Dictionnaire des proverbes (Quitard)/pot
pot. — Sourd comme un pot.
Le Duchat pense que cette expression est venue de ce qu’il n’y a point d’oreilles figurées sur les pots, comme il y en a sur les écuelles. — Je crois qu’elle est une variante mal entendue de cette autre expression plus ancienne : Sourd comme un toupin. Le mot toupin n’a point ici la signification de pot, mais celle de sabot, toupie. Sourd comme un toupin, ou comme un sabot, a beaucoup d’analogie avec dormir comme un sabot.
Beaumarchais disait : « Je suis sourd comme une urne sépulcrale, ce que les gens du peuple nomment sourd comme un pot ; mais un pot ne fut jamais sourd, au lieu qu’une urne sépulcrale, renfermant des restes chéris, reçoit bien des soupirs et des invocations perdues, auxquels elle ne répond point ; et c’est de là qu’a dû venir l’étymologie d’un grand mot que la populace ignorante a gâté. »
Tourner autour du pot.
User de circonlocutions oiseuses, au lieu de s’énoncer nettement, perdre le temps en vains préparatifs pour une affaire qui devrait être traitée sans retard. Cette expression est une métaphore prise de l’art du potier. Les Romains en avaient une très analogue qui se trouve dans ce vers d’Horace :
Nec circa vilem patulumque moraberis orbem.
Je veux enfin qu’au jour marqué pour le repos,
L’hôte laborieux des modestes hameaux,
Sur sa table moins humble ait, par ma bienfaisance,
Quelques-uns de ces mets réservés à l’aisance.
Les plaisants lui reprochèrent d’avoir tourné autour du pot.
C’est le pot de terre contre le pot de fer.
C’est un homme faible contre un homme fort ; c’est un homme sans appui qui doit échouer dans un démêlé avec un homme qui a de l’autorité et du crédit. — Ce proverbe est d’une grande antiquité, car il se trouve dans une fable d’Ésope et dans le passage suivant de l’Ecclésiastique (ch. xiii, ℣ 2 et 3) : Ditiori te ne socius fueris. Quid communicabit cacabus ad ollam ? quando enim se colliserint confringetur. « N’entre point en société avec un homme plus puissant que toi. Quelle union peut-il y avoir entre un pot de terre et un pot de fer ? s’ils viennent à se heurter l’un contre l’autre, le pot de terre sera brisé. »
Découvrir le pot aux roses.
La rose, dont le Tasse a dit d’une manière si charmante : Quanto si mostra men, tanto e più bella ; moins elle se montre, plus elle est belle, la rose était, dans l’antiquité, le symbole de la discrétion ; et la riante mythologie avait consacré cette idée, en racontant que l’Amour avait fait présent de la première rose qui parut sur la terre à Harpocrate, dieu du silence, pour l’engager à cacher les faiblesses de Vénus. De même que la rose a son bouton enveloppé de ses feuilles, on voulait que la bouche gardât la langue captive sous les lèvres[1]. Quand on fesait une confidence à quelqu’un, on ne manquait pas de lui offrir une rose, comme une recommandation expresse de respecter les secrets dont il devenait dépositaire. Cette fleur figurait surtout dans les festins : tressée en guirlandes destinées à couronner le front et la coupe des convives, ou placée par bouquets sous leurs yeux, elle servait à leur rappeler que les doux épanchements, nés de la liberté qui règne dans les banquets, doivent toujours être sacrés. Nos bons aïeux avaient adopté cet aimable usage, qu’ils rendaient plus significatif encore, en exposant sur la table un vase de roses sous un couvercle[2] ; et de là vint la locution : Découvrir le pot aux roses, c’est-à-dire les choses qu’on veut tenir cachées, et particulièrement les mystères de la galanterie.
Les Allemands, pour recommander de ne point trahir une confidence, se servent de la formule suivante : Ceci est dit sous la rose.
Cette formule est également familière aux Anglais, et voici comment elle a été expliquée dans l’Herbier de la Bible, par Newton (pag. 223, 224, édition de Londres, in-8o, 1587) : « Quand d’aimables et gais compagnons se réunissent pour faire bonne chère, ils conviennent qu’aucun des joyeux propos tenus pendant le repas ne sera divulgué, et la phrase qu’ils emploient pour garantie de leur convention, est que tous ces propos doivent être considérés comme tenus sous la rose, car ils ont coutume de suspendre une rose au dessus de la table, afin de rappeler à la compagnie l’obligation du secret. »
Peacham, dans son ouvrage intitulé : The Truth of our times ; la Vérité de notre temps (pag. 173, édit. de Londres, in-12, 1638), rapporte qu’en beaucoup d’endroits de l’Angleterre et des Pays-Bas, on voyait une rose peinte au beau milieu du plafond de la salle à manger.
On peut croire qu’un pareil usage ne fut pas inconnu aux anciens, si l’on en juge par ces quatre vers que Lloyd, dans son Dictionnaire, dit avoir été trouvés sur une dalle antique de marbre :
Est rosa flos Veneris, cujus quo furta laterent
Harpocrati matris dona dicavit Amor.
Inde rosam mensis hospes suspendit amicis,
Convivæ ut sub eâ dicta tacenda sciant,
« La rose est la fleur de Vénus. L’Amour en consacra l’offrande à Harpocrate, pour l’engager à cacher les voluptés furtives de sa mère, et de là est née la coutume de suspendre cette fleur au-dessus de la table hospitalière, afin que les convives sachent qu’il ne faut pas divulguer ce qui a été dit sous la rose. »
Les pots fêlés sont ceux qui durent le plus.
Les personnes maladives résistent ordinairement plus longtemps que les autres, parce qu’elles se ménagent. — C’est un proverbe grec qui était passé dans la langue latine en ces termes : Malum vas non frangitur.
- ↑ C’est ce que dit saint Grégoire de Nazianze, dans des vers grecs dont sir Thomas Brown a rapporté cette traduction latine.
Utque latet rota verna suo putamine clausa,
Sic os vincla ferat, validisque arctetur habenis,
Indicatque suis prolixa silentia labris. - ↑ Cet usage n’est pas entièrement tombé en désuétude. J’en ai été témoin dans la petite ville de Vabres, près de Saint-Affrique, département de l’Aveyron.