Dictionnaire des proverbes (Quitard)/turlupin

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turlupin. — Enfant de Turlupin, malheureux de nature.

On a dit aussi : Malheureux comme Turlupin. Ces expressions proverbiales, qui ne sont presque plus usitées aujourd’hui, rappellent la société des pauvres, ou secte des turlupins, espèce de cyniques qui fesaient profession d’impudence, se promenaient tout nus dans les rues, et avaient commerce avec les femmes publiquement : Cynicorum sectam suscitantes de nuditate pudendorum et de publico coïtu, dit la chronologie de Genebrard. Le chef de ces hérétiques, qui existaient sous le règne de Charles V, fut brûlé vif, par ordre de ce prince, avec plusieurs d’entre eux, et tous leurs livres et meubles, dans un grand feu allumé au marché aux Pourceaux de Paris, hors la porte Saint-Honoré.

On assigne diverses étymologies à leur nom. Les uns disent qu’il est composé de tire, pour ressemble, et lupins, petits loups, parce qu’ils habitaient les bois comme les loups, quod ea tantum habitarent loca quæ lupis exposita erant. Les autres disent de lubins, parce qu’ils ressemblaient aux frères lubins, moines mendiants. « Rabelais, dit Le Duchat, a écrit tirelupins pour turlupins, parce qu’il semblait qu’ils vécussent de lupins tirés par-ci, par-là. Dans le vie volume de Perceforest, il est parlé de turpellins et turpellines comme d’une secte, ce qui fait que je ne doute pas que ce ne soit celle des turlupins, ainsi appelée par inversion de turpellins, fait de turpis, à cause du scandale que donnait leur vie débordée. »

C’est un turlupin.

C’est-à-dire un farceur, un mauvais plaisant. Ce nom reçut cette acception parce qu’il fut pris par un acteur fameux, dont le vrai nom était Legrand, qui, sous le règne de Louis XIII, fesait beaucoup rire les Parisiens avec ses deux associés, Gautier-Garguille et Gros-Cuillaume. On appela turlupinades les scènes qu’il composait et jouait, et l’on dit turlupiner, pour signifier faire comme Turlupin. Ces mots sont restés dans la langue, où ils signifient des plaisanteries fondées sur de mauvais jeux de mots, et l’action de faire de telles plaisanteries.