Dictionnaire de théologie catholique/UNITÉ DE L'ÉGLISE VI. La conclusion

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 347-350).

VI. Conclusion : l’argument de l’unité de l’Église présenté a la lumière des enseignements du magistère et des faits.

Principes posés par le magistère touchant l’unité de l’Église.

1. Les documents.

L’unité de l’Église est affirmée dans les symboles : symbole de Nicée-Constantinople, Denz.-Bannw., n. 86 ; cf. n. 994 ; d’Épiphane, ibid., n. 14. Pelage II rappelle ce dogme aux schismatiques d’Istrie, ibid., n. 246. On le retrouve inséré dans la profession de foi de saint Léon IX, ibid., n. 347 ; dans celle qu’Innocent III imposa aux vaudois, ibid., n. 423 ; dans le canon Firmiter credimus du IVe concile du Latran, ibid., a. 430. L’union avec les Églises orientales ne pouvait pas ne pas en faire mention explicite ; cf. Profession de foi de Michel Paléologue, du IIe concile de Lyon, ibid., n. 464 ; Décret pour les Grecs du concile de Florence, ibid., n. 694 ; Décret pour les jacobites, ibid., n. 714 ; et, équivalemment, profession de foi imposée aux maronites par Benoît XIV. ibid., n. 1473. Cette unité, Boniface VIII la rappelle au début de la bulle Unam sanctam, ibid., n. 468. L’unité monarchique de l’Église est affirmée par Pie VI dans sa condamnation du fébronianisme, ibid., n. 1500. Plus récemment encore, les tentatives anglicanes et protestantes pour substituer à l’unité l’union ont provoqué diverses réactions du Saint-Siège : sous Pie IX, l’encyclique du Saint-Office Apostolic.se Sedis, 16 septembre 1864, ibid., n. 1685 1686 ; et la lettre Quod vos, 8 novembre 1865, Acta apostolicæ Sedis, t. xi, 1919, p. 310 sq., condamnant la Branch theory ; de Léon XIII, l’encyclique Satis cognilum, 20 janvier 1896, Denz.-Bannw., n. 19541956 ; sous Benoît XV. le décret De participatione catholicorum societati ad procurandam christianitatis unitatem, dans Acta apostolicæ Sedis, t. xi, 1919, p. 309 ; sous Fie XI, Décret De convenlibus ad procurandam omnium christianorum unitatem, 8 juillet 1927, Denz.-Bannw., n. 2199 ; du même pape, l’encyclique Mortalium animos, G janvier 1928, dans Acta apostolicm Sedis, 1928, p. 13, 18.

Le concile du Vatican avait préparé toute une déclaration dogmatique sur l’unité de l’Eglise :

Si quis dixerit veram Ec-Si quelqu’un dit que la

clesiam non esse unum in se véritable Eglise n’est pas un

corpus, sed ex variis dissi-corps un en soi, mais qu’elle

tisque christiani nominis so-est constituée des diverses

cietatibus constare per eas-sociétés dites chrétiennes

que dilTusam esse ; aut varias dispersées dans le monde et

societates ab invicem lidei qu’elle est ainsi répandue par

professione dissidentes atque elles ; ou que les diverses

communione sejunctas, tan-sociétés, en divergences en quam membra vel partes tre elles par leur profession

imam et universalem cons-de foi et séparées de commu tituere Christi Ecclesaim, nion, constituent l’Église du

A. S. Christ, une et universelle, en

Collectif) Lacensis, t. vii, tant qu’elles en sont les

col..">77 a. membres ou les parties, qu’il soit anathème.

2. Commentaire des documents.

Nous suivrons dans ce commentaire les chapitres dogmatiques préparés par les théologiens du concile du Vatican.

a) L’Église corps mystique du Christ (c. i, col. 567 d). — L’Église continue le Christ, dont elle est le corps mystique. Tous les hommes, terrestres et charnels, revêlant l’homme nouveau, « créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables » (Eph., iv, 24), forment un corps mystique dont le Christ est la Tête ou le Chef.

Pour réaliser l’union du corps mystique, le Christ Notre-Seigneur a institué le bain sacré de la régénération et du renouvellement. Par lui, les hommes… redeviennent membres les uns des autres, selon l’enseignement de saint Paul (Eph., iv ; I Cor., xii). Unis à leur chef divin par la foi, l’espérance et la charité, tous sont vivifiés par son unique Esprit, et reçoivent en abondance les dons de la grâce et des charismes célestes.

On retrouve ici un écho de renseignement du concile de Florence sur le baptême, décret pro Armenis, Denz.-Bannw., n. 696, et du concile de Trente, sess. xtv. De suer, partit., c. ii, ibid.. n. 895.

b) L’Église, fondée sous forme de société (c. II, col. 506 a). — Sans doute, la religion du Christ est avant tout affaire de vie intérieure et personne ne nie qu’il y ait un lien invisible entre toutes les âmes qui acceptent le message du Christ et y conforment leur vie. Mais la nature de l’homme l’incite à vivre en société ; aussi la religion de l’homme serait imparfaite si elle n’était aussi une religion sociale. Mais il faut avant tout chercher quelle fut la volonté du Christ en fondant l’Église, et cette volonté apparaît très licitement dans l’Évangile.

Le Christ n’a pas voulu que les « vrais adorateurs » adorassent le l’ère en Esprit et en vérité » chacun pour leur propre compte, sans être unis par aucun lien social. Il a voulu, au contraire, que sa religion fut rattachée à la société fondée par lui, au point qu’elle lui fut entièrement Menti liée et comme concrétisée en elle, de telle sorte qu’en dehors « le cette société, H n’y eût aucune vraie religion chrétienne.

c) L’Église est une société vraie, parfaite, spirituelle cl surnaturelle (c iii, col. ">i’, , n a). Certains ont voulu Voir dans l’Église un groupement organisé par les hommes eux-mêmes. Mais non : sa constitution et son organisation viennent de son divin fondateur : société vraie, elle est a la fois parfaite, spirituelle et surnal urelle :

Elle n’est ni un membre ni une partie d’une autre société quelconque et elle ne doit être confondue ni mêlée avec aucune outre ; mail elle est parfaite en elle-même ; a ce point que, tout en se distinguant (le toutes les sociétés

humaines, elles c-i pourtant souverainement supérieure à

toutes… (.’est au sein de l’Eglise que l’Esprit-Saint Comble

les hommes de ces biens et de ces richesses (surnaturelles) ; c’est en elle qu’il les groupe, dans l’unité par les liens de la charité : concluons donc que l’Église elle-même est une société spirituelle et d’un ordre tout à fait surnaturel.

d) Ce c. ni appelait une précision : si l’Église est une société spirituelle et surnaturelle, ne faut-il pas en conclure qu’elle est invisible et que ses membres ne sont unis entre eux que par des liens intérieurs et invisibles’? Conclusion déjà condamnée à Constance contre Wicleff et Hus, Denz.-Bannw., n. 595, 656 ; à Trente, indirectement, contre Luther, ibid., n. 838 ; par Clément XI réprouvant les prop. 72-78 de Ouvsnel, ibid., n. 1 122-1428 ; par Lie VI rejetant la prop. 15 du synode janséniste de Pistoie, ibid., 1515. Le c. iv du projet (col. 5(38 cd) précise parfaitement la doctrine catholique sur ce point et prépare le c. v, où la question de l’unité de l’Église est directement abordée.

A Dieu ne plaise cependant que l’on croie que les membres de l’Eglise ne sont unis que par des liens tout intérieurs et invisibles et qu’ils constituent par conséquent une société cachée et absolument invisible. Au contraire, la sagesse et la puissance éternelle de Dieu ont disposé les choses de manière qu’aux liens spirituels et invisibles qui, par l’Esprit-Saint, rattachent les fidèles à la tête suprême et invisible de l’Église, correspondissent des liens extérieurs et visibles…

De là un magistère visible, chargé de proposer aux fidèles les vérités… ; un ministère visible, ayant mission d’organiser publiquement l’usage des mystères divins et leur célébration. .. ; un gouvernement visible, qui ordonne l’union des membres de l’Eglise entre eux et qui dispose et dirige toute la vie extérieure et publique des fidèles. De là, enfin, le corps visible de l’Église entière, auquel appartiennent non seulement les justes et les prédestinés, mais même les pécheurs, pourvu qu’ils soient unis dans la profession d’une même foi et la même communion.

Il est facile désormais d’établir en quoi consiste l’unité de l’Église. C’est l’objet du chapitre suivant.

e) L’unité visible de l’Église (c. v, col. 569).

Puisque l’Église véritable du Christ est telle, nous déclarons que cette société visible et manifeste est précisément cette Eglise objet des promesses et des miséricordes divines, que Jésus a voulu distinguer des autres et orner de tant de prérogatives et de privilèges. À cette Église, il a donné une constitution à ce point déterminée, qu’aucune société séparée de l’unité (le foi et de l’union à ce corps ne puisse en aucune manière être appelée une partie ou un membre de la véritable Église. Celle-ci n’est donc pas répandue ni dispersée parmi les diverses confessions qui se réclament du nom du Christ ; mais elle est toute ramassée en un, dans une parfaite cohésion. Elle offre aux regards, dans son évidente unité, un corps indivis et indivisible, qui est le corps mystique du Christ (dont parle l’Apôtre, Eph., IV, 4-0).

Deux assertions doivent être spécialement relevées : unité de la /ni et union au corps mystique dans une parfaite cohésion. À l’unité de la foi est nécessaire le magistère vivant de l’Église dont le schéma a parlé au c. iv. Mais ce magistère ne peut être cou lie au premier venu parmi le peuple chrétien. Il ne se trouve quc (liez » cci tains hommes choisis, à qui a élé donnée par Dieu la faculté d’accomplir et d’administrer les divins mystères et aussi le pouvoir de commander et de gouverner ». Léon XIII, encycl. Salis cognitum, Denz.-Bannw., n. 1956-1959.

Néanmoins l’unité de l’Église appelle un complément. Il faut, comme le dit encore Léon XIII. un i centre de l’unité ». Ibid., n. 19(10. Ce centre de l’unité se situe dans la hiérarchie, à deux degrés. Tout

d’abord dans la hiérarchie épiscopale, les évêques ayant revu le pouvoir d’enseigner et de gouverner ;

mais ensuite et surtout dans la primauté pontificale,

le corps épiscopal devant se grouper autour du suc (csseui (le Pierre et les fidèles ayant l’obligation de

considérer le pape comme le premier pasteur des

Ames. L’auteur divin de l’Église, ayant décrété de lui donner l’unité de foi, de gouvernement, de communion, a choisi Pierre et ses successeurs pour établir en eux le principe et comme le centre de l’unité… Mais l’ordre des évêques ne peut être regardé comme vraiment uni a Pierre, de la façon que le Christ l’a voulu, que s’il est soumis et s’il obéit à Pierre ; sans quoi il se disperse nécessairement en une multitude oii régnent la confusion et le désordre. Pour conserver l’unité de foi et de communion telle qu’il la faut, ni une primauté d’honneur, ni un pouvoir de direction ne suffisent ; il faut absolument une autorité véritable et en même temps souveraine, à laquelle obéisse toute la communauté. ..

C’est pourquoi le concile du Vatican, qui a défini la nature et la portée de la primauté du pontife romain (cf. ici, t. xiii, col. 335 sq.) n’a point introduit une opinion nouvelle, mais a affirmé l’antique et constante foi de tous les siècles. Léon XIII, op. cit., Denz.-Bannw., n. t’JCO-1961.

3. La variété dans l’unité.

Est-il besoin, en terminant, de faire remarquer que l’unité de l’Église n’implique pas nécessairement en tous points l’uniformité. Même dans le dogme, l’unité n’interdit ni le progrès dans l’exposé du dogme, voir Tradition, t. xv, col. 1341, ni la variété des systèmes théologiques, ni la liberté des opinions théologiques : « Dans les questions couramment controversées dans les écoles catholiques entre auteurs de bonne marque, chacun reste libre de suivre l’opinion qu’il estime plus vraisemblable ». Pie XI, encycl. Studiorum ducem, dans Acta aposlolicæ Sedis, t. xv, p. 224.

L’unité de gouvernement n’a pas empêché non plus une certaine évolution dans l’exercice du pouvoir épiscopal et surtout du pouvoir central. Voir ici Pape, t. xi, col. 1878 sq. L’institution des patriarcats, la tenue des conciles, l’organisation des missions, tout cela montre que le gouvernement s’.exerce dans l’Église d’une manière assez souple pour s’adapter aux circonstances et aux nécessités.

C’est surtout dans l’unité de culte que la variété a pu s’affirmer légitimement d’une façon plus accentuée. Sans doute, l’unité du culte est le signe de l’unité de la foi. Sans doute, une certaine unité de culte est essentielle : l’initiation baptismale, les sacrements, la prière, le sacrifice. Mais, sur ce fond commun, que de variété dans l’expression ! Saint Augustin le notait déjà et déclarait que « tout ce qui n’est pas contre la foi et les bonnes mœurs doit être regardé comme indifférent. On se conformera sur ce point à la coutume de ceux avec qui on vit ». Epist., liv, n. 2, cf. lv, n. 34-35, P. L., t. xxxiii, col. 200, 220-221. C’est ainsi que Léon XIII reconnaît la légitimité des divers rites orientaux dans l’unité catholique. Encycl. Orientalium dignitas ou encore Prseclara gratulationis ; Pie XII, Encycl. Orientales omnes ; cf. J. Leclercq, La vie du Christ dans son Église, p. 60-75.

L’argument apologétique tiré de l’unité.

L’anathématisme

préparé dans le schéma sur l’unité de l’Église visait les protestants « latitudinaires » se contentant d’une unité de foi quant à quelques articles fondamentaux et les anglicans partisans de la Branch theory (cf. Adnolalio 53 in primum schéma constil. de Ecclesia, coll. Lac, t. vii, col. 631) ; mais il n’impose aucune forme d’argumentation pour faire valoir l’unité, marque de la véritable Église, contre les confessions chrétiennes non-catholiques. Dans sa thèse sur Les notes de l’Église, M. Thils rappelle qu’on a le plus fréquemment donné à l’argument une forme absolue, soit négative, en déclarant qu’aucune communauté chrétienne, hormis l’Église catholique, ne possède l’unité, soit affirmative, en déclarant — ce qui revient au même — que l’Église catholique seule possède la note de l’unité. Ce procédé risque de conduire à bien des déboires en ne rendant pas suffisamment justice aux faits et aux intentions. La forme comparative serait peut-être plus apte à convaincre

des esprits de bonne foi : montrer que l’Église catholique romaine possède l’unité à un degré notoirement supérieur à celui qui se trouve dans les autres chrétientés, et que cette unité catholique se rapproche, plus que les autres unités chrétiennes, de l’idéal voulu par Jésus-Christ.

Il ne s’agit pas d’établir que les autres Églises n’ont rien de bon, qu’elles ne possèdent à aucun degré chacune des perfections indiquées dans le symbole. Mais il faut montrer que, si l’on trouve trace, chez elles, de chacune ou de quelqu’une de ces perfections, elles y existent à un degré notoirement inférieur à celui qu’on constate dans l’Église catholique : degré notoirement inférieur et, par conséquent, insuffisant, puisqu’il ne peut exister qu’une seule véritable Église. M..Jugie, La démonstration catholique, dans L’Année théologique, 1940, p. 87.

La présentation de l’argument sous la forme comparative a été esquissée avec bonheur par le P. S. Heurtevent, dans L’unité de V Église du Christ, Paris, 1930, p. 109-140. Il parle des « théories insutlisantes » sur l’unité de l’Église, pour aboutir à la doctrine catholique. Avec plus de psychologie peut-être et une réminiscence opportune du point de départ accepté jadis par Mœhler, le P. Congar, dans Chrétiens désunis, Paris, 1937, montre aux dissidents le chemin à parcourir pour « refaire l’unité perdue ».

C’est par l’intérieur qu’il faut d’abord comprendre l’unité de l’Église, car cette unité est celle d’une réalité très spéciale faite d’hommes unis par une vie surnaturelle procédant de Dieu et du Christ, en une forme de vie sociétaire par laquelle est procurée et promue cette vie surnaturelle elle-même. En son être terrestre, l’Église est comme un grand sacrement où tout signifie sensiblement et procure une unité intérieure de grâce… (Ainsi) l’unique Église du Christ… est à la fois et sans séparation socielas fidei et Spiritus Sancti in cordibus et societas exlernarum rerum ac rituum : une unité à la fois incarnée et pneumatique. D’elle, il est également vrai de dire : Ubi Christus, ibi Ecclesia, parce que, dès qu’il y a communication de l’Esprit du Christ, l’Église existe, et : Ubi Petrus, ibi Ecclesia, parce que la communion intérieure de vie est réalisée par des moyens humains, un ministère apostolique qui a lui-même, en Pierre, son critère visible d’unité (p. 108-109).

Ainsi, par le côté où l’unique Église comporte une organisation de la matière humaine pour l’incorporer dans l’unité, il lui faudra s’adapter aux divisions et aux variétés de cette matière. Très rigoureusement une, l’Église se montre ainsi généreusement diverse. La catholicité de l’Église, essentiellement qualitative, s’origine à l’unité, puisquelle vient du Christ, qui appelle tous les hommes. Le rôle de la catholicité sera donc de purifier les diversités humaines et, se les assimilant pour se les incorporer, de les faire renoncer à leur trop grand particularisme. Ainsi, en vertu des principes qui sont à la base même de la conception de l’Église une et catholique du Christ, il faut que le christianisme assimile ce qu’il assume en son unité, et cette assimilation, à quelque degré que ce soit, veut le désintéressement et la subordination de l’assimilé.

Or, l’idéologie de Stockholm quant à la notion d’œcuménisme est inadmissible : elle suppose en effet que l’Église du Christ n’est pas encore actuellement donnée dans le monde… Les congrès, les conférences, les réunions interconfessionnelles peuvent être le symbole de l’apparition d’un nouvel esprit œcuménique au sein de la chrétienté, mais ils ne peuvent prétendre à la création d’une Église qui, pour la première fois, serait authentiquenient œcuménique. L’Église catholique rejette doctrinalement, avec la plus grande netteté, toute forme d’œcuménisme » où les promesses et les dons du Christ relatifs à son Église risquent d’être considérés, au moins en fait, comme ayant été, fût-ce en partie, inefficaces et précaires (p. 177-178).

Dans la théologie anglicane de l’unité, il y a beaucoup de bonnes choses, beaucoup d’éléments vrais ; mais, dans le domaine de la théologie, trois graves critiques peuvent être formulées : « Cette théologie, tout comme l’idée même de la Haute-Église, cherche sa règle dans un principe critique qui relève de l’humanisme plus que de la réalité ecclésiastique. » En conséquence, « cette position implique que l’Église n’est pas actuellement pleinement donnée dans son unité » ; car « la conception de l’Église totale comme une fédération d’Églises semblables ne donne pas toute la réalité à l’unité de l’Église ».

L’ecclésiologie orthodoxe repose sur un fondement excellent : l’Église, communion d’amour par le Saint-Esprit et corps mystique du Christ. C’est aussi, si l’on y réfléchit, le point de départ de l’ecclésiologie romaine. Mais, si nous tenons, avec les orthodoxes, toute la substance positive de cette ecclésiologie, nous y ajoutons quelque chose ; ou plutôt nous pensons qu’ils en soustraient quelque chose. Ce que nous ajoutons et ce qu’ils soustraient, ce sont les éléments propres de l’Église militante, les réalités que développe, dans l’Eglise de Jésus-Christ, sa condition d’Église de la terre, d’Église faite ex hominibus (p. 268). En entrant dans la logique de l’activité humaine, le corps mystique se produit dans une société de type humain ; et l’Église, devenant Église des hommes, réalise sa nature intime, qui est et demeure communauté de vie divine, « sous les espèces d’une société visible hiérarchiquement constituée » (p. 268). Or l’ecclésiologie orthodoxe ne semble pas tenir suffisamment compte du mode humain de cette réalité ecclésiastique.

Si, à ces remarques pertinentes, qui doivent servir tout d’abord à orienter la discussion, on ajoute les données positives de la Révélation, on aboutira à une conclusion que nul esprit de bonne foi ne récusera, c’est que » des chrétientés dissidentes, aucune n’a plus la réalité dernière par quoi l’Église achève de se constituer dans l’unité ; aucune ne peut faire, de la part d’humanité qu’elle réunit en un corps religieux, purement et simplement l’Église du Christ. Il y manquera toujours quelque chose. Mais il peut y manquer plus ou moins, selon qu’on aura gardé moins ou plus des principes par quoi Dieu veut réaliser l’humanité en l’Église ». P. 302.

Les chrétiens dissidents ne pourront trouver l’unité véritable que dans un œcuménisme catholique. Sans doute, les valeurs spirituelles conservées en dehors de l’Église catholique, en ce qu’elles ont de positif, sont d’authentiques - appartenances de l’Église du Christ. Mais l’Église catholique est plénitude dans l’unité. Cf. Otto Karrer, Le sentiment religieux dans l’humanité et le christianisme, tr. fr.. Paris, 1936, p. 235. Toutes les valeurs, en elle, existent et se développent dans la communion de tous les autres et du corps entier. On peut considérer les chrétiens séparés comme des membres imparfaits du christianisme et de l’Église. Le point ou ils doivent arriver, s’ils veulent réaliser l’œcuménisme véritable, c’est donc d’intégrer l’una catholica, une et catholique par sa plénitude même et sa totalité. C’est en se guérissant de leur particularisme, moins accentué chez les Églises d’Orient, plus destructif chez les protestants, que les Églises dissidentes conquerront l’œCUménicité à laquelle elles aspirent.

Voir sur ce dernier point, dans le recueil L’Église est une, l’art. Voies de l’unité du P. Max Pribille, avec la bibliographie. Outre Chrétiens désunis du P. Congar, on y indique : Auguste Senaud, Christian Unity. À bibliography (Genꝟ. 1937, World’s Comittee of Y. M. C. A.) ; M. Pribilla, (Um kirchliche Einheit, Stockholm, Lausanne, Rom, Fribourg-en-B., 1929 ; Mgr Besson, Après quatre cents ans, Lucerne-Genève, 1934 ; W.-A. Brown, The Church. Catholic and Protestant, New-York-Londres, 1935 ; A. Deissmann, Una Sancta, Gütersloh, 1936 ; A. Rademacher, Die Wieder vereinigung der christlichen Kirchen, Bonn, 1937 ; Ch. Journet, L’Église du Verbe incarné, t. i, Paris, 1911, p. 55 sq.

On recourra aussi aux auteurs cités au cours de l’article, notamment aux traités De Eclesia ; mais plus spécialement aux ouvrages spécialement consacrés à l’unité de l’Église. Chez les Pères : le De unitate Ecclesiæ de saint Cyprien et celui du pseudo-Augustin ; au moment de la crise protestante, les controverses de saint François de Sales, du cardinal du Perron, du théologien François Veron, des frères Wallenbourg, de Bossuet et surtout De l’unité de l’Église, de Nicole.

Au xixe siècle, l’ouvrage le plus marquant est le livre de Mœhler, Die Einheil der Kirche, Tubingue, 1821, complété par la Symbolik, 1932, dont les différents aspects ont été mis en relief dans l’Église est une, Paris, 1939 (trad. fr. de L’Unité de l’Église, Paris, 1838).

L’oecuménisme chrétien a provoqué plusieurs études sur l’unité de l’Église, en fonction, soit des thèses orthodoxes, soit des opinions anglicanes. Citons : Theoph. Spacil, Conceptus et doctrina de Ecclesia juxta theologiam Orientls separati, dans Orientalia christiana, 1924 ; Abbé Calvet, Le problème catholigue de l’union des Églises, Paris, 1921 ; Abbé Journet, L’union des Églises chrétiennes (sur le congrès de Stockholm), Paris, 1928 ; Mgr d’Herbigny (outre son ouvrage Theologica de Ecclesia), L’anglicanisme et l’orthodoxie gréco-russe, Paris, 1922 ; G. Coolen, L’anglicanisme d’aujourd’hui, Paris, 1932 ; Dr. Fr. drivée, Doctrina byzantina de primatu et unitate Ecclesiæ, Lubliana, 1921 ; Doctrina hodierna Orientis separati de Ecclesia’constitutione et de principio unitatis in Ecclesia (Acla IV convenlus Velehradensis) ; Sidoine Heurtevent, A. A., L’unité de l’Église du Christ, Paris, 1930 ; M. Jugie, A. A., Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iv, Paris, 1930 ; plusieurs articles du P. Tyszkiewicz, et notamment La théologie mœhlérienne de l’unité et les théologiens pravoslaves, dans L’Église est une, p. 270-29 1. Sur la position des protestants français, on lira Protestantisme français, éditions « Présences », Paris, 1945, IIIe, IVe et Ve parties.

Abbé Wadoux, documentation sur la Crise doctrinale et hiérarchigue de l’Église anglicane, dans Documentation catholique, t.xii, col. 673-703 ; 1139-1151 ; t. xiii, col. 545-576 ; 1313-1344 ; t. xiv, col. 999-1021.

On consultera, à propos de l’Unité chrétienne, une intéressante documentation publiée dans le n. du 16 février 1947 de la Documentation catholigue : I. Allocution de Mgr Charrière à Lyon, 26 janvier 1917. II. Les conférences théologiques et les cérémonies religieuses de Montauban pour l’unité de l’Église. 111. Les elîorts vers l’union des Églises en dehors du catholicisme (article de M. E. Aubert, publié dans les Collectanea Mechliniensia, juillet 1916, p. 369-387 : l’étude de ces efforts, poussée jusqu’en 19 10, complète les indications données dans notre article). IV. Les assemblées chrétiennes internationales de Genève de février 19 10.

A. Michel.