Dictionnaire de théologie catholique/ZWINGLI IV. Ouvrages

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L. Cristiani
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1104-1107).

IV. Ouvrages. — Nous avons déjà donné, au mot Réforme, les aspects essentiels de la doctrine de Zwingli en parallèle avec celle des autres réformateurs. On y reviendra dans l’art. Zwinolianisme. Nous nous bornerons donc ici à énumérer les ouvrages principaux où il faut chercher sa pensée théologique, en Indiquant les caractéristiques de ces ouvrages et leur contenu.

L’'exposition et les preuves des thèses (Auslegung und Gründe der Schlussreden), 1523. — Cet ouvrage est un développement des 67 thèses publiées par Zwingli pour servir de base à la grande dispute de janvier 1523. Les thèses 1 à 15 établissent la position de l’auteur au sujet des grands sujets de la théologie

« évangélique ». En voici les plus importantes : 1. Tous

ceux qui prétendent que l’Évangile n’est rien sans l’approbation de l’Église se trompent et blasphèment Dieu. — 2. Le résumé de l’Évangile est le suivant : Notre-Seigneur, vrai Fils de Dieu, nous a révélé la volonté de son Père céleste et par son innocence nous a sauvés de la mort et réconciliés avec son Père. — 3. Cette vérité est l’unique chemin du salut pour tous les hommes, dans le passé, le présent et l’avenir. — 4. Quiconque cherche une autre voie se trompe, c’est un larron et un meurtrier des âmes. — 5. Ceux qui mettent les doctrines humaines sur le même rang que l’Évangile ou sur un rang supérieur, se trompent et ignorent la valeur de l’Évangile. — 6. Jésus-Christ est en effet le guide et le chef promis et envoyé à tout le genre humain. — 7. Il est le salut éternel de tous les croyants qui sont les membres du corps dont il est la tête. — 8. Tous ceux qui sont attachés au chef sont enfants de Dieu ; ils forment la communion des saints, Ecclesia catholica. — 9. De même que les membres ne peuvent rien sans la tête, de même, dans le corps du Christ, nul ne peut rien sans le chef. — 14. Tous les chrétiens doivent faire effort pour que l’Évangile seul soit partout prêché. — 15. Notre salut est fondé sur la foi, notre condamnation dérive de l’incrédulité ; les vérités du salut sont parfaitement claires pour la foi.

Les thèses 16 à 67 sont dirigées contre l’Église catholique, à l’exception des thèses 34 à 43, qui traitent de l’autorité. Contre l’Église, les thèses les plus marquantes sont les suivantes : 16. L’Évangile nous enseigne que les doctrines et inventions humaines sont inutiles au salut. — 17. Le Christ étant notre Grand-Prêtre, unique et éternel, ceux qui prétendent au pontificat suprême (les papes) méprisent l’autorité du Christ. — 18. Le Christ s’étant une fois donné en victime expiatoire pour les péchés de tous les croyants, il s’ensuit que la messe n’est pas un sacrifice, mais le mémorial du sacrifice éternel et tout-puissant du Christ, un gage de la rédemption que le Christ nous a acquise. — 19. Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et nous. — 22. Le Christ est notre justice ; donc nos œuvres ne sont bonnes qu’en tant que faites par le Christ ; en tant que nous appartenant à nous-mêmes, elles ne sont ni justes ni bonnes. — 23. Le Christ rejette la pompe et les biens de ce monde, ceux qui les convoitent sous le couvert de son nom (les évêques) le déshonorent, car ils se servent de lui pour couvrir leur avidité et leur orgueil. — 24. Le chrétien n’est astreint qu’aux œuvres ordonnées par Dieu, il est donc libre de manger les mets qu’il lui plaît ; les lettres sur le beurre et le fromage sont donc une tromperie romaine. — 25. Le temps et le lieu sont soumis aux chrétiens et non les chrétiens à eux, ce qui prouve que ceux qui s’attachent aux temps et aux lieux dérobent au chrétien sa liberté. — 26. Il n’y a rien qui déplaise tant à Dieu que l’hypocrisie, d’où il suit que tout ce qui sert à parer l’homme n’est qu’une hypocrisie, et par là tombent les soutanes, les costumes, la tonsure, etc. — 27. Tous les chrétiens sont frères et ne connaissent pas de Père sur la terre, ainsi tombent les ordres (religieux), les sectes, les bandes séparées. — 28. Tout ce que Dieu permet ou n’a pas défendu est bon ; donc le mariage convient à tous les hommes. Tous les hommes que l’on nomme ecclésiastiques pèchent si, après l’être aperçus que Dieu leur a refusé la continence complète, ils ne se marient pas. — 30. Ceux qui font vœu de chasteté ont en eux-mêmes une confiance enfantine ou folle, ce qui prouve que qui exigent de tels vœux se conduisent indignement envers l’homme pieux. — 31. L’excommunication ne peut être portée contre personne par un particulier, mais seulement par l’Église, c’est-à-dire par la communauté au sein de laquelle vit le coupable, en union avec son guide, c’est-à-dire le curé. — 33. Les biens donnés indûment aux temples, couvents, moines et nonnes, doivent être distribués aux nécessiteux, à moins qu’ils ne soient rendus au possesseur légal. — 50. Dieu seul remet les péchés par Jésus-Christ, son Fils, Notre-Seigneur (donc pas de pouvoir des clés au pape). C’était ici que Zwingli soutenait que la pierre sur laquelle le Christ devait bâtir son Église n’était pas Pierre, mais lui-même, et d’autre part que le pouvoir de lier et de délier n’était autre que le pouvoir de prêcher. — 52. On ne doit donc faire la confession à un prêtre ou à son prochain que pour obtenir un conseil utile, non pour avoir l’absolution des péchés. — 54. Le Christ a porté toutes nos peines et souffrances, quiconque impose des pénitences qui n’appartiennent qu’au Christ se trompe et offense Dieu. — 55. Quiconque prétend réserver l’absolution de n’importe quel péché à un pénitent contrit ne serait plus le représentant de Dieu, ni de Pierre, mais du diable (contre les absolutions réservées au pape ou à l’évêque). — 56. Quiconque remet des péchés pour de l’argent est l’apôtre du diable, le collègue de Simon le Magicien et de Balaam (contre les indulgences). — 57. La véritable Écriture sainte ne connaît aucun purgatoire après la mort ; Zwingli relègue le passage du IIe livre des Machabées, xii, 43-46, sur la prière pour les morts, au rang des apocryphes. — 58. Dieu seul connaît la sentence portée sur les défunts. — 60. Que l’on prie, dans son souci pour les défunts, afin que Dieu leur accorde sa grâce, je ne le repousse point ; mais attacher cette prière à des temps fixes (trentaine, anniversaire, etc.) et dire des mensonges à ce propos pour un gain d’argent, cela n’est pas humain, mais diabolique. — 61. L’Écriture ne sait rien d’un « caractère » imprimé par le sacerdoce. — 62. Elle ne connaît d’autre prêtre que ceux qui prêchent la parole de Dieu.

Si maintenant l’on revient aux thèses 34-43, sur l’autorité on rencontre les propositions suivantes : L’autorité dite ecclésiastique n’a aucun fondement pour sa magnificence dans l’enseignement du Christ (34) ; — mais l’autorité civile a force et droit selon cet enseignement (35) ; — tout ce que l’autorité ecclésiastique s’attribue, en fait de droit, appartient à l’autorité civile (36) ; — aux pouvoirs civils, les chrétiens doivent tous obéissance, sans exception (37) ; — à la condition toutefois que ces pouvoirs n’ordonnent rien qui soit contre Dieu (38) ; — toutes les lois doivent donc être conformes à la volonté divine (connue par la Bible) (39) ; — les pouvoirs civils ont seuls le droit de mettre à mort, mais seulement ceux qui donnent un scandale public (40) ; que s’ils dirigent avec rectitude ceux dont ils ont devant Dieu la responsabilité, ces derniers sont tenus de les assister corporellement (au moyen des impôts) (41) ; — mais s’ils voulaient se conduire déloyalement et contre la règle chrétienne, ils devraient être déposés avec l’aide de Dieu (42) ; — en somme, le meilleur et le plus solide des régimes est celui qui gouverne selon Dieu, et au contraire le pire et le plus instable de tous est celui où les gouvernants imposent leurs caprices (43). Pour l’explication de tous ces principes zwingliens, voir Opera Zwinglii, t. ii, p. 14-457. Tout se ramène en somme à deux axiomes : la Bible est l’unique fondement de la foi chrétienne ; la Bible est le seul fondement des États.

2o Ouvrages moins importants. — Von göttlicher und menschlicher Gerechtigkeit (De la justice divine et humaine), 1523, Opera, t. ii, p. 471-525. — Der Hirt (Le pasteur), 1524, ibid., t. iii, p. 5-68 ; petit ouvrage où Zwingli prétend dessiner l’idéal du prédicateur évangélique, chargé de prêcher la justice divine (c’est-à-dire la volonté de Dieu connue par la Bible, volonté qui seule a le privilège de conférer, au moyen de la foi, la justice à l’homme). — Eine kurze und christliche Anleitung (Courte initiation chrétienne), 17 nov. 1523, Opera, t. ii, p. 628-663. Cet opuscule fut publié officiellement par le Conseil de ville, en sorte qu’il prenait l’aspect et la valeur d’une première confession de foi, imposée à tous les prédicateurs du canton. On y trouve les idées familières à Zwingli. En voici les propositions essentielles : « Nous sommes tous pécheurs de naissance, car nous sommes enfants d’Adam » et « nous sentons en nous-mêmes la présence du péché » par les tentations auxquelles nous sommes tous soumis. La loi divine a été révélée précisément pour nous faire connaître notre impuissance en face du bien à accomplir et du péché à surmonter. Au surplus, même si nous accomplissions parfaitement la loi, nous n’aurions droit qu’à une récompense temporelle, nullement à une récompense éternelle, qui est sans commune mesure avec nos actions. Adam pécha par orgueil, le Christ nous a sauvés par son humilité. Adam avait violé la loi divine, le Christ a payé par sa parfaite innocence et apaisé la justice divine. L’homme ne pouvait avoir aucun droit à la vie éternelle, c’est Jésus-Christ créateur et rédempteur qui nous a acquis ce droit. La joie céleste est si merveilleusement grande que nulle vie terrestre ne pouvait la mériter. Au moyen de ses souffrances, le Christ l’a méritée pour nous. C’est par la foi en Jésus que ce mérite du Christ nous est appliqué, en ce sens que la loi est détruite, non pas en elle-même et dans sa force obligatoire, mais bien dans sa valeur de condamnation contre nous qui ne pouvions l’accomplir.

3o De vera et falsa religione commentarius, Opera, t. iii, p. 628-911. — Voici l’ouvrage le plus important, le plus soigné, le plus « scientifique », s’il est permis d’employer un tel mot ici, de Zwingli. Il est de 1525. Si l’auteur y a employé la langue latine, alors que ses précédents ouvrages étaient en langue vulgaire, c’est dans le désir d’atteindre des cercles plus étendus, et parce que, malgré ses sentiments antifrançais bien connus, il a voulu dédier le livre à François Ier que certains rapports avaient pu lui faire croire disposé à favoriser la Réforme. Dans cet ouvrage, il a voulu donner un exposé systématique de la doctrine réformée. Luther n’avait jamais réussi à faire rien de semblable. Seuls son petit et son grand Catéchisme devaient, en 1528, présenter un résumé, mais un résumé seulement, de sa théologie. Les Loci communes de Mélanchthon n’avaient été, dans leur première forme, qu’une introduction à l’étude de la Bible, dont Luther avait eu la prétention de donner l’unique fil directeur dans son principe de la justification par la foi seule sans les œuvres, extrait, selon lui, de l’épître aux Romains. Zwingli est ici beaucoup plus complet. Son ouvrage est la première Somme théologique des novateurs, en attendant l’Institution chrétienne de Calvin, en 1536. À vrai dire, il n’a pas très parfaitement rempli l’intention et le dessein qu’il s’était manifestement proposés. Il entame l’étude de la religion, comme s’il allait en raisonner en philosophe, qui va établir le lien nécessaire entre Dieu et l’homme, sa créature raisonnable. Mais il n’a pas l’air de supposer qu’il puisse y avoir une religion fondée sur le raisonnement. S’il parle des païens les plus illustres et des parcelles de vérité qu’ils ont exprimées, ce qu’en vrai humaniste il aime à faire çà et là, c’est cependant toujours en expliquant les lumières qu’ils ont eues par une révélation particulière, par des « semences du Logos », selon l’expression d’un saint Justin, et non par les forces de la raison pure. Il est donc éminemment fidéiste. Et tout de suite, il confond entièrement ces deux termes : religion et christianisme. Ce qu’il entend donc par la vraie et la fausse religion, ce n’est pas le moins du monde une opposition entre le christianisme et les religions païennes, mais uniquement une opposition entre sa religion à lui et le catholicisme. Voici le plan de cette théologie : En deux chapitres initiaux, il parle de la nature de Dieu, et de celle de l’homme déchu. Il parle ensuite de la religion révélée dans l’Ancien Testament et du christianisme. Les chapitres sur l’Évangile, la pénitence, la loi et le péché sont les plus importants pour la théologie zwinglienne. Ils ne contiennent du reste, pour nous, rien de nouveau. Un chapitre spécial est consacré au péché contre le Saint-Esprit, qu’il identifie avec l’incrédulité et qui est, logiquement, le seul irrémissible, puisque l’on ne peut être sauvé que par la foi. Tout ce qui précède constitue la pars construens, la partie positive du traité. Mais l’auteur n’oublie pas les attaques contre la religion catholique. Il critique, comme d’ordinaire, en autant de chapitres, le pouvoir des clés, la conception catholique de l’Église et des sacrements. Il expose sa théorie toute symbolique du baptême, puis de l’eucharistie, et c’est le premier traité où il expose très en détail sa doctrine eucharistique.

Il ne cache pas, dès le début du chapitre consacré à ce sacrement, qu’il a fait des progrès, depuis la publication de son Exposition des thèses de 1523, et qu’il a résolu de proclamer désormais la vérité sans atténuation pour les faibles. Le progrès consiste en ceci qu’il avait présenté, deux ans auparavant, l’eucharistie comme un « Mémorial de la mort du Christ », en même temps que comme une « consolation de la foi » pour les consciences vacillantes, tandis que maintenant, il ne conserve plus que le premier point de vue. Partant du terme même d’eucharistie, il affirme que le Christ « a voulu que nous puissions fêler, dans la cène, un joyeux souvenir de sa personne et lui dire publiquement notre reconnaissance pour le bienfait qu’il nous a par là si richement accordé ». Le fait essentiel, à ses yeux, est que « quiconque, de la sorte, prend part à cette action de grâces publique, prouve par là même en face de toute la communauté qu’il appartient au nombre de ceux qui ont confiance au Christ qui nous y est présenté (symboliquement) ». Du reste, c’est ce que veut dire le terme de « communion » qui veut dire « communauté ». Sur tout cela, voir l’art. Sacramentaire. Après avoir traité assez longuement de l’eucharistie, l’ouvrage passe rapidement sur la pénitence, les autres sacrements, le mariage, les vœux, l’invocation des saints, le mérite, le purgatoire, l’autorité chrétienne, le scandale, le culte des statues et images. Et le tout se termine par un épilogue où sont résumées les vues principales. Cet épilogue est l’une des meilleures choses que Zwingli ait écrites, si l’on fait abstraction des erreurs qu’il y renouvelle. Il y établit avec force et justesse, que

« la vie de l’homme ne diffère en rien de celle de la

brute, si l’on enlève la religion. » Il a bien raison en cela, encore que l’on devrait ajouter que « sans la religion » la vie de l’homme, à cause du péché originel et du désordre qui en découle dans la nature humaine, est au-dessous de celle de la brute, où l’existence d’un ordre est indéniable. Mais nous savons par ailleurs que le réformateur n’a pas compris le péché originel dans son essence.

4o Sermo de providentia (1530). — On doit considérer encore comme l’une des sources à étudier pour connaître la doctrine de Zwingli le sermon qui fut donné par lui, à Marbourg, à l’occasion du Colloque tenu dans cette ville, en présence du landgrave de Hesse, au sujet de la querelle eucharistique, entre les délégués wittenbergeois, ceux de Strasbourg et ceux de Zurich. Voir l’art. Sacramentaire. Ce sermon, repris et retravaillé, fut publié par lui en 1530. Il y établit les 7 points que voici : 1. Dieu étant le souverain Bien, il existe nécessairement une providence par laquelle Dieu prend soin de toutes choses et dirige toutes choses. — 2. La providence se distingue de la sagesse, en ce que la sagesse ne traduit qu’un pouvoir théorique, une possibilité d’action, tandis que la Providence se confond avec la puissance agissante de Dieu. — 3. Les causes secondes ne sont pas de véritables causes, car tout dépend de Dieu seul, tout reçoit de lui sa puissance d’agir, aucune causalité indépendante ne peut exister en dehors de lui, car tout être créé reçoit de Dieu seul son être et toutes les qualités qu’il comporte. Il n’y a donc, dans la suite des événements de l’univers, ni causalité libre, ni hasard. Tout arrive nécessairement, comme Dieu l’a voulu et le veut. Nier cette vérité, c’est nier Dieu lui-même. — 4. Parmi toutes les créatures visibles, l’homme tient la première place. Mais tandis que son esprit tend vers la vérité et la justice, son corps tend vers la terre, la boue, la chair. Toute la destinée humaine, en son tragique, tient dans ce dualisme. Dieu a voulu cependant formuler une loi, car sans loi, il n’y a pas de péché. Sans péché, pas de Sauveur. Donc, pour introduire Jésus-Christ dans le plan de la création, il fallait le dualisme humain, la maladie originelle, la loi créant le péché. — 5. La sagesse divine n’a donc pas agi sans prévoyance en créant l’homme et en lui donnant une loi qui fût avant tout source de connaissance de Dieu et de ses volontés, alors même que Dieu prévoyait que l’homme tomberait nécessairement. — 6. La Providence se traduit, pour les hommes, au moyen de l’élection, que les théologiens appellent la prédestination et qui est ferme et immuable, en sorte que sa source n’est autre que la bonté et sagesse de Dieu. Naturellement, dans ce passage de son sermon, Zwingli se garde bien de prouver comment un Dieu si bon et si sage a pu, sans violer ni la bonté ni la sagesse, créer des hommes qu’il savait devoir tomber en enfer, sans qu’ils aient, n’étant pas libres et n’étant pas même causes réelles do leurs actes, la moindre possibilité d’y échapper ! — 7. En preuve de tout ce qu’il vient d’avancer, Zwingli parcourt la Bible et donne des exemples de la Providence.

5o Les confessions de foi (1528-1531). — On peut trouver, parmi les œuvres de Zwingli, au moins quatre confessions de foi. Nous en avons signalé une ci-dessus, col. 3740, dans Eine kurze Anleitung, de 1523. Une seconde serait le premier sermon donné à Berne, lors de la dispute de 1528, sur le symbole des Apôtres. Nous n’y remarquerons que l’affirmation très nette par l’auteur de la perpétuelle virginité de Marie, et également un exposé nouveau de la doctrine eucharistique zwinglienne que l’on ne s’attendait pas à trouver dans le commentaire du symbole. Il y déclare fièrement que « personne ne l’a conduit à la vraie interprétation de l’eucharistie, si ce n’est la foi ». Il veut dire que la vraie foi n’a nul besoin d’être nourrie comme le pense Luther. Une foi qu’il faut nourrir ne serait donc pas la vraie foi !

On possède encore une confession posthume de Zwingli intitulée Brevis ac distincta Summa sive expositio christianæ fidei ab Huldrico Zwinglio prædicatæ. Elle était adressée comme le Commentarius de 1525, ci-dessus col. 3740, au roi de France François Ier, toujours dans le vain espoir de le gagner sinon à la religion zurichoise du moins à une alliance contra l’empereur. Elle fut composée au cours de 1531 et publiée seulement en 1536.

Mais la confession de foi la plus importante, de la part de Zwingli, fut celle qu’il présenta, le 30 juillet 1530, à l’empereur Charles-Quint, lors de la Diète d’Augsbourg, sous le titre : Ad Carolum Romanorum Imperatorem fidei Uldrici Zwinglii ratio. Niemeyer, Collectio confessionum in ecclesiis reformatis publicatarum, 1840, p. 16-35. C’est là sans nul doute qu’il convient de chercher le dernier état de la pensée de Zwingli ; en voici les passages essentiels :

1. « Je crois et je sais qu’il existe un Dieu unique et seul et qu’il est par nature, bon, vrai, puissant, juste, sage, créateur et curateur de toutes les choses visibles et Invisibles ; qu’il est Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes certes, mais ayant une essence une et simple ; et je professe complètement, selon l’exposition tant du symbole de Nicée que de celui d’Athanase, par le détail, tout ce qui est dit tant de la divinité même que des trois noms ou personnes. Je crois que le Fils a pris chair et je comprends qu’il a reçu la nature humaine, c’est-à-dire tout l’homme, composé de corps et d’âme, véritablement de l’immaculée et perpétuellement Vierge Marie. »

2. « Je sais que cette Divinité (Numen) souveraine, qui est mon Dieu, dispose librement de toutes choses, en sorte que son dessein ne dépende aucunement du concours d’aucune créature… Il découle de là que, bien que sachant et prévoyant la chute future de l’homme, il l’a toutefois créé, mais en même temps il a décrété que son Fils revêtirait la nature humaine pour réparer la chute… »

3. « Je sais qu’il n’existe pas d’autre victime pour expier les péchés que le Christ… On laisse donc ici de côté la justification et la satisfaction par nos œuvres d’une part, et l’expiation et intercession de tous les saints, soit demeurant sur la terre, soit déjà au ciel, par la bonté et miséricorde de Dieu, d’autre part. Il n’existe en effet qu’un seul médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus Dieu et homme. »

4. « Le péché originel, tel qu’il est dans les fils d’Adam, n’est pas proprement un péché, … car il n’est pas un délit contre la loi. C’est donc proprement une maladie et une condition : une maladie, car de même qu’Adam est tombé par l’amour de soi, de même nous tombons, nous aussi ; une condition, car, de même qu’il est devenu esclave et sujet de la mort, de même nous naissons esclaves et enfants de la colère et sujets à la mort… Je reconnais que ce péché originel est transmis de naissance par condition et contagion à tous ceux qui sont engendrés par la liaison de l’homme et de la femme et je sais que nous sommes par nature fils de la colère mais je ne doute pas que nous soyons reçus comme enfants de Dieu par la grâce qui, dans le Christ, le second Adam, a restauré la chute… »

5. « Il découle de là, si nous sommes rétablis dans la vie par le second Adam, le Christ, que c’est à tort (temere) que nous damnons les enfants nés de parents chrétiens et même (imo) les enfants des païens. »

6. « Au sujet de l’Église nous pensons ce qui suit : dans les Écritures, le mot Église est pris en divers sens, d’abord, pour ces élus qui ont été par la volonté de Dieu prédestinés à la vie éternelle… Cette Église-là n’est connue que de Dieu… Mais ceux qui en sont les membres savent fort bien, parce qu’ils ont la foi, qu’ils sont élus et membres de cette première Église, mais ils ignorent les autres membres qu’eux-mêmes… Le mot Église est encore pris universellement pour l’ensemble de ceux qui se rattachent au nom du Christ… Nous croyons donc que tous ceux qui professent le nom du Christ appartiennent à cette Église-là… En dernier lieu, le mot Église est pris pour tout groupement particulier au sein de l’Église universelle et visible, par exemple l’Église romaine, l’Église d’Augsbourg, l’Église de Lyon… Je crois donc, dans ce troisième sens, qu’il existe une seule Église de ceux qui ont le même Esprit qui les rend certains qu’ils sont les vrais fils de la famille de Dieu et c’est là les prémices des Églises. Je crois que cette Église ne peut errer dans la vérité, c’est-à-dire dans les premiers fondements de la foi, qui servent de base (cardo, littéralement de gond) aux autres vérités. Je crois que l’Église universelle visible (sensibilem) est une dans la mesure où elle tient la confession véritable dont il a été déjà parlé… »

7. « Je crois, bien plus, je sais qu’il s’en faut tant que les sacrements confèrent la grâce qu’ils ne servent pas même à la transmettre ni à la dispenser… L’Esprit-Saint n’a pas besoin de véhicule. Il est lui-même la vertu et la force qui porte toutes choses, il n’a donc pas besoin d’être porté ; et nous n’avons jamais lu dans les Écritures que des éléments sensibles, comme les sacrements, portent sûrement avec eux-mêmes l’Esprit-Saint… On en conclut… que les sacrements sont conférés en témoignage public de cette grâce que, par avance, chacun a reçue… Je crois donc que le sacrement est le signe d’une chose sainte, c’est-à-dire de la grâce déjà accordée… Pour cette raison, les sacrements, qui sont des cérémonies sacrées, …doivent être religieusement administrés… S’ils ne peuvent donner la grâce, ils nous associent toutefois visiblement à l’Église, quand invisiblement nous avons déjà été agrégés à elle… »

8. « Je crois que dans la sainte eucharistie, c’est-à-dire dans la cène d’action de grâces, le vrai corps du Christ est présent par la contemplation de la foi ; c’est-à-dire que ceux qui rendent grâces à Dieu pour le bienfait qui nous a été conféré dans son Fils, reconnaissent qu’il a pris une vrais chair, qu’il a vraiment souffert dans cette chair, qu’il a vraiment purifié nos péchés par son sang et que tout cela que le Christ a accompli leur est comme rendu présent par la contemplation de la foi. Mais que le corps du Christ, par son essence et réellement, c’est-à-dire son corps naturel, soit présent dans la cène ou qu’il soit donné à notre bouche et à nos dents, comme les papistes et ceux qui regardent encore aux marmites d’Égypte (les luthériens) le prétendent, non seulement nous le nions mais nous affirmons avec assurance que c’est une erreur opposée à la parole de Dieu… »

9. « Je crois que les cérémonies qui ne sont pas contraires, par leur caractère superstitieux, à la foi ou à la parole de Dieu — bien que j’ignore s’il en existe — peuvent être tolérées jusqu’à ce que la lumière brille de plus en plus… Mais je ne range pas parmi ces cérémonies les images prostituées au culte, mais crois qu’elles sont du nombre des choses qui répugnent entièrement à la parole de Dieu. Quant à ce qui n’est pas proposé en culte et qui n’offre aucun péril de culte, je suis si loin de le condamner que je regarde au contraire la peinture et la sculpture comme des dons de Dieu… »

10. « Je crois que le ministère de la prédication ou prophétie est sacrosalnt, en sorte qu’il est, avant tout autre office, souverainement nécessaire… Nous admettons donc cette sorte de ministres qui enseignent au peuple du Christ, et aussi cette sorte qui baptise, administre dans la cène le corps et le sang du Seigneur, qui visite les malades, qui nourrit les mendiants au nom et avec les biens de l’Église… Mais cette classe mitrée et luxueuse, qui n’est faite que pour consumer les fruits de l’Église, …nous la regardons comme une calamité et non plus nécessaire dans le corps de l’Église que les plaies ou les bosses dans le corps humain. »

11. « Je sais que le pouvoir civil (magistratum) légalement organisé ne tient pas moins la place de Dieu que le ministère de prophétie (prédication)… »

12. « Je crois que la fiction du feu du purgatoire est une chose aussi injurieuse contre la rédemption gratuite accordée par le Christ qu’elle est fructueuse pour ses auteurs… »

I. Sources. — Corpus reformatorum, t. lxxxviii sq., Opera Zwinglii, édition Egli, Finsler, Köhler ; il existait antérieurement une édition des œuvres par Schiller et Schulthess, Ulrichi Zwinglii opera, 1828-1842, 8 vol. ; Arbenz und Wartmann, Vadianische Briefsammlung, 1890-1913, 7 vol. et 6 suppléments ; Schiess, Der Briefwechsel der Brüder Ambrosius und Thomas Blaurer, 1908-1912, 3 vol. ; Œchsli, Quellenbuch zur Schweizergeschichte, 1891 sq. ; Stricker, Aktensammlung zur schweizer Reformationsgeschichte, 1879 ; Egli, Analecta reformatoria, 1899-1901, 2 vol. ; Kidd, Documents illustrative of the continental Reformation, 1911 ; Niemeyer, Collectio confessionum in ecclesiis reformatis publicatarum, 1840.

II. Ouvrages a consulter. — Wegweiser, Zwingli-Bibliographie, Zurich, 1897 ; Oswald Mykonius, De H. Zwinglii fortissimi herois ac theologi doctissimi vita et obitu, Zurich, 1532 ; Melchior Schiller, H. Zwingli, Geschichte seiner Bildung zum Reformator des Vaterlandes, Zurich, 1818 ; R. Cristoffel, H. Zwingli, Leben und ausgewählte Schriften, Elberfeld, 1857 ; J.-C. Mörikofer, U. Zwingli, nach den urkundlichen Quellen, Leipzig, 2 vol., 1867 et 1869 ; R. Stähelin, H. Zwingli, sein Leben und Wirken, nach den Quellen dargeslellt, 2 vol., Bâle, 1895 et 1897 ; P. Wernle, Der evangelische Glaube, nach den Hauptschriften der Reformatoren, t. ii, Zwingli, Tubingue, 1919 ; August Lang, Zwingli und Calvin, Bielefeld et Leipzig, 1913 ; Ch. L’Ebraly, La doctrine sacramentaire de Ulrich Zwingli, Clermont-Ferrand, 1939 (à ajouter à la bibliographie du mot Sacramentaire (Querelle).

L. Cristiani.