Dictionnaire des proverbes (Quitard)/défructu

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défructu. — C’est un bon défructu.

Le défructu (mot oublié dans la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie) était, autrefois, un bon repas qui avait lieu la veille de Noël, et qui se nommait ainsi, non pas, comme on l’a prétendu, à cause des fruits qu’on n’y servait point, mais à cause de l’antienne De fructu ventris tui, etc., chantée, ce jour-là, aux secondes vêpres, sur le psaume 131, d’où elle est extraite. L’usage voulait que cette antienne fût entonnée par un notable séculier qui se trouvait placé dans le chœur où il attendait que le chapier vînt la lui annoncer. Celui-ci se présentait au moment marqué, et après quelques salutations, lui offrait une branche d’oranger garnie de son fruit, ou une branche de laurier à laquelle était attachée une orange. Mais une telle distinction ne se fesait pas en vain, car celui qui en était l’objet ne pouvait se dispenser d’inviter à souper le clergé de la paroisse, et de donner aux chantres la desserte avec une certaine somme d’argent ; et de là vint l’expression : C’est un bon défructu, pour signifier un bon régal ; ou bien encore une bonne gratification, un bon pourboire.

Cette cérémonie fort ancienne fut interdite, en 1551, par le concile provincial de Narbonne, parce qu’elle dégénérait presque toujours en grands abus. Cependant elle se maintint dans plusieurs diocèses qui n’étaient point sous la juridiction de ce concile, et elle existait encore vers le milieu du xviie siècle. Une chronique rapporte comme un fait curieux, qu’à cette époque Claude Girardin, lieutenant général au bailliage d’Auxerre, ayant été élu coryphée du défructu dans la cathédrale de cette ville, fit les honneurs de sa nouvelle charge avec tant de magnificence que plus ne se pouvait.