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Dictionnaire de théologie catholique/WITZEL Georges

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1024-1026).

WITZEL Georges, théologien et controversiste du temps de la Réforme (1501-1573).

I. Vie.

C’est un singulier personnage que G. Witzel : rallié d’abord à la cause de la Réforme, il rompt ensuite bruyamment avec les chefs de celle-ci pour se mettre au service des idées catholiques, ce qui ne l’empêche pas de mourir plus ou moins suspect aux intégristes de la Contre-Réforme.

Né en 1501 à Vacha-sur-Werra (aujourd’hui dans la Saxe-Weimar), il commence ses études à l’université d’Erfurt en 1516 ; il fréquente ensuite celle de Wittenberg, où il eut pour maîtres Luther, Carlstadt et Mélanchthon ; c’est déjà le moment de la rupture de Luther avec l’Église (la bulle Exsurge est du 15 juin 1520), mais il n’y a pas encore à proprement parler de schisme luthérien. La sympathie que le jeune Witzel éprouve dès lors pour la Réforme ne l’empêche pas de demander l’ordination à l’évêque de Mersebourg, en 1521 ; prêtre, il devient vicaire dans sa ville natale. Mais le célibat lui pèse ; en 1523, il adresse à l’abbé de Fulda, dont il dépendait, une requête demandant qu’il lui fût permis de se marier, tout en conservant sa situation ecclésiastique ; comme cette requête ne reçoit pas de réponse, il se donne à lui-même la dispense réclamée et convole avec la fille d’un habitant d’Eisenach. Il regrettera plus tard ce mariage que rien d’ailleurs ne put le décider à rompre. En 1524, ayant perdu sa place de vicaire, il est obligé de se retirer à Eisenach, pays de son beau-père. C’est là qu’il fait la connaissance de l’agitateur religieux et social Jacques Strauss, dont il seconde quelque temps les efforts. Toutefois il ne se rallie pas définitivement à Thomas Mûnzer, lors de la révolte des paysans (1524-1525) ; malgré ses sympathies pour les revendications du peuple, il essaie d’enrayer le mouvement révolutionnaire. Quand celui-ci eut été écrasé, Witzel, sorti à peu près indemne de l’aventure, se rend à Erfurt, puis à Wittenberg, où il compte encore sur l’appui de Luther, qui lui fait avoir une petite paroisse à Niemegk. À ce moment Witzel est sans doute gagné à la cause de la Réforme ; il se livre à de vigoureuses sorties contre la domination du pape, regnum Romani pontificis, mais d’autre part on sent déjà percer chez lui des plaintes contre la mauvaise tenue morale des premiers adhérents de « l’Évangile » : la doctrine de la justification par la foi sans les œuvres commence à engendrer le laxisme moral. Witzel le sent, le dit, peu à peu cette constatation va le détacher de l’évangélisme primitif. Au même résultat contribuent et l’étude des Pères de l’Église à laquelle il se livre avec ardeur, et tout autant les relations avec Érasme. Au vrai, ce qui avait conduit Witzel à l’évangélisme, ce n’étaient ni les doctrines de la Justification, ni le besoin de la certitude du salut ; il est avant tout un réformiste qui voit les abus trop réels dont soutire l’Église et voudrait l’en purifier. Or, ce cpri’il constate dans les réformateurs, c’est une sorte d’hostilité contre les bonnes rruvres et Ions les écrits de Luther sur la question ne p ; ir iemient pas à le tranquiliser. Il cherche donc un autre idéal et progressivement le luthéranisme lui apparaît dans

son allure « sectaire », antiecclésiastique. En même temps, par une sorte de fatalité, quelques relations qu’il a avec Campanus sont interprétées par Wittenberg comme un signe de son adhésion aux doctrines antitrinitaires, ce qui n’était pas exact. Bientôt la brouille est complète entre lui et les dirigeants de la Réforme ; en 1531 il abandonne Niemegk.

Alors commence la lutte ouverte contre la « secte » luthérienne En même temps il est à la recherche d’une situation dans l’Église catholique, situation que son mariage ne lui permettait pas facilement de trouver. Il échoue dans bien des démarches, en dépit de la bonne volonté de certains catholiques qui comprenaient le renfort qu’un tel homme apportait à leur cause. En 1533 toutefois, le comte de Mansfeld le fait admettre comme prédicateur dans l’église Saint-André d’Eisleben, où il dirige un groupe minuscule de catholiques tout en polémiquant par la parole et la plume contre les protagonistes de la Réforme. Puis le duc Georges de Saxe se l’attache et l’emmène avec lui à Dresde et à Leipzig (après 1538). Avec son protecteur il cherche, puisque les espoirs de concile souhaité ne se réalisent guère, à grouper, dans les deux camps, les hommes de bonne volonté qui voudraient, par des concessions réciproques, amener la pacification religieuse de l’Allemagne. C’est ainsi qu’il prend une part importante au colloque de Leipzig, avril 1534. Cf. Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. vin b, p. 1180 sq. Le duc l’encourage à la publication d’un recueil de réflexions sur l’Écriture qui serait l’antidote des Postillen’de Luther et qui serait imposé en Saxe. La mort du duc Georges (1539), remplacé par Jean-Frédéric, acquis au luthéranisme, vint mettre un term^à ces projets ; Witzel doit s’enfuir en Bohême ; de là il tente de passer à Berlin, où il espérait trouver dans l’électeur de Brandebourg quelqu’un de favorable à son réformisme catholique. En fait Joachim II ne tardait pas à passer au franc luthéranisme. C’est pour Witzel le début d’une vie errante, qui le mène en Lusace, en Silésie, à Bamberg, à Wurzbourg. A partir de 1541, il est à Fulda, où l’abbé lui donne un asile qui le mettra à l’abri du besoin pendant une dizaine d’années. De là il suit avec attention les différentes tentatives de rapprochement entre catholiques et protestants soit avant l’ouverture, soit après les débuts du concile de Trente. Il est à la dicte de Ratisbonne (printemps de 1542) — on a dit qu’il fut l’auteur du fameux Livre de Ratisbonne ; ce n’est pas prouvé — il est à celle de Spire de 1544 ; il sera à celle d’Augsbourg de 1548, dont il défendra les résolutions connues sous le nom d’Intérim. Mais le séjour à Fulda n’est plus sûr pour lui ; déjà en 1547 il avait été obligé de le quitter provisoirement ; en 1552 il s’enfuit de manière définitive et vient s’installer à Maycnce, où il passera les vingt dernières années de sa vie, sans qu’on puisse dire avec certitude s’il professa à l’université. C’est de Maycnce qu’il se rend en 1557 aux entretiens de Worms, où il renoue connaissance avec Pflug, évêque de Naumbourg, avec qui il avait collaboré jadis à Ratisbonne, et lie des relations avec G. Cassandcr. Ferdinand l’avait nommé conseiller impérial ; Maximilien, à partir du 1° septembre 1564, lui faisait une pension annuelle de 100 florins. Mais sa situation continuait d’être bizarre, sinon Irrégulière. Après la mort de sa première femme, en 1554, il avait contracté avec sa servante un mariage Secret. Celle-ci morte en 1562. il convolait encore en troisièmes noces, fout cela, sans compter les idées qu’il affichait,

sans compter les attaques auxquelles il se livrait

volontiers contre les jésuites, ne laissait pas de faire planer des doutes sur le sérieux de sa religion. Pourtant il inouï ut en catholique et fut enterré dans l’église

Saint-Ignace (16 février 157.’)).

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II. Écrits et idées.

Il est à peu près impossible de dresser une liste de ses écrits. Ràss, Die Konvertilen seit der Reformation, t. i, p. 146 sq., en compte 93, et sa liste est pourtant incomplète. Nous ne pouvons que donner ici un aperçu de l’activité littéraire de Witzel, en groupant ses principaux écrits et en essayant de caractériser ses idées aux différentes étapes de sa vie.

Encore rallié au luthéranisme, il publie Querela Evangelii, 1524, et Oratio in veterem Adam, 1525, réimprimés dans la Retectio lulherismi, 1538, où se manifestent pour la première fois ses regrets sur la faillite morale partielle de l’évangélisme : la Réforme est loin d’avoir tenu ses promesses. S’il est bien des « évangélistes » dont la vie et la doctrine font honneur au mouvement, il en est trop encore dont les actes ne sont pas d’accord avec les déclarations : carnem in multis principatum tenere eximie Evangelistis apud vulgus, indicant fructus ejus.

Quand il a rompu avec les chefs du mouvement, il multiplie les attaques contre les doctrines spécifiquement luthériennes et surtout contre la théorie de la justification et les conséquences amorales que celle-ci entraîne. Cela l’engage en des querelles littéraires trop personnelles pour être rapportées ici. Plus importantes sont les œuvres doctrinales, où il essaie d’établir le bien-fondé de la foi catholique : De libero arbilrio, imprimé seulement en 1548 ; Pro defensione bonorum operum adversus novos Evangelistas, auctore Agricola Phago, 1532 ; Ein unùberwindlicher, grùndlicher Bericht was die Rechlfertigung in Paulosei, 1533 ; Verklàrung des 9. Artikels unsers heiligen Glaubens, 1533 ; Von Buse, Beichte und Bann, 1534 ; Von Beten, Fasten und Almosen, 1535 ; Von der heiligen Eucharistie, 1534 ; Von den Toten und ihrem Begràbniss, 1536. La Retectio lutherismi, 1532, imprimée en 1538, et V Evangelion M. Luthers, 1533, sont encore dans la note très polémique ; comme aussi la Conquestio de calamiloso rerum christianarum statu, 1538.

Mais à la même époque de sa vie il fait paraître une sorte de manifeste où s’expriment au mieux ses idées essentielles : il voudrait surtout montrer qu’en dépouillant l’esprit sectaire les animateurs du mouvement réformiste pourraient obtenir l’audience de l’Église et réaliser les améliorations qu’ils réclament à juste titre dans les pratiques et les doctrines mêmes de l’Église. Le livre, intitulé Methodus concordiæ ecclesiasticse, écrit en 1532, imprimé seulement en 1537, est l’expression du réformisme catholique, qui séduisit en ce moment bon nombre d’esprits soit en Allemagne, soit en France. Voici comment l’analyse G. Kaverau : « Il est dédié à tous les détenteurs du pouvoir : pape, empereur, évêques, princes. Il demande avant tout, pour éviter une décision sanglante par les armes, la réunion d’un concile, dans lequel les deux parties s’expliqueraient librement. Le terrain d’entente serait constitué par l’enseignement des apôtres, tel qu’il ressort de la sainte Écriture et des anciens Pères ; on renoncerait aux dogmes scolastiques. En toutes les questions nécessaires au salut des âmes, l’Écriture suffit, mais il faut à côté d’elle reconnaître le droit pour l’Église de donner des décisions valables. Les conjonctures exigent impérieusement une traduction allemande de la Bible ; ce ne doit pas être d’ailleurs l’œuvre d’un particulier, mais le résultat du travail d’une commission de savants ; elle serait munie du visa ecclésiastique. Il faut absolument relever le niveau de la prédication : que les luthériens renoncent aux Postules de Luther, les catholiques aux prédications farcies de légendes mensongères ; que l’on publie des sermons-types, sans excitations, des histoires de saints sans mensonges II faut aussi un catéchisme non point luthérien, mais apostolique ; à la fin de

l’instruction catéchistique une confirmation, où les enfants renouvelleront solennellement et tous ensemble les promesses faites au baptême par leurs parrains et marraines. La messe semblablement a besoin de réformes : plus d’honoraires de messe 1 moins de messes, mais qui soient célébrées sérieusement et pieusement 1 Le canon de la messe est admissible, si on l’interprète bien, mais que l’on renonce à l’absurde habitude de le murmurer à toute allure, sans dévotion et sans fruit. Le concile doit rétablir la communion sous les deux espèces, mais les évangélistes doivent eux aussi reconnaître qu’ils n’ont pas bien agi en déchirant pour cette question l’unité de l’Église. Il est tout indiqué que la communauté prenne part à la messe en communiant. Que dans la confession, on laisse de côté les questions indiscrètes et la torture des consciences ; l’aveu a surtout pour but de permettre au pasteur de savoir ce que sont ses brebis, de savoir ce qu’elles croient et comment elles vivent. Mais il faut aussi reconnaître que le scandaleux abus du confessionnal pour le commerce des indulgences est responsable des origines du luthéranisme. L’excommunication peut demeurer comme exclusion des scandaleux de la sainte table. L’imposition de certaines satisfactions en confession a, dans la pratique, de bons résultats. En ce qui concerne le mariage, les catholiques doivent céder quelque chose sur la question des empêchements, les luthériens sur celle du divorce. Que le concile concède, comme un moindre mal, aux ecclésiastiques le mariage avec une personne vierge ; cela vaut mieux que les concubinages clandestins qui sont tolérés aujourd’hui par les évêques. Il est de notoriété certaine que le célibat amène scelestissima cleri stupra. L’extrême-onction est consacrée par son âge, il faut seulement la traiter avec plus de respect. Le sacrement de l’ordre demande à être purifié d’abus invraisemblables ; c’est par là seulement que l’on pourra regagner les luthériens à cette institution si bienfaisante. Les règlements relatifs au jeûne sont salutaires, mais il faut en écarter les superstitions qui s’y rattachent, encourager ceux qui dépassent librement sur ce point les prescriptions de l’Église. De l’invocation des saints il ne faudrait pas faire un article de foi, mais on ne doit pas non plus la décrier comme une impiété. Il faut condamner la superstition barbare des prières magiques et écarter les prières auxquelles sont attachées, croit-on, des grâces spéciales. Le latin peut demeurer comme langue liturgique, mais à condition que les textes soient fréquemment expliqués au peuple. Le cantique populaire en allemand peut être très salutaire. Les visites canoniques sont indispensables pour l’amélioration des ecclésiastiques. Le nombre des couvents doit être considérablement réduit ; ceux qu’on laissera subsister ont besoin de réformes profondes. L’écrit se ferme sur un appel au cardinal Albert, archevêque de Mayence, en faveur de la convocation d’un concile. » On pourrait rapprocher de l’écrit précédent Drei Gesprechbùchlein von den Religionsachen, 1539, dialogue où Witzel, qui se dénomme Orthodoxus, cherche à tenir la balance égale entre le « papiste » Ausonius et le « prédicant évangéliste » Coré. De la même date, de la même inspiration, un petit traité : Ein gemein christlich Lere in Artikeln, paru sans nom d’auteur.et que l’on a aussi attribué à Pflug. C’est un manifeste adressé à Jean-Frédéric de Saxe, au moment où celui-ci allait introduire la Réforme en ses États. Au lieu des innovations de Wittenberg, on y préconise un réformisme catholique.

Les écrits ultérieurs reprendront sous des formes variées les divers articles de ce programme. Le Typus Ecclesiæ prioris, 1540, paru avec des compléments en 1559, prêche le retour aux idées et aux pratiques

de l’Église ancienne, que Witzel voit réalisées dans la communauté primitive de Jérusalem. En même temps il s’efforce de faciliter l’enseignement catéchistique : Catechismus Ecclesise, Lehr und Handelunge des heiligen Christentums, 1535, précédé d’un Epilome der Historien beider Testamente, une des premières tentatives de faire pénétrer l’histoire biblique dans l’enseignement religieux de la jeunesse. En dehors de différentes éditions allemandes le catéchisme parut aussi en latin : Catechismus major ; on y peut rattacher des Qusestiones catechisticse, Mayence, 1540 ; Catechisticum examen christiani pueri, 1541 ; Catechismus. Instructio puerorum, 1542. Par ces publications, Witzel voulait rivaliser avec le catéchisme de Luther. De même soumet-il à la critique la plus pénétrante la traduction de la Bible du novateur : Annotationes in die Wittenberger neue Dolmetschung, 1536, reprises dans Annotaten in M. Luthers deutschen Psalter, 1555, et dans les Annotaten à Mathieu, Marc et Luc, 1555. Lui-même s’exerce à donner quelques traductions bibliques, d’ailleurs assez mal venues, parce que serrant le texte de trop près : explications des sept psaumes de la pénitence, 1534, du psaume cxx, 1535, des cantiques du Nouveau Testament, 1537. Du même ordre, des traductions de textes liturgiques : hymnes, séquences et proses, 1545, 1546 ; canon de la messe (1545) ; plus tard, dans la Vesperlina psalmodia, les cinquante psaumes que l’Église chante à vêpres ; liturgie du baptême, litanies, messes, prières des processions, etc.

Les différents colloques auxquels il prit une part plus ou moins active ont mis aussi en mouvement sa plume : Wahrer Bericht von den Akten der Leipzischen und Speierischen Collocutio ; Epistcl und Evangelien von der Rômischen Kaysers Oberkail, Ingolstadt, 1548, où est défendu avec beaucoup de verve le droit de l’empereur de dirimer les questions religieuses, comme il l’avait fait dans l’Intérim d’Augsbourg. A la défense du même acte impérial il consacre un volumineux écrit en mars 1549 et différents avis où il accentue l’idée qu’il faut prendre à l’endroit de la secte luthérienne des mesures de rigueur.

Mais il n’avait pas renoncé pour autant à son réformisme catholique ; on voit celui-ci s’exprimer encore dans le plus célèbre de ses écrits, la Via regia, rédigé en 1564, et donc au lendemain de la clôture du concile de Trente, à l’instigation de l’empereur Maximilien. Paru d’abord dans les Wolflii prælectiones memorabiles, t. ii, 1600, p. 353 sq., il fut publié ensuite à deux reprises par Conring de Halmstadt en 1650 et 1659, de même que dans la collection De pace et concordia Ecclesiæ restituenda opuscula atiquot clarissimorum virorum, Brunswick, 1650. C’est encore le même esprit que dans la Methodus, ci-dessus ; mais avec cette différence que la critique de certaines pratiques et de certaines idées catholiques se fait plus incisive, tandis que l’auteur ne cache pas son adhésion à divers articles de la confession d’Augsbourg. « Pour ce qui est de la messe, de l’ordination, de la hiérarchie, des vœux de religion, il admet tout ce qu’admet l’Église catholique, mais en même temps il accentue plus ferme que jamais le besoin de réformes dans toutes ces institutions. Il ne vitupère plus contre la « secte » luthérienne, mais il regrette sa séparation de l’Église une, sainte et catholique, et il recommande les plut larges concessions pour la regagner. Il se sent en opposition aiguë avec la tendance qui vient de remporter la victoire à Trente. La réunion des églises n’est pat possible sans une réforme profonde du catholicisme » (Kawerau). An fait.ee qui avilit triomphé à Trente’était la doctrine qui n’admettait aucune compromis sion, la tendance qui donnail ; m catholicisme des arêtes de plus en plus vives. Wit/el se sentait abso

lument étranger à cet état d’esprit, de plus en plus isolé dans ce monde de la Contre-Réformation, auquel les jésuites donnaient le ton.

Mais ses outrances n’en témoignent pas moins de la sincérité de ses convictions. Il a toujours rêvé d’une religion qui mettrait en pratique les enseignements de l’Évangile. Séduit au début par les promesses de l’évangélisme luthérien, il ne tarde pas à voir combien la réalité diffère de ces belles promesses. La réforme promise est un leurre ; au lieu de marquer un progrès moral, elle amène plutôt une déchéance. Witzel se retourne alors vers la catholicisme, mais sans rien sacrifier de ses aspirations réformistes. Parmi les réclamations que font valoir si bruyamment les réformateurs, il en est de fondées ; le catholicisme n’est pas un bloc intangible et il faudrait tenir compte de tant de gravamina qui s’accumulent depuis des siècles. Witzel le dit, il le dit avec force, au risque de rendre suspecte sa conversion. En fait il n’avait pas changé et ce qu’il voulait aux derniers jours de sa vie c’était le même idéal qui l’avait séduit dans sa jeunesse : une Église plus pure, plus belle, plus conforme à ce que prêchait l’Évangile. Mais c’étaient les hommes et les institutions qui changeaient autour de lui ; les deux « confessions » protestante et catholique s’opposaient de plus en plus comme deux blocs antagonistes. À vouloir les concilier Witzel, comme tant d’autres, perdrait sa peine, et détesté des uns, suspect aux autres, il serait finalement, en dépit d’une activité littéraire considérable, sans action sur le développement de l’une et l’autre religion.

1° Œuvres. — Une édition des œuvres de Witzel a commencé de paraître à Cologne, in-fo)., t. i, 1559, t. n et m, 1562. Il faut tenir compte aussi de la correspondance considérable échangée par celui-ci avec nombre de personnalités ; on trouve de ses lettres dans les Epistolarum libri IV, Leipzig, 1537, dans les Epistolæ miscellanew ad F. Nauseam, Bâle, 1550, dans les œuvres d’Érasme, de Cassander, dans les Illustrium et clarissimorum virorum epistolæ selectiores, Leyde, 1617, les Epistolæ Mosellani, etc., ad Pflugium, Leipzig, 1802, dans la correspondance de Beatus Rhenanus. Au dire de Kawerau, cette correspondance de Witzel, si on pouvait la rassembler, fournirait une contribution importante à l’histoire du réformisme catholique.

Travaux.

La plus ancienne biographie est dans Corn.

Loos Callidius, Germaniæ scriptorum catalogus, Mayence, 1582 ; à nommer aussi celle de Christophe lirowerus, S. J., dans Antiquitates Fuldenses, Anvers, 1612, p. 337 sq. ; celle de Th. James dans Brown, Appendix ad <>. Gratii fasciculum rerum expelendarum et fiigiendarum, Londres, 1690, p. 784 sq. ; Neander, De Georgio Wicelio ejusque in Ecclesia euangelica animo, Berlin, 1839 ; I. Dôllingcr, Die Reformation, 2’éd., Ratisbonne, 1848, t. i, p. 21 sp ; Hàss, Die Konvertiten seit der Reformation, t. i, 1866 ; l’ritgen. De Cassandri ejusque snciorum studiis irenicis. Munster-in-W. , 1865 ; et les articles de N. l’a u lus. dans le Xirchenlexikon, t. xii, col. 1726 sq. (outre cela de nombreux articles dans Der Kallwlik, 1877, 1891, 1802, 1894, 1900, 1902) ; de Tschackert, dans AUgemeine deutsche Biographie, t. xliii, p. 657 sq., de G. Kawerau. dans l’rotestantischr Realencgclopœdte, t. sxi, p. 399, dont nous nous sommes tout spécialement inspiré.

É. Amann.