Dictionnaire des proverbes (Quitard)/terre

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terre. — Bonne terre, mauvais chemins.

Les chemins sont presque toujours mauvais dans les grasses terres. De là ce proverbe, dont le sens figuré est que la plupart des avantages sont mêlés de quelques inconvénients.

Qui terre a, guerre a.

Qui a du bien, est sujet à avoir des procès.

Il n’y a pas de terre sans voisin.

Avis aux ambitieux qui voudraient tout avoir, parce qu’ils croient n’avoir rien s’ils n’ont tout.

Ce proverbe se trouve dans l’Âne d’Or d’Apulée, liv. ix, où l’un des trois frères que le mauvais riche fait périr, pour s’emparer de leur champ, lui adresse, en expirant, ces paroles : Scias, licet privato suis possessionibus paupere, fines usque et usque proterminaveris, habiturum te tamen vicinum aliquem. Sache que tu as beau étendre les limites de tes terres, en dépouillant le pauvre de son héritage, il faudra toujours que tu aies quelque voisin.

On raconte que Louis XIV, pendant qu’il fesait agrandir le parc de Versailles, ayant vu un paysan qui, au lieu de travailler, restait appuyé contre un arbre, lui demanda à quoi il pensait, et en reçut cette réponse : Je pense, sire, que vous avez beau agrandir votre parc, vous aurez toujours des voisins. J.-B. Rousseau a rimé ainsi cette anecdote dans une ode adressée au comte de Sinzindorf (Ode 7, liv. iii) :

Écoutez la leçon d’un Socrate sauvage
Faite au plus puissant de nos rois.
Pour la troisième fois du superbe Versailles
Il fesait agrandir le parc délicieux.
Un peuple harassé de ses vastes murailles
Creusait le contour spacieux.
Un seul, contre un vieux chêne appuyé, sans mot dire,
Semblait à ce travail ne prendre aucune part.
À quoi rêves-tu donc, dit le prince ? — Hélas ! sire,
Répond le champêtre vieillard,
Pardonnez ; je songeais que de votre héritage
Vous avez beau vouloir élargir les confins :
Quand vous l’agrandiriez trente fois davantage,
Vous aurez toujours des voisins.

Tant vaut l’homme, tant vaut la terre.

C’est l’industrie, l’intelligence du propriétaire qui fait valoir plus ou moins la propriété ; c’est en proportion de sa capacité personnelle, que chacun réussit dans son état.