Dictionnaire des proverbes (Quitard)/Bourguignon

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bourguignon.Jurer comme un Bourguignon.

On disait dans le treizième siècle : Li plus renieurs sont en Bourgogne, parce que les habitants de cette province avaient souvent à la bouche les mots, Je renie Dieu, si je ne dis vrai. C’est sans doute au fréquent usage de ce juron et d’autres semblables qu’il faut rapporter l’expression proverbiale moderne comme une variante de l’ancienne, car rien ne prouve que les Bourguignons se soient signalés par une autre manière de jurer qui est particulière aux Normands, et qui a donné lieu au dicton, Jureurs de Bayeux. (Voy. ce Dictionnaire).

Les Bourguignons ont les boyaux de soie.

Les Bourguignons ne sont pas gens à faire, comme on dit, ventre de son et habit de velours ou de soie : ils tiennent pour maxime proverbiale qu’un bon repas vaut mieux qu’un bel habit, et ils ont soin de dépenser le moins qu’ils peuvent en frais de toilette, afin de dépenser le plus qu’ils peuvent en frais de table. C’est un goût qui paraît avoir régné de tout temps parmi eux. Sidoine Apollinaire attribue à leurs ancêtres un penchant gastronomique des plus prononcés. Luitprand rapporte la même chose, et Paradin qui cite, dans son Histoire de Bourgogne, le témoignage de ces deux auteurs, y joint la remarque suivante : « Encore aujourd’hui les Bourguignons retiennent l’ancienne façon de faire, car je crois qu’en toute la Gaule il n’y a nation en laquelle se fassent plus de banquets et de joyeusetés. Au reste, l’on les dit avoir ventre de veloux, pour raison des bonnes chères. »

Bourguignons salés.

On pourrait penser que les Bourguignons, adonnés aux plaisirs de la table, ont été nommés ainsi à cause de leur goût pour les viandes salées, qui excitent l’appétit et la soif. Cependant telle n’a pas été l’origine de ce sobriquet. Plusieurs auteurs prétendent qu’il fait allusion au sort de quelques soldats bourguignons qui, s’étant rendus maîtres d’Aigues-Mortes pendant les troubles du règne de Charles VII, furent massacrés par les habitants de cette ville et jetés dans une grande fosse, d’autres disent dans une grande cuve de pierre, avec beaucoup de sel ; soit qu’on cherchât à conserver leurs cadavres pour les produire dans la suite comme un témoignage d’un acte si courageux de fidélité envers le roi légitime, soit qu’on voulût empêcher qu’ils n’infectassent l’air en se putréfiant, car l’un et l’autre motif sont également allégués. Mais ce fait, que lesdits auteurs rapportent à l’an 1422, est justement révoqué en doute, et, en supposant qu’il fût vrai, il ne pourrait avoir donné lieu au sobriquet, puisqu’il y a au trésor des chartes des lettres d’abolition de 1410 où se trouve cette phrase citée par Ducange : « Le suppliant dist qu’il avoit plus chier estre bastard que Bourguignon salé. »

E. Pasquier raconte que, dans le temps où les Bourguignons étaient établis au delà du Rhin, ils avaient de fréquents démêlés avec les Allemands pour des salines dont ils leur disputaient la propriété, et que leurs voisins, les voyant en ce point piques et continuer leurs discordes au sujet du sel, s’induisirent facilement à les appeler sales. — Suivant La Monnoye, les Bourguignons ayant embrassé le christianisme avant les autres peuples de Germanie, ceux qui restèrent païens les surnommèrent salés, par dérision et par allusion au sel qu’on mettait alors dans la bouche de ceux qu’on baptisait. — Le Duchat croit que l’épithète accolée à leur nom est venue de la salade ou bourguignotte, espèce de casque particulier à leur milice, et son opinion paraît confirmée par le dicton rimé que voici :

Bourguignon salé,
L’épée au côté,
La barbe au menton ;
Saute Bourguignon.

Il est plus vraisemblable pourtant que Bourguignon salé s’est dit à cause des salines nombreuses qui ont existé dans l’ancien comté de Bourgogne, et qui ont fait donner le nom de Salins à l’une des villes de ce comté.

On appelle aussi Bourguignon salé un homme qui mêle beaucoup de sel à ses aliments.