Dictionnaire de théologie catholique/VAZQUEZ ou VASQUEZ Gabriel III. Méthode IV. Doctrine

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 537-540).

III. Méthode.

Vazquez est un des théologiens qui ont le plus contribué à réaliser la méthode prônée comme idéale par Vitoria et Melchior Cano. Il puise directement aux sources de la révélation et les exploite avec beaucoup de pénétration. Dans le prologue de son commentaire, il explique sa façon de procéder : Utriusque tum recentis tum veteris Scripturæ campos diu multumque lustravimus, poslea augustissima sanctæ Ecclesise décréta et concilia, uberrimos indubitatse veritatis ac fidei fontes omni diligentia atque attentione persolvimus ; denique sanctorum Palrum tam grsecorum quam latinorum monumenta, quorum auctoritate permulla in hoc opère ac persœpe confirmaturi necessario eramus, indefesso labore ac studio percurrimus.

Il professe une estime particulière pour saint Augustin et saint Thomas : Auclorilas Auguslini et sancti Thomse magni ponderis nobis merito esse débet, ut non sine magno fundamento et matura ratione in re prsecipue tam gravi ab eorum sententia unquam discedamus. In 7 am, disp. LV, n. 4. Il appelle saint Thomas gravissimum atque acutissimum nobis divinitus datum doctorem et qualifie sa méthode de divina methodus. Pour pouvoir le commenter en connaissance de cause, il a lu et relu la Somme et les autres œuvres du saint. Ibid., Ad Leclorem. Sans doute, l’estime pour saint Thomas n’oblige pas à le suivre aveuglément en tout, quand on voit qu’il affirme des choses moins fondées ou moins probables ; mais Vazquez n’approuve nullement ceux qui croient pouvoir triompher, chaque fois qu’ils peuvent contredire le saint docteur : ces critiques sont répréhensibles et ferment le chemin vers la vérité. Ibid., disp. III, n. 6, 7.

Vazquez possède un sens historique remarquable pour son époque. Il défend l’authenticité et l’autorité du concile de Francfort (794), malgré la défiance de nombreux théologiens. In 777 am, disp. CVII, n. 36. Il fut le premier à publier le texte du concile de Reims (1148) qui condamna la distinction réelle entre les relations et l’essence divine. 7n 7 am, disp. CXX, n. 9. Il inséra également dans son commentaire. (In 7 am -77° t. ii, in fine) le texte jusque-là inédit du concile de Diospolis contre Pelage. Il est vrai que, quand le volume parut, en 1605, le texte était imprimé depuis plusieurs aimées dans les Annales de Baronius.

Excellent philologue, il connaît très bien le grec et l’hébreu. Il recourt fréquemment au texte original d’Aristote et corrige ses versions défectueuses. A l’occasion, il émet des doutes sur l’exactitude des leçons qui ont cours et en propose d’autres plus acceptables.

Dans ses ouvrages, il suit fidèlement l’ordre de la Somme, à quelques exceptions près, justifiées par des raisons d’ordre pratique. Après avoir reproduit le texte, il en donne une explication littérale courte et précise. Puis, il en explique et développe la doctrine dans des disputationes divisées en chapitres, le tout à l’aide des loci propres à la théologie : Écriture, conciles, Pères, raison théologique. D’une érudition étonnante, il peut affirmer à l’occasion qu’il a lu de près et examiné presque tous les nombreux auteurs qu’on lui oppose. In /// 3m, disp. LXXXI, n. 2, 15.

Dans ses cours et ses écrits, il vise à la concision et à la clarté. Ses élèves disaient que ses cours contenaient beaucoup de « substance » et peu « d’accidents ». Il recommande aux théologiens un style correct, clair et concis, sans longueurs et sans emphase oratoire. In 7 am, disp. III, n. 9. Son enseignement était néanmoins extrêmement vivant ; souvent il arrachait à ses auditeurs des applaudissements enthousiastes. Dans les discussions publiques, il brillait par « sa vaste érudition, son étonnante promptitude d’esprit, sa parole vive et piquante, sa merveilleuse dextérité… Quand il devait y prendre part, la jeunesse universitaire accourait comme à un spectacle et, par les manifestations bruyantes de son impatience, elle obligeait à rompre avec les usages, pour le faire entrer plus tôt dans la lice ». R. de Scorraille, François Suarez, t. i, p. 288. Ses élèves lui vouaient une très grande estime. A Rome, à la nouvelle de son départ imminent, ils disaient : Si Vazquez abit, tota schoht périt.

Les qualités qu’on vantait dans son enseignement oral se retrouvent dans ses écrits. Très sévère dans le choix des arguments, de ceux qu’on avait coutume d’alléguer, il ne retient fréquemment qu’un seul comme solide. Il demande qu’on évite en théologie les questions oiseuses et il se conforme scrupuleusement à cette règle. Mais, de l’utilité ou inutilité des questions, seuls les théologiens de profession peuvent juger avec compétence, non les rhéteurs et les humanistes. In 7 am, disp. III, n. 10. Donner arbitrairement plusieurs sens différents aux termes employés lui paraît détestable. C’était l’habitude des nominalistes, qui, à l’aide de ce subterfuge, esquivaient la force de certaines autorités philosophiques et théologiques, malgré leur valeur décisive. In 7 am -77 re, disp. CCXXIII, n. 3 ; In /// » ", disp. XIX. n. 15. En théologie, il juge nécessaire, après avoir prouvé l’existence du dogme, de scruter aussi son essence pour aboutir à une solution au moins probable. Autrement, il y a danger de différer des hérétiques en paroles plutôt que pour le fond des choses. In 7 am -77*, disp. CCXIV, n. 1. Avant tout, il exige du théologien un amour sincère et désintéressé de la vérité : Mtror multorum ingénia, qui magl » in rxcngilandis efjuqiis quant in piano doctorum doctrina intelligenda versari admodum ulilr ri gloriosum existimant, cum tamrn Veritas nulli displicere possit, quantumvis eam sibi tentiat contrariant. Il ne se contente pas de réfuter les opinions qu’il Juge insoutenables ; il construit au plus fort de ses critiques. Souvent revient cette phrase : Mihi semper placutt communia et vern senttntia.

Vazquez reçut fie ses contemporains de grandes louanges. On l’appelail l’AugUStUI espagnol. Benoit XIV et Léon XIII leur firent écho, Grabmann dll de lui : « Vazquez, doué d’un génie éminemment critique, fut pour Suarez ce que Scot fut pour saint Thomas, avec cette différence pourtant que Vazquez était versé aussi bien dans le domaine de l’érudition exégétique et historique que dans celui de la spéculation scolastique. » Gesch. der kathol. Théologie, Fribourg, 1933, p. 169. Parlant de certains reproches que lui adressait Suarez, le P. de Scorraille écrit : « Il y a chez Vazquez originalité et indépendance, il n’y a pas légèreté ni témérité. » Op. cit., t. i, p. 308.

IV. Doctrine.

Il ne peut être question d’exposer ici toute la théologie de Vazquez. Nous signalerons seulement quelques-unes de ses thèses les plus caractéristiques en philosophie et en théologie.

Philosophie, —

Vazquez, suivant en cela Durand de Saint-Pourçain et Hervé de Nédellec, s’écarte des thèses communes sur la nature de la vérité qui, dans la connaissance intuitive, n’est plus directement la conformité de la pensée avec l’objet connu. In 7 am, disp. LXXVI, n. 2-3-5. Certains verraient là peut-être un danger d’idéalisme.

En ontologie, il n’accepte ni la distinction réelle entre l’essence et l’existence, In /// am, disp. LXXII, n. 7, ni le principe thomiste de la limitation de l’acte. In 7 am, disp. XXV, n. 4. La materia quanlilate signata n’est pas le principe d’individuation des êtres intra eamdem speciem. In 7 am, disp. CLXXXI, n. 8-9. Vazquez étudie avec une subtilité remarquable les concepts d’être, de substance, de relation, d’action, de passion, etc. Il insiste avant tout sur l’idée que Dieu est Yens a se, et que la créature n’a qu’un être participé (voir ci-dessous, 2° Théologie, infinité divine). Posée l’existence de Dieu, il déduit la possibilité des êtres en vertu de la non-contradiction des notes qui les constituent. In 7 am, disp. CIV, n. 12. Il déduit également les attributs qui conviennent à Dieu et ceux qui ne conviennent qu’aux créatures. In 7 am, disp. XXX, n. 14 ; disp. XXV, n. 9-10. Vazquez recourt à la théorie des modes substantiels et accidentels pour expliquer l’union de l’âme et du corps, In 777 am, disp. XIX, n. 23, la suppositalité créée, In 7/7 an >, disp. XXXI, n. 31, l’union hypostatique, In /7/ aD1, disp. XVIII, n. 20-27, la subsistance miraculeuse des accidents eucharistiques, In 77/ ara, disp. XVIII, n. 23, la relation des anges avec l’espace, 7n 7 ara, disp. CLXXXVIII, n. 28-30 ; disp. CLXXX IX, n. 12, ou la manière dont le corps du Christ devient présent sous les espèces eucharistiques, In 7 am, disp. CXCV, n. 8.

En psychologie, il défend évidemment la théorie scolastique de la connaissance, qu’il utilise à propos de la connaissance intuitive de Dieu, admettant qu’il y a dans cette connaissance production d’une species impressa, In 7 am disp. XXXVIII, n. 4-9, identifiée avec le lumen gloriir. In 7 am, disp. XL III, n. 32-33. Il croit pouvoir se réclamer ici de saint Thomas. In 7° iii, disp. XXXIX, n. 1-14. On pourra voir aussi comment il oppose la production du verbum mentis dans la connaissance humaine et la génération éternelle du Verbe au sein de la Trinité. In 7 am, disp. CXII, n. 12-14 ; disp. CXLI, n. 16-30 ; disp. CXI. IV, n. 8. La notion de verbe n’exige pas de soi une similitude physique avec l’objet connu, mais seulement une similitude intentionnelle ; de là vient que le verbum mentis ne peut être appelé fils. In 7 am, disp. CX III, n. 46 ; disp. CXLV, n. 13-16. Contre Henri de Gand et quelques autres, Vazquez enseigne que la volonté libre ne peut jamais optej pour un moindre bien, qu’il s’agisse de la fin ou des moyens ; elle suit nécessairement celui qui se présente à elle avec le plus d’attirance. In 7 am -77e, disp. XI.I1I. n. 5 ; cette opinion ne met d’ailleurs en péril ni la liberté d’exercice ni la liberté de spécification, l’homme pouvait ! agir ou ne pas agir, comme aussi

se donner librement tel ou tel motif. In I* m -II K, disp. XI. III, n. 18-19. On ne pourrait pas davantage en conclure que Dieu ait été contraint de créer le meilleur monde possible. In / ; ""-//*, disp. XLIII, n. 16-17. Cette théorie de l’influence des motifs trouve son application dans la théorie de la grâce efficace. In 7 iiii, disp. XCVIII, n. 37, 44-47. L’âme ou l’ange sont-ils incorruptibles par nature ? Vazquez ne le concède pas sans distinction, et insiste sur l’idée que, si Dieu cessait de les soutenir dans l’être, ils retomberaient dans le néant. Si l’ange ou l’âme ne sont pas mortels, c’est parce que nulle créature ne peut leur retirer l’existence. In 7 am, disp. CLXXXII, n. 5-17.

Théologie.

Pour établir l’existence de Dieu,

Vazquez recourt aux preuves classiques, mais il accepte l’argument de saint Anselme, In 7 am, dis]). XX, n. 13, non au sens où cette proposition serait nota per se quoad nos, In 7 am, disp. XIX, n. 10, mais en ce sens que ex rébus creatis statim tam evidenter aut probabililer apparel Deum esse, ut non sit in nostra potestate illud negare. In 7 am, disp. XIX, n. 13. L’infinité divine ne consiste pas dans la possession d’un nombre infini de perfections, In 7 am, disp. XXV, n. 1, ni dans l’irréceptibilité de l’existence divine dans une puissance distincte d’elle, In 7 am, disp. XXV, n. 2-5, mais seulement dans l’aséité. Les créatures sont finies parce qu’elles ne subsistent que par l’action conservatrice de Dieu, tandis que Dieu, n’ayant aucune cause en laquelle il soit contenu, échappe à toute limitation. In 7 am, disp, XXV, n. 9. On pourra voir comment Suarez critique cette thèse (De Deo uno, t. II, c. i, n. 2 sq.). Dieu est immuable dans son être, In 7 am, disp. XXX, n. 14, dans sa science et sa volonté. Pour expliquer cette immutabilité, Vazquez recourt à des arguments discutables et dont la cohérence avec d’autres affirmations ne semble pas parfaite. In 7 am, disp. LXVIII, n. 56-58 ; disp. LXXX, n. 3-13 ; cf. In 7 am, disp. LXV, n. 11-12. Dieu connaît les choses distinctes de lui par la science de simple intelligence, la science de vision et la science moyenne. Il les connaît dans son essence, en tant que celle-ci constitue comme une species expressa, miroir de toutes choses possibles, futures ou futuribles. 7/i 7 am, disp. LX, n. 5-10. Si l’on demande comment Dieu peut avoir cette représentation de toutes choses, Vazquez répond que l’infinie perfection de son intelligence est de soi déterminée à connaître toute vérité, tout objet de connaissance. In 7 am, disp. LXV, n. 18-20. Mais finalement on ne voit pas comment Vazquez évite de dire que Dieu connaît les choses in seipsis. Vazquez rejette tout concours prédéterminant, qui lui semble mettre en péril la liberté humaine et faire de Dieu l’auteur du péché. In 7 am, disp. XCIX, n. 21-24 ; disp. LXXXVIII, n. 18 ; disp. XCVIII, n. 28-31. Il se rallie à la théorie du concours simultané, voulu par Dieu de toute éternité et dont la créature lève l’indifférence, In 7 an >, disp. XCIX, n. 35, 50, le concours étant virtuellement efficace et prévu comme efficace ou non efficace seulement par l’usage de la science moyenne.

Ces thèses reviennent à propos de la prédestination et de la grâce efficace. La prédestination simul sumpta est absolument gratuite. Mais on peut distinguer la prédestination à la grâce (qui est la prédestination proprement dite) et la prédestination à la gloire (qui est à proprement parler l’élection). Cette dernière a lieu post pnevisa mérita ex gratia, In 7 am, disp. XCI, n. 13-17 ; In /77 am, disp. XXIII, n. 6-12, la prédestination aux grâces efficaces ayant lieu ante prævisa mérita. Vazquez explique l’efficacité de la grâce à la manière des molinistes. In 7 am, disp. XCVIII, n. 36-44.

Cependant, lorsqu’il parle de vocatio congrua, il entend cette expression dans un sens un peu différent de celui des congruistes. Voir Le Bachelet, Prédestination et grâce efficace, t. i, 1931, p. 8. Au traité de la Trinité, Vazquez discute longuement l’objection classique : qu « sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se. In 7 am, disp. CXXIII, n. 7-12.

Plus importantes sont ses opinions sur la grâce. La grâce actuelle consiste dans les bonnes pensées et les saintes affections qui en découlent, 7/7 7 am 11°, disp. CLXXXV, n. 20-24 ; elles peuvent être entitativement naturelles ou surnaturelles, bien que toujours octroyées providentiellement en vue du salut. In 7 am -77 ï, dis]). CLXXXIX, n. 14 et passim. Très impressionné par les textes augustiniens et les formules du concile d’Orange, Vazquez exige une grâce proprement dite pour vaincre les tentations les plus légères et accomplir tout acte honnête. In 7 am -II X, disp. CLXXXIX, n. 46. Il défend longuement cette opinion, accumulant les preuves positives. On a vu ailleurs qu’elle continue à être discutée en théologie (art. Grâce, t. vi, col. 1581-1582).

Vazquez fut moins heureux dans le traité de la grâce habituelle. Trop dépendant du nominalisme, il enseignait. que la contrition suffit à justifier l’homme et à lui remettre les péchés, même sans le don de la grâce habituelle. Dans les derniers temps de son séjour à Rome, cette opinion fut critiquée ; dans la suite, Clément VIII intervint et Vazquez dut, pour monter dans la chaire d’Alcala, s’engager à enseigner la doctrine commune ; cf. de Scorraille, François Suarez, t. i, p. 292. On trouve la trace de cette thèse dans le commentaire de la III a, disp. CLIII, n. 25. Ce commentaire est une œuvre posthume, et le passage du commentaire de la I a -II* auquel renvoie l’auteur, disp. CCIII, a été retouché. A propos de la présence de Dieu dans l’âme des justes, Vazquez critique l’opinion de Suarez disant que l’amitié divine suffirait à rendre Dieu présent, même s’il n’était pas déjà en nous au titre de l’immensité, In 7 am, disp. XXX, n. 11-12 ; pour lui, la présence spéciale de Dieu dans l’âme juste vient de ce que la grâce, effet physique, est un effet spécial appartenant à l’ordre du salut.

On trouve quelque écho des thèses nominalistes au traité de l’incarnation. Vazquez se refuse à juste titre à faire du Christ le fils adoptif de la Trinité, sous quelque rapport que ce soit, mais la manière dont il cherche à sauver Elipand de Tolède (voir ici, t. iv, col. 2333 sq.) montre dans quelles perspectives on se meut encore. In 777 am, disp. LXXXIX, n. 95, et Suarez accusera Vazquez d’enseigner que le Christ, en tant qu’homme, est serviteur de Dieu. Cf. de Scoraille, t. ii, p. 481. Vazquez s’oppose aux nominalistes en affirmant que le Christ a mérité de condigno le pardon de nos péchés indépendamment de tout pacte et de toute promesse divine, In 777 am. disp. V, n. 44, cependant il n’admet pas que la satisfaction du Christ ait été stricte ex loto rigore justitiæ commutativw. In 7 am, disp. VII-IX. La discussion est ici dirigée contre Suarez (cf. De Verbo incarnato, disp. IV, sect. v, n. 62, 63 ; De justifia Dei dans Opuscules, éd. Vives, t. xi, p. 515).

Vazquez consacre de longs développements a l’adoration des images. Nous avons dit que certaines propositions de son ouvrage De cullu adorationis avaient paru malsonnantes à Suarez. Pour Vazquez, le culte qu’on rend à la croix, aux reliques, etc., va autant à l’image qu’à la personne qu’elle représente, mais non de la même façon : le sentiment de soumission, d’estime et de vénération se rapporte uniquement à la personne, tandis que les signes de révérence extérieure s’adressent à l’image, et indirectement à la 010

personne. Suarez critique cette opinion qu’il exprime ainsi : Imagines et similes res sacras non adorari mente et intenlione sed aclione tantum externa coram Mis facla, non vero ad earum reverentiam per voluntatem ordinata. Cf. de Scorraille, op. cit., t. ii, p. 481.

Au traité de l’eucharistie, Vazquez, pour expliquer la transsubstantiation, recourt à la théorie scotiste de l’adduction, qu’il explique à sa manière. L’annihilation de la substance du pain et l’adduction du corps du Christ sont liées entre elles non par la nature des choses, mais par la signification efficace des paroles de la consécration, celles-ci ne pouvant être vraies que si la substance du pain cesse d’exister. La conversion ne se trouve dans aucune des actions physiques, mais seulement dans l’habitude ou relation de raison qui existe entre la substance du pain qui cesse d’exister et la substance du corps du Christ qui lui succède. Même si la substance du corps du Christ était présente dans le pain, la transsubstantiation aurait encore lieu, si l’on prononçait sur ce pain les paroles de la consécration, celles-ci exigeant pour être vraies que le pain cesse d’exister. In IIP iii, disp. CLXXXI, n. 124-136. Vazquez tient pour indubitable que le corps du Christ peut être rendu présent par adduction, sans transsubstantiation, et sans qu’il y ait besoin de recourir à la théorie thomiste de la production, à laquelle Suarez est rallié. In IIP iii, disp. CLXXXII, n. 14.

Plus importante et plus discutée est l’opinion de Vazquez sur l’essence du sacrifice de la messe (voir art. Messe, t. x, col. 1149-1150). Vazquez distingue avec tout le monde le sacrifice absolu et le sacrifice relatif. Pour lui, le premier exige une véritable immutatio victimæ, celle d’un être qui s’offre à Dieu maître souverain de la vie et de la mort. In III*™, disp. CCXXII, n. 15, 18-24. Mais dans le sacrifice commémoratif, il n’est pas nécessaire qu’il y ait immutation actuelle de la chose offerte, il suffit que la victime ait été une fois détruite ou immolée et que cette immutation soit représentée actuellement dans un signe. In III™, disp. CCXXII, n. 27, 66, 67. Cette notion supposée, la messe apparaît comme un vrai sacrifice dont l’essence se trouve dans la consécration des deux espèces. Ibid., n. 18, 31. D’une part, la messe représente en effet le sacrifice sanglant offert sur la croix et d’autre part le corps et le sang de la victime sont présents sur l’autel sous les espèces consacrées (n. 57). La transsubstantiation n’est donc pas le constitutif essentiel du sacrifice eucharistique. Même si le pain et le vin demeuraient avec le corps et le sang du Christ, il y aurait séparation mystique suffisante pour représenter la mort du Christ. L’action adductive qui rend le Christ présent n’est pas non plus nécessaire, car à supposer que le Christ fût déjà présent dans le pain et le vin ou sous les espèces du pain et du vin en vertu d’une action distincte des paroles de la consécration, celles-ci opéreraient alors la séparation mystique. L’action sacrificielle n’est donc pas une action physique, mais une action morale dont l’Instrument se trouve dans les paroles de la consécration. Ibid., n. 38-42.

lui morale, Vazquez accepte la division tripartite des actes en moralement bons, mauvais OU indifférents. La moralité d’un acte n’est pas liée à sa volontariété et a sa liberté, mais plutôt à une dénomination commune aux actes bons, mauvais ou Indifférents, espèce de regulabilita » per rollonan, In I* m -II r, disp. LXXIII, n. 43, que Vazquez explique très peu ; cf. Frins, De acttbtu humants, 1904, t. ii, p. 19, et 6-7. Vazquez est probabiliste, mais avec mu teinte de tutiorisme. Lorsqu’on ne peut arriver a l.i certitude sur l’existence ou la signification de la loi. on peut aller contre la loi, cpiel que soit le

degré de probabilité, si du moins il est solide, et s’il s’agit de licito vcl illicito. In I* m -II*, disp. LXII, n. 15 ; disp. LXIII, n. 1. Mais si, à rencontre de la loi, il n’existe aucune probabilité positive, et seulement un doute, de fait ou de droit, on doit agir selon la loi. In I™-II*, disp. LXV-LXVI. Cf. art. Probabilisme, t. xiii, col. 470-473. Pour Vazquez, la loi est un acte de raison, non de volonté, car elle est un impérium, un jugement intellectuel exprimant la volonté du supérieur à l’inférieur. In P m -1I K, dis]). CL, n. 20. La loi naturelle est antérieure à tout acte de raison ou de volonté, même en Dieu. Primo et per se, elle s’identifie avec la nature raisonnable, avec laquelle certaines actions ont une relation de convenance ou d’opposition. Ibid., n. 23-24. Cependant, en tant qu’elle descend de Dieu sur les créatures, on peut la dire acte de raison. Ibid., n. 25-26. La loi éternelle n’est pas une loi à proprement parler, mais plutôt une idée exemplaire selon laquelle Dieu se propose de créer une nature raisonnable. / » -//*, q. xci, a. 1, explicatio articuli.

Biographie et Bibliographie.

Kieremberg, ’arones

de la Compania de Jesiis en la Asistencia de Espana, Bilbao, t. viii, 1891, p. 355-379 ; Astrain, S..1., Historia de la Compania de Jesiis en la Asistencia de Espana, t. iii, 1913, p. 68-73 ; R. de Scorraille, S..J„ François Suarez, Paris, 1912, voir l’index à Vazquez ; Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. viii, col. 513-519 ;.M. Hivière, Corrections et additions à la Bibl. de la Comp. de Jésus, col. 857858 et 1239 ; Hurter, Nomenclator, 3° éd., t. iii, col. 385-389.

Manuscrits : Lettre de 14 feuilles, écrite en latin, peu après la mort de Vazquez, par un de ses amis, conservée dans l’histoire manuscrite du collège d’Alcala par le P. Cristobal de Castro, t. i, appendices (Archives de la Province de Tolède, cote 1671 bis) ; Vie manuscrite, dans l’histoire manuscrite du collège d’Alcala (mêmes Archives, cote 1692, 1).

Doctrine.

W. Hentrich S..1., dans Buchberger,

Lexikon jùr Théologie und Kirche, t. x, col. 511-513 ; Menendez y Pelayo, (Eiwres, t. ix, 1918, p. 84-85 : le platonisme de Vazquez ; Marcial Solana, Los grandes Escolasticos espanoles de los ss. XVI g XVII, Madrid, 1928, p. 108-128 : la philosophie de V. ; Fr. Stegmuller, Zur Priedestinationslehre des jungen Vazquez, dans Beitr&ge z. Geschiehte der Philosophie u. Théologie des M. A., Supplementband iii, fasc. 2, 1935, p. 1287-1311 ; Cereceda S. J., Censuras y apologias del libro De Adoralionc del P. Vasquez, dans Estudios Ecclesiaslicos, , t. xiv, 1935, p. 555-564 ; L. Sullivan S..1., Justification and the inhabitation of the Holy Ghost, the doctrine of Fr. Gabriel Vazguez, Chicago, .1940 ; Karl Hschweiler, Die Philosophie tler spanischen Spdlscholastik au/ den deutschen Universitàten des siebzehnten Jahrliuntlerts, dans Gesammelte Aufsàtze zur Kulturgeschichte Spaniens, I. Peihe, Munster, 1928, p. 298, influence de Vazquez et de Suarez sur la philosophie allemande du xvir siècle. L’auteur cite, sur ce même sujet : Peter Petersen, Geschiehte der arisliilclischen Philosophie im protestantischen Deutschland, Leipzig, 1921 ; Emile Weber, Die philosophische Scholastik des deutschen l’rotestantismus im Zeilaller der Orthodoxie, Leipzig, 1007 ; Troltscl), Vernunjt uiul Offenbarunij bei Johann Gerhard und Melanrhtlwn, Gœttlngue, 1891.

.L H ELI. IN.