Dictionnaire des proverbes (Quitard)/mulet
mulet. — Garder le mulet.
Cette expression fut introduite dans le temps où les magistrats, les médecins, et autres graves personnages, montaient sur des mules ou des mulets pour aller à leurs affaires. Elle signifie, attendre avec ennui, avec impatience, comme fesaient les valets qui gardaient ces mules ou ces mulets dans la rue, lorsque les maitres étaient entrés dans quelque maison.
Têtu comme un mulet.
J.-J. Rousseau a dit : Têtu comme la mule d’Edom.
Il est difficile de faire quitter au mulet la route qu’il veut suivre, et plus difficile encore de le faire marcher dans la compagnie des chevaux, pour lesquels il a une aversion extrême. La résistance qu’il oppose s’accroît d’ordinaire sous les coups qu’il reçoit, et se change en une colère terrible : alors il se précipite sur l’imprudent qui a voulu le contraindre ; et malheur à celui-ci ! car, en pareil cas, ainsi que ledit un proverbe provençal : Il n’y a pas de mulet qui ne tue son conducteur.
On croyait autrefois que l’homme exposé à un si grand danger n’en pouvait être sauvé que par une protection céleste : c’est ce qu’attestent quelques ex voto qui représentent l’animal furieux près d’écraser son maître sous ses pieds. J’ai vu un de ces tableaux singuliers dans la chapelle de Sainte-Anne de la cathédrale d’Apt. — Cela prouve suffisamment sans doute que l’obstination du mulet méritait de passer en proverbe ; mais cela prouve aussi que l’obstination du muletier le méritait peut-être davantage.
Le duc de Vendôme disait plaisamment que, dans les marches des armées, il avait souvent examiné les querelles entre les mulets et les muletiers, et qu’à la honte de l’humanité, la raison était presque toujours du côté des mulets.