Dictionnaire de théologie catholique/URBAIN V (Le bienheureux)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 383-388).

URBAIN V (Le bienheureux), pape du 28 septembre 1362 au 19 décembre 1370. — Guillaume de Grimoard naquit, en 1310, au château de Grisac (Lozère), de Guillaume, sire de Grisac, Bedouès, Bellegarde, Montbel et Grasvillar, et d’Amphélise de Montferrand. Après avoir étudié à Montpellier et à Toulouse, il entra au prieuré bénédictin de Chirac, fit profession à l’abbaye Saint-Victor de Marseille et suivit ensuite les cours des universités de Toulouse, Montpellier, Avignon et Paris. Le 31 octobre 1342 il obtint le doctorat en droit canonique et professa dans diverses universités. Ses talents lui valurent la charge de vicaire général de Pierre d’Aigrefeuille, évêque de Clermont et d’Uzès. Cf. J.-H. Albanès, Pierre d’Aigrefeuille, évêque d’Avignon, de Vabres, de Clermont, d’Uzès et de Mende, Marseille, 1877, p. 13-19. Peu après sa nomination comme abbé de Saint-Germain d’Auxerre (13 février 1352), Clément VI l’envoya en ambassade près de Jean Visconti, archevêque de Milan. Il s’agissait de presser l’exécution du traité du 27 avril qui accordait à celui-ci pour dix ans le vicariat de Bologne contre le versement de 100 000 florins et un tribut annuel de 12 000. Le pape, qui n’ignorait rien des menées astucieuses du prélat avait donné ordre de ne lui concéder l’investiture que si étaient rendues les villes de Bettona et d’Orvieto prises par un de ses lieutenants. Guillaume Grimoard s’acquitta facilement de sa mission : parvenu le 8 septembre à Bologne, il présida, le 2 octobre, la cérémonie de l’investiture. Le 19 octobre, il concédait le vicariat de Ferrare au marquis d’Esté Aldobrandino. Sur son ambassade, P. Lecacheux a réuni un dossier de documents : La première légation de Guillaume Grimoard en Italie quilletnovembre 1352), dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. xvii, 1907, p. 409-439.

En 1354, Guillaume de Grimoard se rendit de nouveau en Italie avec mandat de régler la bonne répartition des offrandes faites par les fidèles au maîtreautel de la basilique Saint-Pierre de Borne contrairement aux agissements du chapitre. En 1360, il communiquait au légat Albornoz les ordres de la cour

pontificale au sujet du Bolonais. La chronique de Bimini relate que Barnabe Visconti lui réserva un fort mauvais accueil. Enfin, en 1362, il était chargé de défendre les droits que possédait le Saint-Siège dans le royaume de Naples. Au cours du voyage lui parvint la nouvelle que les cardinaux l’avaient élu pape le 28 septembre 1362. À cette époque il n’était qu’abbé de Saint-Victor, à Marseille. Débarqué dans ce port le 27 octobre, il fut intronisé à Avignon le 31 et couronné le 6 novembre.

Durant tout son pontificat Urbain V se conduisit en religieux soucieux de pratiquer la règle bénédictine. Les actes de sa béatification permettent’de connaître par le menu ses occupations journalières. Le pape partageait son temps entre la prière, l’étude et l’administration de l’Église. Son aménité et l’éclat de ses vertus lui attirèrent l’estime générale des contemporains. Pétrarque a accumulé les louanges dans une de ses lettres séniles, t. VII, ep. i.

Urbain V se montra grand protecteur des lettres et des sciences. A Trets, à Manosque, à Saint-Germain-de-Calberte, à Saint-Boinan, à Jigean, à Orange, à Vienne, à Cracovie, il érigea des studiu. A Padoue il fonda une faculté de théologie, à Montpellier le collège des douze médecins réservé à des étudiants originaires du Gévaudan et celui de Saint-Pierre ; à Bologne, un autre pour les étudiants pauvres. Les universités d’Orléans, d’Orvieto, de Toulouse et de Paris reçurent de nouveaux et salutaires statuts. Voir M. Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises, Paris, 1890 ; H. Denifle et E. Châtelain, Charlalarium universitatis Parisiensis, Paris, 1891-1894, t. n et m ; G. Brotto et G. Zonta, La facoltà teologica dell’università di Padova, Padoue, 1922.

Urbain V fut aussi grand bâtisseur : il embellit le palais apostolique à Avignon, construisit en partie l’enceinte fortifiée de cette ville restaura l’abbaye Saint-Victor de Marseille et maintes églises romaines, réédifia la cathédrale de Mende, érigea des collégiales à Quézac et à Bédouès, éleva le clocher du prieuré de Chirac.

Ses libéralités, à vrai dire, eurent pour résultat d’obérer fortement les finances pontificales au point de l’obliger à emprunter aux cardinaux et à lever sur le clergé des impôts trop lourds en un temps où la guerre ravageait la France.

Soucieux de réfréner les abus qui sévissaient à sa cour, il mit un frein à la cupidité des procureurs et des avocats, réglementa les services de la Chambre apostolique, diminua de moitié le taux de la décime qui servait de base à la perception de l’annate et combattit le cumul des bénéfices. Sous son impulsion furent tenus plus régulièrement des conciles provinciaux.

La politique lui créa de sérieux tracas en Italie où Barnabe Visconti travaillait à arrondir ses domaines aux dépens de l’Église. Urbain V eut d’abord la sagesse d’écouter les conseils du légat Albornoz, qui prônait la guerre à outrance contre un tyran déloyal. La prédication de la croisade (4 mars 1363) réussit à merveille. Des renforts parvinrent d’Allemagne, de Pologne, d’Autriche et de Hongrie. Le sort de Barnabe eût été facilement réglé, si le pape n’avait subitement changé de tactique. Subissant l’influence des cardinaux et obéissant aux suggestions des ambassadeurs du roi de Chypre, il sacrifia Albornoz (26 novembre 1363) et chargea le cardinal Androin de la Boche de conclure la paix : le 3 mars 1363 un traite quelque peu déshonorant restitua à l’Église toutes les forteresses du Bolonais et de la Bomagne occupées jusque-là contre tout droit par Barnabe, moyennant le paiement d’une énorme indemnité de 500 000 florins.

L’initiative malencontreuse prise subitement par le pape s’expliquait par le dessein généreux d’organiser non plus la conquête des Lieux saints, devenue chimérique, mais une guerre défensive contre les invasions ottomanes, et subsidiairement de débarrasser la France et la Provence des bandes de soudards qui les infestaient. N’avait-il pas prêché lui-même la croisade et donné la croix aux rois de France et de Chypre ? La sainte entreprise se trouva irrémédiablement coinpromise par la mort de Jean II le Bon, qui avait reçu le titre de capitaine général. Pierre de Lusignan partit seul en campagne contre le Soudan d’Egypte, et prit Alexandrie le 10 octobre 1365. Ses prouesses restèrent sans lendemain et compromirent plutôt l’avenir. Une bulle du 25 janvier 1366 annonça la conclusion d’un pacte entre Louis roi de Hongrie, Pierre de Lusignan et les hospitaliers en vue de chasser les Turcs de Romanie. Rinaldi, Annales ecclesiastici, an. 1366, § 1-2. Jean V Paléologue reçut avis que le moment était venu de réaliser l’union religieuse de l’Orient et de l’Occident. Cette fois encore les plans élaborés en Avignon demeurèrent vains par la faute du roi de Hongrie qui ne visait qu’à s’agrandir aux dépens de la Serbie et de la Bulgarie. Bien autrement féconde fut l’expédition d’Amédée VI, comte de Savoie, qui aboutit à la prise de Gallipoli, le 23 août 1366. Les perspectives d’union devinrent plus certaines. Une ambassade byzantine vint à la cour pontificale. Des laborieux pourparlers qui furent tenus à Home à partir du mois d’octobre 1367 sortit la décision capitale qu’une visite personnelle de l’empereur grec au chef de l’Église latine s’imposait. Le transfert de la papauté des bords du Rhône sur les rives du Tibre portait déjà ses fruits les meilleurs. Pour l’accomplir Urbain V avait dû déployer une rare fermeté de caractère. Aux Romains qui l’avaient sollicité de revenir parmi eux, il avait répondu, le 23 mai 1363, que cela ne tarderait pas. Actuellement « des empêchements de la plus haute importance » s’opposaient à la réalisation de ses desseins. Il exprimait le vœu que « le Très-Haut lèverait tous les obstacles ». Les objections ne manquaient pas à un retour en Italie : c’étaient d’abord les troubles qui agitaient ce pays, puis la répugnance des cardinaux à quitter la douce Provence et surtout l’opposition très nette du roi de France. En septembre 1366, la conclusion de la paix avec Barnabe Visconti et la pacification « lu reste de l’Italie opérée par le cardinal Albomoz aplanissaient toutes difficultés. D’autre part, les incursions des grandes Compagnies à proximité du Cotntal Venaissln rendaient précaire le séjour en Avignon. Des ordres furent donnés d’aménager la forteresse de Viterbe jugée inexpugnable, sans doute afin que la cour pontificale y trouvât un sûr abri en attendant que les jardins du Vatican fussent remis en culture et les palais pontificaux restaurés. A. Tbeiner, Codex diplomaticus domina temporalis Sanctm Sedis, Borne, 1862, t. ii, doc 382, 408, 413, 416-419. Quand (.harles V apprit qu’Urbain V préparait son départ, il lui envoya une ambassade solennelle pour le prier d’j surseoir. Le pape ne se laissa pas fléchir, quoiqu’il n’eût pour soutien que son frère Anglic et Philippe

de Càbassole.

Des Incidents tragiques marquèrent le séjour de la COUr pontificale à Yiterbe où elle était parvenue le U juin 1367. Au cours d’une émeute provoquée par une cause futile, le sang coula dans les rues de la ville (5 septembre). Les habitants attaquèrent les familiers des cardinaux, puis bientôt ceux-d mêmes. Le pape fut assiégé dans la citadelle. Le 13 septembre, la

révolte est enfin réprimée, el i rbaln V peut songer- à gagner Rome sous la protection d’une nombreuse escorte. Cf. Albanès-Chevalter, Actes anciens, p. 07.

A Rome d’importants événements eurent lieu tels que le couronnement de l’impératrice (1 er novembre 1368) et la canonisation d’Elzéar de Sabran (15 avril 1369). Le plus mémorable fut la conversion de Jean V Paléologue, empereur de Constantinople. L’abjuration s’effectua dans la chambre supérieure de l’appartement occupé par le cardinal Nicolas de Besse à l’hôpital San-Spirito en présence de quatre cardinaux, le 18 octobre 1369. Fn plus de la profession de foi imposée à tous les schismatiques orientaux, on exigea d’abord « l’engagement de rester fidèle à la foi » de l’Église romaine, puis l’abjuration explicite du schisme. Toutes précautions furent prises pour que l’acte impérial constituât une acceptation intégrale de la doctrine romaine relativement aux litiges existant jusqu’à ce jour entre Rome et Byzance ; la primauté du pape fut. en particulier, clairement définie. Bien plus, une seconde chrysobulle signée par l’empereur écarta la moindre trace d’ambiguïté : elle sti pula que par Église romaine il fallait entendre celle » que dirigeait actuellement le pape Urbain V et qu’avaient dirigée les pontifes romains, ses prédécesseurs, ainsi que le comprenaient les chrétiens catholiques habitant les pays occidentaux ». Ces formules révèlent comment la cour pontificale connaissait parfaitement les subterfuges dialectiques dont usaient les Grecs, qui s’appelaient * Romains > et regardaient leur Église comme » catholique ».

Le 21 octobre, la proclamation publique de la conversion du basileus fut l’occasion d’une grande cérémonie religieuse célébrée à Saint-Pierre par le pape. Elle ne pouvait promouvoir l’union de l’Occident et de l’Orient qu’à la condition que les sujets impériaux imitassent leur maître. Or, Urbain V nota que, dans la suite de Jean Paléologue, ne figurait aucun représentant de la noblesse, de la ville de Constantinople et du clergé grec. Cette abstention l’inquiéta grandement. Afin d’assurer le succès final, il comprit que tout dépendait de la solution d’une question politique, à savoir des secours que fournirait en armes et en argent l’Occident contre la menace ottomane. Dans l’impossibilité où il se trouvait personnellement de procurer les unes et les autres, il multiplia les efforts pour engager les grandes Compagnies à passer outre-mer. Mais, si quelques routiers accompagnèrent l’empereur, leur nombre fut dérisoire. Peut être Urbain V eût-il fait avancer davantage la cause de l’union, si, comme le réclamaient les orthodoxes, un synode gréco-romain avait été convoqué. Le pape opposa un refus énergique, sous prétexte qu’un conci liabule serait totalement vain et qu’il ne donnerait lieu qu’à des » discussions curieuses - et périlleuses pour la foi. Quiconque désirait éclairer ses doutes n’avait qu’à se rendre « humblement » près de lui. D’ailleurs, le Saint-Père pratiqua une méthode quelque peu périlleuse, en ne songeant qu’à organiser une Église latine dans l’Empire grec. N’était-ce pas la. de sa part, un défaut de compréhension des milieux tirées qui tenaient essentiellement à garder leurs rites’.' Urbain V entreprit une ouvre plus féconde, en organisant une propagande Intense dans tout l’Orient en faveur de l’union et en créant des centres de missions qui furent confiés surtout aux frères mineurs.

Malgré la splendeur des lot es qui égayèrent les Romains, un profond malaise régnait à la cour pontificale OÙ, depuis le départ d’Avignon, deux partis s’étaient constitués : les Italiens craignaient qu’il bain ne retournai sur les rives du Rhône, tandis que les Français l’y engageaient vivement, les uns el les autres se détestaient cordialement el échan geaient des traits venimeux dont la littérature con temporalne a gardé de nombreux exemples La correspondance de Colucclo Salutati laisse entrevoir qu’un « bataillon de chapeaux rouges » opérait une forte pression sur la personne du pape et l’inclinait à quitter l’Italie. Éd. F. Novati, I. II, viii, lettre du 1 janvier 1369. Le souvenir de l’émeute de Viterl>e était habilement exploité, à tel point que Pétrarque cherchait à en diminuer l’importance en la nommant dédaigneusement une « motiuncula ». Opéra, p. 853. Les cardinaux, prétendait encore Coluccio Salutati, « s’aiguisaient » à la lutte et, selon Pétrarque, des « chuchoteurs » obsédaient le souverain pontife. Est-il donc vrai, comme le grand humaniste l’affirme, qu’UrbainV céda au découragement et se montra versatile, faible, docile à suivre les conseils pusillanimes et intéressés de son entourage, victime de son attachement à la France ? Opcru, p. 926-928 (lettre à Francisco Bruni, du 29 juin 1371).

Certes il n’est point facile de déterminer avec précision les divers motifs qui inspirèrent la conduite du pape. Tout au plus le Saint -Père nous a-t-il renseigné en termes vagues : « Nous nous proposons, écrivait-il le 26 juin 1370, de retourner outre monts avec l’aide du Seigneur non seulement pour l’utilité de l’Église universelle, mais encore pour des causes urgentes. » Rinaldi, Annales ecclesiastici, an. 1370, § 19. Au fond Urbain V, sans le dire, estimait qu’il lui serait plus facile, en terre provençale, de rétablir la paix entre France et Angleterre. S’il affirmait que, durant son séjour de trois ans parmi les Romains, il avait vécu en bonne harmonie avec eux, il terminait sa lettre consolatoire par une exhortation à persévérer dans la soumission « afin que si nous et nos successeurs nous voulions pour des causes utiles revenir à Rome, nous ne soyons en rien détourné de ce dessein par un mauvais état de choses ». À bien le lire, le pape prodiguait de bonnes paroles au début et finissait par exprimer des reproches voilés à cause du passé. En effet, au printemps de 1370, les Romains avaient lié partie avec les Pérugins révoltés et le pape avait dû se réfugier à Viterbe, comme l’indique son itinéraire (Baluze, Vitse, t. iv, p. 136), « avec de nombreuses troupes » pour combattre le préfet de Rome, François di Yico. La rébellion de Pérouse dominée, tout danger ne disparut pas ; car le Patrimoine se trouva menacé d’une invasion par suite de l’arrivée sur ses confins de routiers gagés par Barnabe Visconti. Que l’Italie fût redevenue peu hospitalière pour la papauté, Pétrarque se vit contraint de le constater quand il fait tenir à la péninsule personniliée ce discours éploré : « Oui, je dois avouer que j’avais engendré plusieurs fils méchants… J’étais blessée d’ulcères mortels. Tu es descendu vers moi pour panser mes blessures ; …tu as commencé à verser l’huile et le vin. Et puis, alors que mes plaies ne sont pas encore bandées ni pénétrées par le baume, tu te retires de moi. Tu avais commencé à couper les chairs putrides avec le fer, et puis, comme tu le plongeais plus loin, tu as trouvé peut-être des parties qui t’ont semblé incurables. » II. Cochin, La grande controverse de Rome et d’Avignon, p. 12-13. Un chroniqueur précise davantage : « Il [Urbain V] laissa le duché en guerre, et [le pays] de Rome à Urbino, de Bologne à Parme [également] livré à la guerre, à la faim et à des soucis financiers. » Cronaca Riminese, dans L. Muratori, Rerum ilalicarum Scriptorcs, t. xv, col. 912. Ainsi tombe la vaine tentative de récents écrivains qui s’efforcent de minimiser l’insécurité que présentait, en 1370, un séjour à Rome ; cf. Ada Alessandrini, // ritorno dei papi da Avignonee Santa Catarina da Siena, dans Archivio delta società Romana di storia patria, t. i.vi (19331934), p. 15. Que les contemporains aient vitupéré contre Urbain V, cela se conçoit, mais les faits ne peuvent se supprimer et prouvent contre les Italiens ; voir la lettre acrimonieuse et injurieuse des Floren tins adressée le 4 janvier 1376 aux Romains, imprimée dans la 4e édition française de L. Pastor, Histoire des papes, t. i, p. x, Paris, 1911, et une lettre de Pétrarque du 2 !) juin 1371, dans Opéra, p. 920-928.

Le 5 septembre 1370 le Saint-Père s’embarqua à Oorneto, il aborda à Marseille le 10 et s’en fut. onze jours après, en Avignon. Le l’.t décembre, il mourait dans la maison de son frère Anglic où il avait voulu, par humilité, être transporté. Enterré à Notre-Dame-des-Doms le 21 décembre, son corps fut transféré à l’abbaye de Saint-Victor de Marseille le 5 juin 1372. L’épitaphe a été donnée, d’après Ciacconio, par L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 494. Le dessin du tombeau du pape a été reproduit par E. Miintz, dans Revue archéologique, 1889, t. ii, planche xxiv et par les bollandistes, Propglœum maii, p. 93**. L’Église béatifia Urbain V le 10 mars 1870.

I. Chroniques.

La nouvelle édition que j’ai donnée des Vitse paparum Avenionensium de Baluze (Paris, 19161928) contient six extraits de chroniques du xive et du xve siècles. La deuxième vie et la sixième sont seules originales et dues à des contemporains ; cf. mon Étude critique sur les Vitie paparum Avenionensium d’Élienne Baluze, Paris, 1917 et M. Prou, Journal des savants, 1918, p. 225 et 295. Le Petit Thalamus constitue une source de premier ordre. Albanès et Chevalier l’ont édité à nouveau dans Actes anciens et documents concernant le bienheureux Urbain V, Paris, 1897, t. i, p. 88-98. Le t. iv, p. 131-137 des Vitse paparum Avenionensium renferme le texte d’une chronique latine de 1367-1370 reportée dans celle de Bertrand Boysset et qui affecte la forme d’un itinéraire ; Cronache dei secoli XIIIe XIV, dans Documenti di storia ilaliana, t. vi, 1876, p. 207-481 (édition du Diario anonimo Fiorenlino par A. Gherardi, qui concerne la guerre soutenue par l’Église contre Barnabe Visconti).

II. Sources littéraires.

F. Novati, Epistolario di Coluccio Salutati, Rome, 1891-1911, 4 vol. ; Pétrarque, Opéra, éd. de Baie, 1581 ; Magistri Johannis de Hysdinio invectiva contra Franciscum Petrarcham et Francisci Petrarchse contra cujusdam Galli ealumnias apologia, éd. Enrico Cocchia, Naples, 1920 ; H. Cochin, La grande controverse de Rome et d’Avignon au XI Ie siècle. Un document inédit, dans Études italiennes, t. iii, 1921, p. 1-14, 83-94 (réplique inédite à l’Apologie de Pétrarque).

III. Lettres pontificales.

P. Lecacheux, Urbain V ( 1362-1370 j. Lettres secrètes et curiales se rapportant à la France, Paris, 1902-1906, 2 fasc. parus ; Bulles du pape Urbain V concernant le diocèse d’Avranches, dans Revue de l’Avranchin, t. xi, 1902, p. 81-95 ; A. Cabassut, Notices sur dix-huit manuscrits d’origine montpelliéraine conservés à Cambridge, dans Mémoires de la société archéologique de Montpellier, 2e série, t. viii, 1922, p. 215-224 ; A. Fierens, Suppliques d’Urbain V, Paris, 1914 ; M. Dubrulle, Registre d’Urbain V, Paris, 1926, 1 fasc. paru (Lettres communes) ; F. Cerasoli, Urbano Ve Giovanna 1 di Napoli, dans Archivio storico per le provincie Napoletane, t. xx, 1895, p. 72-94, 171-205, 357-394, 598-645 (textes très fautifs) ; R.-R. Post, Supplieken gericht aan de pausen Clemens VI, Innocenlius VI en Ùrbanus V (1342-1366), dans les Sludien van hét Nederlandsch historisch Institut te Rome, t. ii, La Haye, 1937 ; A. Fierens et C. Tihon, Lettres d’Urbain V, Rome, 1928-1932, 2 vol. ; Monumenla Poloniee Vaticana, t. iii, Analecta Vaticana 1202-1366, éd. J. Ptasnik, Cracovie, 1914 ; C. Eubel, Bullarium franciscanum, Rome, 1902, t. vi (très important pour l’histoire des missions sous Urbain V) ; M". Prou, Étude sur les relations politiques du pape Urbain V avec les rois de France Jean II et Charles V, Paris, 1888 (90 pièces de grand intérêt sont imprimées en appendice).

IV. Documents sur la question de l’union des Églises grecque et romaine. — M. O. Halecki a donné une bibliographie très complète du sujet dans un livre excellent : Un empereur de Byzance à Rome.’ingt ans de travail pour l’union des Églises et pour la défense de l’Empire d’Orient, 1355-1375, Varsovie, 1930.

V. Documents financiers.

J.-P Kirsch, Die Rûckkehr der Pàpsle Urban V. und Gregor XI. von Avignon nach Rom, Paderborn, 1898 ; K.-H. Schafer, Die Ausgaben der apostolisehen Kammer unler tien Pàpsten Urban V. und Gregor XL, Paderborn, 1937 ; E. Gôller, Invenlarium ins

trumentorum Camene Apostolica’. Verzeichniss der Schuldurkunden des pàpsllichen Kammerarchivs aus der Zeit Urbans V, dans Romisehe Quarlalschrift, t. xxiii, 1909, p. 65-109 ; R. Michel, La défense d’Avignon sous Urbain V et Grégoire XI, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. xxx, 1910, p. 129-154.

VI. Sources hagiographiques.

Albanès-Chevalicr (Actes anciens, t. i) ont public les procès-verbaux de l’enquête instruite à Marseille en 1376-1379 sur les miracles opérés par l’intercession d’Urbain V et le texte du procès de canonisation ordonné par Clément VII en 1382 ; cf. aussi Analecta bollandiana, t. xxvi, 1907, p. 305-316 ; J.-H. Albanès, Oraison funèbre du pape Urbain V prononcée le jour de ses funérailles (21 décembre 1370) dans l’église N.-D.-des-Doms à Avignon par le cardinal Guy de Boulogne, Marseille, 1870 ; S. Rituum congregatio Massilien. Confirmalionis cultus ab immemorabili tempore pra’slili Urbano papee V sancto nuncupato, Rome, 1870 ; C. Kothen, Urbain V, translation de ses restes à Alarseille, son tombeau dans l’église du monastère Saint-Victor, dans Revue de Marseille, t. iii, 1857, p. 537-547 ; Béatificaiton du pape Urbain V, pièces à présenter à la Sacrée Congrégation des Rites, Paris, 1866.

VII. Sources documentaires sur les libéralités du pape. — M. Cbaillan, Le studium d’Urbain V de Trets au XIV siècle, dans Mémoires de l’académie d’Aix, t. xvii, 1898, p. 113-256 ; Le studium d’Urbain V à Manosgue, Aix, 1904 ; Documents nouveaux sur le studium du pape Urbain V à Trets-Manosque ( 1364-1367), dans Mémoires de l’académie des sciences d’Aix, t. xix, 1908, p. 89-93 ; La vieille église de Saint-Victor de Marseille et le pape Urbain V, Marseille, 1909 ; Registre des comptes pour le collège papal Saints-Benoît-et-Germain à Montpellier (13681370), Paris, 1916 ; Le studium d’Urbain V à Saint-Germain-de-Calberle, dans Bulletin trimestriel de la société d’agriculture de la Lozère, Archives Gévaudaises, t. iii, (1915-1916), p. 73-107 ; Le studium d’Urbain V à Saint-Roman, dans Mémoires de l’académie de Nîmes, 7e série, t. xxxix, 1918-1919, p. 5-42 ; Le studium d’Urbain V à Gigean, dans Mémoires de la société archéologique de Nîmes, 2e série, t. viii, 1920, p. 107-214 ; Comptes journaliers de Guillaume Sicard, administrateur du collège SS.-Benoît-et-Germain à Montpellier, ibid., p. 167-214 ; Documents sur Villeneuve, Poussan, Balarue : dotations du studium de Gigean (1364-1365), dans Mémoires de la société archéologique de Montpellier, 2’série, t. viii, 1922, p. 309-343 ; P. Despetis, La cathédrale Saint-Pierre de Montpellier, dans Cahiers d’histoire et d’archéologie, t. VI, 1933, p. 101-123, 324-341, 519-534 ; L. Guiraud, Les fondations du pape Urbain V à Montpellier : le collège des douze médecins ou collège de Mende, Montpellier, 1889 ; Le collège Saint-Tienoît ; le collège Saint-Pierre, le collège du pape, 2e période, Ibid., 1890 ; Le monastère Saint-Benoît et ses diverses transformations depuis son érection en cathédrale en 1536, ibid., 1891 ; Ch. Porée, Notice sur la construction de la cathédrale de Mende, dans Bulletin archéologique du comité des travaux historiques, 1903, p. 72-79, 105-107 ; F. Mimtz, Le pape Urbain V. Essai sur l’histoire des arts à Avignon au A 1 1e siècle, dans Revue archéologique, 1889, t. a, p. 403-412, et 1890, t. i, p. 378-402.

VIII. RÈGLES DE CHANCELLERIE. - E. von Ottenthal, Die pdplslichen Kanzleiregeln von.lohannes NX II. bis Nïcolaux V., Inspruck, 1888, p. 14-48 ; M. Tangl, Die pupstlichen Kanzleiordnungen von 1200-1600, Inspruck, 1894.

IX. Documents d’ordre divers. — J.-H. Albanès, Entrée solennelle du pape Urbain à Marseille en 1365, Marseille, 1865 ; l.. Duhamel, Une ligue au XI Ve siècle, dans Bulletin historique et archéologique de Vauctuse, i. ii, 1880, p. 90-109 (contre lis grandes Compagnies) ; F.-X. Glaschroder, Notizen ûber Urbans V. Romreise 1367-1370 ans dem Klosterarchio oon S, Victor ni Marseille, dans Romisehe Quortalschrift, t. iii, 1898, p. 299-302 (récll de la visite du pape » ; il. Otto, UngedruckU Aktenstûcke nus <tcr Zeit

harls IV., dans QuellOl uiid 1 urschungen, I. ix, 1900,

p. 57-87 ; lî. l’asti’, lnlorno alla morte di Urbano V, dans Scuola caltoHca, oct. 1932, p. 251-255 ;  !.. Pastor, Ungedruckte Akten znr Geschichle d<r Pttpste vomehmlich Im XV, , XVI. and n. Jahrhundert, Prlbourg, 1904, t. r, p. 101 ". (témoignage de Prancesco Aguzzonl, selon lequel un schisme falllll éclater sons l rbaln V).

X. Travaux, ii n’existe aucune biographie complète d’Urbain v. Le livre d’F. de LanouveUe (Le bienheureux i rhum ri in chrétienté au milieu du. 1 1’siècle, Paris, 1929) représente une synthèse dénuée de notes. Plus. i. mable est le livre de M. Chaillan, Le bienheureux Urbain V, Parisj » 1911 (Collection Les Saints) ; H. Denifle, La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent ans, Paris, 1899, t. n ; Zur Geschichle des Cultes Urbans V., dans Archiv fur Literatur-und Kirchen-Geschichte, t. iv, 1888, p. 349-352 ; P. Balan, La ribcllione di Perugia nel 1368e la sua sotlomissione nel 1370 narrata secondo i documenti degle Archivi Vaticani, dans Studie documenli di storiae di diritto, Rome, 1880 ; P. Agulhon, Quelques mots sur deux arrière-petits-neveux d’Urbain V, les Borbal de Combrel, dans Bulletin trimestriel de la société d’agriculture de la Lozère, Chronique et mélanges, t. ii, 19091915, p. 129-130 ; F. Filippini, // cardinale Egidio Albornoz, Bologne, 1933 (ouvrage très insuffisant) ; G. Romano, La guerra Ira i Visconlie la Chiesa (1360-1376), Pavie, 1903 ; O. Vancini, Bologna délia Chiesa (1350-1377), Bologne, 1907 ; R. Delachenal, Histoire de Charles V, Paris, 1916, t. ni ; R. Davidsohn, Tre orazioni di Lapo di Castiglionchio, ambascialore fiorentino a papa Urbano Ve alla curia in Avignone, dans Archivio storico ilaliano, t. xx, 5e série, 1897, p. 225-246 ; V.-L. Bourrilley, Duguesclin et le duc d’Anjou en Provence (1368), dans Revue historique, l. ciii, 1926, p. 161-180 ; L.-H. Labande, Bertrand du Guesclin et les Étals pontificaux de France, dans Mémoires de l’académie de Vauctuse, 2e série, t. iv, 1904, p. 43-80 ; L.-H. Labande, Le palais des papes et les monuments d’Avignon au XI Ie siècle, Marseille, 1925 ; Yves Renouard, Les relations des papes d’Avignon et des compagnies commerciales et bancaires, de 1316 à 1378, Paris, 1941, p. 280-365 (avec documents en appendice ; détails sur les libéralités du pape) ; G. Mollat et Ch. Samaran, La fiscalité pontificale en France au.XI V siècle, Paris, 1905 ; O. Halecki, Un empereur de Bgzance à Rome. Vingt ans de travail pour l’union des Églises et pour la défense de l’Empire d’Orient, 1355-1375, Varsovie, 1930 ;.1. Delaville’e Roulx, La France en Orient au XIVe siècle, Paris, 1886 ; N. Jorga, Philippe de Mézières et la Croisade au XI Ie siècle, Paris, 1896 ; La vie de S. Pierre Thomas, par Philippe de Mézières, éditée dans les Acla sanctorum, janvier, t. ii, p. 995-1022 ; E. Duprè Theseider, / papi di Avignonee la Questione romana, Florence, 1939, p. 122-156 (n’apporte rien de nouveau sur le retour d’Urbain V soit à Rome, soit à Avignon ; le livre est destiné au grand public) ; G. Monticelli, Chiesae llalia durante il pontificato Avignonese, Milan, 1937, p. 112-115, 307-311) (même caractéristique) ; J.-H. Albanès, Abrégé de lu me et des miracles du bienheureux Urbain V, Paris, 1872 ; Th. Roussel, Recherches sur la vie et le pontificat d’Urbain V, Paris, 1840.

G. Mollat.


URBAIN VI, pape du 7 avril 1378 au 15 octobre 1389. — L’élection d’Urbain VI, l’origine et le développement du Grand Schisme d’Occident ont été déjà racontés ; voir t. xiv, col. 1469-1 17 1. Il ne reste plus qu’à caractériser le personnage et à exposer les vicissitudes du pontificat.

Christophe de Plaisance vantail, en 1378, la dextérité de Barthélémy Prignano dans l’expédition des affaires temporelles, sa sagacité et sa prudence. Dépêches adressées à Louis II de Gonzague, dans L. Pastor, Geschichle <lrr Pâpste, t. i, p. 635-636. Thierry de Niem, qui l’approcha de liés près il était aîné viateur des lettres apostoliques - louait sa piété, son humilité, sa chasteté, son équité. Tout au plusformu lait-il quelque réserve au sujet de sa trop grande confiance en lui-même et de sa complaisance à écouter les flatteurs. De Scismate, éd. (, . Erler, Leipzig, 1890, I. I, c. i. Versé dans la connaissance du droit canonique, Barthélémy Prignano sut se faire apprécier du cardinal Guy de Boulogne qui le retint parmi ses familiers. Baluze, Vil ; c I. ii, p. 348. Devenu cha pelain de Pierre de Monteruc, vice chancelier, il acquit la parfaite connaissance des usages de la cour romaine et passa pour excellent praticien. Cela lui Valut la charge de vice gérant de la chancellerie apostolique à partir du 13 février 1377, quand Pierre (le Monteruc eut refusé de suivre Grégoire l à Rome sous prétexte de mauvaise santé ; cf. P. M. l’.aum garien, Von der apottoltschen Karulet, Cologne, 1908, p. 109 111. Les membres du Sacré-Collège, ne par

venant pas à s’entendre dans le conclave de 1378, lui accordèrent leurs suffrages le 7 avril 1378.

Cette élection inespérée fit perdre, semble-t-il, à Barthélémy Prignano la maîtrise de lui-même. Son naturel rugueux et enclin à la sévérité se donna libre cours. Il se montra agressif et mordant dans ses discours et dépassa toute mesure. Sainte Catherine de Sienne lui écrivait : « Accomplissez votre tâche avec mesure — car le défaut de mesure gâte plus de choses qu’il n’en arrange — et avec bienveillance et tranquillité de cœur. Pour l’amour du Christ crucifié, modérez un peu ces mouvements subits que vous inspire votre nature. » Pastor, op. cit., t. i, p. 100. Bref, Urbain VI manifesta des signes évidents de troubles mentaux. Thierry de Niem, t. I, c. vii, l’avoue crûment : eum delirum communiter ipsi cardinales habebant. D’aucuns, entre autres le cardinal de Glandèves, l’estimèrent insensé (fatuus) ou colérique (furiosus). Le même Thierry se commet à prétendre qu’il méritait mieux le nom de Turbanus que celui d’Urbanus. Ibid., I. I, c. vu. Le pape s’adonnait-il à l’ivrognerie ? Ses adversaires le prétendirent ; cf. Baluze, Vite, t. ii, p. 585, 601, 663, 790, 791. Au demeurant l’opinion des curialistes du XVe siècle, pourtant italiens, lui demeura hostile et le souvenir des atrocités qu’il commit sur la personne de cardinaux persista ; cf. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 546-549.

Tandis qu’il eût fallu vivre en bonne harmonie avec ses électeurs, Urbain VI s’appliqua à les blesser gravement. En plein consistoire il censura vertement leur luxe et leurs mœurs, De Scismale, t. I, c. v, et Rinaldi, Annales ecclesiaslici, an. 1378, § 25. « Vous bavardez de façon insensée », leur dit-il en leur imposant silence. Jean de la Grange est appelé « traître », Orsini, « fou », Robert de Genève « ribaud ». À l’entendre, les évêques présents à la cour étaient des parjures, puisqu’ils n’observaient pas la résidence. De Scismate, t. I, c. iv.

L’opinion se répandit parmi les membres du Sacré Collège, réunis à Anagni, que la réélection d’Urbain VI devenait impossible parce qu’il s’avérait incapable de régir l’Église ; cf. Baluze, Vitse, t. ii, p. 601. Le mécontentement parvint à son comble quand le pape eut annoncé l’intention d’effectuer une importante promotion cardinalice propre à neutraliser la prépondérance française. Ainsi s’explique en grande partie comment les cardinaux songèrent à lui substituer un rival en la personne de Robert de Genève ; cf. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 546.

A l’égard des princes Urbain VI agit avec la même inconséquence et se les aliéna rapidement. Il priva le comte de Fondi du rectorat de la Campanie, humilia Otton de Brunswick, mari de la reine de Naples, maltraita ses ambassadeurs, rompit bientôt avec elle et promulgua l’anathème contre elle (29 novembre et 30 décembre 1378). Cf. Baluze, Vitæ, t. ii, p. 645 et 753 ; L. Duchesne, Le Liber pontificalis, t. ii, p. 546. Ses démêlés avec Charles de Duras offrent un exemple typique de maladresse. Après lui avoir concédé en lief le royaume de Naples (1 er juin 1381), il se fâcha avec lui à propos de son neveu. En 1384, il prétendit s’immiscer dans les affaires du royaume en tant que suzerain. Charles de Duras ne toléra pas de tels agissements, entra en négociations secrètes avec certains cardinaux et convint avec eux d’imposer une sorte de conseil de gérance au souverain pontife. Averti du complot qui se tramait contre lui, Urbain VI fit mettre aux fers six cardinaux et les soumit à une cruelle torture. Charles de Duras répliqua en assiégeant Nocera où le pape résista durant cinq mois à toute tentative d’assaut. De son côté, Urbain VI édicta la croisade contre lui (27 février 1385), le déchut de la dignité royale et jeta l’interdit sur la ville de Naples. Délivré le 7 juillet, il s’enfuit à Salerne,

puis s’embarqua pour Gênes, non sans, au préalable, avoir fait poignarder l’évêqued’Aquilée. Quant aux cardinaux, qui avaient été du complot, ils périrent de mort violente. Pileo da Prata et Galeotto Pietramala réussirent à s’échapper et passèrent avec fracas dans l’obédience clémentine ; voir leur circulaire du 8 août 1386, dans Historisches Jahrbuch, t. xiv. 1893, p. 820832.

La mort de Charles de Duras, survenue en février 1386, laissait vacant le trône de Naples. Sa veuve, désireuse de l’assurer à son fils Ladislas, essaya de se réconcilier avec le pape, mais éprouva un échec total. Urbain VI émigra à Lucques (fin de l’année 1386), puis à Pérouse (2 octobre 1387). Le mauvais état des finances pontificales l’empêcha de mener à bien ses projets belliqueux contre Otton de Brunswick et le comte de San Severino : force lui fut de se retirer à Rome (septembre 1388) ; là encore il s’aliéna la population et la promulgation d’un jubilé, source pourtant de gains pour elle, ne parvint pas à ramener le calme dans la cité. Le 15 octobre 1389, Urbain VI mourut inopinément, peut-être victime d’un empoisonnement, à l’âge de soixante-douze ans. Son tombeau subsiste encore dans la crypte de la basilique Saint-Pierre ; cf. L. Duchesne, Le Liber pontificulis, t. ii, p. 506 et 569. Il laissait le trésor de l’Église à sec et les États pontificaux livrés à l’anarchie.

I. Sources.

L’ouvrage de Thierry de Niem, déjà cité, constitue une source de premier ordre, car son auteur vécut à la cour d’Urbain VI ; il convient cependant de contrôler parfois ses dires. Baluze a réuni un dossier de témoignages contraires au pape ; cf. Vitæ, t. ii, la table des matières et le t. iv, p. 167 sq. Diverses chroniques contiennent surtout des renseignements précieux sur les rapports du pape avec le royaume de Naples. P. Silva, Alcune osservazioni sulla cronaca pisana del secolo XIV publicata dal Muralori, dans Studi slorici, t. xix, 1910, p. 57-87 (publication de la dernière partie de la chronique) ; Cronache dei secoli XIIIe XI V, dans Documenti di storia italiana, Florence, 1876, t. vi, p. 207-481 (édition du Diario anonimo Fiorentino, par A. Gherardi) ; Chronicon Regiense, dans L. Muratori, Rerum italicarum Scriptores, t. xviii, col. 5-98 ; Gi’ornali Napoletani, ibid., t. xxi, col. 1038-1059 ; Spécimen historiæ Sozomeni, presbyleri Pistoriensis, ibid., t. xvi, col. 1063-1198 ; Chronicum Siculum, éd. J. de Blasiis, Naples, 1887 ; Gobelinus Persona, Cosmodromium, hoc est chronicon universelle, dans Meibomius, Rerum germanicarum scriptores germanici, Helmstadt, 1688, t. i, p. 61-346 ; H.-V. Sauerland, Aktenstùcke zur Geschichte des Papstes Urban VI., dans Historisches Jahrbuch, t. xiv, 1893, p. 820-832 ; K. Kubel, Das Itinerar der Pdpste zur Zeit des grossen Schismas, dans Historisches Jalirbuch, t. xvi, 1895, p. 545-564 ; H.-V. Sauerland et L. Schmitz, Zu P. K. Eubet, Das Itinerar der Pàpste zur Zeit des grossen Schismas, ibid., t. xvii, 1896, p. 61-64 (additions à l’article du P. Eubel) ; S. Steinberg, Dokumenle zur Geschichte des grossen abendlandischen Schismas 1385-1395, Reichenberg, 1932 ; H.-V. Sauerland, Drei Beglaubigungs-Schreiben der Herzoge Albrecht, Wilhelm und Leopold von Œsterreich fur ihre Gesandten an Papst Urban VI., dans Historisches Jahrbuch, t. xiv, 1893, p. 124-126 ; Rede der Gesandtschalt des Herzogs Albrecht III. von Œsterreich an Papst Urban VI. bei der Rùckkehr der Ldnder des Herzogs Leopold III. unter die Romische Obedienz, dans Mittheilungen des Instituts fur ôsterreichische Geschichtsforsehungen, t. ix, 1888, p. 448-458 ; H. Simonsfeld, Analekten zur Papst-und Konziliengeschichte im XIV. und XV. Jahrhundert, dans Abhandlungen der historischen Klasse der koniglichen bayerischen Akademie der Wissenschaften zu Mùnchen, t. xx, 1893, p. 31 ; G. Tellenbach, Verzeichniss der in den Registern und Kameralakten Urbans VI. …vorkommenden Personal, Kirchen und Orten des deulsclien Reichs, seiner Diùzesen und Territorien (Repertorium germanicum, t. n), Berlin, 1933 ; Krofta, Acta Urbani VI, Prague, 1903 ; E. Gôller, Aus der Caméra apostolica der Schismapapste, i. Die Servitien der deutschen Bischôfe und Aebte unter der rômischen Obedienz wàlirend des Schismas, dans Romische Quarlalschrift, t. xxxii, 1924, p. 82-147 ; E. von Ottenthal, Die pdpstlichen Kanzleiregeln von Johann XXII. bis Nicolaus V., Inspruck, 1888, p. 46

54 ; M. Tangl, Die pàpslliclwn Kanzleiordnungen von 12001300, [nspruck, 1894 ; G. Erler, Der Liber cancellariæ apostolicie vom Jahre 1380 und (1er Stilus palatii abbreviatus Die-Irichs von Niehem, Leipzig, 1888 ; F. Scliillmann, Ein pàpstliches Formelbuch îles A/l. Jahrh.und.erts, dans Zeitsclirift jur Kirchengeschiehte, t. xxxi, 1910, p. 283-300 (formules du temps d’Urbain VI) ; L. Pastor, Ungedruckle Akten zur Geschichle der Pàpste vornehmlich im XV., XVI. und XVII. Jahrhunderl (1370-1401), t. i, Fribourg, 1904. II. Travaux.

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Ci. MOLLAT.