Dictionnaire de théologie catholique/VICTORIN DE PETTAU

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 676-679).

VICTORIN DE PETTAU, évêque et martyr de la fin du nr siècle. — Ce n’est guère que par saint Jérôme que nous connaissons la personne et l’œuvre de Victorin, évêque et martyre de Pœtavio (Pettau) sur la Drave : cette ville qui avait appartenu d’abord à la Pannonie supérieure, fut à une époque incertaine incorporée au Soricum meditcrraneiini el telle devait être sa situation administrative à la fin du ni siècle, lorsque Victorin en devint évêque. La date de l’épiscopal de Victorin ne nous est d’ailleurs pas indiquée avec précision ; elle peut être conclue seulement du fait que saint Jérôme, De nir. III.. 7t. signale ce personnage entre Anatole de l.aodicée et Pamphile de César ée ; le même renseignement nous autorise à croire que Victorin termina sa vie au cours de la persécution de Dioclétien qui fit, nous le savons.

d’autres victimes dans les provinces danubiennes.

.1. Zeillcr, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes de l’empire romain, Paris, 1918, p. 53-67. Victorin devait être d’origine orientale, car les auteurs qu’il cite, les inllucnces qu’il subit n’appartiennent pas à l’Occident, obligé par les circonstances de parler et d’écrire en latin, il ne le lit jamais que d’une manière fort Imparfaite : salni Jérôme écrit de lui que sa bonne volonté el sa science étaient liSS.’ï

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paralysées par son impéritie littéraire, Epist, lviii, 10, et qu’il ne connaissait pas le latin aussi bien que le grec. De vir. ill., 74. On ne saurait donc admettre, comme l’écrit Cassiodore, De instit. divin, liller., 7, P. L., t. i.xx, col. 1119 B, qu’il ait été rhéteur avant de devenir évêque ; ce renseignement doit provenir d’une confusion entre lui et le célèbre rhéteur Marius Victorinus Afer dont la réputation était beaucoup plus étendue que la sienne. Était-il venu dans le Norique pour y porter le premier la bonne nouvelle ? Avait-il trouvé à Pœtavio une Église déjà constituée et dont il n’était pas le premier évêque ? Il est difficile de répondre à ces questions, bien que la seconde hypothèse soit plus vraisemblable que la première. Les provinces illyriennes ont toujours été un des terrains préférés de rencontre entre la culture grecque et la culture latine, et l’on ne saurait être surpris de trouver à Pettau, aux environs de 290-300, un évêque originaire de l’Orient.

Saint Jérôme qui, en qualité de compatriote — il l’appelle quelque part Viclorinus noster, Epist., xxxvi, 16 — s’intéressait particulièrement à Victorin, lui reconnaît tantôt plus d’érudition que d’éloquence : etsi imperitus sermone, non tamen scientia, Prolog, in Isai., P. L., t. xxiv, col. 20 ; tantôt plus de bonne volonté que de véritable science : licel desit eruditio, tamen non deest erudilionis voluntas, Epist., lxx, 5, et il laisse entendre que son infériorité provenait surtout de son ignorance de la langue latine. Il n’en énumère pas moins de nombreux commentaires issus de sa plume, si bien que Victorin est pour nous un des pères, sinon le père, de l’exégèse proprement latine, Dans la notice du De vir. ill., 14, Jérôme signale en effet des commentaires sur la Genèse, cf. Epist., xxxvi, 16, sur l’Exode, sur le Lévitique, sur Isaïe, sur Ézéchiel, sur Habacuc, sur l’Ecclésiaste, cf. In Ezech. comment., iv, 13, sur le Cantique des cantiques, sur l’Apocalypse ; et il mentionne ailleurs un commentaire sur l’évangile de saint Matthieu, Translat. homil. Origenis in Lucam, prolog. Ces ouvrages étaient-ils des commentaires suivis ou des recueils de scolies ? « D’après Cassiodore, Instit., i, 5, 7, 9, t. cit., col. 1117 A, 1119 B, 1122 A, Victorin aurait plutôt discuté certains points de ces livres. Saint Jérôme n’en dit pas assez pour que nous portions sur l’œuvre de Victorin un jugement bien ferme ; il nous a néanmoins laissé quelques données. Il nous apprend ainsi que, dans son commentaire sur la Genèse, Victorin interprétait allégoriquement la bénédiction d’Isaac, Epist., xxxvi, 16 ; que, dans le passage de l’Ecclésiaste, iv, 3, suivant lequel un enfant pauvre et intelligent vaut mieux qu’un roi vieux et fou, il voyait une allégorie du Christ et du diable, In Eccles., iv, 3, comment. ; qu’il entendait les sex aise uni et sex aise alleri, dont parle Isaïe vi, 2, des douze apôtres, Epist. xviii, 6 ; peut-être y a-t-il encore un souvenir du commentaire de saint Matthieu dans cette remarque de Jérôme que Victorin regardait les frères du Seigneur non comme des fils de Marie, mais comme des parents plus éloignés de Jésus, Adv. Helvid., i, 17. Cf. J. Zeiller, op. cit., p. 207.

Les commentaires attribués à Victorin sont perdus à l’exception du Commentaire sur l’Apocalypse, dont nous possédons des recensions multiples. Suivant Haussleiter, qui en a publié le texte dans le Corpus de Vienne, la recension originale serait actuellement conservée par un seul ms., V Ottobonianus latin. 3288 A (xve s.), dont il existe d’ailleurs deux copies du xve et du xvie siècle ; cette recension est caractérisée par un millénarisme assez grossier. Une seconde rédaction est due à saint Jérôme, qui l’aurait entreprise sur la demande d’un certain Anatolius : le solitaire de Bethléem explique dans un prologue justifi catif qu’il s’est borné à quelques additions, suppressions et corrections au texte primitif ; en fait son travail a été plus étendu et plus profond qu’il ne veut bien l’avouer. Non seulement il a amélioré le style de Victorin et en de nombreux passages il a substitué à l’ancienne version latine des Écritures, dont se servait Victorin, une nouvelle version latine, mais encore il a supprimé presque tous les passages où était enseigné le millénarisme et il a accru l’exposé de Victorin de toutes sortes d’interprétations supplémentaires, empruntées à droite et à gauche, surtout à Tichonius. Dans une troisième recension dont l’auteur est inconnu, le texte de l’Apocalypse est plus largement cité et la rédaction de saint Jérôme subit elle-même de multiples retouches : c’est cette recension qui est à la base de l’édition de Gallandi et qui a été reproduite dans P. L., t. v, col. 281-344. Enfin, une quatrième recension a utilisé et amalgamé les trois précédentes en y introduisant de nombreuses additions et transpositions.

Le Commentaire de Victorin « est remarquable en deux points : d’abord, il interprète la Bête par Néron, lequel sera le huitième roi de Apoc, xvii, 11 (les sept premiers sont comptés de Galba à Nerva, Donatien, sous lequel Jean a écrit, étant le sixième) ; Dieu le ressuscitera pour le laisser reparaître sous un faux nom comme Antéchrist et ami des Juifs, naturellement des siècles après le septième roi, Nerva. Cette interprétation est fort intéressante : elle mêle la légende juive avec la tradition du Nero redivivus. Victorin n’a guère pu inventer cela de lui-même… (Puis) « Victorin, le premier, a expliqué la théorie de la récapitulation, d’après laquelle l’Apocalypse n’expose pas une seule série continue d’événements futurs, mais répète les mêmes successions d’événements sous diverses formes. Ainsi les coupes ne font qTie répéter ce qui a déjà été révélé par les trompettes… Ce principe qui est très juste et très fécond, pourvu qu’on l’applique avec discrétion, n’a pas été inventé non plus par Victorin. » E.-B. Allô, Saint Jean, L’Apocalypse, Paris, 1921, p. ccxxi.

En plus de ce commentaire, on a attribué à Victorin, avec plus ou moins de vraisemblance, un certain nombre d’écrits, qui sont certainement anciens et qui rappellent la manière de l’évêque de Pettau.

1. Un Tractatus de fabrica mundi, conservé par le ms. 414 de la Lambethana bibliotheca Londinensis (xi-xiie s.), et explicitement indiqué comme l’œuvre de Victorin, a été édité au xviie siècle par J. Cave sous le nom de l’évêque de Pettau. Cette attribution est généralement acceptée : le style médiocre et obscur, les idées teintées de millénarisme la favorisent nettement. Cependant, ce Tractatus n’est pas un fragment détaché d’un commentaire, celui de la Genèse ou celui de l’Apocalypse, par exemple ; il constitue un tout à part et doit prendre place parmi les multa alia dont parle saint Jérôme à la fin de sa notice sur Victorin. L’auteur interprète dans un sens allégorique le récit de la création de la Genèse ; il se livre en particulier à des considérations subtiles sur les vertus du nombre 7 et marque son importance dans le développement de la vie morale. Il est particulièrement curieux de souligner ici l’influence d’Origène qui se combine d’une manière étrange avec les théories millénaristes. Victorin de Pettau, si le De fabrica mundi est bien de lui, fait ici une sorte de synthèse entre les méthodes exégétiques de l’École d’Alexandrie et les conceptions, déjà attardées de son temps, du chiliasme.

2. Un fragment édité par Mercati sous le titre Anonymi chiliastse in Matthseum fragmenta, est caractérisé par un millénarisme très net qui rappelle d’assez près celui du Commentaire sur l’Apocalypse. 2885

VICTORIN DE PETTAU’JSSli

L’auteur, par les allusions qu’il fait au martyre, par l’utilisation d’une version latine de la. Bible assez voisine de celle qu’employait saint Cyprien, se révèle comme ayant dû écrire au plus tard durant les premières années du ive siècle. La langue, fort médiocre, semble même plutôt celle d’un traducteur que celle d’un auteur original et l’on s’est demandé si saint Hippolyte n’était pas sinon l’auteur responsable du texte primitif, du moins son inspirateur. Il faut remarquer cependant qu’Hippolyte, à notre connaissance du moins, n’a jamais été millénariste. Sur ce point, il diffère profondément de notre anonyme.

3. Saint Jérôme, De vir. M. 74, mentionne, parmi les écrits de Victorin, un traité Adversus omnes hæreses, dont le souvenir dut être conservé assez longtemps puisque saint Optât de Milève signale l’évêque de Pettau parmi ceux qui ont le mieux défendu la foi catholique contre les hérésies. Or, nous possédons, à la suite du De prsescriptione de Tertullien un ouvrage intitulé précisément Adversus omnes hæreses, qui contient une description sommaire de trente-deux hérésies, depuis celle de Dosithée jusqu’à celle de Praxéas. Tertullien ne saurait être l’auteur de ce petit ouvrage qui s’inspire du Syntagma perdu d’Hippolyte. Si nous admettons, ce qui est à tout le moins vraisemblable, que Victorin connaissait les traités exégétiques d’Hippolyte et leur faisait à l’occasion des emprunts, il serait possible qu’il se fût également inspiré du docteur romain pour rédiger un bref résumé de son travail contre les hérésies. Toutefois, cette conclusion, qui avait naguère retenu l’attention de.Harnack, est loin de s’imposer. Notre traité est écrit dans un latin plus ferme et plus vigoureux que celui de Victorin et surtout la situation qu’il suppose est bien plutôt celle de l’Église de Rome durant les premières années du ine siècle que celle d’une lointaine Eglise de province au début du ive siècle. Récemment pourtant E. Schwartz est revenu à l’hypothèse que V Adversus omnes hæreses, rédigé en grec par le pape Zéphyrin ou par un de ses clercs, avait été traduit en latin et remanié dans un sens antîorigéniste par Victorin. Sitzungsberichte der bayerischen Akademie der Wissensch., philol.-hist. Klasse, Munich, 1936, fasc. 3.

4. Dom "Wilmart a proposé d’attribuer à Victorin une homélie sur la parabole des dix vierges. « Le fait que l’Apocalypse de Pierre y est présentée comme un écrit canonique, l’irrégularité du texte biblique, les lignes de l’exégèse, obligent de placer l’auteur (de cette homélie) à la fin de la première époque de la littérature latine, sous l’influence persistante des Crées, bref dans un milieu écarté et retardataire. » Le nom de Victorin est, dans ces conditions, le seul qu’on puisse raisonnablement proposer. A. Wilmart, Un anomjme ancien De dPcem virginibus, dans Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétienne, t. i, 1911, p. 35-49 ; 88-102.

5..1. Wôhrer pense devoir restituer à Victorin trois petits écrits anonymes : Sur le début de la Genèse, Ad Juliunum manichwum, De physicis. Cf. Jahresbericht des Privatgymnasiums der Zislerzirnscr m Wilhering, 1927, p. 3-8 ; 1928. p. 3-7. Ici encore, les arguments décisifs font défaut pour rendre certaine cette attribution qui reste seulement possible.

6. I)niii Moi in a signalé d’une part des ressemblances entre le commentaire de Victorin sur l’Apocalypse et le fragment de Muratori, Victorin et le « mon de Muratori, dans Journal of theol. Sludies, t. vii, 1906, p. 1°>7 sq. ; d’autre part la mention par le ms. Ambros. If. ISO inf. qui provient de Bobbio, du nom de ictorin en tête d’un fragment chronologique sur la vie du Christ : Victorin aurait trouvé ee fragment dans les parchemins d’Alexandre de

Jérusalem. Victorin et le fragment chronologique d’Alexandre de Jérusalem, ibid., p. 458 sq. Dom Chapman a relevé certaines ressemblances frappantes entre le traité en question et le De fabrica mundi. 7. On a quelquefois pensé que le traité Adversus Marcionem, P. L., t. ri, col. 1051-1090, faussement rangé parmi les ouvrages de Tertullien, pourrait être de Victorin, sous prétexte que Victorin a écrit contre les hérésies, parce qu’un manuscrit du Vati-’can, daté du ixe ou du xe siècle, contient, sous le | nom de l’évêque de Pettau, un poème De lege Domini [ nostri Jesu Christi, dont cent cinquante vers sur deux cent six sont empruntés à VAdversus Marcionem. Il ne semble pas nécessaire d’insister sur la fragilité de cette construction. Il est hors de vraisemblance que Victorin ait trouvé le temps ou le moyen de faire des vers latins, voire qu’il se soit longuement occupé de Marcion dont l’hérésie n’avait jamais dû être dangereuse dans son lointain diocèse et avait en tout cas perdu tout caractère d’actualité aux environs de 300.

Reste que, pour nous, Victorin est surtout l’auteur du De fabrica mundi et du Commentaire sur l’Apocalypse : c’est d’après ces deux écrits qu’il faut l’apprécier. On a justement relevé le caractère archaïque de sa théologie et les corrections intrépides que saint Jérôme n’a pas craint de faire subir à son texte pour l’accommoder aux formules de l’orthodoxie, telle qu’elle était définie à la fin du ive siècle. C’est ainsi qu’en expliquant pourquoi le grand prêtre entrait une fois par an dans le Saint des saints, Victorin écrit : Signiftcabal Spirilum Sanclum hoc esse faclurum, id est : quod passas est semel factum esse. In Apoc. comment. , éd. Haussleiter, p. 75 ; ce que Jérôme corrige : Significante Spirilu Sanclo Christum hoc semel faclurum. Pour Victorin, la couronne de douze noms, Apoc, xii, s’applique à la corona patrum ex quibus erat Spiritus Sanclus carnem sumpturus, p. 106, 1 1 ; et Jérôme remplace Spiritus par Christus. L’évêque de Pettau déclare que la mensura fidei consiste à patrem confiteri omnipotentem, ut didicimus, et hujus filium dominum nostrum Jesum Christum ante originem sœculi spiritaliter apud Patrem genitum, factum hominem et, morte dévida in cœlis, cum corpore a Pâtre receplum, sanctum dominum et pignus immorlalitatis, p. 96, 5-9. Saint Jérôme s’étonne encore de ne trouver ici aucune mention du Saint-Esprit et il remplace les mots qui suivent receplum par : effudissc Spirilum Sanctum, donum et pignus imnwrtalitatis. Est-ce à dire, comme le pensent W. Macholz, Spuren binitarischer Denkweise im Abendland seii Terlullian. Halle, 1902, et F. Loofs, Theophilus von Antiochien adversus Marcionem und die andrren theoloçischen Quellen bei Irenàus, Leipzig, 1930, p. 126 sq., que Victorin est le représentant attardé d’une théologie ancienne qui ignorait encore la formule trinitaire et la préparait, en quelque sorte, par des formules binitaircs, dans lesquelles le terme d’Esprit était particulièrement appliqué à l’élément divin du Christ ? Cela est peu vraisemblable. Il faut d’abord remarquer quc le texte même de Victorin est mal assuré et qu’en bien des cas des théologiens, même protestants, comme A. Scchcrg. Dogmengeschichle, t. I, 3° éd., p. 581) sq.’, se croient autorisés à consacrer comme authentique la leçon attribuée par d’autres à saint Jérôme. Il faut encore tenir compte d’autres formules telles que celles-ci : non solum autem Spiritus prophelieus, sed et ipsum Verbum Dei Patrie

OmnipotentiS, qui est filins ipsius, Dominas noster

Jésus Christus feret easdem imagines in tempore advenlus sut ad nos. p. 52, il sq. L’Esprit Saint n’est-il pas ici distingué nettement du Verbe ? I’1 prit inspire les prophètes : le Verbe est le Fils de 2 « s :

VIC T(>|{ IN DE PETTAU

VICÏORINUS A FER

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Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. De même ailleurs : l’oslquam ascendil in cœlis dominus noster… emisit Spiritum Sanctum, p. 68, 3. Loofs, op. cit., p. 129, n. 5, se donne beaucoup de peine pour expliquer que le Saint-Esprit n’est pas distingué du Fils autrement que le don ne l’est du donateur et il conclut qu’en définitive ils sont une seule et même réalité. Nous ne prétendons pas que les formules utilisées par Victorin soient de tout point satisfaisantes ; mais il n’est pas le seul à s’être exprimé en des termes d’une insuffisante rigueur pour rendre le dogme trinitaire. En particulier, nombreux sont ceux, à commencer par Tertullien, qui appliquent le nom d’Esprit à l’élément divin du Christ, de manière à laisser croire que Dieu, le Dieu unique des monarchianistes, s’est incarné. Ils n’en traduisent pas moins la croyance traditionnelle qui distingue le Père, le Fils et l’Esprit-Saint et il serait injuste d’apprécier leurs formules d’après les règles que peut nous donner l’exposé précis du dogme auquel nous sommes maintenant accoutumés. Il n’empêche que Victorin est un représentant attardé d’anciennes manières de penser et de parler. L’étude de ce qui nous reste de ses œuvres est donc particulièrement intéressante. Elle l’est d’autant plus que diverses sont les influences qui se sont exercées sur lui. Comme nous l’avons dit, on ne saurait affirmer qu’il a connu la théologie latine. Tertullien, saint Cyprien, Novatien semblent bien lui être demeurés inconnus. Par contre, il a utilisé des ouvrages écrits en grec, en particulier Hippolyte et Origène, mais il les a utilisés librement. Il n’hésite pas à adopter les rêveries du millénarisme en dépit des condamnations portées contre elles par Origène. Il suit, comme ce dernier, la méthode allégorique pour l’interprétation des Ecritures ; pourtant il l’emploie à sa manière et ne se croit pas obligé de reprendre telles quelles les exégèses du maître d’Alexandrie. Il fait en quelque sorte la transition entre deux cultures, comme entre deux âges. Il écrit en latin, bien qu’il manie cette langue avec difficulté et sans grâce. Il se rattache à des courants de pensée et de vocabulaire qui sont déjà dépassés au temps où il écrit. De toute façon, sa personne et son œuvre méritent une étude attentive.

L’édition des œuvres conservées de Victorin dans la P. L., qui reproduit celle de Gallandi, est, désormais, inutilisable. II faut recourir à celle de Haussleiter dans le Corpus de Vienne, t. xlix, 1916, qui distingue aussi clairement que possible le texte authentique du commentaire sur l’Apocalypse et ses recensions postérieures. Nous avons indiqué, en cours d’article, les principaux travaux récents à consulter sur les œuvres de Victorin et sur sa théologie. (In trouvera encore quelques renseignements dans II. Koch, Cyprianische Untersuehungen, Rome, 1926, p. 173 sq. ; F. Loofs, op. cit., p. 232 sq. (Loofs montre que Victorin ne dépend pas de saint Irénée) ; L. Gry, Le millénarisme dans ses origines et son développement, Paris, 1904.

G. Bardy.