Dictionnaire des proverbes (Quitard)/pèlerin
pèlerin. — Je connais le pèlerin.
C’est probablement le fabliau de la Confession du renard qui a donné naissance à cette expression, où le mot pèlerin est pris dans le sens de rusé et matois. Ce renard, obligé par son confesseur d’aller chercher à Rome l’absolution de ses péchés, met une écharpe à son cou, prend le bourdon, et s’achemine vers la ville sainte, en compagnie d’un âne et d’un bélier, ses voisins, qu’il a décidés à le suivre, à force d’instances et en leur offrant la perspective d’une foule d’avantages attachés à cette pieuse pérégrination. Nos trois romipètes courent quelque temps par monts et par vaux, mais ils n’accomplissent pas leur mission ; car leur zèle se refroidit, et le mal du retour les gagne au milieu de diverses aventures fâcheuses qui leur arrivent. Cependant ils échappent à tous les dangers, grâce à l’adresse du renard, dont la conduite, en ces conjonctures, est un modèle achevé de finesse et de ruse.
Rouge au soir, blanc au matin,
C’est la journée du pèlerin.
Lorsque le ciel est rougi par le soleil couchant, on peut en conclure qu’il n’y a que des vapeurs légères qui se dissiperont au premier souffle de l’air, au lieu de se condenser pour se résoudre en pluie, comme font les nuages noirs, imperméables aux rayons lumineux ; de là ce proverbe emprunté de l’Évangile selon saint Mathieu (ch. xvi, ℣, 2) : Facto vespere dicitis : Serenum erit, rubicundum enim est cælum. — Vous dites le soir : Il fera beau demain, car le ciel est rouge.
Ce proverbe a été développé poétiquement par M. de Lamartine dans ces vers de sa cinquième harmonie :
On regarde descendre avec un œil d’amour,
Sous les monts, dans les mers, l’astre poudreux du jour,
Et, selon que son disque, en se noyant dans l’ombre,
Creuse une ornière d’or ou laisse un sillon sombre,
On sait si, dans le ciel, l’aurore de demain
Doit ramener un jour nébuleux ou serein.
Quelquefois on fait un changement au proverbe, en disant :
Rouge le soir, blanc le matin,
Ravit le cœur du pèlerin.
Et alors on rappelle en même temps une observation météorologique et un précepte d’hygiène, par une double allusion à la couleur du ciel et à la couleur du vin, qu’on recommande de boire blanc le matin et rouge le soir. Cette variante se trouve en ces termes dans le Vrai régime des bergers, par Jean de Brie (fo 27, verso) : Rouge vespre et blanc matin réjouissent le pèlerin.
Observons que le mot pèlerin désigne un homme en voyage ; ce qui prouve que le proverbe est d’une époque très ancienne, où le mot voyageur n’était pas encore connu.