàneanu, on ne compterait en Roumanie que

I 000 innocentistes. Nicolas M. Énéa parle de 20 000.

II ajoute que la secte n’a pas de doctrine religieuse précise : les avis diffèrent même au sujet du rôle joué par le « petit père ». Le même Énéa affirme que le moine Innocent était un perverti, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir, disait-on, le don de prophétie. A Murom, devant ses disciples, il prit un jour le portrait du tzar sur ses genoux et se mit à crier : « Nicolas, Nicolas, que de malheurs se préparent pour ton empire et pour toimême I On crachera sur toi, on te jettera à bas du trône ! » Le mouvement dont Innocent fut l’initiateur, sous la domination des tzars, pourrait être jusqu'à un certain point considéré comme une réaction nationale roumaine. Quant aux réunions religieuses des innocentistes, elles ont rapidement dégénéré en orgies, dans des retraites souterraines creusées par les adhérents de ces cultes, et c’est la raison de leur interdiction.

b) Les théodorisles. — Ce sont les adhérents de Théodore Popesco, ex-prêtre orthodoxe de l'église Saint-Étienne de Bucarest. Avec l’aide du diacre D. Cornilesco et le haut patronage de la princesse Raluea Calimaki de Stâncesti-Botosani, ce prêtre inventa une nouvelle secte et fut dégradé en 1924. Voici quelques points de son enseignement : le baptême n’efface pas le péché originel ; les prières pour les morts n’ont aucun sens ; l’homme se sauve s’il sort de l'état de péché et reçoit le pardon par la foi en Jésus-Christ crucifié ; la rédemption revêt trois aspects : pour le passé, c’est le pardon des péchés et la remise des peines éternelles ; dans le présent, c’est la délivrance de la puissance du péché ; pour ce qui touche l’avenir, c’est la fuite du péché. Le pardon des péchés ne nous est accordé que par le sang divin. Ces idées, au fond protestantes, Théodore Popesco les développa dans ses deux volumes de sermons, Jésus vous appelle, et Venez à Jésus, ainsi que dans une série de brochures populaires. Il fit également paraître une revue : La vérité chrétienne. D’après les statistiques de Leu Botosàneanu, les théodoristes ne seraient pas plus de 550 dans tout le royaume ; en réalité, on en compte plus de 700 rien qu'à Bucarest, en dehors de ceux de Bàrlad, Câmpulung-Muscel et Ploesti.

c) Les stylistes. — Le calendrier grégorien a été adopté par les postes roumaines, dès le début de leur organisation, et par l’armée, collaboratrice des alliés, durant la guerre mondiale. Quant à l'Église orthodoxe roumaine, elle abandonna l’ancien style en 1924. Ce changement fut annoncé par une « encyclique synodale », publiée dans la revue Biserica Ortodoxâ Romand, en juillet 1924. Cet acte officiel, signé par vingt-six évêques et archevêques avec à leur tête le métropolite-primat, indique les raisons de cette réforme : « Il nous est devenu impossible, à nous aussi, de nous opposer à la vérité, et de conserver le calendrier julien de Sosigenes. » La réforme provoqua une réaction de la part des fidèles, surtout en Moldavie et en Bessarabie. Ce mouvement peut d’une certaine façon être comparé à celui des raskolniks russes. Les oppo T. — XIV.

4. 9 ! »

    1. ROUMANIE##


ROUMANIE. PROTESTANTISME ET SECTES

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sants roumains, dits « stylistes », furent encouragés dans leur révolte, par une Éptlre ou trompette des ermites de la sainte montagne d’Allws, tirée à Athènes à 15 000 exemplaires, œuvre d’un ancien moine, Arsène Cotia, transfuge de la république monacale athonienne. Cette « épître » est le nouvel évangile des stylistes roumains. Ils n’ont pas besoin d'église « de pierre ou de bois » ; ils prient sous les arbres, loin de toute muraille. A Mâstacân-Ncamtz, ils ont fondé la » Société des hommes croyants », sous le patronage des saints apôtres Pierre et Paul. Un autre groupe, « le baptême du Seigneur », fut créé dans le département de Putna en 1932, à l’instigation de Théodore Petrea, ex-adjudant d’adminisl ration. Certains ne veulent plus de prêtres, intermédiaires entre les hommes et Dieu. Tous réclament le maintien des rites religieux, comme « par le passé ». Ils parlent avec mépris, non seulement du clergé, mais aussi de l'État. Quel est pour eux le crime des prêtres ? C’est d'être les « popes de l'État ». Us ont fait des lois qu’aucun des leurs ne va observer. L'État ? C’est « l’empire des sept esprits malins ». Interdits par le gouvernement, les stylistes n’en continuent pas moins à soulever les masses. Ainsi, en 1935, à AlbinetJ-Bàlti, 309 stylistes, sous l’instigation de Basile Pletosu, moine du département de Baïa, l’un des foyers du stylisme, déclarent officiellement leur conversion de l'Église orthodoxe du nouveau calendrier, à celle qui est restée fidèle à l’ancien, afin d’avoir un prétexte pour fonder une nouvelle communauté. Les stylistes sont encouragés, non seulement par les agents étrangers, mais également par des politiciens roumains sans scrupule.

Nous avons insisté davantage sur ces trois sectes, car elles sont d’origine roumaine. Mais combien d’autres se répandent à travers le pays entier, comme les scoptsi (châtrés), les lutteurs de l’esprit, les khlistes, les stundistes, les millénistes ou étudiants bibliques, les nazaréniens, les pocaïtes, les pentecostalistes, les tremblants, les moissonneurs, les pocaïtes à la Croix, les spirites, les théosophes, les tolstoïsants, la secte de la science chrétienne, les fotescanes et surtout les francsmaçons.

Le Dr B. Trifu, député de Storojineti (Bukovine), au cours d’une interpellation à la Chambre des députés le 5 novembre 1932, mentionna avec noms à l’appui, une foule d’organisations maçonniques, dont dépendent les postes les plus importants du nouvel État roumain : premiers ministres, ministres, secrétaires et directeurs généraux, professeurs d’université, plénipotentiaires, généraux et officiers supérieurs, journalistes, etc. Dans sa réponse, datant du même jour, N. Ottesco, sous-secrétaire d'État à l’Intérieur sous le gouvernement du professeur N. Iorga, fit l'éloge de la franc-maçonnerie et prétendit que, dans ses rangs, à côté de Napoléon I effet Napoléon III, on peut retrouver un grand nombre de sommités politiques et culturelles du pays, aussi bien que de l'ét ranger.

Dans une conférence aux fidèles de l'église Nifon de Tàrgovistc, » sur l’incroyance contemporaine », le prêtre Rizea Dobresco, de l'église Saint-Élie de Pitesti, fait au sujet de la multiplication des sectes de bien tristes constatations : Ainsi est bâti notre Roumain ; c’est un véritable hypocrite. Il écoute tout le monde et ne croit à tien. Il croil à sa religion seul in 1 1 1 pour la forme, parce qu’ainsi ont fait ses grands pères et ses arrière-grands-pères ; mais sa foi n’a aucune base. » Si ces constatations contiennent une part d’exagération, on y retrouve cependant une part de vérité. Le Roumain, surtout celui de l’ancien royaume, est légèrement sceptique. Il a été trompé si souvent, On peut encore trouver, à l’apparition d’un aussi grand nombre de sectes eu Roumanie, d’autres explications, signalons, par exemple, ce l’ait, que les pro

fesseurs des facultés de théologie et des séminaires orthodoxes vont trop souvent puiser leur doctrine religieuse aux facultés de théologie protestante et encore ces fraternisations systém itiques avec les représentants de l'élite protestante, fraternisations si fréquentes depuis quelque temps, et qui eurent lieu à Stockholm, à Lausanne, à Genève et plus récemment à Londres.

Les conférences « panorthodoxes » de Constantinople, Vatopédi, Sinaïa, Athènes, etc., ne sont pas sans danger, elles non plus, et contribuant à désagréger le bloc de l’orthodoxie roumaine. Certaines Églises orthodoxes sont absolument sectaires. Ainsi, lors de la visite, le 23 septembre 1927, de Mgr d’Hsrbigny a Mélétios-Métaxakis « pape > et patriarche d’Alexandrie, celui-ci déclara en propres termes : « Le présent, l’avenir appartiennent aux Églises d’Angleterre et des États-Unis, aux protestants. Là-bas se trouve notre espérance, car, je le répète souvent à iii, -s amis qui ne veulent pas me croire, par notre protestation contre le pape, nous sommes les premiers protestants. »

Dès lors, au lieu d’unité, de charité, de force, on ne peut attendre de ce côté que division, haine et faiblesse.

I.-H. Allen, À hist. sketcli of the unitarian movement since the Reformalion ; J.-E. Beard, Unitarianism exhibited in ils actual condition ; Beilràge zur Gesch. der evg. Kirche A. B., in Siebenburgen, 1922 ; I.-C. Beldie, Seclele religioase [Les sectes religieuses], Galatzi, 1932 ; Dr N. Hrinzeu. Pocaitzii [Les pocaïtes], Petroseni, 1913 ; Cleric ortodox, Seclele religioase in Romània [Les sectes religieuses en Roumanie], extrait de la Noua revista bisericeasca [Nouvelle revue ecclésiastique], VIe ann., 1921, Bucarest, 1925 ; Grégoire Comsa, Combaterea catehisrnului baplistilor [Réfutation du catéchisme baplisle], Arad, 1920 ; le même, Noua Calauza pentru cunoaslerea si combalerea seclelor religioase [Nouveau guide pour connaître et combattre les sectes religieuses], Arad, 1927 ; le même, Cheia seclelor religioase din Romània [Clef des sectes religieuses en Roumanie], Arad, 1930 ; A. Cupfer, Ratacirea milenistilor (studentzii bibliei) [Erreur des millénaristes, étudiants de la Bible], Brasov, s. d. ; A.-C. Cosma et C. Popesco, Tziparii se pescuesc pe întuneri sau seclele din Romània [On pêche les anguilles durant la nuit ou les Sectes de Roumanie], Adjud, 1933 ; Pr. Rizea Dobresco, Conferinlza despre nccredinlza oamenilor limpului de falza [Conférence sur l’incrédulité des contemporains], Pitesti, l’J26 ; Nie. M. Étiéa, Cultele [Les cultes], dans Bassarabia, monographie publiée par les soins de M. Etienne Ciobanu, éd. de l’Exposition de Chisinau, 1926, p. 321-331 ; Joseph Ferencz, Unitarius liislukdr [La petite glace unitarienne], Cluj ; Jakob Elek, David Ferencz emléke [La mémoire de François David] ; H. Jekeli, Festgabe zur 50. jàhrigen Jubelfeier des siebenbiirgischen llauplvereins der evg. Gustav-Adolf-Stiflung, 1912 ; G. Ilionu, Cultele in Dobrogea de la 1878 pana la 1928 [Les cultes en Dohroudja de 1878 à 1928] dans la monographie Dobrogea (1878-1928).cinquante ans de vie roumaine, étude publiée à l’occasion du cinquantenaire de la réannexion de la Dobroudja, Bucarest, 1928 ; V. S. Ispir, Seclele religioase din Romània [Les sectes religieuses en Roumanie], Arad, Bibliothèque du chrétien orthodoxe, n. 37 ; le même, Curs de indrumari misionare [Cours de directives missionnaires], Bucarest, 1929 ; Arh. Gr. Leu-Botosaneaou, Confesiuni si secte [Confessions et sectes], étude historico-mlsslonnaire, Bucarest, 1929 ; Id., Seclele in Romània [Les sectes en Roumanie], Chisinau, 1931 ; Basile Loichitza, Chlllasmul (Milenarismul) [Le chiliasme (millénarisme)], exposé et critique dogmatique, extrait de la revue Candela, Cernautzi, 1 (. » 26, n. 10-11 ; l'évoque Melchisédec, Lipovenismul [Le lipovénisme], Bucarest ; II. Meyer, Die Diaspora der deutschen evg. Kirche in Rumànien, Serbien und Bulgarien, 1901 ; 1°. Mallcr-Langenthal, Die Sachsen und ihr Land, 11)23 ; Const. Nazarie, Combaterea principalelor invati durt a Iventisle | Réfutation des principaux enseignements n Iventistes], Bucarest, 1913 ; le même, Sdmbata Adventislilor si sfdnta Duminica [Le samedi des adoentistes ci « saint dimanche], Bucarest, 1914 ; O. Neto liczka, Beilràge zur Gesch. des Joh. Hanteras unit seiner Schriften, 1930 ; C. Ouatu, O lamurire a starilor de lucruri din biserica adventislilor [Un éclaircissement sur l'état des choses de l’Église des adventistes], Bucarest, 1929 ; Hans Pétri, Evg. Diasporapfarrer in Rumânien im 19. Jhd., 1930 ; J. Pokoly, Azerdélyi reformatus egyhâz tôrlénete [L’histoire de l’Église calviniste de Transylvanie], [en magyar], 3 vol., 1904 ; Th. -M. Popesco, Cum falsiftca baptistii istoria crestinimului [Comment les baptistes falsifient l’histoire du christianisme], Arad, 1931, Bibliothèque du chrétien orthodoxe, n. 88-89 ; Pr.-T. Popesco, Adevarul asupra invinuirilor aduse preotului T. 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Sachsen, 2 vol., 1928 ; le même, Geschichte der evg. Kirche in Siebenbùrgen, 2 vol., 1921-1922 ; G.-D. Teutsch, Die Generalkirchenvisitationsberichte, 1925 ; F. Teutschlænder, Gesch. der evg. Gemeinden im Rumânien, Bucarest, 1891 ; Dr. V. Trifu, Interpelare asupra franemasoneriei facuta in sedintza Adunarii Dcputalzilor de la 5 Februarie 1 932 [Interpellation sur la franc-maçonnerie dans la séance de la Chambre des députés du.5 février 1932], Bucarest, 1932 ; Max Tschurl, Biserica regnicolara evanghelica C. A. (Confesiunea de la Augsburg) in cei din urma zece ani [L’Église évangélique C. A. (Confession d’Augsbourg) dans les dix dernières années] dans la monographie Transilvania, Banatul, Crisana, Maramuresul, t. ii, Bucarest, 1929, p. 823-831 ; et un grand nombre d’articles parus au sujet des sectes dans les revues religieuses Biserica ortodoxa româna, Candela, Revista teologica, etc.

J. Georgesco.

ROUSERGUES (Bernard de), appelé aussi quelquefois, par erreur, Bernard ou Bernardin du Rosier, archevêque de Toulouse (1452-1475), après avoir été longtemps prévôt du chapitre (1433), puis évêque de Bazas (1447) et de Montauban (1450). — Toute la première partie de sa carrière fut consacrée à l’enseignement, soit chez les augustins de Toulouse auxquels il appartenait, soit à Rome où il fit de longs séjours. Sa science et son dévouement au Saint-Siège lui valurent un prestige considérable auprès de la Curie. Attaché (1427-1430) à l’ambassade envoyée en Aragon, qui finit par briser la résistance de Clément VIII, le schismatique successeur de Benoît XIII, il a laissé de ces négociations un précieux récit, déjà utilisé par Bzovius, Annales ecclesiaslici post Baronium, t. xv, ad an. 1425-1430. Sa promotion épiscopale fut sans doute la récompense des loyaux services par lui rendus à la papauté.

Outre quelques travaux d’histoiie profane, voir J. Lelong, Bibliothèque historique de la France, n. 13049 et 16 272, et un certain nombre de compositions exégétiques ou oratoires, De laudibus S. Mariæ virginis, souvent réunies en une sorte de corpus, le principal de son activité littéraire porta sur les problèmes ecclésiologiques mis ou maintenus à l’ordre du jour par les affaires du temps. Conformément à la tradition de son ordre, il fut toujours le défenseur du droit pontifical le plus absolu.

Il existe encore de lui : un Accensus veri luminis Francorum cliristianissimi reyis et regni contra tenorem Pragmalicæ sanctionis (bibl. de Toulouse, ms. 385) ; un Liber de statu, auctoritale et potestate / ?. H… cardinalium (ibid.. et bibl. Vatic, ms. lai. 1022) : un Promptuarium Ecclesiæ (bibl. Vat c, ms. lat. 1010 et 1°20), où il est question De edificatione Ecclesise militanlis et, en appendice, de l’obéissance au concile de Baie ; un Agoranimus (et non Agoramnus) de sacro principalu (bibl. Vat., ms. lai. 1021 ; bibl. de Toulouse, ms. 385).

Composé à Rome en 1446, sous le pape Nicolas V, ce dernier traité est le seul dont il soit possible jusqu’ici de connaître avec quelque détail l’esprit et le contenu. Il semble être une véritable somme De sacro principalu Domini nostri papæ et s. romanæ Ecclesise comme cette époque en vit naître tant. On en devine suffisamment la tendance par l’intitulé des chapitres suivants : De générait potestate D. papæ circa quæcumque lemporalia in universo mundo ; De plenaria potestate utriusque gladii ecclesiaslici et sœcularis qtiam habet D. papa… ; De excellenli potestate quam habet D. papa circa imperium Romanorum, lalinorum atque grsecorum christianorum, et circa alia quæcumque régna et dominia lemporalia quorumcumqne christifidelium in universo mundo ; De plenaria potestate D. papæ circa régna lerrse, terras et dominia, quorumeumque infidelium ; De excellenli et plenaria potestate D. papœ… generaliter et circa omnem populum catholicum lolius orbis.

Il n’y a pas de doute que Bernard de Rousergues ne mérite de compter, après ses illustres confrères augustins du xive siècle, Gilles de Rome, Jacques de Viterbe et Augustin Trionfo d’Ancône, parmi les théoriciens du’pouvoir direct ».

Notice par A. Degert, dans Dict. d’hist. et de géogr. eccl. t. viii, col. 760-761 ; Fr. Ehrle, Bernard von 1 ousergues Aclen der Légation des Cardinals de Foix in Aragonien, dans Arch. far Literalur-und Kirchengescli. des Mittelalters, t. vii, 1900, p. 427-463.

Inventaire de ses œuvres manuscrites : bibliothèque de Toulouse (sous le n. 385), dans Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, t. vii, Paris, 1885, p. 232-234 ; bibliothèque d’Auch (sous le n. 4), même collection, nouvelle série, t. iv, Paris, 1886, p. 392-393 ; bibliothèque Vaticane (sous les n. 1019-1023), dans Codices Vaticani latini, t. n a, par A. Pelzer, Borne, 1931, p. 520527.

Sur sa doctrine du pouvoir pontifical : M. Grabmann, Studien uber den Einfluss der aristolelisehen Philosophie auf die mitlelallerliehen 1 heorien uber das Verh dtnis von Kirche und Slaat, Munich, 1934, p. 101-102, où sont publiés les titres des chapitres y afférents dans son Agoranimus de sacro principatu. — Une biographie du personnage est souhaitée par Fr. Ehrle, loc. cit., p. 429-430 ; en attendant, l’Institut catholique de Toulouse a couronné (27 juin 1922) une thèse, restée inédite, de M. Carrel, sur Bernard de Rousergues, sa nie jusqu’à l’élévation à l’épiscopat. Voir Bulletin de litt. eccl., 1922, p. 394 ; 1932, p. 47.

J. Rivière.