Dictionnaire de théologie catholique/WENRICH DE TRÊVES

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 999-1000).

WENRICH DE TRÊVES, d’abord chanoine de Verdun, puis écolàtre de Trêves, nommé évêque de Verceil, mort le 30 septembre 1082. — Wenrich est un des principaux représentants, en Allemagne, des idées antigrégoriennes qui s’exaspèrent après la seconde excommunication et la seconde déposition de Henri IV en 1080. L’opposition de l’Église allemande se donne libre carrière au concile de Brixen, 25 juin 1080, où Grégoire VII est canoniquement déposé et Guibert, archevêque de Ravenne, choisi pour le remplacer. L’évêque de Verdun, Thierry, avait participé’à cette assemblée aussi bien qu’à celle de Mayence (à la Pentecôte) qui avait préparé la réunion de Brixen. Il demanda à l’ancien chanoine de Verdun de se faire l’interprète des griefs de l’Église germanique contre le pape. C’est ainsi que Wenrich fut appelé à composer son petit traité contre Grégoire VII ; il lui donna la forme d’une lettre ouverte au pontife, censée écrite par l’évêque de Verdun, dans laquelle il exprime, sur un ton de regret qui peut être sincère, les déconvenues et les tristesses que cause à l’Église l’attitude de Grégoire. Cela l’amène à critiquer avec modération, mais avec énergie, les mesures drastiques prises par celui-ci : c’est une injustice que la déposition prononcée contre le roi et l’exclusion injuste de l’Église est de nul effet, elle ne peut être dommageable qu’au juge qui la prononce. Wenrich combat également la loi du célibat ecclésiastique ; au fond elle est immorale et le mariage des prêtres est une des conditions pour eux d’une vie régulière. La prohibition faite par Grégoire d’assister aux offices des prêtres mariés fait revivre les pires souvenirs de la Pataria. Quant à la pratique de l’investiture royale, elle se justifie aussi bien par la raison que par des considérations historiques ; l’Écriture elle-même peut être invoquée à l’appui, et il y a bien des exemples de papes qui ont reconnu l’installation des évêques par les souverains. Pour terminer, Wenrich rend le pape responsable des troubles que la guerre civile a déchaînés en Allemagne ; il lui reproche la façon dont il a brigué la dignité pontificale et les procédés tortueux par lequels il est arrivé à ses fins.

Tel est ce manifeste, qui est sans doute la meilleure récapitulation des griefs qui s’étaient accumulés en Allemagne contre Grégoire VII depuis le déclenchement de la guerre civile. Il a dû être écrit entre octobre 1080 (mort de l’antiroi Rodolphe) et 1081 (élection de son successeur Hermann). Sa diffusion fut rapide et dans l’ensemble il fut favorablement accueilli en Allemagne. La notice que lui consacre Sigebert de Gembloux est bien caractéristique : « Wenrich, devenu d’écolâtre de Trêves évêque de Verceil, écrivit, au nom de Thierry de Verdun, un petit livre adressé à Hildebrand, c’est-à-dire au pape Grégoire, sur la querelle de l’Empire et du Sacerdoce ; il ne le morigène pas, mais il le supplie comme un vieillard et un père et, d’une manière amicale et triste à la fois, il lui met sous les yeux tout ce que la renommée lui reprochait d’avoir fait contre le droit et contre la religion. » De script, eccl., n. 160, P. L., t. clx, col. 584. Manegold de Lautenbach en jugea bien différemment : cette lettre était une œuvre exécrable à la réfutation de laquelle il s’attacha dans son Liber ad Gebehardum. Voir l’art. Manegold, t. ix, col. 1828 ; on se rendra compte que Manegold a repris pour les combattre toutes les thèses de Wenrich, mais avec une abondance et une truculence qui font le plus parfait contraste avec la sobriété et la modération de l’écolâtre de Trêves.

Le texte se trouvera sous le titre : Theodoricus Virdunensis episcopus Hildebrando papæ, dans Mon. Germ. hist., Libelli de lite, t. i, p. 284-299. Outre les travaux signalés à l’art. Manegold et qui font tous plus ou moins allusion à Wenrich, voir A. Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. iii, 2e -3e éd., 1906, p. 820-830 ; Manitius, Gesehiehle der latein. Literatur des M. A., t. iii, 1931, p. 26 sq. ; mais surtout A. Fliche, La réforme grégorienne, t. iii, L’opposition antigrégorienne, Louvain, 1937.

É. Amann.