Dictionnaire de théologie catholique/VICTOR DE CAPOUE

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 672-673).

VICTOR DE CAPOUE, évêque de cette ville de 541 à 554. — Nous ne savons de sa vie que ce que nous en apprend son épitaphe : vir beatissimus Victor episc, sedit ann. XIII, dies.x.x.xv//, depositus sub die i non. April. ann. XIII. P. C, Basili Y. C. indiclione secunda. Corp. inscrij>t. latin., t. x, n. 4503. Il est surtout connu pour avoir fait copier ou tout au moins reviser le manuscrit de Fulda qui contient une harmonie latine des quatre évangiles suivie du reste du Nouveau Testament dans le texte de la Vulgate. Une note qui termine le tout atteste que Victor de Capoue a lu deux fois le manuscrit à des dates qui correspondent à 546 et 547.

En quoi a consisté exactement le travail de Victor ? « Dans une préface, l’évêque de Capoue raconte comment, par hasard, il a eu sous la main un évangile composé des quatre. Ne trouvant aucune indication ni sur le titre ni sur l’auteur, il a eu recours à Eusèbe, qui l’a renseigné sur les travaux d’Ammonius et de Tatien. Il se décida pour Tatien, non sans avoir hésité, car il ne lui plaît guère que cet ouvrage qu’il apprécie soit l’œuvre d’un hérétique. Mais enfin, les paroles sont celles du Seigneur et non point l’œuvre particulière d’un hérésiarque : Yerumtamen vel si jam luvresiarcus hujus edilionis auctor exslilit Tatianus verba Domini mei cognoscens libenter compleclor, inlerprclalionem si fuisscl ejus propriam procul abjicerem. Quelques critiques, Preuschen, Chapman et, pour un temps, Burkitt, ont conclu de la que Victor a trouvé l’harmonie de Tatien en grec, car évidemment il ne savait pas le syriaque et aurait mentionné avec soin une découverte aussi étrange et aussi inattendue que iclle d’un manuscrit syriaque, et qu’il l’a traduite en latin. Mais la préface ne dit rien de semblable et ne parle pas du tout d’une traduction nouvelle. Bien plus, le texte de la lettre d’Eusèbe à Carpianus qui précède l’harmonie est copié d’après une version latine qu’a découverte dom de Bruyne, La préface du Diatessaron latin avant Victor de Capoue. dans liev. bénédictine, t. xxxix, 1927. p. 5-11. D’autres ont cru que Victor avait remplacé par le texte de la Vulgate le texte latin ancien de l’harmonie évangélique : cela même est peu probable et ce travail avait été fait avant lui. Il est vrai, comme l’ont fait remarquer Vogcls, Beitrvge tur Geschichte des Diatessaron im Abendland. Munster. 1919, et Burkitt, Taiian’s Diatessaron and the dutch Harmonies, dans Journal « Iheol. Slad.. janvier 1921. p. 1 13-130, que, si le texte du codex Fuldentis est généralement ((lui de la Vulgate, il contient des restes d’une ancienne version latine, et spécialement européenne. Mais ici encore. Victor aurait précisé son

rôle, car il s’étend avec emphase sur le soin avec lequel

il a ajouté des chiffres aux canons d’F.usèlic. Peut-être a t il introduit les canons eux mêmes, mais cela n’est

pas sûr et ces canons pouvaient fort bien figurer dans le manuscrit qu’il avait sous les yeux. En dernière analyse, Victor n’est pas l’auteur du Diatessaron latin qui est plus ancien que lui et tout son mérite a consisté, semble-t-il, à faire copier, sinon à reviser, en y ajoutant les chiffres des canons, un manuscrit qu’il avait retrouvé. M.-J. Lagrange, La critique rationnelle, Paris, 1935, p. 272-273.

En dehors de là, Victor est encore connu comme écrivain, mais c’est à peine s’il nous reste aujourd’hui des monuments de son activité littéraire, en dépit du soin avec lequel Pitra s’est ingénié à faire revivre sa mémoire.

1° Bède le Vénérable, De tempor. ratione, 51, P. L., t. xc, col. 502 ; cf. t. lxviii, col. 1097, cite deux phrases d’un ouvrage de Victor, De pascha ou De cyclo paschali, dirigé contre les calculs relatifs à la date de Pâques dans Victorius d’Aquitaine. Pitra a rassemblé dans le Spicilegium Solesmense, t. i, Paris, 1852, ]). 296-301, sous le titre Ex libello de cyclo paschali, dix-sept fragments cités par divers auteurs du Moyen Age sous le nom de Victor et il a ajouté à cela quelques compléments dans les Analecta sacra, t. v a, Paris, 1888, p. 164. La plupart de ces fragments sont relatifs à l’immolation de l’agneau pascal et aux textes de l’Ancien Testament qui s’en occupent ; par suite leur appartenance à un ouvrage sur le cycle pascal est au moins douteuse, à supposer même qu’ils soient sortis de la plume de Victor, ce qui est loin d’être assuré. — 2° Sous le titre E libello Reliculo seu de arca Noe, Pitra a publié, d’après le ms. Paris. 838, xe siècle, six fragments dont les trois premiers expliquent la signification symbolique des mesures de l’arche de Noé, tandis que les trois derniers parlent de tout autre chose que de l’arche. Spicilegium Solesmense, t. i, p. 287-289. Quelques compléments aux fragments 2 et 3 sont apportés par les Analecta sacra et classica, t. v a, Paris, 1888, p. 163. — 3° Pitra signale encore, Spicilegium Solesmense, t. i, prolegom., p. lui, un écrit, Capitula de resurrectione Domini, qui devait traiter de l’accord entre les différents récits évangéliques de la résurrection. — 4° D’après G. Morin, Rev. benéd., t. vii, 1890, p. 416, Victor pourrait être l’auteur d’une lettre adressée à un évêque du nom de Constantius, et conservée dans le Paris. 9451 (ixe siècle), lettre qui pourrait avoir servi de préface à un lectionnaire composé par Victor lui-même. Cf. E. Ranke, Dus kirchliche Perikopensijstem, Berlin, 1847, p. 260. Sur l’utilisation de ce travail par Smaragde de Saint-Mihiel, P. L., t. en, col. 1122, cf. "A. Souter, dans Journal of theol. Stud., t. ix, 1908, p. 584.

— 5° Enfin, Pitra a publié, Spicilegium Solesmense, t. i, p. 265-277, des Scholia veterum Patrum a Victore episcopo Capuee collecta, d’après le Paris. 838 (xe siècle) ; quelques compléments figurent dans Analecta sacra, t. va, p. 163-165. Au lieu de a Victore, il vaudrait mieux, comme le fait remarquer Bardenhewer, avoir mise Victore, car il s’agit d’extraits patristiques que des auteurs postérieurs prétendent avoir trouvé dans les œuvres de Victor. Les Pères cités sont exclusivement des grecs : Polycarpe de Smyrne, Origène, Basile, Diodore de Tarse, Sévérien de Gabala, verba seniorum. À saint Polycarpe sont attribuées deux citations ; cinq autres extraits du même auteur, trouvés semblablement comme des citations faites par Victor, avaient déjà été publiés en 1596 par Feuardent ; cf. P. L., t. lxviii, col. 539 ; les sept extraits sont reproduits dans P. L., t. v, col. 1025-1028 et dans Funk-Diekamp, Patres apostolici, t. ii, Tubingue, 1913, p. 397-401, cf. p. lxxx-lxxxii. L’authenticité de tous ces fragments est des plus contestables. On ne saurait admettre en particulier celle des fragments de saint Polycarpe ; alors que saint Irénée

lui-même ne possédait de l’évêque de Smyrne, son maître, que la lettre aux Philippiens, comment d’autres lettres de ce vieil évêque auraient-elles pu tomber entre les mains de Victor de Capoue ? D’après Jean le Diacre, les extraits cités par Pitra proviendraient d’un Liber responsorum ; d’après la chaîne sur les évangélistes utilisée par Feuardent, ils seraient tirés d’une Responsio capitulorum. Nous ignorons ce que pouvait être ce Liber responsorum de Victor. Saint Bonaventure, dans son Commentaire sur saint Jean, cite parfois un certain Victor dans lequel on croit reconnaître l’évêque de Capoue : celui-ci avait-il expliqué le quatrième évangile ? Cf..S’. Bonaventurse opéra omnia, t. vi, Quaracchi, 1893, p. 246, n. 7.

Somme toute, nous ne savons pas grand’chose de l’activité intellectuelle de Victor de Capoue. Il faut lui laisser la préface du cod. Fuldensis et la révision de ce manuscrit ; cf. Codex Fuldensis. Novum Testamentum latine interprète Hieronymo ex manuscriplo Victoris Capuani edidit, prolegomenis introduxit, commentariis adornavit E. Ranke, Marbourg et Leipzig, 1868. En dehors de là, tout est incertain dans les œuvres qu’on lui attribue. Il est sûr qu’il s’est intéressé à l’Écriture sainte : l’a-t-il commentée, même partiellement ? a-t-il connu et utilisé les exégètes grecs ? autant de questions actuellement insolubles.

G. Bardy.