Dictionnaire de théologie catholique/VICTOR Ier (Saint)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 666-667).

VICTOR I" (Saint), pape de 186 à 197 environ.

— Les dates consulaires fournies sur la durée de son pontificat par le catalogue libérien peuvent être retenues, et coïncident à peu près avec les données d’Eusèbe, H. E., V, xxviii. Ainsi Victor a-t-il occupé le siège apostolique aux dernières années de Commode († 192) et au début du règne de Septime Sévère. Bien que Commode ait été un monstre, la situation des chrétiens sous son règne ne fut pas défavorable. Dans sa narration du curriculum vitæ de Calliste, Hippolyte raconte comment l’empereur, sur l’intervention de Marcia, sa maîtresse, fit élargir les chrétiens condamnés aux travaux forcés en Sardaigne et dont la liste fut communiquée aux autorités par le pape Victor. Elench. ( Philosophoumena), t. IX, c. xii. Au témoignage de Tertullien, les premiers temps du règne de Septime Sévère ne furent pas, eux non plus, mauvais pour les chrétiens. Ad Scapulam, 4. S’il y eut un revirement, ce ne fut qu’aux premières années du iii c siècle. On ne voit donc pas sur quoi se fonde le Liber pontificulis pour faire du pape Victor un martyr.

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, le pontificat de ce pape, qui est assez bien connu, vit un développement de ce droit de regard universel de l’Eglise romaine sur l’ensemble des Eglises, dont l’intervention de saint Clément dans l’alTaire de Corinthe avait été une première affirmation. C’est à propos de la question pascale que l’on voit Victor se préoccuper de ramener au conformisme romain les communautés qui suivaient d’autres usages. Le Liber pontificulis a gardé le souvenir de cette action, mais très déformé ; les discussions sur la date de Pâques dont il fait état sont celles du début du vr 1 siècle. L’affaire a été étudiée avec tout le détail nécessaire h l’art. PAQUES, t. xi. col. 1948-1051. Disons seulement ici que les apologistes de la primauté romaine ont vu dans l’ensemble de l’incident, quoi qu’il en soit de la façon dont il fut amené et conclu, une « épiphanic de la papauté ».

Il n’est pas impossible non plus que. Victor soit cet lie de Rome dont parle Tertullien dans le prologue de V Advenus Prazean, et qui, sollicité par les

montanistes d’Asie, fut sur le point de leur accorder des lettres de communion. À la dernière minute, l’intervention de Praxéas ° qui allégua auprès du pape les mesures prises par ses prédécesseurs, obligea celui-ci à révoquer les lettres de communion déjà émises et à revenir sur la résolution où il était de reconnaître les charismes ». Si ces agissements n’eurent pas lieu sous Victor, ce fut sous son successeur immédiat, Zéphyrin. En tout état de cause, la communauté romaine en fut troublée, et l’on signale aux dernières années du siècle une polémique littéraire entre un certain Proclus, d’esprit montaniste, et le prêtre romain Caius. Cf. Eusèbe, H. E., II, xxiv, et ici l’art. Caius. t. H, col. 1310 et surtout 1311.

De plus grande importance était l’effervescence provoquée à Rome par les enseignements et les agissements du parti théodotien. lequel professait ce que les critiques modernes appellent le monarchianisme dynamiste qu’il vaudrait mieux appeler l’adoptianisme pur et simple. Voir l’art. Monarchianisme, t. x, col. 2197. Suivant ces hérétiques, Jésus n’est Dieu que par simple appellation ; dans la réalité, c’est un homme ordinaire, ’^îXoç avOpcoTOç, que Dieu a adopté pour fils, l’élevant ainsi au rang divin. D’après Eusèbe qui se réfère à un traité anonyme

— longtemps attribué à Hippolyte — Contre l’hérésie d’Artémon, Kocrà tÎ)ç’Ap-rqjiwvoç atpéasco ;, dans H. E., V, xxviii, les premiers représentants de cette hérésie avaient paru à Rome sous le pape Victor et prétendaient être les authentiques représentants de la tradition ecclésiastique. La doctrine qu’ils enseignaient aurait été, disaient-ils, continuellement tenue jusqu’aux temps de Victor, qui l’aurait encore gardée. Impudent mensonge, continue l’anonyme, « car si Victor avait eu ces sentiments, comment aurait-il chassé de l’Église Théodote, l’inventeur de cette hérésie ? » C’est tout ce que nous savons d’une intervention doctrinale de Victor dans cette affaire. Le conventicule théodotien se perpétua, d’ailleurs, sous le successeur de Victor, le pape Zéphyrin ; cependant, une autre hérésie, plus subtile mais non moins dangereuse, devait alors faire contre-poids à l’adoptianisme théodotien, nous voulons parler du modalisme dont Noët (à Smyrne), puis Sabellius, à Rome et ensuite en Lybie, devaient être les protagonistes. En dépit du Libellas sijnodicus, qui mentionne un synode où Victor aurait condamné Sabellius et Noët, cf. Jaffé, Reyesta, posl n. 78, il n’est pas vraisemblable que ce pape ait eu à prendre position contre cette erreur, qui lui est certainement postérieure. Le Liber pontificalis, de son côté, attribue à Victor un décret reconnaissant la validité du baptême administré en cas de nécessité par n’importe quel fidèle, sous réserve d’une profession de foi correcte faite par le néophyte. Mais ceci paraît être une anticipation.

Le Liber pontificalis marque au 28 juillet la date obituaire du pape Victor, date conservée par le martyrologe et le calendrier romain. Les anciens martyrologes la fixent, par contre, au 20 avril. Victor aurait été enseveli au Vatican avec les papes ses prédécesseurs.

Jaffé, Hegesta pontificum Romanorum, t. i, p. 11-12 ; L. Duchesne, Liber pontificalis, t. i, p. xcv, 4-5, 60-61, 137-138 ; L. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, t. i ; Batiffol, L’Église ancienne et le catholicisme, p. 267-276 ; J. Lebreton, dans Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. ii, p. 87-93 ; Caspar, Geschichte des Papsltums, t. i, p. 19 sq. ; se reporter aussi à la bibliographie des articles Monarchianisme, t. x, col. 2209, et Pâques, t. xi, col. 1970.

E. Amann.