Dictionnaire des proverbes (Quitard)/anguille

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anguille. — Il y a quelque anguille sous roche.

Pour signifier qu’il y a dans une affaire quelque chose de caché et de dangereux dont il faut se défier.

Le mot anguille, venu du latin anguilla, dont la racine est anguis, serpent, se prenait autrefois pour serpent, et il a gardé cette acception dans notre proverbe, qui correspond à celui des Grecs : Le scorpion dort sous la pierre ; et à celui des Latins : Latet anguis in herba, le serpent est caché sous l’herbe.

On désigne encore les couleuvres, en certains endroits, sous le nom d’anguilles de haie.

Écorcher l’anguille par la queue.

C’est commencer par où il faudrait finir.

Rompre l’anguille au genou.

C’est tenter l’impossible, car une anguille, qui glisse toujours des mains, ne peut se rompre sur le genou comme un bâton. M. de Mennechet dit dans une annotation à la page 209 de l’Histoire de l’estat de France sous le règne de François II : « Rompre l’anguille au genou, signifie rompre une étoffe nouée à l’endroit du nœud. » Ce qui est un équivalent, et non une explication de l’expression proverbiale.

On trouve dans Rabelais, Rompre l’andouille au genou.

Les Espagnols disent : Soldar el azogue, souder le vif-argent ; et les Italiens : Pigliar il vento con le reti, prendre le vent au filet.

Il ressemble aux anguilles de Melun, il crie avant qu’on l’écorche.

On représentait un jour à Melun le mystère de saint Barthélemy qui, suivant le martyrologe, fut écorché et mis en croix : un étudiant de cette ville, nommé Languille, chargé de faire le rôle du martyr, fut tellement épouvanté, au moment où les bourreaux le saisirent pour simuler le supplice, qu’il ne put s’empêcher de pousser des cris. Et de là vint la locution proverbiale qu’on applique à une personne qui s’effraie sans sujet, qui se plaint avant de sentir le mal. D’après cette explication, donnée par Fleury de Bellingen, il faudrait dire : Il ressemble à Languille, et non pas aux anguilles de Melun ; mais la seconde version, quoique fautive, n’est pas moins usitée que la première, et le Dictionnaire de l’Académie l’a consacrée.