Dictionnaire des expressions vicieuses/Avertissement

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AVERTISSEMENT.



En 1785 M. l’Abbé Dubois, Homme de Lettres, fit imprimer, à la sollicitation de ses amis, quelques observations sur les locutions vicieuses usitées en Lorraine.

Je n’avois aucune connoissance de cet Ouvrage trop peu répandu, quand en 1806, je donnai la seconde édition des Elémens de Grammaire générale, que je terminai par un essai en ce genre.

Lorsque j’y travaillois, on me communiqua ces observations, et je tachai d’en profiter.

Je m’aperçus bientôt que l’auteur n’avoit qu’effleuré la matière, et je songeai dès-lors à faire ce petit Dictionnaire.

Il ne fallait pas pour cela, un grand fonds d’érudition, mais seulement un peu de connaissance de la Langue française et beaucoup de patience.

Je m’amusai donc à recueillir, non le Patois lorrain, qui n’est point ici l’objet de mon travail, mais toutes les fautes que j’entendois faire dans la conversation, et je fus aidé dans cette recherche par un de mes amis[1] et mes élèves eux-mêmes dont je piquai la curiosité, et qui me fournirent souvent des matériaux.

C’est après avoir vérifié toutes ces expressions vicieuses, en avoir puisé la correction dans la cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie, que je présentai mon manuscrit à la Société académique de Nancy, dont j’ai l’honneur d’être Membre.

Elle voulut bien nommer une Commission[2] pour l’examiner.

Le zèle des Membres qui la composoient, leur exactitude à suivre pendant long-temps les différentes lectures que j’en ai faites, les observations précieuses dont ils accompagnoient leur approbation ou leur improbation, m’ont pénétré de la plus vive reconnoissance.

Sur le rapport de la Commission, la Société a jugé que cet Ouvrage pouvoit être utile, non seulement aux jeunes gens, mais encore à toutes les personnes qui voudront éviter un grand nombre de fautes contractées par l’habitude d’entendre mal parler.

D’après cette destination, j’ai rejeté toutes les locutions basses et triviales qu’il est inutile de faire connoître à ceux pour qui ce livre est principalement fait[3].

J’ai rapproché des mots que l’on prend souvent les uns pour les autres, et j’en ai donné l’exacte différence, appuyée sur des exemples tirés du Dictionnaire de l’Académie.

La Commission a remarqué que l’Académie se taisoit sur certaines expressions fort en usage, et son silence ne nous a pas toujours arrêtés quand nous les avons trouvées dans d’autres Dictionnaires ; mais nous avons eu soin d’en faire la remarque.

J’ai fait connoître, autant qu’il m’a été possible, les fautes de prononciation. Elles sont nombreuses en Lorraine, comme dans toutes les autres parties de la France, et l’on n’ignore pas qu’elles ont des caractères qui en font distinguer les divers habitans.

Cet Ouvrage tend donc à prémunir les jeunes gens et les personnes de tout sexe et de toute condition contre les vices ordinaires du langage.

Le père et la mère de famille, ceux qui n’ont point fait d’études, ou qui n’ont retiré de celles qu’ils ont faites, que des connaissances médiocres ; ce sexe aimable qu’il est quelque fois si pénible d’entendre dénaturer dans la conversation, une des plus belles langues ; tous enfin y trouveront le moyen de se corriger en grande partie, des fautes qui échappent en parlant, de n’apporter dans la société que des termes avoués par le bon usage, et de s’exprimer, soit de vive voix, soit en écrivant, de manière à ne pas s’attirer les reproches que l’on fait à l’ignorance, et le ridicule qui l’accompagne.

Bien des gens, sans doute, trouveront que je n’ai pas relevé toutes les fautes. Cela ne paroîtra pas étonnant, si l’on considère que cet Ouvrage n’est qu’un recueil d’expressions impropres ou mal employées, de termes vicieux dont la signification assez arbitraire, n’a pu toujours être exactement saisie ; c’est une collection qui ne peut se perfectionner qu’à la longue ; mais il falloit du moins la commencer.

Je recevrois avec reconnoissance toutes les observations sur les erreurs que j’aurois commises, et sur l’omission de quelques fautes essentielles qui se font Dans la bonne compagnie. Je les donnerois par supplément, lorsqu’il y en aurait assez pour former une feuille d’impression.

  1. M. Blau, Professeur de Langues anciennes à Nancy.
  2. Elle étoit composée de M. Coster, ancien Secrétaire perpétuel de l’Académie de Nancy, ex-Proviseur du Lycée de Lyon ; M. Mandel, Président de la Société académique de Nancy ; M. Mollevaut, Proviseur du Lycée de Nancy ; M. Nicolas, ancien Professeur de Belles-Lettres à l’Ecole centrale de la Meurthe ; M. Haldat, Docteur en Médecine, Professeur de physique et de Chimie ; M. Blau.
  3. Pour satisfaire la curiosité de plusieurs personnes, je les donnerai par supplément.