Dictionnaire des proverbes (Quitard)/langue

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langue. — La langue va où la dent fait mal.

On disait autrefois : Où deult la dent. Deult est la troisième personne du présent de l’indicatif du vieux verbe douloir, dérivé du latin dolere. — Ce proverbe signifie qu’on parle volontiers de ses peines.

Les dents sont bonnes contre la langue.

Proverbe cité dans le Lexique de l’ancienne langue britannique, par Boxhomius : Da daint rhag rafod. Il s’explique très bien par cet autre : Il vaut mieux se mordre la langue avant de parler qu’après avoir parlé. — Les Arabes disent : La bouche est la prison de la langue.

Il vaut mieux glisser du pied que de la langue.

Ce proverbe est pris du latin : Satius est equo labi quàm linguâ. Il nous enseigne que les paroles indiscrètes peuvent attirer les plus grands maux sur leur auteur. — Lapsus falsæ linguæ quasi qui in pavimentum cadens (Eccles., c. xx, ℣ 20). La chute de celui qui pèche par sa langue est comme une chute sur le pavé.

La langue est le témoin le plus faux du cœur.

On connaît le mot attribué à un diplomate célèbre de notre siècle, le prince de Talleyrand : La parole nous a été donnée pour déguiser notre pensée.

Tirer la langue.

C’est faire une grimace en montrant la langue.

« L’abbé de Canaye avait fait une petite satire bien amère et bien gaie des petits dialogues de son ami Rémond de Saint-Marc. Celui-ci, qui ignorait que l’abbé fût l’auteur de la satire, se plaignait, en sa présence, de cette malice à une de leurs communes amies, Mme  Geoffrin. Pendant ce temps, l’ami, placé derrière lui et en face de la dame, s’avouait auteur de la satire et se moquait de son ami en tirant la langue. Les uns disaient que ce procédé de l’abbé était malhonnête, d’autres n’y voyaient qu’une espiéglerie. Cette question de morale fut portée au tribunal de l’érudit abbé Fénel, dont on ne put jamais obtenir d’autre décision, sinon que c’était un usage chez les anciens Gaulois de tirer la langue. » (Diderot.)

Cet usage est constaté par un fait historique. Le Gaulois tué par Manlius Torquatus fut représenté tirant la langue, et Marius fit ciseler sur son bouclier cette image, qui était devenue populaire à Rome.

C’est une langue de la Pentecôte.

Une langue qui n’épargne personne. C’est comme si l’on disait une langue de feu. L’allusion n’a pas besoin d’être expliquée ; car personne ne peut ignorer que le Saint-Esprit descendit en langues de feu sur les disciples de Jésus-Christ, le jour de la Pentecôte. — On dit aussi d’un homme qui exprime sa façon de penser avec une rude franchise, qui ne garde pas de ménagement pour les opinions des autres, et qui trouve toute vérité bonne à dire : C’est un échappé de la Pentecôte. Autre allusion, aussi claire que la précédente, à la conduite des Apôtres qui, après avoir reçu le Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, allèrent en tous lieux pour y prêcher l’Évangile, opposé aux idées reçues alors, sans être arrêtés par la crainte des persécutions.