Dictionnaire de théologie catholique/SIGNE

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A. Michel.
Letouzey et Ané (Tome 14.2 : SCHOLARIOS - SZCZANIECKIp. 276-280).

SIGNE. — La notion de signe est théologique au premier chef. Saint Augustin a donné du signe une définition qui est restée classique : « Un signe est une chose qui, en plus de l’image qu’elle imprime sur nos sens, nous fait venir par là-même à la connaissance d’une autre chose. » De doctrina christiana, l. II, c.i, P. L., t. xxxiv, col. 35. De cette définition très générale, l’enseignement catholique tire une théologie du signe dont les trois principales applications concernent :
I. La volonté divine.
II. La crédibilité de la révélation (col. 2053).
III. Les sacrements (col. 2060).

I. La volonté divine.

Les théologiens distinguent en Dieu « volonté de bon plaisir » et « volonté de signe ». Cf. S. Thomas, Ia, q. xix, a. 11. Les signes par lesquels nous manifestons notre volonté sont les actes extérieurs dont la connaissance permet aux autres de parvenir jusqu’à la connaissance de notre décision intérieure. Les signes par lesquels nous faisons voir notre volonté intérieure sont au nombre de cinq : l’exécution ou opération, la permission, le précepte dont il faut rapprocher le conseil, la prohibition. Ces signes ne peuvent être transportés en Dieu que d’une manière métaphorique, car en Dieu la volonté est une, acte pur, s’identifiant avec Dieu lui-même. De plus, souvent les « signes » de la volonté divine sont tels qu’on ne peut les attribuer au sens propre à la divinité. Ainsi, la punition qui, venant de Dieu, est appelée le signe de la colère divine, ne saurait être signe de la colère que d’une manière métaphorique, la colère n’existant pas en Dieu. S. Thomas, ibid., ad 2um ; cf. a. 12, ad 2um.

En toute hypothèse, deux points sont à noter. Tout d’abord, certains signes de la volonté divine, le précepte, la prohibition, la permission n’indiquent pas nécessairement en Dieu une volonté de bon plaisir concordante. Parfois, en effet, Dieu commande quelque chose dont il n’entend pas du tout poursuivre l’exécution, comme il est apparu dans l’ordre donné à Abraham d’immoler son fils. Bien plus, Dieu ne veut jamais le mal, qu’il permet seulement. Ensuite, bien que Dieu ne veuille pas toujours ce qu’il commande, et qu’il ne veuille jamais ce qu’il permet simplement, il existe cependant en lui une réelle volonté à l’égard de tels objets. En effet, Dieu veut que tout homme se soumette à l’ordre qui lui est intimé par l’autorité légitime ; il lui plaît également que ce qu’il permet soit en notre pouvoir. Cette volonté de bon plaisir est toujours annexée au précepte ou à la permission, bien qu’elle ne porte pas sur la chose permise ou ordonnée.

Ainsi, en Dieu, il existe une volonté de signe qui ne porte jamais sur le même objet que la volonté de bon plaisir : c’est la permission. Il existe une volonté de signe qui porte toujours sur le même objet que la volonté de bon plaisir : c’est l’opération ou l’exécution. Il existe une volonté de signe qui peut parfois coïncider avec la volonté de bon plaisir et parfois s’en distinguer : c’est la prohibition, le précepte et le conseil. Cf. S. Thomas, De veritate, q. xxiii, a. 3.

II. La crédibilité de la révélation.

Il s’agit ici des « signes divins » de la révélation, c’est-à-dire des effets sensibles « par lesquels l’homme est amené à quelque connaissance surnaturelle de ce qu’il faut croire ». S. Thomas, IIa-IIæ, q. clxxviii, a. 1.

Notions générales.

La définition de saint Augustin est toujours à la base de ces notions : il s’agit toujours, grâce à la connaissance directe d’un effet sensible, de parvenir à la connaissance d’une autre chose. Trois sortes de signes peuvent vérifier cette notion générale.

D’abord, le signe naturel, c’est-à-dire celui dont la signification vient de la nature des choses, par exemple la fumée est le signe du feu. « Il suffit, dit saint Augustin, qu’on ait expérimenté une fois cette connexion, pour comprendre le signe. » Loc. cit., c. ii, col. 37. Venant de la nature, le signe naturel ne peut, une fois qu’il est connu, comporter d’erreur.

Ensuite, le signe conventionnel ou arbitraire est celui qui a été fixé par une convention humaine. Tels, par exemple, les signes télégraphiques, la signalisation des routes et chemin de fer, le drapeau national, etc. Un signe peut être à la fois conventionnel et cependant naturel.

Enfin, le signe est symbolique ou mixte ou emblématique quand il résulte d’une convention fondée sur la nature des choses : le lion est l’emblème de la force, la violette est celui de l’humilité, le cœur est celui de l’amour. En liturgie, la couleur des ornements est un signe symbolique.

Les signes divins de la crédibilité ne sauraient être rangés dans la catégorie des signes naturels, précisément parce qu’ils sont ordonnés à la connaissance surnaturelle des vérités révélées. Ils ne peuvent rentrer non plus dans le cadre des signes conventionnels ou arbitraires, car aucune convention n’a été établie à leur sujet entre Dieu et l’homme. Le signe divin de crédibilité ne peut être que symbolique, mais d’un symbolisme particulier qu’il conviendra de préciser plus loin.

Caractère du signe divin de crédibilité.

Ce signe doit être sensible et en connexion avec la vérité révélée.

1. Sensible. — La révélation est un fait concret, d’ordre historique et, puisqu’il dépend de la volonté de Dieu, contingent. Concret et d’ordre historique, il ne peut être établi que par une expérience sensible, extérieure ou intérieure, soit directement en lui-même (par exemple : un miracle d’ordre physique), indirectement dans ses effets (par exemple : la sainteté héroïque se manifestant par les actes qu’elle inspire) ; soit immédiatement (par ceux qui en sont les témoins), soit médiatement (par ceux qui le connaissent grâce au témoignage d’autrui). Contingent, il n’est pas produit au gré de nos caprices et de nos désirs, même légitimes, mais simplement si Dieu le veut, quand Dieu le veut et comme Dieu le veut. Voir ici Miracle, t. x, col. 1810.

2. Surnaturel. — Pour être signe divin, il doit être supérieur aux forces de la nature et ne pouvoir être attribué qu’à Dieu comme cause principale : « La révélation est un fait de l’ordre surnaturel, la doctrine révélée est un bienfait totalement gratuit de Dieu qui élève l’homme à l’ordre de la grâce et de la gloire. A ce fait surnaturel, il faut des signes du même ordre, qui ne puissent être produits que par Dieu comme cause principale : ceux-là seuls attestent que Dieu a parlé. » A.—A. Goupil, Apologétique, Paris, 1938, p. 98. En disant que ces faits sont des signes surnaturels, il faut préciser la signification de ce mot. La théologie distingue entre surnaturel absolu et surnaturel relatif. Le surnaturel relatif est celui qui excède la puissance de telle nature créée (nature humaine, par exemple), mais non de toute nature créée : le surnaturel angélique est un surnaturel relatif. Le surnaturel absolu est celui qui excède la puissance de toute nature créée, humaine et angélique et tout autre, s’il en était. A son tour, le surnaturel absolu se divise en surnaturel essentiel (quoad substantiam) et surnaturel modal (quoad modum). Les signes divins de crédibilité ne sauraient appartenir au surnaturel essentiel, qui n’est autre que la vie divine elle-même (surnaturel substantiel ou incréé) ou une participation de la vie divine par la grâce (surnaturel accidentel) ; ils relèvent ordinairement du surnaturel modal, qui consiste en un fait essentiellement naturel, mais produit d’une manière surnaturelle ou ordonné d’une manière surnaturelle à une fin surnaturelle. Cf. Garrigou-Lagrange, De revelatione, t. i. Paris. 1918, p. 202-203. Ordinairement, disons-nous, car certains signes de crédibilité, par exemple la transfiguration de Notre-Seigneur ou la manifestation de la gloire céleste d’un saint, peuvent être considérés comme le prolongement sur le corps de la participation essentiellement surnaturelle de l’âme a la vie divine. De toutes façons, des créatures peuvent être employées comme instruments de la puissance divine dans la production des signes de crédibilité.

3. En connexion avec la vérité révélée.

L’œuvre divine qui constitue le signe de crédibilité doit se rapporter à cette crédibilité de la foi comme le signe à la chose signifiée. C’est ce que l’on appelle la « finalité du miracle ». Voir Miracle, col. 809. « En effet, les vérités de la foi dépassent la raison humaine ; elles ne peuvent donc être prouvées par des raisonnements humains ; mais il leur faut les preuves de la puissance divine, afin que, lorsqu’un homme accomplit des œuvres que Dieu seul peut accomplir, on croie que ce qu’il annonce est de Dieu. C’est ainsi que lorsqu’un messager remet une lettre scellée de l’anneau royal, on croit que le contenu de la lettre émane de la volonté du roi. » S. Thomas, IIIa, q. xliii, a. 1.

Cette connexion du signe à la chose signifiée peut revêtir un double aspect. Elle peut être intrinsèque ou extrinsèque. Intrinsèque, si elle ressort de la nature même du signe par rapport à la chose signifiée. Ainsi la sainteté, la propagation admirable, la stabilité et la perpétuité, caractères de l’Église catholique, sont en connexion intrinsèque avec l’origine divine de cette société. Extrinsèque simplement, si la connexion ne résulte pas de la nature même du signe et ne s’affirme qu’en raison des circonstances dans lesquelles l’œuvre divine est accomplie, par exemple les prodiges qui accompagnèrent la mort du Christ, Matth., xxvii, 51-54, ou en vertu d’une déclaration expresse ou équivalente du thaumaturge, par exemple la guérison du paralytique. Marc, ii, 10-12.

Que la connexion soit intrinsèque ou extrinsèque avec la vérité contenue dans la révélation, peu importe d’ailleurs, car le signe divin de crédibilité ne saurait être affirmé comme tel sans que soit suffisamment connu son rapport essentiel avec le fait d’une intervention divine.

Division des signes.

D’après les sources où ils se puisent, il faut distinguer les signes subjectifs ou intérieurs, ceux que l’homme découvre en soi, dans sa conscience, et les signes objectifs ou extérieurs et publics qu’il découvre dans les faits historiques, miracles et prophéties.

1. Signes objectifs.

a) Existence et nécessité.

La révélation chrétienne avant été faite extérieurement, publiquement, il fallait que Dieu, pour la rendre croyable, l’accompagnât de signes extérieurs, publics comme la révélation elle-même. L’existence de ces arguments publics est la condition même de la prédication de l’Évangile unique par une Église unique. Cette nécessité de signes externes a été enseignée par Jésus lui même. Matth., xi, 6-8, 20 ; Joa., x, 38 ; iii, 2 ; v, 36 ; xv. 24, et tout le c. ix. La tradition a ton jours mis en relief la démonstration tirée des miracles et de l’accomplissement des prophéties. Les principaux documents du magistère à cet égard sont : sous Grégoire XVI, la 3e proposition souscrite par Bautain, Denz. Bannw., ii. 1619 ; de Pie IX, l’encyclique Qui pluribus, ibid., n. 1637, 1638 ; du concile du Vatican, la constitution De fide catholica, c. iii, ibid., n. 1790, 1794,

b) Signes extrinsèques et signes intrinsèques.

Tout en étant objectifs et extérieurs, les signes peuvent être extrinsèques ou intrinsèques par rapport à l’objet même proposé à la croyance. Signes extrinsèques, les miracles d’ordre physique et les prophéties. Voir Miracle, t. x, col. 1799, et Prophétie, t. xiii, col. 835. Signes intrinsèques, ceux qui contiennent une relation essentielle à la doctrine révélée proposée à notre croyance : ainsi, la transcendance même de cette doctrine, la sainteté parfaite du Christ, le fait de l’Eglise elle-même.

La transcendance de la doctrine chrétienne est un véritable signe extérieur de crédibilité, et cependant il est évident qu’elle comporte une relation essentielle aux vérités révélées elles-mêmes. Elle est un fait visible, puisque la doctrine est prèchée par l’Église ; elle est un miracle d’ordre intellectuel, puisque cette doctrine n’a pu être imaginée ni inventée par l’homme. Elle porte donc en elle-même le signe de son origine divine. On joindra d’ailleurs opportunément l’étude de ce signe extérieur intrinsèque à l’étude des signes extérieurs extrinsèques : un miracle d’ordre physique n’entraînera pleinement l’adhésion que si l’on connaît aussi la doctrine qu’il accrédite.

La sainteté parfaite du Christ est une perfection morale si achevée qu’elle dépasse les forces humaines et qu’elle est naturellement inexplicable. Dès les premiers siècles, les apologistes ont fait valoir l’argument de crédibilité tiré de la sainteté suréminente du Christ. Cf. L. de Grandmaison, Jésus-Christ, t. ii, Paris, 1928. p. 92-98.

L’Eglise « elle-même, à cause de son admirable propagation, voir ici, t. xiii, col. 692 sq., de son éminente sainteté, voir ici, t. xiv, col. 847 sq., de son unité catholique, voir ici Unité, de son invincible stabilité, est un grand et perpétuel motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa divinité. » Denz.-Bannw., n. 1794,

2. Signes subjectifs.

Ce sont les mouvements intérieurs de l’âme, consolations, joies saintes, désirs ardents dans la possession de la vérité révélée ou, à l’inverse, angoisses et inquiétude profonde tant que l’âme demeure loin de la vérité. De ces mouvements intérieurs qui portent l’âme vers la vérité religieuse, saint Augustin a parlé admirablement ; cf. In Joannis evang., tr. XXVI, n. 4. ''P. L., t.xxxv. col. 1608, lui qui avait reconnu par expérience que le cœur de l’homme est inquiet tant qu’il ne se repose pas en Dieu. Confess., l. I, c. i, n. 1, 'P. L. t. xxxiii. col. 661. En soi, ces arguments sont un indice probable, mais non une preuve certaine ni suffisante de crédibilité. Voir sur ce point l’excellent développement du P. Goupil, Apologétique. Paris, 1938, n. 55-57. En certains cas extraordinaires, ils peuvent, pour certains individus privilégies, constituer des signes assurés de crédibilité : « II arrive exceptionnellement que l’âme a conscience et du don divin et de la présence du donateur. C’est ce qu’on appelle les grâces mystiques ou extraordinaires. L’action divine comme telle est perçue immédiatement et expérimentalement par l’âme. » Id., 'ibid., p. 119.

Comment est connu par l’intelligence humaine le rapport du signe avec le fait de l’intervention divine.

Il ne peut être ici question que du rapport certain qui existe entre le signe objectif et le fait de la révélation divine. Question fort débattue : « comment pourrait-on voir et affirmer une référence à l’ordre surnaturel sans une grâce surnaturelle, tout au moins actuelle ? Prétendre le contraire serait du pélagianisme. » E, Masure. La grand’route apologétique, Paris, 1939, p. 59. Thèse également défendue par. Goupil, op. cit. p. 81 92, par d’autres auteurs récents cités à l’art. Miracle, col. 1853 sq., et qui pourrait trouver quelque appui chez Cajétan et d’autres maîtres de l’école thomiste. 1. Les termes précis du problème.

Certains éléments du problème ne sauraient donner lieu à controverse.

a) Toute connaissance du signc divin qui inclinerait déjà l’intelligence vers la foi ne peut procéder que de la grâce. C’est la doctrine affirmée au IIe concile d’Orange, can. 5 ; Denz.-Bannw., n. 178 ; voir ici, t. x. col. 1090. Nier la nécessité de la grâce pour cet initium fidei, qui commande le désir de croire, credulitatis affectum, serait tomber dans l’erreur semi-pélagienne. Analysant et distinguant entre elles les différentes phases de la préparation psychologique de l’acte de foi, les théologiens récents appellent cette connaissance déjà pratique de la crédibilité, le jugement de crédentité. Voir ici, t. iii. col. 2206.

b) La controverse porte donc uniquement sur la connaissance spéculative des signes divins, laquelle n’entraîne pas nécessairement le désir de croire et, à plus forte raison, la foi. Il s’agit donc du jugement de crédibilité simple ou rationnelle qu’il faut psychologiquement et théologiquement distinguer de la crédibilité surnaturelle (nécessitante, impérative et consommée, voir t. iii, col. 2210). Cette crédibilité rationnelle est « la propriété transcendantale que possède la révélation divine objective en regard de l’intelligence naturelle ». Ibid.

c) Toutefois, l’on peut encore admettre qu’en fait, principalement chez les fidèles, la connaissance même purement spéculative des signes divins se réalise sous l’influence de la grâce et même de la vertu de foi. Voir ici Crédibilité, t. iii. col. 2212-2213, 2231-2232, et, en ce qui concerne l’opinion de saint Thomas sur ce point, col. 2275-2276. S. Thomas. IIa-IIæ, q. i, a. 5, ad 1um ; cf. a. 4, ad 3um ; q. ii, a. 3, ad 2um ; cf. Garrigou-Lagrange. De revelatione, t. i. Paris. 1918, p. 536-537. On doit même dire que chez ceux qui croiront effectivement, le jugement de crédibilité, encore purement spéculatif, est déjà surélevé par l’illumination et l’excitation de la grâce. Cf. Crédibilité, col. 2205, nota bene.

2. Les solutions proposées.

a) Le jugement de crédibilité d’ordre spéculatif est possible sans le secours de la grâce et à fortiori de la foi.

L’argument fondamental, mis en avant par les partisans de cette opinion, c’est que la crédibilité des vérités révélées doit avoir un caractère rationnel : non crederet nisi videret esse credendum [i.e credibile] vel propter evidentiam signorum, vel aliquid hujusmodi. Sum. theol., IIa-IIæ, q. i. a. 4. ad 2um. Si la grâce était nécessaire absolument, il faudrait dire que le jugement de crédibilité n’a pas un caractère strictement rationnel ; si la grâce n’est nécessaire que moralement, il faut admettre qu’en certain cas particulier elle peut faire défaut.

Ce caractère rationnel du jugement de crédibilité a été mis en évidence par différents documents ecclésiastiques. Par ordre de la S. C. des Évêques et Réguliers, Hautain dut s’engager, le 26 avril 1844. à ne jamais enseigner que la raison ne puisse acquérir une vraie et pleine certitude des motifs de crédibilité, c’est-à-dire de ces motifs qui rendent la révélation divine évidemment croyable. Denz.-Bannw., n. 1(527. Il s’agit évidemment d’une acquisition par la raison, sans le secours de la grâce, ainsi que Hautain avait dû le souscrire (6e prop.) en 1840 sur l’ordre de Mgr Lepappe de Trévern : « Quelque faible et obscure que soit devenue la raison par le péché originel, il lui reste assez de clarté et de force pour nous guider avec certitude à l’existence de Dieu, à la révélation faite aux juifs par Moïse, aux chrétiens par notre adorable Dieu. » Ibid.

bans l’encyclique Qui pluribus, Pie IX rappelle que « la raison humaine doit chercher avce diligence le fait même de la révélation, afin qu’elle sache avec certitude que Dieu a parlé » Denz. Bannw., n. 1637. Voir d’autres textes ici, art. Miracle, t. x. col. 1854.

Dans ces textes, il n’est pas fait allusion à la nécessite d’une grâce pour fortifier l’intelligence. Bien au contraire, la 6e proposition souscrite par Hautain à Strasbourg indique expressément que, malgré l’obscurité et la faiblesse, suite du péché originel, la raison possède encore assez de clarté et de force pour nous guider avec certitude à la révélation chrétienne.

Le concile du Vatican, enfin, exprime une idée analogue : « Pour que l’hommage de notre foi fût d’accord avec la raison, dit-il, aux secours intérieurs du Saint-Esprit, Dieu a voulu joindre des preuves extérieures de sa révélation, savoir, des faits divins et surtout des miracles et des prophéties qui, en montrant abondamment la toute-puissance et la science infinie de Dieu, font reconnaître la révélation divine dont ils sont les signes très certains et appropriés à l’intelligence de tous. « Parmi les motifs de crédibilité. « signes très certains, appropriés à l’intelligence de tous », le concile a nommé les signes externes : miracles et prophéties. Le 4° canon jette l’anathème à qui dit « que les miracles ne peuvent être connus avec certitude ».

Si les miracles sont des motifs de crédibilité très certains et appropriés à l’intelligence de tous, si l’intelligence humaine peut les connaître avec certitude, il faut que l’homme, même déchu, puisse, les atteindre sans un secours surajouté, donc sans une grâce. Si, dans le début du texte, le concile déclare qu’ « aux secours intérieurs du Saint-Esprit, Dieu a voulu joindre des preuves extérieures de sa révélation », il n’entend nullement dire que les preuves extérieures ne peuvent être saisies par l’intelligence que grâce aux secours intérieurs de l’Esprit-Saint. Les secours intérieurs de l’Esprit-Saint se réfèrent à la foi elle-même, les preuves extérieures à la crédibilité : « Afin que l’hommage de notre foi fût d’accord avec notre raison, ut fidei nostræ obsequium rationi consentaneum esset. »

A cet argument fondamental on ajoute des considérations de fait qui en soulignent la force. Jean de Saint-Thomas lui-même, dont les partisans de l’opinion adverse invoquent volontiers le patronage, déclare qu’il n’y a pas contradiction à admettre « que quelqu’un connaisse avec évidence la crédibilité en raison d’un miracle accompli sous ses yeux et cependant, en raison de sa perversité, refuse de croire ». De fide, disp. III, a. 2, n. 10. Il apporte comme exemple le cas des pharisiens dont Jésus dit qu’il ne les accuserait pas s’il n’avait accompli parmi eux des œuvres divines. Joa., xiv, 24. Voir également l’appréciation des sanhédrites sur les miracles de Pierre et de Jean. Act., iv, 16. Les démons eux-mêmes connaissent avec certitude le fait de la révélation et non par la grâce. Cf. Garrigou-Lagrange, op. cit., p. 538.

Les partisans de cette opinion concluent qu’il faut admettre tout au moins la possibilité d’un jugement spéculatif de crédibilité sans le secours de la grâce, sous peine d’aboutir à cette contradiction que la raison est capable de faire et de percevoir la preuve du fait de la révélation et que sans la grâce elle en est incapable.

b) Le jugement de crédibilité n’est possible qu’avec le secours de la grâce et ne s’exerce que sous l’influence de la foi habituelle ou actuelle.

La grâce est ici nécessaire, non pas pour suppléer à l’insuffisance objective des signes divins — ce serait inconsciemment retomber dans la thèse protestante de l’expérience religieuse interne — mais pour donner à l’esprit la vigueur indispensable qui en fasse saisir la valeur et la signification.

« Pour comprendre le miracle — non pas seulement

pour le voir, mais pour saisir son essence totale, matière et forme à la fois — il faut voir en même temps sa signification interne, essentielle et réelle, car le miracle est un signe. Il est formellement une intervention ou, si l’on veut, une intrusion de la surnature dans la nature pour modifier le cours de celle-ci au bénéfice d’une fin supérieure. Seule par conséquent une explication qui soit d’inspiration surnaturelle et qu’une lumière de grâce éclaire, permet de comprendre à fond cet événement anormal et de le définir en son essence. » E. Masure, op. cit., p. 87-88. Une référence à l’ordre surnaturel ne peut être affirmée sans une grâce surnaturelle et il n’y a pas de cercle vicieux ni de pétition de principe à exiger une grâce surnaturelle pour cette première affirmation, « car il ne s’agit pas de déduire : on ne déduit pas la présence du surnaturel de la constatation du naturel, ni la forme de la matière ; mais on emploie la méthode d’induction par le signe, où connaissant déjà par ailleurs l’existence possible du surnaturel, ne serait-ce que par le désir, l’espérance, ou l’angoisse inverses qu’on éprouve en soi, on voit cet élément invisible visible dans le signe qui le contient. » 'Ibid., p. 89.

Tel est, ajoutent les partisans de cette opinion, l’enseignement du magistère. Contre les semi-pélagiens, l’Église rappelle la nécessité de la grâce pour l’initium fidei. Or, le jugement de crédibilité fait partie de initium fidei. Le concile du Vatican, lui aussi, a joint à l’action des motifs de crédibilité celle non moins nécessaire du secours de la grâce : « Pour que l’hommage de notre foi fût raisonnable, Dieu a voulu joindre à l’aide intérieure de l’Esprit-Saint les preuves extérieures de la révélation. » Et, un peu plus loin, ayant déclaré que l’Église est, par ses caractères divins, un puissant et perpétuel motif de crédibilité, le concile ajoute : « A ce témoignage s’ajoute le secours efficace de a puissance divine », et il nomme expressément la grâce excitante et adjuvante. Denz.-Bannw., n. 1790, 1794.

Si l’on demande maintenant quelle est la nature de cette grâce surnaturelle, il faut admettre « que cette grâce est une lumière divine qui perfectionne l’intelligence et que c’est la lumière même de la foi ». A. Goupil, 'op. cit., p. 86. Lumière habituelle chez les justes ; chez les non-justifiés, lumière transitoire d’une grâce actuelle se référant à la foi. A. Goupil donne un intéressant résumé de cette doctrine : « 1. Je vois la crédibilité de la foi, je ne la crois pas. Cette crédibilité est évidente, puisque sont évidents les signes de la révélation. Or, on sait ce qui apparaît avec évidence et on ne le croit pas… 2. Je vois la crédibilité à cause de l’évidence des signes. L’apologétique est donc, une démonstration en règle, rigoureuse, sans cassures, sans solutions de continuité… 3. Je vois par la lumière de la foi. Ce qui ne veut pas dire que la lumière de la foi ajoute rien à la force de la démonstration apologétique ; pas plus que la lumière de gloire chez les bienheureux n’ajoute à l’intelligibilité de Dieu ; la grâce divine nécessaire n’est pas une suppléance nécessaire à des arguments défaillants, mais elle est un supplément de force à notre intelligence pour lui permettre de saisir les bons arguments… » Op. cit., p. 88-89. Aucune pétition de principe, aucun fidéisme en cela, car les faits physiques qui constituent les signes divins ne sont pas inventés par la foi pour s’appuyer sur eux ; il y a causalité réciproque ; sans la foi, les faits resteraient incompréhensibles. « Puisque tel fait est surnaturel dans sa cause, seuls seront capables de le comprendre et probablement de l’admettre les critiques qui acceptent la présence du surnaturel dans le monde et qui croient que ce surnaturel aboutit parfois, sur le plan naturel, à des conséquences que celui-ci n’aurait jamais comportées seul. » E. Masure, op. cit., p. 94.

3. Appréciation.

On se reportera à l’article Miracle, t. x, col. 1853-1855. Pour que la deuxième opinion puisse échapper aux critiques signalées en cet endroit, il semble qu’elle doive être comprise comme un complément de la première, celle-ci n’envisageant encore que le caractère rationnel du jugement de crédibilité relatif aux signes divins, celle-là s’attachant au caractère pratique, et donc de tendance surnaturelle, du jugement de crédentité. C’est avec la préoccupation de réserver l’influence de la grâce principalement et nécessairement sur la formation du jugement pratique de crédibilité qugement de crédentité) qu’il faut lire et interpréter les textes conciliaires où il est question simultanément du rôle de la raison et de celui de la grâce et peut-être aussi la 4e proposition souscrite par Bautain en 1841, où l’on affirme que la raison (sans ajouter le mot seule) peut acquérir une pleine et vraie certitude des motifs de crédibilité. Il faut donc, à notre avis, d’une part affirmer le caractère purement rationnel du jugement de crédibilité et d’autre part la nécessité d’une grâce surnaturelle et intérieure pour engager ce jugement dans l’ordre pratique de l’acquiescement de l’intelligence à la vérité révélée.

On n’oubliera pas non plus ce que nous avons fortement souligné à l’article Miracle, col. 1853, que le surnaturel du miracle, uniquement considéré comme fait divin, n’est qu’un surnaturel modal, voir aussi supra, col. 2054, et que la connaissance du fait divin, surnaturel quoad modum, peut être acquise sans une grâce surnaturelle, comme on connaît naturellement l’existence d’un Dieu transcendant et de la véracité divine. Affirmer la possibilité de cette connaissance naturelle n’a rien de pélagien. En revanche, on ne devra pas oublier que les signes divins de crédibilité ne pourront faire impression salutaire sur l’intelligence humaine que dans la mesure où cette intelligence est orientée vers la recherche de la vérité, grâce à des dispositions morales favorables qui l’inciteront, pour reprendre l’heureuse formule de M. Masure, à voir l’invisible visible dans le signe qui le contient. Le signe divin n’est donc qu’un point de départ, un éveil, d’ailleurs parfaitement accommodé aux intelligences de tous les temps. Mais, « à vouloir qu’il s’impose absolument, sans discussion possible, rendant superflues par son évidente transcendance les dispositions religieuses et morales des témoins, on irait droit à la position des pharisiens réclamant « des signes dans le ciel » et, de ce chef, déboutés par le Christ ». L. de Grandmaison, Jésus-Christ, t. ii, p. 243. Cf. Scheeben, Dogmatique, tr. franc., Paris, 1880, t. i, p. 491.

III. Les sacrements.

Dans les sacrements, le signe sensible appartient au genre symbolique, mais à son symbolisme s’ajoute une caractéristique spéciale, celle du signe efficace, producteur de la grâce qu’il signifie. Cette doctrine a été développée à l’article Sacrement, t. xiv, col. 494 sq. L’élaboration des données scripturaires et traditionnelles a abouti à mettre en relief trois aspects du signe sacramentel :
1. Le signe est constitué tout d’abord d’éléments physiques, sensibles, dont l’un, l’élément sacramentellement indéterminé (la matière), possède cependant déjà par lui-même une signification lointaine et analogique par rapport à la signification proprement sacramentelle que lui apporte, en vertu de l’institution du Christ, l’élément déterminant, la forme ;
2. dans les sacrements de la loi nouvelle, le signe est efficace, c’est-à-dire que l’élément sensible, en tant qu’il a reçu de Jésus sa signification sacramentelle, est capable de produire la grâce qu’il signifie et qu’il contient, comme la cause contient son effet ;
3. la signification sacramentelle dans les sacrements de la loi nouvelle revêt un triple aspect : le sacrement est signe commémoratif par rapport à la passion du Christ dont dérive son efficacité ; il est signe à la fois démonstratif et pratique (ou efficace), par rapport à la grâce produite dans l’âme ; il est signe annonciateur de la gloire future, préparée par la grâce. Voir Sacrement, t. xiv, col. 532-535.

T. S. Thomas, Ia q. ix, a. Il et les commentateurs. On consultera spécialement Billot, De Dea uno et trino, thèse XXIX. II. Le P. Goupil, dans son récent ouvrage Apologétique, Paris, 1938, a inséré un excellent exposé de la théologie du signe, n. 42-58. On s’en est ici constamment inspiré. Voir aussi L. de Grandmaison, Jésus-Christ, t. ii, Paris, 1928, l. V, c. i. Des signes divins en général, p. 225 sq. ; Garrigou-Lagrange, De revelatione. t. i, Paris, 1918, p. 532 sq. ; E. Masure, La grand’route apologétique, Paris, 1939 (reproduit les articles parus en 1934 dans la Revue apologétique, sous le titre L’apologétique du signe). Voir, de plus, ici même, la bibliographie de l’art. Miracle, t. x, col. 1858,

III. On se reportera à la bibliographie de Sacrement, t. xiv, col. 641 : La notion de sacrement.

A. Michel.

SIGORGNE Pierre, savant, orateur et apologiste français du xviiie siècle. — Il naquit en 1719 à Rembercourt-aux-Pots, en Lorraine, embrassa l’état ecclésiastique et, ses études faites en Sorbonne, fut nommé professeur de philosophie au Collège du Plessis. C’est pendant cette période de sa vie qu’il composa la plupart de ses ouvrages scientifiques où il se montra partisan du système de Newton. Plus tard, il se retira à Mâcon ; il y fut vicaire général et official. Ses fonctions ne l’empêchèrent ni de se livrer à des travaux apologétiques, ni de cultiver l’éloquence de la chaire ; il prononça, dans la cathédrale de Mâcon, l’oraison funèbre du dauphin en 1766 et celle du roi Louis XV en 1774. Il mourut très âgé au début du xixe siècle.

Seuls, ses deux traités apologétiques sont à signaler ici. Le premier est Le philosophe chrétien, ou Lettres à un jeune homme entrant dans le monde, sur la nécessité de la religion, publié sans nom d’auteur à Avignon en 1765. C’est un « abrégé » où sont amenés tour à tour les arguments traditionnels de la nécessité d’une révélation et de la vérité de la religion chrétienne. La plus grande partie du livre est consacrée à la certitude des miracles du Christ et à l’authenticité des Évangiles. Les preuves sont classiques et la présentation n’est pas originale ; l’intérêt de l’ouvrage vient de la connaissance qu’il nous donne sur la pensée des « incrédules » d’alors, et des allusions qu’il renferme aux systèmes des philosophes du temps. A ce point de vue, le second ouvrage de Sigorgne, de plus modeste apparence, est encore plus intéressant. Il est intitulé : Lettres écrites de la Plaine en réponse à celles de la Montagne ou Défense des miracles contre le philosophe de Neuf-Chatel, par l’auteur du « Philosophe chrétien » et publié à Amsterdam en 1765. Comme son titre l’indique, c’est une suite de lettres réfutant les assertions de Jean-Jacques Rousseau, que Sigorgne appelle généralement « le Philosophe », parfois « rhéteur artificieux, auteur orgueilleux », p. 4, une fois « Monsieur Rousseau », p. 72, et même ironiquement « mon cher Jean-Jacques », p. 123. Il contient de nombreux passages des Lettres de la Montagne où il est dit « que les miracles ne sont pas un signe nécessaire à la foi, et qu’ils ne sont pas un signe infaillible dont les hommes puissent juger, p. 30. La riposte de Sigorgne est généralement assez vive et la valeur probante des miracles du Christ est exposée avec netteté.

Michaud, Biographie universelle, t. xxxix, p. 334 ; F.-X. de Feller, Dictionnaire historique, t. v, p. 500-501 ; Hoefer, Nouvelle biographie générale, t. xliii, col. 988.

L. Brigué.


SILESIE (Dominique-Germanus de), frère mineur allemand du xviie siècle, appelé aussi dominique de nissa (Neisse). — Né à Schurgast-sur-Oder (diocèse de Breslau, en Silésie), en 1588, il se désigne lui-même sous le nom de Germanus (prénom latin ? traduction latine d’un nom de famille comme Deutschmann ? simple indication de son origine allemande ?). Il entra dans l’ordre, en 1624, sans que l’on puisse préciser dans quelle province. A. Kleinhans, dans l’étude citée à la bibliographie et aussi dans Antonianum, t. iv, 1929, p. 373, admet que ce fut dans la province de Bohême. B. Zimolohg objecte avec raison que le nom de Dominique ne figure point dans le 'Liber receptionum (1580-1664) de celle province. Voir Franzisk. Studien. t. xxi, 1934, p. 152. Quant à la raison de l’appellation de Nissa (séjour à Neisse ?), voir L. Pérez, dans Arch. franc. hist., t. x, 1917, p. 253-255. Prêtre très probablement à son entrée dans l’ordre, il paraît avoir exercé, dans sa province, après son noviciat, les charges de prédicateur et de lecteur. Vers 1628, il fut envoyé au collège de langue arabe érigé au couvent de Saint-Pierre in Montorio à Rome pour familiariser les futurs missionnaires avec la langue arabe. Poussé par un vif désir d’aller en mission, Dominique quitta la province dans laquelle il avait été reçu, pour s’incorporer, le 10 avril 1630, à celle de Saint-Michel de Rome. En 1630 ou 1631, il partit pour la Palestine, où il se perfectionna dans la langue arabe. Son séjour fut de courte durée ; vers la fin de 1634 ou au début de 1635, il revint à Rome, où, en septembre 1635, il demanda à la congrégation la permission tenendi et legendi Alcoranum in lingua arabica et alios libros ex professo de lege mahumetana tractantes, ut possit melius sludium S. Petri de Monte aureo arabicum promovere. Il fut promu lecteur à Saint-Pierre in Montorio, en automne 1636, et, le 11 novembre, il devint membre de la commission pour l’édition d’une Bible en langue arabe, à la place de son professeur Thomas Obicini. Mais, dès 1640, le P. Alexis de Todi lui succéda comme lecteur au dit collège et, le 13 mai 1641, le P. Ant. d’Aquila prit sa place dans la susdite commission. Quoi qu’il en soit des raisons pour lesquelles il fut remplacé dans ces charges, le P. Dominique semble être retourné en Palestine, où, en septembre 1641, il enseignait l’arabe à Bethléem à ses confrères.

Le 23 mars 1645, il fut désigné par la Propagande pour la mission de Samarcand en Tartarie, dont il fut nommé préfet pour la durée de trois ans. Deux confrères lui furent adjoints, le P. François de Capradosso, étudiant à Saint-Pierre in Montorio et un Polonais à désigner par ses supérieurs. Il est très probable que le P. Dominique, pendant ces négociations, était à Rome, qu’il quitta en 1645 pour gagner la Tartarie en passant par la Pologne. La mission pour laquelle le P. Dominique fut envoyé en Tartarie ne regardait cependant pas la conversion des infidèles, mais le ministère à exercer auprès des nombreux captifs chrétiens qui y résidaient. En 1647 et 1650, on le trouve à Ispahan, en Perse, et il paraît n’être jamais arrivé en Tartarie ni à Samarcand.

En 1652, le P. Dominique était de retour à Rome, où, pour des raisons ignorées, il fut mal accueilli tant de la part de la congrégation que de ses confrères à Rome, dont le gardien lui refusa la permission commissionem pro bibliis arabicis edendis adeundi, sur quoi le P. Dominique fit un recours à la congrégation. En 1652, il fut appelé par le général, Pierre Manero, alors à Madrid, en Espagne, probablement pour rendre compte de sa mission et, à partir de cette année jusqu’à sa mort, le 28 septembre 1670, il habita le couvent de Saint-Laurent à l’Escurial, très riche en manuscrits arabes. Il s’y consacra entièrement à l’étude et y travailla à la rédaction de plusieurs ouvrages.

Outre quelques ouvrages, dictionnaires ou grammaires se rapportant à la langue arabe, Dominique de Silésie composa de nombreux ouvrages pour l’exposé et pour la réfutation des doctrines théologiques musulmanes. Parmi eux, l' Interprelatio Alcorani occupe sans conteste la première place. Selon M. Devic, elle constitue la première traduction du Coran vraiment digne de ce nom, qui remporte de loin sur toutes les autres versions faites jusque là. Voir Une traduction inédite du Coran, dans Journal asiatique, VIIIe série, t. i, 1883, p. 350 et 361. Le P. Dominique a accompa-