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Dictionnaire de théologie catholique/VIN DE MESSE

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 742-748).

VIN DE MESSE.
I. Généralités.
II. Nature et composition du vin.
III. Procédés scientifiques de vinification.
IV. Conditions de validité.
V. Conditions de licéité.

I. Généralités.

Des deux matières nécessaires au sacrifice eucharistique, le vin est celle qui présente le plus de difficultés dans la confection, nécessite le plus de soins pour la conservation et offre le plus de facilités à la falsification, en raison surtout des progrès réalisés par la chimie moderne. C’est pourquoi le vin destiné à la messe a toujours été, de la part de l’Église et de ses ministres, l’objet d’une attention vigilante. Il s’agit en effet d’assurer au saint sacrifice une matière conforme à l’institution divine. Or, le Christ, à la dernière cène, s’est servi du vin de vigne pour la première consécration. C’était la boisson habituelle en Palestine, et trois des évangélistes nous rapportent les paroles du Maître dans lesquelles il est expressément question du « fruit de la vigne », de hoc genimine vitis, Mattli., xxvi, 29 ; Marc, xiv, 25 ; de hac generatione vitis, Luc, xxii, 18.

Alors que l’Évangile était répandu principalement dans les régions baignées par la Méditerranée, les ministres du culte chrétien ne durent éprouver aucune difficulté à se procurer du vin naturel, qui était la boisson commune. Ils mettaient leurs soins et même une certaine dévotion, aidés en cela par les fidèles, à n’employer que des raisins de choix, issus de plants réservés ou de crus renommés, afin d’obtenir une matière moins indigne de son auguste destination. Cf. Corblet, Histoire du sacrement de l’eucharistie, t. i, p. 199.

Lorsque les limites de l’Église furent portées dans les pays nordiques, au-delà de l’Atlantique et dans les contrées de l’Extrême-Orient, l’absence de vigne ou des habitudes de vie différentes posèrent aux missionnaires des problèmes souvent délicats. Le concile de Florence, dans son décret Ad Armenos (1439), rappela que la matière eucharistique était, outre le pain de froment, le vinum de vite. Cf. Denz.-Bannw. , n. 698.

Mais c’est surtout à partir de la deuxième moitié du xixe siècle que les progrès de la chimie motivèrent des interventions répétées de l’Église pour sauvegarder la licéité ou même la validité de la matière eucharistique. Le Code, canon 815, § 2, se contente de rappeler que le vin du sacrifice doit être « naturel, issu du raisin et non corrompu ».

II. Nature et composition nu vin.

Nature.

— Le vin « naturel » est la liqueur alcoolique obtenue par la fermentation du jus de raisin. Cette définition ne saurait s’appliquer à d’autres liqueurs auxquelles vulgairement et abusivement on donne le nom de vin (vin de palme, vin de pommes, etc…). En revanche. les « vins de liqueur. extraits de moiïts très sucrés ou de raisins très murs, les » vins de paille », fournis par des raisins pressés plusieurs mois après la cueillette et qui ont été exposés au soleil ou sur de la paille, etc., sont des vins authentiques et naturels.

La fermentation est aussi dans ta nature du vin : elle se développe spontanément dès que les conditions sont favorables à moins qu’on ne l’arrête artificiellement ; elle consiste dans la décomposition dos molécules de sucre contenues dans le moût (ou jus de raisin), grâce à l’action de microorganismes, spécialement des levures. Ces levures ou ferments se trouvent principalement dans la pellicule qui recouvre le raisin. Des que la grappe est sous le pressoir, elles entrent en action ; la fermentation commence, à moins qu’on ne l’entrave pai des procédés chimiques. 301 5

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On peut dire que l’on a déjà un vinum inchoalum ; vin imparfait sans cloute, mais véritable dont nous aurons à envisager la validité et la licéité comme matière de la consécration.

Composition. —

1. À la base, il y a le moût ou jus de raisin, dont la qualité et la richesse sont en fonction de la variété des plants et de la maturité des grappes. Plus le raisin est mûr, plus il contient de sucre, plus aussi il donnera d’alcool.

2. Les levures ou ferments agissent sur les éléments constitutifs du vin plutôt qu’elles ne prennent place parmi eux. Leur action, ou fermentation, outre la transformation du sucre en alcool, provoque des altérations d’où résultent la couleur, les acides, le tanin, dont les éléments se trouvent dans la pellicule, les grains et la rafle (ou râpe, partie ligneuse de la grappe), et qui deviennent solubles dans l’alcool. Leur action terminée, les ferments ne restent pas dans le vin mais disparaissent avec les lies. À mesure que le vin vieillit, certaines substances disparaissent, d’autres se forment qui donnent un bouquet et un goût agréables ; mais ces changements n’affectent pas la substance du liquide.

3. Enfin, dans tout vin naturel, il y a une certaine proportion d’eau. Cette eau ne peut être appelée élément constitutif qu’au sens large, car elle n’est pas une substance élaborée par la vigne ; elle est simplement puisée dans le sol et transportée sous forme de sève, sans transformation notable.

4. La couleur n’est qu’un accessoire. Pour faire du vin « blanc », il suffit de séparer du moût, avant fermentation, les pellicules et les grains ; alors se trouvent écartées les substances colorantes, solubles dans l’alcool, qui s’y trouvent renfermées.

Disons de suite que, du point de vue qui nous occupe, ni la validité ni la licéité de la consécration ne sont intéressées par la couleur du vin. Dans l’antiquité chrétienne et au Moyen Age, on usait plutôt de vin rouge ; le blanc était seulement toléré. On donnait deux motifs à cette préférence : d’abord le vin rouge ne courait pas le risque d’être confondu avec l’eau au moment de l’offrande, ensuite, par sa couleur, il représentait davantage le sang du Christ et convenait mieux au mystère de la transsubstantiation. Cf. Corblet, Hist. du sacrement de l’eucharistie, t. i. p. 199. Les opposants avaient prétendu que le Christ avait probablement consacré du vin blanc à la cène, parce que ce vin est plus commun aujourd’hui en Orient. Il est évidemment impossible d’apporter des preuves apodictiques. Cependant les commentateurs juifs semblent avoir démontré qu’on se servait de vin rouge pour la Pâque.

En fait, on préféra généralement le vin rouge pour la messe jusqu’au xive siècle. Si, depuis longtemps, dans l’Eglise latine, on s’attache au vin blanc, c’est moins pour des raisons historiques ou mystiques que pour un motif de propreté : il tache moins les linges d’autel ; de plus, il est moins facile à falsifier. Les Orientaux restent fidèles au vin rouge comme à une tradition, mais sans y attacher d’autre importance.

On s’est demandé, à ce propos, si du vin blanc naturel qui a été coloré légèrement au caramel pouvait être matière valide et licite de la consécration. Notons d’abord que l’addition de caramel pour « adoucir » le vin est interdite par la loi française, tout comme le sucrage. Si l’on veut par là simplement « embellir » le viii, mieux vaut s’abstenir de cette pratique et laisser au vin de messe sa pureté naturelle. Cependant si une légère coloration s’avérait utile pour éviter une confusion avec l’eau, l’opération serait licite, à condition d’employer du caramel de raisin. L’usage du caramel de sucre, soit pour adoucir le viii, soit pour le colorer, bien que substance

étrangère, ne nuira pas à la validité si l’on ne dépasse pas la proportion de dix pour cent. Et comme pratiquement une quantité très minime suffit pour obtenir une légère coloration, la licéité même ne sera pas en cause.

III. Vinification scientifique,

Il faut en parler, car elle a dépassé le stade des essais de laboratoire et se trouve maintenant vulgarisée dans les petites exploitations vinicoles comme dans les grands domaines. Or, les procédés qu’ont mis à la portée de tous les progrès de la chimie, sont loin d’être tous de bon aloi, ainsi que le souligne l’instruction de la S. C. des Sacrements du 26 mars 1929 : Siquidem chimicæ scientiæ ope, multa ejlormantur, germanam prœseferentia rerum speciem, subslantia vero naturali destituta, vel aliquam substantiam fraudulenter alleri subrogando, quin facile fraus, etiam analgsi adhibita, seepe detegi possil. Acta apost. Sedis, t. xxi, 1929, p. 633. Il importe que les prêtres ou clercs, qui sont responsables de la matière du saint sacrifice, soient suffisamment éclairés sur les effets de ces manipulations chimiques. Ce n’est pas qu’ils soient chargés de déceler toutes les fraudes ; mais ils ont le devoir de choisir eux-même un vin toujours valide et licite, et aussi de guider les producteurs et commerçants qui sollicitent leur avis, pour fournir un vin liturgique conforme aux prescriptions de l’Église.

Procédés de confection du vin.

La préparation du vin est chose toujours délicate si l’on veut obtenir un produit à la fois parfait et cependant naturel. Souvent, pour obtenir une boisson plus agréable et plus facile à conserver, on fait subit au vin des traitements parfaitement admissibles pour un produit destiné à la table, mais qui ne sauraient être tolérés quand il s’agit du vin de messe.

1. Vin synthétique.

C’est une liqueur qui a toutes les apparences d’un vin véritable mais ne provient pas de la fermentation du jus de raisin ; une boisson artificielle obtenue par le mélange de substances variées. Même si ces substances sont chimiquement les mêmes que celles que l’analyse découvre dans le viii, même si le mélange a été effectué dans les mêmes proportions, de sorte que le liquide obtenu ne diffère ni par le goût, ni par le bouquet, ni par la couleur, ce n’est pas du vrai vin ; il ne peut donc être consacré validement. C’est ici que le critère énoncé par le Saint-Office au xviiie siècle : Dummodo ex colore et gustu dignoscatur esse verum vinum (22 juillet 1706), se trouve mis en défaut par les progrès de la chimie moderne. L’instruction de la S. C. des Sacrements de 1929 dit au contraire : Uti valida materia haberi nequit vinum, seu poiius liquor qui sil… chimicæ artis ope elaboratus, quamvis vini colorem, ejusque quodammodo elementa continere edicatur…, p. 632.

Dans la pratique, une imitation absolument parfaite rendrait l’opération trop coûteuse ; aussi la fraude ne résiste ordinairement pas à une analyse sérieuse. C’est pourquoi le mélange qu’une analyse soignée démontrera être identique à du viii, pourra être présumé véritable jus de raisin et utilisé comme tel jusqu’à preuve contraire.

2. Fermentation à l’aide de ferments purs.

Les ferments qui se trouvent naturellement dans le raisin (adhérents à la peau) ne sont pas toujours les meilleurs, parce qu’ils ne sont pas toujours dépouillés de levures nocives. C’est pour assurer une fermentation plus parfaite que parfois l’on tue chimiquement tous les ferments naturels qui se trouvent dans le moût et qu’on y incorpore, en remplacement, des ferments préparés et extrêmement purs, tirés, eux aussi, du raisin ; on obtient de la sorte un vin très beau et d’excellente conservation.

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Bien que la composition de ce vin soit un peu différente de celle du vin naturellement fermenté, nous sommes en face d’un procédé parfaitement correct. En effet, rien n’est incorporé au vin qui ne soit originaire de la vigne ; la fermentation est naturelle. Rien donc qui contredise la validité et la licéité. La méthode est tout à fait acceptable et même recommandable pour la confection du vin de messe.

3. Sulfitage.

C’est une opération voisine de la précédente dont le but est d’obtenir une meilleure fermentation. Mais au lieu de tuer les levures naturelles, elle se contente d’en faire une sélection en éliminant les bactéries suspectes. Le produit chimique stérilisateur est l’anhydride sulfureux, administré à la dose de 10 à 25 grammes par hectolitre de vendange au moment du foulage. Le taux légal maximum, autorisé en France, est de 450 milligrammes par litre (soit 45 gr. par hectolitre), dont 100 milligrammes au plus à l’air libre. Au-dessus de ce taux, le moût est complètement stérilisé et les bons ferments eux-mêmes sont détruits : d’où pas ou très peu de fermentation. Un tel vin demeurerait valide, mais gravement illicite, parce que non fermenté. Quelques auteurs en étaient venus, pour échapper à cette conséquence, à condamner tout sulfitage du vin de messe. Une réponse du Saint-Office, en date du 2 août 1022, non publiée, a fait savoir au contraire que, pour la messe, on pouvait se servir du vin de raisin préalablement traité par addition d’anhydride sulfureux ou de métabisulfite de potasse, pourvu que ces substances aient été mêlées au rrtoût et non au vin déjà fermenté. Cf. Capello, De sacramentis, t. i, n. 473, 4e éd. On notera d’ailleurs que le sulfitage ne laisse dans le vin qu’une quantité infime d’éléments étrangers, à peine quelques grammes d’anhydride pour mille.

4. Mutage.

Le mutage a pour but d’entraver ou même de faire cesser totalement la fermentation alcoolique du moût. Ce résultat peut être obtenu non seulement par la mise en contact avec des vapeurs d’anhydride sulfureux (sulfitage), mais encore par l’addition d’alcool (vinage) ou le mélange de toute autre substance qui arrête l’ébullition, par exemple l’acide salicylique. De telles interventions en empêchant la transformation totale du sucre en alcool procurent un vin plus doux et d’un meilleur goût ; de plus, la destruction des derniers ferments garantit une meilleure conservation. Nous parlerons , ’i |> ; irt du vinage. Que penser de cet arrêt de la fermentation naturelle, au point de vue de la fabrication du vin liturgique ?

En toute hypothèse, la validité n’est pas en cause, car ces substances, bien qu’étrangères à la vigne, sont ajoutées en petite quantité (1 gramme d’acide lalicylique par 15 litres de vendange) et elles ne décomposent point le moût. Cependant, si l’addition était faite tout au début de l’écrasage, de façon à empêcher toute fermentation, la matière deviendrait douteuse, attendu qu’on n’aurait même pas ce vinum inchoatum. requis pour une consécration valide. L’usage de l’acide salicylique n’est pas admis par la loi française. I)u point de vue canonique, seule la quantité employée p0UITaIl faire naître des doutes sur la Itcéité du vin ainsi obtenu. La dose indiquée, tout en n’étant pas négligeable, ne paraît pas être notable. Aussi pensons nous qu’une juste cause pourrait légitimer l’us ; ige liturgique d’un vin ainsi traité. Toutefois l’unique désir d’avoir pour la célébration un vin racré ei d< meilleur goût n’est pas un motif suffisant

pour pistil’irr le recours : i ce procédé.

La même remarque peut être faite à propos de radoucissement d un vin sec et déj ; i f : iit. par l’addition de moût muté (c’est-à-dire stérilisé à l’anhydride sulfureux), dans la proportion de huit à dix pour cent.

La validité de ce mélange en vue de la consécration ne fait pas de doute. Sa licéité est moins certaine, attendu que le moût non fermenté est, employé seul, matière gravement illicite. Ruhr, miss., De defectibus, tit. iv, n. 2. Cependant une addition faite dans les proportions indiquées reste modérée ; et, d’autre part, le mélange des deux liquides sera d’autant plus facile que tous deux sont tirés de la vigne. On notera toutefois que les raisons invoquées parfois par les producteurs ou commerçants : désirs exprimés par la clientèle ecclésiastique d’avoir un vin plus agréable ou plus digestif, des prix moins élevés que ceux des vins doux importés de l’étranger…, ne sauraient à elles seules, légitimer le procédé aux yeux de la liturgie et du droit. Si d’autres raisons plus plausibles étaient invoquées (meilleure conservation du viii, clientèle principale de malades ou infirmes qui ne peuvent se procurer d’autres vins convenables à des estomacs délicats…), rien ne s’opposerait à l’utilisation du vin ainsi mélangé. Ce traitement, que la loi française n’interdit nullement, est d’ailleurs, canon iquement parlant, de beaucoup préférable au « sucrage », qui introduit dans le vin un élément étranger.

5. Vinage.

C’est l’addition d’alcool, soit au moût soit au vin déjà fait. Par ce procédé, on empêche le sucre du moût de se transformer totalement en alcool ; le vin est plus doux, son degré d’alcool accru, sa stabilité est acquise par la destruction des derniers ferments, et sa conservation mieux assurée.

Notons d’abord que la loi française interdit en général le vinage du moût, sauf pour certaines espèces de raisin (muscat, malvoisie, grenache, maccabeo), en faveur desquels elle autorise l’addition de dix pour cent d’alcool, en vue d’obtenir des vins doux très forts, destinés à l’exportation. La loi française n’exige pas que l’alcool ajouté soit de l’alcool de vin.

L’Église n’interdit pas le vinage du vin liturgique, au moins en vue d’assurer la conservation de vins faibles en alcool, en les préservant par cette opération des fermentations secondaires et les rendant aptes au transport sous tous les climats. Elle est évidemment peu favorable au vinage dont le seul but serait d’obtenir un vin plus beau ou flattant davantage le goût. Mais en toute hypothèse, elle exige le respect des conditions que le Saint-Office a énoncées dans une série de décisions successives, 4 mai 1887, 30 juillet 1890, 15 avril 1891, 25 juin 1891 et 5 août 1896. Cf. Collectanea S. C. de Propag., n. 1672, 1735, 1757, 1949, 1950. Voir aussi l’Instruction de la S. C. des Sacrements du 26 mars 1929, Acia apost. Sedis, t. xxi, 1929, p. 631 sq. Ces conditions, qui n’intéressent que la licéité, sont au nombre de trois : a) l’alcool doit provenir de la distillation de vin ou de raisin ; b) l’addition doit être faite avant que la fermentation du moût soit achevée, au moment où elle commence à décroître, quando fermentalio sic dicta tumultuosa defervescere incipil ; c) le total des degrés d’alcool obtenus une fois l’opération terminée, ne doit pas dépasser douze degrés pour les vins français ordinaires et dix-huit degrés pour les vins d’Espagne ou des pays méridionaux, qui naturellement sont déjà plus alcoolisés.

Ajoutons que lorsqu’il s’agit d’assurer la conservation de vins faibles en alcool, le Saint-Office a déclaré l’ébullition jusqu’à 65 degrés ou le vinage préférables au sucrage, 1 mai 1887, 25 juin 1891. Cf. CollerL. n. 1872 et 19 19.

6. Déverdissage des moûts

On donne ce nom à une opération qui a pour but de corriger la verdeur de Certain ! vins, qui les rend désagréables à boire et 30J

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parfois insupportables à certains estomacs. Tout vin authentique contient une proportion variable d’acides ; ces acides sont d’autant plus abondants que le raisin est moins mûr. Une certaine acidité favorise la fermentation et l’éclosion du bouquet ; mais l’excès est nuisible. On corrige cet excès par l’addition de substances qui détruisent chimiquement les acides.

Selon la loi française peuvent être employés : le carbonate de chaux pur (par exemple sous forme de poudre de marbre), le carbonate de potasse commercialement pur, et le tartrate neutre de potasse CH 2 (OH)- (O-K)-. Bien que ce procédé fasse entrer dans le vin des éléments étrangers, si l’opération est pratiquée dans les limites de la loi, c’est-à-dire par l’addition de quantités minimes, la validité comme la licéité du vin ainsi traité est sauvegardée en vertu du principe : parum pro nihilo.

Le même résultat peut être obtenu par l’emploi de la craie, du carbonate de soude (Na 2 C0 3) ou du bicarbonate de soude (Na H CO 3). Du point de vue liturgique, bien que certains auteurs se montrent assez sévères, cf. Pauwels, dans Periodica, t. vi, 1912, p. 69, n. 29, nous serions assez conciliants pourvu que les substances employées le soient en quantités minimes (quelques grammes par hectolitre). Il est vrai que le Saint-Office a répondu en 1896 à propos de l’usage du bitartrate de potasse : non expedire ; mais il semble que le consultant, qui voulait corriger un vin blanc trop acide, n’avait d’autre dessein que de « rendre ce vin plus agréable au goût ». Cf. Nouv. rev. théol., t. lxii, 1935, p. 62. Par les mêmes procédés, on peut atténuer l’acidité d’un vin dont l’alcool, par suite d’une deuxième fermentation, se tranforme progressivement en acide acétique (vin qui pique). Ce vin plus ou moins « piqué » est matière invalide ou illicite selon son degré d’altération. Le fait de la destruction chimique de ces acides le rendrait-il par là même apte à un usage liturgique ? Nous ne le pensons pas, attendu que la condition de ce vin ne s’est pas améliorée. Elle aurait plutôt empiré par le fait d’addition de substances étrangères qui restent en suspension, sans que le liquide ait changé substantiellement. Ce vin est donc à écarter comme matière du sacrifice.

7. Réduction du moût.

Le but est de diminuer la quantité d’eau contenue dans le raisin, afin d’obtenir une fermentation plus rapide et un vin plus généreux. Si cette opération est bien conduite, elle ne modifie pas la constitution du viii, l’eau étant considérée comme une substance non élaborée par la vigne, mais apportée du dehors par osmose. Deux méthodes peuvent être employées : la congélation partielle du moût, qui sépare l’eau en la réduisant en glace, laquelle peut être facilement retirée ; l’évaporation à feu doux, pour ne pas altérer le sucre en le réduisant en caramel.

Interrogé sur la licéité de cette évaporation du moût avant la fermentation, le Saint-Office a répondu le 5 août 1896 : Licere, dummodo decoctio hujusmodi fermentationem alcoholicam haud excludal, ipsaque jermentatio naturaliter obtineri possil et de facto oblineatur. Cf. Collect., n. 1950. On notera à ce propos que la fermentation naturelle n’exclut pas l’intervention humaine. Pour l’activer, il est tout à fait permis de mélanger au moût ainsi concentré un peu de moût frais, dans lequel les ferments sont plus abondants et plus vigoureux. On pourrait même, au cas où les levures auraient été par trop affaiblies, ajouter des ferments purs, tirés du raisin lui-même.

Deux procédés apparaissent donc aptes à confectionner un vin liturgique licite pour la messe au moyen de la concentration du moût : a) opérer une réduction modérée qusqu’à un tiers), par un chauffage tempéré au bain-marie (ne pas dépasser 65 degrés) ; les levures laissées à peu près intactes permettront une fermentation un peu plus lente peut-être, mais spontanée. b) Pousser la concentration jusqu’à évaporation presque complète de l’eau et réduction du moût à un état sirupeux ; le transport s’en trouverait facilité et tout danger de corruption écarté, même sous des climats tropicaux. Sans doute les ferments auront été à peu près totalement détruits et le liquide stérilisé. Sous cette forme, il serait certainement impropre à la consécration. (Le P. Pauwels, dans Periodica, t. vi, 1912, p. 65, le déclare invalide ; tandis que le P. Vitoria, dans Razon u fe, 1909, El vino dulce para misas, pencherait plutôt pour la validité, attendu que c’est du vrai jus de raisin. Nous conclurons que la matière serait au moins douteuse, donc à écarter.) Mais si la fermentation de ce sirop était obtenue par les moyens « naturels » que nous avons indiqués, il semble que rien ne s’opposerait plus à un usage licite du vin ainsi obtenu, après qu’on lui aura restitué la quantité d’eau convenable pour le rendre liquide. Cf. Brouillard, dans Xouv. revue théol., t. lxii, 1935, p. 71 ; Capello, De sacramentis, t. i, 4e éd., 1945, n. 271.

8. Utilisation de raisins secs. —

Certains auteurs avaient émis des doutes sur la légitimité de l’usage liturgique de vin confectionné uniquement avec des raisins desséchés, principalement en raison de l’obligation d’ajouter de l’eau, substance étrangère à la vigne. Interrogé sur ce point, le Saint-OfTice a répondu le 22 juillet 1706 : Licere (celebrare cum vino ex uvis passis), dummodo liquor, ex colore et gustu, dignoscatur esse verum vinum. Cf. Collect., n. 270. Mêmes réponses les 7 mai 1879 et 10 avril 1889. Donc, si tont vin de raisins secs n’est pas nécessairement licite, on ne saurait affirmer sans restriction son illicéité.

Quant à la fabrication de ce viii, des auteurs comme Génicot-Salsmans, Institut, theol. moralis, t. ii, 14e éd., 1939, n. 171, préconisent la méthode suivante : placer dans un récipient un poids égal de raisins secs et d’eau pure, laisser macérer dix heures au maximum, retirer le raisin gonflé d’eau, presser et laisser fermenter. On notera, avec Vermeersch, Theol. mor., t. ii, n. 372, que la quantité d’eau contenue dans le raisin frais pouvant aller jusqu’à 70 et même 80 o, on peut mettre dans le récipient deux fois plus d’eau que de raisins (soit environ un tiers de raisins). Voir dans le même sens la réponse du Saint-Office de 1706, confirmée le 7 mai 1879 et le 4 mai 1887. De plus, il n’apparaît pas essentiel que l’eau soit totalement absorbée par les raisins avant que le mélange soit livré au pressoir. On n’oubliera pas surtout de faire fermenter le liquide ainsi obtenu, au besoin en y ajoutant quelques raisins frais ou des ferments purs. Il y faudra un certain temps, probablement plusieurs jours. Le vin ainsi fabriqué est parfois le seul que puissent se procurer les missionnaires qui évangélisent certaines régions où la vigne fait défaut, et où le vin de messe ne peut être ni facilement ni sûrement transporté.

On n’oubliera pas non plus que le Saint-Office recommande aux missionnaires qui ne peuvent se procurer de l’alcool de vin aux fins de renforcer les vins du pays trop faibles pour se conserver, d’ajouter à la vendange une certaine quantité de raisins secs et de faire fermenter le tout. S. Off., 25 juin 1891, Collect, n. 1949. Cf. Instruction de la S. C. des Sacrements, 26 mars 1929, Acta apost. Sedis, t. xxi, p. 633. Un autre moyen d’obtenir un vin plus généreux lorsque la récolte n’est pas parfaitement-mûre serait de faire dessécher au moins partiellement les raisins avant de les presser.

Traitement et conservation du vin.

Les diverses opérations que l’on fait subir à un vin déjà achevé ont

pour but soit d’améliorer sa qualité (sucrage, soutirage, collage, filtrage), soit d’assurer sa conservation (vinage, stérilisation, pasteurisation, tannisage, phosphatage, tartrage, etc.). Aucun de ces traitements n’altérant substantiellement le viii, ne le rend liturgiquement invalide. Il faut dire quelques mots de leur licéité.

1. Sucrage. — S’il s’agit de renforcer un vin faible en alcool, nous avons vu que le Saint-Ofïice, sans condamner absolument l’addition de sucre (de canne), lui préfère soit l’ébullition ou évaporation, soit l’infusion d’alcool de vin (vinage) avant que la fermentation soit terminée, soit l’addition de raisins secs au moment du pressage. Cependant on ne saurait considérer comme inapte à la consécration un vin qui aurait été sucré à moins de dix pour cent, soit avant, soit pendant la fermentation.

Le vin une fois fait, le sucrage n’a plus d’autre but que de l’adoucir en vue de le rendre plus supportable à l’estomac. S’il s’agit de traiter un vin par trop acide ou trop vert, il semble que la licéité ne sera pas compromise si l’on se tient à une quantité minime, par exemple deux à trois pour cent. Cf. Capello, Desacramentis, 1. 1, n. 274, 3°. C’est à peu près la quantité tolérée par la loi française (maximum de 10 kilogs par 3 hectolitres de vendange, après déclaration et en acquittant des droits de plus en plus forts). Une réponse de la Propagande, adressée le 24 octobre 1892 à l’évêque des Trois-Rivières (Canada) et non publiée officiellement, était même beaucoup plus large. On demandait à la S. Congrégation si un prêtre du pays pouvait user licitement pour la messe d’un vin de raisin auquel il avait ajouté « une demi-livre de sucre par gallon de jus », soit environ 5 kilogs par hectolitre. La réponse fut la suivante : Cum in casu, sacchari adjunctio minime vini naturam immutasse dici possil, ampliludini lux permillere jas erit ut vinum de quo agitur in missæ celebralione adhibeatur. Cf. Nouv. rev. théol. française, t. x, 1905, p. 628. Il va de soi que si la substance ajoutée était du sucre de raisin, il n’y aurait plus aucune difficulté.

Dans la pratique, sauf le cas de quelque nécessité, on écartera de l’usage liturgique les vins de Champagne ou champagnisés, qui sont généralement additionnés d’une notable quantité de sucre (de canne ou de betterave). Leur emploi ne deviendrait parfaitement licite que si un prêtre ne pouvait facilement s’en procurer d’autres.

2. Soutirage, collage et filtrage. —

Toutes ces opérations ont pour but l’éclaircissement du vin ; c’est non seulement une question de présentation, mais aussi de perfection et de conservation : un vin trouble reste instable, bien qu’il puisse être consacré validement. Il convient cependant que, pour la messe, on n’utilise que do vin parfaitement clair. Lorsque les lies sont totalement séparées et reposent au fond des tonneaux, le soutirage est une opération légitime parce que tout à fait indiquée par la nature. Mais les lies ne se reposent paa facilement, surtout s’il s’agit de vins qui sont pauvres en tanin. Il peut être utile d’aider ou d’accélérer l’éclaircissement du vin.

On pourrait procéder par filtrage, mais c’est un moyen coûteux qui nécessite une véritable installalion. On a recours alors, soit à des substances qui opèrent mécaniquement par leur poids (papier, sable tre pur, lavé et séché), soit à la rotation des tonneaux, lOil à l’action du chaud ou du froid. Tous ces moyens sont aussi légitimes que naturels. Mais le plus souvent m emploie d’autres substances qui agissent chimiquement en dissociant les lies iin vin. Ce sont principalement des matières albuminoïdes (blanc d’uiif, caséine. sang) ou gélatineuses (gélatine, colle de poisson). La loi française autorise ces substances a une dose

modérée (2 ou 3 blancs d’oeufs ou 2 à 3 grammes de colle sèche par hectolitre). Que penser de ces procédés au point de vue canonique ? Parce que les substances employées agissent chimiquement sur le vin qu’elles appauvrissent plus ou moins, parce qu’aussi elles y introduisent des éléments étrangers qui y demeurent au moins partiellement en suspension, des auteurs se sont montrés sévères et veulent qu’on leur préfère les moyens mécaniques pour préparer le vin de messe. Il nous semble que l’illicéité ne sera que légère, et, si les substances employées demeurent minimes, le vin ainsi obtenu pourra être utilisé si l’on n’en a pas d’autre sous la main. L’absence de toute protestation de l’Église à rencontre de procédés couramment employés, permet d’y avoir recours jusqu’à décision contraire.

3. Tannisage.

Le tanin est un élément important du vin. Il arrête le développement des maladies, surtout de la graisse, fréquente dans les vins blancs (privés trop tôt des pellicules de la rafle et surtout des pépins) ; de plus, il assure le dépouillement des vins nouveaux par la précipitation des albuminoïdes et favorise un bon vieillissement. C’est pourquoi l’œnologie recommande un tannisage léger, avant fermentation, pour que le mélange soit plus complet. La dose est de 50 à 60 grammes pour une tonne (1.000 kgs) de vendange. L’unique recommandation en ce qui concerne le vin de messe sera de n’employer que des tanins à l’alcool, tirés des pépins de raisin ou du vin lui-même.

4. Plâtrage, phosphatage, tartrage. —

Pratiquées sur les moûts et selon les conditions exigées par la loi française, ces opérations ne sont pas opposées à la confection d’un vin de messe valide. Leur but est de restituer au moût une partie de l’acidité qui lui fait défaut ; cette acidité, due à l’acide tartrique et au bitartrate de potasse qui se trouvent dans les pellicules et dans la rafle, manque souvent au vin blanc ; d’où danger d’instabilité.

Le remède le plus naturel serait l’addition de grapillons verts dont le jus est très acide. Mais on a plus communément recours aux procédés suivants : le plâtrage de la vendange ; mais la loi n’autorisant qu’une quantité minime de plâtre pulvérisé, ce procédé est de plus en plus abandonné au profit des deux autres ; le phosphatage, par addition de phosphate bibasique (ou bicalcique) de chaux pure dans la proportion de 175 à 300 gTammes par tonne de vendange ; on use aussi du phosphate d’ammoniaque distillé à raison de 500 grammes à 1 kilog par tonne de vendange ; le tartrage, par addition d’acide tartrique cristallisé pur dans le moût : une dose de 120 grammes par hectolitre fournit environ un degré d’acidité.

Ces procédés chimiques, en raison de la quantité d’éléments étrangers qu’ils introduisent, peuvent être jugés assez sévèrement au regard des lois liturgiques sur le vin de messe. Il ne semble pas cependant qu’il y ait lieu de proscrire un vin ainsi traité, si l’on ne peut facilement s’en procurer d’autre ; là encore, un usage constant joint au silence de l’Église fait penser que l’illicéité n’est que légère.

5. Stérilisation.

La corruption du vin est la conséquence d’une deuxième fermentation provoquée par certains microorganismes, d’autant plus actifs que le vin est moins fort en alcool. On peut empêcher cette deuxième fermentation par l’introduction dans le liquide de substances antiseptiques qui tuent ces microorganismes ou du moins les neutralisent. Parmi celles rpii sont inofïensives pour l’homme, citons : le sulfite de sonde (Na 2 SO 1), le bisulfite de soude (N’a II SO) et surtout l’anhydride sulfureux (SO’) sous forme de gaz ou de liquide. Si de telles subs lances peuvent être utilisées pour la conservation des vins vulgaires, leur usage est interdit pour le vin de messe (même l’anhydride sulfureux, autorisé par le décret du Saint-Ollice du 2 août 1922, mais pour les moûts seulement). Cependant, comme les propriétés du vin ne sont pas altérées, la validité de la consécration n’est pas en cause. La licéité serait sauvegardée si ces substances étaient employées en petite quantité et qu’il y eût une réelle nécessité d’utiliser du vin ainsi traité.

6. Pasteurisation.

Elle assure la neutralisation des ferments nocifs (capables de provoquer la corruption), en soumettant le vin (soit en tonneau, soit en bouteilles) à une chaleur humide de 60 degrés durant une vingtaine de minutes. L’opération, qu’on ne confondra pas avec la réduction du vin ou du moût, est de tous points irréprochable.

7. Condensation du vin.

C’est le moyen le plus recommandé pour accroître le degré d’alcool (de préférence au vinage à raison de 15 à 20 %) et assurer la conservation du vin déjà fait. La réduction, par évaporation de l’eau qui y est contenue, peut aller jusqu’à 50 % du volume ; mais à ce point, c’est une opération assez délicate et très coûteuse. On n’y a recours que dans les cas extrêmes. Si on ne pouvait transporter du vin faible sans danger de corruption, mieux vaudrait accroître le degré d’alcool par l’addition de raisins secs, qui amènerait une deuxième fermentation.

8. Vinage. Nous avons vu les conditions de licéité du vinage du moût. Peut-on ajouter de l’alcool (de raisin) à un vin déjà fait ? En répondant le 4 mai 1887 à l’évêque de Carcassonne que l’ébullition était préférable à l’infusion d’alcool de raisin, pour corser un vin trop faible, le Saint-Office n’a pas condamné absolument le second procédé. La validité du vin ainsi traité ne fait pas de doute. Pourtant, normalement, on doit l’écarter de l’usage liturgique, à moins qu’une nécessité ou de sérieuses difficultés de se procurer une autre matière parfaitement licite ne légitiment l’emploi de ce mélange dans lequel n’entrent que des substances tirées de la vigne.

IV. Conditions de validité.

La validité de la consécration devant toujours être assurée, il n’est jamais permis d’employer une matière douteuse. Les conditions requises pour que le vin soit matière valide sont au nombre de deux : il doit provenir du fruit de la vigne ; il ne doit pas être corrompu. Can. 815, § 2.

1° En conséquence, ne sauraient être considérés comme matière valide :

1. Aucun des produits ou liquides qui ont l’apparence et même le goût du viii, mais ne proviennent pas du raisin, par exemple les cidres, hydromels, l’eau de vie, le vin chimique, le verjus, le sucre de raisin, la piquette ou « second vin » (sauf si le premier pressage avait été léger et que l’on ait ajoute une quantité d’eau minime pour le second pressage, alors le produit pourrait être valide ; dans les autres cas, il est au moins douteux, donc à rejeter absolument) ; —

2. le vin de raisins sauvages qui ne saurait être considéré comme du vin véritable, selon une réponse faite par la Propagande en 1819 à un vicaire apostolique du Siam, Collect., t. i, n. 732 ; —

3. le vin qui n’aurait pas d’alcool ou en quantité infime, soit que le raisin d’où il a été extrait manquât de sucre, soit que le vin lui-même, soit « passé », l’alcool s’étant évaporé à l’air libre. Les experts s’accordent à exiger un minimum de 5 degrés. Il faudrait rejeter également comme invalide, ou au moins comme douteux, un vin trop riche en alcool, qui mériterait plutôt le nom de liqueur (au-dessus de 20 degrés). Capello, De sacramentis, t. î, n. 257 ;

4. le vin fabriqué avec des raisins verts, de avis acerbis seu non maturis…, non fit sacramentum. Rubr. miss., De dejectibus, tit. iv, 1°. Si l’on ajoute à ce verjus le sucre qui lui fait défaut, la matière sera au moins douteuse lorsque la quantité de sucre ajoutée dépassera celle que contient le moût. Il faut en dire autant lorsqu’en sucrant des marcs déjà pressés, on obtient une quantité de liquide supérieure à celle de la première cuvée.

2° Le vin ne doit pas être substantiellement corrompu.

Il s’agit d’une corruption totale, provenant soit de la décomposition des éléments du viii, soit de l’addition de produits étrangers en quantité supérieure. Sont dans ce cas :

1. Le vinaigre (Si vinum sit factum penitus acetum, … non fit sacramentum. Rubr. miss., De defectibus, tit. iv, n. 1) —

2. Le vin totalement corrompu, putridum, sous l’action de microorganismes nocifs ou d’une opération chimique. Dans l’un et l’autre cas, s’il y a doute sur la totale décomposition du viii, il y aurait faute grave à consacrer. Lorsque le doute survient.après la consécration, prœsumplione solvi potest pro vino, dit Vermeersch, Theol. mor., t. iii, n. 371. Cependant si le doute est sérieux, dit saint Alphonse, il faut prendre du vin sûr et le consacrer sous condition, afin d’assurer l’intégrité du sacrifice. Theol. mor., t. VI, n. 207.

3. un vin tellement condensé, qu’il serait devenu pâteux ou presque solide, (genre sucre de raisin), à moins qu’on ne lui restitue l’eau évaporée. —

4. enfin un vin additionné de produits étrangers en quantité supérieure ou au moins égale à son propre volume. C’est la règle, déjà admise communément, et rappelée officiellement par l’instruction de la S. C. des Sacrements du 26 mars 1929 : Vinum cui aqua majore vel pari quantitale sit permixta, … uti materia valida haberi nequit. Cette norme est plutôt rassurante, car rarement les fraudes atteignent cette proportion.

3° Sont au contraire matière valide (bien qu’illicite) en vue de la consécration :

1. le vin qui commence à aigrir, à « piquer » ; —

2. le vin gelé, c’est-à-dire solidifié par le froid. Bien que certains auteurs lui refusent la validité, il n’y a aucun doute que la substance du liquide n’est pas altéré. Saint Alphonse considère l’opinion négative comme dépourvue de solide probabilité, t. VI, n. 206. Et la Rubrique, De defectibus, tit. x, n. 11, en donnant les règles à suivre lorsque le précieux sang vient à geler dans le calice affirme clairement que la présence réelle ne s’est pas évanouie ; donc le vin n’a pas été substantiellement décomposé. —

3. Même remarque pour le vin doux (mustum), que la Rubrique, ibid., tit. iv, n. 2, déclare matière valide, encore que gravement illicite. Mais le raisin non pressé est certainement matière invalide, attendu que, selon l’estimation commune, ce n’est pas du vin.

V. Conditions de licéité.

1° C’est une obligation grave de n’user à la messe que d’un vin certainement valide ; l’emploi d’un vin douteux ou même simplement probablement valide n’est jamais permis, ne fût-ce qu’à cause du danger d’idolâtrie qui en serait la conséquence.

2° Mais afin d’obtenir une sécurité plus grande et de mieux sauvegarder le respect dû au sacrifice eucharistique, l’Église a établi des conditions de licéité plus rigoureuses. On notera cependant qu’une raison grave (nécessité de célébrer pour procurer le viatique, pour éviter le scandale…), jointe à l’impossibilité morale de se procurer une matière parfaitement correcte, pourra légitimer l’emploi d’une matière non strictement conforme aux règles énoncées ci-dessous, pourvu que la validité soit hors de cause.

3° Un vin liturgique licite doit être :

1. parfaitement fermenté ; si jadis, dans certaines régions, on offrait le sacrifice avec le jus des premiers raisins li

fraîchement pressés, cet usage ne saurait plus être approuvé ni toléré ; —

2. bien purifié, c’est-à-dire séparé des lies soit au moyen de soutirages, soit par des collages modérés ; —

3. parfaitement loyal, sans mélange de substances étrangères. Des quantités minimes ou infimes peuvent être tolérées pour une juste cause. Mais une quantité notable rendrait la matière douteuse : Uti dubia reputanda erit maleria, nec proinde adhibenda, si … notabilis quantitas sil ipsi (vino) admixta. Instr. S. C. des Sacrements, 26 mars 1929, Acta apost. Sedis, t. xxi, p. 632. S’il s’agit de l’eau, les auteurs (S. Alphonse, t. VI, n. 240 ; Gasparri, De eucharislia, n. 821 ; Capello, op. cit., n. 271) estiment qu’un tiers est une quantité notable. Nous avons dit ailleurs ce qu’il faut penser de l’addition d’alcool (vinage) soit au moût, soit au vin. Le mélange de substances étrangères, telles que aromates, eau, liqueurs, cidre, etc. rendent le vin de messe illicite, si l’addition est faite sans cause légitime, même en petite quantité : Si admixta fuerit aqua rosacea seu alterius distillationis, conflcitur sacramenium, sed conficiens graviter peccat. Rubr. mis., De deject., tit. iv, n. 2. Pour une cause juste, on tolère une addition de 3 à 4 ° d’eau au moût ou de 3 ° au vin déjà fait, de même une addition de 2 à 3 ° de sucre, pour corriger un vin trop doux et trop généreux, ou au contraire trop vert ou acide. Cf. Capello, De sacramentis, t. i, n. 273.

4. Le vin de messe sera convenablement alcoolisé. En général, un vin qui titre moins de 6° 9 d’alcool (sauf si les raisins manquaient de maturité) et plus de 18° 2 est suspect et présumé frelaté.

5. On écartera le vin aigri ou qui commence à s’aigrir (vin qui pique). La gravité de la faute dépendra du degré de corruption. Nous avons dit que le traitement de ce vin au bicarbonate de chaux ou de soude ou au tartre ne rendait pas ce vin plus licite, au contraire. Nous devons noter cependant l’opinion de saint Alphonse qui, « à défaut d’autre viii, autorise l’usage d’un vin à peine aigri ou pas trop acide », vinum tantum parum acescens, sive non nolabililer acidum, même pour une messe de dévotion. Theol. mor., t. VI, n. 207. C’est dire qu’en cas de nécessité, on pourrait encore user de vin passablement aigri, pourvu que ce liquide demeure certainement du vin.

Il va de soi que, si l’acidité provient non de la corruption, mais du défaut de maturité du raisin (verdeur), le vin sera parfaitement licite. De même si le vin pique » parce qu’il fermente de nouveau, ce n’est pas du vin aigri et l’absence de clarté à ce moment est plutôt un signe d’authenticité.

4° Le meilleur moyen de s’assurer une matière valide et licite est de s’adresser, pour l’achat, à des producteurs ou revendeurs dont la compétence et l’honnêteté sont reconnues de tous et, au besoin, garanties par une attestation de l’Ordinaire du lieu. Avant de donner cette attestation, celui-ci s’assurera que ceux qui ont charge de préparer la matière du sacrifice ont connaissance des normes de l’Église sur ce point.

5° Parmi les moyens de conservation recommandés par l’instruction de la S. C. des Sacrements de 1929, signalons la précaution recommandée de ne pas laisser séjourner le vin de messe soit en tonneau non rempli ou non fermé, soit en bouteilles ouvertes ou à moitié vides, tant à cause du danger d’altération que de celui de falsification par l’addition d’eau.

Outre les manueli de théologie morale ou les imités canoniques (Génlcot-Salsmans, Vermeersch, Gasparri, Capello, M. Conte a Coronata, etc.), on consultera avec profil les ouvrages spéciaux ou articles de revues suivants :

Corblet, Histoire du tacrement de VeucharUtle, t. i, Paris, 1885 ; L. Mathieu, Vinification scientifique, Paris, 1924 ; E. Chancrin, Le vin. Procédés mo<lernes de préparation, amélioration et conservation, Paris, 1924 ; Fattinger, Pastoralchemie, FriboUrg, 1930 ; Cimetier, Consultations canoniques, 1°’série, Lyon, 1942 ; Ferraris, Prompta bibliotheca, au mot Vinum ; Nouvelle revue théologique, t. lii, 192.5, p. 89-93 ; t. i.m, 1926, p. 423-447 ; t. lxii, 1935, p. 5.5-75 ; t. lvii, 1930, p. 48-60 ; L’ami du clergé, années 1911, 1921, 1922, 1923, 1928, 1930 (principalement ) ; Periodica, t. VI, 1912, supplément xviii, p..57 ; t. xvii, 1928, p. 79, Rome.

A. Bride.