Dictionnaire de théologie catholique/VERBE III. L'enseignement de la tradition

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 562-571).

III. — Le Verbe dans l’enseignement traditionnel.

I. L’ENSEIGENEMENT DES PÈRES

Nous suivrons ici l’ordre de l’article Fils de Dieu en nous contentant le plus possible de simples indications avec références aux articles concernant chacun des Pères.

1o Les Pères apostoliques.

Si la doctrine du Verbe était d’origine spécifiquement juive et palestinienne, on devrait en retrouver des traces dans les anciens écrits chrétiens qui accusent plus visiblement l’influence du judaïsme. Or, elle ne se rencontre guère que chez les Pères apologistes, imbus de philosophie hellénique et discutant avec des adversaires pénétrés des mêmes principes.

Saint Ignace d’Antloche est le seul qui parle explicitement du Verbe de Dieu, Ad Magn., viii, 2 ; voir Ignace d’Amtioche, t. vii, col. 705. Il faut néanmoins ajouter les Odes de Salomon, dont l’origine égyptienne semble assez probable (début du IIe siècle), mais qui, en toute hypothèse, marquent une dépendance certaine à l’égard de saint Jean et vraisemblablement d’Ignace d’Antioche.

xvi, 9-10 : « Le Père de vérité s’est souvenu de moi, lui qui me possédait dès le principe (cf. Prov., xii, 22 ; Joa., i, 1-2). Car sa plénitude m’a engendrée, ainsi que la pensée de son cœur. »

xi, 11-15 : « Son Verbe est avec nous (cf. Joa., i, 14) pour notre route ; le Sauveur qui sauve nos âmes, loin de leur nuire, l’homme qui s’est humilié et a été exalté par sa justice, le Fils du Très-Haut est apparu dans la perfection de son Père ; une lumière a lui du Verbe, qui était en lui dès le principe » (cf. Joa., i, 4-5). Trad. J. Labourt, Paris, 1914.

2o Les apologistes du IIe siècle.

C’est un fait que les apologistes s’emparent de l’idée du Logos. Avantage, sans doute, puisqu’ils avaient ainsi un point de contact avec leurs adversaires ; mais aussi inconvénient et danger, puisqu’ils risquaient de déformer la doctrine révélée, sinon dans sa teneur même, du moins dans son expression.

La voie leur avait été tracée par l’épître à Diognète (si tant est qu’elle soit d’origine aussi ancienne) et l’apologie d’Aristide, voir Fils de Dieu, col. 2424, mais aussi par le Kérygme (prédication) de Pierre, où le Seigneur avait déjà reçu les noms accouplés de Verbe et de Loi : ‘O Πέτρος ἐν τῷ κηρύγματι νόμον καὶ λόγον τὸν κύριον προσεῖπεν, dans Clément d’Alexandrie, Strom., t. II, c. xv, cf. t. I, c. xxix, P. G., t. viii, col. 1008 A, 929 A ; Eclogæ prophet., 58, t. ix, col. 728 A.

La doctrine de saint Justin sur le Verbe a été exposée à l’article Justin (Saint), t. viii, col. 2256-2261 ; cf. Trinité, t. xv, col. 1616. Celle de Tatien, t. xv, col. 63-64 et Trinité, col. 1619 ; celle d’Athénagore, t. i, col. 2214 et t. xv, col. 1619 sq. C’est dans l’Apologie d’Athénagore, 10, que se lit une expression douteuse, paraissant n’accorder d’existence au Verbe que lorsqu’il fut « sorti au dehors ». C’est le même reproche qu’on a pu faire à saint Théophile d’Antioche, voir t. xv, col. 533-534, mettant expressément à la base de sa théologie du Verbe la distinction stoïcienne du Verbe intérieur, λόγος ἐνδιάθετος, et du Verbe proféré, λόγος rpowoptx6c, le Verbe proféré n’apparaissant qu’avec la création. Cf. Trinité, col. 1621.

On trouvera à Fils de Dieu, col. 2418 un résumé des appréciations divergentes sur l’orthodoxie de ces Pères ; mais on le complétera par J. Lebreton, Hist. du dogme de la Trinité, t. ii, p. 490-492, note I. On évitera d’accuser trop facilement d’erreur ces auteurs anciens. Leurs préoccupations apologétiques, leur souci de formuler la doctrine en fonction d’une philosophie déterminée les a conduits à des confusions de pensée et à des maladresses d’expression. Chez Justin. Athénagore, Théophile, on retrouve, dans son intégrité, la substance du dogme : le Fils est né de la substance même du Père. Mais, dans l’exposé de certaines conséquences de ce dogme, ils s’écartent de la règle de la foi, in consectariis qui busdam nonnullis ab regula deflectuni. Petau, De Trinitate, Præf., i, 11. Et encore, la chose n’est pas sûre pour Athénagore, dont le P. Lebreton, 'loc. cit., défend l’orthodoxie.

Saint Irénée mérite une place à part : son autorité est plus considérable ; son orthodoxie plus incontestable. En ce qui concerne le Verbe, l’évêque de Lyon combat les influences nocives de la gnose et la conception des deux générations du Verbe. Voir Irénée (Saint), t. vii, col. 2413-2451, en complétant par l’étude de P. Lebreton. p. 543-560, liés particullè rement en ce qui concerne la double génération du Verbe et la réfutation des prétendues tendances

subordinatiennes attribuées à Irénée, p. 557-558. Voir également Trinité, col. 1622 sq.

Les auteurs du IIe siècle ont donc déjà su donner un certain développement à la théologie du Verbe ; ils cherchent à justifier la croyance chrétienne devant la philosophie. Sous des formules parfois quelque peu risquées, on retrouve facilement la tradition apostolique que saint Irénée sait défendre victorieusement contre la gnose déformante. Les documents exprimant la foi des simples montrent mieux que les ouvrages savants la continuité de cette foi. Nous avons signalé le Kérggme de Pierre. Citons encore YEpistola apostolorum, apocryphe de la fin du IIe siècle, édité par Schmidt-Wajnberg sous le titre : Gesprâche Jesu mil seinen Jiingern nach der Auferslehung…, dans Texte und Untersuchungen, t. xliii, 1919. A six reprises, le Verbe y est mentionné en des formules qui s’apparentent. à l’évangile de saint Jean.

La bibliographie indiquée à Fils de Dieu et aux articles auxquels on a renvoyé suffît. On ajoutera G. Bardy, Saint Justin et la philosophie stoïcienne, dans Rech. de science rel., 1924, p. 33-45, et J. Lebreton, Hist. du dogme de la Trinité, t. ii, p. 320-326 (S. Ignace), p. 428-470 (S. Justin), p. 488 sq. (Tatien), p. 494-504 (Athénagore), p. 508-512 (Théophile), p. 551 sq. (S. Irénée).

Les références à YEpistola apostolorum dans la Patr. Or., t. ix : n. 14 (50), p. 190 ; 18 (53), p. 193 ; 25 (58), p. 198 ; 28 (60), p. 200 ; 42 (74), p. 214 ; 50 (83), p. 223. Les numéros entre parenthèses indiquent la pagination de l’édition donnée par Guerrier sous le nom de Testament en Galilée. Au n. 30, p. 202, se lit l’expression : « lumière de lumière », qui fait penser à Joa., i, 4-5, mais aussi au concile de Nicée.

3° Les auteurs du iiie siècle. — 1. L’Église latine. — À la fin du iie siècle, les hérésies modalistes commencent à troubler l’Église latine. Trois principaux défenseurs de la procession et de la divinité du Verbe se lèvent : saint Hippolyte, Tertullien, Novatien. Voir Trinité, col. 1631-1637.

La doctrine de saint Hippolyte concernant le Verbe a été exposée, t. vi, col. 2506 sq. et Trinité, col. 1632. Sur son subordinatianisme latent, t. vi, col. 2509. Voir aussi Fils de Dieu, col. 2431-2433.

En ce qui concerne Novatien, ibid., col. 2432, on se reportera à l’article qui lui est consacré, t. xi, col. 822 sq., mais principalement col. 824 et Trinité, col. 1635.

Pour Tertullien, on complétera l’art. Fils de Dieu, col. 2431-2433 par l’art. Tertullien, t. xv, col. 149150, et Trinité, col. 1633.

En dehors de ces auteurs, on peut encore citer, de saint Cyprien, les affirmations relatives à la croyance au « Fils, le Christ né de la Vierge Marie, Verbe (Sermo) fait chair, qui a porté nos péchés ». Lettre à Jubaien, ep. lxxiii, n. 5, Hartel, t. iii, p. 782 ; à l’identité à établir entre la Sagesse et le Christ, Dieu existant avant tous les siècles, Testimon., t. II, c. i-ii, entre le Verbe de l’Apocalypse et le juge du jugement dernier, ibid., c. xxx, Hartel, p. 62-64 ; 99-101.

Pour Lactance, on se reportera à son article, t. viii, col. 311. De Victorin de Pettau, on relève un texte curieux, où il applique au Verbe, Fils de Dieu, la version des Septante d’Isaïe xi, 2. Fragm. defabric. mundi, P. L., t. v, col. 3Il A.

2. École d’Alexandrie.

Les deux principaux écrivains de l’École d’Alexandrie ont été suffisamment étudiés antérieurement. Pour Clément d’Alexandrie, voir Fils de Dieu, col. 2435-2437, avec références à l’art. Clément d’Alexandrie, t. iii, col. 158-159 et col. 160-161. La doctrine d’Origène est exposée à Fils de Dieu, col. 2437-2445 et surtout à Origène, t. xi, col. 1518-1520. On complétera par les observations relatives à l’influence néoplatonicienne, de

l’art. Platonisme des Pères, t.xii, col. 2330-2331 et 2333-2336. Voir également Trinité, col. 1637-1645.

Dans la lutte contre le modalisme sabellien, on a rappelé l’incident qui permit à Denys d’Alexandrie de préciser sa doctrine auprès de son homonyme de Rome ; cf. Fils de Dieu, col. 2444-2445. Les textes de Denys d’A. sont commodément rassemblés dans P. L., t. v, col. 117 sq. ; ils proviennent d’Athanase, De sententia Diongsii, P. G., t. xxv, n. 4, col. 485 A ; n. 9-10, col. 492-496 ; n. 18, col. 501 BC ; n. 19, col. 508 B ; n. 21, col. 512 AB ; n. 23, col. 513 AC-516 A ; n. 25, col. 517 AB. La lettre de Denys de Rome expose avec netteté la doctrine catholique : « Si Sabellius a blasphémé en affirmant l’identité du Père et du Fils, sont également hors de la vérité ceux qui la combattent en divisant en trois hypostases totalement séparées les personnes divines. Il est nécessaire d’affirmer que le Verbe divin est uni au Dieu de toutes choses… » Denz.-Bannw., n. 48 ; cf. Trinité, col. 1645-1650 sq. Voir aussi Feltoe, Letlers and other remains of Dionysius.

Parmi les défenseurs de l’orthodoxie, disciples d’Origène, il faut encore citer Grégoire le Thaumaturge, voir Fils de Dieu, col. 2446-2447 et Trinité, col. 1651. Enfin le dialogue Adamantius seu de recta in Deum fide non seulement présente une bonne doctrine sur Dieu le Verbe, éternel, consubstantiel, engendré de Dieu, mais encore affirme, avec la haute convenance de l’incarnation en vue de notre salut, le fait même de cette incarnation du Verbe, P. G., t. xi, col. 1777 A, 1800 C, 1829 A-1832 C ; cf. col. 1884 A.

On se reportera aux indications-bibliographiques des articles Fils de Dieu et Trinité. Voir aussi : M. Kriebel, Studien zur àlteren Entwicklung der abendlàndlichen Trinitatslehre bei Terlullian und Nouatian.

La controverse arienne.

1. Première phase

(cf. Fils de Dieu, col. 2450-2453). — Sur la doctrine professée par Arius touchant le Verbe, voir Arianisme, t. i, col. 1786 et Trinité, col. 1652. Saint Athanase a été suffisamment étudié, à son art. et à Trinité, col. 1659 sq. ; sur l’œuvre du concile de Nicée, voir Trinité, col. 1654. On complétera ce qui concerne Paul de Samosate par l’article qui lui est consacré, t.xii, col. 49-50 et Trinité, col. 1627. Pour Marcel d’Ancvre, voir t. ix, col. 1996-1998 et Trinité, col. 1658.

Chez les Pères latins, la pensée de saint Hilaire (qui, en parlant de la deuxième personne divine emploie plus volontiers le mot « Fils » que le mot « Verbe » ) est exposée t. vi, col. 2420-2425. Cf. Trinité, col. 1667.

Sur Phébade d’Agen, voir t.xii, col. 1370-1374. Sa théologie du Verbe s’apparente à celle de Tertullien. Voir le rapprochement à Phébade, t.xii, col. 1371. Phébade déclare que le Verbe est le Fils, Liber contra arianos, 9, 16, P. L., t. xx, col. 19 B ; 25 A. Jamais le Père n’a existé sans le Fils, ibid., col. 25 B, et le Verbe n’a pas eu de commencement, 17, col. 25 D. Comme Verbe, il était invisible, col. 26 B. Sur ce dernier texte, voir t.xii, col. 1373.

Le De Filii divinitate doit être, semble-t-il, restitué à Grégoire d’Elvire. Cet écrit renferme une affirmation qu’on trouve fréquemment sous la plume des Pères : le Verbe, Fils de Dieu, n’est pas le son d’une parole, mais bien une personne divine, réelle. Proœmium, P. L.. t. xx, col. 32 AB. Il est né de l’intime essence de Dieu, de palerno peclore et, ut ita dicam, de utero cordis Dei natum, 2, cqI. 35 D ; coéternel au Père, de sorte que le Père ne peut être sans le Fils et le Fils sans le Père (commentaires de Joa., i, 1-5 ; x, 30 ; xvi, 18 ; Ps., xliv, 2), ibid., col. 36 AB ; cꝟ. 6, col. 42 CD.

Zenon de Vérone (voir Fils de Dieu, col. 2452265 :

VERBE. LA CRISE ARIENNE

2658

2453), malgré quelques expressions mal choisies, a une conception orthodoxe du Verbe ; c’est le Fils de Dieu, Tract., t. II, i, 2, P. L., t. xi, col. 388-389 ; sa consubstantialité est clairement enseignée : De Deo nascitur Deus, de ingenilo unigenitus, de solo soins, de toto tolus, de vero verus, de perfecto perjectus, lotum Patris habens nihil derogans Patri, iii, col. 394 ; sa personnalité propre, distincte, nonobstant l’identité de nature divine, duplex persona…, sed originalis perpeluitatis ac deitatis est una substantiel (il cite Joa., i, 1-3 ; x, 30). Ibid., vii, 2, col. 409 AB. L’incarnation de ce Verbe est bien rappelée viii, 2, col. 413.

De Lucifer de Cagliari, dont l’article, t. ix, col. 1038, a rappelé brièvement la position trinitaire, un texte peut utilement être invoqué, qui permet d’interpréter en bonne part les textes équivoques : Dicimus Christum, Dei Filium, Dei esse Yerbum, Dei sapienliam, Dei virtutem, Deum verum de Deo vero, natum de Pâtre, id est de substantia Patris, lumen de lumine, natum non factum, unius substantiee illum esse cum Paire, quod Græci dicunt ôfxooùaioç, per quem omnia sunt facta, sine quo nunquam fuerit Pater. P. L., t. xiii, col. 1015 B.

Les intéressantes perspectives ouvertes par la théologie du rhéteur Victorinus Afer ont été rapportées à Fils de Dieu, col. 2453, voir aussi Trinité, col. 1682 et l’article Victorinus.

2. — Deuxième phase (cf. Fils de Dieu, col. 24532458). — a) Pères grecs. — Quelques traits complémentaires sont nécessaires.

a. Saint Basile. — Sa théologie du Verbe est assez fournie. Quand on parle du Verbe, il ne s’agit pas d’un son qui frappe l’air, mais de ce Verbe qui, dès le commencement du monde, était près de Dieu et était Dieu. De Spir. Sancto, 38, P. G., t. xxxii, col. 136 C ; cf. homil. in ps. xxxii, n. 3, t. xxix, col. 330 A ; 334 BC, Verbe vivant et éternellement subsistant, et par qui toutes choses ont été faites, Adv. Eunom., t. II, n. 13, col. 596 A, sans que pour autant soit diminuée la puissance créatrice du Père à l’égard de toutes choses, ibid., n. 34, col. 652 B ; cf. De Spir. Sancto, 21, t. xxxii, col. 105 (’.. Car il a tout créé selon la volonté du Père. Ibid., 7, col. 81 A. Sa volonté, son action sont pleinement conformes à ce que veut le Père, sans cependant qu’il y ait infériorité ou sujétion. Ibid., 20, col. 104 BC. Tout ce qu’a le Père, le Fils le possède, 19, col. 101 BD : le Verbe a la perfection totale du Père, 19, 21, col. 104 A, 105 B. Il est le Fils unique, engendré du Père, vrai Dieu, parfait de parfait, Epist., cv, t. xxxii, col. 513 A ; il procède du l’ère, Adv. Eunom., t. II, n. 3, (i, t. xxix, col. 578 A ; n. 15, col. 581 B ; avant tous les Siècles, n. 12, 13, col. 593 15 et 596 AB ; avant toutes choses, n. 14, 15, col. 590 C. 000 C. 60 1 A ; lumière véritable, n. 16, 27. col. 604 BC, 033 B ; puissance vivi-Qcatrice, De Spir. Sancto. 31, 38, t. xxxii. col. 121 C, 136 C. Sa génération ne ressemble à la génération d’aucun être terrestre : elle n’est pas réalisée par division ou émanation ou reproduction de la substance du Père, <n< est inénarrable. Epist., lii, t. xxxii, col. 396 N. Le Verbe est l’empreinte du Père. De Spir. Sancto, 64, ibid., col. 185 BC ; l’image parfaite du Père, Epist., cc.xxxvi, n. 1, col. 877 : image Vivante qui manifeste en elle même le Père (oui en ticr, Epist., CV, COl. 513 A ; en laquelle h’Père se

connaît parfaitement, Epist., ccxxxvi, n. 2. col.

880 ac. ci dont la contemplation sera notre béatitude, Bptst., viii, n. 7. COL 257 BC.

b. Saint Grégoire de Xnzianzc. Il f ; iul noter qu’on rencontre clic/ lui une première esquisse de

|ustiflcation rationnelle du mot Verbe. Le Verbe

est ainsi appelé, en raison non seulement <c sa resscm

blance avec la parole qui extériorise l’esprit, mais

encore d’une génération toute spirituelle et d’une union intime avec le Père. Orat., xxx, n. 20, P. G., t. xxxvi, col. 129 A. L’idée du Verbe, ordonnant toutes choses ( Verbum artifex), Orat., v, n. 1, col. 665 A, est complétée par l’idée du Verbe, représentation idéale de toutes choses. Orat., xliv, n. 4, col. 612 A.

c. Saint Amphilochius. — On a noté, t. i, col. 1125, l’existence de fragments d’homélies sur le Fils-Verbe. Le Verbe y est présenté comme la force de Dieu, i, P. G., t. xxxix, col. 100 A ; le Verbe, Fils de Dieu, s’est manifesté comme la vérité, la grâce et la vie de Dieu, 3, col. 100 B. Le Fils, c’est donc le Verbe, 4, col. 101 B. Cf. In Mesopentecoslen, col. 120 B. Mais le Verbe impassible a pris une humanité passible, 7, col. 104 C ; il est à la fois Dieu et homme, 12, col. 109 AB ; cꝟ. 15, col. 113 A.

d. Saint Grégoire de Nysse. — À la théologie du Verbe, ce Père ajoute plus d’une explication philosophique. Il ne faut pas concevoir le Verbe à la manière d’une parole humaine, Oral, cal., c. i, P. G., t. xlv, col. 13 B ; cf. c. ii, iv, v, col. 17 A, 20 C, 21 A, sans cependant pour autant nier les analogies. C. ii, col. 17 A. Mais c’est un Verbe éternellement vivant dans une hypostase et substance. C. i, col. 13 C. Il est Vie et tout ce qui vit participe de sa vie, parce que c’est l’œuvre du Verbe bon et puissant, c. i, iv, col. 16 B, 20 CD ; cf. iii, iv. v, col. 20 A, 20 B, 21 C. Peu importe le nom qu’on lui donne : Verbe, Baison, Vertu, Sagesse, Dieu ; il est le créateur de toutes choses. C. iv, v, col. 20 B, 21 BC.

On trouve des idées analogues dans le Cont. Eunom., t. IV, où l’auteur s’inspire du prologue de Jean. P. G., t. xlv, col. 624-625. En particulier, Grégoire affirme que le Verbe est coéternel au Père, engendré du Père. Col. 624 B. Saint Jean le nomme « Verbe » et non « Fils », afin de rappeler que la génération du Verbe est autre que celle des fils humains. Col. 624 D. Fils de Dieu, il était Dieu lui-même, col. 625 B. Cf. De communibus notionibus, col. 181 A.

Le Verbe s’est fait chair après avoir créé la chair. Cont, Eunom., t. IV, col. 637 B ; cf. De ftde ad Simplicium, col. 137 B. Enfin le Verbe, en tant que Verbe, reçoit le nom de fils unique, |j.ovoysw, < ;  ; par rapport à la création il est dit premier-né npoiTÔToxoç ; et, pour l’incarnation, il s’est fait chair. Cont. Eunom., t. II, col. 504 D-505 A.

e. Didyme l’Aveugle. Dans le De Trinitatc, Didyme envisage la théologie du Verbe sous ses multiples aspects. On n’y trouve d’ailleurs rien d’original ; mais c’est l’expression de la doctrine traditionnelle. (Nous laissons de côté le De Spirilu Sancto dont on ne possède qu’un texte latin.) Identité du Verbe et du FUS (de Dieu), t. I, VIII, P. G., t. xxxix. col. 277 A : cf. ix, xv, col. 289 H, 32(1 A ; t. II, i, col. 118 C-152 H ; cf. vii, 8. viii, t. xxviii, col. 588 A. 612 A. 753 A. 761 A ; I. III. iii, col. 8(19 C ; cf. iv, x, XXVIII, col. 831 C, 855 A, 856 C, 9Il C. Le Verbe est Fil8 unique, 1. II. II, col. 16 1 ; cf. v, col. 495 AH ; lui seul peut être Fils, et non l’Esprit, t. II, v, col. 489 B-193 C ; cf. I. II. viii. 1. col. 632 A ;

t. III, iv, xviii, col. 836 BC, 876 D. Il est éternelle

ment Fils. I. I. xv. col. 320 A ; cf. xvi. col. 333 A : et le Père n’existerait pas sans lui. xxvii, col. 400 H. Verbe de Dieu. I. III. xix. col. 892 À et xxii. col. 917 H, il est engendré de l’hvpostase fie Dieu (consubstan tiel), 1. II. ii, col. 161 A : cf. IV, col. 181 A. Dès le principe, il est près de Dieu. I. III. ii, 19, col. 793 C ; il n’a donc pas été créé. I. III, III, col. 805 C sq., et le texte de Prov., vin. 22 25, invoqué par les ariens. S’applique à la sagesse créée en nous. Col. 813 H. Quant au Fila Verbe, il est engendré de toute éternité splendeur et empreinte de la substance du l’en

(Heb., [, 3), et ensuite il n’est plus engendré, ibid. ; cf. col. 825 AB. Il est Dieu lui-même, t. II, vii, S, col. 592 A ; cf. xix, col. 732 A ; xxiv, col. 745 CD ; t. III, x, col. 853 C ; 857 B ; xxiii, col. 924 C. Une formule concise résume toute cette théologie : ’O (i.ovoY£VY ; ç 0eôç A6yoç, col. 977 C. Il y a donc communauté de biens parfaite entre le Verbe et le Père, sans aucune diversité essentielle. L. ii, viii, 1, col. 617 B. Coéternel au Père, t. I, xv (Joa., i, 1), col. 296 B297 A, il en est l’image parfaite et sans dissimilitude. L. I, xvi, col. 336 C-337. Incréé, il est cause de tout ce qui est créé ; vie, il communique la vie à tout ce qui existe et subsiste par lui (Joa., i, 2 et Ps., xxxiii (xxxii), 6), t. I, xv, col. 301 AB ; cf. xxxii, col. 425 C ; t. II, vi, 4 et 19, col. 520 B, 549 B ; vii, 3, col. 564 B ; 575 B ; viii, 1, col. 616 AB ; t. III, ii, 4, col. 789 A ; iv, col. 835 A. Movoyevyiç par rapport au Père, il est 7rpa>TÔTOxoç relativement à la création. L. III, iv, col. 836 A. Voir col. 837 B-840 À l’explication du primogenitus ex multis fralribus (Rom., vii, 29).

Bien qu’il faille rapporter au Verbe les théophanies de l’Ancien Testament, notamment l’Ange de Jahvé, la manifestation la plus personnelle du Verbe est dans l’incarnation, t. I, xxxii, col. 428 C ; cf. t. II, vii, 3, col. 569 CD. Mais le Verbe s’est incarné tout en demeurant, comme Verbe, immuable. I, xx, col. 372 B ; cf. II, vii, 8, col. 589 A.

I. Saint Cyrille de Jérusalem.

Les catéchèses n’ont que quelques mots sur le Verbe de Dieu ; mais l’essentiel de la doctrine catholique s’y trouve. Le Verbe n’est pas la parole proférée qui se dissipe dans l’air, mais le Fils, Verbe divin, qui entend la voix du Père et lui parle. Cat., iv, n. 8, P. G., t. xxxiii, col. 465 A. Ce Verbe subsiste substantiellement, doué de volonté et tout-puissant, Cal., xvi, addit., n. 1, col. 964 C ; il est engendré du Père de toute éternité. Cat., xi, n. 10, col. 702 B.

g. Saint Épiphane. — Bien que la théologie du Verbe ne soit pas étudiée directement par ce Père, on en découvre, dans le Cont. hær., les éléments essentiels, surtout t. III, hær., lxxvii : le Verbe est consubstantiel au Père, même après l’incarnation, car il est demeuré ce qu’il était, tout en s’unissant notre humanité (s’il y avait eu changement, la Trinité aurait été détruite), n. 4-6, 9-10, P. G., t. xlii, col. 645 sq. ; la divinité demeure sans changement, n. 11, col. 656 CD. Le Verbe ne saurait être séparé du Fils ; il est le Fils, ibid., n. 13, col. 660 A. Cf. Hær., xxxi, 28-29, col. 529.

h. Saint Jean Chrysostome. — L’essentiel a été dit à Jean Chrysostome, t. viii, col. 674 et à Hypostatique (Union), t. vii, col. 461. On consultera néanmoins les homélies sur saint Jean, P. G., t. lix. Le Verbe est Fils monogène de Dieu, éternel, hom. ii, n. 3, col. 34-35 ; cette éternité est enseignée par saint Jean ( ?jv, erat), hom. iii, col. 39-40. Aussi, le Christ, en tant que Verbe, n’a pas été créé. Col. 42. La note la plus métaphysique est donnée par l’homélie iv : « Le Verbe était près de Dieu (Joa., i, 1) :

ryJTOÇ Se Ô XÔyOÇ oÙtTÎOC TÎÇ ÈOTtV ÈvU7TÔaTaTOÇ èE, OCOTOÛ

TtposXflotjaa à7ra6c>ç toù Harpôç, col, 47 ; il est coéternel et consubstantiel, au Père, col. 48-49 ; une seule divinité dans l’hypostase propre du Père et du Fils, col. 47. L’homélie v commente le verset : « Toutes choses ont été faites par lui ». Col. 53. Le Verbe, non inférieur au Père par sa substance, col. 56, est Vie et la vertu du Verbe est lumière et vie, non seulement dans la création, mais encore dans la providence. Col. 57.

A propos de l’incarnation, homil. xi, col. 77 sq., saint Jean Chrysostome note que la substance divine ne s’est pas transformée en chair, mais, demeurant ce qu’elle était, elle a pris la forme d’esclave, oiSè

yàp r t o’joiy. (ASTÉTreasv eÎç oàpxoc …àLXà jxévouaa’jTteo fot’.v, oÔtû) tou KouXou t/jv |xopq>i)V àvéXaëev, col. 79. Cf. In episl. ad Heb., c. i, homil. ii, n. 3, 4 ; P. G., t. i.xiii, col. 24, 25. Au v. 6 primogenitus est entendu du Verbe incarné, col. 27.

b) Pères syriaques. — Les Pères syriaques n’ignorent ni le terme de « Verbe » ni le sens traditionnel attaché à ce mot.

a. Aphraate. — Le Christ est le Verbe et la parole du Seigneur, comme l’affirme saint Jean, i, 1 ; il est la lumière qui luit dans les ténèbres. Demonstr., i, De ftde, n. 10, P. S., t. i, p. 22. Au Verbe-lumière, Aphraate applique le ps. cxix (cxviii), 105, p. 26 ; cf. Demonstr., viii, n. 15, p. 390. Le Verbe, Fils de Dieu et Dieu, a pris chair, Demonstr., vi, n. 9, 10, p. 278, 282. Dans Demonstr., xvii, où il est question du Christ, le mot Verbe n’est pas prononcé ; voir cependant p. 784 sq., 788, 790.

Le début de l’évangile de saint Jean est repris dans Demonstr., ym, 15, p. 390-391. Dans Demonstr., xxiii, sans que soit prononcé le mot de Verbe, tous les qualificatifs usuels du Verbe se rencontrent : Dieu, incréé, vertu de Dieu, Fils unique, Vie reçue de Dieu, grâce, etc. P. S., t. ii, p. 99-102.

b. Saint Éphrem. — Dans les œuvres de saint Éphrem, on peut glaner davantage.

Tout d’abord, dans les œuvres publiées en grec et en latin, t. ii, Rome, 1743 ; t. iii, Rome, 1746 (sur la valeur de ces traductions, voir Éphrem (Saint), t. v, col. 190). — « Le (Verbe), Fils de Dieu, né du Père avant tous les siècles, et, dans les derniers temps, incarné de la Vierge… a habité dans le sein de la Vierge, Dieu Verbe ». In transfig. Domini, t. ii, p. 42 DE. Affirmation réitérée de sa divinité, ibid., p. 49 AC, suivie d’une profession de foi résumant la croyance au Verbe et à son incarnation : « Lequel est de Dieu, Dieu Verbe, et Fils unique né du Père, consubstantiel au Père… Verbe avant tous les siècles, inefîablement engendré du Père, sans mère, avant tous les siècles ; c’est le même qui, en ces derniers temps, est né d’une fille de l’homme, de la Vierge Marie, sans père, Dieu incarné, prenant d’elle notre chair, et fait homme, ce qu’il n’était pas, tout en demeurant Dieu, ce qu’il était, afin de sauver le monde. Et lui-même est le Christ, Fils de Dieu, Fils unique du Père et fils unique de sa mère, etc. » Ibid., p. 49 DF.

Ce t. n contient deux œuvres intitulées Testamentum. La première, p. 242 B, parle du Verbe de Dieu, Fils du Père ; la seconde, citée à l’art. Fils de dieu, sans parler du Verbe, établit l’égalité et la consubstantialité du Fils et du Père, p. 404 BC. Dans Adversus hæreticos, nouvel acte de foi en celui qui, « étant le Verbe de Dieu, est né homme de la Vierge Marie ». p. 283 EF ; et cette humanité fut réelle et non simplement apparente. Ibid., p. 265 C.

De pieuses élévations se lisent dans le t. m : foi eh l’incarnation du Dieu qui viendra juger les hommes à la fin du monde. In adventum Domini, p. 137 DE. Dans l’exhortation Ad Joannem monachum est rappelée la foi de Nicée, p. 408 D, 409 AB, avec l’affirmation, appuyée sur Joa., i, 1, que le Christ est Dieu, p. 410 CD. Mais la chair du Verbe n’est pas venue du ciel ; elle est de la race de David, p. 412 E. On trouve aussi, sans le nom du Verbe, d’excellents éléments de théologie trinitaire ou christologique dans le discours suivant « sur ceux qui scrutent la nature du Fils ». P. 422 EF.

Deux belles prières : Éphrem invoque 1’ « Agneau sans péché, lumière véritable et sans déclin, Sagesse, Vertu de Dieu, splendeur de sa gloire, incomparable Jésus », p. 487 C. Et à Marie : « O Vierge souveraine, Mère de Dieu, qui avez engendré le Verbe, Fils unique

de Dieu, auteur et Seigneur de toute créature visible et intelligente, seul Dieu de la Trinité, Dieu et homme », p. 551 A…

Dans le recueil des œuvres en syriaque-latin, les tomes ii, Rome, 1740, et iii, Rome, 1743, fournissent une heureuse contribution à la théologie du Verbe. Les Sermones in Natalem Domini, t. ii, p. 396-436, sont remplis d’allusions aux mystères de la Trinité et de l’incarnation. Le Verbe toutefois y est rarement désigné sous ce nom : Éphrem parle en passant du Verbe du Très-Haut qui s’est fait chair, p. 4Il B ; le Dieu-homme ne constituant qu’une seule personne, p. 419 C. Mais, dans le t. iii, les Sermones de fide advenus scrutatores élèvent fréquemment la pensée d’Éphrem vers le Verbe : xxv, p. 43 CD ; xxvi, p. 45 B ; xxxiii, p. 59 CF ; xxxv, p. 63 B ; lu, p. 95 F ; lui, p. 100 CF ; lvii, p. 108 EF ; lix, p. 113 DE ; lx, p. 115 CE ; lxi, p. 117 A ; lxxvii, p. 142 C. Cf. Parœneses, iii, p. 379 F ; liv, p. 519 B ; De diversis, i, p. 599 B ; iii, p. 605 A.

c) Les auteurs latins. — Les auteurs latins de cette seconde phase n’apportent qu’une maigre contribution à la théologie du Verbe. Quelques noms cependant doivent être retenus.

Nous avons déjà rencontré Grégoire d’Elvire. Dans le De fide contra arianos (parmi les œuvres d’Ambroise), il rappelle que le Verbe n’est pas une simple parole, un son de voix, mais ce Verbe de Dieu, Dieu lui-même dont parle saint Jean, i, 1-3. P. L., t., xvii col. 550, 554. Il interprète du Verbe johannique le ps. xliv, 2 (eruclavit cor meum Verbum), col. 553. Il démontrel’équivalence de l’ô(i.oo>j<noç aux affirmations de l’Écriture, col. 555, 557 sq. Le Verbe fait chair n’a pas pour autant modifié sa nature divine, col. 565.

Le traité De Trinitate du prêtre luciférien Faustin commente les affirmations du prologue de Jean en un sens absolument décisif pour la foi catholique en la divinité du Verbe, c. i, n. 2-3, 7-8 ; c. iv, n. 2. Le Verbe est Fils de Dieu et Sagesse de Dieu, c. v, n. 1, 3-4 ; Sagesse éternelle, coexistant à Dieu avant toutes chose, c. vi, P. L., t. xiii, col. 39-40, 43, 68, 70, 71-72, 73-76.

On trouve également de bonnes indications dans saint Philastre de Brescia, De ha’resibus, 38, 65 : Le Verbe de Dieu est le Christ, Fils de Dieu, de la même substance que Dieu, personnel et coéternel au Père, 70 ; le Verbe fait chair demeure sans changement, 109, 110, P. L., t.xii, col. 1155, 1178, 1184, 122<>1230. Les questions proprement christologiques sont touchées aux n. 50, 51, 66, 67, 68, 75, 89, 91-93.

Sur la doctrine exacte, encore que maladroitement exprimée de saint Pacien, voir Pacien (Saint), t. xi, col. 1720-1721.

La théologie du Verbe chez saint Ambroise n’a rien d’original ; mais elle a le mérite de condenser, avec une orthodoxie parfaite, l’enseignement antérieur. On la trouve dans le De fide, le De Spiritu Sancto, et le De inc’irnatione, l>. L., t. xvi (1845). Il faut confesser la divinité et l’origine divine du Verbe, sagesse de Dieu, De fide, I, 10. col. 531 A ; II. 2-3. col. 559-560 (ici Ambroise fait appel aux expressions scripturaires marquant des attributions du Verbe : splendeur de la gloire, caractère de la substance, miroir de Dieu, image de la majesté). Il appelle le Verbe : sagesse de sagesse, vérité de vérité, vie de vie. Ainsi le Verbe est Dieu et éternel, coéternel au Père, Dr incarnat., I 1 -22 ; 23 sq.. col. 821824, 824-827. Il est la parole de Dieu. De fide, II, 77, col. 576, et sa gloire est la gloire du l’ère, II, 82. col. 577. Il est COnSUbstantlel au l’ère, Dr incarnat., 52, col. 831 C ; cꝟ. 57, col. 832 ; et Dr Spir. Sancto, II, 121, col. 768 C Cette doctrine ressort des paroles du prologue de Jean. De fidr, I, 56, 57, col. 541 A.

123, col. 556 ; II, 29, col. 565 ; III, 58, col. 601 BC ; V, 18, col. 653. À cette doctrine sont appliqués le ps. cxviii, 89, dans De fide, I, 63, col. 543 ; le ps. xlv (xliv), 2, dans I, 126 ; II, 29 ; col. 557, 565 ; le ps. ciii, 24, dans III, 45, col. 599. Pour ce qui est de Joa., i, 3-4, Ambroise se rallie à la leçon : Quod factum est in ipso vita erat ; cf. De fide, III, 41-43, col. 598 ; cette ponctuation ne saurait être préjudiciable à la divinité du Verbe. Ibid., 44, col. 598.

Le Fils est le Verbe ; c’est une impiété de distinguer le Verbe du Fils de Dieu, De incarnat., 48, col. 830, ou de dire que le Christ n’est pas le Verbe, 47. Le Fils est le Verbe, non un verbe extérieurement proféré, ou encore le verbe purement intérieur, mais un Verbe opérant, vivant, guérissant. De fide, IV, 72-74, col. 631 ; cꝟ. 101, col. 637 ; 111, col. 638. Ce Verbe, Fils de Dieu, procède du Père par génération et, bien qu’il ne puisse engendrer lui-même, le Verbe est tout-puissant comme le Père, III, 77 sq., col. 605606. Mais le Verbe ne fait rien sans le Père, IV, 6669, col. 629-630 ; cf. De Spir. Sancto, II, 135, col. 771 ; tout a été fait par lui, De fide, IV, 139, col. 644. Il est le Verbe de vie dont parle saint Jean (I Joa., i, 2), De Spir. Sancto, I, 151, col. 739 ; Verbe même de Dieu, distinct du Père et de I’Esprit-Saint, ibid., II, 53, col. 754. Si l’Esprit est le glaive de la parole (ou du verbe) de Dieu, Eph., vi, 16-17 ; le Verbe est aussi le glaive de l’Esprit. De Spir. Sancto, II, 121, col. 768.

Tout en demeurant Dieu, le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire s’est fait homme. De fide, III, 66, col. 603. Immuable dans sa substance, De incarnat., 55, col. 832 ; impassible dans sa nature, 45, col. 830, l’incarnation n’a pas modifié le Verbe dans sa divinité, 59-63, col. 833-834.

En somme, doctrine extrêmement traditionnelle et sûre, avec des applications contestables au Verbe personnel des textes relatifs à la « Parole » de Dieu dans l’Ancien Testament.

L’expression Verbum calciatum (allusion à Joa., i, 27) employée pour désigner le Verbe incarné, se lit chez saint Ambroise, In ps. c.xiiii, serm. xvii, n. 18, P. L., t. xv, col. 1446 ; mais aussi chez Gaudentius de Brescia, Serm., v, P. L., t. xx, col. 874 B, et chez saint Grégoire le Grand. In Evang., homil. vii, n. 3, P. L., t. lxxvi, col. 1101 C-D.

Après la crise arienne.

Après la crise arienne,

les préoccupations des Pères se tournent plutôt vers les questions christologiques et le mystère de la Trinité, ainsi que l’étude directe du Verbe, passent au second plan. Seuls, quelques noms méritent d’être relevés.

1. En Orient. Saint Cyrille d’Alexandrie

plus complètement, saint Jean Damascène, plus succinctement, ont encore envisagé le problème dogmatique du Verbe considéré en lui-même.

a) Saint Cyrille. — On peut glaner, dans les deux ouvrages de saint Cyrille, consacrés à l’exposé et à la défense de la Trinité, le Thésaurus et les dialogues De Trinitate, tout un traité dogmatique et apologétique du Verbe. Mais c’est tout d’abord dans le commentaire sur saint Jean, P. G., t. î.xxiii. qu’on en trouve la quintessence. Le Verbe est éternel, consubstantiel au l’ère, l. l, c. i, u. iii, col. 24-32 ;

37-42. La foi n’admet aucune distinction entre le Verbe et le Fils. c. IV, col. 53 sq., et elle enseigne que le Verbe est l’image et [’empreinte du Père, col. 73-76. Créateur avec le l’ère, le Verbe, en raison de sa COnsubstantlalité, ne saurait en être le simple ministre. C. v, col. 77 ; cf. c. ix, col. 157. Selon sa nature même, le Verbe est vie et vivifiant. C. VI, col. 85 sp. Il est lumière et lui seul est la vraie lumière.

c. vii, col. 93 sq. ; c viii, col. 112. Le Verbe s’est

incarné. C. ix, col. 157 sq. On retrouve un bref commentaire de Joa., i, 1, dans le Thésaurus, xxxii, col. 529 D-533 C.

Ces idées maîtresses sont développées et défendues contre les hérétiques dans les deux ouvrages cités plus haut, tous deux dans le t. lxxv. Cyrille y parle plus volontiers du Fils que du Verbe en raison des objections qu’il est appelé à réfuter. Fréquemment, cependant, il envisage le Verbe éternel, consubstantiel, procédant du Père dans la même essence divine et gardant, dans l’incarnation, toutes les propriétés de la divinité. Telles sont, en effet, les indications générales qu’on trouve résumées dans les titres des Dialogues, et qui se retrouvent équivalemment dans les assertions du Thésaurus. Signalons quelques traits plus particuliers :

L’éternité du Verbe, Thés., iv, a pour corollaire sa coéternité au Père, v : « Dieu n’est pas devenu Père par une prérogative surajoutée ; mais le Verbe qui a procédé de lui, lui est coéternel ». Col. 64 B. La consubstantialité existe entre le Père et le Fils, sans qu’il ait division ni corruption du Père dans la génération du Fils, vi, et réciproquement, sans que, procédant du Père, l’essence du Fils subisse en cela aucune détérioration ou diminution, xiv, col. 233 B, ou reçoive un perfectionnement, une sanctification, puisqu’elle les possède par elle-même, xxiii, col. 385 AB ; cf. xiv, col. 237 A. Ainsi, le Fils ou Verbe est vie, lumière comme le Père. De Trin., ii, col. 741 C. Il est la sagesse, ibid., col. 776 B ; il est Dieu de Dieu, iv, col. 885 B ; iv, col. 906 D ; v, col. 928 C. La consubstantialité et la coéternité du Verbe sont enseignées dans le De Trin., i et ii, spécialement i, col. 693 C ; 700 C. L’éternité semble à Cyrille marquée dans Joa., i, 1, par l’imparfait îjv. De Trin., iii, col. 832 C. La génération éternelle du Verbe, De Trin., ii, col. 757 B, est en Dieu, non volontaire, mais naturelle et nécessaire. Thés., vii, col. 84 CD.

Les objections contre la consubstantialité et l’éternité du Verbe, spécialement celles tirées de Prov., vin, 22, sont réfutées. Thés., x, xi, xv, xix. Non seulement le Verbe n’est pas une créature, mais toutes choses ont été faites par lui, ibid., xv ; cf. xxix, col. 433 BD ; 456 B ; xxxii, col. 492 CD ; 497 C. Il est le Verbe créateur que doivent adorer les créatures, ibid., xv, col. 268 A ; cꝟ. 260 CD ; 265 D. Voir aussi De Trin., iv, col. 860, 877 D, 900 C. Le Père crée par le Verbe, par la vertu et la sagesse du Verbe. Ibid., iv, col. 917 D.

Le Verbe est l’unique engendré, le « monogène », « fruit de l’essence divine », procédant du Père, Thés., xv, col. 268 A ; cf. xiii, col. 209 B ; donc, engendré « avant tous les siècles » (Eccli., xxiv. 9). Ibid., xv, col. 288 B. S’il est dit le « premier-né « des créatures, c’est en raison de l’humanité qu’il a prise sans cesser d’être Dieu et en conservant toutes les prérogatives de la divinité. Ibid., ix, col. 117 B120 B. Aussi, après son anéantissement dans l’humanité, le Verbe est resté Dieu. De Trin., iii, col. 828 A ; iv, col. 864 D. Il en a gardé toutes les perfections. Ibid., iv, col. 880 D-881 AB ; cf. v, col. 936 D. Ce qui est divin et éternel est appliqué par l’Écriture, en parlant de Jésus, au Verbe de Dieu. De Trin., i, col. 680 C-681. Les affirmations concernant l’humanité ne se rapportent pas au Verbe comme tel. Ibid., vi, col. 1001 sq. Sur l’interprétation d’Unigenitus et de Primogenitus, voir De Trin., i, col. 693 B ; iv, col. 885 B, 889 B ; v, col. 933 D, 936 A, 968 AC.

Mais le Verbe et le Fils ne sauraient être distingués l’un de l’autre. Thés., xix, col. 313 sq. ; xxxiii, col. 525 C ; De Trin., ii, col. 713 C. Du Fils et du Verbe, même incarné, nous devons dire qu’il est l’image, l’empreinte, la splendeur du Père. Thés.,

vin, col. 101 ; xii, col. 197 C ; xx, col. 310 A. Le Fils ne peut être appelé une créature, car il ne serait plus le Verbe, ibid., xxi, col. 336 B sq., et la science du Verbe incarné est sans ignorance possible, xxii, col. 369 sq., 373 sq., nonobstant Matth., xxiv, 36.

En conclusion, on peut citer ce texte du Thésaurus, où Cyrille reprend les expressions de son commentaire sur saint Jean et de saint Jean lui-même : « Le Verbe de Dieu est vivant, procédant du Dieu vivant et toujours existant. Et Dieu n’a jamais existé avant lui et n’a jamais été sans le Verbe. Le Verbe était donc Créateur de toutes choses et toutes choses ont été faites par lui et sans lui rien n’a été fait. » Thés., xvi, col. 300 A ; cf. xiv, col. 237 A : xxviii, col. 492 C. Et, bien que le Verbe ne se soit révélé à nous que par l’incarnation, il existait de toute éternité : la lumière qui pénètre soudain dans un endroit obscur existe bien avant cette pénétration. De Trin., iii, col. 817 D.

Chose remarquable : peu après saint Augustin, saint Cyrille esquisse la théorie psychologique du Verbe, De Trin., ii, col. 769 AB, laquelle devait exercer chez les Latins une influence si considérable.

b) Saint Jean Damascène. — Le Damascène exprime plus brièvement la doctrine du Verbe dans son exposé de la foi orthodoxe. Sur sa doctrine générale, voir Jean Damascène, t. viii, col. 721. En comparant le Verbe divin au verbe humain, il montre celui-là engendré de Dieu, éternel, consistant en lui-même, vivant et parfait. De fid. orth., t. I, c. vi, P. G., t. xciv, col. 801 C. Cf. c. vu et vin. Par là, le Verbe est la figure, la splendeur du Père ; il est le Fils et le « Monogène ». Ibid., c. viii, col. 816 C. On ne doit donc pas le considérer comme l’instrument du Père. Ibid., col. 820 AB.

Dans l’incarnation, le Verbe est une personne composée, t. III, c. vii, col. 1008 sq. ; sa divinité resta impassible, c. xxvi, col. 1093 C, et demeura, même dans la mort du Christ, unie à son âme et à son corps. Ibid., c. xxvii, col. 1096 C.

Sur l’incarnation elle-même du Fils de Dieu, voir t. viii, col. 731-735.

2. En Occident : saint Augustin. — Il convient de signaler brièvement son exposé du dogme, le point de départ de sa théologie et son influence.

a) Le dogme. — Du Verbe, Augustin rappelle la génération éternelle, ineffable, impossible à comprendre et même à connaître, sinon par voie de révélation. In ps. XLIV, n. 4, P. L., t. xxxiv, col. 496 ; Epist., cxviii, n. 23, t. xxxv, col. 443. S’inspirant de son exégèse de Joa., i, 3, voir ci-dessus, col. 2641, Augustin déclare que toutes choses sont dans le Verbe, éternelles avec lui. Confess., t. XI, n. 9, t. xxxii, col. 812-813 ; De Trin., t. IV, n. 3, t. xi.n, col. 888. En lui, tout est vie, tout est un, ibid. ; en lui est la vie ; il est lui-même la Vie. De Gen. ad litt., t. II, n. 12, t. xxxiv, col. 268 ; cꝟ. t. I, n. 10, col. 240-250. Le Verbe est aussi la lumière de la sagesse, ibid., n. 11, col. 250 ; cf. In Joa., tract. II, n. 6, t. xxxv, col. 1391.

b) La théologie du Verbe. — À ce point précis de son exposé Augustin commence la théologie proprement dite du Verbe. Afin de mieux saisir la doctrine trinitaire, il cherche, dans les créatures, des analogies. Voir Trinité, col. 1688. L’âme humaine lui en fournit une très adaptée, celle de la pensée s’exprimant elle-même par son verbe. Le Verbe divin n’est pas une parole, faite de syllabes, car il est éternel, Enarr. in ps. ciii, serm. iv, n. 1, t. xxxvii, col. 1378. En Dieu, l’expression de la pensée, le « dire » divin est éternel. In ps. xliv, n. 5, t. xxxvi, col. 497, et l’audition de cette parole intérieure est l’être même

du Verbe. In Joa., tract, xviii, n. 9, 10, t. xxxv, col. 1541-1542.

Cette théorie psychologique de la Trinité est exposée principalement dans le De Trinitate, t. IX, c. i sq. et t. XV, c. vi sq., xxvii sq., P. L., t. xlii. L’âme humaine ne peut s’aimer elle-même si d’abord elle ne se connaît et elle se connaît par elle-même. L. IX, n. 3, col. 902. Or, l’esprit, son amour, sa connaissance ne sont qu’une seule et même chose : unis inséparablement, ces trois éléments ne se distinguent entre eux que relativement, n. 4-7, col. 963-964. Mais en se connaissant, l’esprit se forme une représentation de lui-même, le verbe, qui est comme un produit engendré par lui, n. 16-17. col. 969-970. L’amour n’est pas engendré, bien qu’il soit difficile d’en donner la raison. La connaissance, l’amour que notre âme a d’elle-même, est une image de la Trinité. Cette pensée est développée par Augustin, n. 12-13, col. 967. Cf. In Joa., tr. I, n. 8, t. xxxv, col. 1383. Voir les textes les plus suggestifs à Trinité, col. 1689.

Saint Augustin prend également dans la partie supérieure de l’âme d’autres analogies, qui ont été rappelées à Trinité, col. 1688-1691. Cf. De Trinitate, t. XIV, n. 11, 15, col. 1044, 1048 ; t. XV, n. 12, col. 1065-1066. Mais, en ce qui concerne la comparaison du verbe mental, la seule qui nous intéresse ici, on doit noter avec Augustin, qui précise et clarifie la pensée des Pères qui l’ont précédé, que c’est dans ce verbe mental et non dans la parole extérieure que doit être cherché l’analogie avec le Verbe divin, n. 20, car la parole extérieure appartient déjà au corps et nous apporterait plutôt une image du Verbe, fait chair sans cesser d’être Verbe. Col. 1072. En excluant ici la parole extérieure, Augustin n’a en vue que l’aspect matériel de cette parole ; mais il s’agit bien d’un verbe distinct de l’intelligence qui le profère ou plus exactement qui l’engendre : ce verbe n’est pas seulement une pensée, une connaissance, intellif /ere ; il est le terme de cette pensée, exprimant ce qu’elle veut dire et l’exprimant pour le faire comprendre aux autres ; en Dieu, il est le terme du « dire » divin. Cf. Th. de Régnon, filudes sur la sainte Trinité, t. iii, p. 4 13-145 (on corrigera cependant un rapprochement trop peu nuancé entre le verbe augustinien et la parole proférée, X6y°Ç rcpo<popwc6ç, des Grecs, p. I42).

On a fait opportunément observer que saint Augustin reconnaît lui-même quc cette analogie ne saurait être considérée comme une démonstration du mystère. Trinité, col. 1692. À la suite des textes que nous venons d’analyser, il affirme avec insistance les dissemblances considérables qui séparent le verbe mental humain et le Verbe divin, et quelles infériorités (clni là présente par rapport à celui-ci.

c) Influence. — Néanmoins la voie tracée par Augustin servira de modèle à la plupart des auteurs qui aborderont le problème trinitaire. La théorie psychologique aura grand succès et elle se retrouve chez les théologiens do Moyen Age. Quant aux auteurs de la fin de l’âge patristique en Occident, ils ne font guère que reproduire ou commenter les formules augustiniennes. Le seul qui, sur la théologie du Verbe, mériterait de retenir l’attention est saint Fulgence de Ruspe. Comme Augustin et après lui,

Pnlgence trouve dans i ; i vie de l’âme des analogies

de la Trinité. Voir TRINITÉ, Col. 1693. Cf. Ad VÏ0

ntmum, 1. III. c. mi. P. /… i. lxv, col. 203-201 ;.

Conclusion. I es l’eus de l’Église ont reçu de la révélation johannique le terme Logo », Verbum, Sermo, pour désigner la seconde personne de la Trinité. ! ’premier eus. le sens principal qu’ils attribuent au Logos est essentiellement le sens de parole, celui, on l’a vii, rph rapproche le plus le Logos du prologue

Dlr.T. Dl 1 iim.i | 1 1101..

du IVe évangile, de la « parole » de l’Ancien Testament. Ce sens indique bien le caractère propre de la seconde personne qui, par l’incarnation, devait être le porte-parole de Dieu sur terre. Cette manifestation du Père par le Fils répond non seulement au sens du mot Logos, mais encore aux prérogatives qu’attribue au Fils l’épître aux Hébreux : image, empreinte, splendeur de l’hypostase de Dieu. Principe de manifestation, parole révélant la gloire du Père, tel nous est montré par les Pères le Logos, le Verbe qui s’est révélé aux hommes en se faisant chair. Mais le Logos nous est encore présenté, dans la spéculation qui a enrichi le texte et peut-être le sens du prologue johannique, comme la raison suprême des choses, raison qui est la raison même de Dieu et de toutes les créatures. Si le terme « Fils » nous fait mieux comprendre la génération divine, le Logos nous élève, par voie d’analogie, vers un mystère inénarrable. Voir le développement de ces pensées dans Th. de Régnon, op. cit., p. 432-463.

II. la théologie.

Jusqu’au xiie siècle, la théologie trinitaire des Latins est bien pauvre. D’une manière générale, les auteurs proposent assez fréquemment les analogies relevées par saint Augustin dans l’âme humaine. II s’établit ainsi un rapport naturel entre la pensée et le Verbe. C’est là l’embryon des spéculations ultérieures. On s’en tiendra ici à la question générale de la procession du Verbe, afin de montrer la continuité de la doctrine. Les questions proprement scolastiques ont été suffisamment rappelées à Trinité. On marquera aussi certaines déformations de la notion traditionnelle du Verbe.

La procession du Verbe chez les scolastiques.


1. Saint Anselme s’efforce d’expliquer la génération du Verbe par la contemplation que Dieu a de lui-même dans son acte d’intellection. Mais, tout en reprenant ainsi l’explication augustinienne, Anselme, ne distinguant pas entre intelligere et dicere, y introduit en réalité un élément de confusion. Voir Trinité, col. 1710.

2. Hugues de Saint-Victor connaît l’analogie augustinienne tirée de la psychologie humaine. De sacram., t. I, part. III. c. xx, P. L., t. clxxvi, col. 225. Mais il ne parle pas du Verbe : la doctrine du verbe extérieur manifestant le verbe intérieur, c. xx, col. 225, a une portée trop générale pour être entendue du Verbe de Dieu. En parlant de l’incarnation, Hugues envisage plus directement la personne du Verbe, uni à la chair sans en contracter, avec la mortalité, la souillure. !.. II, part. I, c. iii, col. 374. Et si Jésus-Christ est Fils de Dieu et Dieu lui-même, c’est qu’il est le Verbe de Dieu. Part. II, c. iv, col. 380.

3. La Summa Sententiariun. plus succincte, comporte plus de précision. L’auteur identifie Fils, Verbe et Sagesse divine. Tract. I, c. vi, col. 51-52. Les noms Verbe. Fils, « Engendré » ou « Né » sont propres à la deuxième personne. Ihid., c. viii, col. 53. Le Verbe procède naturellement du Père, Ibid. Enfin, réflexion assez inattendue quant au Verbe, seul le terme Fils est relatif, mais non Verbe ou sagesse. C. xi, col. 59. Dans l’exposé de l’incarnation, on retrouve Vhnmo assumptus a Verbo. C. xv, col. 71. Dans l’Incarnation, tout le divin affirmé du Christ l’est en raison de l’union de l’humanité au Verbe. Col. 77.

4. Pierre Lombard est en progrès sensible, et dans la doctrine et dans la terminologie. Après avoir rappelé l’analogie trinitaire qu’exprime l’âme humaine. Seul.. 1. dist. 111. n. 18, P. L., t. c.xr.n, col. 532, il compare notre verbe humain au Verbe divin. I, dist. V, n. 12 (tin), roi. 530. el amorce l’affirmation que le Verbe est lils par nature, n. 13. ibid., affirmation qu’il défendra plus loin contre ceux qui disent que, de la

XV.

84.

part du l'ère, sa génération est volontaire. Dist. VI, n. 1, 2, col. 540. Le Verbe de Dieu est appelé en toute propriété Sagesse de Dieu et cependant toute la Trinité peut être dite sagesse. Dist. X, n. 3, col. 550. La première assertion est prouvée au n. 5, col. 550. Dans la dist. XXVII, le n. 5 est consacré à marquer l'équivalence des termes Verbe, Fils et Image, col. 59C. Mais, à la différence de la Summa Sententiurum, le Lombard affirme nettement que le Verbe ne peut être ainsi appelé que relativement à celui dont il est le Verbe : Verbe, Image et Fils sont des noms relatifs. Ibid. Et il conclut par la phrase qu’avait consacrée l’autorité de saint Augustin : Eo quippe Filius quo Verbum et eo est Verbum quo Fitius.

5. Richard de Saint-Victor est un augustinien quelque peu infidèle à l’enseignement du Maître. Pour justifier en Dieu la trinité des personnes, voir Trinité, col. 1718, c’est à l’amour plus qu'à l’intelligence que Richard s’adresse. Saint Augustin avait bien envisagé l’amour naturel de Dieu pour lui-même, mais, pour fournir une explication plus immédiate de la Trinité, Richard invoque l’amour personnel : amour personnel du Père engendrant le Fils pour avoir un compagnon digne de lui, condignum habere voluit ; amour du Père et du Fils voulant posséder un ami commun, condilectum. De Trinitate, t. VI, c. vi, P. L., t. cxcvi, col. 971 D ; cf. c. viii, col. 973 : « L’Innascible veut avoir un condignum qui procède de lui pour être son image ; et cela me semble être la même chose qu’engendrer le Fils. L’Innascible et le Fils veulent à la fois avoir un condilectum et cela me semble être la même chose que produire le Saint-Esprit. » Ibid., c. xvii, col. 982 BC.

Une théologie du Verbe, élaborée en fonction d’une procession selon l’intelligence, tiendrait ici une place secondaire. Si le Fils est l’image du Père, ce n’est pas, comme l’avait exposé saint Augustin, qu’il soit l’expression substantiellement conçue, c’està-dire le Verbe mental, de sa perfection essentielle : le Fils est l’image du Père parce qu’il lui est uni dans la spiration active : « La raison pour laquelle le Fils est seul l’image parfaite du Père est donc en ceci que, de même que la plénitude de la divinité émane de l’un, la même communication de plénitude émane de l’autre ; et que le Saint-Esprit ne reçoit pas moins de l’un que de l’autre. » L. VI, c. xi, col. 975 D. Sur la discussion de cette opinion, voir, pour la critique, Petau, De Trinitate, t. VI, c. vii, § 4 ; pour la défense, Th. de Régnon, op. cit., t. m. p. 272-276.

A quoi se réduira donc la notion du Verbe ? Richard, se rapprochant ici du concept primitif du Logos, entend le mot Verbe dans le sens non d’un concept intérieur, mais d’une parole expansive, revêtement de la parole intérieure du cœur :

Une seule et même vérité est conçue par le cœur, proférée par le verbe et apprise par l’audition. Le verbe tient son être du cœur seul ; l’audition provient et du cœur et du verbe… Dans le Père, la conception est de toute vérité, dans son Verbe, renonciation est de toute vérité ; dans le Saint-Esprit, l’audition est de toute vérité, in Pâtre onmis veritatis conceptio, in ejus Verbo omnis veritatis prolatio, in Spiritu Sancto omnis veritatis auditio. Ibid., t. VI, c. xii, col. 977.

On voit par ce texte combien, dans la pensée de Richard, même dans la conception et l’expression de la vérité, l'élément affectif tient une place prépondérante.

6. Alexandre de Haies se sépare sur plus d’un point, de son maître Richard de Saint-Victor. Celui-ci avait amoindri au possible la valeur des termes Fils et Verbe. Alexandre rend à ces noms Fils, Image, Verbe, la primauté que leur assigne la révélation. Toutefois, le mot Verbe ne vient qu’en troisième

lieu. Voir Trinité, col. 1733-1734. Sa conception du Verbe divin est quelque peu différente de celle qu’avait proposée saint Augustin. Alexandre, en effet, estime que le Verbe ne peut être conçu comme le terme de l’intelligence divine. La pensée divine, selon lui, doit être représentée, non comme une opération, mais comme un étal. C’est dire que la pensée divine ne saurait, même en simple raison, être distinguée de la substance. En Dieu, penser et être sont des réalités absolues. Esse enim in diuinis dicitur absolule ; similiter intelligere in diuinis de se dicitur absolule. I", q. xlii, memb. 2, resol. De se, car le Verbe accompagne la pensée divine. Celle-ci, en effet, ne peut être inférieure en perfection à la pensée humaine qui, par une série d’opérations, aboutit à engendrer son image spirituelle, son concept mental. Ainsi, tout en conservant le point de départ augustinien de l’analogie psychologique, Alexandre semble abandonner la voie tracée par l'évêque d’Hippone, pour aboutir cependant, par un détour, à la même conclusion que lui. I a, q. lxii, memb. 1, a. L « Être en Dieu est un terme absolu et de même penser (intelligere) se dit en Dieu absolument. Mais engendrer, dans l’ordre de l’intelligence, implique une relation. Aussi, selon notre manière de comprendre, engendrer et penser (intelligere) ne sont point identiques. Mais engendrer accompagne penser. Par exemple : dans l'âme humaine, quand nous avons dit : l’esprit se connaît, nous pouvons ajouter, l’esprit engendre l’idée de lui-même, et cependant il ne suit pas que dans notre esprit, se connaître et engendrer la connaissance de soi-même soit la même chose. Et, bien que ce soient choses différentes, nous pouvons dire que l’un accompagne l’autre. Pareillement, dans l'Être divin, penser et engendrer son idée ne sont pas la même chose, et cependant la pensée en Dieu s’accompagne de la génération de sa propre idée et de son image. » Id., ibid., memb. 2.

7. Saint Bonaventure.

Peu de choses sont à ajouter à ce qui est dit de lui. En ce qui concerne la génération du Verbe, cet auteur retient l’idée fondamentale d’Alexandre de Haies. Penser, connaître, contempler sont des termes absolus. Former un Verbe, l’exprimer, l’engendrer impliquent relation. Il y a donc, dans la génération du Verbe, autre chose que le simple « penser » du Père.

Verbe présuppose connaissance, génération et image ; connaissance dans l’intelligence qui contemple, — génération dans la conception intérieure, — image dans la conformité à l’objet pensé. De plus, la notion de verbe ajoute à tout cela la notion d’expression.

Or, la contemplation dans l’intelligence est quelque chose d’absolu et, par conséquent, il en est ainsi de la sagesse et de la connaissance. Mais la conception et la ressemblance disent une relation et c’est pour cela que les noms de Fils, d’Image et de Verbe sont des noms personnels.

Par là on comprend l’ordre et la distinction de ces noms. Sagesse ou connaissance viennent d’abord, rappelant l’acte intellectuel. Puis le nom « Fils » qui rappelle l'émanation elle-même ou la conception ; puis le nom « Image », qui rappelle le mode d’expression en quoi consiste l'émanation ; en troisième lieu, le nom Verbe qui rappelle toutes ces choses, et y ajoute le caractère d’exprimer et de manifester. In I" m Sent., t. I, dist. XXVII, part. II, a. 1, q. ni. Trad. de Régnon, op. cit., t. iii, p. 524.

Pourquoi donc seul le Père peut-il « dire » un Verbe ? et cela par une opération qui a les caractères de la génération ? C’est que produire un verbe n’est pas formellement identique à connaître ou à penser ; pour produire un verbe il faut une intelligence naturellement féconde. Cette interposition de la fécondité entre la connaissance intellectuelle et le verbe divin est le trait caractéristique de l’explication bonaventurienne ; elle nous donne la raison profonde pour laquelle la personne du Fils n’est pas, d’après le Docteur séraphique, selon l’intelligence, mais selon

la nature (féconde) : « La raison totale du Verbe n’est pas dans la connaissance ou l’expression, mais il faut y ajouter la nature et la conception. » In 7um Sent., dist. XXVII, part. II, a. 1, q. i, ad l um ; cf. ad 2um. La différence entre le Verbe divin et notre verbe mental est donc qu’en nous, nous ne pensons que par notre pensée et cette pensée est toujours engendrée, non intelligimus nisi per intelligentiam et illa est semper genila. Mais en Dieu penser appartient à chaque personne et ne suppose pas « concevoir » et n’implique pas en soi la parole ou le verbe, quælibet persona intelligit et ideo intelligere non dicit ibi rationem concipiendi. Ibid., ad 3um.

Ainsi, parce que Dieu est fécond, il engendre un Fils consubstantiel. Et, parce que ce Fils est consubstantiel, il est vraiment l’image de son Père ; et parce que c’est une image sortie d’un sein intellectuel, ’le Fils est une parole véritable « conçue », naissant et manifestant, donc attestant formellement la personne du Père : elle est donc un Verbe. Verbe, parce qu’Image et Image parce que Fils.

8. Saint Thomas d’Aquin est au terme d’une réaction amorcée par Albert le Grand. On a vu à Trinité, col. 1740, qu’Albert, bien que parfois encore hésitant, avait rompu avec la thèse du Verbe procédant par voie de nature, pour adopter celle d’une communication de la divinité par manière de Verbe de vérité, selon l’intelligence. Bien plus, c’est parce que la procession du Verbe est selon l’intelligence qu’elle est une véritable génération. In I" m Sent., dist. X, a. 12 ; dist. XIII, a. 1. Saint Thomas reprend, précise et développe ces idées. On a vu à Fils de Dieu, col. 2471 et à Trinité, col. 1742, 1744, comment saint Thomas justifie, dans la procession du Verbe, la définition donnée par Aristote de la génération véritable. Bien plus, le Docteur angélique montre comment la génération divine, toute intellectuelle, procède uniquement de la paternité : aucun partage entre un père et une mère, comme dans les générations humaines. Le Père seul donne la vie au Fils, le conçoit et l’enfante. Cf. Cont. Gentes, t. I, c. xi. Envisagé comme acte notionnel, 1’ « intellection » du Père équivaut à la « diction » dont procède le Verbe. Ces considérations clarifient l’exposé théologique du dogme et montrent le bien fondé de la doctrine promulguée à Tolède : seule l’opposition des relations multiplie en Dieu les personnes. Saint Thomas prépare ainsi les décisions du concile de Florence.

La doctrine du Verbe selon saint Thomas a été siflisamment proposée à Trinité, col. 1744 sq. Cette doctrine est condensée par saint Thomas lui-même flans son commentaire sur le Prologue de saint Jean. Quatre points méritent d’être relevés : 1. L’analogie humaine du Verbe divin, jadis proposée par saint Augustin, est finement analysée et sagement limitée par le rappel des différences du verbe humain et du Verbe divin. Voir Processions divines, t. xiii, col. 647-648. — 2. La traduction de Logos par Verbum de préférence a ratio est justifiée par le caractère même du rapport ad exteriora que marque le Fils, procédant du Père et manifestant sa puissance opératrice par les créatures, per Ipsum omnia facto sunt. — 3. La coéternité et la consubstantialité du Verbe est le corollaire de la procession du Fils et de la relation de paternité et de libation en Dieu : « Ce qui fait, c Luis les générations humaines, la priorité du générateur, c’est d’abord que le principe générateur est antérieur à la chose produite ; c’est ensuite que la production Implique une BUCCession ; c’est enfin que la volonté qui décide la génération lui est antérieure. Or, tout cela est inexistant en Dieu. En Dieu la génératlon fin Verbe est la conception même de l’intelligence divine, toujours en acte, sans succession et

| cette génération est naturelle. » — 4. Enfin le rôle du Verbe en la création de toutes choses, n’est pas celui d’un instrument. Toutes choses ont été faites conformément à la sagesse du Père, appropriée au Verbe. Et même les œuvres accomplies peuvent être rapportées en propre au Verbe en tant que le Verbe représente les raisons éternelles des créatures. « Le Verbe est pour ainsi dire, comme l’affirme saint Augustin, De Trinitate, t. VI, n. 11, P. L., t. xiii, col. 931, le moyen d’action du Dieu tout-puissant et sage, contenant dans sa plénitude la raison immuable de tous les êtres vivants. » C’est par là que saint Thomas rejoint saint Augustin dans l’interprétation de Joa., i, 3 : Quod factum est, in ipso oita erat. Les créatures, en effet, peuvent être considérées en elles-mêmes ou en tant qu’elles sont dans le Verbe. Dans le Verbe, elles ne sont pas seulement vivantes, elles sont la Vie.

9. Duns Scot. — Avec lui, nous revenons à l’explication des deux processions en Dieu par la voie de nature et la voie de volonté. Ou Dieu est déterminé à agir, ou il se détermine. L’intellection est déterminée par l’objet connu. In / um Sent., dist. II, q. vii, n. 18, 33. La génération du Verbe ne doit pas être attribuée à l’acte de simple connaissance ou d’intellection par lequel Dieu connaît son essence, ibid., n. 15, ni même à cette intellecton conçue en connexion avec la relation de paternité, n. 2-16, mais à un acte logiquement postérieur de diction, produit par la memoria fecunda, c’est-à-dire par l’intelligence en possession de son objet essentiel et cet acte est lui-même le fondement de la relation de paternité. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1882.

Bien d’autres problèmes, plus subtils que théologiques, ont été agités par les scolastiques. L’essentiel en a été rappelé à Trinité. Très particulièrement, les théologiens se sont demandé quel est l’objet de la connaissance du Père lorsque cette connaissance donne naissance au Fils. Voir les diverses solutions à Trinité, col. 1745 et surtout 1817.

Déformations de la notion catholique du Verbe.


1. Chez les protestants.

Les premiers réformateurs ont gardé intacte la foi trinitaire. Calvin, Instit. chrét., t. I, c. xiii, n. 2-7, établit correctement la doctrine du Verbe. S’appuyant sur Gen., i, 3, Heb., I, 2, Prov. viii, 22, il montre que « la Parolle », identifiée avec l’Image et la Sagesse, tout en étant Dieu, a en Dieu une personnalité propre : « Mais ce que sainct Ican en dit est encores plus clair, c’est que la Parolle qui dès le commencement estoit en Dieu est la cause et origine de toutes choses ensemble avec Dieu le Père ; car pour cela il attribue une essence permanente à la Parolle et luy assigne encore quelque chose de

particulier et monstre comment Dieu en parlant m esté créateur du monde… Si faut-il. „ mettre en degré souverain ceste Parolle, qui est la source de toutes les révélations et tenir pour résolu qu’elle n’est sujette à nulle variété et demeure tousiours une et Immuable en Dieu, voire inesme est Dieu. » Col. 155.

Et, contre « aucuns chiens grondant en cest endroict ». il démontre l’éternité du Verbe. Ces « chiens » disent que la Parolle a commencé quand Dieu a ouvert la bouche pour la création du monde i, C’est à tort, car » si quelque chose est manifestée en certain temps ce n’est pas à dire que desia elle ne fust ». Si « la Parolle » s’est montrée alors, c’est que déjà elle était auparavant. Saint Jean a dit que « dès le commencement la Parolle était en Dieu..le conclu donc derechef que la Parolle estant conceue de Dieu devant tous les temps, a tousiours résidé en luy : dont son éternité, sa vraye essence et sa divinité S’approuve très bien. (cil. 157.

De toute évidence ( les antitrinitairei ne pouvaient

garder au Verbe sa personnalité divine. Les premiers 2671 VERBE VERECUNDUS DE JU 2672

en date se rapprochent des conceptions philoniennes. Pour Michel Servet, le Verbe n’est plus qu’un logos intermédiaire à la manière du Logos de Philon :

« La Parole ou le Verbe est le monde idéal, la lumière

incréée… Le Verbe créateur émane l’esprit, l’âme du monde… Cet esprit… a trouvé sa parfaite expression en l’homme Jésus, dans la naissance duquel la substance du Verbe ou de la lumière incréée a tenu lieu de semence paternelle… » Voir Trinité, col. 1775.

— On trouve quelques idées analogues chez les protestants italiens réfugiés en Suisse. Valentin Gentilis fait du Fils, de la Parole, « la splendeur de la gloire de Dieu et ensemble vrai Dieu ». Mais, tandis que le Père est seul essentiellement Dieu, le Fils ou Verbe ne l’est que par participation ; il est Deus essentiatus. Ibid., col. 1777. — Les sociniens sont plus nets. Avec eux, nous tombons dans le pur arianisme. « Le Christ est appelé Verbe par saint Jean, parce que Dieu a fait de lui sa « Parole », c’est-à-dire « la révélation de sa volonté envers les autres hommes. Mais ce Verbe est bien un homme comme nous ». Voir Sociniens, t. xiv, col. 2332.

A mesure que la conception religieuse protestante évolue vers l’interprétation subjective, en raison soit de la théosophie, soit de la philosophie, soit du modernisme, la place et la notion du Verbe dans la Trinité devient de plus en plus problématique. On n’y voit plus qu’une adaptation faite par saint Jean de la philosophie judéo-alexandrine à la vie humaine du Christ. Cf. Keim, Geschichie Jesu von Nazara, Zurich, 1867, t. i, p. 112-113. Les préoccupations sont ailleurs, on cherche une interprétation plus large du dogme dans le sens de la philosophie ou de l’expérience religieuse : la considération particulière du Verbe disparaît dans l’ensemble.

2. Chez les catholiques.

La déformation vise ici beaucoup plus la conception du dogme trinitaire en général ou même du dogme tout court que la doctrine du Verbe. Quelques remarques suffiront.

L’adaptation faite par Gûnther de la philosophie hégélienne au dogme de la Trinité a une répercussion sur sa conception du Verbe divin. Le point de départ est, on le sait, la définition psychologique de la personne :

« conscience de soi ». L’insuffisance métaphysique

de cette définition a été rappelée à Hypostase, t. vii, col. 431. Outre l’apriorisme de cette définition, il serait facile de montrer les multiples défauts de l’exposé trinitaire de Giinther. Voir Trinité, col. 1795 ; cf. Janssens, De Deo trino, p. 385 sq. Une seule remarque retiendra ici notre attention (remarque applicable également à Schell) : la doctrine catholique distingue en Dieu deux processions, l’une selon l’intelligence, l’autre selon la volonté ; la première explique le Verbe ; la seconde le Saint-Esprit. Or Günther nous inciterait plutôt à ne voir en Dieu qu’une procession intellectuelle, mais à deux degrés.

Avec Rosmini, nous nous rapprochons davantage du Logos inconsistant de Philon : le Verbe serait la forme intrinsèque et constitutive de tout être fini. Voir ici Rosmini, t. xiii, col. 2932-2933.

Quant aux modernistes, on a vu comment Loisy a exposé la doctrine du Verbe en fonction de l’expérience religieuse des divers auteurs qui en ont parlé et comment aussi, selon lui, le problème qui s’est posé autrefois se pose aujourd’hui à nouveau, la notion de personne, de métaphysique et abstraite qu’elle était, devenant réelle et psychologique.

CONCLUSION. — L’enseignement catholique, sans distinction d’école, s’est aujourd’hui presque unaniment rallié à la doctrine de saint Thomas. Il suffira donc, en guise de conclusion, de rappeler ici les points essentiels de cette doctrine.

1° La première procession en Dieu est la procession du Verbe laquelle est selon l’opération de l’intelligence (Sum. theol.. I a, q. xxvii, a. 1). C’est ainsi que le Père « dit » le Verbe.

2° Cette procession du Verbe est une véritable génération, car elle vérifie la définition acceptée dans l’École : origo vi vends a vivente, principio conjuncto, in simîlitudinem naturæ. La similitude du Verbe par rapport à son principe est, dans une nature intellectuelle, formellement réalisée en fonction de son origine. On n’en peut dire autant de la procession du Saint-Esprit. Ibid.. a. 2, 4.

3° Dans son sens propre, le sens que lui a attribué saint Jean, le mot Verbe est un nom personnel et non essentiel, et ce nom ne convient qu’au Fils. I a, q. xxxiv, a. 1-2. Si parfois on le trouve appliqué au Saint-Esprit, c’est d’une manière métaphorique. Contra errores Grœcorum, c. xii. Quelquefois cependant, une propriété essentielle est appropriée au Verbe, en raison précisément de l’origine intellectuelle de celui-ci : c’est le cas de la causalité exemplaire par rapport aux créatures. I a, q. xxxix, a. 8 ; cf. Cont. Gentes, t. IV, c. xiii.

4° Le Verbe procède selon la connaissance que Dieu a nécessairement de toutes choses, c’est-à-dire de la connaissance de l’essence divine et de ses attributs, des personnes divines et de tous les possibles et, de plus, conséquemment au décret libre de Dieu touchant la création, de la connaissance des choses créées. I a, q. xxxiv, a. 3.

5° La notion d’image est connexe à celle de Verbe, en raison de la ressemblance qui existe entre le Verbe et Dieu le Père en vertu de la génération divine. Si parfois l’Esprit-Saint est appelé < image » par les Pères, c’est d’une manière moins propre. Seul le Fils peut être dit, en propriété du terme, l’Image du Père, Ibid, q. xxxv.

Les auteurs à consulter sur la théologie du Verbe sont :
1° D’abord les grands théologiens du Moyen Age, chefs d’écoles, dont les doctrines ont été exposées à Trinitie, col. 1730-1756.
2° Ensuite les auteurs plus récents ; dont les noms ont été rappelés au début de la synthèse théologique de la Renaissance à nos jours ; ibid., col. 1802-1822.

A. Michel.