Dictionnaire de théologie catholique/ROUMANIE VII. Le protestantisme et les sectes

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané ( Tome 14.1 : ROSNY - SCHNEIDERp. 54-58).

compte ; elles tombèrent complètement en désuétude lors du désastre de Mohâcs (1526), qui efface avec le catholicisme magyar le pays lui-même, réduil a l'état de province turque. Deux archevêques catholiques et cinq évêques périrent, les survivants n’eurent pas le courage de faire respecter les lois. Toujours sous l’jnDuence « réformée », on voit en novembre 1528, les lois magyares réclamer que les biens des prélats défunts et les revenus des évêchés catholiques vacants soient employés pour la défense nationale ; et ainsi est ouverte largement la voie à la sécularisation des biens d'Église et l’introduction de la Réforme. Les deux rois. Jean Zapoléa-Szapolyai et Ferdinand, n’ont d’autre soin que celui de leurs partisans politiques. Les évêques eux-mêmes comptent dans leurs rangs, de nombreuses défections. l’odmaniczliv et son successeur de N’entra. Dudicsde Pécs (Quinqueecclesi&), etc., prennent femme et passent à la Réforme. Les patrons de la nouvelle religion sont Georges de Brandebourg, tuteur du roi Louis IL Alexis Thurzô, ministre des Finances ;.Mare Pempflinger, notaire royal ; Jean Hecht, maire de Sibiu, etc. ; ainsi, a la fin du xvie siècle, il n’y a plus de dignité ou office important de l'État qui ne soit aux mains des seigneurs protestants, Les seigneurs d’abord luthériens, ensuite zwingliens, devinrent à la fin calvinistes. Le sont eux qui introduisent le principe Cufus regio, cjus religio. (C’est le maître du pays qui en détermine la religion.) L’application de ce principe fait passera la Réforme les paysans de leurs terres. Enfin, les synodes de Turda, 1563, et d’Aïad, 1564, reçoivent définitivement la confession genevoise de Calvin.

Ce calvinisme est agressif, appuyé qu’il est par de puissantes familles transylvaines. les Bocskaï, les Bel bien, lesRakoczi. Ces familles, qui font la guerre et signent des traités, font une intense propagande religieuse surtout parmi les Roumains. On imprime les catéchismes calvinistes de 1640, 1648, liiôii ; les explications des évangiles. 1641 ; le Nouveau Testament. 1648 ; le Psautier, 1651, etc., tout cela en roumain. Aussi le métropolite Barlaam, de.Moldavie, répond il à ces catéchismes. Puis c’est tout un mouvement littéraire qui prend naissance, pour aboutir à une stabilisation uniforme de la langue écrite roumaine, résultat tout aussi imprévu qu’indéniable du prosélytisme calviniste auprès des Roumains. Le désir de convertir ces derniers travaille plusieurs princes, parmi lesquels Gabriel Bethlen (1613-1629), qui va jusqu'à demander l’appui « lu patriarche de Constantinople, Cyrille Lucaris. Cet esprit agressif diminue avec l’arrivée des Habsbourg, 1691, mais il maintient une opposition souide contre ceux-ci. C’est avant tout à cause de l’opposition calviniste que les Roumains de Transylvanie se sont séparés en deux églises : l’unie (ancienne) et l’orthodoxe (nouvelle).

A en croire l'évèquc MakkaI Sàndor. Calvinisme conscient, ('.lu j, l ! 12(>, p. 17 [en hongrois], le culte serait de nos jours en pleine anarchie. D’une paroisse a l’autre, les différences sont immenses, et un fidèle qui change de résidence ne s’y reconnaît plus. Malgré tout les calvinistes ont en Roumanie : deux éveches (dont un créé par l'Étal roumain) ; une académie de théologie ; neuf lycées ; trois écoles normales ; une école ménagère : trois gymnases de filles et une école commerciale.

s. L’unitarisme (antitrinitarisme). il est encore

une des confessions historiques de Transylvanie (celles-ci étant le calvinisme, le luthéranisme, le cal ho licisme et l’unitarisme). Lu 1600, il apparaît dans sa forme actuelle. Son fondateur François David avait d’abord donné son nom a la confession (davidisme). chassé d’Italie, son pays d’origine, et de Suisse, il se réfugie en Pologne et en Transylvanie. Outre ce Ion

dateur, les principaux agents de la nouvelle croyance,

hostile aux dogmes de la sainte Trinité et de la divinité de Jésus-Christ, sont Georges Blandrata, Jacques PalaiologOS, Jean Sommer, etc. Protégés par Jean Sigismond, prince de Transylvanie, ils provoquèrent de nombreuses discussions publiques qui durèrent fort longtemps, quatre jours a AJba Julia, huit à Oradéa. En 1568, ils obtinrent droil de cité dans la législation transylvaine. Jusqu’en 1571, année de la mort de leur protecteur, leurs fidèles se sont multipliés ; mais, lors de la condamnation de leur fondateur (157 !)), leur puissance se brisa. Les sabbatistes, dégénérés en sectes judaïsantes extrémistes leur firent concurrence. Le résultat fut que à Dej (Complanatio deesiana) (1<>38), un grand nombre de leurs églises passa au calvinisme, et leur évéque n’eut plus le droil de faire les visites canoniques dans le département de Trei-Scaûné. Ils déploient cependant encore une activité littéraire relativement considérable, ayant trois périodiques pour un petit nombre de croyants.

Les sectes.

La Roumanie n’est pas un pays « à sectes », comme le sont les contrées protestantes ;

elle n’est pas cependant a l’abri de ce fléau, surtout depuis la constitution du nouvel État roumain (1918). L’opinion publique et la législation roumaine font une différence entre les cultes historiques et les sectes. Les premiers dont nous avons parlé ont leur lit creusé par les siècles et leur cours est normal. Les secondes sont des organisations dissidentes. Leur origine est parfois un simple schisme ; elles tombent ensuite très souvent dans l’hérésie, pour finir parfois dans une effroyable apostasie. Beaucoup de ces sectes, fondées sur un individualisme religieux rebelle, agressif, contiennent le germe d’une véritable anarchie spirituelle, préparant les voies a l’anarchie politique. Biles présentent un égal danger pour l'État et pour l'Église.

La loi sur les cultes les nomme « Associations religieuses » ; de son côté, le ministère des Cultes et des Beaux-Arts réglemente leur activité par des décrets spéciaux. Le plus récent, n. 4781, date du 17 avril 1937. Lu autre, fort important, parut en 1933. Tous deux interdisent les associations dites « millénistes » : 1' « association internationale des étudiants bibliques » ; les i témoins tu dieu Jéhova », la Société biblique » ; ensuite les » peut ecoslalisles », l’a Église apostolique de Lieu », les o pocaïtes », les « nazaréens », les

adventistes-réformistes », les (moissonneurs*, les i flagellants », les < innocentistes », enfin tes » stylistes ». Les décrets ministériels en question ne reconnaissent que trois sectes : les a<l eut istes, les baptisles et les

chrétiens selon l'Évangile ». Toutefois, les membres des sectes trouvent le moyen d'échapper aux rigueurs des décisions ministérielles en se constituant, par exemple, en sociétés anonymes, selon le Code du commerce. Ils savent également tourner les autres mesures prévues contre eux : défense d’avoir une maison de prières dans une rue où se trouve une église d’un autre culte ; obligation pour leurs prédicants d’avoir fait au moins quatre (lasses dans unv école secondaire, réglementât ion de leurs rapports avec l'étran

Sans entrer dans le détail de leurs doctrines et de leurs pratiques rituelles, qui sont celles bien connues de leurs coreligionnaires et rangers, advent istes aux États t nis. baptisles en Angleterre et en Allemagne ; « chré liens selon l'Évangile de Suisse, nous nous contenterons de quelques données sommaires, regrettant qu’aucune statistique exacte n’ait été publiée sur ce point. Remarquons-le également, parmi les sectes reconnues par l'État roumain, il en est qui ne sont nommées nulle part : ainsi les lipovèncs. les molocanes, les caraïmes. auxquels autrefois la Russie avait accordé la reconnaissance légale. Enfin, il y a quelques sectes spécifiquement roumaines, comme les innocentistes, les théodoristes et les stylistes.

1. Le baplisme.

Il pénétra en Roumanie vers 1870, grâce à des propagandistes étrangers. Le chef des baptistes roumains est actuellement Constantin Adorian, assisté de deux Américains, Everest Ghil et Dan T. Hurley. Ils ont un séminaire central à Bucarest, 29, rue Berzei, et une importante maison d'édition. Ils sont en rapports avec le Foreign mission board of Ihe Southern baplist convention in U. S. A. Cette mission étrangère dépenserait, afïirme-t-on, chaque année 40 000 000 de dollars, pour la propagande religieuse dans la péninsule balkanique. Leurs prédicants ont une préparation rudimentaire : sur 907 « missionnaires » enregistrés en 1927. 8()() n’avaient fait que des études primaires. Ainsi s’expliquent certains conflits regrettables entre les baptistes et les représentants d’autres cultes, en particulier ceux de l'Église orthodoxe. Ils ont 70 000 fidèles.

2. L’advenlisme.

Il fut introduit en Roumanie à peu près en même temps que le baptisme. Son chef est le major en retraite T. Paunesco, assisté de Daniel M. Wall. Les adventistes sont partagés en six régions ou « conférences ». Leur centre est à Bucarest.

3. Les chrétiens selon l'Évangile ou darbystes. — Grégoire Constant inesco est le chef actuel de la communauté de Bucarest (12 000 membres environ).

4. Les sectes non nommées dans la loi, mais reconnues de fait sont : a) Les lipovènes. — Ils forment une branche des raskolniks russes. Leur nom vient de celui d’un moine russe du monastère Vigoretsika, Filip, d’où filipovènes, puis lipovènes. Les uns ont des prêtres (popovlsi), d’autres n’en ont pas ( bezpopovtsi). Leur chef religieux réside à Fântânà-Albâ (Bukovine). Ils sont 85 à 90 000.

b) Les molocanes. — Ils font, eux aussi, partie des sectes héritées de l’ancien empire russe. Leur nom indique qu’ils mangent du laitage (moloco = lait) ; ils n’observent donc pas l’abstinence stricte prescrite par l'Église orientale. Ils n’apparurent en Bessarabie qu’après 1911. La statistique de Leu Botosàneanu ne leur attribue qu’un millier d’adhérents.

c) Les caralmes. — Ce sont des chrétiens circoncis, à la mode des juifs, seule pratique qu’ils aient empruntée à la loi mosaïque. Ils sont peu nombreux et cantonnés à Tighina (Bessarabie).

5. Les sectes d’origine roumaine sont : a) Les innocenlisles. — Le fondateur de cette secte est le moine Innocent, né à Cosauti-Soroca, le 24 février 1875. A vingt et un ans, afin d'échapper au service militaire, il entre au monastère de Dobrusa, ce qui ne l’empêcha pas de voyager, et beaucoup. Il vit le fameux moine russe, Héliodore de Tsaritsin, l’archiprêtre Jean Serghief de Cronstadt, etc. Il fixa ensuite sa résidence à Balta, en Podoîie, où il fut ordonné prêtre : c'était sous l’ancien régime russe. Il eut le courage de réciter les prières et surtout les exorcismes de saint Basile le Grand en roumain, ce qui fit une profonde impression sur les Moldaves de l’endroit. Il eut bientôt la réputation d’un « grand prophète », « bien plus élevé que Jean de Cronstadt » ; on voyait en lui la « réincarnation de saint Jean-Baptiste », « le temple de la sainte Trinité », le représentant de « Dieu le Père ». Attiré par la renommée du « petit Père Innocent », des milliers de paysans venaient de Bessarabie, de Podolie, de la Chersonèse, pour le voir et l'écouter. L'évêque Séraflm de Chisinâu (Bessarabie) obtint son transfert de Balta à MuromOlonetz. Les paysans le suivirent. Avant le départ, Innocent donna la sainte communion à plus de mille d’entre eux. Afin de le revoir, beaucoup se mettaient en route, après avoir vendu tous leurs biens. D’autres se contentaient d’offrir des cadeaux à la « petite Mère du Seigneur », la mère d’Innocent de Cosâutzi-Soroca.

A Murom, il passe pour « l’Esprit-Saint ». Sur une nouvelle intervention de l'évêque Sérafim, il est dirigé

DICT. DE THÉCL. CATHOL.

sur Petrozavodsk : ses fidèles fanatisés l’y suivirent. A un moment donné, plus de 1 500 Moldaves « innocentistes » se trouvèrent en détresse à Moscou. Le gouvernement dut mettre à leur disposition un train spécial, afin de les rapatrier. Ceux qui étaient restés chez eux achetèrent un terrain de 30 déciatines à Lipetsk, et y créèrent le « Paradis d’Innocent ». Cependant, à Petrozavodsk, le « saint » abjurait l’hérésie et faisait profession de foi orthodoxe. Néanmoins, il fut enfermé au monastère de Solovetz sur la mer Blanche ; délivré par la révolution de 1917, il revint dans son « Paradis » de Lipetsk (Cherson). Bientôt, blessé au côté par un soldat, il mourait (30 décembre 1917) et fut enterré en grande pompe le surlendemain. D’après Leu Botosàneanu, on ne compterait en Roumanie que

I 000 innocentistes. Nicolas M. Énéa parle de 20 000.

II ajoute que la secte n’a pas de doctrine religieuse précise : les avis diffèrent même au sujet du rôle joué par le « petit père ». Le même Énéa affirme que le moine Innocent était un perverti, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir, disait-on, le don de prophétie. A Murom, devant ses disciples, il prit un jour le portrait du tzar sur ses genoux et se mit à crier : « Nicolas, Nicolas, que de malheurs se préparent pour ton empire et pour toimême I On crachera sur toi, on te jettera à bas du trône ! » Le mouvement dont Innocent fut l’initiateur, sous la domination des tzars, pourrait être jusqu'à un certain point considéré comme une réaction nationale roumaine. Quant aux réunions religieuses des innocentistes, elles ont rapidement dégénéré en orgies, dans des retraites souterraines creusées par les adhérents de ces cultes, et c’est la raison de leur interdiction.

b) Les théodorisles. — Ce sont les adhérents de Théodore Popesco, ex-prêtre orthodoxe de l'église Saint-Étienne de Bucarest. Avec l’aide du diacre D. Cornilesco et le haut patronage de la princesse Raluea Calimaki de Stâncesti-Botosani, ce prêtre inventa une nouvelle secte et fut dégradé en 1924. Voici quelques points de son enseignement : le baptême n’efface pas le péché originel ; les prières pour les morts n’ont aucun sens ; l’homme se sauve s’il sort de l'état de péché et reçoit le pardon par la foi en Jésus-Christ crucifié ; la rédemption revêt trois aspects : pour le passé, c’est le pardon des péchés et la remise des peines éternelles ; dans le présent, c’est la délivrance de la puissance du péché ; pour ce qui touche l’avenir, c’est la fuite du péché. Le pardon des péchés ne nous est accordé que par le sang divin. Ces idées, au fond protestantes, Théodore Popesco les développa dans ses deux volumes de sermons, Jésus vous appelle, et Venez à Jésus, ainsi que dans une série de brochures populaires. Il fit également paraître une revue : La vérité chrétienne. D’après les statistiques de Leu Botosàneanu, les théodoristes ne seraient pas plus de 550 dans tout le royaume ; en réalité, on en compte plus de 700 rien qu'à Bucarest, en dehors de ceux de Bàrlad, Câmpulung-Muscel et Ploesti.

c) Les stylistes. — Le calendrier grégorien a été adopté par les postes roumaines, dès le début de leur organisation, et par l’armée, collaboratrice des alliés, durant la guerre mondiale. Quant à l'Église orthodoxe roumaine, elle abandonna l’ancien style en 1924. Ce changement fut annoncé par une « encyclique synodale », publiée dans la revue Biserica Ortodoxâ Romand, en juillet 1924. Cet acte officiel, signé par vingt-six évêques et archevêques avec à leur tête le métropolite-primat, indique les raisons de cette réforme : « Il nous est devenu impossible, à nous aussi, de nous opposer à la vérité, et de conserver le calendrier julien de Sosigenes. » La réforme provoqua une réaction de la part des fidèles, surtout en Moldavie et en Bessarabie. Ce mouvement peut d’une certaine façon être comparé à celui des raskolniks russes. Les oppo T. — XIV.

4. 9 ! »

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ROUMANIE. PROTESTANTISME ET SECTES

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sants roumains, dits « stylistes », furent encouragés dans leur révolte, par une Éptlre ou trompette des ermites de la sainte montagne d’Allws, tirée à Athènes à 15 000 exemplaires, œuvre d’un ancien moine, Arsène Cotia, transfuge de la république monacale athonienne. Cette « épître » est le nouvel évangile des stylistes roumains. Ils n’ont pas besoin d'église « de pierre ou de bois » ; ils prient sous les arbres, loin de toute muraille. A Mâstacân-Ncamtz, ils ont fondé la » Société des hommes croyants », sous le patronage des saints apôtres Pierre et Paul. Un autre groupe, « le baptême du Seigneur », fut créé dans le département de Putna en 1932, à l’instigation de Théodore Petrea, ex-adjudant d’adminisl ration. Certains ne veulent plus de prêtres, intermédiaires entre les hommes et Dieu. Tous réclament le maintien des rites religieux, comme « par le passé ». Ils parlent avec mépris, non seulement du clergé, mais aussi de l'État. Quel est pour eux le crime des prêtres ? C’est d'être les « popes de l'État ». Us ont fait des lois qu’aucun des leurs ne va observer. L'État ? C’est « l’empire des sept esprits malins ». Interdits par le gouvernement, les stylistes n’en continuent pas moins à soulever les masses. Ainsi, en 1935, à AlbinetJ-Bàlti, 309 stylistes, sous l’instigation de Basile Pletosu, moine du département de Baïa, l’un des foyers du stylisme, déclarent officiellement leur conversion de l'Église orthodoxe du nouveau calendrier, à celle qui est restée fidèle à l’ancien, afin d’avoir un prétexte pour fonder une nouvelle communauté. Les stylistes sont encouragés, non seulement par les agents étrangers, mais également par des politiciens roumains sans scrupule.

Nous avons insisté davantage sur ces trois sectes, car elles sont d’origine roumaine. Mais combien d’autres se répandent à travers le pays entier, comme les scoptsi (châtrés), les lutteurs de l’esprit, les khlistes, les stundistes, les millénistes ou étudiants bibliques, les nazaréniens, les pocaïtes, les pentecostalistes, les tremblants, les moissonneurs, les pocaïtes à la Croix, les spirites, les théosophes, les tolstoïsants, la secte de la science chrétienne, les fotescanes et surtout les francsmaçons.

Le Dr B. Trifu, député de Storojineti (Bukovine), au cours d’une interpellation à la Chambre des députés le 5 novembre 1932, mentionna avec noms à l’appui, une foule d’organisations maçonniques, dont dépendent les postes les plus importants du nouvel État roumain : premiers ministres, ministres, secrétaires et directeurs généraux, professeurs d’université, plénipotentiaires, généraux et officiers supérieurs, journalistes, etc. Dans sa réponse, datant du même jour, N. Ottesco, sous-secrétaire d'État à l’Intérieur sous le gouvernement du professeur N. Iorga, fit l'éloge de la franc-maçonnerie et prétendit que, dans ses rangs, à côté de Napoléon I effet Napoléon III, on peut retrouver un grand nombre de sommités politiques et culturelles du pays, aussi bien que de l'ét ranger.

Dans une conférence aux fidèles de l'église Nifon de Tàrgovistc, » sur l’incroyance contemporaine », le prêtre Rizea Dobresco, de l'église Saint-Élie de Pitesti, fait au sujet de la multiplication des sectes de bien tristes constatations : Ainsi est bâti notre Roumain ; c’est un véritable hypocrite. Il écoute tout le monde et ne croit à tien. Il croil à sa religion seul in 1 1 1 pour la forme, parce qu’ainsi ont fait ses grands pères et ses arrière-grands-pères ; mais sa foi n’a aucune base. » Si ces constatations contiennent une part d’exagération, on y retrouve cependant une part de vérité. Le Roumain, surtout celui de l’ancien royaume, est légèrement sceptique. Il a été trompé si souvent, On peut encore trouver, à l’apparition d’un aussi grand nombre de sectes eu Roumanie, d’autres explications, signalons, par exemple, ce l’ait, que les pro

fesseurs des facultés de théologie et des séminaires orthodoxes vont trop souvent puiser leur doctrine religieuse aux facultés de théologie protestante et encore ces fraternisations systém itiques avec les représentants de l'élite protestante, fraternisations si fréquentes depuis quelque temps, et qui eurent lieu à Stockholm, à Lausanne, à Genève et plus récemment à Londres.

Les conférences « panorthodoxes » de Constantinople, Vatopédi, Sinaïa, Athènes, etc., ne sont pas sans danger, elles non plus, et contribuant à désagréger le bloc de l’orthodoxie roumaine. Certaines Églises orthodoxes sont absolument sectaires. Ainsi, lors de la visite, le 23 septembre 1927, de Mgr d’Hsrbigny a Mélétios-Métaxakis « pape > et patriarche d’Alexandrie, celui-ci déclara en propres termes : « Le présent, l’avenir appartiennent aux Églises d’Angleterre et des États-Unis, aux protestants. Là-bas se trouve notre espérance, car, je le répète souvent à iii, -s amis qui ne veulent pas me croire, par notre protestation contre le pape, nous sommes les premiers protestants. »

Dès lors, au lieu d’unité, de charité, de force, on ne peut attendre de ce côté que division, haine et faiblesse.

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J. Georgesco.

ROUSERGUES (Bernard de), appelé aussi quelquefois, par erreur, Bernard ou Bernardin du Rosier, archevêque de Toulouse (1452-1475), après avoir été longtemps prévôt du chapitre (1433), puis évêque de Bazas (1447) et de Montauban (1450). — Toute la première partie de sa carrière fut consacrée à l’enseignement, soit chez les augustins de Toulouse auxquels il appartenait, soit à Rome où il fit de longs séjours. Sa science et son dévouement au Saint-Siège lui valurent un prestige considérable auprès de la Curie. Attaché (1427-1430) à l’ambassade envoyée en Aragon, qui finit par briser la résistance de Clément VIII, le schismatique successeur de Benoît XIII, il a laissé de ces négociations un précieux récit, déjà utilisé par Bzovius, Annales ecclesiaslici post Baronium, t. xv, ad an. 1425-1430. Sa promotion épiscopale fut sans doute la récompense des loyaux services par lui rendus à la papauté.

Outre quelques travaux d’histoiie profane, voir J. Lelong, Bibliothèque historique de la France, n. 13049 et 16 272, et un certain nombre de compositions exégétiques ou oratoires, De laudibus S. Mariæ virginis, souvent réunies en une sorte de corpus, le principal de son activité littéraire porta sur les problèmes ecclésiologiques mis ou maintenus à l’ordre du jour par les affaires du temps. Conformément à la tradition de son ordre, il fut toujours le défenseur du droit pontifical le plus absolu.

Il existe encore de lui : un Accensus veri luminis Francorum cliristianissimi reyis et regni contra tenorem Pragmalicæ sanctionis (bibl. de Toulouse, ms. 385) ; un Liber de statu, auctoritale et potestate / ?. H… cardinalium (ibid.. et bibl. Vatic, ms. lai. 1022) : un Promptuarium Ecclesiæ (bibl. Vat c, ms. lat. 1010 et 1°20), où il est question De edificatione Ecclesise militanlis et, en appendice, de l’obéissance au concile de Baie ; un Agoranimus (et non Agoramnus) de sacro principalu (bibl. Vat., ms. lai. 1021 ; bibl. de Toulouse, ms. 385).

Composé à Rome en 1446, sous le pape Nicolas V, ce dernier traité est le seul dont il soit possible jusqu’ici de connaître avec quelque détail l’esprit et le contenu. Il semble être une véritable somme De sacro principalu Domini nostri papæ et s. romanæ Ecclesise comme cette époque en vit naître tant. On en devine suffisamment la tendance par l’intitulé des chapitres suivants : De générait potestate D. papæ circa quæcumque lemporalia in universo mundo ; De plenaria potestate utriusque gladii ecclesiaslici et sœcularis qtiam habet D. papa… ; De excellenli potestate quam habet D. papa circa imperium Romanorum, lalinorum atque grsecorum christianorum, et circa alia quæcumque régna et dominia lemporalia quorumcumqne christifidelium in universo mundo ; De plenaria potestate D. papæ circa régna lerrse, terras et dominia, quorumeumque infidelium ; De excellenli et plenaria potestate D. papœ… generaliter et circa omnem populum catholicum lolius orbis.

Il n’y a pas de doute que Bernard de Rousergues ne mérite de compter, après ses illustres confrères augustins du xive siècle, Gilles de Rome, Jacques de Viterbe et Augustin Trionfo d’Ancône, parmi les théoriciens du’pouvoir direct ».

Notice par A. Degert, dans Dict. d’hist. et de géogr. eccl. t. viii, col. 760-761 ; Fr. Ehrle, Bernard von 1 ousergues Aclen der Légation des Cardinals de Foix in Aragonien, dans Arch. far Literalur-und Kirchengescli. des Mittelalters, t. vii, 1900, p. 427-463.

Inventaire de ses œuvres manuscrites : bibliothèque de Toulouse (sous le n. 385), dans Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques des départements, t. vii, Paris, 1885, p. 232-234 ; bibliothèque d’Auch (sous le n. 4), même collection, nouvelle série, t. iv, Paris, 1886, p. 392-393 ; bibliothèque Vaticane (sous les n. 1019-1023), dans Codices Vaticani latini, t. n a, par A. Pelzer, Borne, 1931, p. 520527.

Sur sa doctrine du pouvoir pontifical : M. Grabmann, Studien uber den Einfluss der aristolelisehen Philosophie auf die mitlelallerliehen 1 heorien uber das Verh dtnis von Kirche und Slaat, Munich, 1934, p. 101-102, où sont publiés les titres des chapitres y afférents dans son Agoranimus de sacro principatu. — Une biographie du personnage est souhaitée par Fr. Ehrle, loc. cit., p. 429-430 ; en attendant, l’Institut catholique de Toulouse a couronné (27 juin 1922) une thèse, restée inédite, de M. Carrel, sur Bernard de Rousergues, sa nie jusqu’à l’élévation à l’épiscopat. Voir Bulletin de litt. eccl., 1922, p. 394 ; 1932, p. 47.

J. Rivière.

ROUSSEAU Jean-Jacques, écrivain français, né à Genève le 28 juin 1712, mort à Ermenonville le 2 juillet 1778.
I. Vie et œuvres.
II. Idées philosophiques et religieuses (col. 121).
III. Influence (col. 128).

I. Vie et œuvres.

La vie jusqu’en 1749.

1. L’enfance calviniste (1712-1728). —

Rousseau est né d’une famille d’origine parisienne, mais réfugiée à Genève depuis 1545. De sa cité natale il gardera l’empreinte et tiendra le goût des institutions républicaines et l’âme calviniste ; il passera par le catholicisme, par le philosophisme, mais il reviendra au calvinisme, non sans doute au calvinisme orthodoxe, mais à un calvinisme adapté à son individualisme. Le milieu dans lequel il grandit n’avait d’ailleurs rien de rigide ; sa mère Suzanne Bernard, morte peu après la naissance de Jean-Jacques, avait scandalisé le consistoire par sa légèreté ; son père, Isaac Rousseau, était horloger ; mais, citoyen de Genève, très conscient de sa dignité civique, il l’était moins de ses devoirs. Il donna à son fils, le goût de la lecture, lui faisant lire YAstrée, le Grand Cyrus, les Vies de Plutarque, le Discours sur l’histoire universelle… En 1722, ce père quitta Genève pour Nyon, afin de se dérober aux suites judiciaires d’une querelle violente. Jean-Jacques, confié à un frère de sa mère, Samuel Bernard, fut mis en pension