Dictionnaire des proverbes (Quitard)/ours

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ours. — C’est un ours mal léché.

On a cru longtemps, sur la foi d’Aristote et de Pline le Naturaliste, que les oursons naissaient informes, et que leur mère corrigeait ce défaut à force de les lécher ; ce qu’elle ne fait que pour les dégager des membranes dont ils sont enveloppés en naissant. C’est de cette opinion erronée qu’est venue cette expression métaphorique par laquelle on désigne un homme mal fait et grossier.

Il est de la nature de l’ours, il ne maigrit pas pour pâtir.

C’est ce qu’on dit d’une personne qui prend de l’embonpoint, quoiqu’elle mange peu et se donne beaucoup de peine. — L’ours, disent les naturalistes, peut passer plusieurs semaines sans prendre de la nourriture, car l’abondance de sa graisse lui fait supporter l’abstinence ; et, vers le commencement de l’hiver, il se recèle dans sa bauge, d’où il ne sort qu’au bout de quarante jours, presque aussi gros qu’il y était entré. De là cette expression proverbiale qui n’est pas nouvelle, puisque le troubadour Richard de Barbésieu a dit dans une de ses chansons, en parlant de l’état de dépérissement où l’avaient conduit les rigueurs de sa dame : Je ne suis pas de la nature de l’ours, qui engraisse à force de mal avoir.

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir mis par terre.

Il ne faut pas disposer d’une chose avant de la posséder ; il ne faut pas se flatter trop tôt d’un succès incertain. Proverbe pris d’un apologue d’Ésope très bien imité par la Fontaine. Philippe de Commines, dans ses Mémoires, a mis cet apologue dans la bouche de l’empereur Frédéric pour répondre aux ambassadeurs du roi de France, qui, au nom de leur souverain, l’engageaient à se saisir des terres que le duc de Bourgogne tenait de l’Empire.

Il faut le faire monter sur l’ours.

Ce dicton, qu’on applique à un homme qui a peur, à un poltron, est fondé sur une superstition dont Thiers a parlé dans son Traité des superstitions (liv. v, ch. 4). « Monter sur un ours, dit-il, et faire quelques tours dessus pour être préservé de la peur, est une chose qui se pratiquait autrefois en France, où les ours étaient plus communs qu’aujourd’hui. »