Dictionnaire des proverbes (Quitard)/appétit

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appétit. — L’appétit vient en mangeant.

Plus on a, plus on veut avoir. — Autant croît le désir que le trésor.

C’est la réponse que fit Amyot à Charles IX, dont il avait été le précepteur, un jour que ce roi lui témoignait sa surprise de ce qu’ayant paru d’abord borner son ambition à un petit bénéfice qu’il avait obtenu, il demandait encore le riche évêché d’Auxerre. Mais cette réponse, qu’on croit avoir été l’origine du proverbe, n’en fut que l’application. Amyot, en s’exprimant ainsi, répétait simplement un mot rapporté par Rabelais dans le cinquième chapitre de Gargantua, et attribué à Angeston[1], qui n’en était peut-être pas l’inventeur. Ovide, parlant d’Erisichton, condamné par Cérès à une famine dévorante, avait dit :

. . . . . . . . Cibus omnis in illo
Causa cibi est.

(Metam., lib. viii, fab. 11.)

Tout aliment l’excite à d’autres aliments.

Et Quinte-Curce (liv. vii, ch. 8) avait mis la phrase suivante dans le discours des Scythes à Alexandre : Privius omnium satietate parasti famem. Tu es le premier chez qui la satiété ait engendré la faim. Cependant, il est juste de dire que si Angeston a pris la pensée de ces deux auteurs, il se l’est appropriée par l’heureuse originalité avec laquelle il l’a rendue en français.

Pain dérobé réveille l’appétit.

Pain dérobé que l’on mange en cachette,
Vaut mieux que pain qu’on cuit ou qu’on achète.

(La Font.)

On lit dans les Proverbes de Salomon (ch. 9, v. 17) : Aquæ furtivæ dulciores sunt, et panis absconditus suavior. Les eaux dérobées sont plus douces, et le pain pris en cachette est plus agréable. C’est de là qu’a été tiré notre proverbe, qui signifie que nous trouvons une certaine douceur dans les choses qui nous sont défendues, que l’objet de nos désirs nous plaît d’autant mieux qu’il est moins permis. — Les Latins disaient : Dulce pomum quum abest custos. Le fruit est doux en l’absence du gardien.

Nitimur in vetitum semper cupimusque negata.

(Ovid, lib. iii, éleg. 4.)

Nous nous raidissons toujours contre ce qui nous est défendu, et nous désirons ce qu’on nous refuse.


Tel est le cœur humain, surtout celui des femmes :
Un ascendant mutin fait naître dans nos ames,
Pour ce qu’on nous permet un dégoût triomphant,
Et le goût le plus vif pour ce qu’on nous défend.

(Piron, Métrom.)

  1. C’est le nom grécisé de Jérôme le Haugest ou de Hangest, docteur de Sorbonne, auteur du Traité des académies contre Luther.