Dictionnaire des proverbes (Quitard)/cheminée
cheminée. — Il faut faire une croix à la cheminée.
C’est ce qu’on dit à la vue d’un événement agréable et inattendu, particulièrement quand on voit venir dans une maison une personne qui n’y avait point paru depuis longtemps, et qui y était désirée. Les Italiens disent qu’il faut faire une croix avec un charbon blanc, Segnare col carbon bianco, pour faire ressortir la rareté du fait par la rareté du signe.
L’abbé Tuet conjecture qu’on a écrit primitivement, Mettre la croye à la cheminée, et que ce mot croye, qui signifie craie, a été remplacé, dans la suite, par le mot croix. Mais il semble que nos dévots aïeux ont dû penser plutôt au signe du christianisme qu’ils étaient habitués à tracer partout et en toute occasion. Quoi qu’il en soit, la cheminée choisie pour recevoir la croix ou la craie, donne à entendre qu’il s’agit d’un événement agréable marqué par des traits blancs, les plus apparents de tous, sur un mur noirci par la fumée. Ainsi notre expression correspond exactement pour le sens à l’expression latine, Dies albo notanda lapillo, jour digne d’être marqué par une pierre blanche. Ce qui est une allusion à l’usage pratiqué chez les Thraces et les Crétois, de noter les jours heureux par des cailloux blancs et les jours malheureux par des cailloux noirs.
Se chauffer à la cheminée du roi Réné.
C’est se chauffer au soleil, ou, comme on dit encore : Se chauffer aux dépens du bon Dieu. — Le roi Réné, forcé de renoncer à la couronne de Sicile, revint gouverner paisiblement son comté de Provence, où il vécut au milieu de ses sujets comme un père au milieu de ses enfants. On le voyait presque tous les jours, en hiver, environné de bourgeois et de gens du peuple, faire sa promenade dans les endroits abrités contre le vent du mistral ou du mistrau, et prendre sa place au soleil à côté d’eux pour se pénétrer de ses rayons. Ce qui donna lieu à l’expression très usitée chez les Provençaux, Se chauffer à la cheminée du roi Réné.