Dictionnaire des proverbes (Quitard)/gant

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gant. — Jeter le gant à quelqu’un.

Le défier au combat.

Ramasser ou relever le gant.

Accepter le défi.

Ces expressions sont venues de l’usage où l’on était autrefois de décider par les armes et en champ clos certaines affaires civiles ou criminelles. Les deux parties se présentaient devant les juges, leur exposaient les faits qui les portaient à recourir au combat judiciaire, et se donnaient réciproquement un démenti. Aussitôt après, l’une d’elles jetait à terre son gant que l’autre ramassait, et, l’épée à la main, elles s’attaquaient avec fureur, jusqu’à ce que la victoire eût prononcé sur le différend.

Avoir perdu ses gants.

Cela se dit d’une demoiselle qui a eu quelque commerce de galanterie, parce qu’autrefois un des plus grands témoignages d’amour qu’une demoiselle pût accorder à un homme qu’elle croyait épouser, c’était de lui donner ses gants. Élisabeth, reine d’Angleterre, éprise de Robert d’Évreux, comte d’Essex, lui fit présent d’un de ses gants pour qu’il le portât sur son chapeau ; faveur dont elle n’honora jamais aucun autre soupirant, car on prétend qu’elle en eut un assez grand nombre, quoi qu’en dise cette épitaphe qu’elle ordonna de mettre sur son tombeau : Ci gît Élisabeth, qui régna vierge et mourut vierge. Hic sita est Élisabeth quæ virgo regnavit, virgo obiit. (Cambden, ad ann. 1559.)

Vous n’en aurez pas les gants.

C’est ce qu’on dit à une personne qui annonce une chose déjà connue, qui propose un expédient déjà proposé, et qui, avec la prétention de donner du nouveau, ne donne que du vieux. — Allusion à l’usage de gratifier d’une paire de gants celui qui apportait une bonne nouvelle. Cet usage, suivant Le Duchat, est venu d’Espagne, où il est appelé la paragante, mot qui signifie proprement pour des gants, et qui se trouve employé comme synonyme de récompense dans ces vers de Molière :

Dessus l’avide espoir de quelque paragante
Il n’est rien que leur art avidement ne tente.

En France, les bourgeois donnaient des gants, et les grands seigneurs donnaient quelque pièce de l’habillement ; cela avait lieu surtout au treizième et au quatorzième siècle. On sait que Duguesclin se dépouillait fort souvent de sa robe pour en faire présent au gentilhomme ou au trouvère qui lui apportait bon message ou plaisir, et que ceux-ci le remerciaient de sa magnificence en épelant son nom en rasades, c’est-à-dire en vidant un nombre de coupes égal à celui des lettres de ce noble nom.

Cette coutume de récompenser par des vêtements est de toute antiquité ; il n’y a guère de peuple chez lequel elle n’ait été pratiquée : je me bornerai à citer les Grecs, les Romains et les Arabes. Aristophane parle d’un habit qu’on devait donner à un poète pour avoir chanté les louanges d’une cité. Martial nous dit qu’à Rome on gratifiait les poètes d’habits neufs. En Arabie, on fesait de semblables cadeaux, et Mahomet donna son manteau au poète Kaab. En Orient, on donne encore des fourrures et des étoffes.